CHAPITRE 32

Difficile de déterminer lequel des deux jeunes professeurs Argus Rusard regrettait le plus: Severus Rogue ou Sirius Black. Severus pouvait presque sentir physiquement la répugnance grincheuse du concierge à utiliser le titre de 'Professeur' au sujet d'un individu qui, il y a quelques années, avait encore frotté les couloirs à sa merci. Quand, le 23 août pendant le déjeuner, Rusard s'était approché de la Grande Table avec un sourire béat sur son visage, Severus était sûr que le sinistre individu avait de mauvaises nouvelles pour lui ou pour Black. Le sourire s'agrandit et s'éclaira quand le laid visage de Rusard vint se suspendre devant Severus.

"Professeur," dit-il d'une voix grinçante, "Le Directeur aimerait vous voir immédiatement "

"Bien sûr," dit nonchalament Severus, et il se leva de son siège, faisant semblant ne pas remarquer les coups d'oeil curieux des autres. Il ne se souciait pas le moins du monde de ce qu'ils chuchotait dans son dos.

"Il vous attend à l'entrée de vos quartiers, Monsieur," dit Rusard, une fois qu'ils furent hors de la Grande Salle, la voix dégouttant de joie subalterne, "Et deux Aurors sont aussi là, Professeur "

"Oui," dit fraîchement Severus, "Je sais. Ecoutez, Rusard, pourriez-vous apporter ceci à Madame Pomfresh?" Il fouilla dans ses poches, et le concierge se pencha en avant, curieux. "Oubliette! Bonjour, M. Rusard. Y a t'il un problème?"

Rusard tituba légèrement et toucha son front. "Professeur Rogue . maintenant qu'est ce que j'étais en train de faire."

"Je crois," dit Severus de manière aimable et il tira deux fioles de ses poches, "que vous alliez apporter ceci à Madame Pomfresh de ma part "

Rusard aquiesça et partit en traînant des pieds. "Blatte dégoûtante!" siffla Severus derrière lui, avant de poursuivre son chemin vers ses quartiers. Il ne s'était pas entendu avec le Directeur pour le sortilège de mémoire, mais il serait plutôt damné que de permettre à Rusard de dire aux autres-surtout à Black-qu'il avait reçu la visite de deux Aurors.

Dumbledore et deux silhouettes vêtues de blanc resplendissant, brodé d'or, se tenaient au bout du couloir, parlant entre eux. Au bruit de ses pas, les deux Aurors se tournèrent. Il fallut à Severus tout son sang-froid pour ne pas sortir sa baguette à toute vitesse et lancer deux sortilèges de meurtre. Alastor Maugrey et Gordon Black. Exactement les deux personnes dont il avait besoin. Pas que Dumbledore ait eu beaucoup de choix-il n'y avait pas tant d'Aurors que cela sur qui il pouvait aveuglément compter. Bien que Severus ait des doutes quant à leur discrétion. Si ne serait-ce qu'un mot échappait sur cette opération, il était un homme mort. Considérant leur haine réciproque, sa vie dépendait entièrement de l'autorité de Dumbledore sur les deux hommes.

Cela faisait longtemps qu'il n'avait pas vu Gordon Black; sa dernière rencontre avec Maugrey avait été le combat désespéré à l'Académie des Aurors, combat qui avait coûté son oeil gauche à l'Auror. Ils avaient implanté un remplacement magique, comme il le remarquait maintenant: un globe oculaire roulant et tourbillonnant follement avec un iris bleu électrique, probablement une de ces prothèses récemment développées qui pouvaient pénétrer le bois et les murs minces-très approprié, pensa-t-il avec un sourire moqueur.

Dumbledore paraissait plutôt tendu. "Severus, merci d'être venu. Ceci est une simple formalité, alors soyez s'il vous plaît gentil de coopérer "

Ah, comprit Severus, alors il ne leur avait pas dit la vérité tout entière. Tant mieux pour lui. Mais dans ce cas, il devait jouer le jeu. "Une formalité, Directeur? Puis je demander-"

"Non," le coupa proprement Black. "Vous pouvez nous accorder un accès immédiat à vos quartiers, cependant "

Severus éleva ses sourcils. "Excusez moi, Directeur, mais ceci semble un petit peu. inhabituel. Je pense que j'ai le droit d'avoir une explication "

"N'utilise pas ce ton morveux avec le Directeur, espèce de---"

"S'il te plaît, Alastor " Dumbledore posa sa main sur l'avant-bras de Maugrey. "Vous avez été accusé de préparer et d'inventer des potions illicites dans vos appartements. Bien que je sois sûr que vous ne faites rien de tel, je suis aussi responsable devant le Conseil des Gouverneurs. Si cette rumeur sans fondement devait remonter jusqu'à eux, ils exigeraient sûrement un examen minutieux de la question. Donc je préfère déjà vérifier votre innocence maintenant, pour éviter de plus amples ennuis "

"Je vois. Eh bien, dans ce cas je pense que nous devrions faire cela rapidement. Après tout, j'ai une réputation et je ne veux pas que mes confrères voient deux Aurors venant de mes appartements. Mais j'aimerais discuter de cette question avec vous plus tard, Directeur "

Dumbledore inclina la tête en consentement, et Severus passa devant Maugrey et Black, appela les Dryades et leur dit de les laisser entrer.

"Pas mal pour un humble Maître de Potions," dit Maugrey, regardant le salon alentours. "Un peu isolé, cependant. Je me demande qui pourrait avoir vu quoi que ce soit de suspect."

