Chapitre Trois : The Journey from Platform Nine and Three-Quarters (27/03/2003 upd : 10/08/2003)

– CHAPITRE TROIS –

The Journey from Platform
Nine and Three-Quarters

Rook relut une fois encore son billet et grommela.
'Voie 9 ¾… voie 9 ¾. La voie 9 est ici, la voie 10 est là… Et quoi ? Que suis-je sensé faire maintenant ?'
Rook ne savait pas comment accéder à la voie où l'attendait son train pour Hogwarts. Le départ était fixé à 11 heures, il lui restait un quart d'heure, et il était là, perdu au milieu d'une foule de Muggles qui jetaient parfois de drôles de regards sur les formes étranges des paquets sur son chariot. La seule fois où il avait dû prendre un train à la gare de King's Cross – il s'agissait du Transilvania Express, un direct pour la Roumanie –, il avait dû emprunter la voie 6 ½, à laquelle on accédait en traversant un des piliers centraux. Rook avança la main vers un des piliers entre la voie 9 et la voie 10, et sentit avec exaspération le contact rude de la pierre sous sa main. Comment avait-il pu laisser partir Hagrid sans lui avoir demandé comment on faisait ?! Un groupe de voyageurs passa à ce moment derrière lui.
'La gare est pleine de Muggles, évidemment.'
Rook se retourna vivement. Une petite femme potelée passait, accompagnée de quatre garçons et une fillette, tous les cinq aux cheveux d'un roux flamboyant. Son cœur se mit à battre plus fort quand il reconnut les formes particulières de leurs bagages sur leur chariot. Et au son de leur propos, ceux-ci se rendaient bien à Hogwarts. Mais alors qu'il allait faire un pas pour les rejoindre et les questionner sur la façon d'accéder au quai, un groupe de Muggles passa soudain entre eux et lui, lui cachant la vue. Quand enfin il put passer, la famille entière avait disparu, comme par magie, ce qui ne devait pas être bien loin de la vérité.
'C'est pas vrai !'
Il leva le nez vers l'horloge qui marquait 11 heures moins 10 minutes. Retenant un soupir d'exaspération, Rook parcourut les lieux du regard. Par où étaient-ils passés ? Il se mit à surveiller plus attentivement l'endroit, au cas où d'autres sorciers arriveraient.
'Ça c'étaient les Weasley, sans erreur possible. Tu as vu leurs cheveux ? Aussi rouquin que leur père. Allez, dépêche-toi mon garçon, il ne nous reste que 10 minutes…'
À nouveau Rook se retourna vers les voix. Un petit homme mince et vif, aux yeux brillants et à la face réjouie, poussait devant lui un chariot lourdement chargé. Trottinait à ses côtés un jeune garçon, aussi brun et petit que son père, qui releva sur son nez une grosse paire de lunettes lui mangeant la moitié du visage.
'Bon. Le tout est de passer sans qu'on nous remarque…' fit l'homme, jetant un œil alentour.
'Excusez-moi…' fit alors Rook en s'avançant avec son chariot. 'Je… euh…'
Le petit homme eut un sourire.
'Toi, c'est la première fois que tu vas à Hogwarts, hein ? Mon petit Blaise aussi…' Il donna une tape dans le dos de son fils, qui trébucha et remonta une fois de plus ses lunettes en fronçant légèrement les sourcils.
'C'est ça… en fait je ne sais pas comment on fait pour…'
'Accéder au quai ? C'est rien. Regarde cette barrière, entre les deux tourniquets… Tu avances droit dedans et ça passe tout seul. Passe devant, on te suit…'
'Euh… M… Merci.'
Rook fit faire demi-tour à son chariot et visa la barrière. Vérifiant que personne ne faisait attention à eux, il marcha à grand pas vers celle-ci. Elle se rapprochait de plus en plus… elle était tout proche… il allait lui rentrer dedans… et il… rentra dedans. Il émergea sur un quai, le long duquel stationnait une grosse locomotive rouge. Le quai était bondé de gens divers, de chats gambadant et de hiboux hululant dans leur cage. Au-dessus de lui, un panneau indiquait Hogwarts Express – 11 heures. Et derrière lui, une grande arche de fer forgé se tenait à la place de la barrière et des tourniquets, surmontée d'une pancarte signalant Voie 9 ¾. Apparurent au milieu de celle-ci le petit garçon brun et son père qui arrivaient à leur tour.
