Chapitre Six : The Midnight Duel (09/04/2003 upd : 10/08/2003)
– CHAPITRE SIX –
The Midnight Duel
L'inimitié naissante entre
Draco Malfoy et Rook ne semblait faire qu'augmenter
au fil des jours. Depuis l'épisode du train,
les deux garçons ne s'étaient plus vraiment
adressés la parole, chacun d'eux semblant
pour l'instant chercher à éviter l'affrontement
direct. Malfoy, cependant, ne manquait jamais aucune
occasion de ricaner ou de faire des réflexions sur
Rook à ses deux comparses aussi épais que bornés,
mais l'intéressé se gardait bien de répondre,
jouant l'indifférence, même si cela avait
été un rien plus difficile au cours de Snape. Mais
c'était surtout parce que Snape y était
allé lui-même de son grain de sel. Heureusement,
souvent Marius était là pour lui pincer le bras,
ou lui chuchoter de ne pas y prêter attention.
Les autres élèves de Slytherin,
par contre, étaient partagés. Certains, cherchant
à s'attirer la sympathie de Malfoy –
dont le père était très influent dans le monde des
sorciers et faisait même partie du conseil d'administration
de l'école –, se joignaient complaisamment
à lui, riant à ses moqueries et à ses traits d'esprit.
Les autres refusaient de prendre parti, sans oser
cependant s'opposer ouvertement à son petit
groupe de supporters. Seuls, Blaise et Marius faisaient
front au côté de leur ami. Aussi Malfoy commença-t-il
également à les prendre pour cible. Mais Marius
étant le premier à rire de ses maladresses, il n'était
guère aisé de le faire réagir. Blaise semblait une
proie plus facile…
Lundi matin, quand les élèves
se réunirent dans la Grande Salle pour le petit
déjeuner, un petit vent de douce euphorie semblait
s'être emparé des premières années :
une communication apposée dans la salle commune
de chacune des Maisons leur avait annoncé pour le
jeudi après-midi le premier cours de Vol sur balai
magique.
Nombreux étaient les élèves à
se vanter de leurs exploits sur un balai volant,
aucun n'arrivant à la cheville de Malfoy qui
ne se lassait pas de conter ces fabuleuses aventures
en vol, sa préférée étant celle où il échappait
de justesse à la poursuite d'un hélicoptère
piloté par des Muggles. Malfoy clamait également
bien haut à qui voulait l'entendre que c'était
une honte qu'aucun élève de première année
n'ait jamais été accepté dans une des équipes
de Quidditch. Les sélections se déroulaient également
cette semaine et il comptait bien s'y présenter.
Marius aussi avait de quoi raconter :
les seules fois où il avait réussi à échapper à
la surveillance de sa mère suffisamment longtemps
pour s'emparer d'un balai, il avait
invariablement terminé sa course, soit dans une
vitre, soit dans le poirier du jardin. Mais ses
déboires ne semblaient pas avoir altérer son inépuisable
optimisme et il avait hâte d'être à jeudi.
Blaise, au contraire, était dévoré
d'angoisse. Sa mère ne l'avait jamais
laissé monter sur un balai – moyen de
transport somme toute assez peu conventionnel du
point de vue d'une Muggle. Elle n'avait
jamais fait confiance en la sécurité que pouvait
apporter cet engin démuni de phares, de ceintures
et surtout de freins. Encore qu'un parachute
eut été préférable… Et les mésaventures de
Marius ne faisaient rien pour rassurer le petit
brun. De plus, il avait eu beau parcourir toute
la bibliothèque : il n'existait pas un
seul livre permettant d'apprendre à
voler rien qu'en l'étudiant par cœur.
De son côté, Rook, comme à son
habitude, semblait imperméable à toute cette agitation.
'Tu sais comment voler,
toi ?' lui demanda Blaise le mercredi
soir.
'Hn,' fut la réponse
laconique du brun.
'Tu as appris chez toi,
en Roumanie ?'
'Hn.'
Ce fut tout ce que Blaise put
réussir à en tirer.
Le jeudi matin, il les saoula
tous en récitant d'une voix rendue plus aiguë
encore par sa nervosité tous les conseils de vol
qu'il avait put trouver dans un livre appelé
Quidditch through the Ages. Heureusement,
l'arrivée des hiboux postaux mis un terme
à cette énervante lecture.
Depuis la lettre de Hagrid, Rook
n'avait plus reçu aucun courrier. Jet, sa
corneille, venait bien de temps en temps lui tirer
les cheveux, ou lui dérober un peu de son petit
déjeuner, et c'était bien là un des rares
moments où le garçon semblait perdre son self-control,
injuriant le volatile en une langue que les autres
supposaient être du Roumain ou le menaçant du poing,
ce qui faisait se dire sans ciller à Blaise et Marius
qu'une grande complicité devait les unir l'un
à l'autre…
Malfoy, de son côté, recevait
quasi tous les jours, apporté par le hibou Grand-Duc
familial, des paquets de bonbons et de sucreries
qu'il dévorait avec jubilation devant tout
le monde, et, à son grand désappointement, dans
l'indifférence générale.
Ce jour-là, une jolie petite chouette
lapone vint apporter un paquet à Blaise. Elle hulula
gentiment, lui pinça doucement les doigts en signe
d'affection et s'en retourna. Blaise
ouvrit avidement son paquet. Celui-ci contenait
une petite sphère transparente montée en pendentif.
Quand il l'effleura du doigt, la sphère
se mit à rayonner d'une douce lueur nacrée.
'C'est une Lucky
Tear ! Une larme de licorne. C'est
papa qui me l'envoie !' fit Blaise,
ravi.
