Chapitre Neuf : The Mirror of Erised (04/05/2003 upd : 10/08/2003)
– CHAPITRE NEUF –
The Mirror of Erised
Noël approchait. À la mi-décembre,
une épaisse couche de neige recouvrit le château
et les pelouses, et les élèves s'aventurèrent
à aller patiner sur le lac gelé. Au cours de ses
pérégrinations hasardeuses dans les couloirs du
château, Marius s'était fait des amis des
jumeaux Weasley, qui appréciaient sa bonne humeur
et ses maladresses. Les jumeaux étaient connus pour
être aussi peu respectueux des règlements qu'auraient
pu l'être des Slytherin, et ils étaient toujours
en première ligne quand il s'agissait de fomenter
une mauvaise blague. Avec Marius, ils avaient trouvé
un allié de choix. Bien qu'avec celui-ci,
tout ne se passait pas toujours comme prévu…
Un jour tous trois avaient essayé
d'ensorceler des boules de neige afin qu'elles
suivent Quirrell partout en visant son turban. Malheureusement,
celles de Marius s'étaient retournées contre
lui et il avait fallut plusieurs heures aux jumeaux
hilares pour le dégager de la montagne de neige
sous laquelle il avait été enterré. Emmené à l'infirmerie
pour soigner ses gerçures, il s'était très
sérieusement vu proposé un abonnement par
Madam Pomfrey.
Chacun attendait impatiemment
les vacances. Alors que de grands feux flambaient
dans la Grande Salle et les salles communes de chacune
des maisons, il faisait glacial dans les couloirs
et les salles de classe, tout particulièrement dans
le cachot où se déroulait le cours de Potions et
les élèves s'y serraient frileusement contre
leur chaudron.
'Je n'aimerais vraiment
pas avoir à passer Noël tout seul ici à Hogwarts.
Rien de mieux que célébrer les fêtes
en famille, chez soi… pour peu que celle-ci
veuille de vous bien sûr,' lâcha un
soir Malfoy dans la salle commune, en regardant
Rook d'un air narquois.
Mais Rook n'y prêta aucune
attention. Depuis le dernier match, où sa performance
avait été applaudie par les membres de sa Maison,
Malfoy avait été plus désagréable encore avec lui
– si cela était possible. Il était
très clairement jaloux du succès de Rook, qui, selon
lui, lui faisait de l'ombre depuis le début
de l'année. Il répétait partout qu'après
le vol sous le balai, celui-ci allait maintenant
commencer à apprendre à voler dessus. Mais
ses plaisanteries n'avaient pas eut l'écho
escompté, chacun ayant en effet été très impressionné
par la façon dont Rook s'était accroché malgré
tout à son balai. Et ceci était également valable
pour les élèves des autres maisons, même si un léger
froid semblait s'être installé entre l'Attrapeur
de Slytherin et celui de Gryffindor.
Entre-temps, tout prétexte était
bon à Malfoy pour provoquer son éternel rival, et
il ne s'en était pas privé depuis qu'il
avait vu celui-ci s'inscrire sur la liste
que Snape avait fait passer, recensant les élèves
qui restaient à Hogwarts pour les vacances.
Rook, en effet, ne rentrerait
pas chez lui pour Noël. Depuis le début des cours,
il n'avait eu aucune nouvelle de Roumanie.
Personne ne lui avait écrit. La Grand-Mère, apparemment,
était toujours en colère, et il savait que personne
dans sa famille n'oserait s'élever contre
son courroux. Il ne tenait pas à rentrer de toute
façon, surtout si c'était pour se retrouver
à nouveau dans cette ambiance. Et puis, il ne serait
pas seul : Marius aussi restait. Sa mère partait
en province chez sa famille, et il avait demandé
à y échapper.
'Ils sont constamment à
essayer de me faire exécuter des tours, et ça se
termine toujours par des catastrophes…'
avait-il raconté à ses amis. 'Chaque année
c'est pareil. Ils ont longtemps cru que j'étais
un Squib, que je n'avais aucun pouvoir magique…
Mais à voir ce que j'en fais, de mes pouvoirs
magiques, peut-être que ça aurait mieux valu de
ne pas en avoir du tout. Ils sont persuadés que
je n'arriverai jamais à rien…'
'Mais tu as fait des progrès
pourtant,' tenta de le consoler Blaise. 'Tu
sais même créer des flammes…'
'Elles sont vertes, Blaise.
C'est risible…' rétorqua Marius
d'un ton amer.
