Le temps passait très vite, effectivement. En un clin d'œil, la pleine lune revint, et ils n'avaient plus que deux semaines à passer dans leur havre de paix.
Remus voyait venir la fin des vacances avec moins d'appréhension qu'avant. Il avait des offres d'emploi, déjà, après tout. Des lettres de recommandation de la plupart de ses professeurs, et toujours ses amis.
C'était bien plus qu'il n'en avait rêvé quand il était entré à Poudlard.
Le matin, Lily se réveilla très tôt. Elle ouvrit les volets, qui donnaient sur le petit jardin derrière la maison, pour découvrir qu'il faisait encore nuit. Les étoiles qui parsemaient le ciel d'un noir d'encre semblaient des milliers de diamants scintillants. Au dessus d'elle, elle pouvait voir la Voie Lactée, un grand ruban clair traversant le ciel.
Elle sortit de sa chambre sans allumer de lumières, en s'enveloppant dans une robe de chambre, pieds nus. Les portes des chambres des garçons étaient ouvertes et vides, la lumière de la lune filtrant à travers les rideaux et tombant sur les lits vides.
Elle s'arrêta devant l'escalier de la cave et hésita. Mais les grognements qui lui parvinrent d'en bas la firent fuir à l'extérieur.
Le sable était doux et encore chaud du soleil de la veille sous les pieds de la jeune fille, même si un vent frais et impétueux soulevait des tourbillons de sable.
La lune, absolument ronde et pleine, semblait énorme, suspendue au dessus de l'horizon, prête, semblait-il, à plonger dans les eaux sombres. Déjà, de l'autre côté, derrière la maison, le ciel devenait un peu moins noir, tirant doucement sur le bleu marine. Lily tourna vivement les talons et se réfugia dans la cuisine, allumant enfin les lumières pour préparer le petit déjeuner. Elle ébouillanta la théière avec précaution, et se mit à faire le thé avec l'art que lui avaient enseigné les elfes de maison de Poudlard. Ils lui avaient aussi confié quelques bonnes recettes comme cadeau de remise des diplômes, qu'elle comptait bien utiliser un jour.
Mais elle était fatiguée. Elle ne dormait jamais vraiment bien ces nuits-là. Lorsqu'elle manqua de se brûler pour la deuxième fois avec le bacon, et que la lune avait presque totalement disparu à l'horizon, elle décida d'aller chercher sa baguette et les Maraudeurs.
Remus, épuisé, se traîna contre le mur pour s'asseoir comme il pouvait. Il eut un faible sourire en jetant un coup d'œil aux trois Maraudeurs Animagi, à nouveau profondément endormis, sous leur forme animale, les uns contre les autres. Il s'étira un peu en tirant les muscles douloureux de son dos. Les transformations, si elles étaient encore douloureuses, n'avaient plus rien en comparaison de ce qu'il avait dû souffrir pendant son enfance. Sirius, qui s'était énormément documenté sur le sujet, prétendait que c'était dû au fait qu'il avait fini sa croissance. James, qui en avait lu tout autant, haussait les épaules et affirmait qu'il développait tout simplement une résistance à la douleur. Lily, en général, ne formulait pas d'hypothèse, mais se montrait heureuse qu'il souffre moins.
Et en parlant de Lily… la lourde porte du bunker s'ouvrait avec autant de vitesse qu'il était possible. Il fit un sourire en anticipation de son visage inquiet et charmant, de son sourire rassurant. Il n'obtint ni l'un, ni l'autre. La petite silhouette de Lily s'effondra littéralement contre lui en sanglotant silencieusement, murmurant une suite de mots incompréhensibles.
- Lily ? Lily, qu'est-ce qu'il y a ? Je ne comprends rien !
Aussi doucement que possible, il essaya de la redresser, parce que malgré sa légèreté, elle pesait un peu sur ses muscles encore douloureux. Elle s'assit à genoux à côté de lui, et s'essuya les yeux sur ses manches, mais en vain : elle continuait à sangloter hystériquement.