"C'est exactement ce que je me demandais aussi," retentit la voix calme de Dumbledore depuis l'embrasure. "Mais quelqu'un a prétendu l'avoir fait. Et je ne vais certainement pas dévoiler l'identité de la personne, ni à vous, Alastor, ni à qui que ce soit d'autre "

Black, qui avait tapé du pied impatiemment sur le plancher pendant leur échange, dit simplement, " Le laboratoire, Rogue "

"Professeur Rogue, si cela ne vous fait rien. Et le laboratoire est en haut. Suivez moi, s'il vous plaît "

Les quatre hommes montèrent les escaliers dans un silence lourd. Quand Severus ouvrit la porte, Maugrey le poussa de côté et s'avança rapidement dans la salle, son ?il magique tournant follement. Pendant quelques secondes, il renifla l'air comme un chien. "Mmmh," grogna-t-il, "Je ne sens rien d'étrange "

Lançant à son confrère un regard pas trop amical, Black répéta le processus. A l'évidence, aucun des deux hommes n'était content de ce nouveau partenariat. Peu étonnant-Maugrey était beaucoup plus vieux, mais Black était l'étoile charismatique. Sans mentionner que Maugrey, étant un ex Serpentard, n'avait probablement pas une vie facile maintenant. Dans des temps comme ceux-ci, les préjugés étaient nombreux, et les quelques rares Mangemorts qui avaient été capturés vivants étaient tous d'anciens habitants du Repaire des Serpents.

"Attendez un moment!" dit Severus, s'approchant de Maugrey en quelques pas et le forçant à baisser son bras de baguette. "Vous n'allez rien détruire ici. Pas une seule fiole, est-ce compris?"

Avec un coup sec et énergique, Maugrey libéra son bras de la poigne de Severus. "Touche moi une fois de plus, gamin," dit-il, "Et tu le regretteras. Et maintenant ferme la et laisse moi faire mon travail "

Les Aurors lancèrent un assortiment de Sortilèges Détecteurs de Magie Noire, sans aucun résultat. Puis ils examinèrent de près chaque livre- heureusement, il n'y en avait pas tant que cela ici- de couverture à couverture. Puis ils continuèrent avec quelques fioles, remplies de potions, qui étaient proprement alignées sur une des tables de travail.

"Nous prenons ceci," annonça Black, il tira une pochette en cuir de sa poche et s'empara de la première fiole.

Véritablement ennuyé, Severus dit, "Pour l'amour de Merlin, ce sont des potions thérapeutiques que j'ai préparé pour l'infirmerie. Laissez les ici, autrement je devrais les refaire encore une fois!"

Black éleva les sourcils et fit claquer sa langue. "Quelle hâte inconvenante, Professeur Rogue."

"Vraiment, Gordon," Dumbledore interrompit ce qui menaçait de devenir une discussion échauffée, "Il serait assez de les ouvrir et d'en sentir le contenu. S'il s'agit vraiment de ce que Professeur Rogue prétend, vous pouvez vous épargner l'ennui de les emmener au Ministère "

Lançant au Directeur un regard sinistre, Black ôta les bouchons un à un et renifla. A chaque fiole examinée et mise de coté comme étant inoffensive, son expression devenait plus sombre.

"Et qu'est ce que ceci?" appela Maugrey du coin opposé.

Finalement, pensa Severus, il lui avait fallu assez longtemps pour trouver le trésor. "Des notes sur une expérience que je fais,"répondit-il et il se dirigea là bas, "j'essaie de trouver un remède pour les loups-garous et les vampires. Mon petit plaisir coupable "

L'oeil de fouine noir le scrutait, pendant que l'autre lisait la pile de parchemin. "Eh bien," grogna Maugrey après avoir exécuté quelques sortilèges révélateurs sur les notes, "Rien de travers là dedans. Pas d'ingrédients illégaux, pas de formules suspectes. d'autre part. Albus!" appela-t-il le Directeur, "Ceci semble assez inoffensif. Bien qu'on ne sache jamais." Et il lança un regard venimeux à Severus.

"Eeee-ehh bien," marmonna Dumbledore, caressant sa barbe, "Si vous dites qu'elles ne contiennent rien d'illicite. Severus," dit-il, "serait-il acceptable que je les prenne?"

"Mais Directeur, j'en ai besoin pour-"

"Je sais, Severus. Je sais. Mais comprenez s'il vous plaît qu'une accusation très sérieuse a été élevée contre vous. Pour ma part, je préférerais dissiper tout doute possible à votre sujet. Si je prends ces notes et les garde dans un endroit sûr, en présence de deux témoins, pas même l'ombre d'un doute ne peut rester "

"Si cela est votre souhait," dit raidement Severus.

Le Directeur hocha la tête. "Oui, cela est mon souhait. La réputation de mon école est plus conséquente que vos expériences, pour parler sans ménagement "

Le plus bref des signes de tête. "Bien sûr, Directeur. Je comprends "

Après un bref tour par le lieu de vie de Severus, examinés avec méfiance par Elias, les Aurors partirent. Ils avaient déjà passé la porte, quand Dumbledore, qui était à la traîne, se retourna vers Severus et lui fit un petit clin d'oeil.

En effet, pensa Severus, retournant le geste, les choses s'ataient passées comme prévu. Cela semblait presque trop beau pour être vrai.

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Pas que les sentiments de Severus envers l'enseignement, ses élèves, ou Poudlard en général soient devenus plus amicaux; mais même lui ne put pas résister à l'atmosphère festive de la Grande Salle le 1 septembre. Le Poudlard Express devait arriver à six heures du soir, et à six heures et quart tous les enseignants devaient être dans la Grande Salle. Heureusement, Amanda Bibine lui avait rappelé qu'ils étaient censé porter des robes de soirée, et, encore plus heureusement, elle l'avait fait assez tôt pour qu'il puisse marcher jusqu'à Pré-Au-Lard pour en acheter, comme il n'avait pas l'intention de Transplaner chez lui et de déterrer les vieilles qu'il avait portées pour sa remise de diplôme. La mode des Sorciers ne changeait pas aussi rapidement ou radicalement que les styles de vêtements moldus-Gaichiffon avait essayé d'introduire des mini-robes, mais cela avait été un échec spectaculaire qui leur avait presque fait faire faillite-mais il y avait des modifications subtiles; une année, les manches seraient plutôt étroites et couvriraient à peine le poignet, et une autre année, il y aurait des plis moins riches dans le dos. Des détails, peut-être. Mais des détails qu'un oeil bien entraîné remarquerait. Severus n'était nullement vaniteux, mais il savait par expérience qu'un habit impeccable inspirait du respect, tout comme des mots bien choisis et des manières hautaines.

