Chapitre Sept : Hallowe'en (09/04/2003 upd : 15/08/2003)
– CHAPITRE SEPT –
Hallowe'en
Le lendemain matin, Malfoy n'en
crut pas ses yeux quand il descendit dans la salle
commune des Slytherin et qu'il y vit Rook
discutant comme si de rien n'était avec ses
deux amis, tous trois l'air joyeux, bien que
la mine fatiguée.
Après une bonne nuit réparatrice,
Rook, Marius et Blaise étaient d'accord pour
penser que tout compte fait, la nuit passée avait
été une chouette aventure, bien que Blaise affirmât
ne plus jamais vouloir se retrouver en présence
de ce chien – et priait pour que son père
n'en apprenne jamais l'existence sous
peine de le découvrir, lui ou un de ses chiots,
un jour dans son jardin. Alors qu'ils prenaient
leur petit déjeuner, Rook les mit au courant pour
le paquet transféré de Gringotts à Hogwarts par
Hagrid, et ils s'interrogèrent longuement
sur ce que pouvait contenir celui-ci qui eut justifié
de telles mesures de protection.
'Sûrement quelque chose
de très précieux,' suggéra Blaise.
'Ou de dangereux…'
proposa Marius, les yeux brillants d'anticipation.
'Ou encore les deux,'
conclut Rook, en se resservant de porridge.
Mais la seule chose qu'ils
savaient de cet objet était qu'il faisait
à peu près 5 centimètres de long. Sans indice supplémentaire,
ils avaient peu de chance de deviner ce que c'était.
Pour l'instant, ce qui leur importait surtout
était de trouver comment se venger de Malfoy. L'occasion
leur en fut offerte le jour même, bien que dès l'abord,
cela ne sembla pas particulièrement être positif
pour Rook non plus.
Au cours de Potions, ce matin-là,
Snape fit appeler Rook et Malfoy à son bureau pour
leur signifier à tous deux leur punition : il avait
trouvé très malin de leur faire astiquer le set
complet des balais de l'école, cet après-midi,
pendant les sélections pour les équipes… ce
qui les empêcherait de s'y présenter.
Malfoy était furieux. Il passa
l'heure du déjeuner à écrire une longue lettre
qu'il envoya chez lui par hibou express et
passa le reste du temps à récriminer.
Blaise fut sincèrement désolé
pour Rook.
'C'est vraiment dommage…
Tu avais toutes tes chances en plus, j'en
suis certain. Enfin, peut être que l'année
prochaine…'
À trois heures, Rook et
Malfoy, s'ignorant soigneusement l'un
l'autre, sortirent donc du château pour se
rendre sur le terrain de Quidditch. Celui-ci était
entouré de gradins installés en hauteur, permettant
d'être suffisamment haut pour voir les joueurs
évoluer dans les airs. À chaque bout du terrain
étaient plantés trois poteaux immenses, surmontés
de larges cercles verticaux.
Ils étaient affairés depuis un
moment déjà quand les élèves postulants arrivèrent,
ainsi que les membres actuels des équipes. Certains
des joueurs avaient terminé leurs études l'année
dernière et de nombreuses places étaient maintenant
vacantes. Rook n'avait guère le temps de regarder
évoluer les candidats, ceux-ci faisant la file pour
avoir un des balais déjà astiqués. Quant à Malfoy,
il lui tournait ostensiblement le dos, et n'aurait
pour rien au monde entamé la conversation avec qui
que ce soit. Il y avait pas mal de bruit et d'agitation,
et Rook eut à peine le temps d'apercevoir
Ron Weasley faire une très jolie feinte sur son
balai, acclamé par les Gryffindor.
À un moment, Rook eut la désagréable
surprise de voir Snape s'acheminer vers eux.
Probablement venait-il vérifier leur travail, et
les narguer au passage. Mais le professeur fut arrêté
par Flint. Celui-ci avait eu l'air affreusement
déçu quand Rook lui avait expliqué qu'il ne
pourrait pas participer aux sélections. Malfoy les
avaient fusillés du regard, mais Flint ne l'avait
même pas remarqué, ce qui avait mis le blond au
comble de la fureur.
