CHAPITRE 30

Les réunions du personnel à Poudlard se tenaient chaque samedi matin entre dix et douze heures, sauf les samedis avec Quidditch; alors les réunions étaient remises au dimanche matin. C'était un phénomène étrange, pensait Severus : pendant la semaine, quand il devait enseigner et noter des devoirs et écouter les plaintes des élèves au sujet de problèmes absolument idiots, les jours semblaient durer un temps interminable. Quand il était en chemin vers une de ces fichues réunions du personnel, cependant, le temps qui avait passé entre la réunion présente et la précédente semblait avoir rétréci jusqu'à néant.

Mais aujourd'hui, en ce jour chaud de juin, se tenait la dernière réunion du personnel du trimestre d'été. Une autre semaine, et l'école serait finie, si bien qu'il pourrait finalement retourner chez lui. Même si c'était seulement pour deux mois insuffisants. Mais c'était certainement mieux que rien. Il jeta un coup d'oeil aux autres enseignants, relativement sûr de ce qu'ils pensaient de lui. McGonagall n'était jamais ouvertement hostile, mais certainement plus qu'un peu suspicieuse. Dumbledore lui avait dit qu'elle avait été très sceptique quant à son choix. D'autre part, Black était clairement son animal familier préféré; c'est pourquoi il devrait probablement s'estimer heureux qu'elle s'abstienne d'une inimitié ouverte. Flitwick était. eh bien, Flitwick. Avec lui, l'inofensivité n'était pas un faux-semblant, comme avec Dumbledore. Flitwick était agréable et amical jusqu'à la moelle de ses os. Intelligent, oui, sans aucun doute; après tout il était un Serdaigle. Et un duelliste très habile, de même qu'un véritable atout en charmes. Il lui faudrait longtemps pour en venir à vraiment ne pas apprécier quelqu'un, pensa Severus. Dans l'état présent des choses, le Directeur de Serdaigle se souvenait de Severus comme d'un excellent élève et n'avait pas de raison de le détester. A tout prendre, ils s'entendaient tout à fait bien. Même chose avec Demeter Chourave. Severus toujours avait été le meilleur de la classe en Botanique, simplement parce qu'une connaissance botanique profonde était nécessaire pour préparer des potions parfaites. Pendant son apprentissage avec McLachlan, Severus avait acquis beaucoup de techniques botaniques, et, après son retour à Poudlard, quelques conversations avaient été suffisantes pour que la Directrice de Poufsouffle le prenne dans son coeur. Tant mieux pour lui. Après tout, il devait retrouver les trois autres Directeurs de Maisons et le Préfet et la Préfète en Chef tous les mercredis soir, et il était de beaucoup préférable de ne pas être complètement seul.

Le reste du personnel était relativement sans importance. Sauf Acantha Sinistra, professeur d'Astronomie, qui avait une rancune envers lui parce qu'elle avait servi de Directrice temporaire de Serpentard depuis le départ de Karkaroff et était maintenant fâchée parce que quelqu'un de quarante ans de moins qu'elle avait été choisi pour remplir ce poste. Et Black, bien sûr. Cet idiot. Au moins la plus récente réprimende qu'il avait reçue de Dumbledore semblait l'avoir convaincu qu'il ne pouvait pas traiter Severus de Mangemort, et que le Directeur n'appréciait pas ses astucieux petits arrangements pour se débarasser du Maître de Potions détesté. Petite consolation mais, de nouveau, mieux que rien.

"Bien," dit Dumbledore, "Si cette question est réglée, je pense que le point suivant que nous devons discuter est les préfets et préfets en chef de l'année prochaine. Des suggestions?"

Severus sortit brusquement de sa rêverie. Ceci était intéressant car il était, d'une part, Directeur de Maison, mais d'autre part il n'avait pas été ici suffisament longtemps pour vraiment connaitre ses élèves. Il était très curieux en effet de voir comment Dumbledore allait contrôler ce qui tournerait certainement en un conflit entre lui-même et Professeur Sinistra.

"Je pense," commença McGonagall -bien sûr sans qu'on ait particulièrement fait appel à elle, mais elle était Sous Directrice, "que nous devrions garder les Préfets en Chef de cette année. Après tout, même si l'année prochaine est leur septième année, et en dépit des A.S.P.I.Cs qui arrivent, la routine qu'ils ont acquise maintenant devrait les aider"

Personne n'émit d'objection. Bien qu'il soit hésitant à l'admettre, Severus était silencieusement d'accord avec McGonagall; Paula Jenkins, une Poufsouffle, et Victor Henderson, un Serdaigle, étaient efficaces, polis et très populaires parmi les élèves sans être obligés de fraterniser avec eux. Ils avaient été un bon choix et continueraient certainement leurs activités l'année prochaine à la satisfaction de tout le monde.

"Excellent," dit Dumbledore, "Alors ceci semble être clair. Minerva, aurez- vous la gentillesse de préparer leurs lettres?"

La Sous Directrice hocha la tête et gribouilla quelque chose sur un morceau de parchemin.

"Alors les Préfets de l'année prochaine," continua le Directeur, "par ordre alphabétique, comme toujours. Gryffondor?"

McGonagall soupira et ôta ses lunettes. Quel effet théâtral, pensa Severus. Il savait, bien sûr, qu'elle était extrêmement mécontente des deux préfets qu'elle avait choisis pour cette année-cela déjà avait transpiré pendant les réunions précédentes. Ils étaient des cinquième année, et un couple; ce qui signifiait que la plupart du temps ils étaient en train de s'embrasser dans quelque partie moins fréquentée de l'école et ainsi qu'il ne fallait pas compter sur eux pour les interventions d'urgence dans la Salle Commune. Pour rendre justice à leur Directrice de Maison, ils n'étaient pas encore ensemble quand elle les avait choisis; au contraire, c'était leurs devoirs communs qui leur avaient fait découvrir qu'ils avaient plus en commun qu'un insigne avec un P. brillant.