Rook remonta le quai, cherchant une place de libre. Il croisa un petit groupe qui se mit à pousser des cris aigus alors que l'un d'eux, coiffé de dreadlocks, leur montrait sa mygale géante. Un autre garçon se faisait sèchement réprimander par sa mère. Il essayait de récupérer sa chauve-souris qui s'était accrochée dans les cheveux de celle-ci. Rook se fraya un chemin jusqu'au dernier wagon, où il trouva enfin un compartiment de libre. Il y hissa péniblement ses affaires puis s'installa dans un coin, près de la fenêtre. La porte s'ouvrit à nouveau, et il reconnut le petit garçon brun, qui pila net, intimidé.
'Je peux… ?' demanda poliment celui-ci, d'une petite voix fluette.
Rook hocha la tête, et l'autre entra, traînant une grosse valise. Son père suivit de près, avec ses autres affaires. Rook se leva et vint donner un coup de main.
'C'est bien gentil, mon garç…'
Mais l'homme s'interrompit, ses yeux soudain fixés avec incrédulité sur le front de Rook alors que les yeux du petit brun s'agrandissaient derrière ses lunettes. Rook resta là, à demi gêné, très mal à l'aise. À son grand soulagement, un coup de sifflet retentit. L'homme sursauta, reportant son attention sur son fils.
'Bon, Blaise, je m'en vais maintenant. Sois sage et envoie-nous un hibou dès ton arrivée, hein ? Sinon, ta mère va s'inquiéter. Tu la connais…'
Il l'embrassa, puis fit un signe de tête en guise de salut à Rook, le dévisageant encore un court instant avant de descendre. Les portes se refermèrent, le train s'ébranla. Le petit Blaise regagna son siège, remonta ses lunettes et colla son visage à la vitre, répondant aux grands signes de la main de son père. Puis le quai disparut à la vue, les maisons bordant la voie ferrée défilèrent de plus en plus vite. Ils étaient partis.

*
Blaise était enfoncé dans son siège, ses jambes trop courtes balançant dans le vide devant lui. Il n'avait pas quitté Rook du regard depuis le départ. Celui-ci gardait sciemment le regard tourné vers le paysage défilant derrière la vitre. Bientôt, n'y tenant plus, il dévisagea à son tour le petit brun, sans un mot. Celui-ci ne se démonta pas pour autant.
'Tu es Celui-Qui-A-Survécu, c'est ça ?'
Rook hocha la tête, mi-ennuyé, mi-exaspéré.
'Mon nom est Sharp. Rook Sharp,' fit-il assez sèchement.
'Blaise Zabini…' fit alors le petit brun sans sembler perturbé. 'Tu as un animal ?'
Surpris par ce changement de conversation, Rook marmonna un "oui" presque inaudible. Blaise, semblant s'animer, sortit d'une de ses poches un gros rat gris endormi.
'C'est Scabbers. Il dort tout le temps. C'est le vieux rat de Mattheo, mon demi-frère. Il a fini ses études l'année passée et maintenant il travaille pour le Department of Mysteries. Il ne raconte jamais rien à la maison de ce qu'il fait. Mon père travaille pour le Ministère aussi. Au Department for the Regulation and Control of Magical Creatures. Il adore les animaux. Et moi aussi. C'est quoi ton animal ?'
Il avait tout dit d'une traite et se tut aussi sec, attendant visiblement une réponse.
'Un oiseau,' répondit brièvement Rook, sans préciser.
'Quelle sorte d'oiseau ? Un hibou ? J'aurais bien voulu un hibou. Ou un faucon. Un crécerelle, c'est joli. Mais papa a dit que ça n'allait pas pour porter le courrier. Parce qu'ils font tout le temps du sur place. Il est où ton oiseau ?'
Et à nouveau il se tut brusquement, comme s'il avait craint d'avoir trop parlé. Rook le regarda longuement, et sut que l'autre ne le lâcherait pas du regard tant qu'il ne lui aurait pas répondu.
'Il n'aime pas être en cage. Il me rejoindra à Hogwarts.'
Blaise hocha la tête, reportant son attention sur le bout de ses chaussures, battant l'air au-dessus de la banquette. Il resta un moment comme ça, et Rook s'était replongé dans la contemplation du paysage quand le petit brun rompit à nouveau le silence.