Blaise, par contre, retournait
chez ses parents passer les fêtes en famille. Même
si une part de lui aurait bien voulu quand même
rester avec ses amis, les siens lui manquait. Après
tout, il n'avait encore que 10 ans…
'Vous continuerez à chercher,
hein ? Même quand je ne serais plus là ?
Et si vous trouvez quelque chose, que Rook m'envoie
sa corneille… Papa adorera ça !'
Car depuis qu'ils avaient
appris qu'un certain Nicolas Flamel était
impliqué dans l'histoire, ils avaient passé
tout leur temps libre à la bibliothèque, tentant
de découvrir qui il était. C'était en effet
le seul indice en leur possession pour découvrir
ce qui était caché sous le plancher du couloir interdit
du troisième étage, sous les pattes massives de
Fluffy, le chien aux trois têtes.
Quand Hagrid avait appris cela,
le dernier jour avant les vacances, alors qu'il
apportait un des derniers énormes sapins qui décoreraient
la Grande Salle, il avait semblé assez agacé.
'Eske je n'vous avais
pas dit d'oublier tout'cett'histoire ?'
'Mais Hagrid, on veut juste
savoir qui est ce Nicolas Flamel…'
'Bien sûr, si vous vouliez
nous le dire, cela nous éviterait bien des recherches…'
Mais Hagrid avait juste froncé
les sourcils, sans ajouter un mot, et ils l'avaient
laissé pour se rendre en vitesse à la bibliothèque.
Malheureusement, leurs recherches
n'avaient pas encore abouti ce jour-là. Il
fallait dire que cela n'avait rien de simple,
étant donné qu'ils ignoraient tout de ce personnage
à l'exception de son nom. Avait-il seulement
réalisé quelque chose qui fut digne d'être
rapporté dans un livre ? Aucune trace dans
Great Wizards of the Twentieth Century, ou
dans Notable Magical Names of our Time, non
plus dans Important Modern Magical Discoveries
ou A Study of Recent Developments in Wizardry…
Mais il y avait encore des dizaines de milliers
de livres, sur des milliers d'étagères, dans
des centaines de rangées étroites… Ce serait
vraiment un sacré bout de chance s'ils trouvaient
jamais quelque chose, mais ils ne se décourageaient
pas pour autant.
Blaise avait allègrement entamé
ses recherches en dressant une liste de titres et
de thèmes où le nom de Nicolas Flamel aurait pu
apparaître, et il les parcourait méthodiquement.
Marius travaillait plus intuitivement –
comme il le disait lui-même – mais les
deux autres avaient la furieuse impression qu'il
se contentait de prendre des livres à gauche à droite
et plutôt franchement au hasard…
Rook, lui, s'aventurait
plus souvent qu'il n'eut fallut du côté
de la Restricted Section. Il ressentait un étrange
attrait pour ces étagères remplies de vieux livres
poussiéreux et mystérieux…, et ce ne semblait
cependant pas être l'espoir d'y trouver
une allusion à Nicolas Flamel. Il avait l'impression
de se retrouver devant de vieux amis oubliés, qui
l'auraient attendu là une éternité, confiants
cependant en son retour. Il aurait tout donné pour
pouvoir y jeter un œil, mais il fallait une
autorisation spéciale signée d'un professeur
pour pouvoir avoir accès aux livres qui y étaient
entreposés. Seuls quelques étudiants de septième
année faisant des recherches poussées pour le cours
de Défense contre les Forces du Mal pouvaient consulter
ceux-ci. Ces livres, en effet, traitaient tous de
Magie Noire, une matière qui, comme Rook le savait
très bien, n'était pas enseignée à Hogwarts
– une matière, aussi, qui le passionnait.
Sa présence répétée aux abords
de la Restricted Section avait fini par attirer
l'attention de Madam Pince, la bibliothécaire,
et il avait dû se résoudre à se rabattre sur des
livres moins intéressants mais surtout plus innocents
afin de détourner ses soupçons. Ils n'avaient
en effet pas oser lui demander où ils pourraient
trouver des renseignements sur Nicolas Flamel :
ceci aurait risqué de remonter aux oreilles de Snape,
et après l'incident du match de Quidditch,
ils préféraient se faire les plus discrets possible
sur ce qu'ils savaient exactement… même
si, tout compte fait, cela s'avérait bien
peu.