Flint semblait discuter avec animation
avec Snape, et Rook tendit l'oreille pour
discerner leurs propos.
'Oui, Ronald Weasley…
comme Attrapeur. Le professeur McGonagall est allée
trouver Dumbledore pour lui demander de faire une
entorse au règlement et lui fournir un balai. Ils
disent qu'il est encore plus doué que Charlie
Weasley…'
'Nous avons littéralement
écrasé leur équipe l'année passée, je ne vois
pas en quoi cela changerait cette année,'
rétorqua la voix aigre de Snape.
Mais Flint insistait.
'Nous n'avons plus
d'Attrapeur ! Bien sûr Terry Higgs pourrait
reprendre ce poste, mais je doute qu'il soit
vraiment fait pour ça… Il nous faut quelqu'un
de plus léger. Pourquoi ne pas faire un essai avec
Sharp ? Vous savez bien ce qu'il a réussi
à faire…'
Snape ne répondit pas, mais à
voir la soudaine crispation de ses épaules, Rook
admira le courage – ou l'inconscience
– de Flint, qui osait malgré tout rester à
ses côtés à insister. Ainsi les Gryffindor ont
trouvé un nouvel Attrapeur, pensa Rook. Et il
semblait que ce fut un bon. Le peu qu'il l'avait
vu évoluer sur un balai l'avait assuré que
Ron Weasley n'était pas un joueur à sous-estimer.
Le professeur McGonagall arrivait en effet, et à
voir son visage rayonnant et ses yeux triomphants,
elle avait dû avoir l'accord de Dumbledore.
'Severus,' salua-t-elle
tout sourire, et Rook vit la crispation des épaules
de celui-ci s'accentuer. 'Comment se
passent vos sélections ? À merveille j'espère,
vous en aurez besoin…'
'Vous avez un nouvel Attrapeur,
ai-je entendu dire ?' siffla Snape.
McGonagall eut un sourire féroce,
qui lui donna furieusement l'air d'un
chat découvrant une proie.
'Une perle rare… Ce
garçon a un don. Ce qui n'est pas étonnant,
de la part du digne frère de Charlie Weasley…'
Le nom de Charlie Weasley semblait
provoquer des effets bien différents à chaque fois
qu'il était prononcé. Amenant sourire triomphant
et fierté dans le regard de chaque Gryffindor, il
n'engendrait que grincement de dents chez
les Slytherin. Rook se rappelait en avoir déjà entendu
parler par des élèves plus âgés : le jeune
homme avait fait partie de l'équipe de Gryffindor
il y avait quelques années et avait même été Capitaine.
Grâce à lui, l'équipe de Gryffindor avait
remporté plusieurs fois de suite le House Championship.
Pendant tout le temps où le célèbre Attrapeur avait
fait partie de l'équipe, jamais celle-ci n'avait
perdu un seul match. On disait même que, s'il
n'avait décidé d'aller étudier les dragons
en Roumanie, il aurait pu faire partie de l'équipe
d'Angleterre. Cela ne semblait pas de très
bonne augure pour les Slytherin, tout cela…
'Professeur Snape…'
supplia la voix de Flint.
Sharp jouissait beaucoup du dilemme
dans lequel Snape semblait être plongé. D'un
côté, le professeur savait pertinemment que son
équipe était fortement affaiblie cette année, ayant
perdu certains de ses piliers. De l'autre,
l'équipe de Gryffindor, éternelle rivale,
semblait se relever de terre et acquérait un Attrapeur
très prometteur. Au milieu : Sharp. Sharp,
qu'il détestait cordialement. Sharp, qu'il
faisait tout pour brimer. Sharp, qu'il ne
rêvait que d'une chose : renvoyer.
Accepter celui-ci dans l'équipe… ?