"Je suppose que ce serait redondant si je disais que nous devons absolument les changer " Cette phrase fut saluée par une hilarité générale, et elle fit à la faculté assemblée un de ses demi-sourires pincés. "Considérant ces temps difficiles, et le fait qu'il est plus probable que nos élèves cherchent l'assistance et l'aide de leur préfets, je suppose qu'il serait mieux de choisir deux septième année. Je sais, ils doivent étudier, mais tout le monde doit étudier pour ses examens finaux, donc la différence est négligeable " A cela, quelques enseignants se lancèrent des regards dubitatifs les uns aux autres.

Severus devait être d'accord avec eux et le dit "Je ne suis pas sûr que ceci soit un argument valable. Si un élève loupe son examen final, c'est ennuyeux mais ce n'est pas une catastrophe. Louper vos A.S.P.I.C.s, et l'avenir paraît plutôt sombre. A qui pensiez-vous, de toute façon?" Black, cet idiot, le dévisageait déjà avec colère. Cela était un des nombreux ennuis avec les Gryffondors: s'ils vous détestaient, tout ce que vous disiez ou faisiez devait être dirigé contre eux personnellement, que ce soit objectivement juste ou non.

McGonagall ne semblait pas être satisfaite de son objection, non plus, mais au moins elle avait la bonne grâce de l'accepter. "D'abord, il y a Anthony Beckinsale-"

"Quoi?" l'interrompit Severus . Anthony Beckinsale. Voilà ce qu'était l'intuition Gryffondor . C'était le fils d'un des Mangemorts les plus zélés- d'autant plus parce qu'il avait aussi été Gryffondor-et Severus savait exactement que Anthony avait hâte de recevoir la Marque Sombre dès qu'il aurait son diplôme. S'il y avait une disponibilité.

Remettant ses lunettes sur son nez, elle lui lança un regard tranchant. "J'ai dit Anthony Beckinsale, et assez clairement, je crois. Il est un des meilleurs élèves, des excellentes notes dans toutes les matières-que pourriez-vous donc avoir à dire contre lui?" Elle avait élevé sa voix, qui était maintenant au bord du cri.

Après avoir attiré l'attention de Dumbledore-le Directeur fit un signe de tête minuscule pour indiquer qu'il avait compris que ceci était sérieux- Severus répondit, aussi calmement que possible, "Malheureusement, je ne peux pas vous en dire la raison. Mais croyez moi, Beckinsale ne doit pas, sous aucun prétexte, devenir préfet "

McGonagall inhala brusquement et préparait évidemment une réponse tranchante, mais Black fut plus rapide. "Qui diable penses tu être, Rogue?" Crach! Son poing droit descendit sur la table, faisant sauter les verres d'eau de ceux qui étaient assis à côté de lui; un se renversa même. C'était celui de Professeur Brûlopot, qui fronça des sourcils vers son jeune confrère et tira hâtivement sa baguette pour nettoyer le désordre, pendant que Black continuait, imperturbable. "Tu es ici depuis à peine deux mois, mais tu penses que tu peux donner des ordres-"

"Assez!" Evidemment, la patience de Dumbledore se faisait rare. Severus le vit avec satisfaction. "Je discuterai de ce problème avec Severus en privé, après la réunion. Pour le moment, Beckinsale ne sera pas considéré comme un candidat possible. Qui était votre autre choix, Minerva?"

"À moins que Professeur Rogue ne mette son veto," dit-elle de manière tranchante, "j'avais pensé à Lobelia Malkin" Elle pouvait avoir prévu une autre objection féroce de Severus, mais il haussa simplement les épaules. Le reniflement moqueur audible vint de plus loin à la table. "Oui, Amanda?" dit-elle d'un ton rogue, jetant un regard noir à Madame Bibine, l'instructrice de vol, "Y a-t-il quoi que ce soit que vous deviez dire contre elle?"

Amanda Bibine était une sorte de joker dans tout ce jeu de hiérarchie et de pouvoir; cela, Severus l'avait compris très rapidement. Sa mère était française, et elle était allée à l'école à Beauxbatons-malheureusement elle avait plus de vingt ans de plus que Narcissa, autrement Severus aurait pu engranger des informations valables venant d'elle. Après une brève apparence dans les rangs de l'Equipe Nationale française, elle était tombée amoureuse et s'était mariée, seulement pour divorcer cinq ans plus tard. Après cet interlude, ses chances de grande carrière internationale étaient parties, et elle avait joué pour diverses plus petites équipes jusqu'à ce que Dumbledore l'engage pour Poudlard. Le cynisme était écrit en gros sur son visage, et elle était plutôt rauque et indélicate; mais en dépit de toutes ces qualités pas-trop-attendrissantes, elle était bien appréciée par les élèves. Avec ses mouvements brusques et néanmoins unis, ses yeux un peu jaunes et ses cheveux épineux qui avaient déjà viré au gris, elle rappelait un chat errant agressif à Severus. La plupart du temps, il l'appréciait tout à fait.

"Eeeehhh bien,"dit Bibine d'une voix traînante, elle se renfonça dans son fauteuil et alluma une cigarette-quelque chose qui ne manquait jamais d'irriter McGonagall, "Nous savons tous que .euh, l'ascendance de Mademoiselle Malkin est un peu. comment devrais-je l'exprimer. entâchée ?"

Severus se permit un petit rire silencieux. Ceci promettait de devenir très, très amusant.

Et en effet, McGonagall devint écarlate de fureur. "Puis-je suggérer," siffla-t-elle, "que vous vous exprimiez un peu plus clairement, ma chère? Calomnier simplement est un peu insuffisant, ne pensez vous pas?"

"À moins que votre nom ne soit Severus Rogue," marmonna Black. Severus décida de laisser cela passer, pour ne pas gâter l'amusement.