'À quoi ça sert ?'
demanda Marius, intrigué.
'C'est un talisman,
un porte-bonheur… Papa savait que j'étais
inquiet pour cet après-midi. Il me l'a envoyé
pour me rassurer…'
Il semblait bien que la minuscule
larme au cœur du pendentif brillât différemment
selon la personne qui la tenait. La douce lueur
nacrée se fit plus vive, plus chaude, presque joyeuse,
quand Marius la prit pour l'examiner. Mais
quand Rook s'approcha à son tour, la lueur
vacilla, hésitante, et il retira sa main, non désireux
de pousser plus loin l'expérience. À ce moment,
le pendentif étincela soudain d'une lumière
grise et terne, alors que Draco Malfoy, qui s'était
glissé derrière eux, s'en emparait vivement.
'Rends-moi ça !'
s'exclama Blaise, avec une nuance de détresse
dans la voix.
Marius et Rook se dressèrent immédiatement,
presque heureux d'avoir un prétexte pour en
découdre avec le blond, mais le professeur McGonagall,
dont les yeux perçant semblaient repérer le moindre
trouble bien avant aucun autre des professeurs,
s'avança.
'Et bien, que se passe-t-il
ici, jeunes gens ?'
'Malfoy a pris ma Lucky
Tear !'
Celui-ci grimaça, laissant retomber
l'objet sur la table.
'Je voulais juste regarder…'
fit-il d'un air nonchalant, avant de quitter
la salle, Crabbe et Goyle sur les talons.
Arriva alors d'un pas vif leur professeur, Madam Hooch. Ses cheveux étaient courts et gris, et ses yeux, jaunes comme ceux d'un faucon. Elle parlait d'une voix forte et autoritaire, et elle ne semblait pas particulièrement patiente.
'Allons, qu'attendez-vous ? À côté de votre balai ! Dépêchez-vous !'
Chacun se choisit un balai et se plaça à côté. Rook regarda le sien : son manche était tout râpé, et les brindilles à son bout partaient dans tous les sens. Il se demanda si celui-ci arriverait encore à voler…
'Portez votre main droite au-dessus du balai, et dites : "Up",' cria Madam Hooch.
Ainsi firent-ils… sans grand résultat pour certains. Le balai de Rook lui bondit de suite dans la main, comme soucieux de lui démontrer que malgré son apparence, il était encore vigoureux. Ainsi fit également celui de Malfoy. Celui de Ron Weasley, le garçon roux de Gryffindor, sauta bien, mais avec un trop plein d'enthousiasme qui l'éleva à deux mètres du sol, et le garçon dut reculer précipitamment d'un pas pour ne pas le recevoir sur la tête. Marius se prit le sien sur le nez mais beaucoup, comme celui de Blaise, restèrent au sol. Les balais semblaient réagir comme les chevaux, ils sentaient de suite quand on avait peur…
Quand chacun eut son balai en main, Madam Hooch leur montra comment l'enfourcher et comment le tenir. Elle fit le tour des élèves pour vérifier et Marius s'esclaffa avec délectation en l'entendant dire à Malfoy que sa position était vraiment très mauvaise.
Madam Hooch leur fit alors ses dernières recommandations : un simple coup de pied par terre pour se lancer, tenir le balai bien droit et puis redescendre de suite en se penchant légèrement en avant…
'Cela n'a rien de compliqué ! Allez, à mon coup de sifflet, trois, deux…'
Mais Neville Longbottom, l'élève de Gryffindor qui avait fait fondre son chaudron au cours de Snape, était si nerveux et avait si peur de ne pas arriver à décoller qu'il heurta le sol bien avant le signal. Distrait, Marius n'avait pas fait attention à ce qu'avait dit Madam Hooch, et, surpris en voyant partir Longbottom, il crut qu'il devait décoller aussi. Cependant, à peine en l'air, son balai sembla prit d'une frénésie incontrôlable et il heurta Longbottom qui fit une boucle et commença à redescendre droit sur Blaise. Les deux garçons se télescopèrent et roulèrent sur quelques mètres au sol. Ils se relevèrent, un peu sonnés, mais heureusement sans dommage. Madam Hooch semblait avoir un peu du mal à suivre, comme tous les professeurs à chaque fois que Marius sortait sa baguette à un cours. Voyant ce dernier continuer à s'élever, elle lui ordonna hâtivement de revenir. Marius se cramponnait tant bien que mal à son balai, mais n'avait aucune idée de comment on faisait pour regagner le plancher des vaches. À ce moment, comme en réponse, le balai rua. Marius eut à peine le temps de se dire que c'était vraiment un très très bête moyen de redescendre qu'il heurta durement le sol. Madam Hooch se précipita, très pâle, auprès de Marius, très pâle aussi, et qui ne riait plus.
'Poignet cassé,' fit-elle doucement. 'Ce n'est pas très grave, lève-toi mon garçon…'
Elle l'aida à se relever et, un bras passé autour de ses épaules, l'emmena.
'Je le conduis à l'infirmerie,' fit-elle en partant. 'Personne ne bouge en attendant ! Si j'apprends que l'un de vous a essayé un de ces balais pendant mon absence, il sera hors de Hogwarts avant même d'avoir pu dire "Quidditch" !'
À peine se fut-elle éloigné suffisamment pour être hors de portée de voix que Malfoy éclata d'un rire moqueur.
'Vous avez-vu ce vol plané ? Y'a pas à dire, il est champion de chute libre !!'