Chez les sorciers, le jeu d'échec ne différait guère de celui des Muggles, à l'exception du fait que les pièces étaient animées, et se permettaient souvent de commenter chaque mouvement du jeu. Les pièces de Marius avaient appartenus à son grand-père, elles étaient vieilles et plutôt madrées. Rook, qui avait eu le jeu de Blaise à prêter, avait un peu de mal à s'en faire obéir, celles-ci ne lui faisant aucunement confiance et avec raison : Rook ne gagna pas une seule fois. Marius était un fin stratège et ses combines, bien que parfois un peu compliquées, le menaient à chaque fois à la victoire, à sa grande joie. Bien que cette situation l'énerva légèrement, Rook était content qu'il y ait au moins un domaine où Marius se défendit, celui-ci ayant grand besoin de prendre confiance en lui. Il se promit pourtant bien de le battre un jour…
Il ne restait dans tout le château que les professeurs, eux-même et les quatre frères Weasley : Ron, l'Attrapeur, les jumeaux Fred et George et enfin Percy, préfet des Gryffindor. Les parents Weasley étaient en effet partis passer les fêtes en Roumanie, où travaillait l'aîné Charlie à étudier les dragons.
'C'est extraordinaire… Rook, peut-être que tu l'as déjà rencontré, ce Charlie, dans ton pays ?' s'était exclamé Marius, alors qu'ils s'étaient, les jumeaux et eux, retrouvés dehors par un bel après-midi.
'C'est grand la Roumanie…' fit Rook d'un air taciturne. 'Et pour rencontrer les dragons, il faut aller dans les montagnes.'
Dans un premier temps, Rook avait regardé d'un drôle d'œil cette amitié naissante entre les terribles jumeaux et Marius. Mais il avait bien dû reconnaître que les deux Weasley étaient d'agréable compagnie, plein d'humour et de bonne humeur, et surtout, pas en reste de malice. "Des Gryffindor ascendants Slytherin", avait dit Marius en plaisantant. Rook ne s'étonnait plus de les voir si bien s'entendre avec l'albinos… Ron Weasley, par contre, ne décolérait pas. Ses frères – ses propres frères ! – le trahissait en frayant avec l'Ennemi ! Le dernier match de Quidditch n'avait-il pas suffit à leur ouvrir les yeux sur la traîtrise de ceux-ci ? Cependant, comme il ne tenait pas particulièrement non plus à se retrouver seul avec Percy – on s'amusait beaucoup moins en effet avec celui-ci –, il avait bien dû se résoudre à les rejoindre. Mais il se tenait soigneusement à l'écart des deux Slytherin, de Rook surtout, qu'il ignorait royalement. De son côté, le brun ne faisait pas preuve de plus d'amabilité. Cette situation amusait fort Marius et les jumeaux qui s'échangèrent alors un clin d'œil : ils allaient y mettre leur grain de sel.
'Nous trois contre les imbéciles !!' s'exclamèrent-ils soudain, et une pluie de boules de neige assaillit les deux autres.
Percy Weasley, le frère aîné, préfet de son état et soucieux en chaque occasion de le rappeler, même pendant les vacances, accourut aussitôt.
'Fred ! George ! Cessez tout de suite, vous…'
Mais une boule de neige le frappa à son tour en plein visage.
Il y eut alors un silence, pendant lequel Rook et les deux autres Weasley eurent à peine besoin de se concerter. Les jumeaux et Marius firent précipitamment retraite alors que s'amorçait la riposte.
Quand Rook et ses deux alliés temporaires jugèrent que les trois autres avaient assez avalé de neige comme cela, ils se laissèrent tomber sur le sol, tentant de récupérer leur souffle. Ils étaient tous les six trempés et épuisés, mais leur lutte commune n'avait en rien altéré l'aversion de Ron Weasley pour Rook.
'Ron ne digère pas la petite bousculade qu'il y a eu entre vous, au dernier match…' fit George Weasley, goguenard, en regardant son cadet.
'Bousculade !! C'était de l'anti-jeu, oui !' s'étrangla le roux.
L'autre jumeau, qui devait donc être Fred, puisque le premier était George, ricana.
'Ron a toujours été teigneux…'
'Rancunier…'
'Et emporté,' se moquèrent ses frères, alors que le concerné, virant au rouge, ne faisait rien pour démentir leur propos.
'Il devrait s'estimer heureux qu'on lui joue de ces petits tours… il aura ainsi à chaque fois une excellente excuse pour expliquer ses échecs à attraper le Snitch…' lâcha négligemment Rook.
Marius gloussa et les jumeaux prirent une mine faussement choquée. La réaction de leur cadet ne se fit pas attendre.
'On se fiche bien de tous vos coups bas,' cracha-t-il alors que ses yeux étincelaient de colère. 'De toute façon, cette année, la coupe ira à Gryffindor !'
Et sans rien ajouter de plus, il se leva et les quitta.
'Je crois que je l'ai vexé…' murmura doucement Rook, une lueur de malice dansant dans ses yeux sombres.