"Avec le plus grand plaisir," dit Madame Bibine, et elle souffla trois ronds de fumée parfaits. "Selon la rumeur le beau-frère de Monica Malkin était le père de son enfant. Et si je sais cela, considérant le fait que j'ai passé une partie relativement petite de ma vie en Angleterre, je suis sûr que tous les autres le savent aussi "

Severus décida que, lui aussi, il voulait participer au jeu. Regarder les autres jouer était amusant, mais avoir un rôle actif était beaucoup plus amusant. Surtout s'il prenait le parti des Gryffondors, protecteurs de veuves et d'orphelins. "Et en quoi, je vous prie," dit il d'une voix trainante de son meilleur ton de Je-Suis-Un-Batard-Arrogant, "serait-ce important?"

Black et McGonagall, déjà prêts à frapper, s'arrêtèrent au milieu de leur fureur vertueuse et fermèrent brusquement leurs bouches. Il était dur de ne pas leur rire au nez.

Amanda Bibine se pencha en avant, pour pouvoir regarder Severus dans les yeux. Il lui fit un clignement d'?il infinitésimal. Le coin droit de sa bouche se releva brièvement-probablement qu'elle avait compris. "Je pense que c'est très important," répondit-elle, "parce que notre société est une société d'hypocrites. Pas que j'aime cela-ne me comprenez pas de travers. Mais c'est comme cela. Ce ne sera pas long-en fait, je prendrais tous les paris que vous voulez que cela va arriver la première fois qu'elle enlèvera des points-avant que l'un de ses chers camarades ne remette en cause son autorité en raison de sa naissance douteuse. Vous savez comment ils sont," dit-elle, plus à l'assemblée générale qu'à Severus, "Et ne faites pas semblant de ne pas savoir exactement combien ils peuvent être cruels. Je vous assure, vous ne rendrez pas de service à cette fille en la nommant préfète. Pour elle, cela veut seulement dire problèmes et frustration "

"Mmmh." en dehors du fait d'être dans son jeu, ceci était une façon intéressante de raisonner, pensa Severus. De plus, elle avait raison. "Je pense que vous marquez un point, là "

La capitulation n'était pas quelque chose que McGonagall digérerait facilement, mais finalement elle le dut. Après cela, les choses se passèrent plutôt facilement; les préfets pour les quatre maisons furent choisis, et l'atmosphère semblait tout à fait relâchée.

"Comme vous le savez tous," dit Dumbledore après une courte pause, "M. Phorme projette de prendre sa retraite à la fin de l'année scolaire prochaine. J'ai donc décidé d'engager une bibliothécaire auxiliaire, à commencer du début du prochain trimestre. Son nom est Alyma Pince, elle a trente sept ans et a jusqu'ici travaillé à la Grande Bibliothèque d'Alexandrie, où elle a fait sa formation, puis à la Bibliothèque Magique Potemkin à St. Pétersbourg. Ses références sont impeccables " Ces derniers mots étaient clairement prononcés en direction de Severus.

"A quelle école a-t-elle été?"demanda Severus, en fronçant les sourcils.

"Elle avait des tuteurs privés. Son père était diplomate et ne voulait pas que ses enfants restent loin de leurs parents. Je pense qu'elle se révèlera être une addition de valeur à notre personnel " Tout le monde acquiesça, et Dumbledore scruta le parchemin étendu devant lui. "Je pense que c'est tout pour aujourd'hui, à moins que quelqu'un ait une autre demande?"

Ceci était le moment que Severus attendait. Il avait une demande et était très curieux de voir comment elle serait acceptée. "Oui, Directeur," dit- il, levant la main, "il y a autre chose "

Dumbledore parut légèrement confus mais dit, "Oui, bien sûr, Severus, qu'est-ce?"

"Je pourrais avoir besoin d'un assistant pour les deux ou trois prochaines années "

Tout comme il l'avait prévu, Black commença à rire; un aboiement bruyant, funeste, théâtral.

"S'il te plaît, Sirius!" dit le Directeur, semblant plutôt irrité. Black se fit silencieux et se limita à regarder vicieusement. "Euh, Severus, pourriez-vous s'il vous plait nous donner les détails?"

"Bien sûr," dit soyeusement Severus. "Vous voyez, sauf les première année, tous mes élèves devront rattraper deux ans de classes de Potions qu'ils ont manquées. Un an, dans le cas des deuxième année. Le nombre d'heures d'enseignement est limité, et il n'y qu'une certaine quantité de connaissance supplémentaire que je peux introduire. Je suis tout à fait pour donner des défis aux élèves, mais les surmener ne ferait que les frustrer à la longue. Donc, beaucoup de choses qui seraient d'habitude faites en classe devront être faites par études indépendantes. Que je dois surveiller, bien sûr. Constamment. De plus, je devrai faire des leçons supplémentaires pour les candidats aux A.S.P.I.Cs et aux B.U.S.Es de l'année prochaine. Combiné avec le reste de mes devoirs, ceci est une trop grande somme de travail pour une seule personne. La situation, bien sûr, s'améliorera chaque année, mais pour les deux, maximum trois, prochaines années j'ai besoin d'aide "

"J'approuve absolument cela," dit McGonagall, à sa grande surprise, "je ne pourrais pas imaginer enseigner le programme de trois ans réduit en un seul " Alors, il pensa soudain qu'elle estimait probablement que ceci était une opportunité idéale pour que quelqu'un l'espionne. Mais quelles qu'en soient les raisons, il avait son soutien, et il avait vraiment besoin d'un assistant, en plus des bénéfices subsidiaires qu'il espérait moissonner- mais il n'allait certainement pas dire cela à ses estimés confrères.

Les autres acquiescèrent leur consentement, et Dumbledore dit, "Je n'ai pas d'objection. L'école peut facilement se le permettre, et si cela aide à donner une formation plus approfondie à nos élèves, je suis entièrement pour. Avez-vous des suggestions quant à la personne que vous aimeriez comme assistant?"

