Chapitre Douze :The Forbidden Forest (20/06/2003 ; upd 10/08/2003)

– CHAPITRE DOUZE –

The Forbidden Forest

Cette fois, ils allaient vraiment avoir du mal à s'en sortir…
Filch les avaient conduit dans le bureau de McGonagall et les y avait laissés sans un mot de plus. Blaise semblait effondré et avait remonté ses mains dans ses manches, les tiraillant inlassablement. Quant à Rook, il n'avait jamais vu le visage de Marius aussi défait. Lui-même ne devait pas avoir fière allure, pensa-t-il. Les explications les plus folles et les plus insensées se bousculaient dans sa tête, mais aucune ne lui paraissait capable de trouver grâce aux yeux de la sévère Directrice-Adjointe. Comment avaient-ils pu être assez stupides pour retirer la Cape avant d'être totalement en sécurité ? Non seulement ils s'étaient fait prendre à se balader dans les couloirs en plein cœur de la nuit, mais en plus, si l'histoire de Norbert était jamais découverte – ainsi que l'Invisibility Cloak –, ils pouvaient déjà commencer à faire leurs valises.
La porte du bureau s'ouvrit et les trois garçons se retournèrent. Ils sentirent à l'instant leurs entrailles se liquéfier. S'il avait subsisté malgré tout un minuscule espoir de s'en tirer avec juste une retenue, celui-ci venait de s'évanouir pour de bon. McGonagall venait d'entrer et, comble du désastre, Snape l'accompagnait.
'… Vraiment ! Et tout ça la même nuit !' terminait à l'instant la sorcière, qui avait dû tout relater à son confrère. 'J'aurais cru que vous auriez mieux su tenir vos élèves… !'
Le Directeur des Slytherin ne semblait pas particulièrement apprécier le fait d'avoir été réveillé en plein milieu de la nuit. Les remarques de la directrice-adjointe, qui était aussi la Directrice de la Maison de Gryffindor, n'avaient pas dû aider à améliorer son humeur : Snape était livide, et ses yeux noirs lançaient des éclairs inquiétants quand il posa ceux-ci sur Rook. Le garçon se refusa à baisser le regard, mais souhaita soudain se retrouver en face de dix Norbert adultes plutôt qu'ici, impuissant, livré en pâture à la rage du professeur de Potions.
'Je vous laisse avec eux, Severus…' fit sèchement McGonagall, avant de sortir, ignorant le regard implorant de Blaise.
Le petit brun était terrifié, et il semblait prêt à fondre en larme à chaque instant. Rook, à sa grande honte, avait fini par baisser les yeux devant le visage implacable de Snape, et il attendait, le regard sombre, le visage buté. Marius était absorbé par l'étude minutieuse des lattes du plancher, comme s'il essayait de trouver une formule magique qui lui eût permis de disparaître au travers. Formule que lui auraient probablement instantanément empruntée les deux autres…
Un sourire sans chaleur étira les lèvres de Snape.
'Quatre. Élèves. De Slytherin. Qui se promènent dans les couloirs en pleine nuit…' énonça-t-il entre ses dents d'un ton dangereusement calme. 'Oui, Monsieur Sharp. J'ai bien dit quatre. J'ai déjà eu tout le loisir de sermonner Mr Malfoy.'
Blaise, Rook et Marius s'échangèrent des coups d'œil plus ou moins paniqués. Que lui avait raconté le blond ? Est-ce qu'il avait parlé du dragon ? Snape, lui, semblait particulièrement goûter la situation. Sharp était à sa merci, et le voir perdre un peu de son insupportable assurance avait de quoi le réjouir tout particulièrement.
'Et quelle histoire extravagante croyez-vous que Mr Malfoy m'ait raconté ?' continua-t-il d'un ton qui eût pu paraître badin, sans cette lueur mauvaise qui s'était soudainement mise à briller dans ses yeux.
Snape les détailla longuement, l'un après l'autre, menaçant. Les trois garçons se tinrent coi, retenant leur souffle. C'était comme s'il s'attendait à chaque instant à ce qu'un éclair s'abatte sur eux. Peut-être était-ce aussi ce qu'ils souhaitaient de toutes leurs forces… Cela leur semblait au moins un moyen inéluctable – sinon définitif – d'échapper aux foudres de Snape.