'Non, sans blague ?'
Les jumeaux, Marius et lui s'esclaffèrent alors bruyamment, se moquant du Gryffindor, qui se retourna et leur jeta un regard courroucé.
'Fred, George, vous me faites vraiment honte…' lâcha Percy, levant les yeux au ciel.
'C'est toi qui nous fait honte, Perce. Préfet ! Comment as-tu pu nous faire ça ?!!'
Percy se redressa, piqué au vif, ramenant la main à sa poitrine sur son insigne de préfet. Ou plutôt à l'endroit où aurait dû se trouver son insigne…
'Oh ho…'
Les jumeaux et Marius déguerpirent soudain, poursuivis par un Percy furieux, qui les sommait en hurlant de lui rendre son badge.
Rook resta seul, et secoua la tête.
'Vraiment impossibles ces trois-là…'
Il enviait presque leur insouciance…
'Joyeux Noël,' fit la voix encore un peu endormie de Marius, qui sortit du lit pour aller voir ses propres cadeaux.
'Joyeux Noël, Marius…'
Rook s'empara du premier paquet. Il lui venait d'une de ses tantes, la plus jeune, celle qu'il préférait… surtout parce que c'était aussi sa marraine. Ariella… Il lut lentement la courte lettre. La jeune femme avait dû se cacher pour lui envoyer son présent… mais ces quelques mots gribouillés à la hâte lui mirent du baume au cœur en ce jour particulier. Il défit le paquet et découvrit un médaillon au bout d'une chaînette. Il ouvrit le pendentif joliment décoré qui produisit alors une petite musique. Au cœur de celui-ci, il vit une vieille photographie. Deux jeunes filles lui souriaient en se tenant la main. L'une d'elle lui fit un clin d'œil. Il reconnut Ariella. Et la jeune fille à ses côtés, au sourire un peu grave… Cette jeune fille avaient les même yeux que lui. Des yeux sombres, gris acier, aux éclats changeants d'améthyste. Sa mère… Sa mère qui avait ainsi posé jadis, un après-midi d'été, avec sa cousine préférée – Ariella, ses frères et sœurs, même s'il les appelait oncles et tantes, étaient en fait les cousins de sa mère.
La mélodie se tut alors qu'il refermait le pendentif d'un geste sec. Le visage sombre, il finit par passer celui-ci autour de son cou et s'intéressa à ses autres présents. Le deuxième paquet était de Hagrid. Il découvrit dans celui-ci une sorte de sifflet, visiblement taillé à la main dans le bois. Il le porta à ses lèvres et il en sortit un son semblable au craillement d'une corneille. Il sourit : il aurait de quoi se défendre si Jet revenait lui crier dans les oreilles…
Il ouvrit le paquet suivant.
'Une écharpe… Il n'y a pas de mot, qui… ?'
'Oh,' fit Marius, qui venait de s'affubler d'une écharpe toute semblable, tricotée main, aux couleurs de Slytherin. 'C'est sûrement maman… Je lui avais dit que tu étais fâché avec ta famille, et que tu ne t'attendais pas à des cadeaux… Ça ne t'ennuie pas ?'
'Non, pas du tout, c'est très gentil de sa part,' fit Rook en prenant l'écharpe.
Il était touché par cette attention, même s'il ne savait comment l'exprimer. Sa propre famille, à l'exception de sa très chère Ariella, l'ignorait, et il recevait des cadeaux de gens qu'il n'avait même encore jamais rencontré… Il en était heureux, et attristé en même temps.
Il restait encore deux paquets. Le premier contenait une boîte entière de Chocolate Frogs, envoyée par Blaise. Le petit garçon avait aussi envoyé à Marius un paquet de Bertie Bott's Every Flavour Beans, les friandises préférées de celui-ci. Rook ouvrit alors le dernier présent…
'Qu'est-ce que… ?'
Marius se tut bouche-bée, alors que Rook, aussi surpris, étendait devant lui le morceau de tissu que contenait le cadeau. Cela ressemblait à une cape… Une cape faite dans une matière très particulière, très légère et d'une teinte indéfinissable, et qui semblait couler comme de l'eau entre ses doigts.
'Une Invisibility Cloak…' fit Rook d'une voix sourde, encore marquée par la surprise.
'Crénom !! Ça c'est cool ! Mais qui t'envoie ça ?'
Il n'y avait qu'une petite carte qui accompagnait le paquet. Elle n'était pas signée, et Rook n'en reconnut pas l'écriture. Elle disait :
Ton
parrain m'a laissé ceci avant sa mort.
Il
est temps que tu en hérites.