- Explique-moi, insista Remus, soudain inquiet. Qu'est-ce qu'il s'est passé ?
- C'est horrible ! bégaya Lily en sanglotant davantage encore. Vous n'allez… jamais… jamais… me le pardonner !
- Lily…
- J'ai perdu vos baguettes !
Remus prit quelques secondes pour recomposer son expression et pousser un soupir de soulagement. Connaissant Lily comme il la connaissait, la voir dans cet état à propos de quelque chose qu'elle aurait fait ne laissait rien présager de bon. Il avait commencé à imaginer quelques-unes unes des pires possibilités.
- N'en fais pas tout un plat, Lily, tu ne perds jamais rien ! Je suis sûr que tu vas les retrouver. Et si ça peut te rassurer, je n'en dirais rien aux autres tant que tu ne les as pas retrouvées.
Lily hocha la tête sans conviction, et se mit à remonter les manches de Remus pour observer l'étendu des dégâts causés par le loup. Ce n'était rien que quelques égratignures, mais les sanglots de la jeune fille redoublèrent.
- Je ne pourrais pas te soigner tout ça…
- Lily, vraiment, ce n'est rien du tout.
- Mais…
Il repoussa gentiment les mains de Lily et se leva.
- Vraiment, ce n'est rien. Mes pleines lunes sont de plus en plus supportables, tu vois ?
A son grand désarroi, Lily sanglota encore plus fort, sans se lever. Il regarda rapidement en direction des Animagi encore profondément endormis, et prit Lily par le coude le plus doucement possible pour l'emmener dans la cuisine. Il était tellement désorienté par l'attitude de sa meilleure amie qu'il ne sentait pas les protestations de son corps fatigué.
En silence, il la fit asseoir à la table et lui servit le thé qu'elle avait préparé quelques instants auparavant. Le soleil avait dû se lever derrière la maison, car toute la plage qu'ils voyaient par la fenêtre de la cuisine était éclairée par une lumière vive et rasante. Le sable semblait d'or, et l'océan avait la teinte violette de l'améthyste. Remus, cependant, n'admirait pas le spectacle. Il attendait que Lily se calme en l'observant par-dessus le bord de sa tasse de thé.
- Dis-moi ce que tu as, Lily.
La jeune fille évita son regard et renifla piteusement. Ses yeux se remplirent de larmes à nouveau et Remus se dépêcha de lui prendre la main pour la rassurer.
- Je me sens tellement égoïste, articula-t-elle difficilement.
- Mais… mais pourquoi ? s'écria Remus, bouche bée, pris de court par cette déclaration.
- J'étais contente de venir te soigner ce matin parce que c'était un bon prétexte pour utiliser la magie… Ne va pas surtout pas croire que je ne t'aime pas, dit Lily en ravalant les gros sanglots qui menaçaient de la submerger à nouveau. Je t'adore et je déteste te voir souffrir. Si je ne m'occupe pas de toi quand tu ne vas pas bien, je me sens vide…
- Lily…
Le loup-garou mit un peu de temps à digérer ça, mais garda un visage sans expression pour ne pas culpabiliser Lily davantage.
- Il y a des jours où j'ai un besoin fou de faire de la magie, continua la jeune sorcière, les mains serrées autour de sa tasse pour les empêcher de trembler. Que ce soit de toutes petites choses comme fermer les volets sans me lever, ou faire mon lit, ou le thé, ou des choses plus dures comme de transplaner au village pour faire des courses…
Il la laissa continuer dans cette veine pendant quelques minutes avant de l'interrompre.
- Lily… tu m'as dit toi-même, le mois dernier, que ce n'était qu'un jeu. Si ça te met dans cet état, il n'y a aucune raison de le continuer. Tu aurais dû nous en parler plus tôt.
- Mais… je ne pouvais pas !
- Pourquoi pas ?
- Parce que… parce que vous vous en sortiez très bien ! s'écria-t-elle avec un air boudeur de petite fille vexée.
Remus se retint d'éclater de rire, et devint rapidement pensif.