Ce fut sûrement l'insolent
sourire de triomphe de McGonagall qui fit pencher
la balance.
'Mais nous aussi, nous avons
un nouvel Attrapeur, chère Minerva,' fit Snape,
en grinçant des dents, semblant difficilement croire
lui-même ce qu'il disait. 'Rook Sharp…
que dites-vous de cela ?'
Flint poussa un "Whoop"
de joie et de soulagement, alors que Rook entendait
soudain un craquement à côté de lui. Malfoy, fou
de colère, venait de casser net le balai dont il
s'occupait.
McGonagall fronça les sourcils,
soudain l'air moins assurée, avant de laisser
là Snape, sur un "Nous verrons cela au prochain
match, Severus" un peu guindé.
Snape fit alors demi-tour et repartit
dans l'autre sens, semblant bouillir de rage,
dégoûté, renonçant à annoncer sa promotion à Rook.
Celui-ci le suivit un instant des yeux, un rictus
railleur aux lèvres, avant d'être appelé par
Flint pour un essai. Rook se tourna alors vers Malfoy,
pâle de rage, et lui demanda, de l'air le
plus innocent du monde : 'Au fait, tu
veux bien astiquer mon balai, Malfoy… ?'
Oh si douce vengeance…
Le Quidditch était le sport national des sorciers et était aussi populaire chez ceux-ci que le football pouvait l'être chez les Muggles. Un match de Quidditch se disputait entre deux équipes de 7 joueurs chacune, montés sur des balais. Rook fit ainsi la connaissance de ses coéquipiers. L'équipe de Slytherin ne comportait aucune fille, et semblait, remarqua-t-il, préférer la force brute à toute autre qualité de jeu. Chacun d'eux, en effet, à l'exception de lui-même, était plutôt grand et massif.
Le Quidditch se jouait avec quatre balles. La première d'entre elles, le Quaffle, de la taille d'un ballon de football mais rouge vif, était disputée par les trois Poursuiveurs de chaque équipe. Ceux-ci devaient le passer au travers d'un des trois gigantesques anneaux adverses pour marquer 10 points. Marcus Flint, le Capitaine, tenait le rôle de Poursuiveur, aidé par Adrian Pucey et Terence Higgs. Flint était rapide malgré sa taille et sa carrure et il était du genre à foncer droit devant lui. Cependant il semblait avoir quelques difficultés à freiner son balai lors d'une interception, ce qui le faisait parfois accidentellement bousculer les joueurs adverses. C'était également un très bon butteur. Lui et Pucey formaient un duo très efficace. Pucey était très adroit pour se démarquer et arrivait assez facilement à se faufiler au cœur de la défense adverse, offrant ainsi de nombreuses occasions de but à son capitaine. Higgs, lui, était le plus rapide et le plus léger des trois, jouant un rôle de premier plan lors des contre-attaques.
Il y avait aussi un Gardien dont le rôle consistait à tourner autour des poteaux pour empêcher l'équipe adverse de marquer. Le Gardien des Slytherin s'appelait Miles Bletchley. Il n'était pas très doué, mais comme il était le plus lent et le plus large, il n'y avait guère d'autre place où il aurait pu jouer.
Deux autres balles étaient également en jeu : noires et un peu plus petites que le Quaffle. Celles-ci, dès qu'elles étaient lâchées, se précipitaient sur les joueurs pour les faire tomber de leur balai : on les appelait les Bludgers. Pour protéger les joueurs, chaque équipe comportait deux Batteurs. Ceux-ci, à l'aide de leur batte, étaient chargés de renvoyer les Bludgers dans le camp adverse. Gustav Bole et Jonathan Derrick excellaient dans cet exercice, mais semblait avoir parfois des problèmes de vue, confondant la tête de leurs adversaires avec les Bludgers.
