11 – La lettre et les messagers.
- Remus, tu m'écoutes ?
Le jeune homme ouvrit paresseusement un œil pour foudroyer Sirius du regard, mais il fit de gros efforts pour ne pas montrer qu'il venait de se réveiller en sursaut. Il referma rapidement l'œil et fit un sourire au soleil couchant dont les rayons caressaient son visage, tout en s'étirant sur le sable chaud comme un gros chat.
- Bien sûr que je t'écoute… Euh… tu disais ?
Les trois autres garçons éclatèrent de rire, et Lupin entrouvrit les yeux pour faire un sourire d'excuse à Sirius.
- Tu ne trouves pas que Lily a changé ? demanda ce dernier, qui semblait avoir une certaine suite dans les idées.
- Quoi, elle a encore grandi ? Prends garde, James, elle va finir par être plus grande que toi !
Quelqu'un jeta une poignée de sable sur son ventre, peut-être Sirius, peut-être James, peut-être les deux.
- Idiot ! Elle va mieux !
- Elle était malade ? plaisanta Lupin.
- Remus ! Concentre-toi, tu veux ? Tu te rappelles qu'elle était sur le point de craquer ? Et depuis quelques jours, plus rien ! Aussi heureuse qu'un pinson !
- James s'est amélioré ?
- HEY !
Remus se réveillant définitivement, s'assit tout droit, prêt à bondir sur ses pieds pour fuir la colère de James. Mais ce fut Sirius qui retint leur ami, tout en jetant un regard suspicieux à Remus.
- Pourquoi j'ai l'impression que tu essaies de détourner la conversation ? grogna-t-il en plissant les yeux.
- Parce que tu es parano, mon p'tit pote !
- Elle fait peut-être de la magie toute seule, sans nous le dire ? intervint Peter.
Sirius n'y accorda pas plus d'une demi-seconde de réflexion.
- Elle se sentirait coupable, rétorqua-t-il aussitôt. Non, ça doit être autre chose !
Les Maraudeurs se mirent à discuter du « cas Lily », et Remus se rallongea tranquillement pour profiter du crépuscule. C'était vrai que Lily allait beaucoup mieux depuis qu'elle lui avait confié les baguettes, et il était heureux de constater que lui-même n'était pas tenté.
- Alors ? Qu'est-ce qu'on fait, Remus ?
La voix de Sirius revint clairement dans son champ d'attention alors que le jeune Black se laissait tomber en arrière de manière à utiliser le ventre de Remus comme un coussin.
- Ouf ! Sirius ! protesta le pauvre Lupin.
- Oh, allez, mon oreiller adoré ! Dis-moi ce qu'on doit faire maintenant ! Je m'ennuie !
- Ca m'étonne, tiens, grogna-t-il en roulant les yeux. Pourquoi toujours moi ?
- Parce que c'est toujours toi qui as les meilleures idées ! dirent-ils tous en même temps, avec de grands sourires.
- Eh bien… désolé, pas aujourd'hui, répondit-il.
- Oh, s'il te plaît...
- Sirius ! interrompit Remus, exaspéré. Pourquoi tu ne pourrais pas arrêter d'embêter Lily, et finir les vacances tranquillement ? Il ne reste plus que quatre jours ! Laisse-lui donc profiter de ses vacances, et de son James amélioré !
- Hey !
- Hey, mais c'est une bonne idée ! explosa Sirius, interrompant encore une fois les protestations de James.
Remus éclata de rire.
- Qu'est-ce qui est une bonne idée ? Vous avez décidé de mettre le Ministère sens dessus dessous en rentrant ?
Les quatre garçons se retournèrent. Lily venait d'arriver, et ils purent tous constater qu'elle était effectivement resplendissante. Elle s'assit directement sur les genoux de James et leur sourit.
- Alors, de quoi vous parliez ?
- De ce que James a bien pu te faire pour que tu sois aussi radieuse ! répondit Sirius avec son large sourire.
Les deux tourtereaux rougirent furieusement, bien que cela ne se vit pas beaucoup sous leur bronzage.
- Et de ce qu'on allait bien pouvoir faire pendant les quatre derniers jours, acheva Remus, volant nonchalamment à la rescousse du couple.
- A vous de décider, répondit Lily. J'en ai assez d'organiser toutes les vacances ! Maintenant qu'on a fait le tour de l'île, et terrorisé la moitié des habitants, vous en savez assez sur l'endroit pour décider vous-même.
