CHAPITRE 26
Si un outil, un objet ou une babiole magique ne pouvait pas être trouvé au Manoir Malfoy, il n'existait probablement pas du tout. Entre autres pièces stupéfiantes, Lucius possédait aussi une collection de retourneurs de temps. Cet instrument utile était une invention plutôt récente, les premiers retourneurs de temps---très peu fiables et inexacts---étaient apparus dans le début des années cinquante. Ils avaient rapidement été améliorés, si bien que maintenant, plus de vingt-cinq années plus tard, ils pouvaient être utilisés sans aucun danger que l'utilisateur soit désartibulé, soit projeté en des endroits completément différents, et autres incidents, dont il y avait eu un grand nombre. Bien sûr les retourneurs de temps étaient enregistrés et sujets à des directives très strictes, mais les Malfoys n'auraient pas été les Malfoys, s'ils n'avaient pas possédé neuf spécimens dont le Ministère ignorait complètement l'existence. Le modèle le plus récent avait déjà été acquis par Lucius lui- même, après la mort de son père, et avait seulement quelques mois. Il l'avait prêté à Severus, qui avait pensé qu'il valait mieux prendre cette mesure auxiliaire de sûreté pour communiquer avec Dumbledore.
Il était sept heures du matin, une obscurité de février sombre et pluvieuse apparaissait tout juste sur l'horizon, quand Severus se tint devant sa cheminée et, après une brève hésitation---c'était la première fois qu'il utilisait la connexion par cheminette---lança un peu de poudre de Cheminette dans les flammes et appela le nom du Directeur.
Après quelques secondes, la tête de Dumbledore, parée d'un bonnet de nuit, dont Severus refusa d'examiner de plus près le motif décoratif, apparut parmi les flammes. "Severus! Quelque chose est-il arrivé?"
"Non, Directeur. Nul besoin de s'inquiéter. Dites-moi, que faisiez-vous il y a deux heures?"
Dumbledore leva ses sourcils, mais alors il comprit. "Oh, je vois. Sécurité supplémentaire " Severus hocha la tête. "J'étais endormi et seul. Venez simplement me réveiller. "
La connexion fut rompue, et Severus tripota nerveusement le retourneur de temps. C'était la toute première fois qu'il en utilisait un, et il ne se sentait pas trop à l'aise avec cette pensée. Mais il n'avait vraiment pas le choix: ce dont il avait besoin de discuter avec Dumbledore prendrait trop de temps pour utiliser le système de Cheminette. Quelqu'un d'autre pourrait essayer d'appeler, trouverait la connexion occupée, et deviendrait curieux. Un risque beaucoup trop grand. Alors il inspira à fond et fit deux tours dans le sens inverse des aiguilles d'une montre, se trouva enveloppé par une obscurité complète, alluma le feu et voyagea jusqu'aux appartements de Dumbledore. Il avait à moitié prévu que le Directeur habite près de son bureau, mais un coup d'oeil par la fenêtre et vers les terres de Poudlard lui dit qu'il s'était mépris. Pas qu'il y ait beaucoup à voir, car l'obscurité était presque impénétrable, mais les contours plein d'ombres des cimes d'arbres au loin rendaient clair le fait que cette salle devait être située au sommet de la plus haute tour de Poudlard. Il se détourna de la fenêtre et s'avança vers le lit d'où il pouvait entendre venir le son d'une réspiration profonde, et régulière.
Voir Dumbledore endormi était. troublant. Le pouvoir de ces yeux bleus avait été écrasant la dernière fois qu'ils s'étaient rencontrés. Mais maintenant ils étaient fermés, et le puissant sorcier, peut-être plus puissant que même Voldemort, était seulement un vieil homme, faible et, d'une manière ou d'une autre, petit dans ce grand lit, parmi tous les coussins. Il devait être très décharné---le jour, ceci était caché par les riches plis de ses robes. Maintenant cependant, le duvet qui le couvrait bombait à peine au-dessus de son corps. Peau, os et une longue barbe blanche, voilà ce qu'était vraiment Dumbledore. Bien sûr, le pouvoir était là, mais il sommeillait, dormait comme le corps qui l'abritait.
Un moment, Severus se tint debout là et regarda, fasciné et déchiré. Comme ce serait facile. Il devait seulement tirer sa baguette, marmonner six syllabes mortelles, et le vieil homme ne serait plus. Si facile. et pourtant si difficile. Il s'avoua que la pensée était séduisante: s'il tuait Dumbledore maintenant, il rendrait à Voldemort un service inappréciable. Sans le Directeur de Poudlard, la résistance pourrait être comptée comme nulle, négligée et réduite en mille morceaux en un rien de temps. Voldemort ferait probablement de lui son prince héritier, son plus fidèle. exactement. Serviteur. Chien de manchon. Chéri pour ses mérites mais soupçonné pour les mêmes mérites. Car il pourrait faire facilement à Voldemort ce qu'il avait fait à Dumbledore---si une personne était capable d'abuser d'une confiance absolue une fois, pourquoi ne devrait-il pas le faire une deuxième fois? Ce serait comme cela que Voldemort raisonnerait, et, pour dire la vérité, Severus n'était pas si sûr que ce soit entièrement faux. Vous ne franchissiez pas certaines limites tout en restant indemne. De telles choses laissaient leurs traces; les inhibitions que vous aviez surmontées une fois ne pourraient pas être dé-surmontées. Il n'y avait aucun moyen de renverser un tel procédé. Toute réflexion faite, il pourrait devenir quelque genre de monstre s'il lançait le sortilège de Mort sur un sorcier endormi, violant le respect que la vulnérabilité d'un être humain endormi inspirait forcément.
Sa voix était enrouée d'émotion quand il appela le nom de Dumbledore. Comme la plupart des vieilles personnes, le Directeur semblait dormir seulement d'un sommeil très léger, car il fut immédiatement bien réveillé. "Severus! Qu'est-ce qui vous amène ici?"
"Plusieurs questions. Désolé de devoir déranger votre sommeil, mais vous m'avez dit. vous me direz. eh bien, quoi que ce soit. J'utilise un retourneur de temps. "
"Vos difficultés à choisir le temps exact suggéraient cela. Que puis-je faire pour vous?"
"Premièrement, j'ai besoin que vous me rendiez un service. Je devrais utiliser la bibliothèque de l'école, mais je ne peux pas le faire par moi- même. Alors je voulais vous demander de chercher quelque chose pour moi. "
"Bien sûr. Que voulez-vous savoir?"
"Je dois apprendre autant de connaissances que possible au sujet des conjonctions planétaires. Pas ce que les Moldus comprennent par le terme, bien sûr. Je ne suis pas un as en astronomie, et ni Lucius ni Owen ne le sont. Ce qui m'intéresse le plus est l'effet des conjonctions magiques sur les individus magiques, et si l'effet augmente avec les expositions répétées. "
Dumbledore hocha lentement la tête, faisant faire au pompon pendillant au bout de son bonnet de nuit une sarabande ivre. "Très bien. Je suppose que vous ne voulez pas que je pose la question au professeur Sinistra -"
"Non. Ceci doit rester strictement entre nous. Bien qu'il soit peu probable qu'elle soit trop curieuse; mais vous comprendrez que je ne peux pas prendre de risques, même le plus infinitésimal. "
"Bien sûr. Serait-il d'une quelconque utilité de vous demander pourquoi vous avez besoin de cette information particulière?"
Severus secoua la tête. "Non. Du moins pas pour l'instant. Que je vous le dise où non dépend partiellement de ce que vous découvrirez, et partiellement des progrès de mon propre travail. Si la nécessité s'en faisait sentir, je n'hésiterai pas à révéler le problème. "
Les yeux bleus soutinrent son regard un moment. "Je n'ai aucun doute que vous puissiez évaluer la situation correctement, Severus. Mais s'il vous plaît souvenez-vous que je veux vous aider, comme vous êtes prêt à m'aider. Nous sommes dans cette situation ensemble. J'espère que vous en êtes conscient. "
"Je le suis, Directeur. Autant que je puisse en juger, il n'y a pas de risque imminent. Combien de temps cela vous prendra-t-il pour vous procurer les textes?"
Dumbledore remua la tête. "Un jour, je pense. Peut-être deux. Si vous revenez après-demain, à la même heure, vous les trouverez sur ma table de nuit. Je devrai, bien sûr, les copier. nous ne voulons pas que M. Phorme ait des soupçons, n'est-ce pas?"
"Certainement pas," répondit-il avec un sourire tordu, se souvenant de la passion compulsive et obsessionnelle que Formel avait pour les livres qu'il considérait clairement comme les siens.
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Severus était un lecteur avide et passionné, mais jamais auparavant dans sa vie il n'avait dévoré de telles quantités à une telle vitesse. Dumbledore avait tenu sa promesse et laissé une quantité étonnante de parchemins sur sa table de nuit. Ils contenaient des informations très utiles, d'autant plus que les spéculations précédentes de Lucius étaient confirmées.
Mais ceci n'était pas le seul sentier que Severus devait suivre. Il devait résoudre la question également importante du contre-poison au sang de loup- garou. Comme ils s'étaient mis d'accord, Lucius avait pris son ton le plus morveusement aristocratique à la fin de la réunion de la veille au soir et lui avait pratiquement ordonné de 'faire quelque chose d'utile pour une fois' en l'aidant à passer au peigne fin la bibliothèque énorme des Malfoys pour trouver les textes de Métamorphose dont il avait besoin pour sa thèse.
"Tu as une femme," répondit Severus avec passion, "Pourquoi n'essayes-tu pas tes façons de Simon Legree avec elle? J'ai des choses plus importantes à faire que de compenser tes insuffisantes techniques d'érudition!"
"Ma femme," dit Lucius d'une voix traînante, "a sa place dans la chambre à coucher et au salon. La bibliothèque n'est pas un endroit où je veux la voir. Et je suis sûr que notre Maître n'apprécierait pas que je ne puisse pas finir mes études à temps, seulement parce que tu es trop têtu ou trop paresseux pour faire quelque travail subalterne. " Ces dernier mots furent prononcés avec un coup d'oeil de côté vers Lestrange qui cherchait son approbation.
"En effet," acquiesça Lestrange, avalant immédiatement l'appât, "Cela serait très importun. Severus, je suis sûr que tu vois la nécessité de rendre ce service à Lucius "
"Bien sûr," dit Severus, aussi aigrement qu'il le pouvait.
Après ce bref échange, Lestrange avait demandé à Lucius de rester tandis que les autres étaient congédiés. Comme ils l'avaient prévu, il avait une fois de plus bien fait comprendre à Malfoy le caractère indispensable de surveiller de près Severus et Owen. Lucius, avec son effronterie habituelle, l'avait assuré que surveiller Severus était le seul but de l'avoir enrôlé dans ce travail de recherche. Ce qui avait bien sûr, l'effet secondaire très bienvenu de garder sa réputation académique irréprochable.
Cela avait été une excellente manoeuvre, gâtée seulement par le fait qu'elle ne donnait pas trop de temps à Severus. Après tout, il était improbable que lire quelques textes de Métamorphose prenne plus qu'une semaine. Heureusement, la collection de Dioscuride Malefoi n'avait pas été dispersée dans toute la bibliothèque mais occupait une seule étagère. Elle consistait en cent trente trois volumes, bien que 'volumes' ne soit pas le terme exact pour décrire ces richesses: ils étaient seulement partiellement consistués de livres. Ce qui était infiniment plus intéressant que les volumes---le plus ancien d'entre eux remontait au début du Moyen Age, en des temps où la magie avait déjà été relativement apprivoisée grâce à beaucoup de règlements imposés, par crainte de découverte et de persécution- --étaient des papyri grecs et romain, encore rangés en sécurité dans leurs boites à parchemins violettes ou jaunes. Plus vieux encore, mais aussi moins nombreux, des papyri égyptiens et---à la surprise estomaquée de Severus ---plusieurs tablettes d'argile couvertes de caractères anguleux de l'écriture cunéiforme babylonienne ou sumérienne. Sa joie était seulement légèrement atténuée par son manque total de connaissances des écritures des hiéroglyphes et des écritures cunéiformes. La fascination de cette gemme entre les collections surmontait de beaucoup son exaspération à être obligé de déchiffrer les textes.
