Chapitre Dix : Nicolas Flamel (25/05/2003 upd : 10/08/2003)

– CHAPITRE DIX –

Nicolas Flamel

'Grrmmmffffh… Rook ?'
Marius se retourna paresseusement dans son lit en soupirant, avant de se décider à se lever.
'Rooooook…'
Le garçon jeta un œil vers le lit de son camarade, et vit à travers les rideaux entrebâillés du baldaquin que celui-ci était vide. Le visage préoccupé, il se hâta de s'habiller et traversa en silence le dortoir, prenant garde à ne pas réveiller au passage le petit Blaise.
On était à la veille de la reprise des cours et la plupart des élèves étaient déjà revenus. Il grimaça en passant devant les lits de Malfoy, Crabbe et Goyle. Bien que cela le tentât particulièrement, il savait ne rien pouvoir leur faire. Le trimestre précédent, Malfoy avait tracé une ligne ensorcelée séparant et protégeant leur partie de dortoir du reste, et à part lui et ses deux sbires, personne n'était habilité à la franchir. Sans écouter les conseils de Rook, Marius avait cependant tenté le coup pendant les vacances, estimant que sans la présence de Malfoy dans les environs, le sortilège était peut être devenu caduc. Madam Pomfrey – pas trop étonnée de le voir de retour à l'infirmerie après tout, il y était abonné – avait quand même eu fort à faire pour lui remettre le nez au bon endroit…
'La prochaine fois, tu feras attention à ne pas le fourrer n'importe où,' s'était contenté de dire Rook, et Marius, vexé, lui avait tiré une triple langue bleue.
'Il assure en mauvais sort, le Malfoy,' avait sifflé Rook, avec une nuance d'admiration dans la voix qui avait fortement déplut à l'albinos.
Marius parcourut le couloir étroit et glacial jusqu'aux escaliers, et descendit pour rejoindre la salle commune. Comme il s'y attendait, Rook y était, toujours en pyjama, recroquevillé dans un des fauteuils, ses yeux vagues fixant les flammes vert et argent du feu flambant dans l'âtre. Silencieusement, Marius le rejoignit.
'T'as encore fait un mauvais rêve, hein… ?'
Rook tressaillit et se tourna vers lui. Perdu dans son songe, il ne l'avait pas entendu s'approcher. Il lut dans les yeux pâles de son ami toute l'inquiétude que celui-ci éprouvait.
Comme Dumbledore le lui avait formellement enjoint, Rook n'avait pas cherché à retrouver le miroir. Mais ce qu'il y avait vu continuait de le hanter malgré tout, et il avait commencé à faire des cauchemars. Il voyait dans son sommeil sa mère disparaître dans un éclair de lumière verte, alors qu'un rire aigu résonnait désagréablement à ses oreilles. Chaque nuit, le même rêve… le même rire effroyable.
'Tu devrais en parler à Dumbledore…' fit sérieusement Marius. 'Tu ne peux pas continuer ainsi, tu as une mine affreuse.'
'Je vais bien, Marius.'
'Va voir Madam Pomfrey au moins…'
Mais Rook se leva en secouant la tête et l'autre le suivit des yeux, désapprobateur.
'Attends-moi, je vais m'habiller…', fit le brun avant de quitter la salle.
Quand Rook redescendit, un petit Blaise baillant à s'en décrocher la mâchoire l'accompagnait, et tous trois gagnèrent la Grande Salle, encore à moitié vide à cette heure matinale.
Mis au courant de leurs aventures pendant son absence, Blaise fut profondément déçu. Qu'ils n'aient pas trouvé qui était Nicolas Flamel, tout d'abord. Qu'il n'ait eu lui aussi la possibilité d'essayer la Cape merveilleuse, ensuite. Rook ne lui parla cependant ni du miroir ni de ses rêves, et somma Marius d'un regard impérieux de n'en rien faire non plus : le petit garçon était déjà suffisamment impressionnable comme cela. Et puis – surtout –, il ne voulait pas avoir une deuxième nounou sur le dos, qui le dévisagerait à tout bout de champs d'un air inquiet.
Dès le début du deuxième trimestre, Blaise et Marius recommencèrent donc à feuilleter les livres de la bibliothèque pendant les récréations, mais leur espoir de trouver un jour quelque chose sur Nicolas Flamel s'amenuisait de plus en plus. Blaise était pourtant certain d'avoir déjà lu ce nom quelque part et enrageait de ne pas pouvoir se souvenir où…
Rook n'avait guère le temps de les aider, l'entraînement de Quidditch ayant repris. Marcus Fint était survolté. Bien que Slytherin fut en tête du championnat, il n'avait aucune intention de laisser son équipe s'endormir sur ses lauriers. Il savait trop qu'il n'était pas rare en Quidditch de voir de surprenant retournement de situation et ne voulait courir aucun risque avec la nouvelle équipe de Gryffindor. Les Ravenclaw, qu'ils devaient rencontrer au prochain match, n'étaient pas non plus à prendre à la légère. Il avait ainsi programmé plusieurs entraînements par semaine, et même la pluie qui tombait à verse après avoir chassé la neige n'arrivait à tempérer ses ardeurs. Rook ne s'en plaignait cependant pas, il s'était vite rendu compte que rentrer épuisé des séances d'entraînement lui faisait faire moins de cauchemars.