'J'ai dix ans.'
Il avait dit cela presque sur un ton d'excuse, en remontant ses lunettes qui, une fois de plus lui étaient retombées sur le nez. Il dévisageait Rook, à nouveau, un peu inquiet de l'effet que ces mots pouvaient avoir sur lui. Intrigué, Rook lui rendit son regard. D'un air un peu coupable, Blaise continua.
'J'aurais dû recevoir ma lettre l'année prochaine seulement, mais ils ont jugé que je pouvais déjà commencer. Maman hésitait un peu, mais papa a dit que ce serait le mieux pour moi. Je commençais à faire beaucoup de bêtises. Ce n'est pas ma faute. Dès que j'ai envie que quelque chose arrive, ça arrive effectivement. Papa dit que c'est un don. Maman pense plutôt que c'est une calamité, la dernière fois j'ai transformé le voisin en choux-fleur.'
Il rougit, et baissa la tête, honteux. Rook haussa les sourcils. Passant outre la raison pour laquelle Blaise avait eu envie de voir son voisin en choux-fleur, le comique de la situation lui vint aussitôt, et il tenta de réprimer son fou rire. Sans succès. Il riait maintenant, tout son corps secoué par ses éclats, sans pouvoir se retenir. Surpris, Blaise avait d'abord murmuré "Maman n'a pas trouvé ça drôle…", puis gagné à son tour par l'hilarité de Rook, son petit rire cristallin se mêla au sien.
'Et… et en plus, j'… j'ai ra… raté la méta… morphose… le choux-fleur… il avait … il avait encore… des oreilles… !' hoqueta-t-il, alors que Rook, qui n'en pouvait plus, s'essuyait les yeux.
'Je suis sûr qu'après un an à Hogwarts, tu arriveras à le transformer parfaitement en choux-fleur,' fit Rook, après avoir recouvré un peu son sérieux.
Blaise lui sourit, les yeux pétillants de malice.
'C'est ce que papa a dit… Mais faut pas l'dire à maman.'
Le silence était retombé entre eux deux, mais visiblement le courant passait. Rook glissa une main dans son sac et ramena le paquet que lui avait offert Hagrid. Il l'ouvrit devant Blaise, dont les yeux se mirent à briller de convoitise.
'Des Chocolate Frogs… !'
'Sers-toi…'
Blaise tendit la main et prit une des friandises sans se faire prier. Rook fit de même, curieux.
'Hé mais c'est bon !'
'H'en af'ais chamais goûhé af'ant ?!' fit Blaise, la bouche pleine
'Y'a pas ça, chez moi, en Roumanie,' fit Rook en secouant la tête. Il récupéra une carte au fond de l'emballage.
'C'est la carte d'un sorcier ou d'une sorcière célèbre,' expliqua le petit brun. 'Je fais la collection. Il m'en manque que quelques-unes… Tu montres c'est laquelle ?'
Rook regarda la carte et reconnu une figure déjà rencontrée.
'C'est Albus Dumbledore…'
'Oh. Je l'ai déjà au moins dix fois. C'est la plus facile à avoir… je connais le texte par cœur !'
Et il récita, alors que Rook retournait la carte et lisait en même temps.
'Albus Dumbledore, actuel Directeur à Hogwarts. Considéré par beaucoup comme le plus grand sorcier des temps modernes, le professeur Dumbledore est célèbre notamment pour sa victoire sur le Mage Noir Grindelwald en 1945, pour la découverte des douze usages du sang de dragon et pour son travail en alchimie effectué en collaboration avec Nicolas Flamel. Le professeur Dumbledore aime la musique de chambre et le bowling.'
'Un sans faute… Quel mémoire !'
Et Blaise se tut, parce qu'il était tout rouge. Sur la photographie, le professeur Dumbledore leur fit un clin d'œil avant de disparaîre du cadre. Dans le monde des sorciers, les personnages sur les photographies avaient l'habitude de bouger, ne serait-ce que pour aller se dégourdir un peu les jambes.
La demie de midi venait de passer quand le bruit d'un chariot se fit entendre dans le couloir, et la porte du compartiment s'ouvrit sur une jeune femme souriante.
'Vous désirez quelque chose ?' fit-elle en montrant les marchandises disposées sur son chariot.