Le voyage à Pré-au-Lard lui avait fait du bien. Après deux jours passés dans les limites de ses quartiers, surtout au lit, il avait eu besoin d'une promenade vive dans l'air frais. Maintenant, les dernières traces de l'explosion de fureur de Voldemort étaient parties. Mais il frémissait encore quand il pensait à la confrontation d'il y a huit jours. Jamais auparavant il n'avait vu Voldemort si furieux, si completément hors de contrôle. Son visage avait perdu presque toute ressemblance humaine-les yeux rouge sang, le visage déformé et se tordant et se convulsant avec une rage sans bornes. Il avait, bien sûr, prévu d'être puni. Mais cela. oui, il devait l'admettre, cette explosion bestiale l'avait secoué profondément. Une voix qui était plus un cri perçant, un cri surnaturel , qu'un son venant d'une gorge humaine, un visage complètement défiguré par la fureur écrasante. Un. monstre, ou presque mais de très près. La cruauté incarnée. Mais il aurait été posssible, sinon facile, de comprendre tout cela. Ce qui restait là, bloquant l'horizon de Severus comme un bloc immense et irrégulier de peur glacée, refroidissant les os, était la conscience que Voldemort pouvait être comme cela avec lui. Son Maître, celui qui le comprenait, qui lui avait pris la main et l'avait guidé au delà des limites des lois et des restrictions mesquines, cet homme avec qui il avait ressenti un lien si fort. Cette pensée le hantait jour et nuit. Avec précaution, il essayait de la mettre sur la balance, peut-être pour contrebalancer le poids de sa propre culpabilité et trahison. Cela ne marchait pas cependant. Parce que lui, Severus, avait été le premier à quitter le sentier tracé pour lui. Et rien, rien ne pourrait effacer cela. Ce péché d'originel. La trahison impardonnable qui l'avait mis entre les mâchoires inexorables de Cerbère, pour y être déchiqueté à mort, corps et âme, avec Brutus, Cassius et Judas.

Il se reprit. Ces réflections devaient être gardées strictement privées- beaucoup trop de choses se montraient sur son visage quand il se permettait d'y penser. Partout hormis dans ses appartements, son visage était un espace public. Il ne pouvait pas repousser les intrus et devait ainsi agir de la manière la plus circonspecte possible.

Les portes s'ouvrirent et, comme une rivière perçant un barrage longtemps haï et érodé depuis toujours, la masse d'élèves se déversa dans le grand espace, le remplissant immédiatement de leurs bruits enfantins dont il avait autrefois fait partie, il n'y a pas si longtemps. Lui aussi avait senti cette anticipation, cet assaut d'énergie fraîche d'automne pleine de l'odeur de feuilles mortes, de fruit pourri et de parchemin neuf. La joie d'ouvrir les pages d'un manuel qu'il venait seulement d'acheter; craquant de nouveauté et faisant résonner son amour des mots imprimés. ne lui renvoyant pas cet amour au visage, mais s'avalant et le digérant, le changeant en quelque chose de nouveau qui lui était alors rendu, doucement, pour l'envelopper comme un manteau tiède.

Un autre effort, cette fois réussi, pour regagner le contrôle de ses sentiments et de son expression faciale. Les élèves avaient pris leurs sièges et bavardaient maintenant, essayant chacun de parler plus fort que ses voisins, une masse de voix qui formaient presque une harmonie, un groupe compliqué de tonalités, une étendue aux myriades de facettes de bruit liquide, bouillonnant et rhytmé. Le rire dansait sur cette surface solidement ondulée comme des elfes lunatiques par une nuit chaude de juillet. La marée de voix baissa un peu quand McGonagall fit entrer la file de première année. Combien d'entre eux seraient livrés à ses. soins? Sa responsabilité peut-être. Parce qu'il ne se souciait certainement pas d'eux. Et il n'était certainement pas responsable d'eux. Pas pour le tour que leurs vies allaient prendre, en tout cas. Il pouvait leur enseigner comment faire des potions, et un peu de discipline. Le travail le plus important avait déjà été fait par leurs parents. Et plus tard , ils ajouteraient le reste.

Un mouvement au bout de la file d'aspirants première année, faisant face à la Grande Table, attira son attention. Severus fronça les sourcils et, presque sans tourner la tête, jeta un coup d'?il dans cette direction. Et il se sentit se raidir. D'en bas là-bas, se tenant au bout de la table où Mathilda Reynolds et la nouvelle assistante bibliothécaire bavardaient avec animation, Gwendolyn Pierson le regardait avec expectative. Sa main monta au niveau de sa taille, et elle lui fit un petit signe. Severus fit semblant de ne pas remarquer et regarda droit devant lui, défocalisant légèrement ses yeux, pour que les têtes et les robes, les bougies, les nappes et les murs de pierres fusionnent en un tapis brumeux et fondu de teintes obscures. Une manière facile de leur faire croire à tous qu'il les regardait, tandis qu'en réalité il suivait ses propres pensées. Sa concentration était si profonde que, bien qu'il soit conscient que le Choixpeau chantait, il n'entendit ni mélodie ni mots.