Ce jour-là, toutefois, Flint était en retard – fait très inhabituel et même remarquable – et les joueurs attendaient sous des trombes d'eau en frissonnant que leur Capitaine daigne arriver. Bientôt ils discernèrent sous le rideau de pluie la silhouette de troll bien connue de Flint.
'Séance annulée !!' leur claironna celui-ci, qui en semblait singulièrement réjoui.
'Keskispass' ?' demanda de sa voix basse et atone Bletchley, leur Gardien.
'Je vous expliquerais, mais tout d'abord, si vous persistez à vouloir rester planté là par ce temps de chien, vous allez finir par tous attraper la crève et ce serait vraiment idiot !' clama Flint. 'Allez allez, rentrez vous changer !'
Claquant des dents, les garçons furent trop heureux de lui obéir, s'interrogeant quand même sur l'origine de ce revirement : Flint ne s'était jusque là jamais soucié de leur éviter un entraînement pour cause de conditions climatiques défavorables. Mais ils comprirent vite le pourquoi de ce subit regain de confiance en leur prochaine victoire.
'Ce qui se passe, les gars, c'est qu'on n'a plus aucun souci à se faire pour le prochain match,' leur annonça Flint alors qu'ils achevaient de mettre des vêtements secs. 'Devinez seulement qui va arbitrer ?! Je vous le donne en mille : Snape en personne ! Qu'est-ce que vous dites de ça, hein ?'
'Ce que j'en dis ?!' s'exclama Pucey. 'C'est qu'on va en faire qu'une bouchée, des Ravenclaw ! Avec Snape comme arbitre, même manchot, on ne pourrait pas perdre !!'
Et les autres d'approuver bruyamment. Leur propre Directeur comme arbitre… que rêver de mieux ? Non, il n'y avait vraiment plus à s'inquiéter. Le championnat était à eux ! Et sans se fouler, encore !
Seul dans son coin, le visage sombre, Rook se garda bien de manifester son trouble. Pourquoi était-ce soudainement Snape qui arbitrait le match ? Cela ne lui disait rien qui vaille. Il n'était pas sûr que cela soit si positif que cela que le professeur de Potions puisse se tenir aussi près de lui pendant le match…

*
'Snape ? Arbitrer le match ? Mais alors on va gagner les doigts dans le nez… !' gloussa Marius, quand Rook eut regagné la Grande Salle pour le dîner et les eut mis au courant.
Blaise le fusilla du regard, le faisant taire.
'Quoi ?'
'Tu ne comprends pas ? Pourquoi est-ce que Snape voudrait soudainement arbitrer un match de Quidditch ? Et ce match-là justement ? Notre équipe n'est nullement en difficulté…'
'J'en sais rien moi… Pourquoi il pourrait pas s'il a envie ?'
'Et bien moi je dis qu'il y a quelque chose de louche… Et Rook le pense aussi, pas vrai ?'
Le petit brun se tourna vers son camarade, qui avait gardé un air soucieux.
'Tu veux dire que… il mijote quelque chose contre Rook ?' fit alors Marius.
'Certainement,' affirma le petit garçon en remontant ses lunettes.
'Rook, il ne faut pas que tu joues !' fit aussitôt l'albinos, qui avait pâli.
Rook eut un demi-sourire, un peu crispé.
'Si je ne joue pas, je perdrais ma place dans l'équipe. Snape n'attend que ça…'
'Il vaut mieux perdre ta place que ta vie ! Rappelle-toi le dernier match !' s'exclama Blaise.
Mais Rook s'en souvenait très bien. Seulement il était hors de question qu'il se défile devant Snape. Il refusait de se laisser intimider. Et puis il y tenait, à sa place dans l'équipe : il aimait vraiment voler… Il promit à ses amis, inquiets, qu'il redoublerait d'attention et ne prendrait aucun risque inutile.
Rook, Blaise et Marius n'étaient pas les seuls à s'étonner de la subite passion de Snape pour le Quidditch. À la table des Ravenclaw, les commentaires allaient bon train et les membres de leur équipe pouvaient aisément se reconnaître à la figure d'enterrement qu'ils affichaient. À leurs murmures se mêlaient ceux des Gryffindor et des Hufflepuff, et c'étaient des regards peu amicaux qui croisaient les Slytherin confiants, ceux-ci affichant déjà un insolent sourire de triomphe.