Une grande partie des friandises étaient inconnues à Rook. Il prit une poignée de pièce qu'il tendit à Blaise, en lui demandant de choisir pour eux deux. Le petit brun s'empressa, ravi de l'aubaine, revenant les mains pleines déposer le tout sur la banquette. Rook découvrit ainsi les Bertie Bott's Every-Flavour Beans, les Droobles Best Blowing Gum, les Pumpkins Pasties, les Cauldron Cakes et les Liquorice Wands. Lui-même raconta les bonbons rencontrés dans son pays : des œufs en chocolat avec une miniature animée de dragon dans chacun d'eux, des dents de vampire en sucre et des minuscules dragées bleues qui vous faisaient cracher des flammes violettes.
Au fur et à mesure que la journée avançait, le paysage au travers de la fenêtre changeait, passant des champs bien alignés à des forêts et collines découpant l'horizon. Rook, avec les Chocolate Frogs offertes par Hagrid, avait maintenant assez de cartes de sorciers et sorcières célèbres pour commencer une collection à son tour. À son grand étonnement, Blaise connaissait le texte de chacune d'entre elles par cœur.
Quelqu'un entra alors dans leur compartiment. Rook reconnu de suite le garçon qu'il avait vu se faire réprimander par sa mère. Il avait un visage ouvert, des yeux très clairs et de courts cheveux soyeux et ébouriffés, presque blancs.
'Vous n'auriez pas vu ma chauve-souris ?' demanda-t-il, observant leurs cheveux en espérant y voir accrochée sa bestiole.
Les deux secouèrent la tête.
'Il faut toujours qu'elle aille se promener… Et elle adore les longues chevelures des filles,' ajouta-t-il avec un clin d'œil. 'Seulement, la plupart d'entre elles se mettent à hurler… J'espère qu'elle m'en trouvera une de sympa un jour…'
Et il sortit.
'Pourquoi il veut trouver une fille ?' s'exclama Blaise. 'Elles sont idiotes, elles savent ni courir ni se battre, et elles finissent toujours par pleurer et appeler maman… Je le sais, j'ai une petite sœur !'
Rook se tourna vers la fenêtre pour dissimuler son sourire. Comme à son habitude, Blaise avait déjà changé de sujet, tout en remontant ses lunettes.
'Moi aussi j'aurais bien aimé avoir une chauve-souris, mais papa dit que je suis encore trop petit pour m'en occuper convenablement. C'est pourquoi il m'a donné Scabbers. Il suffit de lui donner à manger, et le reste du temps… il dort !'
Et le petit garçon fronça les sourcils en regardant le gros rat qui ronflait sur ses genoux. La porte s'ouvrit à nouveau, et le garçon à la chauve-souris revint. Il avait la main refermée sur un petit animal gris-noir. De l'autre il se tenait la joue.
'Tu l'as retrouvée ?' fit poliment Rook.
'Ouais… Sur une fille. Et quel punch !'
Et le garçon se frotta la joue, comme s'il ne pouvait encore y croire.
'Au fait, je m'appelle Marius.'
'Rook…'
'Blaise.'
'Enchanté… Première année aussi ? Dans quelle Maison vous croyez que vous serez ? Ma mère dit que je suis si maladroit qu'ils vont sûrement m'envoyer à Huffl…'
Mais Marius se tut soudain, les yeux fixés sur le front de Rook. Celui-ci retint un soupir. Il commençait à être habitué. Il attendit la question habituelle mais…
'Oui, c'est Celui-Qui-A-Survecu,' fit la petite voix nette de Blaise. 'Et c'est mon ami,' ajouta-t-il avec un coup d'œil un peu inquiet du côté de Rook.
Mais Rook se contenta d'un léger hochement de tête qui ravit ce dernier.
'Wooow,' fit Marius. 'Ma mère va être sciée ! Oh ho, je crois qu'on va pas tarder à arriver ! Je file, faut encore que je mette ma robe de sorcier… Bye !'
Et il quitta hâtivement le compartiment.
'On devrait s'habiller aussi,' fit Blaise en sautant à terre et ouvrant son sac pour chercher sa robe.
'Les Maisons de Hogwarts, elles sont quatre, non ? Tu connais leur nom ?' demanda Rook, qui revêtit également son uniforme.
'Oui, y'a Gryffindor, Slytherin, Ravenclaw et Hufflepuff.'