- C'est tout de même bizarre, murmura-t-il. De nous tous, tu devrais être celle qui est capable de se passer de magie le plus longtemps…
Lily avait une expression misérable.
- Ca fait seulement trois ans que j'ai carte libre pour utiliser ma magie quand je veux, et regarde ça… je suis totalement accro ! Et cette tentation d'avoir tous les jours cette boîte de baguettes sous la main… ça me rend folle. Et le jour où je peux enfin utiliser ma baguette, la boîte disparaît !
- C'est peut-être justement d'avoir la boîte sous le nez qui te rend folle. Tu crois que tu te sentirais mieux si c'était quelqu'un d'autre qui en avait la charge ?
- Peut-être, concéda Lily avec une moue dubitative. Mais, ajouta-t-elle avec un éclair de suspicion, si tu crois que je vais tomber dans ce piège grossier…
Remus leva les mains dans un geste de défense avec une expression amusée.
- Je n'en dirais rien aux autres, promis…
Ils entrèrent dans la chambre de Lily sur la pointe des pieds.
- Il faudrait au moins qu'on retrouve cette satanée boîte, gémit Lily. Si je leur ai perdu leurs baguettes, James et Sirius vont me tuer !
- On la retrouvera, assura Remus avec confiance. Il n'y a personne de plus rangé que toi…
Il parcourut rapidement la chambre du regard, sans trop oser chercher… après tout, c'était la chambre de Lily… la chambre d'une fille. Il souleva quelques romans moldus sur la table de travail et des dizaines de parchemins qui ressemblaient suspicieusement à de vieilles lettres de James, et auxquelles il se garda bien de jeter un regard, mais aucune petite boîte ne se cachait là.
Lily avait, évidemment, beaucoup moins de scrupules. Elle ouvrait les portes des placards à la volée et projetait ses affaires dans tous les coins de la pièce, avec une telle furie que Remus se mit bientôt à rire.
- Si tu continues comme ça, ça ne va pas nous aider… Essaye plutôt de réfléchir à l'endroit où tu aurais pu la mettre…
- Je l'ai caché sous ma pile de chandails pendant toutes les vacances, confessa Lily, exaspérée. Et elles n'y sont plus !
Ils passèrent l'heure qui suivit à chercher partout où c'était possible. Remus était juste heureux que Lily ait arrêté de lancer ses effets personnels partout au moment où elle attaquait sa commode. Des chemises, des jeans et des robes, il pouvait encore supporter. Mais il ne savait pas ce qu'il aurait fait si elle s'était mise à faire voler ses sous-vêtements.
Lily se laissa finalement tomber assise sur son lit avec un soupir désespéré et s'appuya à la tête de lit.
- Qu'est-ce qu'il se passera si les autres se réveillent avant qu'on ait trouvé les baguettes ? demanda-t-elle. Qu'est-ce qu'ils vont dire ?
- Ils n'ont pas besoin de le savoir, dit Remus en allant s'asseoir à côté d'elle, à moitié sur l'imposant oreiller, et à moitié sur l'enchevêtrement de draps. Et puis, ajouta-t-il en regardant sa montre, ils ne se réveilleront pas avant un bon moment.
Lily renifla un peu, pas très convaincue. Remus prit quelques vêtements qui traînaient en désordre autour de lui et les plia sur ses genoux. La chambre était devenue un vrai terrain vague, sans parler du lit. Il devait y avoir quelque chose de dur, peut-être une brosse à cheveux, sous l'oreiller de Lily, parce qu'il commençait à avoir une douleur à la cuisse là où l'objet appuyait. Sans trop y penser, il retira l'objet en question, le posa à côté de lui sans un regard et frotta sa jambe douloureuse.
Il promena son regard sur la chambre, cherchant dans quels endroits ils n'avaient pas encore regardé. Etre mis en échec par une simple boîte l'exaspérait tout de même au plus haut point. S'il s'agissait d'un autre Maraudeur qui avait pris les baguettes sans prévenir personne, il l'écorcherait vif. Oui, même Peter.