Cela n'empêcha pas Malfoy de trouver de nouvelles piques à lancer à Rook.
'Au moins la présence de notre Directeur comme arbitre nous garantit la victoire, et ce, même si notre si maladroit Attrapeur laisse s'envoler son balai sans lui…' fit-il nonchalamment alors que Rook, Marius et Blaise passait devant lui dans le hall. Le blond avait parlé suffisamment haut pour qu'il puisse être sûr qu'ils l'entendent. Autour de lui, Pansy Parkinson et quelques autres élèves de Slytherin pouffèrent très inamicalement. Marius se retourna, piqué au vif.
'Laisse tomber, Marius…' fit Rook en cherchant à l'entraîner.
Les trois garçons s'engagèrent dans l'escalier menant aux cachots. Curieusement, depuis l'incident du cours d'Enchantements où Marius avait fini par frapper Malfoy, les rôles s'étaient inversés. Rook semblait nettement moins prêter attention aux moqueries de l'arrogant Slytherin, tout au contraire de Marius qui démontrait en ces occasions qu'il pouvait complètement perdre son sens de l'humour. C'était donc au tour de Rook de retenir son ami d'aller à nouveau emboutir la face railleuse du blond.
Mais Malfoy n'en avait pas encore fini…
'C'est ça, laisse tomber, Nott. C'est ce qu'il va probablement faire au prochain match, le petit Sharp : tomber, pas vrai ?'
Ce fut rapide. Tourmenté par les risques que couraient peut-être – sûrement ! – Rook en prenant part malgré tout au match avec Snape comme arbitre, risques que les paroles dédaigneuses du blond lui avaient remis encore plus nettement en mémoire, Marius se retourna soudain et brandit sa baguette en direction de Malfoy.
'NON !' crièrent Rook et Blaise en se plaquant dans un même geste contre le mur par mesure de précaution.
'Tarentallegra !' cria en même temps Marius, alors qu'un éclair surgissait de sa baguette.
Éclair qui vint percuter le mur bien au-dessus de Malfoy et ricocha en allant frapper une armure. Celle se mit à gigoter si fort qu'elle se désintégra, projetant des plaques de métal alentour avant de s'effondrer. Malfoy, qui s'était protégé des morceaux d'armure derrière la massive silhouette de Goyle, se redressa avec un rictus moqueur.
'Quel crétin… Voilà comment on jette un sort : Locomotor Mortis !'
'Marius !!'
Mais Marius n'eut pas le temps de réagir, il sentit soudain ses jambes se coller l'une à l'autre, victime du bien connu Leg-Locker Curse. Déséquilibré, il partit en arrière et dégringola les escaliers. Blaise et Rook se ruèrent à sa suite, alors que Malfoy et sa petite troupe de fans s'approchaient en ricanant pour mieux voir.
Blaise s'était empressé de murmurer la formule magique annulant le maléfice et Rook aida Marius à se relever. Le garçon grimaça en essayant de poser son pied à terre : il avait dû se faire une fameuse entorse dans sa chute. Rook était furieux et leva un visage menaçant vers le haut de l'escalier, d'où Malfoy disparut après un dernier rictus de mépris.
'Je le déteste celui-là… Je le déteste vraiment,' fit Blaise entre ses dents, ayant presque les larmes aux yeux en aidant Marius à se tenir debout.
'Ce n'est pas grave, Blaise…' le rassura Marius d'une voix banche, serrant les dents. 'Ça va aller, t'en fais pas…'
'Allez, viens. On t'emmène voir Madam Pomfrey…' fit alors Rook, en passant son bras autour de ses épaules pour le soutenir.
'Je vais finir par m'y faire adresser mes hiboux…' tenta de plaisanter Marius, pour dérider Blaise. Mais sans succès, le petit garçon garda un air abattu tout le long du chemin.
Après que Madam Pomfrey eut remis en état sa cheville ('Comment ça ! Mais, qu'est-ce qu'il a encore ?!'), Marius et ses deux amis regagnèrent leur salle commune. Ils jetèrent à peine un regard à Malfoy et à sa bande, assis près du feu, et montèrent de suite dans leur dortoir.
'Fais attention aux marches, hein, Nott…' lâcha le blond d'une voix susurrante, alors qu'autour de lui on s'esclaffait encore.
Marius gagna de suite son lit et enfonça rageusement son poing dans son oreiller.
'Si tu t'éclates la main, tu iras tout seul chez Pomfrey, cette fois…' fit calmement Rook.
'C'est sa tête que je voudrais éclater !' grinça Marius entre ses dents, alors que Blaise hochait vigoureusement la tête pour signifier son parfait accord avec ces propos.