'Ah. Slytherin et Hufflepuff, j'en avais déjà entendu parler. Slytherin était la Maison de Voldemort, c'est ça ?'
Un coassement étranglé le fit se retourner. Blaise était comme pétrifié, la bouche ouverte, avec un air mi-choqué, mi-admiratif.
'Tu as dit le nom de Tu-Sais-Qui !' parvint-il à articuler.
'Euh… j'avais oublié qu'on ne pouvait pas…' essaya de se rattraper Rook. 'Et les autres Maisons ?'
La diversion eut l'effet escompté.
'Il paraît que la Maison de Dumbledore était Gryffindor, mais ça, en fait, personne n'en sait rien. Quant aux Ravenclaw, c'est tous des coincés… Toujours à étudier… Et les Hufflepuff…'
'Ce sont tous des cancres, je sais.'
'J'aimerais bien qu'on soit dans la même maison…' murmura Blaise, soudain inquiet.
Rook allait répondre quand on ouvrit soudain la porte. Trois garçons entrèrent, dont Rook reconnut au milieu le garçon blond qu'il avait rencontré chez Flourish and Blotts. Celui-ci le regardait beaucoup plus attentivement cette fois.
'Alors c'est vrai ? Il paraît que Celui-Qui-A-Survécu est dans ce compartiment. C'est toi ?'
'Oui,' fit Rook, soutenant son regard. Apparemment, Marius n'avait pas su tenir sa langue…
'Lui, c'est Crabbe et l'autre c'est Goyle,' fit le garçon en montrant ces compagnons, qui l'encadrait comme s'ils avaient été ses gardes du corps. 'Moi, je m'appelle Malfoy, Draco Malfoy.'
Un petit bruit incongru lui fit tourner la tête vers Blaise, qui camoufla une grimace.
'Tiens, inutile de demander à qui appartient cette petite tête de singe. Tu es un Zabini, hein ? Je vois que ton père t'a aussi bien élevé que la troupe de bestioles dans son jardin.' Il se tourna à nouveau vers Rook. 'Tu devrais éviter les gens douteux, tu sais… Si tu veux, je peux t'aider à choisir les bonnes fréquentations.'
Et il tendit sa main, que Rook dédaigna.
'Je sais très bien quels sont les gens à éviter… Malfoy,' fit-il sèchement.
Les joues pâles du garçon rosirent légèrement.
'Je n'aime pas beaucoup le ton que tu emploies… Monsieur Sans-Nom ?'
'Tu peux toujours m'appeler Sharp, Malfoy. Mais ne t'étonne pas si je ne te réponds pas…'
'Tu n'es pas très prudent, Sharp… Pas très poli non plus. Tu devrais faire attention. À force de fréquenter de la racaille comme ce petit singe, tu pourrais finir par avoir un… accident. Comme ta mère…'
Les yeux de Rook étincelèrent soudain. La tension entre les deux garçons était maintenant nettement palpable et les regards qu'ils échangeaient étaient chargés d'électricité. Dressés l'un contre l'autre, ils se dévisageaient froidement.
'C'est toi qui n'es pas très prudent, Malfoy,' lâcha Rook d'un ton glacial. 'Tu crois m'impressionner avec tes deux gorilles ? Fais un seul pas en avant et tu verras de quoi je suis capable…'
'Oui, oui !!' fit Blaise, qui sautillait sur la pointe des pieds, tout tendu en direction des trois compères. 'Et moi aussi, d'abord !!'
'Toi, dégage !' aboya Malfoy, alors que Goyle tendait le bras pour le repousser.
Mais celui-ci n'eut même pas le temps de le toucher, qu'il poussa un effroyable hurlement. Scabbers, le rat de Blaise, était solidement accroché à son doigt, ses petites dents tranchantes plantées dans la chair. Goyle secoua la main, toujours hurlant, jusqu'à ce que le rat lâche et vienne percuter la vitre de la fenêtre. Les trois compères décampèrent aussitôt, craignant probablement l'attaque d'autres rongeurs féroces.
Blaise s'était précipité vers son rat, qui avait glissé à terre.
'Il est assommé ?' demanda Rook.
'Ça alors… même pas ! Il s'est rendormi !' s'exclama le petit brun.
Rook jeta un œil au rat, qui, en effet, dormait à nouveau, puis se retourna face à Blaise.