Gwendolyn Pierson. Il n'avait pas pensé à elle, pour dire la vérité. Maintenant, avec le recul, il se rappelait que cette fille avait eu huit ans cet été il y a trois ans, quand il avait passé une partie de ses après- midis à lui enseigner comment préparer des potions sans faire sauter la moitié de la maison. Oui, cette année elle avait sans aucun doute onze ans. Severus ne l'avait pas trop aimée-pas qu'il aime généralement les enfants- mais il se souvenait d'elle comme d'une fille brillante et spirituelle avec un talent considérable pour le sujet qu'il enseignait maintenant. Cela, cependant, n'était pas son principal centre d'intérêt maintenant. Son arrière-plan familial était bien plus préoccupant. Cette fille pourrait tout raconter à sa mère sur Poudlard, elle pourrait-petite chose effrontée comme elle l'était-fureter et découvrir des choses qui n'étaient pas exactement secrètes mais ne feraient pas trop bonne impression imprimées dans un journal. Et, dernièrement mais pas moins important, sa mère pouvait explicitement lui avoir dit de le surveiller. Peu de danger si elle était répartie dans une autre maison. Si ses souvenirs de Gwendolyn Pierson étaient exacts, cependant, il y avait peu de chances qu'elle termine ailleurs qu'à Serpentard. Il devrait faire très attention avec cette fille.

La file des première année se racoucissait peu à peu, puis Gwendolyn s'assit sur le tabouret à trois pattes. Le chapeau avait seulement tout juste touché ses cheveux, quand il appela "Serpentard!" Severus soupira. C'était de la malchance. Probablement.

Il ne parla pas beaucoup pendant la fête et remarqua à peine qu'il mangeait. Comme les Préfets en Chef étaient les mêmes que ceux de l'année dernière, le discours habituel du Directeur et des Directeurs de Maison était inutile; et ainsi, quand il vit que les préfets menaient leurs condisciples hors de la Grande Salle, il se leva de sa chaise, salua ses confrères et partit pour les quartiers de Serpentard.

Les robes d'enseignant qu'il avait achetées lui plaisaient beaucoup. Légères mais volumineuses, ils tombaient à ses chevilles en plis riches et luxuriants et se gonflaient derrière lui comme des voiles noires et inquiétantes quand il marchait. Beaucoup d'enseignants portaient d'autres couleurs que du noir, lui, cependant, avait toujours préféré cette couleur- si cela pouvait être appelé une couleur-soulignée seulement par le blanc de sa chemise. Se souvenant de ses propres pitreries de sa période écolière et convaincu que la nature des élèves n'avait pas beaucoup changé, il avait mis un sortilège étouffant le son sur toutes ses chaussures, pour pouvoir se déplacer dans les couloirs sans faire un seul bruit. C'était extrêmement pratique pour approcher les fauteurs de trouble qui ne s'y attendaient pas, mais cela avait aussi un effet tout à fait intimidant: il était forcé qu'une grande silhouette noire apparaissant en apparence de nulle part, silencieusement en dehors d'un doux froissement de tissu, fasse une grande impression sur les plus jeunes. Ce qui manquait aux plus vieux en termes de susceptibilité serait facilement remplacé par des déductions substantielles de points de maison.

Quand il entra dans la Salle Commune, le silence tomba immédiatement. Les regards aux yeux écarquillés qu'il reçut des première année furent plus qu'assez pour confirmer que son apparence avait atteint exactement l'effet désiré. Pendant les deux mois durant lesquels il avait rempli ses devoir d'enseignant et de Directeur de Maison avant l'été, il avait été bien trop occupé pour s'établir comme une figure d'autorité, quelqu'un qui exigeait un respect et une obéissance absolus. Il avait entièrement l'intention de le faire maintenant. Et apparemment, le Baron Sanglant était conscient de l'importance de ce moment, car quand Severus eut franchi le seuil de la porte, le spectre entra en flottant à côté de lui.

Quelques secondes de silence calculé, jusqu'à ce que les plus jeunes commencent à bouger, inquiets. "Bonsoir " Il entoura le groupe d'adolescents d'un regard dur. Les plus vieux essayèrent d'échapper à son regard; les plus jeunes le regardèrent avec des yeux ronds de fascination horrifiée. "Pour ceux d'entre vous qui ne me connaissent pas encore: je suis le Professeur Severus Rogue, votre Directeur de Maison, et Maître de Potions de cette école. Vous avez été répartis à Serpentard parce que vous êtes ambitieux et astucieux. Vous voulez réussir. Pour ce faire, vous devez non seulement obéir aux règles de l'école, mais aussi aux miennes. Je ne vous conseillerais pas de faire de moi votre ennemi. La réputation de la Maison de Serpentard n'est plus aussi haute qu'elle l'était autrefois, et je ne tolérerai pas d'actes qui puissent la corrompre plus. D'autre part, si des élèves ou des enseignants d'une des autres maisons vous discriminent à cause de votre affiliation à Serpentard, vous devez me le rapporter "

Des sourires rusés s'étalèrent sur les visages d'une partie des plus vieux élèves.

Severus laissa passer quelques moments sans parler, puis continua, sa voix encore plus basse qu'avant. "Si," dit-il, regardant délibérément les élèves qui avait souri avant, "je découvre que vous utilisez la solidarité que je vous offre pour vos propres fins-" les sourires malins disparurent "-je vous assure que vous souhaiterez n'avoir jamais pensé à cette possibilité " regards incompréhensifs des plus petits. Ils comprendraient très bientôt. "Mon bureau est ouvert à n'importe lequel d'entre vous quand j'y suis. J'exige, cependant, de ne pas être dérangé à cause de problèmes mineurs qui peuvent être résolus par les préfets. Maintenant allez à vos dortoirs. Bonne nuit "