'Une vengeance, ça se prépare, ça ne s'improvise pas…' murmura Rook. 'Tenez, passez vos nerfs sur ça en attendant.'
Et il leur lança la boîte à peine entamée de Chocolate Frogs qu'il avait reçu de Blaise à Noël. Les deux autres y puisèrent avec contentement. De son côté, Rook feuilletait tranquillement quelques livres dont Blaise ne sut lire le titre, ceux-ci étant visiblement dans une langue étrangère.
Soudain, Marius sursauta en faisant des grands yeux et Blaise crut qu'il était en train de s'étrangler. Marius, en effet, se donnait de grands coups sur la poitrine, s'efforçant d'avaler au plus vite le contenu de sa bouche, mais ce faisant, il agitait devant eux une carte, une de ces cartes de sorciers ou sorcières célèbres que l'on recevait avec chaque Chocolate Frog et que l'on pouvait collectionner. À ce moment, le petit garçon lui aussi ouvrit grand les yeux et ramena ses mains sur sa bouche, ouverte en un cri muet. Rook les dévisageait tous deux avec totale incompréhension. Il haussa un sourcil. Blaise avait commencé à pousser des petits couinements en sautillant sur place, presque hystériquement, semblant ne plus savoir quoi faire.
'Mais qu'est-ce qui vous prend à la fin ?'
'La carte !!!' glapit alors Blaise. 'Oh oh oh oooooh !!'
Et il se rua vers son lit pour fouiller dans sa valise.
Marius avait enfin réussit à avaler les trois Chocolate Frogs qu'il avait en bouche.
'LA CARTE !! Regarde la carte !!' cria-t-il à Rook.
'Ben oui, c'est la carte de Dumbledore, et al… ?'
Mais Rook se tut aussi net, et Marius fut rassuré de le voir écarquiller les yeux à son tour. Il avait enfin compris.
Rook se saisit de la carte et lut à voix haute : ' "Le professeur Dumbledore est célèbre notamment pour sa victoire sur le mage noir Grindewald en 1945, pour la découverte des douze usages du sang de dragon et pour son travail en alchimie effectué en collaboration avec Nicolas Flamel." Nom d'un serpent !! Mais qu'on est BÊTE !!'
Et Marius d'approuver à grands hochements de tête. Cette carte était la première que Rook avait eu, et aussi la plus fréquente dans les paquets de Chocolate Frogs. Ils ne savaient combien d'exemplaires ils en possédaient déjà à eux trois.
Blaise, lui, revenait soudain portant un énorme livre qu'il posa sur le lit de Marius, ce qui en fit grincer les ressorts.
'Mais qu'est-ce que c'est que ça ?'
'Juste un livre que j'avais pris à la bibliothèque pour m'aider à m'endormir. Je n'avais jamais pensé à regarder dedans…'
'Pour t'aider à t'endormir ?' fit Marius, en regardant le livre de travers. 'Tu fais comment ? Tu te cognes le crâne avec pour t'assommer ?'
Mais Rook lui fit une tape derrière la tête pour le faire taire.
'Tu as trouvé ?' fit ensuite laconiquement le brun.
'Voilà ! Nicolas Flamel !' claironna Blaise. 'C'est le seul que l'on connaisse qui ait réussi à fabriquer la Philosopher's Stone !'
'La quoi ??' s'écria Marius, et Blaise leva les yeux au ciel.
'La Philosopher's Stone…' murmura Rook, qui avait les sourcils froncés. 'Lis-nous, Blaise.'
Le petit garçon s'éclaircit la voix.

"Les anciennes recherches en alchimie avaient pour but la fabrication de la Philosopher's Stone, une substance légendaire aux étonnants pouvoirs. La Pierre peut transformer tout métal en or pur. Elle produit également l'Elixir of Life, qui rend celui qui le boit immortel.
Il y eut plusieurs témoignages de l'existence de la Philosopher's Stone au cours des siècles, mais la seule Pierre existant de nos jours appartient à Mr Nicolas Flamel, le célèbre alchimiste amateur d'opéra. Mr Flamel, qui a célébré son 665ème anniversaire l'année dernière, mène une vie paisible dans le Devon avec sa femme, Perenelle (658 ans).
"

'Alors le chien garde la Philosopher's Stone de Nicolas Flamel !!' s'exclama Marius. 'Flamel a dû avoir vent du fait qu'on voulait la lui voler, et comme il connaît Dumbledore, il lui a demandé de la mettre en lieu sûr !'
'Une Pierre qui fabrique de l'or et qui rend immortel, tout le monde voudrait l'avoir ! Pas étonnant que Snape essaie de la voler !' fit Blaise à son tour.
'Et on pouvait toujours chercher dans Study of the Recent Develoments in Wizardry…' continua amèrement Marius. 'Ce Flamel a 665 ans, on ne peut pas appeler ça particulièrement récent !'