'Une invraisemblable histoire de DRAGON !' tonna alors le professeur alors que Blaise sursautait.
Rook croisa à nouveau le regard perçant de Snape et déglutit difficilement. Ils étaient fichus. Il ne voyait vraiment pas comment ils pourraient se tirer de ce mauvais pas… Tout allait se savoir… La tempête allait se déchaîner. Il enrageait. S'il ne s'était agi que de lui… Mais ses amis allaient aussi pâtir de l'exécration que Snape lui portait, ainsi que Hagrid, qui allait probablement également être sanctionné.
'Vous avez sûrement trouvé cela très amusant, de raconter cette histoire rocambolesque à votre camarade, de façon à l'attirer hors de son lit et lui créer des ennuis… ?' siffla alors Snape en les fusillant du regard.
Les trois garçons se rejetèrent des coups d'œil, n'osant croire à ce subit regain de chance – Snape n'avait pas cru à l'existence du dragon. Il semblait que l'orage s'éloignait… Mais le professeur n'en avait pas encore fini.
'Je vous aurais cru plus soucieux du prestige de Slytherin !' cracha-t-il. Non, décidément, il n'avait pas digéré les remarques de McGonagall… 'Vous accompagnerez tous les trois Mr Malfoy en retenue. Et en dépit du fait qu'il s'agisse ici de ma propre Maison, je retire 50 points à Slytherin. 50 points chacun…' ajouta-t-il avec un rictus de dégoût.
Marius et Blaise se tassèrent sur leur siège, anéantis. Rook ne put que rester pétrifié, interdit. Snape ne les renvoyait pas. Snape ne le renvoyait pas… Il en mourait d'envie pourtant… Il savait qu'il en mourrait d'envie, qu'il ne rêvait que de ça depuis le premier trimestre… Mais c'est alors que la punition se révéla à lui dans toute sa signification, le faisant grincer des dents. 50 points chacun… Ça faisait 150 points de perdus ! Slytherin se retrouvait soudain à l'avant-dernière place. Ils venaient de ruiner en une seule nuit toutes leurs chances de remporter la House Cup. Un vrai désastre ! Tous les Slytherin allaient les haïr pour ça ! Il comprit alors… Snape n'avait pas dû apprécier de le voir reconnu et célébré par les membres de sa Maison depuis le dernier match de Quidditch. Oh non, pas du tout apprécier… Et c'est cette admiration qu'il venait de réduire à néant : Rook allait se retrouver le paria de l'équipe.
'Retournez dans votre dortoir, maintenant !' claqua finalement la voix de Snape. 'Jamais des élèves de Slytherin ne m'ont fait autant honte… Agir de façon aussi stupide… Et réussir à vous faire prendre, en plus… !'
Aucun des trois ne parvint à fermer l'œil cette nuit. Rook pouvait entendre Blaise sangloter sous ses couvertures, mais il se sentait trop mal pour pouvoir aller le réconforter. Implacablement les heures défilaient… Comment allaient réagir les Slytherin quand ils apprendraient ce qui s'était passé cette nuit ?
Les points de chaque Maison étaient comptabilisés par d'immenses sabliers entreposés dans le Grand Hall. Au matin, quand les élèves de Slytherin passèrent devant ceux-ci, ils crurent d'abord à une erreur. Comment étaient-ils possible de perdre 150 points en une seule nuit ? L'histoire commença alors à se répandre, relayée par un Malfoy trop heureux de semer la discorde : c'était Rook Sharp, le super-héros, Celui-Qui-Avait-Survécu, le formidable et incroyable Attrapeur qui leur avait offert la victoire à deux reprises au Quidditch. C'était cet idiot qui leur avait fait perdre tous ces points, lui, et deux autres crétins de première année.