Il parcourut les livres plutôt rapidement---il y avait seulement très peu d'informations qui pourraient se révéler utile, surtout en le menant à d'autres sources, plus anciennes. Les tomes appartenaient clairement à un domaine de magie qui serait étiquetée comme Sombre sans hésitation de nos jours, mais à l'époque où ils avaient été écrits, la connaissance qu'ils contenaient avait été secrète mais pas interdite. Dupliquer des passages importants était donc facile. Les papyri grecs et romains, soigneusement protégés contre le temps et le pourrissement par de nombreux sortilèges, se révélèrent être un peu plus difficiles. La magie n'avait pas toujours été hautement estimée dans l'Antiquité, et ainsi une partie des rouleaux était protégée par des charmes et des malédictions plutôt vicieux. Avec Lucius, il put tous les rompre et transfèrer les textes sur parchemin par un simple sortilège de Duplicatio. Les égyptiens de l'antiquité, Severus devait l'admettre---et Lucius acquiesça à contrecoeur---avaient été des génies en matière de sortilèges repoussants. Peu étonnant que les rompeurs de sortilèges de Gringott soient presque payés leur poids en or; leur travail n'était certainement pas un travail facile. Ils avaient de la chance, cependant, car il n'y avait que cinq textes Egyptiens, et ils réussirent à neutraliser les malédictions, qui se lançaient sur eux sous toute forme imaginable, en moins de deux jours. Mais pas pour les tablettes. Quelle que soit la magie qui les enveloppait, elle n'avait pas l'intention de cèder à deux sorciers du vingtième siècle âgés de vingt ans. Les hiéroglyphes avaient permis la copie mais résistaient aux sortilèges de traduction. Les tablettes ne permettaient ni reproduction ni traduction. Et Severus avait un fort soupçon qu'elles puissent être encodées.
Les deux sorciers étaient assis dans la bibliothèque, leurs forces drainées par la concentration continue, essayant se restaurer par un thé opulent. Narcissa les avait rejoints, et Severus et son mari racontaient tour à tour les aventures du jour avec les capricieux trésors babyloniens.
"Et le taureau?" dit Lucius, s'emparant de son cinquième sandwich, "Le taureau était l'un des monstres les plus impressionnants que j'aie jamais vus de ma vie "
Narcissa leva un sourcil et sourit. "Un taureau? Qu'est-ce qui serait si effrayant à cela?"
Severus brandit sa cuillère. "Pas simplement n'importe quel taureau! Cette maudite bête avait cinq pattes, des ailes et une tête humaine!"
"Oh," dit Narcissa, n'ayant pas du tout l'air impressionnée, "Oui, c'est assyrien. N'avez-vous pas fait attention pendant vos cours d'Histoire de la Magie?"
"Euh." dit Lucius, souriant coupablement.
"Eh bien." dit Severus, bougeant un peu sur sa chaise.
Narcissa rit. "Comme c'est adorablement et typiquement mâle de votre part! Pour vous les garçons, tout est au sujet d'agiter sa baguette et de lancer des sorts. Les formes les plus subtiles de la connaissance ne vous intéressent pas le moins du monde . "
"Ce n'est pas vrai," protesta Severus, "Les Potions sont un art très subtil- "
"Bien sûr," dit-elle, lui souriant. "Je suis complètement d'accord. Cependant, quelque connaissance historique ne pourrait pas faire de mal, messieurs, parce que cela pourrait peut-être vous dire quelque chose sur ces textes "
Le mélange d'admiration et de frustration sur le visage de Lucius faisait une expression très drôle, pensa Severus. Mais ce que Narcissa leur avait dit était plus que seulement un peu intéressant. Il décida que sa force profiterait d'un autre sandwich, le saisit des doigts de Lucius--- maintenant son expression était sans aucun doute plus frustrée---et dit, "Continue, Narcissa, partage ta sagesse "
"Un instant," dit-elle, "D'abord je dois commander plus de sandwichs ou Lucius va te tuer. " Elle sonna la cloche d'argent qui était posée sur le manteau de la cheminée et dit à l'elfe qui avait instantanément apparu d'apporter un nouveau service de thé. "Pour quatre," dit-elle, avec un regard de côté à Lucius, qui se regarda de haut en bas, fit un geste vers son devant completément plat et haussa les épaules. Les assiettes, les tasses et les couverts utilisés disparurent de la table pour être remplacés, seulement quelques secondes plus tard, par un autre thé somptueux, cette fois avec un gâteau à thé.
"Avec-" commença Lucius.
"Oui, avec des pépites de chocolat," dit Narcissa, faisant un clin d'oeil à Severus. "Je connais tes besoins fondamentaux. Pour retourner à des questions plus urgentes, si non plus importantes-" Lucius renifla "-parlons du taureau ailé. C'est, comme je l'ai dit, assyrien, et les assyriens étaient grands et puissants, même si seulement un temps relativement court. C'était essentiellement un peuple de sorciers, et le plus puissant d'entre eux devenait le roi. Il semble que leurs pouvoirs magiques surpassaient de beaucoup nos faibles capacités " Elle prit une petite gorgée délicate de thé.
"Mmmh, oui," dit Severus, "Mais quand exactement a été leur ère de pouvoir?"
"Du neuvième au septième siècle av JC., plus ou moins. Plutôt récent, relativement parlant. Cependant, en ces temps là, l'écriture cunéiforme n'était plus exclusivement utilisée pour les dialectes assyriens et babyloniens. Presque tout le monde l'utilisait-les persans, les hittites et beaucoup d'autres "
"Es-tu en train de suggérer,"demanda Lucius, les sourcils froncés de concentration, "que la langue dans laquelle ces tablettes sont écrites n'est pas obligatoirement du babylonien?"
"Exactement. Ce pourrait être n'importe quoi, n'importe quel idiome parlé à ce moment-là au Proche Orient. D'autant plus si comme je le présume le texte est codé. L'usage d'une autre langue aurait fourni une sécurité supplémentaire -Quelque chose ne va pas, Severus?" demanda-t-elle, le regardant avec inquiétude.
"N non. Ca va. Je viens d'avoir l'idée la plus insensée. Pourraient-ils aussi avoir utilisé de l'hébreu?"
"Mmh." Narcissa remua la tête. "Bien sûr, ils auraient pu, parce que le principe est le même. Toutes les langues sémites sont basées sur des consonnes.Alors ce serait possible, avec des légers changements. Pourquoi poses-tu la question?"
"Je ne peux pas encore vous le dire," dit Severus, sentant soudain qu'il manquait d'air. "Je. je dois d'abord éclaircir mes pensées, puis je devrai appeler Barty. Si ceci est un coup d'éclat et pas de folie, j'ai besoin qu'il me procure quelques informations. "
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"Es-tu sûr qu'il est ici?" marmonna Lucius, frissonnant et tirant son manteau plus fermement autour de lui. "Si ce n'est pas le cas, je vais te jeter un mauvais sort pour m'avoir amené dans cet enfer glacial. Totegan, de tous endroits possibles! Qui diable voudrait habiter ici?"
"Si elle est moitié aussi folle que son défunt frère, c'est exactement la personne qui choisirait un tel emplacement," répondit Severus en chuchotant. "Et il doit être ici---elle est son seul parent en vie, si on peut dire cela à cent ans. Son frère est mort dans la guerre contre Grindelwald et n'a pas laissé d'enfant. Elle est sa seule héritière, Barty me l'a dit. "
"Et si elle l'a vendu?"
Severus lança ses mains vers le haut d'exaspération. "Et si! Et si! Je ne sais pas et si! Maintenant ferme la et attendons d'être à l'intérieur. "
La maison de Catherine McLachlan était un grand bâtiment carré de pierre, de granit aussi gris que le ciel et la mer ici, au plus loin au nord de l'Ecosse. A environ un kilomètre et demi du village de Totegan, vers le nord, le bâtiment planait en apparence loin au-dessus de l'eau, sur une falaise minée par les vagues pendant des douzaines de siècles. Dans d'autres circonstances, Severus pourrait avoir trouvé cela pittoresque; maintenant son imagination était fixée sur la possibilité désagréable d'être ensorcelé par une des fenêtres de derrière.
Apparemment, Lucius pensait la même chose, car il frissonna et dit, "Pas le meilleur temps pour prendre un bain, n'est-ce pas?"
"Ce pourrait être pire," répliqua Severus, claquant des dents.
"Oh, vraiment?"
"Oui, il pourrait y avoir des requins "
Ils rirent silencieusement quelque temps, puis Lucius poussa Severus du coude dans les côtes. "Regarde! La lumière est éteinte! Finalement---je pensais que la vieille chèvre n'irait jamais se coucher. "
"Mmh. combien de temps lui accordons nous? Une heure?"
Lucius grogna mais hocha la tête. "Typique d'Owen," dit-il, "je parie qu'il nous aurait accompagnés si la vieille dame habitait la Côte D'azur. "
"Ou si elle était jeune. Mais même Owen n'irait pas jusqu'à baiser une vieille de cent ans."
"Continue à rêver," répondit Lucius, souriant.
"Tu plaisantes! Il n'a pas-"
"Bien sûr que si. Et je pense qu'elle était un peu plus vieille que cela. A presque gâché ma vie sexuelle."
"Je peux imaginer," dit Severus avec compassion.
L'heure passa étonnamment vite, probablement parce qu'ils étaient tous les deux si occupés à frissonner. Mais il était trop risqué d'utiliser des sortilèges de chauffage---le moins de magie ils faisaient, mieux c'était. En plus, ils ne portaient pas leur habit de Mangemort, qui aurait fourni une protection excellente contre la chaleur et le froid. Au cas où n'importe quoi aille de travers, la dernière chose dont ils avaient besoin était d'être attrapés en robes de Mangemorts. Il serait plus facile de mentir pour se sortir de tels ennuis s'ils étaient considérés comme de simples cambrioleurs, bien que cette pensée ait plus d'une fois fait grincer des dents à Lucius. Un Malfoy pouvait être un meurtrier, mais jamais un cambrioleur.
Enfin, tous deux tirèrent leurs baguettes, se firent à chacun un signe de tête d'accord et s'avancèrent rapidement vers la maison. Comme Severus l'avait prédit, il n'y avait pas de sortilèges de protection. Tel frère, telle soeur. Autant d'ennuis en moins pour eux. Quand Lucius se prépara à lancer un sortilège d'ouverture sur la porte d'entrée, Severus retint son bras de baguette.
"Attends," chuchota-t-il et il essaya la poignée. Du coin de l'oeil, il vit la mâchoire de Lucius tomber. "Je t'avais dit qu'ils étaient fous," chuchota-t-il, puis il entra. Même s'il y avait eu des fenêtres dans le couloir d'entrée, la salle n'aurait pas été convenablement éclairée, car l'obscurité dehors était complètement impénétrable. La nature avait favorisé leur expédition, fournissant une nuit noire et nuageuse sans lune ni étoiles.
Lucius alluma sa baguette. "Barty a-t-il dit quelque chose au sujet d'animaux familiers?" chuchota-t-il.
"Non! Même le Ministère n'est pas omniscient, n'est-ce pas?"
Lucius renifla légèrement et exécuta un sortilège de Animaviva. La pointe de sa baguette se leva, indiquant l'étage supérieur, et resta dans cette position, sans bouger. "Merveilleux!" marmonna-t-il, "Alors il n'y a que la vieille femme. Devons-nous nous séparer?"