Pansy Parkinson, une des filles de Slytherin qui suivait Malfoy comme un petit chien, s'esclaffa bruyamment. Aucun des élèves de Gryffindor, par contre ne sembla apprécier la plaisanterie. C'était bien digne d'un Slytherin, ça, de se moquer des déboires des plus faibles, semblaient-ils se dire. Hermione Granger avait haussé les épaules en soupirant d'un air excédé et Ron Weasley fronça les sourcils. Il rejoignit Longbottom et l'aida à se relever, sans même jeter un œil à Blaise. Rook, qui semblait avoir du mal à se contenir de voler dans les plumes d'un certain Slytherin blond, vint aider le petit brun à se débarrasser de la poussière qui maculait sa robe.
'Tu n'as rien ?' lui demanda-t-il, se forçant à ignorer Malfoy, qui mimait maintenant avec force grimaces la chute de Marius.
'Non, ça va,' répondit Blaise, en remontant ses lunettes. 'Oh… Non, attends…' Il se tapota le torse, tâtonnant au travers de sa robe, avant de relever les yeux, le visage bouleversé. 'Je l'ai perdue !'
Le petit brun commença à jeter des regards affairés autour de lui, cherchant activement. Rook, qui avait compris, fouilla la pelouse aux alentours du regard.
'Ma Lucky Tear…' gémit Blaise, au bord des larmes.
'On va la retrouver…' tenta de le réconforter Rook. 'T'en fait p…'
Mais quelqu'un l'interrompit.
'Tiens… Ce ne serait pas ça que tu cherches, par hasard… ?'
Blaise pâlit et Rook se retourna d'un bloc vers la voix, aux accents doucereux. Malfoy, le sourire mauvais, les toisaient. Il tenait du bout des doigts, le faisant doucement balancer, le pendentif que Blaise avait reçu ce matin de son père. Celui-ci, triste et terne, étincelait à peine.
'Rends-lui ça,' fit alors Rook d'une voix calme en le fixant dans les yeux.
Instantanément le silence se fit. Tous se tournèrent vers les deux garçons, qui se faisaient face.
Malfoy eut un sourire malveillant.
'Mais bien sûr. Pourquoi ne vient-il pas… le chercher ?'
Et ce faisant, il enjamba son balai et s'envola d'un coup sec.
'Allez, viens donc, viens chercher ton jouet, tête de singe !!' fit-il en tournoyant au-dessus de Blaise.
Après avoir imité un caquètement, il prit de l'altitude, faisant mine de jeter le pendentif à droite, à gauche, et s'amusant de la détresse du petit brun. Apparemment, même si ses histoires semblaient invraisemblables, il n'avait pas menti sur un point : il savait voler.
Rook bouillonnait de rage. Cette fois, Marius n'était pas là pour le retenir et l'empêcher de faire une bêtise. Les Gryffindor grommelaient. Ces Slytherin allaient-ils seulement un jour réussir à rester tranquille ? Rook empoigna alors son propre balai.
'Ne fais pas ça !' fit Hermione Granger, qui semblait vouloir remporter le prix de la pire mêle-tout de l'école. 'Madam Hooch a dit qu'il ne fallait pas bouger !'
'Laisse, Hermione…' intervint Ron Weasley. 'Ces Slytherin n'en font toujours qu'à leur tête. Tous ce qu'ils vont y gagner, c'est se faire renvoyer…'
'N'y vas pas, Rook, c'est pas grave…' tenta alors Blaise, effrayé que son ami puisse avoir des ennuis.
Mais Rook n'écoutait pas. Il enfourcha le balai et prit son élan. Un instant après, il volait droit vers Malfoy.
Rook s'éleva dans les airs, dépassa le blond et fit un crochet pour se placer devant lui. Malfoy s'arrêta, stupéfait.
'Tu me donnes ça tout de suite, où je t'éjecte de ton balai !' articula Rook.
'Ah oui ?' répliqua Malfoy, qui tentait de faire le brave, mais semblait quand même un peu inquiet.
Rook agrippa solidement le manche de son balai et se pencha en avant, fondant comme une flèche sur Malfoy. Celui-ci parvint à l'éviter au dernier moment, mais déjà Rook revenait à la charge. Un chassé-croisé acharné s'ensuivit alors. D'en bas jaillirent des cris d'encouragement et des sifflets admiratifs. Les Gryffindor semblait commencer à apprécier le spectacle… Même Ron Weasley suivait les prouesses de Rook avec attention.
'Alors, t'es moins fier quand tes gros copains ne sont pas à côté, Malfoy !!' ricana Rook, alors que le blond tentait de lui échapper en zigzaguant.
Malfoy grimaça : Rook avait touché juste et il commençait vraiment à se faire du mouron. Soudain, il brandit le pendentif et le fit tournoyer.
'Va le chercher, si tu y tiens tant !'
Et il le lâcha. La lueur terne quitta la petite sphère qui s'éleva dans les airs, avant de redescendre en parcourant une parabole. À l'instant même, sans même y réfléchir, Rook piqua du nez, se couchant presque sur son balai pour accélérer encore. Le vent commença à siffler à ses oreilles. Il n'entendit pas les exclamations effrayées des autres restés au sol, entièrement concentré sur la petit boule de verre. Le sol se rapprochait à toute vitesse… Il tendit la main et…
Au dernier moment, il réussit à rattraper le pendentif et à redresser son balai, suffisamment pour venir atterrir en douceur au milieu des élèves qui, Gryffindor comme Slytherin, l'accueillirent avec des applaudissements.
Applaudissements qui cessèrent brusquement.
'ROOK SHARP !'