Il se tourna et quitta la Salle Commune, suivi par un faible choeur de "Bonne nuit, Monsieur " Dehors dans le couloir, il inspira à fond et partit en se dirigeant vers ses chambres. Il aurait, bien sûr, pu utiliser le passage qui reliait les quartiers de Serpentard à son salon directement mais préférait la promenade plutôt longue. Ses poings serrés en un accès soudain de rage. Il ne voulait pas faire ceci! C'était seulement le premier jour de l'année scolaire, et il se sentait déjà épuisé. Il était difficile, beaucoup plus difficile qu'il ne l'avait jamais pensé, de se contenir et de maintenir toute cette façade méprisable devant ces enfants. Il pouvait sentir leur curiosité et leurs espérances le tirailler, suçant sa force. Il y avait des fils et des filles de Mangemorts de divers degrés d'importance et de loyauté. Mais à côté d'eux, mêlés à eux, il y avait les enfants de simples sympathisants. Même de quelques sorciers neutres qui avaient réussi à éviter l'un ou l'autre côté. Il y avait la fille de Nathalie Pierson, l'oreille longue de La Gazette des Sorciers. Et maintenant lui, dont la personnalité, dont l'essence-même était déjà si profondément déchirée, devait mettre encore un autre masque qui tromperait tout le monde, parce qu'il était completément impénétrable. Un drap blanc sur lequel chacun pourrait lire ce qu'il désirait voir: un Mangemort pour les enfants de Mangemorts, un sympathisant prudent pour les rejetons de ces lâches qui n'avaient pas les tripes de déclarer ouvertement de quel parti ils étaient, et un spectateur neutre pour la progéniture de ceux qui n'étaient loyals qu'envers eux mêmes. Cela avait été déjà assez dur jusqu' à maintenant, avec Voldemort, avec Dumbledore et tout ce qui était placé entre eux. A partir de maintenant, Severus sentait que sa situation serait proche de l'insupportable.

Avec un sourire fugace aux dryades, il passa par la tapisserie et monta les escaliers vers ses appartements. Ceci allait être son dernier soir de calme paisible, ou du moins il l'espérait. Dumbledore lui avait donné quelques livres sur l'alchimie de sa bibliothèque privée, et il était impatient de les lire, en dépit des vérités désagréables qu'ils pouvaient contenir.

ßßßß*ßßßß

Les matins étaient déjà froids vers la fin septembre. Enveloppé dans un lourd manteau bordé de fourrure, Severus s'appuyait contre un des piliers de pierre massifs, couronnés par des sangliers à ailes, qui flanquaient le portail d'entrée des terrains de Poudlard. L'été avait été long et chaud, mais maintenant l'automne semblait réclamer ses droits, touchant les arbres d'une main glaciale et enveloppant les sols d'une brume douce qui miroitait de doré dans la lumière de matin. C'était calme, un silence tranquille dérangé seulement par le trille occasionnel d'un oiseau ou le bruissement d'une feuille tombant. Puis un faible bruit d'explosion annonça l'arrivée de Lucius.

"Brr," dit-il, s'enveloppant de manière plus serrée dans son manteau, "j'avais oublié combien il fait froid ici à cette époque de l'année. Bonjour Sev "

Ils se serrèrent la main brièvement et commencèrent à marcher vers le château.

"Penses-tu qu'ils ont gobé l'histoire de l'équipe de Quidditch?" demanda Severus.

"Oui, je pense que oui. Avec ton indifférence notoire pour le Quidditch et tes compétences de vol en dessous de la moyenne . Bien que je ne voie pas tout à fait pourquoi que je dois rencontrer ce vieux toqué d'amant de Moldus."

"Parce que c'est préférable, voilà pourquoi. Une intention en couvre un autre. Ou pensais-tu vraiment que ceci allait être une visite de bon voisinage?"

Lucius renifla. "Pas vraiment, non. Comment se débrouille Mathilda?"

"Décemment, je dirais. Peut-être un peu trop douce avec les première année, je le lui ai dit à maintes reprises. Mais dans l'ensemble, elle fait un travail très acceptable"

"Je suis content de l'entendre. Oh, avant que j'oublie." Lucius fouilla dans ses poches. "Je suppose qu'il est mieux que je te donne cela ici "

"Je suppose que oui " Severus regarda le cachet de Voldemort sur le rouleau de parchemin. "Sais-tu ce que cela dit?"

"Seulement des instructions. Pour ces potions fortifiantes et leur livraison. Et il veut que tu lui fasses un rapport le treize de chaque mois. Directement à lui "

Severus poussa un soupir irrité. "Tu sais, ce genre d'ordres pue simplement le piège "

"Ce qui veut dire?" Lucius le regarda avec des sourcils haussés.

"Ce qui veut dire que si je sors de Poudlard trop facilement chaque treizième jour du mois , il pourrait en venir à soupçonner que Dumbledore sait. Et si je ne le fais pas, il va me punir parce que je ne me montre pas. Un jeu perdant à tous les coups, de toute probabilité "

Lucius arrêta de marcher et secoua la tête. "Non, non, Sev. C'est simplement ta paranoïa, rien d'autre. Il ne te soupçonne pas. Il veut seulement que tu accomplisse ses ordres, quel que soit le risque. Ou plutôt, plus grand sera le risque, mieux ce sera " Severus lui lança un coup d'oeil douteux, et Lucius hocha la tête pour confirmer ses paroles avant de recommencer à marcher. "Quand l'as-tu vu pour la dernière fois?"

"Il y a un peu plus d'un mois, après la visite des Aurors "

"Ah, bien sûr. Tu sais, je pense qu'il prend maintenant tes potions, et aussi celles de Lestrange. J'étais là-bas. laisse moi réfléchir. avant- hier, oui. Et. son corps change "

Cette fois, Severus s'arrêta. "Change?" répéta-t-il. "De quelle façon? Je veux dire, j'ai remarqué qu'il devient plus squelettique que jamais, mais-"

Lucius roula ses yeux et leva brusquement les bras. "Ne sois pas si bête, Severus. Quand je veux dire que quelqu'un mincit, je suis capable d'exprimer cette pensée. Non, je veux dire qu'il change. C'est presque imperceptible, mais c'est là, sans aucun doute. Je ne l'aurais même probablement pas remarqué si tu ne nous avais pas parlé du venin de serpent. Sa peau devient. eh bien, plus dure. Plus froide. Presque comme celle d'un reptile. Et ses yeux."