Fais
en bon usage.
Un
très joyeux Noël à toi.
'Ton
parrain ?'
'James Potter…'
murmura alors Rook.
Le brun demeura longtemps silencieux,
contemplant la carte. Qui lui avait envoyé ceci ?
La Cape de son parrain… Celui-ci avait perdu
la vie, ainsi que toute sa famille, en tentant de
le protéger. Cette Cape aurait dû revenir à son
fils et non pas à lui. Mais le petit Harry avait
succombé. Voldemort les avaient tous tués,
avant de s'en prendre à sa mère et à lui.
Et lui seul avait survécu… Ses mains se refermèrent
sur le doux tissu, le froissant légèrement.
La voix joyeuse de Marius le ramena
au présent.
'Allez, essaie-là… !
Mets-là Rook… Dis, tu me la prêteras, dis ?'
Rook se redressa et se drapa dans
la Cape, constatant que son corps avait disparut.
Il se planta devant la glace et ne vit que son visage,
sombre et préoccupé, suspendu dans le vide. Il rabattit
alors un pan du tissu sur sa tête et le visage disparut,
alors que Marius applaudissait, enthousiaste. Mais
si la Cape pouvait effacer son reflet, Rook regrettait
qu'elle n'ait pas aussi le pouvoir de
soulager son cœur en en supprimant les tourments…
L'après-midi, Marius et lui rejoignirent les jumeaux Weasley dehors pour une nouvelle bataille mémorable de boules de neige – cette fois Ron ne daigna pas les rejoindre, mais personne ne s'en plaignit, le garçon était vraiment d'humeur trop querelleuse. Ils ne rentrèrent qu'au moment du thé, où ils se gavèrent tous les quatre de sandwiches et de gâteaux jusqu'à en avoir le ventre plein. La journée entière se passa ainsi sans qu'ils s'ennuient un seul instant – Fred et George connaissaient plus d'histoires drôles que jamais Rook ne pourrait en retenir –, mais à aucun moment, la pensée de l'Invisibility Cloak cachée sous son oreiller ne quitta le brun.
Au soir, ils se séparèrent pour regagner leurs dortoirs respectifs. Marius, le ventre rempli de dinde rôtie, heureux et repu, tomba de suite endormi. Rook se releva alors silencieusement pour prendre la Cape. Il joua un instant à la faire glisser entre ses doigts, si douce, si légère… La Cape de son parrain. Fais en bon usage, disait le message.
Il l'essaya à nouveau. Regardant ses pieds, il ne vit rien d'autres que les rayons de lune passant au travers du soupirail. Il était invisible…
Fais en bon usage.
Rook sentit sa détermination s'affermir. Ainsi, le château entier lui était ouvert… il était libre de le parcourir en tout sens, de se rendre où bon lui semblerait, en toute impunité… Personne n'en saurait jamais rien. Invisible et indiscernable. Insoupçonné. Invulnérable…
Il s'apprêta à sortir du dortoir. Derrière lui, il entendait le souffle régulier de Marius, profondément endormi. Non, il irait seul… Cette fois – cette première fois – il voulait être seul… juste lui, et la Cape de son parrain.
Il sortit du dortoir, gagna la salle commune et sortit dans les couloirs glacés du sous-sol. Où aller ? … Partout… N'importe où. La Restricted Section à la bibliothèque, lui souffla une voix au fond de lui. Sans plus réfléchir, il s'empressa. Son passage dans les couloirs déserts ne fut même pas trahit par le plus petit froissement…
Rook poussa la lourde porte et les étagères silencieuses de la bibliothèque s'étalèrent devant ses yeux. Il prit une lampe qu'il alluma, pour guider ses pas jusqu'au fond de la salle immense. La lampe semblait flotter devant lui tel un fantôme. Il enjamba le cordon qui délimitait la Restricted Section. Il put alors lire les titres des livres interdits si tentants… L'atmosphère semblait plus lourde, ici, plus sombre, plus épaisse… et c'était comme s'il entendait des milliers de voix chuchoter sur son passage, mais Rook n'avait pas peur. Il promenait ses doigts sur les reliures anciennes, dont certaines avaient le titre écrit dans une langue qu'il ne connaissait pas, et d'autres n'avaient pas de titre du tout. Son doigt frôla un volume épais dont le cuir était maculé d'une tache sombre qui ressemblait furieusement à du sang… Il ne savait pas par où commencer, les voix semblaient se faire plus fortes, oppressantes… Il s'arrêta, indécis. Ses mains se figèrent alors, tandis que son sang se glaçait dans ses veines. Les livres tremblaient.