"Non, je ne pense pas. Fouillons pièce par pièce, mais ensemble "
Le rez-de-chaussée ne donna aucun résultat---peu surprenant, car il contenait seulement une très grande cuisine, un cellier, un salon et une salle à manger qui ne contenaient aucun objet intéressant que ce soit, et un débarras. Catherine McLachlan était alchimiste, après tout, et toujours très active. Haussant les épaules de frustration, ils montèrent les escaliers. Comme au bon vieux temps, Severus jeta Sensaccrus et un Sortilège d'Invisibilité sur eux deux, si bien qu'ils pouvaient entendre la respiration de la vieille sorcière et à l'occasion un ronflement, venant de la chambre à coucher. Ils iraient là-bas en dernier, et seulement s'ils le devaient absolument. Le meurtre n'était pas au programme d'aujourd'hui.
Une étude-et-bibliothèque, de laquelle Lucius dut traîner son complice de crime pour le faire sortir. Un autre salon, à l'évidence réservé au strict usage privé du propriétaire. Salle de bains. Garde-robe. Finalement, la chambre à coucher. Mais ils n'avaient pas encore trouvé qu'ils cherchaient. Après avoir inspecté la chambre à coucher, les deux sorciers se retirèrent sur le palier pour se consulter.
"Peut-être qu'elle l'a fait rétrécir et l'a caché quelque part," proposa Severus.
"Peut-être qu'elle l'a vendu," grogna Lucius. "Bien que je suppose qu'il y a un grenier, étant donnée l'inclinaison du toit "
Severus considéra ceci. "Oui, tu as probablement raison. Mais je n'ai pas vu d'escalier menant là-haut "
Lucius grogna. "Et si nous Transplanions?"
"Et s'il y avait des sortilèges de protection? Si elle garde les choses vraiment importantes, et qui ont de la valeur, là-haut, il est extrêmement probable que ce soit protégé "
Lucius frappa sa paume gauche de son poing droit. "Merde! Pourrions-nous essayer Accio? Je ne suis pas certain que cela marche à travers des protections "
"Bonne idée. Mais je suggère que nous le fassions de dehors, pour pouvoir Transplaner immédiatement, au cas où elle le remarque "
Lucius hocha la tête et ils redescendirent furtivement les escaliers et sortirent de la maison. Le vent rugissant les rendit presque sourds, et Severus enleva rapidement le sortilège de Sensaccrus. Pour le moment, il était cependant préférable de rester invisible.
"O.K.,"chuchota Severus, "je vais essayer. Si cela marche, nous Transplanons immédiatement, chacun chez soi "
Une fois plus reconnaisant pour son excellente mémoire visuelle, Severus se concentra sur l'objet de son désir jusqu'à ce qu'il se tienne clairement devant l'oeil de son esprit, ferma les yeux et dit " Accio tapis de McLachlan!"
Si les instincts de Poursuiveur de Lucius n'avaient pas pris le dessus, ils auraient probablement perdu le petit objet qui arriva à toute vitesse en volant vers eux à travers l'obscurité. Mais des années à attraper des Souaffles qui l'approchaient de toute direction possible avaient aiguisé les capacités de Lucius, et donc il le captura et le tendit à Severus.
"Je t'avais bien dit qu'elle l'avait fait rétrécir," dit-il , sa voix vibrant de satisfaction.
"J'avais dit cela, mais tant pis. Bonne prise, Malfoy. Allons y maintenant. Je t'appellerai demain, pour te dire si cela a marché "
Avec un dernier sourire échangé, ils Transplanèrent tous les deux.
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Cela avait été un coup de génie fou, ou de folie brillante---à bien y penser , cela revenait plus ou moins au même. Quand Narcissa avait expliqué que l'écriture des Assyriens et l'écriture cunéiformes étaient utilisées pour plus d'une langue, quelques morceaux s'étaient mis en place dans l'esprit de Severus. C'était comme cela que cela avait toujours marché, et il était content de voir que cela marchait toujours de la même façon. Dans les livres médiévaux qu'il avait lus, et aussi dans les papyri romains, il y avait eu plusieurs allusions aux sources Hébraïques perdues, textes de magie puissante et impénétrable. Ceci n'avait pas été une surprise, parce que les loups-garous étaient presque aussi vieux que l'humanité, et la lycanthropie avait toujours été une question. Pas nécessairement un problème--- certaines cultures avaient traité ces créatures, qui étaient, après tout, en partie humain et en partie animal sauvage, avec un plus grand respect que les gens le faisaient de nos jours. Cependant, la crainte avait toujours été là. Pour les Hébreux, les loups-garous avaient toujours été des semi-hommes impurs, et les rejeter, ou les tuer n'avait nullement été considéré comme un crime ou une lâcheté. Quelques uns d'entre eux--- parce que dans ces temps depuis longtemps oubliés les Hébreux étaient encore divisés en tribus rivales, se combattant l'une l'autre---avaient même essayé de se débarasser d'eux entièrement; considérant qu'ils étaient nomades et ne pouvaient pas se permettre de rester au même endroit très longtemps, ils se donnaient rarement la peine de préparer des potions compliquées. Ils cherchaient une seule substance pure qui pourrait les débarasser, une fois pour toutes, des créatures ennuyeuses.
Des textes médiévaux, il avait transpiré qu'une telle substance avait en effet été détectée. Seulement la connaissance avait été dispersée dans le temps et l'espace, si bien qu'il n'y en avait plus qu'une faible trace dans la mémoire collective magique. Quand Severus avait vu les tablettes, il avait déjà soupçonné qu'il pourrait avoir trouvé une mine d'or. Mais quand Narcissa avait insinué la possibilité que ces textes soient écrit dans une autre langue que l'assyrien, il en avait été sûr. Et puis il y avait, bien sûr, le problème du fait qu'ils étaient probablement encodés. Cela lui avait rappelé quelque chose, de très loin, mais soudain le souvenir avait refait surface. Son premier jour en tant qu'apprenti de McLachlan. Son étonnement devant la Salle de l'Encyclopédie. Le tapis. le tapis Kabbalistique. Sur lequel les lettres se déplaçaient constamment, formant des permutations, des variations et des anagrammes. Le tapis qui avait appartenu à Abraham Abulafia. Sorcier et rabbi, kabbaliste et scientifique.
C'était une idée née d'un pur délire, mais peut-être que, seulement peut- être que, la tapis pourrait décoder les textes écrits sur ces tablettes. Vrai, McLachlan lui avait dit que, pour faire marcher le tapis, il aurait besoin de la baguette de Abulafia. Mais d'autre part, ces textes étaient puissamment magiques en eux-mêmes. Cela valait un essai.
Quand Severus rentra chez lui après leur aventure de vol-par-effraction, il monta immédiatement en courant dans son laboratoire. Les tablettes---- Lucius avait consenti avec réticence à les donner à Severus tout le temps qu'il faudrait pour les déchiffrer----étaient rangées en sûreté dans un placard. Il était tard et il était mort de fatigue, mais il devait simplement essayer. Seulement une fois, probablement que le résultat allait quand même être nul. Il réagrandit soigneusement l'objet jusqu'à ce qu'il regagne sa taille originelle d'à peu près un mètre cinquante sur quatrevingt-dix centimètres, et le mit sur un des plans de travail. Puis il sortit une des tablettes de sa cachette et, baguette prête dans sa main droite, la posa lentement au milieu du tapis avec sa main gauche.
Il espérait seulement que ses voisins soient profondément endormis. Car, avec un hurlement puissant qui secoua la maison jusqu'à ses fondations, le taureau ailé à cinq pattes apparut à nouveau, portant sa tête humaine avec un dédain fier. Plus secoué que sa maison, Severus dirigea la pointe de sa baguette vers la créature, préparé à lancer un contre-sort au cas où il chargerait dans sa direction. Mais le taureau ne chargea pas. Il se cabra, rugit et battit des ailes, pendant que la danse des lettres sur le tapis s'accélérait jusqu'à devenir une simple tâche floue, dans laquelle il était impossible de reconnaître quoi que ce soit. La bête baissa la tête et essaya d'avancer mais elle semblait être enchaînée sur place par un pouvoir plus grand que le sien. Bouche bée et haletant comme après une longue course, Severus observa le combat, attendant en retenant sa respiration de voir qui allait gagner, craignant que ce puisse être le taureau, imaginant sa rage avec des mains tremblantes qui laissèrent presque échapper la baguette.
Severus n'avait aucune idée de la durée de cette lutte surnaturelle; mais finalement ce fut le taureau qui s'écroula en une défaite écumante, reposant sa tête humaine sur ses pattes de devant, ses grandes ailes non pas pliées mais écartées à sa droite et à sa gauche, comme celles d'un ange mort. Il regarda la danse des lettres avec des yeux fatigués, injectés de sang. Severus saisit sa gorge, soulagé et étourdi par le manque d'oxygène, car il avait retenu sa respiration sans le remarquer. Puis il remarqua que le tournoiement fou de lettres ralentissait, jusqu'à ce que ce ne soit plus qu'une légère oscillation. Il sentit un fort éclair d'énergie magique le parcourir, et pendant un court instant il y eut un lien frémissant entre lui et le tapis, sous forme d'un coin dont le bout étroit semblait sortir de---ou entrer dans ---son front. Très lentement, il se dissout, seulement pour former des lettres qui flottaient dans l'air; il était dans un tel état de ravissement rêveur qu'il ne reconnut même pas clairement si elles étaient hébraïques ou non. Mais il pouvait les lire et comprendre ce qu'elles disaient:
Le loup de la pleine lune, le démon, vient
Pour détruire le peuple d'Israël.
Mais dans sa compassion et sa pitié,
Celui Dont Le Nom Ne Doit Pas Etre Prononcé Par l'Homme
Fit grandir une plante sur la terre aride,
En des endroits où Sa force abonde
Où Il veut être adoré par Ses serviteurs.
Un cercle est là-bas, formé de lys blancs,
Et dans leur milieu le noir,
Puissant et Lui appartenant,
Mais doté des pouvoirs de Beelzebub,
Le Prince des Démons, le Diabolique.
La fleur noire ne vient à la vie qu'une fois dans l'année,
Dans la nuit où la lune est dans les griffes du diable
Après la nuit la plus courte.
Votre esprit doit être tendu vers Lui
Dont Le Nom Ne Doit Pas Etre Prononcé Par l'Homme
Quand vous coupez la fleur noire
Avec un nouveau couteau qui n'a pas encore vu
De sang d'animal ni de jus de plante
Ni l'eau de la source ou du puits.
Apportez avec vous une mesure d'huile dans un récipient d'argile,
Dans son bouchon grave les trois lettres
De Celui Dont Le Nom Ne Doit Pas Etre Prononcé Par l'Homme,
Les trois lettres qui tiennent
La Terre, le Ciel et l'Eau dans leur étreinte.
Mettez la fleur noire dans l'huile
Et fermez le récipient en L'invoquant.
Quand le loup de lune, le démon, vient
Pour détruire les enfants d'Israël,
Aspergez d'une seule goutte d'huile le corps du démon,
Et la bête hurlera et criera de douleur.
Quand le soleil se lève à nouveau,
Allez chercher son cadavre.
Ne le touchez pas, et ne regardez pas ses yeux,
Car ils sont mortels même dans la mort.
Attendez jusqu'à ce que le soleil soit monté à son plus haut point
Puis tournez lui votre dos et creusez un trou.
La longueur du trou sera de trois cent cubits,
Sa largeur de cinquante cubits, et sa hauteur de trente cubits.
Avec vos pelles, poussez la bête à son fond,
Et couvrez-la de terre
Puis laissez tomber quatre gouttes d'huile dessus,
Une où le soleil se tient haut
Une où le soleil se lève
Une où le soleil se couche
Et une où le soleil n'est jamais vu.