"Je crois que oui. Vous vous souvenez certainement de Mathilda Reynolds-" 'mhm' général "-elle est un peu réservée mais très bonne avec les plus jeunes enfants. J'ai pensé qu'elle pourrait enseigner aux première et deuxième année, corriger leurs devoirs et m'aider à surveiller les études indépendantes jusqu'à la quatrième année "

"Mademoiselle Reynolds!" dit d'une voix haut perchée Cassandra Coleridge, professeur de Divination, "Quelle fille charmante! N'y avait ---" elle fronça les sourcils "-n'y a t'il pas eu quelque scandale épouvantable? Il y a deux ou trois ans?"

"Pas un scandale épouvantable, non," ajouta Amanda Bibine, "Mais elle a dû rompre ses fiançailles avec. quel était son nom? Cependant, toute cette affaire était plutôt louche-les journaux ont dit qu'ils n'étaient simplement plus amoureux, mais bien sûr tout le monde savait que cela avait des raisons politiques "

Dumbledore croisa ses doigts, les coudes reposant sur la surface de la table en bois, et attendit patiemment quelques minutes jusqu'à ce que le gazouillement femelle au sujet des mariages, des scandales et des coeurs brisés se soit un peu calmé. "Pourrions-nous revenir à notre discussion, s'il vous plaît?" appela-t-il alors, et le niveau de bruit descendit immédiatement à zéro. "L'avez vous déjà contactée, Severus?"

"Bien sûr que non, Directeur. Je ne voulais pas forcer la décision du personnel enseignant "

"Dans ce cas, je suggère que vous lui écrivez le plus tôt possible. Si elle consent, faites le moi savoir pour que je puisse préparer la lettre officielle. Bien," dit-il à son personnel assorti, "ceci était une réunion très satisfaisante. Merci, tout le monde. Passez une bonne dernière semaine du trimestre. Severus, pourriez-vous rester avec moi un moment?"

Bizarre, pensa Severus, comme certaines situations de sa vie se ressemblaient. Ou plutôt, le modèle était le même, la matrice semblait identique. Et tout de même, la différence était aussi grande qu'elle pouvait l'être. Il y avait une réunion. Il y avait une hiérarchie. Les jeux de pouvoir abondaient. Lui, Severus, partageait des connaissances classifiées avec le dirigeant. Les autres étaient congédiés, tandis qu'il lui était demandé de rester. Seul. Avec le chef, pour discuter des problèmes importants en privé. Et pourtant. c'était différent. Ce qui rendait la situation entière si déconcertante et presque incompréhensible pour lui était qu'elles ne pouvaient pas même être décrites comme deux extrêmes ou opposés. Les opposés étaient les deux faces de la même pièce, et avaient ainsi quelque chose en commun, car ils se complétaient l'un l'autre. Mais ceci. cette étrange différence qui ne cadrait pas dans son système de pensée n'avait aucun rapport que ce soit avec ce qu'il en était peut-être venu à craindre, mais du moins connaissait. C'était comme s'il avait appris les règles d'un jeu, les savait par coeur, puis essayait de jouer à ce jeu avec des joueurs différents qui obéissaient apparemment aux mêmes règles -seulement pour prendre conscience qu'il n'y avait pas de règle. Ou du moins aucune qu'il puisse identifier. Cela lui donnait une impression de sécurité et de fragilité en même temps.

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"Vous pouvez partir maintenant. Severus, vous restez "

Lucius, Owen et St Jean se levèrent, se prosternèrent, embrassèrent l'ourlet de robes de Lord Voldemort et quittèrent la salle. Severus resta assis où il était, l'anxiété s'accumulant dans son estomac, bien qu'il sache-mais cela était seulement sa raison-qu'aujourd'hui il serait probablement en sécurité. Il n'y avait plus de sécurité cependant. Pas autour du Maître. Il était devenu irrité et capricieux, de plus en plus. Bien sûr, personne n'aurait osé lui demander pourquoi, mais ils se demandaient tous exactement ce qui était arrivé pour causer ces changements d'humeur completément inexplicables et imprévus. Tabitha semblait être la seule à ne jamais devoir souffrir de ces accès de fureur irrationnelle. Petite consolation, pensa Severus. Ou peut-être qu'elle aimait cela. Ou peut-être qu'elle n'aimait pas cela mais était ensuite mise sous oubliette. Cependant, il était maintenant très conscient que, bien que porteur de bonnes nouvelles, il pourrait quitter cette salle dans un état considérablement pire que celui dans lequel il était entré.

"Avez-vous la fleur, Severus?"

"Oui, Mon Seigneur. Je l'ai cueillie hier soir au cercle de pierre de Brodgar, selon le rite. Elle est maintenant conservée dans de l'huile, et je vais immédiatement commencer à travailler sur l'expérience "

"Que savez-vous des potions d'augementation de force, Severus?"

La question le prit complètement par surprise. "Je. je vous demande pardon, Mon Seigneur? Faites-vous référence à celle que je développe pour-"

Les yeux qui avaient autrefois été noirs prirent un éclat violet d'impatience, et Voldemort repoussa avec colère sa question d'un revers de sa main droite. "Bien sûr que non. J'ai dit potions d'augmentation de force. Parlez-m'en "

Qu'est ce qui était pire? Commencer à parler de la mauvaise sorte de potions ou reposer la question? Pourquoi ceci devait-il être si difficile? Et pourquoi si humiliant? Probablement parce que, comme il l'avait dit au Baron, l'amour était toujours là, battu et contusionné mais levant encore les yeux pour faire face à celui qui l'avait engendré. Il devrait enfoncer un coin de bois dans son propre coeur et âme s'il voulait tuer cette émotion. Severus décida qu'il préférerait poser la question. "Mon Maître, pardonnez-moi d'être si lent à comprendre, mais voulez-vous dire force physique ou magique?"