Enfin, la dernière balle était minuscule, de la taille d'une grosse noix. Dorée, étincelante et munie de deux petites ailes d'argent qui battaient sans cesse, elle était extrêmement vive et très difficile à apercevoir. C'était le Golden Snitch. Le dernier joueur de l'équipe, l'Attrapeur, avait comme rôle de traquer et d'attraper le Golden Snitch. Le fait d'attraper le Golden Snitch signifiait la fin du match. Ce fait rapportait également d'un coup 150 points à son équipe, et donc bien souvent offrait la victoire à cette dernière. C'était le poste qui avait été confié à Rook. Avec sa taille fine, celui-ci formait un contraste étonnant au milieu de ses coéquipiers. Mais ceci n'était pas un handicap pour un Attrapeur : plus vif et plus rapide celui-ci était, plus il avait de chance d'attraper le Golden Snitch avant l'Attrapeur adverse.
Rook dut essayer plusieurs des balais de l'école avant d'en trouver un qui ne l'handicape pas trop : il n'avait pas de balai à lui, au contraire de Ron Weasley qui s'était vu offrir un Nimbus 2000 par son équipe en guise de bienvenue. Flint avait bien essayé d'en obtenir également un de meilleure qualité pour leur nouvel Attrapeur, mais le regard que lui avait lancé Snape l'avait dissuadé d'aller jusqu'au bout de sa demande.
Le sombre professeur paraissait en effet particulièrement à cran ces temps-ci, refusant obstinément toute discussion ayant de près ou de loin un lien avec Rook et même le fait de prononcer devant lui le simple mot de Quidditch lui faisait venir un vilain tic. Quant à Rook lui-même, il l'ignorait consciencieusement, ce qui n'était pas pour déplaire à celui-ci qui commençait à apprécier les cours de Potions maintenant qu'on lui foutait la paix.
Les cours commençait à devenir de plus en plus intéressants, maintenant que chacun avait revu et assimilé les notions les plus élémentaires. Ce matin-là justement, le professeur Flitwick leur annonça qu'il allait leur apprendre à faire voler des objets… Les élèves furent répartis par groupe de deux, chargés de s'entraîner à faire voler une plume. Rook forma équipe avec Blaise. Marius, par contre, dut faire équipe avec Malfoy. Difficile de dire lequel en était le plus fâché… Marius n'avait toujours pas digéré le coup du duel. Malfoy, quant à lui, avait vu sa haine des trois amis décuplée depuis que Rook avait été accepté dans l'équipe de Quidditch, et lui-même empêché de s'y présenter comme candidat.
Perché sur sa pile de livre, le minuscule professeur Flitwick couinait ses conseils à la classe alors que la plume de Blaise flottait au-dessus de toutes les têtes.
'Fait la redescendre, Blaise… C'est à mon tour d'essayer,' fit Rook.
'Mais j'ai même pas fait exprès…' geignit le petit brun. 'Elle est partie toute seule…'
À leur côté, par contre, l'ambiance n'était pas au beau fixe.
'Quand tu auras fini tes gestes ridicules, tu me préviendras…' faisait la voix nonchalante et dédaigneuse de Malfoy.
'Si tu arrêtais de te plaindre, je pourrais me concentrer plus efficacement !' rétorqua Marius, qui s'énervait.
Mais il avait beau faire les gestes et prononcer les mots magiques, la plume qu'il devait envoyer en l'air ne bougeait pas d'un pouce. Soudain, alors qu'il recommençait pour la énième fois, il frôla celle-ci du bout de sa baguette magique et la plume s'enflamma.
'Mais c'est pas vrai !!' s'exclama Malfoy, alors qu'il se précipitait pour l'éteindre avec son chapeau. 'T'es vraiment un crétin ! Ton père t'a jamais appris à tenir une baguette, ou quoi ?' ajouta-t-il méchamment.
À ce moment il se passa une chose inattendue. Marius, dont le visage avait soudain viré au gris, lâcha sa baguette et lança son poing de toutes ses forces en direction du visage de Malfoy. Celui-ci, surpris de l'attaque non conventionnelle, se prit le coup en plein sur le nez.