Immergez la pointe d'un baton ou d'une pierre
Dans l'huile et dessinez le signe de
Celui Dont Le Nom Ne Doit Pas Etre Prononcé Par l'Homme,
Les trois lettres qui tiennent
La Terre, le Ciel et l'Eau dans leur étreinte,
Sur la tombe du démon.
L'endroit sera marqué comme malpropre,
Et ne sera jamais foulé par le peuple d'Israël.
Quand il sentit qu'il avait appris les mots par coeur, ils se dissourent à nouveau, le taureau et le lien magique étincelèrent et s'éloignèrent dans le néant et laissèrent Severus épuisé, presque comme s'il s'était battu contre le protecteur mythique du texte magique. Il s'endormit dans son laboratoire.
~~~~*~~~~
Les montagnes d'Albanies étaient lugubres et désertes au début février. Toute couleur les avait quitté; on aurait dit qu'elles ne reviendraient jamais. Seulement des ombres subtiles de brun, de gris et de noir, presque des couleurs devant l'arrière-plan virginal de neige, comme si la nature, consciente de son extérieur ennuyeux, et honteuse de lui, avait offert à l'?il une multitude de différences insaisissables pour s'excuser auprès de l'oeil du spectateur. Le ciel était chargé et les nuages étaient bas, quelques flocons dançaient devrant les fenêtres, ne sachant pas si ils faisaient partie de l'avant-garde ou de l'arrière-garde.
Dans la maison il faisait chaud, mais Severus avait froid tout de même. Il avait demandé cet entretien avec Lord Voldemort, parce qu'il sentait qu'il était préférable d'être, pour une fois, celui qui venait rapporter un succès au lieu d'attendre d'être appelé. Cela lui donnait l'air plus confiant et plein d'assurance, ou du moins il l'espérait. Il avait préparé son discours avec Lucius et Owen ----découvrant, à son grand étonnement, que Owen avait une connaissance étonnante des bons mots à choisir en parlant au Seigneur des Ténèbres, peut-être même meilleure que celle de Lucius. Cela avait été un sorte de révélation pour lui---pour lui, un Serpentard! ---- que même Voldemort pouvait être manipulé jusqu'à un certain degré. Parce que Voldemort était vaniteux. Quand Owen avait déclaré ceci, d'un air très détaché, Severus avait reculé et avait détourné ses yeux. Mais il devait reconnaître que c'était vrai. Un sorcier qui insistait pour que ceux qu'il appelait ses serviteurs embrassent l'ourlet de ses robes, qui vous punissait quand vous oubliez de l'appeler 'Mon Maître', qui était incapable d'accepter même la moindre objection même si elle était juste et raisonnable---il n'y avait pas d'autre mot pour cela. Il était vaniteux, et devoir l'admettre blessait Severus.
Jusqu'à maintenant, il n'aurait jamais rêvé de peser ses mots en parlant à son Maître. Il n'avait jamais maché ses mots, car soit il était retiré et inaccessible soit il sentait qu'il pouvait parler librement. Dès le début, Voldemort l'avait toujours encouragé à dire ce qu'il avait en tête, et il n'avait jamais ressenti auparavant la nécessité de faire autrement. Vrai, il avait menti au Seigneur des Ténèbres, mais toujours avec ses propres mots. Maintenant, cependant, il devait prendre l'étape prochaine: il devait revêtir ses mensonges de mots resplendissant, miroitant, les rendre non seulement agréables mais désirables. Pour Owen et Lucius, ce comportement--- qu'ils appelaient de la diplomatie, tandis que Severus appelait cela de la flatterie de courtisans---était quelque chose avec quoi ils avaient grandi, ils l'avaient absorbé avec leur lait de leur mère, en étaient témoins tous les jours. C'était une deuxième nature pour eux. Severus, d'autre part, comprit soudain, même si seulement avec le recul, pourquoi il s'était senti si exclu, si ne-faisant-pas-partie-du-groupe, pendant ses premières années à Poudlard. Il lui manquait cette subtilité qui venait avec l'argent et les grandioses vieux noms de famille et avec des parents qui pouvaient mépriser le jeu compliqué et subtil des interactions de la haute société mais se conformaient tout de même à ses règles.
Son passé familial ne lui avait pas fourni cette connaissance. Certainement pas sa mère qui était une personne essentiellement vulgaire, incapable d'apprendre même les règles les plus basiques de ce qui était considéré comme comportement poli par la communauté magique britannique; et il doutait beaucoup que son père, s'il avait vécu pour éduquer son fils, ait pu être d'une grande aide. Le cours que sa vie avait pris lui faisait certainement suspecter le contraire.
Il s'était senti très inadéquat quand Lucius et Owen, qui avaient prévu une courte réunion des Phoenix, avaient secoué leurs têtes d'exaspération, se demandant pourquoi il était toujours vivant et pas un invité permanent de Ste. Mangouste. Ils avaient passé la moitié de la nuit à lui donner des instructions sur la manière de choisir soigneusement ses mots. Il était préparé à prendre leurs admonitions à coeur, mais graduellement. Cela ferait plus de mal que de bien s'il se transformait soudain en courtisan parfait.
Il avait été ponctuel, comme toujours, et Voldemort le fit attendre, comme toujours. Finalement il entra dans la salle, avec Tabitha sur ses talons. Tandis qu'il se prostrait ---le faire devant Tabitha lui faisait grincer des dents---il se demanda brièvement si elle habitait maintenant ici d'une façon permanente ou simplement si elle et son mari assistaient à tour de rôle à chaque entretien que Voldemort avait avec l'un de ses partisans. Il défendit à son esprit de s'attarder sur ce qu'elle pourrait être d'autre pour le Maître.
"Vous avez demandé à me voir?" dit Voldemort, alors qu'il était encore prostré.
"Oui, Mon Seigneur. Il y a quelques problèmes importants qui ont besoin de votre conseil " Dans les temps anciens, il aurait dit 'des problèmes au sujet desquels je voulais discuter avec vous'. Mais Lucius et Owen lui avaient très bien fait comprendre qu'on ne 'voulait' pas quelque chose en parlant à Voldemort.
"Très bien, Severus, vous pouvez vous relever. Je vois avec plaisir que vous avez appris de vos erreurs passées. "
"Oui, Mon Maître, grâce à votre patience ."
Il se releva et attendit que Voldemort lui indique où il pourrait se tenir debout ou s'asseoir. Ses riches robes noires bruissant sur le plancher en bois, Voldemort traversa la salle et s'assit, faisant signe à Tabitha d'en faire de même. Severus resta debout là où il était, près de la fenêtre, dos à la fenêtre.
Une vague nonchalante de la main du Maître. "Vous pouvez commencer "
C'était une situation très gênante, et une situation qu'il n'avait pas prévue. Le potion et tout ce qui allait avec devait rester un secret entre lui et Voldemort, il lui avait explicitement été ordonné de ne le dévoiler à personne. Maintenant Tabitha était aussi là, assise à côté de son Maître avec sa tête haute, une méchante reine infante. Que devait-il faire? Lui était-il permis de le savoir? Le savait-elle déjà? Voldemort serait-il furieux s'il suggérait que sa présence pourrait ne pas être appropriée? Il avait completément perdu ses mots, prisonnier de ses propres insécurités.
"Elle peut entendre tout ce que vous pourriez avoir à dire, Severus. Si c'est ce qui vous fait hésiter "
Severus laissa échapper un soupir de soulagement. "En effet, Mon Maître. Je vous présente mes excuses pour mes scrupules injustifiés " Un autre geste dédaigneux de la main de Voldemort. "J'ai, comme vous le savez, aidé Lucius avec ses recherches dans la bibliothèque de famille des Malfoy. D'abord je ne voulais pas le faire, puis j'ai repensé ma décision, parce que cela offrait l'occasion de le surveiller, tout comme vous m'aviez dit de le faire "
Voldemort hocha la tête et le regarda, les yeux à demi clos mais attentif. "Et? A-t-il fait ou dit quoi que ce soit pour vous donner une raison de douter de sa loyauté?"
Jamais un non ouvert. Une des premières règles qu'ils avaient inculquées dans son cerveau hésitant. Jamais un non ouvert "Je n'ai rien vu ni entendu de suspect, Mon Seigneur. Mais j'ai profité du fait que j'étais dans sa bibliothèque, souvent seul, pour jeter un coup d'?il à la collection de Dioscuride Malefoi "
"Dioscuride Malefoi? Il était botaniste, à moins que ma mémoire ne me trompe "
"Et flatte-le, Severus. Essaye d'introduire un compliment à chaque fois que tu le peux"
"Je ne peux pas faire cela, Owen. C'est. oh, merde, je ne sais pas ce que c'est. Sale. Collant. Tout ce que tu veux"
"Severus, tu es aussi Serpentard que n'importe lequel d'entre nous. Bien sûr que tu peux le faire . Parce que tu le dois!"
"Je sais que je peux. Mais pas avec lui. C'est différent, je-"
"Severus!"
"Lâche-moi, Lucius! Tu peux me parler sans déchirer la manche de ma chemise"
"D'accord. Veux-tu que cette folie se termine oui ou non? Oui, tu le veux. Alors essaye de faire ces fichus compliments. Il les adore"
"Votre mémoire est véritablement stupéfiante, Mon Seigneur. Oui, Malefoi avait une passion pour la botanique et a monté une collection unique de livres et de papyri. Je ne vais pas ennuyer avec les détails à moins que vous ne vouliez les entendre-" une vague de dédain "- alors j'espère que vous pourriez être intéressé par l'aboutissement de cette recherche "
"Si c'est d'une importance quelconque pour le projet."
Pas 'oui, je le pense'. Laisse le toujours être celui qui décide ce qui est important ou bon. "Je pense. que cela pourrait l'être, Mon Seigneur. C'est la raison pour laquelle je suis venu vous demander conseil. Je pense que je pourrais avoir trouvé la substance qui détruit le sang de loup-garou "
Un intérêt rouge luit à travers les pupilles noires. "Vous pensez? Dites le moi, alors "
Severus fit la description de la fleur noire. "Seulement je n'ai trouvé aucune indication du lieu où on peut la trouver de nos jours "
"Ah," souffla Voldemort, "Un résultat intéressant. Et vous avez bien fait de me poser la question, Severus. Pendant mes voyages à l'étranger, je suis tombé sur des textes, très peu nombreux et très rares, qui parlent de cette fleur. Elle est appelée Lys du Diable, et peut être trouvée partout en Europe, en des lieux où les forces chthoniques sont particulièrement puissantes. L'anneau de pierres où j'initie de nouveaux partisans pourrait être un tel endroit "
Bien sûr, bien sûr! Comment pouvait-il ne pas y avoir pensé! "Je. je ne sais pas quoi dire, Mon Seigneur. C'était. stupide de ma part de ne pas y avoir pensé. Et fleurit-elle dans la nuit de la première nouvelle lune après le solstice d'été?"
"Oui" Voldemort lui fit un sourire malicieux. "Vous vous êtes gagné un temps précieux, n'est-ce pas, Severus?"
Ne faisant aucune attention au conseil qu'il avait reçu, Severus le regarda droit dans les yeux. "Cela n'a jamais été mon intention, Mon Seigneur "
"Quoi qu'il en soit. Veillez à ce que la potion soit prête le plus tôt possible. Vous pouvez partir maintenant "
Tout en embrassant l'ourlet des robes du Maître, Severus pensa qu'il n'avait pas pu élever la question des conjonctions. Il était trop risqué de le faire maintenant. Cela devrait attendre la prochaine fois. Considérant la manière dont cette réunion s'était passée, il pourrait être au moins sûr qu'il y aurait une prochaine fois, car Voldemort avait été satisfait.