De son côté, Rook demeura longtemps silencieux, semblant profondément absorbé dans ses pensées…

*
À la joie d'avoir enfin découvert qui était Nicolas Flamel et ce que protégeait Fluffy succéda l'angoisse et l'inquiétude du prochain match de Quidditch. Snape semblait d'humeur encore plus massacrante que d'habitude, ce qui n'était pas peu dire, et où qu'ils aillent, les trois garçons semblaient toujours tomber sur lui, ce qui finit par éveiller leur suspicion. Snape les surveillaient-ils ? Avait-il deviné qu'ils savaient à propos de la Philosopher's Stone ? Rook avait beau objecter qu'il n'y avait aucun moyen qu'il ait pu le découvrir, Blaise et Marius n'étaient pas loin de croire que le professeur était capable de lire dans leurs pensées… Et craignant que Snape cherche à tout prix le moyen de se retrouver seul avec leur ami pour lui faire un – mauvais – sort, ils ne quittaient plus celui-ci d'une semelle sous aucun prétexte.
Le samedi, quand ils l'accompagnèrent jusqu'à l'entrée des vestiaires avec leur mine lugubre, Rook eut la désagréable impression d'être un condamné à mort que l'on menait au bûcher… Il y avait certes d'autres pensées plus réjouissantes pour un sorcier. Alors qu'il échangeait son uniforme pour sa tenue de Quidditch, il écouta d'une oreille distraite les dernières recommandations de Flint : 'Écrasez ces corbeaux sans vergogne, de toute façon, l'arbitre est avec nous !' L'arbitre est avec nous… Rook ferma les yeux, tentant d'évacuer le stress qui lui torturait l'estomac.
Blaise et Marius avaient trouvé une place près de Ron – qui fit la grimace – et des jumeaux, ces derniers agitant joyeusement un calicot où l'on pouvait lire en lettre de feu L'arbitre est un vendu !. Heureusement, le texte était ensorcelé et chaque fois qu'un professeur – et surtout Snape – regardait dans leur direction le texte devenait Tous avec les bleus !, ce qui était nettement plus innocent.
'Ben vous en faites une tête,' fit George, alors que les deux Slytherin s'installaient. 'C'est pas à cause de la banderole au moins ?'
'C'est pour rire, hein…' continua Fred, désireux de ne pas froisser ses amis inutilement. 'Pourquoi tu as ta baguette Blaise ?'
'C'est par mesure de précaution…' répondit Blaise, alors que les deux Weasley le regardaient d'un air perplexe – Ron avait repris son petit jeu de Je-T'Ignore-Je-Ne-Te-Vois-Pas-Je-Ne-Sais-Même-Pas-Que-Tu-Es-Là. Le petit brun avait emprunté l'idée de Malfoy et s'était exercer à lancer le Leg-Locker Curse, comptant bien s'en servir sur Snape si celui-ci tentait quoi que ce soit contre Rook.
'Tu n'as même pas voulu que je prenne la mienne !' lui reprocha Marius d'une voix boudeuse .
'Ça c'est une deuxième mesure de précaution,' rétorqua sans sourciller le petit brun.
Les jumeaux éclatèrent de rire, et la conversation dériva un instant sur les exploits involontaires de la baguette de Marius, et ni Fred ni George ne pensa plus à questionner Blaise sur la raison de ces précautions. À ce moment il y eut un mouvement de foule qui acheva de détourner leur attention : les équipes entraient sur le terrain.
Comme pour son premier match, Rook arrivait difficilement à contenir sa nervosité. Tout ce bruit, ces élèves qui les acclamaient, toute cette excitation et cette fièvre le mettaient mal à l'aise. Il n'attendait que l'instant où il pourrait enfin monter sur son balai et s'élever dans les airs, sentir le vent caresser son visage alors qu'il prendrait de la vitesse… Mais il doutait aujourd'hui que son trouble s'évanouisse aussitôt comme lors de son premier match. Après tout, Snape était l'arbitre… Il pouvait déjà sentir son regard lourd posé sur lui.
'Dumbledore est là,' entendit-il alors Flint murmurer avec regret. 'Avec lui dans les gradins, Snape n'aura pas les coudées franches pour nous avantager…'
Alors que les visages de ses coéquipiers s'assombrissaient, un éclair fugace passa dans les yeux de Rook. Dumbledore était dans le public ? Mais alors… Flint avait raison. Il serait impossible à Snape d'agir à sa guise et de s'en prendre à lui… Rook le mettait même au défi d'essayer quoi que ce soit avec le vieux mage dans le coin. Son sourire se décrispa et c'est avec un léger rictus railleur qu'il regarda s'avancer l'arbitre.