Severus sentit son c?ur sombrer. "Dans ce cas," dit-il lentement, "il doit vraiment prendre les préparations de Lestrange avec les miennes. Parce que je n'utilise pas de venin de serpent. Eh bien, d'une certaine manière ce n'est pas vraiment étonnant. Considérant que nous savons maintenant pour le rite."

"Ah bon?"

"Oui, nous savons. Surtout depuis que Dumbledore m'a donné ces livres. Très instructif. Je te montrerai mes notes, plus tard, après les sélections. Et la Gazette des Sorciers?"

La présence de Gwendolyn Pierson à Poudlard était devenu un problème de façon différente que Severus l'avait pensé. Quand Julius Malfoy avait eu son 'petit entretien' avec sa mère il y a trois ans, comment il l'avait persuadée de donner libre cours à son animosité envers le Ministère et d'ajouter un peu de sympathie supplémentaire pour les Mangemorts n'avait jamais été tout à fait clair. Avec le recul, cependant, il semblait qu'il l'ait à moitié convaincue, à moitié menacée. Utilisant sa fille comme levier. Et, étant une vraie Serpentard, Nathalie Pierson avait obéi et avait attendu jusqu'à ce que sa fille soit en sécurité à Poudlard. Depuis le début septembre, le ton des articles de la Gazette avait commencé subtilement mais graduellement à changer. Et le Directeur avait déjà dit à Severus que la fille devait rester à Poudlard de manière permanente, même pendant les vacances d'été. Pas que ceci soit mauvais en soi-même, mais Severus et Dumbledore craignaient que l'animosité à peine cachée du journal- et tous deux étaient assez sûrs qu'il y en avait plus à venir-puisse faire que Voldemort augmente le nombre et la force de ses attaques.

Lucius lui sourit. "J'ai demandé à Voldemort la permission de parler à la Pierson"

"Ah, excellent. Et? Qu'a-t-elle dit?"

"Oh," dit nonchalament Lucius , "elle était très. intéressée à maintenir le climat de collaboration réciproque et, euh, de confiance "

"Cela semble un peu trop beau pour être vrai. Que lui as-tu dit?"

"Que nous avions quelqu'un à Poudlard, bien sûr "

"Quoi?" Severus aggripa le manteau de Lucius, le forçant à s'arrêter. "Es- tu complètement fou?"

"Ne panique pas, Sev," dit Lucius, lui lançant un regard hautain. "Ou penses-tu que je lui ai dit que c'était toi?"

"Non, mais. je veux dire. elle peut facilement additionner deux et deux. Elle n'est pas stupide, Lucius!"

"Moi non plus, Sev, moi non plus. Je lui ai dit que c'était Black "

Severus relâcha le manteau de l'autre et sentit sa mâchoire s'amollir. "Tu as fait quoi?"

"Tu m'as bien entendu, Rogue. Je lui ai dit que c'était Black. Et ainsi Mme Pierson se tiendra tranquille. De plus, au cas où Voldemort sente la nécessité de faire du mal à la petite fille pour rappeler ses devoirs à maman, tu ne seras pas soupçonné. Ces jours-ci, une accusation élevée par un membre si éminent de notre société est assez pour le faire jeter à Azkaban sans procès. Inutile de mentionner que j'ai effacé son souvenir que je suis un Mangemort " Le large sourire revint sur son visage.

Ils se regardèrent, et pour un moment ils furent de nouveau des écoliers, venant de jouer avec succès une mauvaise blague aux Gryffondors détestés. Les yeux de Lucius brillèrent de joie, et Severus fut incapable de résister au rire qui, après tant de semaines de tension, luttait pour sortir. Tous deux avaient des larmes de gaieté sur leurs joues quand ils se calmèrent finalement. "Viens," dit Severus, "le Directeur nous attend "

Ils arrivèrent à la porte d'entrée du château. C'était un samedi matin et il était encore très tôt, si bien qu'il n'y ait pas d'élève ou d'enseignant dans les couloirs. Ceci était moins une mesure de camouflage qu'une précaution pour s'assurer que Lucius ne rencontre pas par hasard Sirius Black. Un combat entre le professeur des Forces du Mal résident et un des gouverneurs de l'école était la dernière chose dont ils avaient besoin. Rapidement, les deux jeunes hommes passèrent à grands pas devant les armures, les statues et les portraits à peine réveillés pour arriver à la gargouille de pierre bloquant l'entrée du bureau de Dumbledore. Lorsque Severus eut marmonné "Plume en Sucre", la gargouille se déplaça, et ils montèrent l'escalier en spirale vers le bureau du Directeur.

Severus s'évanouit presque de faim quand un arôme délicieux de petit déjeuner entra dans ses narines par la porte ouverte. Il avait manqué le dîner l'autre soir, travaillé jusqu'aux petites heures du matin et était allé rencontrer Lucius après seulement quatre heures de sommeil. De manière peu surprenante, ses genoux étaient un peu faibles, bien que les nouvelles de Nathalie Pierson aient considérablement remonté son moral.

"Ah, Lucius, Severus!" dit Dumbledore, arrivant par une porte qui menait à sa bibliothèque, comme Severus l'avait récemment découvert. Il serra la main de Lucius. "Asseyez-vous, s'il vous plaît, vous devez avoir faim tous les deux"

Savourant les premières bouchées d'oeuf, de lard et de pain grillé, Severus ne prêta pas une attention toute particulière au bavardage entre les deux autres sorciers. Seulement quand Dumbledore dit, "Maintenant dites moi, Severus, quelle était la raison de cette rencontre?" se concentra-t-il avec regret sur la conversation en cours.