Si un outil, un objet ou une babiole magique ne pouvait pas être trouvé au Manoir Malfoy, il n'existait probablement pas du tout. Entre autres pièces stupéfiantes, Lucius possédait aussi une collection de retourneurs de temps. Cet instrument utile était une invention plutôt récente, les premiers retourneurs de temps---très peu fiables et inexacts---étaient apparus dans le début des années cinquante. Ils avaient rapidement été améliorés, si bien que maintenant, plus de vingt-cinq années plus tard, ils pouvaient être utilisés sans aucun danger que l'utilisateur soit désartibulé, soit projeté en des endroits completément différents, et autres incidents, dont il y avait eu un grand nombre. Bien sûr les retourneurs de temps étaient enregistrés et sujets à des directives très strictes, mais les Malfoys n'auraient pas été les Malfoys, s'ils n'avaient pas possédé neuf spécimens dont le Ministère ignorait complètement l'existence. Le modèle le plus récent avait déjà été acquis par Lucius lui- même, après la mort de son père, et avait seulement quelques mois. Il l'avait prêté à Severus, qui avait pensé qu'il valait mieux prendre cette mesure auxiliaire de sûreté pour communiquer avec Dumbledore.
Il était sept heures du matin, une obscurité de février sombre et pluvieuse apparaissait tout juste sur l'horizon, quand Severus se tint devant sa cheminée et, après une brève hésitation---c'était la première fois qu'il utilisait la connexion par cheminette---lança un peu de poudre de Cheminette dans les flammes et appela le nom du Directeur.
Après quelques secondes, la tête de Dumbledore, parée d'un bonnet de nuit, dont Severus refusa d'examiner de plus près le motif décoratif, apparut parmi les flammes. "Severus! Quelque chose est-il arrivé?"
"Non, Directeur. Nul besoin de s'inquiéter. Dites-moi, que faisiez-vous il y a deux heures?"
Dumbledore leva ses sourcils, mais alors il comprit. "Oh, je vois. Sécurité supplémentaire " Severus hocha la tête. "J'étais endormi et seul. Venez simplement me réveiller. "
La connexion fut rompue, et Severus tripota nerveusement le retourneur de temps. C'était la toute première fois qu'il en utilisait un, et il ne se sentait pas trop à l'aise avec cette pensée. Mais il n'avait vraiment pas le choix: ce dont il avait besoin de discuter avec Dumbledore prendrait trop de temps pour utiliser le système de Cheminette. Quelqu'un d'autre pourrait essayer d'appeler, trouverait la connexion occupée, et deviendrait curieux. Un risque beaucoup trop grand. Alors il inspira à fond et fit deux tours dans le sens inverse des aiguilles d'une montre, se trouva enveloppé par une obscurité complète, alluma le feu et voyagea jusqu'aux appartements de Dumbledore. Il avait à moitié prévu que le Directeur habite près de son bureau, mais un coup d'oeil par la fenêtre et vers les terres de Poudlard lui dit qu'il s'était mépris. Pas qu'il y ait beaucoup à voir, car l'obscurité était presque impénétrable, mais les contours plein d'ombres des cimes d'arbres au loin rendaient clair le fait que cette salle devait être située au sommet de la plus haute tour de Poudlard. Il se détourna de la fenêtre et s'avança vers le lit d'où il pouvait entendre venir le son d'une réspiration profonde, et régulière.
Voir Dumbledore endormi était. troublant. Le pouvoir de ces yeux bleus avait été écrasant la dernière fois qu'ils s'étaient rencontrés. Mais maintenant ils étaient fermés, et le puissant sorcier, peut-être plus puissant que même Voldemort, était seulement un vieil homme, faible et, d'une manière ou d'une autre, petit dans ce grand lit, parmi tous les coussins. Il devait être très décharné---le jour, ceci était caché par les riches plis de ses robes. Maintenant cependant, le duvet qui le couvrait bombait à peine au-dessus de son corps. Peau, os et une longue barbe blanche, voilà ce qu'était vraiment Dumbledore. Bien sûr, le pouvoir était là, mais il sommeillait, dormait comme le corps qui l'abritait.
Un moment, Severus se tint debout là et regarda, fasciné et déchiré. Comme ce serait facile. Il devait seulement tirer sa baguette, marmonner six syllabes mortelles, et le vieil homme ne serait plus. Si facile. et pourtant si difficile. Il s'avoua que la pensée était séduisante: s'il tuait Dumbledore maintenant, il rendrait à Voldemort un service inappréciable. Sans le Directeur de Poudlard, la résistance pourrait être comptée comme nulle, négligée et réduite en mille morceaux en un rien de temps. Voldemort ferait probablement de lui son prince héritier, son plus fidèle. exactement. Serviteur. Chien de manchon. Chéri pour ses mérites mais soupçonné pour les mêmes mérites. Car il pourrait faire facilement à Voldemort ce qu'il avait fait à Dumbledore---si une personne était capable d'abuser d'une confiance absolue une fois, pourquoi ne devrait-il pas le faire une deuxième fois? Ce serait comme cela que Voldemort raisonnerait, et, pour dire la vérité, Severus n'était pas si sûr que ce soit entièrement faux. Vous ne franchissiez pas certaines limites tout en restant indemne. De telles choses laissaient leurs traces; les inhibitions que vous aviez surmontées une fois ne pourraient pas être dé-surmontées. Il n'y avait aucun moyen de renverser un tel procédé. Toute réflexion faite, il pourrait devenir quelque genre de monstre s'il lançait le sortilège de Mort sur un sorcier endormi, violant le respect que la vulnérabilité d'un être humain endormi inspirait forcément.
Sa voix était enrouée d'émotion quand il appela le nom de Dumbledore. Comme la plupart des vieilles personnes, le Directeur semblait dormir seulement d'un sommeil très léger, car il fut immédiatement bien réveillé. "Severus! Qu'est-ce qui vous amène ici?"
"Plusieurs questions. Désolé de devoir déranger votre sommeil, mais vous m'avez dit. vous me direz. eh bien, quoi que ce soit. J'utilise un retourneur de temps. "
"Vos difficultés à choisir le temps exact suggéraient cela. Que puis-je faire pour vous?"
"Premièrement, j'ai besoin que vous me rendiez un service. Je devrais utiliser la bibliothèque de l'école, mais je ne peux pas le faire par moi- même. Alors je voulais vous demander de chercher quelque chose pour moi. "
"Bien sûr. Que voulez-vous savoir?"
"Je dois apprendre autant de connaissances que possible au sujet des conjonctions planétaires. Pas ce que les Moldus comprennent par le terme, bien sûr. Je ne suis pas un as en astronomie, et ni Lucius ni Owen ne le sont. Ce qui m'intéresse le plus est l'effet des conjonctions magiques sur les individus magiques, et si l'effet augmente avec les expositions répétées. "
Dumbledore hocha lentement la tête, faisant faire au pompon pendillant au bout de son bonnet de nuit une sarabande ivre. "Très bien. Je suppose que vous ne voulez pas que je pose la question au professeur Sinistra -"
"Non. Ceci doit rester strictement entre nous. Bien qu'il soit peu probable qu'elle soit trop curieuse; mais vous comprendrez que je ne peux pas prendre de risques, même le plus infinitésimal. "
"Bien sûr. Serait-il d'une quelconque utilité de vous demander pourquoi vous avez besoin de cette information particulière?"
Severus secoua la tête. "Non. Du moins pas pour l'instant. Que je vous le dise où non dépend partiellement de ce que vous découvrirez, et partiellement des progrès de mon propre travail. Si la nécessité s'en faisait sentir, je n'hésiterai pas à révéler le problème. "
Les yeux bleus soutinrent son regard un moment. "Je n'ai aucun doute que vous puissiez évaluer la situation correctement, Severus. Mais s'il vous plaît souvenez-vous que je veux vous aider, comme vous êtes prêt à m'aider. Nous sommes dans cette situation ensemble. J'espère que vous en êtes conscient. "
"Je le suis, Directeur. Autant que je puisse en juger, il n'y a pas de risque imminent. Combien de temps cela vous prendra-t-il pour vous procurer les textes?"
Dumbledore remua la tête. "Un jour, je pense. Peut-être deux. Si vous revenez après-demain, à la même heure, vous les trouverez sur ma table de nuit. Je devrai, bien sûr, les copier. nous ne voulons pas que M. Phorme ait des soupçons, n'est-ce pas?"
"Certainement pas," répondit-il avec un sourire tordu, se souvenant de la passion compulsive et obsessionnelle que Formel avait pour les livres qu'il considérait clairement comme les siens.
~~~~*~~~~
Severus était un lecteur avide et passionné, mais jamais auparavant dans sa vie il n'avait dévoré de telles quantités à une telle vitesse. Dumbledore avait tenu sa promesse et laissé une quantité étonnante de parchemins sur sa table de nuit. Ils contenaient des informations très utiles, d'autant plus que les spéculations précédentes de Lucius étaient confirmées.
Mais ceci n'était pas le seul sentier que Severus devait suivre. Il devait résoudre la question également importante du contre-poison au sang de loup- garou. Comme ils s'étaient mis d'accord, Lucius avait pris son ton le plus morveusement aristocratique à la fin de la réunion de la veille au soir et lui avait pratiquement ordonné de 'faire quelque chose d'utile pour une fois' en l'aidant à passer au peigne fin la bibliothèque énorme des Malfoys pour trouver les textes de Métamorphose dont il avait besoin pour sa thèse.
"Tu as une femme," répondit Severus avec passion, "Pourquoi n'essayes-tu pas tes façons de Simon Legree avec elle? J'ai des choses plus importantes à faire que de compenser tes insuffisantes techniques d'érudition!"
"Ma femme," dit Lucius d'une voix traînante, "a sa place dans la chambre à coucher et au salon. La bibliothèque n'est pas un endroit où je veux la voir. Et je suis sûr que notre Maître n'apprécierait pas que je ne puisse pas finir mes études à temps, seulement parce que tu es trop têtu ou trop paresseux pour faire quelque travail subalterne. " Ces dernier mots furent prononcés avec un coup d'oeil de côté vers Lestrange qui cherchait son approbation.
"En effet," acquiesça Lestrange, avalant immédiatement l'appât, "Cela serait très importun. Severus, je suis sûr que tu vois la nécessité de rendre ce service à Lucius "
"Bien sûr," dit Severus, aussi aigrement qu'il le pouvait.
Après ce bref échange, Lestrange avait demandé à Lucius de rester tandis que les autres étaient congédiés. Comme ils l'avaient prévu, il avait une fois de plus bien fait comprendre à Malfoy le caractère indispensable de surveiller de près Severus et Owen. Lucius, avec son effronterie habituelle, l'avait assuré que surveiller Severus était le seul but de l'avoir enrôlé dans ce travail de recherche. Ce qui avait bien sûr, l'effet secondaire très bienvenu de garder sa réputation académique irréprochable.
Cela avait été une excellente manoeuvre, gâtée seulement par le fait qu'elle ne donnait pas trop de temps à Severus. Après tout, il était improbable que lire quelques textes de Métamorphose prenne plus qu'une semaine. Heureusement, la collection de Dioscuride Malefoi n'avait pas été dispersée dans toute la bibliothèque mais occupait une seule étagère. Elle consistait en cent trente trois volumes, bien que 'volumes' ne soit pas le terme exact pour décrire ces richesses: ils étaient seulement partiellement consistués de livres. Ce qui était infiniment plus intéressant que les volumes---le plus ancien d'entre eux remontait au début du Moyen Age, en des temps où la magie avait déjà été relativement apprivoisée grâce à beaucoup de règlements imposés, par crainte de découverte et de persécution- --étaient des papyri grecs et romain, encore rangés en sécurité dans leurs boites à parchemins violettes ou jaunes. Plus vieux encore, mais aussi moins nombreux, des papyri égyptiens et---à la surprise estomaquée de Severus ---plusieurs tablettes d'argile couvertes de caractères anguleux de l'écriture cunéiforme babylonienne ou sumérienne. Sa joie était seulement légèrement atténuée par son manque total de connaissances des écritures des hiéroglyphes et des écritures cunéiformes. La fascination de cette gemme entre les collections surmontait de beaucoup son exaspération à être obligé de déchiffrer les textes.