Snape revint, les yeux toujours étincelants d'une joie mauvaise, et Dumbledore entra après lui. Le vieux magicien avait un air solennel, qui le rendait plus austère que d'habitude, alors que Snape lui relatait l'incident d'une voix onctueuse, savourant presque l'instant. Bien sûr, comme Rook s'y attendait, le professeur finit en réclamant son renvoi pur et simple de l'école…
Mais Dumbledore resta silencieux, ses petits yeux scrutateurs fixés sur Rook, qui, comme à leur première rencontre, se sentit curieusement mal à l'aise. Enfin, il parla. Mais c'est à Snape qu'il s'adressa en premier lieu.
'Pourquoi n'avez-vous pas également amené ici le jeune Draco Malfoy ?' demanda-t-il doucement. 'Ne s'est-il pas servi lui aussi d'un des balais ? C'est, du moins, ce que Madam Hooch m'a rapporté…'
Snape, qui avait plissé les yeux, perdit son sourire. Apparemment, il ne s'était guère soucié de ce détail. Et il ne semblait pas aussi enclin à renvoyer Draco Malfoy que Rook Sharp. Dumbledore se tourna alors vers le jeune garçon.
'Pourquoi êtes-vous donc tous deux montés sur ces balais ?' fit-il.
Surpris, Rook ne sut que répondre. Il improvisa.
'On… voulait s'entraîner pour la sélection des équipes de Quidditch,' mentit-il.
Il ne savait pas pourquoi, mais il ne tenait pas vraiment à raconter la véritable raison de son acte. Sa fierté, en fait, aurait refusé qu'il charge Malfoy – toute peste qu'il était – pour se tirer d'embarras. Et il n'avait guère envie d'aller se vanter de s'être mis dans le pétrin pour récupérer un objet qui n'était même pas à lui…
Le Directeur fut-il dupe ? Comment Rook aurait-il pu le savoir ? Même s'il avait la désagréable sensation que le vieil homme pouvait lire jusqu'au fond de son âme, les pensées de celui-ci demeuraient un réel mystère pour Rook.
'Ces jeunes gens méritent en effet une punition pour avoir violé ainsi une des règles de l'école, Severus,' fit finalement Dumbledore. 'Mais je crains que le renvoi ne soit un peu… exagéré… ? Je ne voudrais pas voir débarquer une fois de plus Lucius Malfoy dans mon bureau,' ajouta-t-il d'un ton léger.
Les yeux de Snape étincelèrent froidement.
'Sharp,' articula-t-il sèchement. 'Vous aurez une retenue. Veuillez regagner votre salle commune et informez Mr Malfoy qu'il est également collé. Les détails de votre punition vous seront communiqués ultérieurement.'
Rook se leva lentement. Dumbledore lui fit un signe discret, lui signifiant qu'il pouvait sortir. Snape ne lui jeta pas un regard. Il gardait les yeux fixés sur Dumbledore et son apparente bonne humeur d'il y avait quelques instants semblaient s'être totalement évanouie. Cela lui donnait presque sa tête de tous les jours.
Rook sortit, mais avant qu'il n'ait complètement refermé derrière lui, ce qu'il entendit retint son geste. Laissant la porte très légèrement entrebâillée, suffisamment pour qu'il puisse distinguer chaque parole de la discussion, il s'adossa au mur, retenant son souffle.
'Pourquoi ?' sifflait la voix de Snape, qui semblait avoir du mal à retenir sa colère et son ressentiment. 'Pourquoi l'avoir accepter ici ? Pourquoi ne pas le renvoyer là-bas ? Vous savez pourtant bien, n'est-ce pas… vous savez qui il est… ?'
'Severus…'
'Je ne vous comprends pas… Le gardez ici… ici ! Savez vous quels risques vous prenez ? … Quels risques vous nous faites courir à tous ?! Vous le savez !! Vous savez de quoi il pourrait être capable… !'
'Severus !' reprit plus fermement Dumbledore. 'Croyez-moi, je suis au courant de tout cela. Mais ce qui m'inquiète le plus à l'instant, c'est ce qui serait arrivé à ce garçon s'il était demeuré en Roumanie, ou en quelque endroit que se cache Durmstrang. Vous êtes au courant des rumeurs…'
'Les rumeurs… Vous… vous n'y croyez pas vraiment… ?'
La voix de Snape n'était plus qu'un souffle maintenant, et une sombre inquiétude semblait couver sous ses mots.
'Je le voudrais, Severus. Honnêtement. Savoir qu'il y ait un risque qu'il ait survécut… qu'il se cache… tapis dans l'ombre, à l'affût…'
À la façon dont Dumbledore prononça le il, Rook devina que cette fois, on ne parlait plus de lui. Qui était ce il qui éveillait ce trouble chez Snape, et qui semblait préoccuper à ce point Dumbledore ? Et ces rumeurs… Rook n'eut pas à s'interroger longtemps. Il avait deviné… Qui d'autre donc que Lord Voldemort pouvait susciter ainsi la crainte ? De sombres choses se tramaient au cœur des forêts courant d'Albanie jusqu'en Roumanie depuis quelques années, il en avait entendu parler. Quelque chose… quelque chose d'horrible, d'innommable, se cachait dans ces forêts. L'effroi était si grand dans ses régions que personne n'osait plus s'y aventurer seul… Et on murmurait le nom du Seigneur des Ténèbres...
'Cet enfant aurait couru un trop grand risque en restant là-bas, vous le savez,' continuait Dumbledore. 'C'est son pouvoir qui l'attire… Il est bien plus sûr pour lui – et pour nous – qu'il demeure à Hogwarts, sous notre surveillance. Il y est plus en sécurité. Ce n'est pas à Durmstrang qu'il aurait été mieux protégé, vous le savez aussi bien que moi. Quant au reste, ce que vous semblez redouter, et bien… il adviendra ce qu'il doit advenir. Mais contrairement à vous, je ne pense pas que cela puisse tourner aussi funestement que vous semblez le croire… Après tout, et j'en suis convaincu… ils ne sont pas totalement semblables.'