"J'ai besoin de votre autorisation pour établir une connexion de Cheminette entre mes chambres et le Manoir Malfoy," dit-il.

Bref silence. Le regard que Dumbledore lançait à son Maître de Potions était tout sauf amical. "Je n'apprécie pas d'être confronté à ce genre de questions sans préavis, Severus "

"Je sais," dit-il calmement, "Et Lucius non plus. Mais vous auriez difficilement accepté cette réunion, tous les deux, si vous l'aviez su par avance "

Lucius se racla la gorge et prit une petite gorgée de café. "Pour quelle raison?" demanda-t-il, sa voix aussi glacée que son regard.

"Pour les urgences. Et pour sortir d'ici et revenir inaperçu. Je ne peux pas me permettre d'être espionné par-" Non, pensa-t-il, il serait plutôt imprudent de mentionner explicitement Black maintenant. Le Directeur était déjà irrité. "-Par les professeurs ou les élèves," termina-t-il sa phrase.

C'était vrai. Il avait besoin de la connexion, et d'autant plus après que Lucius lui ait dit ce qui était écrit dans la lettre de Voldemort. Mais ce qu'il avait dit à Lucius sur le chemin du château était vrai de plusieurs manières: une intention en couvrait une autre. Officiellement, Malfoy était ici pour regarder les selections de Quidditch et donner une opinion d'expert que Severus ne prétendait pas avoir. Amanda Bibine était très bien, mais il ne la pensait pas incapable de s'entendre avec les autres Directeurs de Maisons pour introduire clandestinement un ou deux joueurs de deuxième classe dans l'équipe de Serpentard. Cette visite était la couverture pour la réunion dans le bureau du Directeur, dont Severus avait préféré garder le but pour lui-même. Ce qu'il voulait vraiment, cependant, était de rendre Lucius témoin du fait qu'il pouvait recevoir ce qu'il voulait du Directeur, et que Dumbledore leur faisait vraiment confiance à tous les deux-ou faisait semblant de leur faire confiance, simplement parce qu'il n'avait pas d'autre choix. Comme simple sous-produit de cette réunion, il projetait aussi de discuter du problème de la Pierre Philosophale. Mais cela était simplement accessoire.

Il semblait, cependant, que Lucius ait compris ses intentions. "Je suis sûr que le Directeur n'accepterait jamais une telle proposition," dit-il soyeusement. "Le risque pour moi-même est tout à fait négligeable, étant donné que vos pièces sont probablement mieux protégées que la plupart des coffre-forts de Gringott "

Toujours l'air très sérieux, Dumbledore caressa sa barbe. "Il semble," dit- il finalement, "que nous devions prendre ce risque calculé. Severus a, bien sûr, raison. Il ne peut pas traverser à pied les terrains au vu de tout le monde quand il est appelé. Et le système de boucliers et de sortilèges protégeant Poudlard est bien trop complexe et interdépendant pour ouvrir une fenêtre de Transplanage, disons, sur la Tour Serpens. Donc, ma réponse est oui. Mais la connexion ne doit pas être visible sur l'annuaire de Cheminette---"

"Du gâteau!" interrompit Lucius, haussant les épaules.

"En effet. Et, plus important, vous ne devez pas utiliser la cheminée connectée au réseau principal"

"Bien sûr," dit Lucius, inclinant légèrement la tête. "J'utiliserai celle de mon bureau. La salle est protégée, et personne n'entre sauf moi et ma femme "

"Parfait," dit Severus, empêchant soigneusement la satisfaction qu'il sentait de paraître dans sa voix, "Cela semble être réglé alors. Et la Pierre?"

Dumbledore hocha pensivement la tête. "La Pierre, oui. C'est, bien sûr, une question de la plus haute importance. Celle que j'ai faite avec Flamel-"

Cette fois, le Directeur avait clairement réussi à surprendre les deux autres sorciers. "Celle que vous." Severus avala.

"Etes vous en train de dire qu'il y en a plus qu'une?" demanda Lucius , son sang-froid d'habitude parfait plus que légèrement froissé.

"Non, non. Il n'y en a qu'une. Nicholas a fait la sienne au quinzième siècle. Quand nous nous sommes rencontrés." Un moment, le regard de Dumbledore devint rêveur avant qu'il continue, "C'était plus ou moins il y a quatre-vingt ans. Il avait réussi à faire la pierre, oui; mais nous n'avons pu créer la.eh bien, la version finale que quand nous avons découvert les douze usages du sang de dragon "

"Pensez-vous que vous pourriez expliquer ceci avec plus de détail?" demanda Lucius, de retour à sa voix traînante habituelle mais évidemment très intéressé.

Dumbledore jeta un coup d'oeil à l'horloge sur son bureau. "Oui, je pense il y a assez de temps avant que les sélections ne commencent " Il sonna l'elfe Kitty et demanda du café frais. "Vous voyez, la Pierre que Nicolas a créé seul marchait parfaitement bien. Le seul problème étant que, à moins d'y ajouter le bon genre de sang de dragon entre les étapes d'Ablution et de Réduction, l'élixir de la Pierre prolongera votre vie, mais sans arrêter le procédé de vieillissement. Les grecs anciens savaient déjà cela, bien sûr-pensez au mythe d'Aurore et de Tithonus "

"Celui qui est finalement devenu une sauterelle?" demanda Severus, et il entendit Lucius marmonner "M'as-tu-vu!"