Il parcourut les livres plutôt rapidement---il y avait seulement très peu d'informations qui pourraient se révéler utile, surtout en le menant à d'autres sources, plus anciennes. Les tomes appartenaient clairement à un domaine de magie qui serait étiquetée comme Sombre sans hésitation de nos jours, mais à l'époque où ils avaient été écrits, la connaissance qu'ils contenaient avait été secrète mais pas interdite. Dupliquer des passages importants était donc facile. Les papyri grecs et romains, soigneusement protégés contre le temps et le pourrissement par de nombreux sortilèges, se révélèrent être un peu plus difficiles. La magie n'avait pas toujours été hautement estimée dans l'Antiquité, et ainsi une partie des rouleaux était protégée par des charmes et des malédictions plutôt vicieux. Avec Lucius, il put tous les rompre et transfèrer les textes sur parchemin par un simple sortilège de Duplicatio. Les égyptiens de l'antiquité, Severus devait l'admettre---et Lucius acquiesça à contrecoeur---avaient été des génies en matière de sortilèges repoussants. Peu étonnant que les rompeurs de sortilèges de Gringott soient presque payés leur poids en or; leur travail n'était certainement pas un travail facile. Ils avaient de la chance, cependant, car il n'y avait que cinq textes Egyptiens, et ils réussirent à neutraliser les malédictions, qui se lançaient sur eux sous toute forme imaginable, en moins de deux jours. Mais pas pour les tablettes. Quelle que soit la magie qui les enveloppait, elle n'avait pas l'intention de cèder à deux sorciers du vingtième siècle âgés de vingt ans. Les hiéroglyphes avaient permis la copie mais résistaient aux sortilèges de traduction. Les tablettes ne permettaient ni reproduction ni traduction. Et Severus avait un fort soupçon qu'elles puissent être encodées.
Les deux sorciers étaient assis dans la bibliothèque, leurs forces drainées par la concentration continue, essayant se restaurer par un thé opulent. Narcissa les avait rejoints, et Severus et son mari racontaient tour à tour les aventures du jour avec les capricieux trésors babyloniens.
"Et le taureau?" dit Lucius, s'emparant de son cinquième sandwich, "Le taureau était l'un des monstres les plus impressionnants que j'aie jamais vus de ma vie "
Narcissa leva un sourcil et sourit. "Un taureau? Qu'est-ce qui serait si effrayant à cela?"
Severus brandit sa cuillère. "Pas simplement n'importe quel taureau! Cette maudite bête avait cinq pattes, des ailes et une tête humaine!"
"Oh," dit Narcissa, n'ayant pas du tout l'air impressionnée, "Oui, c'est assyrien. N'avez-vous pas fait attention pendant vos cours d'Histoire de la Magie?"
"Euh." dit Lucius, souriant coupablement.
"Eh bien." dit Severus, bougeant un peu sur sa chaise.
Narcissa rit. "Comme c'est adorablement et typiquement mâle de votre part! Pour vous les garçons, tout est au sujet d'agiter sa baguette et de lancer des sorts. Les formes les plus subtiles de la connaissance ne vous intéressent pas le moins du monde . "
"Ce n'est pas vrai," protesta Severus, "Les Potions sont un art très subtil- "
"Bien sûr," dit-elle, lui souriant. "Je suis complètement d'accord. Cependant, quelque connaissance historique ne pourrait pas faire de mal, messieurs, parce que cela pourrait peut-être vous dire quelque chose sur ces textes "
Le mélange d'admiration et de frustration sur le visage de Lucius faisait une expression très drôle, pensa Severus. Mais ce que Narcissa leur avait dit était plus que seulement un peu intéressant. Il décida que sa force profiterait d'un autre sandwich, le saisit des doigts de Lucius--- maintenant son expression était sans aucun doute plus frustrée---et dit, "Continue, Narcissa, partage ta sagesse "
"Un instant," dit-elle, "D'abord je dois commander plus de sandwichs ou Lucius va te tuer. " Elle sonna la cloche d'argent qui était posée sur le manteau de la cheminée et dit à l'elfe qui avait instantanément apparu d'apporter un nouveau service de thé. "Pour quatre," dit-elle, avec un regard de côté à Lucius, qui se regarda de haut en bas, fit un geste vers son devant completément plat et haussa les épaules. Les assiettes, les tasses et les couverts utilisés disparurent de la table pour être remplacés, seulement quelques secondes plus tard, par un autre thé somptueux, cette fois avec un gâteau à thé.
"Avec-" commença Lucius.
"Oui, avec des pépites de chocolat," dit Narcissa, faisant un clin d'oeil à Severus. "Je connais tes besoins fondamentaux. Pour retourner à des questions plus urgentes, si non plus importantes-" Lucius renifla "-parlons du taureau ailé. C'est, comme je l'ai dit, assyrien, et les assyriens étaient grands et puissants, même si seulement un temps relativement court. C'était essentiellement un peuple de sorciers, et le plus puissant d'entre eux devenait le roi. Il semble que leurs pouvoirs magiques surpassaient de beaucoup nos faibles capacités " Elle prit une petite gorgée délicate de thé.
"Mmmh, oui," dit Severus, "Mais quand exactement a été leur ère de pouvoir?"
"Du neuvième au septième siècle av JC., plus ou moins. Plutôt récent, relativement parlant. Cependant, en ces temps là, l'écriture cunéiforme n'était plus exclusivement utilisée pour les dialectes assyriens et babyloniens. Presque tout le monde l'utilisait-les persans, les hittites et beaucoup d'autres "
"Es-tu en train de suggérer,"demanda Lucius, les sourcils froncés de concentration, "que la langue dans laquelle ces tablettes sont écrites n'est pas obligatoirement du babylonien?"
"Exactement. Ce pourrait être n'importe quoi, n'importe quel idiome parlé à ce moment-là au Proche Orient. D'autant plus si comme je le présume le texte est codé. L'usage d'une autre langue aurait fourni une sécurité supplémentaire -Quelque chose ne va pas, Severus?" demanda-t-elle, le regardant avec inquiétude.
"N non. Ca va. Je viens d'avoir l'idée la plus insensée. Pourraient-ils aussi avoir utilisé de l'hébreu?"
"Mmh." Narcissa remua la tête. "Bien sûr, ils auraient pu, parce que le principe est le même. Toutes les langues sémites sont basées sur des consonnes.Alors ce serait possible, avec des légers changements. Pourquoi poses-tu la question?"
"Je ne peux pas encore vous le dire," dit Severus, sentant soudain qu'il manquait d'air. "Je. je dois d'abord éclaircir mes pensées, puis je devrai appeler Barty. Si ceci est un coup d'éclat et pas de folie, j'ai besoin qu'il me procure quelques informations. "
~~~~*~~~~
"Es-tu sûr qu'il est ici?" marmonna Lucius, frissonnant et tirant son manteau plus fermement autour de lui. "Si ce n'est pas le cas, je vais te jeter un mauvais sort pour m'avoir amené dans cet enfer glacial. Totegan, de tous endroits possibles! Qui diable voudrait habiter ici?"
"Si elle est moitié aussi folle que son défunt frère, c'est exactement la personne qui choisirait un tel emplacement," répondit Severus en chuchotant. "Et il doit être ici---elle est son seul parent en vie, si on peut dire cela à cent ans. Son frère est mort dans la guerre contre Grindelwald et n'a pas laissé d'enfant. Elle est sa seule héritière, Barty me l'a dit. "
"Et si elle l'a vendu?"
Severus lança ses mains vers le haut d'exaspération. "Et si! Et si! Je ne sais pas et si! Maintenant ferme la et attendons d'être à l'intérieur. "
La maison de Catherine McLachlan était un grand bâtiment carré de pierre, de granit aussi gris que le ciel et la mer ici, au plus loin au nord de l'Ecosse. A environ un kilomètre et demi du village de Totegan, vers le nord, le bâtiment planait en apparence loin au-dessus de l'eau, sur une falaise minée par les vagues pendant des douzaines de siècles. Dans d'autres circonstances, Severus pourrait avoir trouvé cela pittoresque; maintenant son imagination était fixée sur la possibilité désagréable d'être ensorcelé par une des fenêtres de derrière.
Apparemment, Lucius pensait la même chose, car il frissonna et dit, "Pas le meilleur temps pour prendre un bain, n'est-ce pas?"
"Ce pourrait être pire," répliqua Severus, claquant des dents.
"Oh, vraiment?"
"Oui, il pourrait y avoir des requins "
Ils rirent silencieusement quelque temps, puis Lucius poussa Severus du coude dans les côtes. "Regarde! La lumière est éteinte! Finalement---je pensais que la vieille chèvre n'irait jamais se coucher. "
"Mmh. combien de temps lui accordons nous? Une heure?"
Lucius grogna mais hocha la tête. "Typique d'Owen," dit-il, "je parie qu'il nous aurait accompagnés si la vieille dame habitait la Côte D'azur. "
"Ou si elle était jeune. Mais même Owen n'irait pas jusqu'à baiser une vieille de cent ans."
"Continue à rêver," répondit Lucius, souriant.
"Tu plaisantes! Il n'a pas-"
"Bien sûr que si. Et je pense qu'elle était un peu plus vieille que cela. A presque gâché ma vie sexuelle."
"Je peux imaginer," dit Severus avec compassion.
L'heure passa étonnamment vite, probablement parce qu'ils étaient tous les deux si occupés à frissonner. Mais il était trop risqué d'utiliser des sortilèges de chauffage---le moins de magie ils faisaient, mieux c'était. En plus, ils ne portaient pas leur habit de Mangemort, qui aurait fourni une protection excellente contre la chaleur et le froid. Au cas où n'importe quoi aille de travers, la dernière chose dont ils avaient besoin était d'être attrapés en robes de Mangemorts. Il serait plus facile de mentir pour se sortir de tels ennuis s'ils étaient considérés comme de simples cambrioleurs, bien que cette pensée ait plus d'une fois fait grincer des dents à Lucius. Un Malfoy pouvait être un meurtrier, mais jamais un cambrioleur.
Enfin, tous deux tirèrent leurs baguettes, se firent à chacun un signe de tête d'accord et s'avancèrent rapidement vers la maison. Comme Severus l'avait prédit, il n'y avait pas de sortilèges de protection. Tel frère, telle soeur. Autant d'ennuis en moins pour eux. Quand Lucius se prépara à lancer un sortilège d'ouverture sur la porte d'entrée, Severus retint son bras de baguette.
"Attends," chuchota-t-il et il essaya la poignée. Du coin de l'oeil, il vit la mâchoire de Lucius tomber. "Je t'avais dit qu'ils étaient fous," chuchota-t-il, puis il entra. Même s'il y avait eu des fenêtres dans le couloir d'entrée, la salle n'aurait pas été convenablement éclairée, car l'obscurité dehors était complètement impénétrable. La nature avait favorisé leur expédition, fournissant une nuit noire et nuageuse sans lune ni étoiles.
Lucius alluma sa baguette. "Barty a-t-il dit quelque chose au sujet d'animaux familiers?" chuchota-t-il.
"Non! Même le Ministère n'est pas omniscient, n'est-ce pas?"
Lucius renifla légèrement et exécuta un sortilège de Animaviva. La pointe de sa baguette se leva, indiquant l'étage supérieur, et resta dans cette position, sans bouger. "Merveilleux!" marmonna-t-il, "Alors il n'y a que la vieille femme. Devons-nous nous séparer?"