Quand avait-il reçu une claque pour la dernière fois? Cela brûlait et piquait. Il était de nouveau un petit garçon, stupide et lent, et indigne d'affection. peut-être que c'était vraiment ce qu'il était. Il lutta contre le désespoir qui menaçait de l'avaler entièrement. Le Seigneur a donné et le Seigneur a repris; que le nom du Seigneur soit loué. Il sentit les larmes monter à ses yeux, les fit reculer par sa volonté; il préférait être étouffé par elles que de pleurer. Pas de pleurs, ni de mains tendues vers lui. Il devait rester calme et composé. Imaginer qu'un immense vide noir surgissait en lui, engloutissant, absorbant toute émotion. Imaginer qu'il surgissait comme une main froide faite de nuit sans étoiles, se refermant sur ses sentiments et les écrasants jusqu'à ce qu'ils soient réduits à néant. quelques éclats de glace empoignés solidement par un poing qui se retirait quelque part. Dans les profondeurs. Le laissant vide. Il leva son visage vers son Maître.

"Magique, alors, Mon Seigneur?" La froideur s'était infiltrée dans sa voix.

Voldemort se tenait à la fenêtre-cette fenêtre, pensa Severus, et un éclat s'échappa du poing et s'enfonça droit dans son coeur. La fenêtre qui, il y a trois ans, avait été ouverte, laissant entrer un torrent d'air tiède du matin enceint d'espoir et de l'odeur d'herbes méditerranéennes. Elle était maintenant fermée. Dans la salle, l'air était étouffant, difficile à respirer. Le dos de Voldemort était tourné vers lui. Le Seigneur des Ténèbres était devenu décharné-Severus pouvait voir les contours de ses omoplates en contraste vif sous la soie de ses robes. Et les cheveux noirs et soyeux avaient perdu une partie de leur brillant. La scène avait une beauté étrange et sombre: dehors, derrière les arbres, un orage se préparait, ses nuages de plomb obscurcissant le soleil, volant les vert vif et les bleus de la nature, les trempant d'ombre incolore. Devant cet arrière-plan, encadré par lui, se tenait la silhouette de Voldemort. Un portrait sans visage en noir et en rouge sang.

"Magique," dit le Maître, inclinant légèrement la tête.

"Toutes les potions d'augmentation de magie doivent contenir soit du sang de licorne, soit des larmes de phoenix. Des expériences ont été faites avec des fibres de coeur de dragon pulvérisées, et aussi quelques-unes avec du venin de serpents distillé et purifié, mélangé avec-"

Il vit les mains de Voldemort empoigner le rebord de la fenêtre; un spasme parcourut le corps du Seigneur des Ténèbres. "Le venin des serpents. parle m'en, Severus "

"Je." Severus avala. "J'avoue, Mon Seigneur, que ceci est simplement quelque chose que je me souviens avoir lu. ou peut-être entendu."

La salle était maintenant presque sombre. A l'extérieur, le monde s'était arrêté; pas une feuille ne bougeait, les branches retenaient leur souffle. Au-dessus de la tête de Voldemort, un sommet de montagne lointain était éclairé par rayon de lumière du soleil égaré , une pierre précieuse couronnant des cheveux d'un noir de jais.

"Alors dites-moi ce que vous savez."

Le premier éclair découpa le firmament, le tonnerre rugissant à sa suite. Un instant de calme de plus, comme si les Dieux respiraient à fond, puis les éléments se lancèrent en avant, aveuglément, avec voracité et pleins de cruauté.

"Je sais que ces expériences ont été entreprises sur les bases d'une croyance ancienne, Mon Seigneur " Le son de la voix de St Jean Lestrange dériva dans son esprit. 'Il ne meurt pas, il se transforme seulement. Mystérieusement, inexplicablement. Il se transforme en quelque chose de plus fort et de bien plus puissant qu'avant.'"Le rite du serpent s'empoisonnant lui-même, l'uroboros. Fondamentalement, c'est un rite fortifiant qui a mal été interprété par les alchimistes "

La pluie se déversait maintenant en draps épais et argentés, battant les feuilles et l'herbe, remplissant la terre qui n'était pas préparée pour autant de liquide, si bien qu'elle étouffait et s'étranglait sous l'attaque. La fenêtre resta fermée, cependant. Pas d'air frais, pas d'odeur de sol humide, pas de murmure de l'eau frappant le sol solide.

"Mal interprété. pas entièrement. C'est un rite de pouvoir, si grand que personne n'a encore osé l'entreprendre. Vous ne comprenez pas, Severus?" Le chuchotement faible de la pluie fut noyé par le bruit de froissement des robes de soie quand Voldemort se retourna.

"Mon Seigneur. je. je ne peux pas vous suivre."

"Enfant stupide " L'intonation douce d'une mère, grondant son plus jeune enfant. "Pour commencer ce rite, qui est l'étape ultime, je dois rassembler des forces. Par des potions, parmi elles, celles que vous ferez pour moi. St. Jean m'a dit qu'il pourrait être mieux d'attendre que l'enfant que nous choissons ait été exposé deux fois aux forces jointes de Jupiter et Mars. Autant que cela me chagrine d'attendre, j'aurai la patience nécessaire. Entretemps, vous préparerez les potions d'augmentation de puissance pour moi, Severus. Celles que St Jean a préparé jusqu'ici n'ont pas eu l'effet désiré "

St Jean. il était un excellent Maître de Potions mais manquait d'imagination. Alors peut-être que ces sautes d'humeur. "Mon Seigneur, puis- je demander quel genre de potions il a préparé?"

Un éclair jeta une ombre fugace sur le visage de Voldemort, soulignant les profonds creux de ses joues. Oui, pensa Severus, il était devenu émacié. Il avait toujours été svelte, mais d'une manière gracieuse, comme un chat. Maintenant il était osseux. "Il." Y avait-il vraiment eu une légère hésitation dans la voix du Seigneur des Ténèbres? "Il.a expérimenté avec le venin distillé de serpents. Sans beaucoup de succès "

"A expérimenté, Mon Seigneur? Vous avez vu les recettes? Les formules?" Pas que cela eût eu beaucoup de sens-son Maître était un sorcier puissant, mais n'était pas beaucoup plus que moyen quand il s'agissait de potions.