Juste comme elle terminait sa phrase, un hibou atterrit devant eux sur la plage. C'était un oiseau comme ils n'en avaient pas souvent vu. Non seulement il était très grand, même pour le Grand Duc qu'il était, mais il était également bien proportionné, athlétique, très fort et apparemment très rapide, d'après l'élégant atterrissage glissé qu'il avait fait en arrivant. Il prit le temps de replier ses ailes, exhibant toutes ses plumes parfaitement ordonnées et lissées, non sans regarder les jeunes gens d'un air satisfait et hautain.
- C'est bien un Grand Duc, ça, grogna Sirius. Saleté de volatile snob…
L'oiseau le foudroya du regard et sautilla dignement jusqu'à James pour lui donner l'enveloppe de parchemin qu'il portait.
- Encore une offre d'emploi ? demanda Peter.
- Je ne sais pas, répondit James, perplexe. C'est le sceau de Poudlard…
Tout le monde écarquilla de grands yeux.
- Tu fais des études poussées ? demanda Sirius avec un petit ricanement. Tu entres en huitième année ? Chanceux !
- C'est pas l'écriture de McGonagall…
- Hein ?
- C'était toujours elle qui nous écrivait nos lettres… c'est pas son écriture, cette fois.
Remus se pencha sur l'enveloppe, par dessus l'épaule de James.
- Je reconnais pas l'écriture… ça ne doit pas être l'un des professeurs… C'est peut-être Dumbledore qui te propose d'être professeur ?
Peter poussa un sifflement admiratif et Sirius se mit à rire à perdre haleine.
- James, professeur ? s'exclama Lily. Dumbledore est fou, mais pas à ce point-là, tout de même !
Potter n'eut pas le temps de répondre, que quatre autres hiboux, plutôt essoufflés, atterrirent à leur tour sur la plage, chacun portant une lettre très semblable à celle de James.
- Une pour chacun d'entre nous ? Il ne peut pas y avoir une telle pénurie de professeurs, tout de même !
- Bah… encore des lettres qui vont rejoindre les offres d'emploi jusqu'à la fin des vacances, de toute façon…
- Je suis tout de même curieuse, soupira Lily en contemplant sa lettre.
- Pas moi ! Je ne suis pas pressé de retourner en Angleterre ! rétorqua Sirius.
Il n'eut pas le loisir de développer un peu plus le sujet qui lui tenait tant à cœur. Deux des rapaces s'étaient mis à se battre à côté de lui, et il essaya de les séparer.
- Alors, qu'est-ce qu'on va faire demain ? demanda James en repoussant sa lettre.
- Je n'en ai aucune idée, répondit Remus.
Il y eut un long silence alors que tous regardaient, fascinés, le pauvre Black faire face à une chouette blanche qui semblait décidée à enseigner les bonnes manières au Grand Duc prétentieux.
- Pourquoi tu ne la laisses pas faire ? demanda Peter.
- Je veux avoir le plaisir de mettre moi-même le pied au croupion de ce snobinard ! Et je ne voudrais pas que cette pauvre chouette se fasse mal pour rien…
La chouette n'était décidément pas de cet avis. Ailes déployées, bec ouvert menaçant Sirius, elle avançait par petits bonds sur le sable. Quant au Grand Duc, vexé, il attaqua le jeune homme.
- Aaaaaaaaaaaaaah !
Tous les autres, y compris les rapaces messagers de Poudlard, observaient la scène avec un grand intérêt.
Le soleil était couché quand les oiseaux s'envolèrent, un Grand Duc un peu plus humble parmi eux. Sirius se débarrassait des plumes éparpillées sur sa chemise en essayant d'évaluer les dégâts.
- On ne devrait jamais se mêler de disputes de chouettes, commenta James en se levant pour l'aider. Sacrée coupure…
- Où ?
- Là, sur l'épaule…
- AAAARRGH ! Pas touche !
- Quel douillet !
Ils éclatèrent de rire et retournèrent tranquillement à l'intérieur sans cesser de plaisanter.
- Un pique-nique, alors ! s'exclama Peter, déjà enchanté à l'idée de préparer le repas à emporter.
Les autres le dévisagèrent d'un regard neutre.
- Déjà fait, dit Lily. On a pique-niqué partout où c'était possible sur cette île. Vous avez même failli mettre le feu à une forêt entière.
- On ne maîtrisait pas encore toutes les subtilités de l'art de faire un feu de camp, rétorqua Sirius en jouant avec une boîte d'allumettes, justement.
- Je vous ai appris le Badmington ? demanda soudain la jeune Evans, une lueur dans les yeux.