'AAAAAAARGHHH !!! Professeur Flitwick !!! Il m'a cassé le neeeez !!!!' hurla-t-il, le visage en sang, alors que Rook intervenait pour retenir Marius, qui semblait fou de rage et s'apprêtait à frapper à nouveau le blond.
'NOTT !' glapit Flitwick. '10 points en moins pour Slytherin pour ce comportement… inqualifiable !! Et je veux vous voir dans mon bureau après le cours ! Mademoiselle Parkinson ?' fit-il à Pansy qui s'appliquait à éponger le nez de Malfoy tout en jetant des regards venimeux à Marius. 'Veuillez emmener votre camarade à l'infirmerie… Allons allons, les autres !! Reprenez vos exercices !'
Rook attendit quelques secondes avant de relâcher Marius, le temps que celui-ci se calme un peu.
'Mais enfin qu'est-ce qui t'a pris ?'
Mais Marius se dégagea d'un geste sec, le visage fermé, sans répondre. Il regagna sa place et s'assit, étreignant ses mains comme dans l'espoir de voir les tremblements secouer celles-ci s'atténuer.
'Qu'est-ce qu'il a ?' chuchota Blaise en remontant ses lunettes.
'Aucune idée,' répondit Rook, qui continua à jeter de temps en temps un œil inquiet à son ami. Il semblait que cette fois, Malfoy ait trouver le truc pour le faire réagir…
Le cours se termina enfin, et tous quittèrent la salle de classe, à l'exception de Marius qui s'avança au devant du professeur. L'albinos n'avait pas fait un seul geste depuis l'incident, et semblait ruminer de sombres pensées. Il ne jeta même pas un œil à Rook et à Blaise quand ceux-ci passèrent à côté, avec un signe d'encouragement.
Alors qu'ils allaient prendre leur repas de midi, Rook et Blaise aperçurent, marchant à grand pas dans le couloir, Snape et Malfoy. Le blond avait un gros bleu sur le visage, son nez était tuméfié et son œil commençait à virer au pourpre. Il eut un sourire mauvais quand il croisa les deux garçons. Quant à Snape, son visage était de marbre, et il fit comme s'il ne les avait pas vus. Visiblement, ils se rendaient tous deux au bureau de Flitwick.
'Marius va avoir de gros ennuis cette fois…' murmura Blaise.
Rook garda le silence, pensif.
Marius ne vint pas manger, et personne ne le vit de tout l'après-midi. Au soir, en se rendant à la Grande Salle où allait être servi le dîner de Halloween, Rook et Blaise entendirent Malfoy raconter comme une bonne blague à Pansy que Marius avait été collé et qu'il avait passé tout l'après-midi dans le bureau de Snape.
'Au moins, il n'a pas été renvoyé,' dit Rook, soulagé.
'Il était déjà de mauvais poil ce matin… Qu'est-ce que ça va donner après toute une après-midi passée avec Snape ?' fit Blaise en secouant la tête.
La Grande Salle avait été spécialement décorée pour Halloween. Des milliers de chauve-souris voletaient au-dessus des tables, plongeant entre les citrouilles évidées en faisant vaciller les flammes des chandelles à l'intérieur. Les plats se remplirent soudain et tous s'attablèrent en riant et plaisantant.
'Tu crois que la chauve-souris de Marius est parmi elles ?' demanda Blaise en observant un des nuages de chéiroptères.
Des cris aigus retentirent soudain à une table voisine, où une jeune fille venait soudain de se lever de table en hurlant au milieu des rires, cherchant à se débarrasser d'une des chauve-souris qui était venue s'accrocher dans ses cheveux.
'Shadow…' firent Rook et Blaise ensemble, avec un sourire.
'Marius est en retard…' fit Blaise peu après, semblant ne pas pouvoir s'empêcher de penser à son ami. 'Pourtant Snape est déjà là, lui.'