Les Slytherin, qui ne brillaient pas particulièrement par un comportement sans tache, obtenait rarement des points autrement que grâce aux match de Quidditch, contrairement aux autres Maisons. Les quelques points glânés en dehors de ceux-ci l'avaient été par les rares meilleurs éléments, dont Blaise. Or, même si ceux-ci mettaient les bouchées doubles, ils auraient peu de chance maintenant, à moins d'un excellent score lors du dernier match à disputer, de compenser cette chute vertigineuse. Et ce, en comptant sur le fait que ni Gryffindor ni Ravenclaw ne marquent trop de points lors de leur propre rencontre. Ainsi donc, instantanément, comme il l'avait prévu, Rook devint la bête noire de ses pairs. On lui faisait des croche-pieds dans les couloirs, on l'insultait à haute voix, on le traitait de tous les noms… Et Malfoy, bien sûr, était toujours en première ligne pour toutes les vexations. Même les entraînements de Quidditch étaient devenus une épreuve. Les joueurs l'ignoraient, ou se contentaient de l'appeler l'Attrapeur quand ils avaient besoin de s'adresser à lui.
'Tu as beaucoup de chance d'être malgré tout un si bon joueur, et qu'on ait tant besoin de gagner le prochain match, car sinon je t'aurais déjà renvoyé de l'équipe et pris ce petit con de Malfoy à la place !' avait grondé Flint. 'Et tu as intérêt à te surpasser, je ne laisserais pas passer la plus petite erreur… On a grand besoin de remporter des points !'
Les autres Maisons, au contraire, n'avaient guère à se plaindre. Les Ravenclaw avaient compensé le très mauvais score de leur dernier match par une fièvre studieuse et acharnée, ce qui leur avaient valu le gain de nombreux points dans la plupart des cours et maintenant il avait pris la tête dans la course à la House Cup. Autant les Gryffindor que les Hufflepuff se félicitaient de la situation : cela faisait bien longtemps qu'ils espéraient tous voir les Slytherin se prendre une raclée… Ce n'était pas pour autant qu'ils compatissaient aux déboires des trois malheureux Slytherin responsables.
Rook subissait tout stoïquement, son visage un rien plus fermé que d'habitude. Rien ne semblait vraiment l'atteindre, mais ses amis sentaient qu'il rongeait son frein. Blaise et Marius, moins connus, souffraient un peu moins, mais ils avaient quand même soigneusement été mis à l'écart. Marius s'était fait discret en cours, n'osant plus lâcher aucune plaisanterie et surveillant étroitement sa baguette afin qu'elle ne fasse aucune bêtise. Les jumeaux avaient bien tenté de le dérider, arguant qu'eux aussi avaient déjà fait perdre quantités de points à leur Maison. Mais ils avaient bien dû reconnaître qu'ils n'en avaient jamais perdu 150 d'un coup… De son côté, Blaise restait tout aussi silencieux, ne prenant même plus la peine de lever le doigt pour répondre aux professeurs.
Il leur devenait dès lors très difficile de continuer à surveiller la Pierre… Snape semblait s'ingénier à croiser constamment leur chemin, scrutant la moindre trace de culpabilité dans leur regard, et il ne les quittait pas de l'œil avant qu'ils n'aient tourné le coin du couloir. Aussi étaient-ils contraint à chaque fois de se rendre à la bibliothèque, de peur que le professeur ne les suive.
Malfoy était un autre caillou dans leur soulier. Lui et sa bande s'étaient mis dans la tête de les empêcher d'encore discréditer leur Maison : eux aussi surveillaient étroitement leur moindre geste. Le blond montait maintenant dans leur dortoir toujours après eux, leur rendant impossible toute nouvelle escapade nocturne. Comme s'il était encore nécessaire d'en rajouter, les examens approchaient, et avec toutes leurs révisions, la Philosopher's Stone avait fini par passer en second plan de leurs préoccupations.
Une semaine avant les examens, cependant, celle-ci se rappela à leur souvenir. En se rendant à la bibliothèque, un après-midi, Rook entendit soudain un gémissement provenant d'une salle de classe… Tendant l'oreille, il reconnut la voix de Quirrell. Le professeur sanglotait, presque implorant…
'D'accord ! D'accord…' l'entendit-il soudain s'écrier, la voix tremblante.