Snape le fusilla du regard un court instant. Il semblait vraiment furieux. Le rictus de Rook s'élargit. Il allait faire un match du tonnerre…
'Snape a vraiment l'air mauvais…' murmura Blaise à Marius, dans les gradins.
Mais son ami n'eut pas le temps de répondre, il fut soudain brutalement poussé en avant.
'Oups, désolé Nott. Je ne t'avais pas vu…'
Blaise eut juste le temps de saisir Marius par le bras avant qu'il ne se retourne et ne fracasse le crâne de Malfoy avec sa propre tête. Les jumeaux et Ron s'étaient tus et dévisageaient les nouveaux arrivants – Malfoy était bien évidemment accompagné de Crabbe et Goyle. Ron fronça les sourcils d'un air excédé. La présence de tant de Slytherin près de lui semblait profondément l'énerver.
'Ça y'est, le match est commencé !' fit alors Blaise, tentant de détourner l'attention.
'À votre avis, combien de temps Sharp va-t-il tenir sur son balai cette fois ?' fit Malfoy, 'Quelqu'un veut parier ?'
Mais personne ne répondit. Même les Weasley, qui encourageaient pourtant l'équipe de Ravenclaw, se refusèrent à entrer dans le jeu du blond. D'autant plus que Snape venait d'accorder un penalty à Slytherin parce que Hanson, un des batteurs de Ravenclaw, avait essayé de frapper Bole. Tout le monde avait pourtant vu auparavant Hanson être presque désarçonné par Bole, mais pour une raison mystérieuse, Snape avait été, semblait-il, le seul à ne pas le remarquer. Alors que les Weasley maugréaient, Blaise et Marius ne quittaient pas des yeux Rook, qui tournoyait bien au-dessus des autres joueurs, fouillant le terrain à la recherche du Golden Snitch.
'On dirait que Sharp est en train de se demander comment il va redescendre…' reprit Malfoy d'un ton léger de persiflage. 'J'espère qu'il ne va pas prendre exemple sur Nott…'
Marius sentit le rouge lui venir au front et Blaise dû le retenir une fois de plus. Le petit brun jetait de rapide coup d'œil à son ami, tout en essayant de ne pas perdre une minute du match. Snape accorda un nouveau penalty aussi injustifié à Slytherin, qui fit grincer des dents tout le stade, à l'exception des supporters de l'équipe verte, bien sûr. Davies, le capitaine de Ravenclaw, semblait avoir du mal à se retenir de sauter à la gorge de l'arbitre, qui lui n'attendait probablement que ça pour accorder un autre penalty à son équipe.
'Ce match est une honte !' grogna Ron, alors que les jumeaux furieux venaient d'annuler le sort de leur banderole, qui affichait maintenant bien à la vue de tous L'arbitre est un vendu !.
'Personne ne les empêche de tricher aussi, tant qu'ils le font à l'insu de l'arbitre !' rétorqua Marius qui avait les nerfs à vif.
'Regardez !!' s'écria alors Blaise en se levant. 'Rook !'
Rook venait en effet soudain d'amorcer une descente en piqué. Des cris d'effroi et d'enthousiasme remplirent les gradins alors que Blaise, Marius et les Weasley s'étaient levés, cherchant à discerner le Snitch. Rook fonçait vers le sol à la vitesse d'un boulet.
'Le match vient à peine de commencer, ce n'est pas possible qu'il y ait déjà repéré le Snitch !' s'exclama Ron, qui ne quittait pourtant pas Rook des yeux.
'En tout cas il a fait des progrès. Maintenant, il prend son balai avec lui pour tomber,' railla une fois de plus Malfoy.
Ce fut une fois de trop. Marius bondit comme un félin, renversant le blond au sol avant que celui-ci ait pu réagir. Crabbe et Goyle allèrent porter main forte à leur chef et les jumeaux se jetèrent à leur tour joyeusement dans la mêlée.
'VAS-Y ROOK !!' hurlait Blaise en sautant à pieds joints sur son banc, ne s'étant rendu compte de rien. Ron à son côté serraient tellement les poings que ses jointures étaient blanches. Même s'il détestait Rook, il ne pouvait s'empêcher d'admirer sa technique… ce qui le rendait d'autant plus furieux.
Rook fonçait droit sur Snape. Celui-ci s'en rendit soudain compte et eut une grimace d'horreur avant de faire un brusque écart et l'Attrapeur passa comme une flèche ne le manquant que de quelques centimètres. À l'instant même, il redressa son balai, le bras levé en signe de victoire, la main enserrant le Golden Snitch.
Il y eut un silence stupéfait dans le stade, avant que celui-ci en entier n'éclate en ovation. Les Slytherin exultaient, et même les autres supporters ne pouvaient s'empêcher d'acclamer Rook : on n'avait jamais vu un joueur attraper aussi vite le Snitch. Le match avait à peine duré cinq minutes.