"Exactement. Alors, c'était le facteur sur lequel Nicolas n'avait pas compté. Quand il a créé la Pierre, quelque part vers 1380, il avait déjà plus de cinquante ans-un âge vénérable à cette époque là, surtout pour un Moldu. Quand nous nous sommes rencontré, cinq cent ans plus tard, il était tout à fait miteux, mais toujours capable de travailler. Alors, avec mes propres données, nous avons recréé la Pierre et avons détruit la première. La nouvelle Pierre a arrêté avec succès son procédé de vieillissement-et aussi celui de sa femme-si bien que maintenant il est toujours légèrement miteux, mais parfaitement vivant "

"Et la pierre?" demanda Lucius "Elle est. en sûreté ?"

"Aussi en sûreté qu'elle puisse être, je suppose. Mais cela n'empêcherait pas Voldemort d'essayer de nous attraper Flamel et moi, pour nous la faire recréer. Nous devons être deux pour cette procédure, vous savez?"

Severus considéra ceci. "Flamel seul ne serait pas suffisant?"

"Non, absolument pas. Et pas même un Maître de Potions de votre calibre ne pourrait me remplacer. Vous n'avez pas une formation d'alchimiste. D'autre part, Nicolas est déjà caché. Un Sortilège de Fidelius a été exécuté, si bien qu'il est pratiquement impossible pour Voldemort de le trouver. Quant à moi."

"Non," dit Lucius, "je ne pense pas. Il n'a pas du tout l'intention d'attaquer Poudlard. Tant que vous restez ici, le risque est pratiquement inexistant. Etes-vous sûr qu'il sait pour la pierre?"

"Bien sûr que oui," dit joyeusement Dumbledore. "Grindelwald le savait, et je suis assez sûr qu'ils doivent s'être rencontrés, ou du moins avoir correspondu. Rien de quoi se soucier pour le moment. Ce qui m'ennuie plus est la potion que Severus prépare. Nous ne pourrons pas faire attendre Voldemort pour toujours. Et, autant que je chérisse l'idée que notre ennemi décime ses propres rangs, l'augmentation résultante de son pouvoir magique serait un trop haut prix à payer "

Légèrement mécontent, Lucius dit, "Eh bien, je laisserai certainement tomber quelques allusions bien placées à la difficulté de la situation de Severus ici. Cependant, nous avons encore deux ans à passer, et tôt ou tard."

"On ne peut rien y faire, j'en ai peur," dit Dumbledore. "Et maintenant, messieurs, je pense qu'il est temps pour la partie officielle de cette visite. Les sélections commencent à neuf heures."

Les deux jeunes hommes se levèrent et prirent congé du Directeur. Sur leur chemin pour sortir du château et descendre au terrain de Quidditch, tous deux restèrent silencieux, chacun profondément enfoui dans ses pensées. Aussi content qu'il soit de l'issue heureuse de sa petite manoeuvre, Severus ne pouvait pas s'empêcher de se sentir frustré. Désespéré, même. Rationnellement, il savait que Dumbledore avait raison: même avec ses notes prétendument confisquées, il devrait proposer un résultat tôt ou tard. Et alors. alors ils devraient trouver une façon de convaincre Voldemort qu'il ne devait pas l'utiliser. Pas quelque chose dont il était impatient.

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L'équipe de Quidditch de Serpentard et ses élèves qui avaient postulé pour les positions d'Attrapeur, de Batteur et de Poursuiveur-la fille qui avait joué Attrapeuse jusqu'ici voulait se concentrer sur ses études, comme ceci était sa septième année, et un Pousuiveur et un Batteur avaient reçu leur diplôme l'été dernier-étaient déjà assemblés sur la pelouse, engagés dans une conversation excitée. Ce n'était pas tous les jours qu'un gouverneur de l'école et membre d'une des familles de sorciers les plus éminentes de Grande Bretagne examinait personnellement un événement relativement aussi insignifiant qu'une sélection de Quidditch. Leurs airs devinrent même encore plus étonnés quand Lucius tira un balai miniature de sa poche, le réagrandit et ôta ses robes magnifiques.

"Lucius, tu ne vas pas participer, n'est-ce pas?" demanda Severus, incrédule.

Lucius sourit. "Bien sûr que si. Pas pour l'Attrapeur, c'est mieux de les regarder d'en bas ici. Mais il est mieux d'observer les Batteurs et les Poursuiveurs en jeu. Cela fait une éternité que je n'ai pas joué " Il se frotta les mains.

A l'évidence Amanda Bibine n'était pas entièrement insensible aux beaux airs de Lucius-ni les filles les plus âgées, comme le vit Severus avec amusement. La plupart d'entre elles le regardaient d'un air hébété et réarrangeaient leurs cheveux de manière compulsive. Après avoir présenté Lucius à l'instructrice de vol et vice versa, Severus se retira dans les gradins et regarda.

"Bien," dit Lucius aux élèves qui affluaient vers lui, "je vais jouer Poursuiveur, donc un des joueurs habituels doit cèder temporairement sa place"

Le poursuiveur mâle reçut un coup de coude dans les côtes de la part de sa collègue qui souriait doucement et haleta, "Ouch, euh, je veux dire, je, M. Malfoy. Je vais cèder "

"Parfait. Et Madame Bibine ci présente," il s'inclina légèrement devant l'instructrice de vol qui rougit, "aura la gentillesse de changer les candidats toutes les quinze minutes. Par ordre alphabétique. Pas l'Attrapeur cependant-mais vous savez aussi bien que moi qu'ils vaut mieux les regarder du sol " Avec ces mots, il monta son balai et décolla en trombe dans le beau ciel d'automne.

Severus croisa ses bras sur sa poitrine et se renversa dans son siège, se permettant même momentanément de fermer les yeux. C'était un moment de rare plaisir et de détente, la sensation du soleil d'automne sur sa peau et la brise douce jouant avec ses cheveux. Le bavardage des élèves, le bruit sourd des battes des Batteurs frappant les Cognards, les joueurs se criant des instructions les uns aux autres. c'était la paix. Un moment de paix dont il n'était que trop conscient de la fragilité. Peut-être un moment de bonheur. Quoi que cela soit.