'J'aimerais à le croire, sincèrement… mais je ne puis m'empêcher de douter. Cela ne m'empêchera pas de le surveiller étroitement. Croyez bien que je ne le quitterais pas de l'œil. Le risque… le risque est bien trop grand… Vous jouez avec le feu, monsieur le Directeur. Je vous aurais prévenu…'
Rook décida qu'il en avait assez entendu, et fila discrètement. Il ne tenait pas à ce que Snape le surprenne en train d'écouter dans le couloir, et surtout ce genre de discussion…
Blaise manqua tomber de sa chaise quand le brun le rejoignit. C'était l'heure du dîner, et Rook avait gagné de suite la Grande Salle. Il s'attabla à côté de Blaise.
'Comment va Marius ?'
'Je ne sais pas, il n'est pas encore revenu de l'infirmerie…' fit le petit brun, scrutant le visage de Rook. 'Tu as eu des ennuis ? … Il… il ne t'a pas renvoyé au moins ?'
Blaise semblait désolé. Il s'était morfondu tout le reste de l'après-midi, persuadé que tout était arrivé par sa faute. Mais Rook le rassura.
'Non, il ne m'a pas renvoyé. Pas qu'il n'ait pas essayé, mais il aurait dû faire de même avec Malfoy… Ça ne semblait pas l'enchanter. On est collé tous les deux, cependant…' Le brun fit la grimace.
'C'est entièrement ma faute…' murmura Blaise. 'Tu aurais dû lui laisser mon pendentif. Ce n'était pas si grave, de toute façon.'
Rook, qui était en train de remplir son assiette, s'interrompit.
'En parlant de ça…' fit-il, fouillant sa poche.
Il en retira la Lucky Tear. C'était la première fois, depuis qu'il l'avait rattrapé, qu'il avait le temps de l'observer. Le pendentif ne brillait pas. Pas vraiment, du moins, nota-t-il en fronçant les sourcils. Pâlotte, hésitante, la larme ne semblait pas savoir exactement quelle luminosité afficher. Elle tremblotait, iridescente, chamarrée, semblant passer indéfiniment et instantanément par toute la gamme de couleur sans s'arrêter sur aucune en particulier. Ni éclatante, ni sombre. Ni blanche, ni colorée. Indéfinissable. Indescriptible… Rook se sentit bizarrement troublé.
'Elle ne s'allume plus ?' fit la voix plaintive de Blaise. 'Tu crois qu'elle est cassée ?'
Rook l'aurait bien voulu, mais sans pouvoir dire pourquoi, il savait qu'il n'en était rien. Blaise reprit sa Lucky Tear, et celle-ci, immédiatement, rayonna de son habituelle lueur nacrée.
'C'est ça que tu as réussi à rattraper après un piqué de 15 mètres ?' fit alors une voix grave, aux accents incrédules.
Rook se retourna d'un coup et reconnut celui qui venait de parler : Marcus Flint, le capitaine de l'équipe de Quidditch des Slytherin, un garçon immense qui avait l'air aussi fort qu'un troll, et au moins aussi intelligent…
'Oui, c'est ma Lucky Tear. Pourquoi ?…' répondit Blaise à la place de son ami, l'air un peu méfiant.
Flint jeta un drôle de regard à Rook, une espèce de mélange d'envie et de ravissement.
'Tu devrais tenter les sélections pour les équipes de Quidditch, tu sais… Tu ferais un sacré vraiment bon Attrapeur ! Présente-toi demain après-midi, au stade. Je verrais ce que je peux faire…'
Et il les laissa, ces petits yeux de gorille brillants d'excitation.
'Wah Rook ! Ce serait chouette que tu fasses partie de l'équipe, non ?'
'Je croyais qu'aucun élève de première année n'avait jamais été choisi…' fit Rook, se remémorant ce que Malfoy avait déjà raconté à ce sujet.
'Oh si,' rétorqua Blaise, enthousiaste. 'C'est déjà arrivé… La dernière fois c'était il y a… au moins une centaine d'année. Je l'ai lu dans Hogwarts : A History.'
'Et bien alors je suis rassuré, j'ai toutes mes chances,' fit Rook avec un sourire ironique. Sourire qui s'évanouit de suite. Malfoy, qui sortait de table, passa à côté d'eux, et s'arrêta à leur hauteur, son habituel rictus méprisant sur la face. Comme à chaque fois, il était flanqué de Crabbe et Goyle.
'Alors, Sharp, tu n'es pas en train de faire tes bagages ?'
'Apparemment, non, Malfoy. Sinon, tu serais occupé à faire les tiens aussi, tu ne crois pas ?'
'T'as pas pu t'empêcher de cafarder, hein, Sharp… ?' répondit Malfoy, tout sourire éteint.
'Je n'ai rien cafardé du tout. Tu croyais que personne ne s'était rendu compte que tu étais aussi sur un balai ? Ha au fait… Snape nous a collés tous les deux…'
'Tout ça c'est de ta faute…' fit le blond, dont la colère rougissait légèrement les joues pâles. 'Je ne sais pas ce qui me retient de…'
'Mais rien ne te retient, Malfoy, justement. Maintenant que tes deux petits copains sont avec toi… Ce qui n'était pas le cas sur ton balai, hein ? À voir la vitesse à laquelle tu filais.'
Malfoy, vexé, pâlit affreusement.
'Je te prends quand tu veux, Sharp,' siffla-t-il. 'Toi et moi. Duel de sorciers. Tu sais ce que c'est bien sûr ? Juste nos baguettes magiques, pas de contacts physiques… Ce soir, à minuit, salle des trophées, elle n'est jamais fermée. Je prends Crabbe comme second… Et toi ?'