Rook leva le nez vers la table des professeurs. Snape était là en effet, ne déparant en rien la décoration, sa grande cape noire et ses yeux sombres lui donnant en effet tout à fait l'air d'une gigantesque chauve-souris. Il semblait particulièrement détester devoir se trouver là et il fixait vaguement un point droit devant lui d'un air lugubre et hargneux. Rook remarqua alors l'absence de Quirrell. L'atmosphère de la fête était-elle trop effrayante pour le tremblant professeur ? Mais Quirrell entra à ce moment, le turban de travers, le visage déformé par la terreur. Tout le monde se tut et le regarda, alors qu'il se précipitait vers Dumbledore.
'Un t… t… Un troll !!! D… dans les cachots. Je voulais vous pré… prévenir.'
Et il s'évanouit.
Des hurlements remplirent soudain la salle alors que tous se levaient, affolés. Dumbledore dut faire jaillir nombre d'étincelles de sa baguette pour faire revenir le calme et ordonna aux préfets de ramener leurs condisciples dans leur salle commune respective. Puis, accompagnés des professeurs, il s'en fut à la recherche du troll.
Les préfets de chaque Maison commencèrent donc l'évacuation. Alors que les Hufflepuff refluaient dans un gentil désordre affolé et que les Ravenclaw, au contraire, quittaient la salle dignement, sans précipitation, le préfet des Gryffindor était visiblement fort à son affaire. Percy Weasley – et oui, encore un Weasley – rameutait sa troupe à force d'exclamations nerveuses et empressées.
Suivant le préfet de Slytherin qui les ramenait nonchalamment dans leur salle, Rook s'arrêta soudain.
'Qu'est-ce qu'il y a ?' demanda Blaise, en le voyant froncer les sourcils.
'Marius… S'il n'est pas encore là, c'est sûrement qu'il s'est encore perdu dans les couloirs. Et avec ce troll en liberté…'
Ils n'eurent besoin que de s'échanger un coup d'œil pour se comprendre. Rook prit la main de Blaise et l'entraîna, profitant du fait que leur groupe croisait des élèves de Ravenclaw qui partaient dans l'autre sens. Ils leur emboîtèrent le pas, puis filèrent dans un couloir latéral.
'Comment un troll a-t-il bien pu entrer dans l'école ?' se demanda Rook. 'Ce sont des créatures stupides, pourtant…'
'C'est peut être une blague de Peeves pour Halloween ?' tenta Blaise, avant d'être soudainement poussé derrière une grande statue par Rook, qui lui fit signe de se taire. Des pas précipités se firent alors entendre derrière eux. Rook jeta un rapide coup d'œil.
'Snape… ?'
'Qu'est-ce qu'il fait là ?' s'étonna Blaise. 'Il n'est pas dans les cachots avec les autres professeurs ?'
'Il a pris l'escalier pour monter…'
'Rook… il faut retrouver Marius,' le pressa Blaise, se désintéressant du professeur de Potions. 'Tu as une idée d'où il peut être ?'
'Sûrement à traîner du côté du bureau de Snape en cherchant un raccourci que jamais il ne trouvera.'
Il se dépêchèrent et gagnèrent à leur tour les cachots, attentifs à chaque croisement à ne pas rencontrer de professeurs. Ils atteignirent ainsi le bureau de Snape et parcoururent les couloirs aux alentours, mais toujours pas de trace de l'albinos. Soudain, ils entendirent un cri qui leur glaça les sangs. Ils se ruèrent en avant d'un seul mouvement : ils avaient reconnu la voix de Marius.
C'est d'abord l'odeur qui les frappa. Une horrible odeur de vieille chaussette et de toilettes mal entretenues. Et alors ils le virent. Un Mountain Troll. Une masse de près de quatre mètres de haut, couverte d'une peau grisâtre et terne, parsemée de furoncles et de verrues. Le tout coiffé d'une tête minuscule avec de méchants petits yeux porcins. Ses jambes étaient courtes et épaisses, il avait de longs bras qui atteignaient presque le sol, et il brandissait une massue devant… Marius. Marius, recroquevillé à terre, le visage figé en une grimace d'horreur.