- Ca, et le volley, et le football, et la Balle aux prisonniers, et le Handball – je me demande même comment on a bien pu faire rebondir les balles sur le sable, répondit James avec une grimace. Je continue à penser que rien ne vaut le Quidditch… sauf, peut-être…
- … le Base-Ball, finit Sirius à sa place avec un air renfrogné. Mais on pourrait jouer aux fléchettes…
- Sans cible ni flèches ?
- J'ai une meilleure idée ! s'exclama Black. Des anneaux !
- … ?
- Le but du jeu est d'envoyer le maximum d'anneaux sur les bois de Cornedrue !
- Pas question !
Ils rirent devant l'air outré de James.
- Et une course ? proposa ce dernier tout à coup.
Sirius roula les yeux comme si la réponse était évidente.
- Pas la peine de pavaner, ça fait longtemps que j'ai compris que Patmol ne rattraperait jamais la biche aux pieds d'airain…
- Je ne suis pas une biche !!
Lily décida d'intervenir à ce moment-là, et leur retira leurs tasses de chocolat vides.
- Eh bien, on décidera demain ! Maintenant, il est temps d'aller se coucher !
- Oui, Maman, répondit Remus, non sans bailler à s'en décrocher les mâchoires.
Sirius découvrit le lendemain matin, en se rendant à la cuisine, qu'il était la deuxième personne réveillée dans la maison. Seule devant les fourneaux, Lily chantonnait en préparant le petit déjeuner.
Le jeune homme s'attarda un instant à la regarder s'affairer, et se délecta dans l'idée qu'il n'allait plus lui jouer de tours… au moins jusqu'à la fin des vacances !
- Salut, belle-sœur !
Lily tourna la tête vers lui, un sourire intrigué aux lèvres.
- Salut, Sirius ! Belle-sœur ?
- Ben oui… James est mon frère, après tout… ou c'est tout comme.
- Et… ?
- Oh, allez… dites-le, que vous allez vous marier ! Ca fait des années qu'on attend tous ça avec impatience !
Lily regarda approcher Sirius en riant, mais non sans une pointe d'inquiétude. Qu'est-ce que ce grand gamin mijotait encore pour être de si bonne humeur ?
Il la poussa gentiment de devant la gazinière et se mit au travail, grillant le bacon, préparant les œufs sans magie avec l'aisance d'un Moldu. Elle ne fit aucun commentaire, choisissant de mettre la table à la place. Elle ne le quitta pas des yeux, cependant, jusqu'à ce que Remus entre à son tour dans la cuisine, écarquillant les yeux d'un air moqueur en voyant Sirius aux fourneaux. Il salua gentiment Lily et jeta un coup d'œil par la fenêtre.
- Oh oh… on a du courrier, dit-il d'une voix neutre.
Sirius coupa le gaz et le rejoignit à la fenêtre avec Lily. En effet, une bonne douzaine de hiboux se dirigeaient à toute vitesse vers la maison, et ils durent ouvrir précipitamment les fenêtres. Les rapaces se jetèrent aussitôt sur la table de la cuisine, se disputant rageusement – il n'y avait pas assez de place pour tous.
James et Peter entrèrent à leur tour dans la cuisine, en se frottant les yeux.
- Je ne me suis pas réveillé, c'est encore un cauchemar, gémit le jeune Potter en voyant tous les hiboux. Qu'est-ce qu'il se passe ?
- Ce sont les mêmes lettres de Poudlard qu'hier soir, dit Sirius, qui venait de saisir l'une d'entre elles.
- Il y a quinze hiboux, exactement, dit Remus. Il doit y avoir un problème… Certaines lettres ne doivent pas être à nous…
- Eh bien, j'ai deux lettres à mon nom pour l'instant, répondit Lily. Mais je ne comprends pas…
Ils détachèrent toutes les lettres, et les hiboux partirent. La cuisine était un vrai désastre, des plumes voletaient partout, mais au moins ils purent s'asseoir et réfléchir sans le vacarme de quinze volatiles déchaînés.
- Peut-être que les lettres ont été dupliquées par erreur ? proposa James d'un ton incertain.
- Ou que les chouettes ont fait tellement de zèle qu'elles se sont dédoublées ?
- Et si quelqu'un avait ensorcelé une plume pour écrire ces lettres et qu'elle s'était déchaîné ? Comme les balais dans l'Apprenti Sorcier !
Les Maraudeurs tournèrent un regard dépourvu d'expression vers Lily.
- Oh, laissez tomber, voulez-vous ?
- C'est peut-être tout simplement trop urgent pour souffrir un jour de retard ? proposa Remus en haussant les épaules.