"Non " La monosyllabe semblait si terminale que Severus n'osa pas poser d'autre question. Mais son esprit tanguait d'agitation fiévreuse: qu'est ce que Lestrange avait fait, au nom de Merlin ? Affaiblissait-il intentionnellement Lord Voldemort ? Essayait-il de l'empoisonner? Ou était- ce quelque ambition manquant de jugement, parce qu'il voulait être celui dont les potions multiplieraient le pouvoir de Son Maître?

"Je essayerai bien sûr de trouver les brouets les plus efficaces, Mon Seigneur. Mais comment préféreriez-vous que je vous les livre? Les vacances durent seulement deux mois, et quand je serai de retour à Poudlard -"

"Vous trouverez un moyen "

"Oui, Mon Seigneur. Puis-je vous dire quelques nouvelles importantes?"

La pluie était maintenant une simple bruine, un doux voile de minuscules diamants caressant là où il avait battu, embrassant là où ses dents avaient profondément mordu. Voldemort quitta sa place à la fenêtre et retourna à la table. "Cela vaut-il mon temps?"

Ces questions-elles paraissaient assez inoffensives, comme des caramels, bénignement donnés. L'enfant les prenait et, au lieu de prendre son temps pour les sucer soigneusement, mordait dedant, et criait de douleur parce que son palais était criblé de copeaux de fer tranchants qui avaient été astucieusement caché dans la sucrerie. Severus avait appris sa leçon, cependant. "J'espère que oui, mon Seigneur. Cela semble être important "

Ses mains aussi étaient devenues cadavériques; la fine structure d'os semblait n'être couverte que par une peau mince comme du papier. Les doigts flottèrent vers sa baguette. "Alors dites moi, Severus "

"Dumbledore ne semble pas me faire trop confiance, mon Seigneur. Il a insisté pour que je reçoive un assistant, probablement pour garder un ?il sur moi "

"Eh bien," souffla Voldemort, "Il fallait seulement s'y attendre. Je suppose que vous ne pouviez pas refuser avec trop de force?"

"En effet, Mon Seigneur. Mais j'ai suggéré qu'il engage Mathilda Reynolds. C'est la fille-"

"Je sais qui est Mathilda Reynolds ," l'interrompit impatiemment Voldemort. "Pourquoi elle?"

"Parce que, bien que Roger Lovegood soit mort maintenant, sa famille a encore des connexions proches avec le Ministère et aussi les Aurors les moins radicaux. En plus, son père possède la plus grande société de bâtiment dans le pays, donc j'ai pensé qu'elle pourrait être une source d'information de valeur "

Ceci avait été sa propre idée, fort approuvée par Lucius et Owen. Il ne pouvait pas trahir Dumbledore, car cela aurait mis en danger leur projet entier. Mais Mathilda, si elle était traitée gentiment et avec patience, pourrait fournir des détails qu'il pourrait donner à Voldemort-et il avait besoin de fournir des résultats tangibles, non seulement pour sauver sa propre peau. Si le Maître décidait que sa présence à Poudlard n'était plus profitable- car qui avait besoin d'un espion s'il ne rapportait pas quoi que ce soit d'utile? -il ne lui permettrait jamais de rester là-bas, et ainsi leur filet subtilement tissé se déferait tout entier. Mais s'il avait Mathilda, il pourrait extraire d'elle autant de faits que possible, les étiqueter 'Dumbledore' et les passer au Seigneur des Ténèbres.

Les yeux rouges, leur brillance intensifiée par le soleil couchant maintenant visible, l'entourèrent d'un regard attentionné. "Peut-être avez vous raison," dit lentement Voldemort. Ses paupières lourdes tombaient. "Laissez-moi maintenant, Severus. Je dois être seul "

Son pouvoir magique pouvait augmenter, pensa Severus, mais il était physiquement faible. Il glissa au sol et embrassa l'ourlet des robes de son Maître. Non, décida-t-il en appuyant ses lèvres sur le tissu lisse, il n'allait dire ceci à personne. Ceci resterait son secret et son secret à lui seul. Il pouvait trahir son Maître, mais cette faiblesse resterait avec lui, jalousement gardée.

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Trois années avaient passé, et cette fille avait toujours l'air de venir de fêter ses seize ans seulement, pensa Severus. "Merci d'être venue, Mathilda "

"Aucun problème," sourit-elle, s'asseyant dans un fauteuils d'osier sur sa terrasse. "J'aime voir les maisons des gens. En plus, je saisis chaque occasion de m'échapper de ma propre maison "

"Je peux imaginer," dit sèchement Severus. "Ah, Peggy, te voilà. Que puis- je t'offrir, Mathilda?"

"J'ai des croissants fraîchement cuits avec du jambon, Mademoiselle Mathilda," dit Peggy d'une voix stridente, folle d'enthousiasme à cause de la possibilité d'étaler son savoir-faire, "et il y a aussi des tourtes aux pommes fraiches "

"Une tranche de tourte aux pommes, alors," dit Mathilda, "et du thé, s'il te plaît "

L'elfe rayonna. "Oui, Mademoiselle Mathilda. Qu'est-ce que Peggy peut vous apporter, Maître Severus?"

"Seulement du thé "

"Mais vous devez manger, Maître Severus! Peggy apporte-"

"Non, Peggy," l'interrompit-il, "Tu m'as déjà gavé comme une dinde de Noël au déjeuner. Vraiment, je suis encore tout à fait plein "

Peggy lui lança un regard affligé et disparut.

"Elle s'occupe vraiment de toi, n'est-ce pas?"

"Oh oui," acquiesça-t-il, "D'habitude je dois la repousser. Et maintenant, pendant les vacances, elle croit apparemment que je vais mourir de faim "

"La nourriture à Poudlard est-elle toujours aussi bonne qu'à notre époque?"

"Certainement. Bien que la companie la gâte parfois un peu "

Peggy apporta le plateau, Elias volant à sa suite. "Maitre Severus, s'il vous plaît, vous dites à Elias qu'il laisse Peggy en paix?"