Ce n'avait été qu'un léger frémissement tout d'abord, comme un frisson sur son passage. Mais le frisson s'était amplifié. Les livres vibraient maintenant, et le bruissement de ceux-ci emplit la bibliothèque, accompagné par le bruit sourd des étagères prises de soubresauts. Les chuchotements s'étaient faits plaintes, gémissements… Les livres voulaient être touchés… ils voulaient êtres pris, ouverts… ils voulaient être lus… Lus par Rook. Mais Rook demeurait pétrifié…
Soudain une plainte aiguë surgit des livres, et certains sautèrent littéralement des rayonnages, comme projetés par quelque esprit malin. Rook lâcha la lampe qui tomba et s'éteignit, le plongeant dans la pénombre, alors que les livres hurlaient toujours et se jetaient à terre autour de lui comme des fans en furie devant leur idole. Quelqu'un entra alors. C'était Filch. Ses grands yeux pâles et furieux parcoururent la bibliothèque avant de se précipiter vers Rook, mais il ne voyait pas celui-ci. Les voix s'étaient tues, les livres avaient cessé de bouger et Rook se précipita dans l'allée parallèle, évitant le concierge et se ruant, terré sous la Cape, hors de la salle.
Il courut droit devant lui, le cœur battant, prenant des couloirs au hasard, à moitié paniqué, tentant de mettre au plus vite la plus grande distance entre la bibliothèque et lui. Au bout d'un moment il s'arrêta pour récupérer son souffle, scrutant les alentours en tentant de se situer. Il faisait sombre, il ne reconnut pas l'endroit. Il s'était perdu… Il entendit alors la voix de Filch.
'Vous m'aviez demandé d'ouvrir l'œil, et de surveiller si quelqu'un rôdait dans les couloirs la nuit, professeur. Et je suis sûr qu'il y avait quelqu'un dans la Restricted Section de la bibliothèque…'
Rook serra les mâchoires. Filch avait dû prendre un raccourci et il revenait maintenant dans sa direction et il était accompagné par…
'La Restricted Section,' répondit une voix basse et dangereusement douce. 'Alors ils ne doivent pas être loin… Nous allons les rattraper.'
Traînant derrière lui les pans de sa cape noire, qu'il avait passé au-dessus de sa chemise de nuit, Snape s'avançait d'un pas pressé, Filch trottinant derrière lui. Rook avala péniblement sa salive. Snape était bien la dernière personne qu'il eut voulu rencontrer lors d'une discrète ballade de nuit… La Cape le rendait invisible, bien sûr, mais elle n'effaçait pas son volume… Or, le couloir était étroit. Les deux hommes ne manqueraient pas de le heurter à leur passage, et il serait découvert… Il recula doucement, cherchant à faire le moins de bruit possible. Il vit alors à sa gauche une porte entrouverte. Il se glissa dans l'entrebâillement, sans rien faire bouger, et entra ainsi dans la pièce à l'insu de Snape et de Filch, qui passèrent sans s'arrêter.
Il osa alors pousser un long soupir de soulagement. Cela avait été tout juste, cette fois… Il jeta un œil autour de lui, observant la pièce dans laquelle il s'était réfugié. Cela ressemblait à une vieille salle de classe désaffectée. Les pupitres et les chaises avaient été entassés dans un coin. Mais de l'autre côté, il nota un objet qui ne devait normalement pas faire partie du mobilier d'une classe. C'était un miroir. Un miroir immense et magnifique qui montait jusqu'au plafond, avec un cadre d'or sculpté, posé sur deux pieds munis de griffes comme des pattes de lion. Une inscription était gravée au-dessus du miroir, Rook lu : Erised stra ehru oyt ube cafru oyt on wohsi.
Renonçant à comprendre, Rook s'approcha. Il avait ôté sa Cape mais ne voyait pas encore son reflet. Il se planta alors tout juste devant le miroir et regarda. Ses lèvres laissèrent alors échapper un gémissement. Ses yeux s'écarquillèrent…
'Tu n'auras qu'à venir avec moi ce soir…'
'Voir des livres-poltergeist ? Non merci ! On devrait plutôt en profiter pour essayer de trouver qui est Nicolas Flamel, non ?' suggéra Marius.
Mais Rook secoua la tête. Il se fichait bien de Nicolas Flamel. Que pouvait lui importer maintenant le chien à trois têtes et ce qu'il cachait ?
'Non, je retourne voir le miroir…'
'Le miroir ? Mais qu'est-ce qu'il a ce miroir ?'