Blaise poussa un cri perçant, et le troll se retourna soudain vers eux, animé d'une colère aveugle. Alors Rook brandit sa baguette magique et hurla quelque chose que Blaise ne comprit pas. Frappé de plein fouet par le sort, la créature immonde s'immobilisa soudain, avant de s'écrouler lentement en avant comme une masse.
'Il… il est mort ?' fit Blaise, planqué derrière Rook, qui demeurait immobile comme une statue.
Marius était toujours à terre, tremblant, et ne pouvant détacher son regard du troll. À ce moment, il y eut des bruits de pas et le professeur Snape apparut au bout du couloir, suivi de près par Dumbledore et du professeur Quirrell.
Quand il vit le troll, Quirrell stoppa net, une main sur le cœur, en poussant un petit cri et il dut se retenir au mur. Snape se pencha sur le troll, puis lança un curieux regard à Rook, qui avait toujours sa baguette brandie. Celui-ci s'en rendit compte et la baissa de suite, l'air un peu désorienté.
'Puis-je savoir à quoi vous jouer, tous les trois, ici, au lieu d'être dans votre salle commune ?' siffla la voix de Snape, venimeuse.
'C'est… c'est ma faute, professeur,' balbutia Marius, encore sous le choc. 'Je… je me suis perdu et… et…'
Il montra le troll d'un doigt tremblant, semblant à bout de nerf.
'Tu n'as rien, Marius ?' lui demanda alors doucement Dumbledore, qui vint l'aider à se relever. Sa sollicitude sembla apaiser le garçon.
'N… non, m'sieur. Grâce à Rook, m'sieur…'
'Bien. Professeur Quirrell ? Pourriez-vous accompagner ces jeunes gens jusqu'à leur salle commune, je vous prie. Rook ? Tu peux attendre un instant ?'
Alors que le professeur Quirrell emmenait Marius et Blaise, Rook se demandait quelle tuile allait encore lui tomber sur la tête. On n'allait quand même pas le renvoyer pour avoir chercher à sauver un ami de l'attaque d'un troll… ? Il se força à ne pas regarder Snape, dont il sentait le regard brûlant sur sa nuque.
'Rook ? C'est toi qui as abattu ce troll ?'
La voix douce et bienveillante de Dumbledore lui fit lever les yeux.
'Je… je crois, oui…' répondit-il.
'Comment as-tu fait… ?'
'Je… je ne sais pas.'
C'était vrai. Cela lui était venu comme ça, il ne se rappelait même plus ce qu'il avait fait, ni ce qu'il avait dit… C'était un peu comme les bêtises de Blaise, mais là il n'avait pas envie d'en rire. Il fixa Dumbledore dans les yeux, souhaitant de toute son âme qu'il le croit, malgré l'exclamation sceptique que Snape avait laissée échapper.
'Je te crois, Rook,' fit finalement Dumbledore, et Rook sentit un énorme poids quitter ses épaules. 'Tu peux rejoindre tes amis maintenant,' continua le vieil homme, ignorant le regard tranchant que lui lança Snape. 'Les élèves terminent le repas dans leur salle commune… Ah oui, au fait… Je donne 20 points à Slytherin… Très beau sortilège.'
Rook s'éloigna doucement. Il se sentait bizarre, la tête vide et les jambes comme du coton. Il se rendit compte qu'il serrait toujours fortement sa baguette dans sa main et il la remit alors doucement dans sa poche. Quand il atteignit le bout du couloir, il tourna le coude mais s'arrêta en tendant l'oreille. Il était sûr que Snape attendait qu'il se soit éloigné pour apostropher Dumbledore. Il n'avait pas tort.
'Ce troll a subit un Stunning Spell, monsieur le Directeur…'
'Je sais, Severus…'
'Et c'est tout ? Vous vous rendez compte qu'il faut au moins deux adultes pour réussir un Stunning Spell sur un troll de cette taille… ?'