'ON A GAGNÉ ! ON A GAGNÉ !! WAIIIIIIIH !!!' hurlait Blaise de toutes ses forces. 'MARIUS TU ENTENDS ÇA ? ON A GAGNÉ !!! … Marius ? Fred… George… ?! Mais qu'est-ce que vous faites ??!'
Rook venait à peine de poser le pied au sol qu'il fut assailli par son équipe, qui le félicitait à force de cris et de grands coups sur les omoplates. Snape s'était posé plus loin et était pâle de rage. Il n'avait visiblement pas apprécié la façon dont Rook l'avait chargé, mais heureusement personne ne fit attention à son expression plus que haineuse…
Alors que les Slytherin envahissaient le terrain pour mieux exprimer leur joie, Rook sentit une main se poser doucement sur son épaule. Il se retourna et se retrouva face à la figure souriante de Dumbledore.
'Magnifique piqué,' fit celui-ci à voix basse, de façon à ce que Rook fut le seul à entendre. 'Je suis heureux de voir que tu as chassé ce miroir de tes pensées… N'oublie pas, Rook, le passé est le passé. On ne peut rien y changer. Vis pleinement ton présent. L'avenir reste toujours à tracer…'
Rook hocha gravement la tête, pas certain d'avoir tout compris, puis se retourna vers son équipe. Ceux-ci le saisirent et le hissèrent sur leurs épaules pour le porter en triomphe. Il était acclamé par la foule entière. Alors Rook sentit irrésistiblement ses lèvres s'étirer en un large sourire. Une étrange chaleur avait gagné tout son corps, il ne s'était jamais senti aussi bien. Il ne le savait probablement pas, mais ce sourire qu'il affichait maintenant était bien proche de celui que son reflet arborait dans le fameux miroir magique…
*
Quand Rook quitta enfin le vestiaire, il était seul et le silence était revenu sur le stade. Il était à peu près sûr que c'était tout du contraire dans la salle commune des Slytherin, et qu'une fête de tous les diables devait y avoir été improvisée. C'est pourquoi il avait traîné en arrière des autres. Il voulait encore un peu goûter au calme… Il se surprit à sourire de nouveau. Il avait réalisé un exploit aujourd'hui… Au moins cette fois, si on l'avait célébré dans le stade, c'était pour quelque chose dont il se souvenait avoir fait. Il préférait de loin être Celui-Qui-Avait-Attrapé-Le-Snitch-Après-À-Peine-Cinq-Minutes-De-Match que Celui-Qui-Avait-Survécu ! Même si c'était sensiblement plus long… Il pouffa silencieusement. Décidément il n'avait jamais été de si joyeuse humeur… Mais son sourire s'effaça à l'instant de son visage. Une silhouette bien trop connue venait de descendre les marches du château.
Bien que l'individu en question ait pris soin de dissimuler son visage dans sa capuche, comme s'il avait craint d'être reconnu, Rook ne douta pas un instant que ce fut là Snape. Il connaissait trop sa démarche… Le professeur fila vers la Forbidden Forest, non sans jeter de temps à autre un coup d'œil par-dessus son épaule, comme pour vérifier qu'on ne l'avait pas suivi.
Que pouvait donc bien aller faire Snape dans la forêt à l'heure du dîner ? Sans hésiter un instant, Rook revint sur ses pas chercher son balai. Quand il fut de retour sur la pelouse, Snape avait disparu. Il enfourcha son balai et décolla, prenant la direction que le professeur avait empruntée.
Frôlant silencieusement la cime des arbres, Rook fouilla à travers les frondaisons pour retrouver la trace du professeur, mais sans succès. Il allait se résoudre à renoncer et s'en retourner quand des éclats de voix lui parvinrent. Il se dirigea vers le bruit et reconnu la voix de Snape. Il parlait avec quelqu'un d'autre… Rook s'approcha le plus près possible qu'il put et se posa sans bruit dans un gros chêne. Se couchant sur une des larges branches, il tendit le cou pour discerner et les interlocuteurs et leurs propos. Mais s'il voyait bien Snape, l'autre lui demeurait caché par le feuillage. Il tressaillit et manqua tomber quand il entendit sa voix. Pas moyen de se tromper… Snape était avec Quirrell !! Le pauvre type bégayait tellement qu'il était difficile de comprendre ce qu'il disait. Il semblait terrifié…
'… Pou… pourquoi n… nous… nounous… nous v…voir ici, Sev… Severus ?'
'Afin que notre discussion reste confidentielle,' fit Snape de sa voix glaciale. 'Après tout, les élèves ne sont pas sensés savoir pour la Philosopher's Stone, n'est-ce pas ? Alors… ?' fit-il plus sèchement.
'A… Alors q… qu… quoi ?'
Rook pouvait presque imaginer Quirrell trembler comme une feuille sous le regard perçant de Snape.