Mais Rook ne répondit pas. Il n'avait pas pu expliquer à Marius ce qu'il avait vu dans le miroir, il avait déjà lui-même du mal à comprendre. Mais sa vision l'avait torturé depuis, l'empêchant de fermer l'œil de toute la nuit.
'Rook… ? T'es bizarre…'
'Marius… Dis-moi, qu'est-ce que tu vois ?' fit-il d'une voix basse, serrée par l'émotion.
'Je ne vois rien…'
'Mais si… regarde… Viens, viens près de moi…'
Rook se poussa un peu, amenant Marius devant lui. Il ne voyait plus rien dans le miroir maintenant, mais il sentit Marius tressaillir.
'Alors… tu les vois ?'
'Hein ? Qui ?… Non… Je vois… mais c'est moi !'
'Quoi ?'
'C'est incroyable ! Regarde !! Je suis plus âgé, et je suis décoré de l'Order of Merlin !! First Class ! Et de l'International Confederation of Wizards !! Et… et… Oh Rook, je suis un grand sorcier !! Tu crois que ça montre le futur ?'
'Mais qu'est-ce que tu racontes ??! Ça ne peut pas montrer le futur… Regarde… C'est mes parents ! C'est ma mère !!'
Il tenta de pousser Marius, pour reprendre place devant le miroir, pour à nouveau pouvoir plonger dans l'étrange vision… Mais Marius résistait.
'Laisse-moi ! T'as pu regarder tout le temps hier, maintenant c'est mon tour !'
'Fais pas l'imbécile ! Laisse-moi la place !!'
'Non, Rook, lâch…'
'Shht !'
Un bruit soudain près de la porte les fit taire, le cœur battant. Ils avaient oublié toute prudence et ne s'étaient pas rendu compte qu'ils parlaient si fort. Ils se précipitèrent et plongèrent sous la Cape au moment même où Mrs Norris pointait son nez moustachu dans la pièce. La même idée les frappa tous deux. L'Invisibility Cloak fonctionnait-elle aussi avec les chats ? Mais Mrs Norris finit par s'éloigner.
'Allons-nous-en vite, elle est sûrement aller chercher Filch !' chuchota Marius, entraînant Rook.
Celui-ci, après un dernier regard au miroir, suivit son ami hors de la pièce.
'Hn.'
'On fait une partie d'échec ?'
'Hn…'
'Rook… Je sais à quoi tu penses ! Ne retourne pas voir ce miroir. Cet objet n'est pas net. Et Snape, Filch et Mrs Norris n'arrêtent pas de traîner dans les couloirs… c'est trop risqué.'
'On croirait entendre Blaise…'
'Blaise aurait raison ! Ce miroir est diabolique… Il montre… il montre des choses qui ne sont pas vraies !'
'Tu ne sais même pas ce que j'ai vu !' siffla alors Rook en se redressant, les yeux brillants. 'Tu ne sais rien ! Occupes-toi de tes affaires !'
Et il regagna son dortoir sans un regard en arrière. Marius resta la bouche ouverte, stupéfait de cette sortie. Rook était vraiment bizarre. C'était comme si le miroir l'avait ensorcelé. Qu'est-ce qu'il avait bien pu y voir pour le bouleverser à ce point ?
Rook trouva le chemin beaucoup plus facilement cette fois, et il ne rencontra personne. Il alla de suite devant le miroir, et s'assis juste devant, contemplant son reflet.
Son reflet… Était-ce seulement lui, ce jeune homme souriant, au visage gai et heureux ? Ils avaient les mêmes traits certes, mais Rook n'avait jamais eu aux lèvres ce sourire qu'offrait ainsi son double à cette femme… Sa mère. Il l'avait de suite reconnue, d'après le portrait de celle-ci jeune fille, offert par Ariella. C'était à cette femme, douce et belle, aux yeux pétillants de malice, qu'elle aurait dû ressembler alors si elle avait vécu encore. Et cet homme à ses côtés… C'était son père, pas moyen d'en douter. Et pourtant… Rook le dévisagea longuement. Il était si différent de ce qu'il était maintenant… Le regard qu'il portait sur son fils était empreint de tant d'amour et de fierté… Rook passa rapidement sa main sur ses yeux, les essuyant.
'Ainsi… Te voilà encore, Rook ?'
Rook sursauta, sentant son sang se glacer soudainement dans ses veines. Il se retourna d'un geste vif et vit, assis sur un bureau… le professeur Dumbledore !
'Vous… vous étiez là ?' balbutia-t-il.
'Depuis le début… L'Invisibility Cloak t'empêcherait-elle de voir ?'
Et Rook fut soulagé de voir que ses yeux pétillaient d'amusement. Le sorcier plaisantait.