Severus renifla. "Que fait-il?"

"Je nettoie la cuisine et je polis les couverts, et il les vole toujours!"

"Bien, Elias," dit Severus, faisant signe à l'oiseau de se percher sur son épaule, "Tu restes ici avec nous. Laisse Peggy en paix, espèce d'odieuse peste!"

Mathilda se versa une tasse et se renfonça dans son fauteuil, sans aucun doute amusée par la scène. "Je n'ai jamais pensé que tu étais une personne à animaux, Severus. Et maintenant tu as aussi un corbeau. Où est Esmeralda, à propos?"

Il ne pouvait toujours pas penser à son chat sans qu'une boule se forme dans sa gorge. "Morte," dit-il.

Elle lui lança un long regard. "Pas de questions, hein?"

"Non," dit-il, secouant la tête, "Mieux vaut pas "

Un moment, ils burent leur thé en silence. Quand Mathilda eut fini sa tourte aux pommes, elle dit, "Parle moi de Poudlard, Severus "

"Que veux-tu dire? Cela fait trois ans, ne me dis pas que tu ne t'en souviens pas!"

"Bien sûr que si. Je voulais savoir ce que tu-et Dumbledore bien sûr- t'attends à ce que je fasse "

"Oh, cela. Eh bien, j'ai pensé que tu pourrais enseigner aux première et deuxième année, pour commencer "

"Ce serait agréable. Je devrai revoir le programme, mais je pense que j'en suis tout à fait capable . En plus, je les aime d'autant plus qu'ils sont jeunes. A âge onze ou douze ans, ils sont encore très mignons. Plus tard ."

"Eh bien," dit-il, levant ses sourcils, "Permets moi de le formuler comme cela: avant douze ou treize ans, ce sont de pénibles petits bâtards. Quand ils sont plus vieux, ils sont de pénibles petits bâtards hormonaux. Cela fait toute la différence "

"Pour un enseignant, ton attitude est tout à fait.eh bien, originale "

"C'est mieux que de les dorloter. Mais pour revenir à notre sujet: tu devras aussi corriger leurs devoirs, de même que ceux des troisième et quatrième année. J'ai pensé que cela pourrait mieux te convenir, au cas où tu sois moins familière avec ce qu'ils apprennent. Comme cela tu ne dois pas répondre à leurs questions et surveiller leur travail pratique en classe, ce qui peut se révéler être très précaire à moins de savoir exactement ce que tu fais "

Maintenant c'était son tour de lever les sourcils. "Tu ne sembles pas avoir beaucoup de foi en mes capacités "

"Si je n'avais pas confiance en tes capacités, ma chère," grogna-t-il, "je ne t'aurais jamais suggéré. Mais dis moi honnêtement: quand as tu préparé une potion pour la dernière fois? Et je ne parle pas de quelque potion basique contre le mal de tête "

"Je les achète toujours chez l'apothicaire," dit-elle, et elle rit. "Tu as absolument raison, Severus, les première et deuxième année me vont parfaitement. Dois-je aussi partager tes devoirs de Directeur de Maison?"

"Non. Je ne pense pas que ce soit une bonne idée. Ils ont besoin d'une main ferme, et seulement d'une. Je ne veux pas même qu'ils pensent qu'ils pourraient nous faire jouer l'un contre l'autre. Et crois-moi, ils essaieraient-après tout, ce sont des Serpentards "

"J'ai pensé que peut-être une oreille féminine-"

"Non, non. Si les filles ont des problèmes dont elles veulent discuter avec une autre fille, il y a toujours la Préfète en Chef. Mais fractionner le pouvoir dans une même maison n'est pas judicieux "

Elle hocha la tête. "Divide et impera."

"Exactement. Mais Serpentard est dirigé par moi, et non par les marmots "

"Et les sixième et septième année? Te respectent-ils? Après tout, tu n'es leur aîné que de trois ans "

"Oh oui, ils me respectent " Il donna à Elias quelques miettes de tourte aux pommes. "Les septième année ne sont que trop impatients de passer leurs A.S.P.I.Cs de Potions et sont donc extrêmement disciplinés, et depuis qu'une partie des autres a eu des retenues avec moi, ils gardent leurs places "

"Il semble que Lestrange t'as beaucoup appris "

"Oui," il hocha la tête sinistrement, "en effet. Lestrange m'a beaucoup appris "

ßßßß*ßßßß

Juillet était très chaud cette année, mais en soirée, la température devenait supportable, d'autant plus à la campagne. L'air entrant à flot par la porte-fenêtre ouverte de la salle à manger du Manoir de Malfoy était balsamique et tiède.

"Ceci était le meilleur dîner que j'ai mangé au cours des deux derniers mois," dit Severus, souriant à Narcissa. "La nourriture était excellente et la compagnie délicieuse "

"Ne prends pas cela comme un compliment, Narcissa. Tu ne sais pas à qui il nous compare. C'est la triste vérité, n'est ce pas, Severus?"

"Vraiment, Lucius! Je ne savais pas que tu étais si loin au delà de Black que tu défiais toute comparaison," répliqua Severus, vidant son verre de vin.

"D'accord pour moi et Black. Mais à qui comparerais-tu cette charmante créature? McGonagall?"

Severus rit tout haut. "Je sais que tu es un duelliste redoutable, Lucius, cela devrait être une raison suffisante pour ne pas dire quoi que ce soit du genre. A propos, j'ai rencontré Mathilda cet après-midi "

"Écoutez, les garçons," dit Narcissa-Severus trouvait cela plutôt attendrissant, et Lucius aussi; d'autre part, elle n'était pas Madame Rosmerta. "Pourquoi n'allez vous pas vous promener? Je comprends que vous devez parler affaires, mais je ne connais pas une seule de toutes ces personnes à Poudlard, et ainsi c'est un peu ennuyeux "

Lucius serra sa main et se leva. "Très bien, ma chère," dit-il d'une voix trainante, "nous renoncerons au plaisir de ta compagnie alors. Mais j'espère que tu prendras le café avec nous plus tard?"