'Je n'ai pas besoin de second,' rétorqua Rook d'un air arrogant, alors que Blaise leur jetait à tous deux des regards effarés.
'À ta guise,' conclut Malfoy. 'À ce soir donc.'
'Qu'est-ce que c'est, un duel de sorciers ?' demanda Blaise, une fois que Malfoy, Crabbe et Goyle furent partis. 'Et c'est quoi cette histoire de second ?'
'Le second est là pour prendre la place du duelliste, si celui-ci est tué…' fit Rook, avant de s'interrompre devant la tête que faisait Blaise. 'Mais on ne meurt que dans les vrais duels, Blaise…' ajouta-t-il précipitamment, cherchant à rassurer celui-ci. 'Après tout, nous ne sommes qu'en première année. On ne s'y connaît pas encore assez pour se faire vraiment mal…'
Rook savait cependant que cela n'était pas l'exacte vérité. Il savait pouvoir s'asseoir sur quelques trucs infaillibles dont ses oncles et ses cousins avaient le secret, et que probablement aucun professeur ici présent ne songerait à leur enseigner… Mais d'après ce qu'il connaissait des Malfoy, il ne pouvait jurer de rien quant à ce dont était capable Draco. Peut-être allait-il y avoir du bon spectacle… ? Ce ne semblait cependant pas enchanter particulièrement Blaise, qui faisait piètre mine.
'Tu ne devrais pas y aller, Rook… Tu vas encore avoir des ennuis… On n'a pas le droit de se promener dans le château la nuit. Si tu te fais prendre…'
'Tu as raison, Blaise…' fit finalement Rook. 'C'est une idée stupide. Passe-moi le sel, s'il te plait.'
Rook, pour une fois, dérogea à son habitude et bavarda allègrement avec Blaise tout le reste du repas, évitant soigneusement de parler encore du duel. Le petit brun, apparemment rassuré, sembla d'autant plus vite oublier l'incident.
Il s'était efforcé de ne pas penser à la discussion surprise entre Dumbledore et Snape. Ceux-ci semblaient en savoir long sur son compte, ce qui ne l'étonnait pas outre mesure. Snape, tout particulièrement, semblaient ne pas se faire beaucoup d'illusions à son sujet, et probablement avec raison. L'attitude de Dumbledore, par contre, l'étonnait… Ceci s'ajoutait à un certain malaise qu'il ressentait depuis la cérémonie du Sorting, et les curieuses paroles du chapeau. Le même trouble qui l'avait envahit en tenant la Lucky Tear de Blaise… Il préféra chasser tout cela de ses pensées.
Quant aux rumeurs sur Voldemort… il n'en éprouvait pas de la peur. Pas qu'il fit le brave, loin de là, il savait à qui il avait affaire. Mais la haine qu'il éprouvait à son égard l'emportait. Chez lui, on avait toujours osé prononcer son nom, même si celui-ci était plus chuchoté qu'autre chose. S'y mêlait la crainte et le respect. Le respect dû aux êtres exceptionnels, fussent-ils des adversaires redoutables… Cette façon de penser n'était pas très éloignée de celle de Mr Ollivander. "Des choses terribles, certes… mais de si grandes choses…" avait dit le vieillard… Rook s'en foutait pas mal. Tous ce qu'il savait, c'est qu'un jour, il lui ferait la peau, au Seigneur des Ténèbres. Quoique cela puisse lui coûter, dut-il même vendre son âme au diable…
La demie de onze heures sonna. Rook se releva silencieusement, attentif à ne pas réveiller le petit brun. Probablement allait-il faire une grosse bêtise. Après tout, c'était fort tenter la chance que de sortir se promener, justement ce soir. Cette fois, s'il se faisait prendre, il y aurait fort à parier que Snape réussisse à le faire renvoyer sans effort… Seulement, la tentation de moucher Malfoy une fois pour toutes était bien trop grande. Pas question de la laisser s'échapper. Il gagna la salle commune, déserte à cette heure. Malfoy devait déjà être en route. Il glissa la main dans sa poche pour vérifier qu'il avait bien sa baguette, puis se dirigea vers l'entrée dérobée.
'Tu avais dit que tu n'irais pas !'
Rook fut tellement saisi qu'il faillit s'étaler. Il se retourna d'un bond, ayant reconnu de suite le propriétaire de cette petite voix plaintive.
'Blaise ! Mêle-toi de ce qui te regarde et retourne te coucher !'
'Non !'
Le petit brun dégringola les escaliers. Rook soupira d'exaspération. Sans plus faire attention à Blaise, il ouvrit le passage. L'autre le rejoignit avant qu'il ait pu le franchir et le retint par un pan de sa robe.
'Rook, n'y va pas !! Tu vas te faire renvoyer…'
'Retourne te coucher, je t'ai dit ! Tu vas me faire rater le rendez-vous !'
Mais Blaise n'en démordit pas, accroché à lui, immobile dans son pyjama, ses pieds nus sur le carrelage glacé. Il avait oublié de prendre ses lunettes, et son visage ainsi paraissait plus fin encore, plus misérable. Rook l'entendit renifler.
'C'est pas vrai… Tu vas pas te mettre à pleurer ? Tout se passera bien, je te le promets. Va te remettre au lit… Allez.'
Mais Blaise ne bougeait toujours pas…
'Blaise…'
'… J'ose pas,' souffla finalement celui-ci, un sanglot dans la voix. ' 'Fait tout noir…'
'Oooh Blaiiise !'
Le petit brun renifla encore.