'Comme beaucoup avant toi, tu viens de découvrir le mystérieux pouvoir du Mirror of Erised…'
Rook se retourna vers le miroir, croisant encore une fois avec un pincement au cœur le regard de ses parents. Son père lui sourit.
'Je ne comprends pas…'
'Que te montre-t-il ?'
'Je vois… je me vois. Heureux. Avec mes parents… Comme si…'
Il s'interrompit.
'Comme si… ?'
Rook acheva dans un souffle : 'Comme si rien n'était arrivé…'
Dumbledore se tut un instant, et il n'était pas facile de savoir à quoi il pensait, son visage ainsi fermé. Il reprit cependant.
'Et ton ami Marius s'y voit comme un grand sorcier… puissant et respecté… Ne comprends-tu pas encore ?'
'Co… comment savez-vous ça ?'
'Je n'ai pas besoin d'une cape pour me rendre invisible…' fit doucement Dumbledore.
Rook se retourna à nouveau, dévisageant le vieil homme. Les yeux de celui-ci ne pétillaient plus de malice, mais ils étaient doux, compréhensifs… Il se sentit réconforté, mais il ne comprenait toujours pas.
'Si l'homme le plus heureux de la terre regardait dans ce miroir, il n'y verrait rien d'autre… que son propre reflet. Cela t'aide-t-il ?'
Rook réfléchit, avant de hocher la tête.
'Il nous montre le bonheur ?'
'Pas exactement… Il nous montre juste le plus profond, le plus cher et désespéré désir que nous ayons au fond de notre cœur… Marius, par exemple, qui a toujours eu des difficultés à contrôler ses pouvoirs, s'y est vu célébré pour ceux-ci, ses capacités enfin reconnues et récompensées par tous. Et toi… Toi, tu te vois avec ta famille, comme si…'
'Comme si je n'avais pas été celui que je suis. Comme si… je n'avais pas été cause… de la mort de ma mère…'
Cette phrase, Rook avait eu toutes les peines du monde à la prononcer, sa gorge lui serrant à lui faire mal. Une ombre de tristesse passa dans les yeux de Dumbledore.
'Rook… Ce n'est pas ta faute. Seul Lord Voldemort est cause de ce malheur. Il savait qui tu étais, certes. Il désirait ta mort... Mais personne ne l'a obligé à s'en prendre à ta mère également. Il n'avait rien contre elle, ni contre les Potter. Mais il aimait tuer… Je te le répète, seul Voldemort est responsable de tout ce gâchis…'
'Mais si je n'avais pas… si je n'avais pas été là. Si je n'étais pas né…'
'Si tu n'étais pas né…? Mais qui peut dire ce qui ce serait passé alors ? Pas le miroir en tout cas. On ne construit pas une vie avec des si, Rook.'
Rook baissa la tête, serrant les poings. Il sentit un poids quitter ses épaules, et se desserrer l'étau qui comprimait sa poitrine. Dumbledore avait raison. Seul Voldemort était responsable de son malheur. Et le miroir ne montrait pas la vérité… Si rien de tout ceci ne s'était passé, Voldemort serait peut-être encore là, tout puissant… Ils y auraient eu bien peu de chance pour que lui et ses parents vivent heureux comme dans la vision…
'Je vais déplacer le miroir, Rook. Ne cherche pas à le retrouver… il n'apporte ni connaissance, ni vérité. Des hommes sont devenus fous en s'y regardant, ne sachant si ce qu'ils y voyaient était vrai ou pourrait même seulement un jour arriver. Ça ne fait pas grand bien de s'installer dans les rêves en oubliant de vivre, n'oublie pas ça. Si d'aventure, tu te retrouvais à nouveau un jour en face de lui, tu seras désormais averti. Maintenant, remets ta Cape si merveilleuse et retourne te coucher…'
Rook se leva et s'exécuta, silencieusement, perdu dans ses pensées. Il allait sortir quand Dumbledore le retint un instant.
'Et, Rook… Je voudrais ajouter… Ne perd pas non plus l'espoir de voir un jour ton père te regarder avec amour et fierté…'
Rook se figea. Comment Dumbledore savait-il ? Il n'avait rien dit sur son père, et le vieux mage n'avait pas pu voir ce que lui voyait dans le miroir, puisque lui-même n'avait pu voir ce que Marius y discernait. Alors ? Rook eut à nouveau la désagréable impression que, comme le Mirror of Erised, Dumbledore était capable d'aller lire tout au fond de son âme… Mais quand il se retourna, la pièce était vide.
Dumbledore et le miroir avaient disparu.