Elle hocha la tête, et les deux jeunes hommes s'avancèrent à grands pas dans la nuit.

"Alors, comment cela s'est-il passé avec Mathilda?"demanda Lucius.

"Pas mal. Je l'ai un peu interrogée et j'ai eu des réponses assez décentes. De plus, elle a promis d'étudier le sujet. Le seul problème est qu'elle est plus qu'impatiente de quitter sa maison. J'ai peur de devoir lui donner un peu de Potion Imperius pour pouvoir la renvoyer chez elle de temps en temps le weekend "

"Ca a l'air d'être une bonne idée," dit Lucius, hochant admirativement la tête. "Il est toujours mieux d'opérer dans la zone du crépuscule. Bien sûr la potion serait illégale si qui que ce soit connaissait son existence. Comme sont les choses."

"Exactement. Tout comme personne ne sait pour le Falsitaserum "

"Alors tu ne l'as pas dit à Dumbledore "

Severus s'arrêta à mi pas. "Lucius, penses-tu vraiment que je suis un idiot complet? Je sais que je pourrais marquer des points de sympathie maintenant. Mais nous devons penser à l'avenir. Pas que je doute vraiment que Dumbledore tienne sa promesse, mais on ne sait jamais. Il pourrait être tué, ou blessé. Ou, d'un côté moins dramatique, il pourrait être mieux de simplement garder les apparences quand tout sera fini. Alors peut-être qu'il y aura quelques interrogations qu'il serait plus sage de ne pas refuser "

"Tu parles comme si cette folie allait se terminer bientôt," dit sombrement Lucius.

"Non, je considère seulement toutes les possibilités. Ce qui est exactement pourquoi je vais préparer et métamorphoser une grande quantité de potion, pour que toi, moi et Owen en ayions assez à notre disposition quand ce sera nécessaire "

"En parlant de l'avenir,"dit Lucius, "et ton argent?"

Ils reprirent leur promenade. "Et mon argent? Il est à Gringott, dans mon coffre-fort "

"Oui, eh bien, c'est évident, n'est-ce pas? Mais ne penses-tu pas que ce serait un mouvement très sage que de le mettre ailleurs?"

"Si le maudit Lyndon Avery ne gardait pas nos trésors comme le dragon du proverbe," dit Severus d'un ton bourru, "je pourrais considérer cette possibilité. Mais tu le connais, Lucius. En plus, il ne m'aime pas. Il ne m'a jamais pardonné cette première leçon de respect que je lui ai enseignée. S'il avait ne serait-ce que l'ombre d'un soupçon, il me dénoncerait avec joie "

"Je sais. Et je ne voulais pas suggérer que tu transfères toute ta fortune demain. Il y a plus qu'assez de temps. N'oublie pas que personne ne peut contrôler ce que tu possédes ou non-tu habites à Poudlard, alors qui devrait venir jeter un coup d'?il ? Retire des sommes variables, un mois un peu plus, le mois suivant un peu moins "

"Euh, oui, mais. je veux dire, où dois-je le mettre?"

"Dans les cachots du Manoir Malfoy, bien sûr. Je t'assure qu'ils sont presque aussi sûrs que les coffres de Gringott. Sinon plus," ajouta-t-il. "Et tu sais que tu peux me confier ton argent en toute confiance-aussi vulgaire que ce soit de dire une telle chose, je suis assez riche pour être honnête "

"C'est la moindre de mes inquiétudes. Penses-tu qu'il soit nécessaire de recourir à de tels moyens?"

"À moins que tu ne veuilles dépendre d'un salaire d'enseignant, je te conseillerais fortement de considérer cela. Si tu veux, je peux acheter ta maison en Italie et ajouter l'argent au reste "

" Tu n'as pas d'argent à Gringott?" demanda Severus.

"Bien sûr que si, mais seulement une très petite partie de toute la fortune. Cela ne me manquerait pas s'ils le confisquaient-qui qu'ils soient, Voldemort ou le Ministère. Avec toi, c'est un peu différent -Oh, nous sommes déjà arrivés à la forêt. Temps de revenir, je pense "

Ils restèrent debout là quelque temps cependant, fixant tous les deux le ciel de nuit. Il faisait presque sombre maintenant, avec seulement une dernière teinte orange profond qui planait au dessus de l'horizon ouest. A l'est, un mince croissant de lune s'élevait.*

"Que sais tu au sujet des sercrets les plus mystérieux d'alchimie?" demanda Severus quand ils marchaient pour retourner vers le manoir.

"Alchimie? Pas grand chose. N'as-tu pas-"

"Non, les Potions et l'Alchimie ont moins en commun que la plupart des gens le pensent. Et la bibliothèque?"

Lucius secoua la tête. "Je ne pense pas. Les Malfoys n'ont jamais été intéressés par la fabrication d'or."

"Ce n'est pas à propos d'or, Lucius," dit Severus, frémissant légèrement. "C'est est quelque chose d'infiniment plus grand. Terrible, pour dire la vérité "

Lucius lui lança un regard interrogateur. "Sev, tu as bu trop de vin?"

"Je souhaiterais que ce soit le vin "

"Eh bien, si c'est si important, pourquoi ne demandes-tu pas à Dumbledore? C'est lui l'alchimiste. Les douze usages du sang de dragon, la Pierre Philosophale et tout ça."

"Non," dit fermement Severus, "Ceci n'est pas pour les oreilles de Dumbledore. Du moins pas encore. Je vais essayer de voir ce que je peux trouver à la bibliothèque de Poudlard "

"Tu sais," dit Lucius, "j'ai peur que, dans quelques mois, tu sois tout aussi toqué que cette vieille chèvre "

*note du traducteur : si le soleil vient de se coucher, il est impossible de voir un 'mince' croissant de lune à l'est : soit il n'est pas mince, soit il est déjà au sud-sud-ouest.