"Non, je ne pense pas. Fouillons pièce par pièce, mais ensemble "
Le rez-de-chaussée ne donna aucun résultat---peu surprenant, car il contenait seulement une très grande cuisine, un cellier, un salon et une salle à manger qui ne contenaient aucun objet intéressant que ce soit, et un débarras. Catherine McLachlan était alchimiste, après tout, et toujours très active. Haussant les épaules de frustration, ils montèrent les escaliers. Comme au bon vieux temps, Severus jeta Sensaccrus et un Sortilège d'Invisibilité sur eux deux, si bien qu'ils pouvaient entendre la respiration de la vieille sorcière et à l'occasion un ronflement, venant de la chambre à coucher. Ils iraient là-bas en dernier, et seulement s'ils le devaient absolument. Le meurtre n'était pas au programme d'aujourd'hui.
Une étude-et-bibliothèque, de laquelle Lucius dut traîner son complice de crime pour le faire sortir. Un autre salon, à l'évidence réservé au strict usage privé du propriétaire. Salle de bains. Garde-robe. Finalement, la chambre à coucher. Mais ils n'avaient pas encore trouvé qu'ils cherchaient. Après avoir inspecté la chambre à coucher, les deux sorciers se retirèrent sur le palier pour se consulter.
"Peut-être qu'elle l'a fait rétrécir et l'a caché quelque part," proposa Severus.
"Peut-être qu'elle l'a vendu," grogna Lucius. "Bien que je suppose qu'il y a un grenier, étant donnée l'inclinaison du toit "
Severus considéra ceci. "Oui, tu as probablement raison. Mais je n'ai pas vu d'escalier menant là-haut "
Lucius grogna. "Et si nous Transplanions?"
"Et s'il y avait des sortilèges de protection? Si elle garde les choses vraiment importantes, et qui ont de la valeur, là-haut, il est extrêmement probable que ce soit protégé "
Lucius frappa sa paume gauche de son poing droit. "Merde! Pourrions-nous essayer Accio? Je ne suis pas certain que cela marche à travers des protections "
"Bonne idée. Mais je suggère que nous le fassions de dehors, pour pouvoir Transplaner immédiatement, au cas où elle le remarque "
Lucius hocha la tête et ils redescendirent furtivement les escaliers et sortirent de la maison. Le vent rugissant les rendit presque sourds, et Severus enleva rapidement le sortilège de Sensaccrus. Pour le moment, il était cependant préférable de rester invisible.
"O.K.,"chuchota Severus, "je vais essayer. Si cela marche, nous Transplanons immédiatement, chacun chez soi "
Une fois plus reconnaisant pour son excellente mémoire visuelle, Severus se concentra sur l'objet de son désir jusqu'à ce qu'il se tienne clairement devant l'oeil de son esprit, ferma les yeux et dit " Accio tapis de McLachlan!"
Si les instincts de Poursuiveur de Lucius n'avaient pas pris le dessus, ils auraient probablement perdu le petit objet qui arriva à toute vitesse en volant vers eux à travers l'obscurité. Mais des années à attraper des Souaffles qui l'approchaient de toute direction possible avaient aiguisé les capacités de Lucius, et donc il le captura et le tendit à Severus.
"Je t'avais bien dit qu'elle l'avait fait rétrécir," dit-il , sa voix vibrant de satisfaction.
"J'avais dit cela, mais tant pis. Bonne prise, Malfoy. Allons y maintenant. Je t'appellerai demain, pour te dire si cela a marché "
Avec un dernier sourire échangé, ils Transplanèrent tous les deux.
~~~~*~~~~
Cela avait été un coup de génie fou, ou de folie brillante---à bien y penser , cela revenait plus ou moins au même. Quand Narcissa avait expliqué que l'écriture des Assyriens et l'écriture cunéiformes étaient utilisées pour plus d'une langue, quelques morceaux s'étaient mis en place dans l'esprit de Severus. C'était comme cela que cela avait toujours marché, et il était content de voir que cela marchait toujours de la même façon. Dans les livres médiévaux qu'il avait lus, et aussi dans les papyri romains, il y avait eu plusieurs allusions aux sources Hébraïques perdues, textes de magie puissante et impénétrable. Ceci n'avait pas été une surprise, parce que les loups-garous étaient presque aussi vieux que l'humanité, et la lycanthropie avait toujours été une question. Pas nécessairement un problème--- certaines cultures avaient traité ces créatures, qui étaient, après tout, en partie humain et en partie animal sauvage, avec un plus grand respect que les gens le faisaient de nos jours. Cependant, la crainte avait toujours été là. Pour les Hébreux, les loups-garous avaient toujours été des semi-hommes impurs, et les rejeter, ou les tuer n'avait nullement été considéré comme un crime ou une lâcheté. Quelques uns d'entre eux--- parce que dans ces temps depuis longtemps oubliés les Hébreux étaient encore divisés en tribus rivales, se combattant l'une l'autre---avaient même essayé de se débarasser d'eux entièrement; considérant qu'ils étaient nomades et ne pouvaient pas se permettre de rester au même endroit très longtemps, ils se donnaient rarement la peine de préparer des potions compliquées. Ils cherchaient une seule substance pure qui pourrait les débarasser, une fois pour toutes, des créatures ennuyeuses.
Des textes médiévaux, il avait transpiré qu'une telle substance avait en effet été détectée. Seulement la connaissance avait été dispersée dans le temps et l'espace, si bien qu'il n'y en avait plus qu'une faible trace dans la mémoire collective magique. Quand Severus avait vu les tablettes, il avait déjà soupçonné qu'il pourrait avoir trouvé une mine d'or. Mais quand Narcissa avait insinué la possibilité que ces textes soient écrit dans une autre langue que l'assyrien, il en avait été sûr. Et puis il y avait, bien sûr, le problème du fait qu'ils étaient probablement encodés. Cela lui avait rappelé quelque chose, de très loin, mais soudain le souvenir avait refait surface. Son premier jour en tant qu'apprenti de McLachlan. Son étonnement devant la Salle de l'Encyclopédie. Le tapis. le tapis Kabbalistique. Sur lequel les lettres se déplaçaient constamment, formant des permutations, des variations et des anagrammes. Le tapis qui avait appartenu à Abraham Abulafia. Sorcier et rabbi, kabbaliste et scientifique.
C'était une idée née d'un pur délire, mais peut-être que, seulement peut- être que, la tapis pourrait décoder les textes écrits sur ces tablettes. Vrai, McLachlan lui avait dit que, pour faire marcher le tapis, il aurait besoin de la baguette de Abulafia. Mais d'autre part, ces textes étaient puissamment magiques en eux-mêmes. Cela valait un essai.
Quand Severus rentra chez lui après leur aventure de vol-par-effraction, il monta immédiatement en courant dans son laboratoire. Les tablettes---- Lucius avait consenti avec réticence à les donner à Severus tout le temps qu'il faudrait pour les déchiffrer----étaient rangées en sûreté dans un placard. Il était tard et il était mort de fatigue, mais il devait simplement essayer. Seulement une fois, probablement que le résultat allait quand même être nul. Il réagrandit soigneusement l'objet jusqu'à ce qu'il regagne sa taille originelle d'à peu près un mètre cinquante sur quatrevingt-dix centimètres, et le mit sur un des plans de travail. Puis il sortit une des tablettes de sa cachette et, baguette prête dans sa main droite, la posa lentement au milieu du tapis avec sa main gauche.
Il espérait seulement que ses voisins soient profondément endormis. Car, avec un hurlement puissant qui secoua la maison jusqu'à ses fondations, le taureau ailé à cinq pattes apparut à nouveau, portant sa tête humaine avec un dédain fier. Plus secoué que sa maison, Severus dirigea la pointe de sa baguette vers la créature, préparé à lancer un contre-sort au cas où il chargerait dans sa direction. Mais le taureau ne chargea pas. Il se cabra, rugit et battit des ailes, pendant que la danse des lettres sur le tapis s'accélérait jusqu'à devenir une simple tâche floue, dans laquelle il était impossible de reconnaître quoi que ce soit. La bête baissa la tête et essaya d'avancer mais elle semblait être enchaînée sur place par un pouvoir plus grand que le sien. Bouche bée et haletant comme après une longue course, Severus observa le combat, attendant en retenant sa respiration de voir qui allait gagner, craignant que ce puisse être le taureau, imaginant sa rage avec des mains tremblantes qui laissèrent presque échapper la baguette.
Severus n'avait aucune idée de la durée de cette lutte surnaturelle; mais finalement ce fut le taureau qui s'écroula en une défaite écumante, reposant sa tête humaine sur ses pattes de devant, ses grandes ailes non pas pliées mais écartées à sa droite et à sa gauche, comme celles d'un ange mort. Il regarda la danse des lettres avec des yeux fatigués, injectés de sang. Severus saisit sa gorge, soulagé et étourdi par le manque d'oxygène, car il avait retenu sa respiration sans le remarquer. Puis il remarqua que le tournoiement fou de lettres ralentissait, jusqu'à ce que ce ne soit plus qu'une légère oscillation. Il sentit un fort éclair d'énergie magique le parcourir, et pendant un court instant il y eut un lien frémissant entre lui et le tapis, sous forme d'un coin dont le bout étroit semblait sortir de---ou entrer dans ---son front. Très lentement, il se dissout, seulement pour former des lettres qui flottaient dans l'air; il était dans un tel état de ravissement rêveur qu'il ne reconnut même pas clairement si elles étaient hébraïques ou non. Mais il pouvait les lire et comprendre ce qu'elles disaient:
Le loup de la pleine lune, le démon, vient
Pour détruire le peuple d'Israël.
Mais dans sa compassion et sa pitié,
Celui Dont Le Nom Ne Doit Pas Etre Prononcé Par l'Homme
Fit grandir une plante sur la terre aride,
En des endroits où Sa force abonde
Où Il veut être adoré par Ses serviteurs.
Un cercle est là-bas, formé de lys blancs,
Et dans leur milieu le noir,
Puissant et Lui appartenant,
Mais doté des pouvoirs de Beelzebub,
Le Prince des Démons, le Diabolique.
La fleur noire ne vient à la vie qu'une fois dans l'année,
Dans la nuit où la lune est dans les griffes du diable
Après la nuit la plus courte.
Votre esprit doit être tendu vers Lui
Dont Le Nom Ne Doit Pas Etre Prononcé Par l'Homme
Quand vous coupez la fleur noire
Avec un nouveau couteau qui n'a pas encore vu
De sang d'animal ni de jus de plante
Ni l'eau de la source ou du puits.
Apportez avec vous une mesure d'huile dans un récipient d'argile,
Dans son bouchon grave les trois lettres
De Celui Dont Le Nom Ne Doit Pas Etre Prononcé Par l'Homme,
Les trois lettres qui tiennent
La Terre, le Ciel et l'Eau dans leur étreinte.
Mettez la fleur noire dans l'huile
Et fermez le récipient en L'invoquant.
Quand le loup de lune, le démon, vient
Pour détruire les enfants d'Israël,
Aspergez d'une seule goutte d'huile le corps du démon,
Et la bête hurlera et criera de douleur.
Quand le soleil se lève à nouveau,
Allez chercher son cadavre.
Ne le touchez pas, et ne regardez pas ses yeux,
Car ils sont mortels même dans la mort.
Attendez jusqu'à ce que le soleil soit monté à son plus haut point
Puis tournez lui votre dos et creusez un trou.
La longueur du trou sera de trois cent cubits,
Sa largeur de cinquante cubits, et sa hauteur de trente cubits.
Avec vos pelles, poussez la bête à son fond,
Et couvrez-la de terre
Puis laissez tomber quatre gouttes d'huile dessus,
Une où le soleil se tient haut
Une où le soleil se lève
Une où le soleil se couche
Et une où le soleil n'est jamais vu.