'Je sais cela aussi, Severus,' reprit à nouveau Dumbledore de sa voix douce. 'Et je sais à quoi vous pensez… Mais il s'agit ici d'un Mountain Troll, et Rook n'a fait que protéger un de ses amis…'
'Mais…'
'Allons, cher professeur, laissez cela. Venez… Allons plutôt voir s'il reste encore de cette délicieuse tarte à la citrouille… Tiens... Qu'est-ce que vous vous êtes fait à la jambe ?'
Rook était monté mettre au lit Blaise, qui était tombé endormi à table en s'affalant sur sa manche, sans même finir son morceau de tarte à la citrouille, et Marius l'avait suivit. Rook borda le petit brun et lui retira délicatement ses lunettes qu'il posa sur la table de chevet. Puis il se retourna vers Marius, un peu gêné.
'Ne me remercie pas… On est ami, non ? Tu aurais fait pareil…'
'Ho probablement pas avec le même succès… !'
'J'aimerais autant qu'on n'en parle plus…' fit Rook, le visage sombre. 'Et essaie de ne plus te perdre dans les couloirs, s'il te plait…'
'Je n'étais pas perdu,' murmura Marius en s'asseyant sur le rebord de son lit.
Rook releva les yeux, interrogateurs. Il faisait sombre et le visage de Marius demeurait dans l'ombre, mais à sa voix, il devina celui-ci particulièrement pensif.
'Je ne voulais pas rejoindre les autres tout de suite… je voulais rester seul… pour réfléchir.'
'Réfléchir ?'
Rook s'installa à son tour sur son couvre-lit, attentif. Visiblement, Marius avait envie de parler, mais il semblait ne pas savoir par où commencer.
'Ça a un rapport avec l'incident de cet après-midi avec Malfoy ?'
'On peut dire ça… Ce crétin a dit quelque chose en parlant de mon père et… J'ai pêté un boulon.'
Rook attendit, devinant que Marius n'en avait pas fini.
'Je ne le connais pas bien, mon père. Je ne l'ai quasi jamais vu. Ma mère l'a quitté alors que j'étais tout jeune encore. Il avait eu… des ennuis.'
Rook hocha gravement la tête, gardant le silence. Il avait déjà entendu le nom de Nott. C'était un de ceux qui, avec Lucius Malfoy, avaient prétendu avoir été manipulés par Voldemort et qui avaient été disculpés.
'Et alors, après la retenue, Snape a dit un truc… Il m'avait collé tout l'après-midi.'
'Je sais… Ça n'a pas dû être une partie de plaisir…'
'Et bien en fait… si,' reconnut Marius, un peu étonné, maintenant qu'il y repensait. 'Il m'a donné un bocal entier de scarabées morts à écraser… C'est fou ce que ça m'a fait du bien. Au début, j'imaginais que c'était Malfoy. Et j'écrasais… j'écrasais… Quand j'ai eu fini la moitié du bocal, je me sentais déjà beaucoup mieux. C'est vrai qu'après, ça a été un peu plus fastidieux…'
'Tu as dit que Snape t'avais parlé ?' reprit Rook qui sentait que la discussion s'égarait.
'Ah oui… En partant. En fait je ne sais pas s'il s'adressait vraiment à moi, mais… ça m'a fait réfléchir. Il a dit quelque chose comme : "On ne devrait jamais avoir honte de son nom…" '
Rook tressaillit, mais dans la pénombre de la chambre, Marius ne le vit point.
'Il a raison. Mon père a peut-être fait des choses horribles, peut être pas… ce qui importe, c'est que porter son nom n'a strictement aucune influence sur ce que je déciderais de faire de ma vie,' conclut Marius, d'une voix ferme et assurée. 'Rook ?'
'Hn…?'
'Merci de m'avoir écouté… Bonne nuit.'
'Bonne nuit, Marius.'
Mais ce soir-là, Rook demeura longuement les yeux ouverts dans le noir, ayant vraiment du mal à trouver le sommeil…