Il fut tiré – assez brutalement d'ailleurs – de ses pensées par un cri plutôt aigu de Lily.
- Où tu l'as trouvée ? s'écria-t-elle en saisissant l'objet qu'il avait posé à côté de lui… Et qui, évidemment, n'était autre que la boîte qui les faisait tourner en bourrique depuis l'aurore.
- Tu l'avais mise sous ton oreiller, dit-il.
- Oh… mais j'étais persuadée de l'avoir remise à sa place, dit Lily pour elle-même avant de rougir comme une tomate.
- Remise à sa place ? Je croyais que tu n'avais pas utilisé les baguettes ?
- Oh, non, je ne les ai pas utilisées ! Je les ai juste mises sous mon oreiller quand je soupçonnais que vous enverriez Peter fouiller dans ma chambre sous sa forme de rat.
Remus éclata de rire. Décidément, Lily n'avait pas son pareil pour les démasquer.
- Tu t'y étais préparée ?? Tu m'impressionnes… est-ce qu'on peut encore te cacher quelque chose, Lily jolie ?
- Vous êtes trop prévisibles ! Ou je vous connais trop bien…
Elle lui fit un sourire radieux et lui tendit la boîte.
- Allez, va mettre ça quelque part hors de ma vue… et prend une douche bien chaude, ça va te détendre les muscles. Il y aura une infusion qui t'attendra quand tu auras fini…
- Oui, Maman…
Une heure plus tard, Remus et Lily déjeunaient en discutant joyeusement, lorsque les Maraudeurs, mal réveillés, remontèrent de la cave et entrèrent dans la cuisine en clignant leurs yeux d'Animagi. Ils se transformèrent en s'effondrant devant leurs petits déjeuners, cheveux en bataille, yeux fermés et peu loquaces alors qu'ils se brûlaient la langue sur le thé encore chaud.
James, cependant, fut le premier à achever de se réveiller.
- Tu as l'air bien, ce matin, Lily jolie, remarqua-t-il avec un sourire content.
- C'est parce qu'elle s'arrange toujours avec Remus pour synchroniser leurs mauvaises périodes du mois, expliqua Sirius, narquois. Comme ça, ils sont frais comme des roses après coup, et ils peuvent écraser nos fiertés sans défense, ajouta-t-il en bâillant à s'en décrocher la mâchoire.
Sirius eut le déplaisir de se trouver soudain bombarder par une pluie de boulettes de pain (en fait, seulement deux), dont une atterrit dans sa tasse et l'aspergea de thé brûlant, sous les rires des autres.
- Aaah ! Arrêtez, je capitule ! Ce que vous êtes susceptibles, ce matin !
A/N : Une note d'auteur qui va être un peu plus longue que d'habitude, parce que certaines reviews demandaient des réponses… je ne pouvais pas les laisser comme ça, les pauvres ^-^
Bon…. Désolée pour le temps que je mets à faire un chapitre… j'ai vraiment beaucoup de travail, je passe un concours à la fin de l'année (scolaire), alors… voilà… bémol sur les fanfics. C'est bien gentil d'être patient, et bien gentil de continuer à me reviewer tout de même.
Donc, comme je l'avais dit, plusieurs réponses à des reviews… (pas forcément dans l'ordre, désolée)
Ah ! Samantha (une de mes meilleures revieweuses ^-^) : désolée que tu trouves ça un peu court… tous mes chapitres ont sensiblement la même taille, mais c'est vrai que le 9 était plus… court. Celui-ci est mieux ;)
Bayram, le moment intime entre James et Lily est prévu (je crois), mais comme tu vois, pas encore dans ce chapitre… peut-être le prochain ? Gardez l'espoir !
Et pour finir… Ouistiti, j'ai pas trop compris le sens de ta review… "sois un peu moins sentimentale en parlant d'Harry" ? Hum… je veux bien essayer… seulement j'aurais du mal, vu que je ne parle même pas de Harry dans cette fic. A moins que je le fasse inconsciemment ? Je devrais me relire ! :-s