' 'Peux aller avec toi ?'
Comment résister à ses yeux de chiots abandonnés ?
'… Va chercher tes pantoufles, tu vas choper la crève.'
Revenant après être aller chausser ses pantoufles, Blaise glissa sa main dans celle de Rook et tous deux franchirent le passage. La porte de pierre se referma lourdement derrière eux et plus rien ne la distinguait maintenant des murs alentour. Ils s'enfoncèrent dans l'obscurité du couloir, en direction de l'escalier menant au grand hall. Soudain, Rook se figea et Blaise manqua lui rentrer dedans.
'Qu'est-ce qu'il y a ?' chuchota-t-il.
'Je ne sais pas, j'ai entendu quelque chose…' répondit Rook sur le même ton. 'Comme un reniflement…'
'M… M… Mrs Norris ?'
Mais ce n'était pas la chatte de Filch. En scrutant plus attentivement les ombres devant eux, Rook finit par discerner une silhouette. Quelqu'un était couché par terre et dormait à poings fermés. Alors qu'ils s'approchaient, ils le reconnurent. C'était Marius.
'Hein ?? Quoi ?' fit celui-ci, réveillé en sursaut. 'Rook ?!! Vous m'avez retrouvé, enfin !!'
'Chhhht !!! Baisse d'un ton, idiot ! Qu'est-ce que tu fais là ? Et ton poignet ?'
'Il va très bien, Madam Pomfrey m'a arrangé ça en deux minutes… Seulement, je me suis trompé de chemin et je me suis perdu…'
'Encore un de tes raccourcis, hein ?'
Marius eut un petit sourire confus, et passa une main dans ses cheveux, les ébouriffant encore plus.
'La salle commune est par-là, au milieu du couloir… Tu te rappelles le mot de passe ?' fit Rook, qui s'apprêtait à repartir. Avec tous ces contretemps, il allait finir par arriver en retard !
'Mais où est-ce que vous allez ?'
'Rook a un duel… avec Malfoy,' répondit Blaise d'un ton très sérieux, avant que Rook l'en empêche.
'Waaaaaahh coooool !! Je peux aller avec vous ?? Oh dis Rooook, allez, dis ouiiiii !!!'
'Tu fais ce que tu veux mais tu te TAIS, par pitié…' soupira Rook, qui reprit son chemin, flanqué des deux pots de colle.
'On va à un duel,' gloussa l'albinos en se mettant en route, tellement excité qu'on aurait pu le croire en sugar high. 'On va à un duel, on va à un…'
'SILENCE !!'
Ils cheminèrent ainsi, moitié silencieux, moitié chuchotant, parcourant des couloirs à peine éclairés par les rayons de la lune filtrant au travers des hautes baies vitrées. À chaque instant, Rook s'attendait à voir surgir Filch ou Mrs Norris, mais probablement eurent-ils de la chance car ils arrivèrent sans encombre au couloir du troisième étage qui menait à la salle des trophées. Il n'y avait aucune trace de Malfoy.
Rook sortit sa baguette magique et entra dans la salle. Les murs en étaient couverts de vitrines remplies de coupes, de médailles et de trophées qui luisaient doucement dans la pénombre. Il avança lentement, attentif. Si Malfoy s'était caché dans un coin pour le surprendre… Mais rien ne se produisit. Les autres l'avaient rejoint et ils attendirent.
'Il est en retard,' murmura Blaise.
'Il a peut-être eu les jetons, et il est rentré,' ricana Marius.
À cet instant même, ils entendirent un bruit dans la pièce voisine. Quelqu'un parla alors… et ce n'était pas Malfoy.
'Allez ma belle, cherche… ils ne doivent pas être loin…'
'Filch !' mima silencieusement de ses lèvres Rook, alors qu'il sentait les petites mains de Blaise s'agripper plus fortement à sa robe.
Le cœur battant à tout rompre, il fit signe aux deux autres de se presser vers la porte opposée. Ils venaient à peine de la franchir que Filch entrait dans la salle des trophées en marmonnant.
Rook, suivi de Blaise et Marius, s'engagea dans une longue allée où s'alignaient des armures. Ils se pressaient le plus silencieusement possible, mais Blaise, qui étaient le plus petit, trottinait loin derrière. Filch se rapprochait… Blaise commença alors à paniquer et fonça droit devant lui. Seulement, sans ses lunettes, il ne distinguait pas grand chose et, croyant se raccrocher à un de ses amis, il bouscula une armure qui s'écroula dans un vacarme d'enfer.
'GROUILLEZ !' cria alors Rook, qui attrapa le petit brun et se mit à courir en le traînant. Au bout du couloir, ils prirent précipitamment à droite sans se retourner et s'enfoncèrent au hasard dans un dédale de couloir. Plus la peine de prendre des précautions, avec ce boucan le château entier devait être réveillé… Ils coururent, coururent jusqu'à en être essoufflés, et finalement s'arrêtèrent près de la salle où avait lieu les cours d'Enchantements, à l'autre bout du château.
'On a dû le semer…' fit Rook, tentant de récupérer sa respiration.
'Ce Malfoy !' gronda Marius. 'C'était un piège… Je suis sûr qu'il nous a dénoncés à Filch ! On a intérêt à rentrer vite fait…' Et Blaise, à ses côtés, approuva avec de grands hochements de tête, incapable d'encore proférer le moindre son.
Un caquètement les fit alors sursauter, et tous sentirent leur estomac devenir aussi lourd qu'une pierre.
'Ça, c'est le bouquet…' gémit Marius. 'Peeves !'