- Quelque soit l'urgence, décida James, ça attendra bien la fin des vacances ! Plus que trois jours !
L'incident des lettres de Poudlard fut vite oublié. Ils parvinrent sans mal à s'occuper. En fait, ils passèrent toute la journée à jouer dans les vagues, jusqu'à en pleurer de rire, et rentrèrent fatigués.
Lily était restée toute la journée sur le qui-vive. Sirius se comportait réellement trop gentiment pour ne pas manigancer quelque chose de mauvais, et cela la mettait sur les nerfs. Ce fut donc avec soulagement qu'elle se glissa dans son lit.
Remus se leva le premier, le lendemain. Le soleil était déjà haut et les oiseaux chantaient à vous briser les tympans. Il ne comprenait pas que les autres puissent dormir dans ce vacarme.
Il ouvrit la porte de la cuisine, mais n'entra pas. C'était impossible. Il dut même reculer de quelques pas, car une avalanche de courrier venait de lui tomber dessus. La cuisine était remplie, jusqu'à hauteur de la taille environ, de lettres de parchemin identiques.
Sans trop réfléchir, Lupin se précipita à la porte d'entrée. Des milliers de hiboux et de chouettes attendaient, plus ou moins sagement, sur la plage devant la maison. Comme si c'était le seul signal qu'ils attendaient, ils tournèrent la tête vers le garçon et prirent leur envol d'un même mouvement – plusieurs d'entre eux se cognèrent dans la pagaille qui s'ensuivit.
- ENCORE ?
Remus fit volte-face, le cœur battant à tout rompre… Lily regardait les lettres éparpillées dans le couloir avec une expression horrifiée.
- Là… là… ça dépasse les bornes…
Les trois autres Maraudeurs, alertés par le cri de la jeune fille, descendaient tant bien que mal, encore mal réveillés.
- On ferait peut-être mieux de les ouvrir, dit Remus. Sinon, ça va empirer…
Lily prit une poignée de lettres à ses pieds et en chercha rapidement une adressée à elle, et la lut tout haut.
Chère Mlle Evans,
J'ai conscience que vous êtes en vacances, et je m'excuse de vous déranger si tôt, mais il est urgent que nous nous voyions. J'aimerais que vous veniez me voir à Poudlard, dans mon bureau, dès votre retour, et cela avant même d'accepter toute offre d'emploi.
J'espère donc vous voir très bientôt.
Albus Dumbledore
PS : toutes dispositions seront prises pour que vous lisiez rapidement cette lettre. Je m'en excuse par avance.
- Peut-être qu'on a bien fait de les ouvrir aujourd'hui, commenta Peter, les yeux écarquillés.
Chacun prit une des lettres sur le sol. Elles étaient toutes identiques, à quelques différences près, et quand ils eurent chacun lu une de leurs lettres, les autres disparurent comme par enchantement.
- Au moins, on n'a pas à faire le ménage, dit Lily avec un soupir de soulagement. Mais ça ne nous avance pas sur ce que veut Dumbledore.
- Ca a l'air important, observa Remus en relisant la lettre dans ses mains. Vous croyez que c'est à propos de…
James leva une main pour faire taire son ami.
- On ne va voir Dumbledore qu'après les vacances, dit-il d'une voix dangereuse. Même s'il en reste peu, je veux profiter des derniers jours, tu veux bien ?
Remus rougit et hocha la tête. Chacun rangea précautionneusement la lettre en silence, et ils se dirigèrent vers la cuisine pour enfin préparer leur repas.
- Alors, ça vous tente vraiment pas, le jeu des anneaux ? insista Sirius.
AN : Nous y voilà… Onzième chapitre. Je sais que cela fait longtemps. Je tiens à tous vous remercier chaleureusement de votre soutien, d'avoir attendu si longtemps sans – trop – râler…
Je sais que j'avais promis une scène Lily/James… pas seulement pour faire plaisir aux revieweurs ! Elle était prévue ! Mais… j'ai pas pu. Il y a eu plusieurs versions de ce chapitre, dont la plupart ont vite fini dans la poubelle. Alors voilà…
Un petit merci aux Scotchés, qui sont sympas de me rappeler que j'ai pas fini cette fic :p Ca m'a beaucoup aidé, d'être poussée au cul ^-^
Y'a aussi beaucoup d'autres revieweurs qui m'ont encouragé, et ils sont nombreux, mais je suis sûre qu'ils se reconnaîtront.
Et puis bien sûr, un groooooooooooos bisous à mes beta-readers, sans qui je ne publierais même plus ! ^-^ Fred et George, et Lunard ! Là !