'Est-ce que vous avez trouvé comment passer devant ce cerbère sans se faire dévorer ?!'
Surpris, Rook manqua une fois de plus tomber de sa branche. Il se cramponna, retenant sa respiration pour ne rien perdre de la discussion.
'M… mais…' gémissait Quirrell, avant que la voix de Snape ne claque à nouveau.
'Vous ne voudriez pas que je devienne votre ennemi, n'est-ce pas, Quirrell ?'
Et Snape fit un pas menaçant en avant. La voix de Quirrell n'était plus qu'un souffle.
'Je ne… je ne ne… comprend p… p…pas…'
'Oh si, vous comprenez !' le coupa Snape. 'Vous comprenez très bien ! Je sais parfaitement qu…'
Mais un craquement sec le fit taire et il tourna la tête, scrutant les arbres. Rook recula précipitamment. Il avait voulu s'avancer plus pour mieux entendre mais la branche avait finit par protester sous son poids. Le garçon se colla au tronc, priant pour que Snape ne pousse pas ses investigations plus loin. Après quelques instants, probablement rassuré, Snape reprit la parole. Mais celui-ci le fit d'une voix tellement basse et sifflante que Rook ne put saisir que les derniers mots : "vos petits tours de passe-passe". Quirrell, de son côté, ne semblait pas en mener bien large, moitié bégayant, moitié bafouillant.
'Très bien !' l'interrompit sèchement Snape. 'Nous en rediscuterons plus tard, quand vous aurez réfléchi et choisi votre camp !'
D'un geste sec, le professeur de Potions se drapa dans sa cape noire et quitta la clairière à grands pas. Il faisait presque nuit maintenant, et Rook, qui s'apprêtait à s'en aller à son tour, arrivait à peine à discerner la silhouette de Quirrell, celui-ci semblant pétrifié sur place.
*
'ROOK !! Mais où étais-tu ? On a gagné !! Tu as gagné !! C'est super, c'est génial, c'est… Oh lala lala !!!'
Rook laissa échapper un léger sourire devant l'excitation du petit brun qui bondissait comme une puce. Il ne s'était pas trompé, la salle commune était bondée de Slytherin exultant, chantant bruyamment les louanges de leur équipe et distribuant cordialement de grandes claques dans le dos à chaque joueur qu'ils croisaient.
'Où est Marius ?' questionna le brun, alors qu'il parcourait la salle du regard.
Il remarqua du coin de l'œil que Malfoy et sa petite bande ne participaient pas à la liesse générale, assis comme à leur habitude à l'écart près de l'âtre. Le blond semblait de très mauvaise humeur et Rook se demanda si cela avait un rapport avec le magnifique coquart qu'il arborait. De plus, il ne vit nulle part Crabbe et Goyle.
'Oh tu ne sais pas ?!' fit alors Blaise. 'Marius s'est battu avec Malfoy !! Et les jumeaux aussi ! Et puis y'avait Crabbe et Goyle, et pour finir Marius a sorti sa baguette, mais je lui avais dit pourtant qu'il ne pouvait pas la prendre, et j'avais raison, et là, ils sont toujours tous les quatre à l'infirmerie mais Madam Pomfrey a dit que ce n'était pas grave et les jumeaux étaient morts de rire malgré leurs cornes et… et… ben le voilà, Marius !'
Rook se retourna et vit en effet Marius qui arrivait. Il avait la lèvre supérieure fendue, mais il semblait aller bien. Il semblait même très fier de lui. Derrière lui, Crabbe et Goyle se dépêchèrent de rejoindre Malfoy qui les toisa d'un air de profond mépris.
'Venez, j'ai des nouvelles…' fit alors Rook en entraînant ses amis sans tarder.
Ayant regagné leur dortoir et s'être assuré que personne ne pouvait les écouter, Blaise et Marius attendirent, intrigués. Rook leur raconta alors ce qu'il avait vu et entendu.
'Donc, on avait bien deviné. C'est bien la Philosopher's Stone que cache Fluffy et Snape essaye de la voler…' dit Marius.
'Et il cherche à obliger Quirrell à lui dire comment on passe devant le chien à trois têtes…' continua Blaise.
'Sans oublier qu'il y a sûrement d'autres choses qui gardent la Pierre,' fit Rook à son tour. 'Je n'ai pas bien entendu, mais Snape a parlé à un moment de "tours de passe-passe"… Peut être des sortilèges, et Quirrell doit savoir les formules magiques pour les neutraliser…'
'Donc, le seul rempart restant entre la Pierre et Snape, c'est Quirrell ?' murmura Blaise, inquiet.
Ils s'entreregardèrent et Marius résuma leur pensée à tous : 'Je ne donne pas trois jours avant qu'elle n'ait disparu, alors…'