Immergez la pointe d'un baton ou d'une pierre
Dans l'huile et dessinez le signe de
Celui Dont Le Nom Ne Doit Pas Etre Prononcé Par l'Homme,
Les trois lettres qui tiennent
La Terre, le Ciel et l'Eau dans leur étreinte,
Sur la tombe du démon.
L'endroit sera marqué comme malpropre,
Et ne sera jamais foulé par le peuple d'Israël.
Quand il sentit qu'il avait appris les mots par coeur, ils se dissourent à nouveau, le taureau et le lien magique étincelèrent et s'éloignèrent dans le néant et laissèrent Severus épuisé, presque comme s'il s'était battu contre le protecteur mythique du texte magique. Il s'endormit dans son laboratoire.
~~~~*~~~~
Les montagnes d'Albanies étaient lugubres et désertes au début février. Toute couleur les avait quitté; on aurait dit qu'elles ne reviendraient jamais. Seulement des ombres subtiles de brun, de gris et de noir, presque des couleurs devant l'arrière-plan virginal de neige, comme si la nature, consciente de son extérieur ennuyeux, et honteuse de lui, avait offert à l'?il une multitude de différences insaisissables pour s'excuser auprès de l'oeil du spectateur. Le ciel était chargé et les nuages étaient bas, quelques flocons dançaient devrant les fenêtres, ne sachant pas si ils faisaient partie de l'avant-garde ou de l'arrière-garde.
Dans la maison il faisait chaud, mais Severus avait froid tout de même. Il avait demandé cet entretien avec Lord Voldemort, parce qu'il sentait qu'il était préférable d'être, pour une fois, celui qui venait rapporter un succès au lieu d'attendre d'être appelé. Cela lui donnait l'air plus confiant et plein d'assurance, ou du moins il l'espérait. Il avait préparé son discours avec Lucius et Owen ----découvrant, à son grand étonnement, que Owen avait une connaissance étonnante des bons mots à choisir en parlant au Seigneur des Ténèbres, peut-être même meilleure que celle de Lucius. Cela avait été un sorte de révélation pour lui---pour lui, un Serpentard! ---- que même Voldemort pouvait être manipulé jusqu'à un certain degré. Parce que Voldemort était vaniteux. Quand Owen avait déclaré ceci, d'un air très détaché, Severus avait reculé et avait détourné ses yeux. Mais il devait reconnaître que c'était vrai. Un sorcier qui insistait pour que ceux qu'il appelait ses serviteurs embrassent l'ourlet de ses robes, qui vous punissait quand vous oubliez de l'appeler 'Mon Maître', qui était incapable d'accepter même la moindre objection même si elle était juste et raisonnable---il n'y avait pas d'autre mot pour cela. Il était vaniteux, et devoir l'admettre blessait Severus.
Jusqu'à maintenant, il n'aurait jamais rêvé de peser ses mots en parlant à son Maître. Il n'avait jamais maché ses mots, car soit il était retiré et inaccessible soit il sentait qu'il pouvait parler librement. Dès le début, Voldemort l'avait toujours encouragé à dire ce qu'il avait en tête, et il n'avait jamais ressenti auparavant la nécessité de faire autrement. Vrai, il avait menti au Seigneur des Ténèbres, mais toujours avec ses propres mots. Maintenant, cependant, il devait prendre l'étape prochaine: il devait revêtir ses mensonges de mots resplendissant, miroitant, les rendre non seulement agréables mais désirables. Pour Owen et Lucius, ce comportement--- qu'ils appelaient de la diplomatie, tandis que Severus appelait cela de la flatterie de courtisans---était quelque chose avec quoi ils avaient grandi, ils l'avaient absorbé avec leur lait de leur mère, en étaient témoins tous les jours. C'était une deuxième nature pour eux. Severus, d'autre part, comprit soudain, même si seulement avec le recul, pourquoi il s'était senti si exclu, si ne-faisant-pas-partie-du-groupe, pendant ses premières années à Poudlard. Il lui manquait cette subtilité qui venait avec l'argent et les grandioses vieux noms de famille et avec des parents qui pouvaient mépriser le jeu compliqué et subtil des interactions de la haute société mais se conformaient tout de même à ses règles.
Son passé familial ne lui avait pas fourni cette connaissance. Certainement pas sa mère qui était une personne essentiellement vulgaire, incapable d'apprendre même les règles les plus basiques de ce qui était considéré comme comportement poli par la communauté magique britannique; et il doutait beaucoup que son père, s'il avait vécu pour éduquer son fils, ait pu être d'une grande aide. Le cours que sa vie avait pris lui faisait certainement suspecter le contraire.
Il s'était senti très inadéquat quand Lucius et Owen, qui avaient prévu une courte réunion des Phoenix, avaient secoué leurs têtes d'exaspération, se demandant pourquoi il était toujours vivant et pas un invité permanent de Ste. Mangouste. Ils avaient passé la moitié de la nuit à lui donner des instructions sur la manière de choisir soigneusement ses mots. Il était préparé à prendre leurs admonitions à coeur, mais graduellement. Cela ferait plus de mal que de bien s'il se transformait soudain en courtisan parfait.
Il avait été ponctuel, comme toujours, et Voldemort le fit attendre, comme toujours. Finalement il entra dans la salle, avec Tabitha sur ses talons. Tandis qu'il se prostrait ---le faire devant Tabitha lui faisait grincer des dents---il se demanda brièvement si elle habitait maintenant ici d'une façon permanente ou simplement si elle et son mari assistaient à tour de rôle à chaque entretien que Voldemort avait avec l'un de ses partisans. Il défendit à son esprit de s'attarder sur ce qu'elle pourrait être d'autre pour le Maître.
"Vous avez demandé à me voir?" dit Voldemort, alors qu'il était encore prostré.
"Oui, Mon Seigneur. Il y a quelques problèmes importants qui ont besoin de votre conseil " Dans les temps anciens, il aurait dit 'des problèmes au sujet desquels je voulais discuter avec vous'. Mais Lucius et Owen lui avaient très bien fait comprendre qu'on ne 'voulait' pas quelque chose en parlant à Voldemort.
"Très bien, Severus, vous pouvez vous relever. Je vois avec plaisir que vous avez appris de vos erreurs passées. "
"Oui, Mon Maître, grâce à votre patience ."
Il se releva et attendit que Voldemort lui indique où il pourrait se tenir debout ou s'asseoir. Ses riches robes noires bruissant sur le plancher en bois, Voldemort traversa la salle et s'assit, faisant signe à Tabitha d'en faire de même. Severus resta debout là où il était, près de la fenêtre, dos à la fenêtre.
Une vague nonchalante de la main du Maître. "Vous pouvez commencer "
C'était une situation très gênante, et une situation qu'il n'avait pas prévue. Le potion et tout ce qui allait avec devait rester un secret entre lui et Voldemort, il lui avait explicitement été ordonné de ne le dévoiler à personne. Maintenant Tabitha était aussi là, assise à côté de son Maître avec sa tête haute, une méchante reine infante. Que devait-il faire? Lui était-il permis de le savoir? Le savait-elle déjà? Voldemort serait-il furieux s'il suggérait que sa présence pourrait ne pas être appropriée? Il avait completément perdu ses mots, prisonnier de ses propres insécurités.
"Elle peut entendre tout ce que vous pourriez avoir à dire, Severus. Si c'est ce qui vous fait hésiter "
Severus laissa échapper un soupir de soulagement. "En effet, Mon Maître. Je vous présente mes excuses pour mes scrupules injustifiés " Un autre geste dédaigneux de la main de Voldemort. "J'ai, comme vous le savez, aidé Lucius avec ses recherches dans la bibliothèque de famille des Malfoy. D'abord je ne voulais pas le faire, puis j'ai repensé ma décision, parce que cela offrait l'occasion de le surveiller, tout comme vous m'aviez dit de le faire "
Voldemort hocha la tête et le regarda, les yeux à demi clos mais attentif. "Et? A-t-il fait ou dit quoi que ce soit pour vous donner une raison de douter de sa loyauté?"
Jamais un non ouvert. Une des premières règles qu'ils avaient inculquées dans son cerveau hésitant. Jamais un non ouvert "Je n'ai rien vu ni entendu de suspect, Mon Seigneur. Mais j'ai profité du fait que j'étais dans sa bibliothèque, souvent seul, pour jeter un coup d'?il à la collection de Dioscuride Malefoi "
"Dioscuride Malefoi? Il était botaniste, à moins que ma mémoire ne me trompe "
"Et flatte-le, Severus. Essaye d'introduire un compliment à chaque fois que tu le peux"
"Je ne peux pas faire cela, Owen. C'est. oh, merde, je ne sais pas ce que c'est. Sale. Collant. Tout ce que tu veux"
"Severus, tu es aussi Serpentard que n'importe lequel d'entre nous. Bien sûr que tu peux le faire . Parce que tu le dois!"
"Je sais que je peux. Mais pas avec lui. C'est différent, je-"
"Severus!"
"Lâche-moi, Lucius! Tu peux me parler sans déchirer la manche de ma chemise"
"D'accord. Veux-tu que cette folie se termine oui ou non? Oui, tu le veux. Alors essaye de faire ces fichus compliments. Il les adore"
"Votre mémoire est véritablement stupéfiante, Mon Seigneur. Oui, Malefoi avait une passion pour la botanique et a monté une collection unique de livres et de papyri. Je ne vais pas ennuyer avec les détails à moins que vous ne vouliez les entendre-" une vague de dédain "- alors j'espère que vous pourriez être intéressé par l'aboutissement de cette recherche "
"Si c'est d'une importance quelconque pour le projet."
Pas 'oui, je le pense'. Laisse le toujours être celui qui décide ce qui est important ou bon. "Je pense. que cela pourrait l'être, Mon Seigneur. C'est la raison pour laquelle je suis venu vous demander conseil. Je pense que je pourrais avoir trouvé la substance qui détruit le sang de loup-garou "
Un intérêt rouge luit à travers les pupilles noires. "Vous pensez? Dites le moi, alors "
Severus fit la description de la fleur noire. "Seulement je n'ai trouvé aucune indication du lieu où on peut la trouver de nos jours "
"Ah," souffla Voldemort, "Un résultat intéressant. Et vous avez bien fait de me poser la question, Severus. Pendant mes voyages à l'étranger, je suis tombé sur des textes, très peu nombreux et très rares, qui parlent de cette fleur. Elle est appelée Lys du Diable, et peut être trouvée partout en Europe, en des lieux où les forces chthoniques sont particulièrement puissantes. L'anneau de pierres où j'initie de nouveaux partisans pourrait être un tel endroit "
Bien sûr, bien sûr! Comment pouvait-il ne pas y avoir pensé! "Je. je ne sais pas quoi dire, Mon Seigneur. C'était. stupide de ma part de ne pas y avoir pensé. Et fleurit-elle dans la nuit de la première nouvelle lune après le solstice d'été?"
"Oui" Voldemort lui fit un sourire malicieux. "Vous vous êtes gagné un temps précieux, n'est-ce pas, Severus?"
Ne faisant aucune attention au conseil qu'il avait reçu, Severus le regarda droit dans les yeux. "Cela n'a jamais été mon intention, Mon Seigneur "
"Quoi qu'il en soit. Veillez à ce que la potion soit prête le plus tôt possible. Vous pouvez partir maintenant "
Tout en embrassant l'ourlet des robes du Maître, Severus pensa qu'il n'avait pas pu élever la question des conjonctions. Il était trop risqué de le faire maintenant. Cela devrait attendre la prochaine fois. Considérant la manière dont cette réunion s'était passée, il pourrait être au moins sûr qu'il y aurait une prochaine fois, car Voldemort avait été satisfait.