'Tu sais, c'était plutôt courageux de t'interposer ainsi…'
'Oh c'est rien,' fit l'autre, tout rouge à nouveau. 'De toutes façons, ils pouvaient rien me faire… J'ai des lunettes !' Et il remonta à nouveau celles-ci sur son nez.
'Tu connais les Malfoy ?' reprit Blaise quelques instants après, quand ils se furent rassit.
'J'en ai entendu parler…' répondit Rook, la voix lointaine. 'Il paraît qu'ils font partie de ces familles qui ont prétendu avoir été ensorcelées par Vol… Tu-Sais-Qui, en se rendant au Ministère après que le Lord ait disparu… Ils ont été disculpés.'
'Mon père n'en croit pas un mot !' fit alors Blaise. 'Il dit que Lucius Malfoy n'a besoin d'aucune excuse pour rejoindre les Forces du Mal.'
Une voix retentit alors dans le train : "Arrivée à Hogwarts dans cinq minutes. Veuillez laisser vos bagages dans vos compartiments, ils seront acheminés séparément jusqu'à vos chambres."
Les deux garçons se redressèrent, fourrant dans leur poche le reste des friandises avant de rejoindre la foule qui attendait déjà dans les couloirs.
Quand le train s'arrêta, tous descendirent précipitamment sur le quai minuscule et glacé. Il faisait nuit noire. Ils virent alors une grosse lampe se balancer au-dessus de leur tête et entendirent une voix grave crier : 'Les premières années, par ici ! Suivez-moi !!'
'C'est Hagrid !' fit Rook, se frayant un chemin jusqu'au géant.
'Tiens ! Salut, Rook. 'Fais un bon voyage ?'
Hagrid les emmena tout le long d'un chemin étroit et escarpé, descendant en pente raide au milieu d'une forêt sombre. Rook sentit la petite main frigorifiée de Blaise se glisser peureusement dans la sienne, et curieusement, il n'eut pas le cœur de la repousser. À ses côtés il reconnut la voix de Marius, jurant après sa chauve-souris qui s'était encore fait la belle.
Le chemin déboucha sur la rive d'un grand lac aux eaux sombres, de l'autre côté duquel on devinait, à la lueur de la lune, perché au-dessus du roc, un immense château hérissé de tours pointues dont les fenêtres étincelaient dans la nuit.
'Pas plus d'quatre par barque,' fit la voix de Hagrid.
Rook vit alors s'avancer silencieusement vers eux toute une flottille de petits bateaux. Blaise monta avec lui, ainsi que Marius et un garçon roux. Rook eut la bizarre impression de l'avoir déjà rencontré, avant de se rendre compte que c'était à la gare de King's Cross qu'il l'avait aperçu la première fois, avec sa mère, ses frères et sa sœur. C'était la famille que le père de Blaise avait dit s'appeler Weasley. Le garçon roux et Blaise semblaient se connaître en effet, et se saluèrent d'un bref hochement de tête. Blaise fit les présentations.
'Rook… Marius… Voici Ron. Son père travaille au Ministère aussi, mais pour un autre département que celui de papa…'
Le garçon roux salua, essayant de ne pas trop montrer sa curiosité envers Rook et sa cicatrice.
Hagrid, qui avait pris un bateau pour lui seul, s'assura que tout le monde était bien monté. À son cri, toutes les barques se mirent en mouvement, traversant l'étendue plane du lac. Arrivés de l'autre côté, le long de la paroi rocheuse, Hagrid leur enjoignit de garder la tête baissée. Et les barques se faufilèrent sous un rideau de lierre qui camouflait une large ouverture dans les rochers.
Ils mirent pieds à terre dans une sorte de crique souterraine, et le géant prit la tête de la procession, tenant haut sa lampe pour montrer le chemin. Il s'exclama soudain, stoppant net.
'Hola !! C't à qui cett'chauve-souris ?'
Il décrocha difficilement la petite bête de sa barbe avant de la tendre à Marius, extrêmement confus ('Première fois qu'elle se coince dans une barbe… Eerk.').
Ils grimpèrent ainsi le long d'un passage creusé au travers de la montagne et émergèrent sur la pelouse, devant les immenses portes de chêne à l'entrée du château.
'Tout le monde est là ? Et toi, tu as toujours ta bestiole ?', fit-il à Marius.
Puis il leva son poing immense et frappa à trois reprises à la porte.