L'esprit frappeur flottait doucement devant eux. Il arborait un immense sourire qui semblait lui faire trois fois le tour du visage et ses yeux brillaient d'une joie malsaine. Il semblait positivement ravi. Visiblement, il était le seul. Les trois garçons retinrent leur souffle, frappés d'horreur. Peeves pris alors une profonde inspiration et…
'ELEVES HORS DU DORTOIR !!' hurla-t-il de toutes ses forces. 'ELEVES HORS DU DORTOIR DANS LE COULOIR DES ENCHANTEMENTS !!'
'Je suis maudit,' fit Rook en plongeant devant lui pour passer sous le poltergeist.
Les autres se précipitèrent à sa suite et coururent à toutes jambes. Mais quand ils atteignirent la fin du couloir, ils virent que celui-ci était bloqué par une porte verrouillée.
'On est pris au piège !!' glapit Blaise, terrorisé.
'Il faut ouvrir cette porte !!' grogna Marius en appuyant de toutes ses forces sur celle-ci.
Rook avait brandi sa baguette mais hésitait. Il connaissait bien un sort ou deux pour se débarrasser de l'obstacle, mais aucun n'était très discret… On saurait de suite qu'ils étaient passés par-là…
'Passe-moi ça !'
Avec surprise, il vit Blaise se saisir de sa baguette et tapoter la serrure.
'Alohomora !' murmura celui-ci.
Il y eut un déclic et la porte s'ouvrit. Tous trois se précipitèrent et la refermèrent aussitôt derrière eux, collant leur oreille au bois pour écouter. Filch venait d'arriver.
'Peeves !! Où sont-ils passés ??'
'Tttt on dit "s'il vous plait", quand on est poli…'
'Peeves, ne commence pas à m'énerver… ! Par où sont-ils partis !?'
'Et on dit Monsieur Peeves !! On dit Monsieur, quand on est poli…'
'Très bien,' gronda Filch. 'Monsieur Peeves, où sont-ils s'il vous plait ?'
'Et voilààààà !! Ce n'est pas compliqué. Bravo !!! Dix sur dix !! Et à une prochaine fois ! Dès que vous ressentirez à nouveau le besoin d'une petite leçon de politesse. Au revoir !!! HAHAHAHA !'
Rook et ses compagnons entendirent comme une brusque rafale de vent, alors que Peeves prenait la fuite et que Filch jurait abominablement, justifiant par là le besoin urgent d'autres véritables leçons de politesse.
'Il doit penser que la porte est toujours verrouillée,' murmura Rook. 'Mais enfin, quoi ?!'
Ça faisait un bon moment qu'il sentait Blaise lui tirer le pan de sa robe. Il se retourna, et vit alors, très clairement, quoi.
'Je dois faire un cauchemar… C'est trop, je vais me réveiller…'
Car ils ne se trouvaient pas dans une salle, comme ils l'avaient cru au départ, mais dans un couloir. Pour être plus précis, dans le fameux couloir interdit du troisième étage. Exactement. Et là, ils comprenaient enfin pourquoi ce couloir était interdit…
Devant leurs yeux, un animal monstrueux remplissait tout l'espace depuis le sol jusqu'au plafond. Un chien. Ce devait être un chien, au vu de sa tête. Également au vu de la deuxième. Et de la troisième aussi… Car la créature avait trois têtes. Trois têtes identiques, aux même yeux étincelants de rage, à la même gueule dégoulinante de bave, aux mêmes énormes crocs jaunis.
Probablement avait-il été pris par surprise, ce qui expliquerait qu'ils n'avaient pas encore été dévorés. Mais l'idée semblait avoir fait son chemin dans chacun des cerveaux des trois têtes, et Rook jugea que le moment était somme toute assez adéquat pour…
'FILEZ !!!'
Ils réouvrirent précipitamment la porte, se ruèrent dehors en la claquant, se foutant bien de savoir si Filch était encore là ou pas. Entre la mort et Filch, ils préféraient encore Filch. Mais celui-ci avait dû partir les chercher ailleurs, car ils ne le virent nulle part. Cette fois, ils ne perdirent plus de temps et filèrent le plus vite possible rejoindre leur dortoir.
Arrivés enfin dans leur salle commune, Rook, Marius et Blaise s'effondrèrent dans les fauteuils pour souffler un instant.
'Ils sont dingues de garder un monstre pareil dans une école !!' s'exclama Marius. 'Blaise arrête de trembler, tu fais bouger tout le divan… Rook ? Ça va, t'as l'air bizarre… ?'
'Ce chien est là pour garder quelque chose…' murmura alors Rook, semblant plongé dans ses pensées.
'Hein ?? Garder quoi ? Comment tu sais ça ?'
'Vous n'avez pas vu ? Il était sur une trappe… il en gardait l'accès.'
'Non je n'ai pas vu… J'étais trop absorbé pour regarder ses pattes : je surveillais ses têtes, en fait… Tu sais, il en avait quand même trois !'
Quand Blaise se fut un peu calmé et cessa de trembler, ils montèrent dans leur dortoir. Rook retint Marius de jeter un sort à Malfoy et ses copains, qui étaient couchés et profondément endormis. Probablement avaient-ils attendus dans un coin que Rook sorte pour ensuite aller se coucher, satisfaits de leur mauvaise blague. Tous trois se glissèrent sous leur drap.
Rook fut un peu plus long à s'endormir que les deux autres. Il repensait au chien. Il était là pour garder quelque chose… "C'est un des coins les plus sûr du monde," avait dit Hagrid en parlant de Gringotts. "À part p't'êt' Hogwarts," avait-il ajouté. Il semblait bien que Rook ait découvert où se trouvait maintenant le fameux Vous-Savez-Quoi que Hagrid était allé retirer du coffre 713.