Peu après, Quirrell sortait précipitamment de la salle en redressant son turban, très pâle et semblant prêt à s'effondrer sur ses jambes. Il se hâta dans les couloirs et disparut, sans avoir remarqué Rook. Celui-ci hésita un instant avant de jeter un œil dans la pièce. Celle-ci était vide, mais il vit de l'autre côté une deuxième porte entrouverte. Il allait entrer et vérifier qui était parti par-là quand il se ravisa. Il n'était pas très sorcier de deviner qui était avec Quirrell quelques instants plus tôt… Rook était prêt à parier l'Invisibility Cloak – qu'il n'avait malheureusement pas retrouvée, autre funeste coup du destin – qu'il s'agissait de Snape. Or, si c'était bien Snape, et que celui-ci le surprenait une fois de plus à fouiner, il allait encore avoir de sérieux ennuis… Il se hâta de rejoindre la bibliothèque afin de mettre ses amis au courant.
'Donc Snape sait maintenant comment passer le sortilège de Quirrell…' murmura Marius.
'Il ne reste plus que Fluffy, alors !' s'exclama Blaise.
'S'il n'a pas déjà découvert comment passer devant sans demander à Hagrid…' rétorqua Rook en jetant un œil aux rayonnages de la bibliothèque. 'Il y aurait bien mal qu'aucun livre ici ne révèle comment passer devant un chien à trois têtes.'
'On ne peut pas laisser faire ça…Il faut faire quelque chose !' fit Marius, dont les yeux s'étaient remis à briller. Mais Blaise le stoppa net dans son enthousiasme.
'Il faut tout dire à Dumbledore ! C'est ce qu'on aurait dû faire depuis le début… Si on tente encore quelque chose tout seul, on va vraiment se faire renvoyer pour de bon !'
'On n'a aucune preuve, Blaise !' objecta Rook. 'Qui nous croira ? Quirrell est bien trop lâche pour avouer qu'il a parlé, et puis… si on accuse Snape, il niera, et c'est lui que l'on croira. Ils penseront juste qu'on essaie de se venger de lui pour nous avoir retiré 150 points. Et ce n'est pas Filch qui reprendra pour nous. Il est clair qu'il aide Snape, et ce n'est pas voir trois élèves se faire renvoyer qui va l'attendrir, il n'attend que ça !'
'Et puis on n'est pas censé savoir ni pour la Philosopher's Stone, ni pour Fluffy. C'est des ennuis à n'en plus finir…' conclut sombrement Marius.
'Donc, il n'y a plus rien à faire ?' murmura Blaise, le visage défait.
'Pour l'instant, rien ! À part réviser pour les examens…'
Et Rook se saisit de son Standard Book of Spells (Grade 1).

*
Le lendemain, ils reçurent une note de Snape leur signifiant leur retenue. Ils auraient à se rendre ce soir à onze heures dans le hall d'entrée, où Filch les attendrait. Avec tout le remue-ménage qui avait résulté de la perte de leurs points, ils avaient presque oublié qu'ils avaient reçu aussi une retenue, tout comme Malfoy qui leur lança un regard venimeux.
Au soir donc, ils sortirent tous les trois de leur salle commune. Malfoy, l'air pincé, attendait déjà dans le hall avec Filch. Le concierge prit une lampe à huile en main et les emmena dehors.
Tout en ramageant sur les vieux châtiments autrefois appliqués au château et abandonnés depuis à son grand désespoir ('Ça vous forgeait le caractère, ça, au moins !'), Filch leur fit traverser les pelouses. À voir son air enjoué, les quatre garçons commencèrent à sérieusement s'inquiéter sur la nature de leur punition – bien qu'à l'exception de Blaise, aucun d'eux ne se serait abaisser à le faire paraître. Ils approchaient de plus en plus de la Forbidden Forest, ce qui confirmait leurs pires craintes, quand ils entendirent une voix crier.
'C'est vous, Filch ? Vous êtes en r'tard !'
Et la massive silhouette d'Hagrid apparut dans le faible faisceau de la lampe. Il portait une arbalète et Fang l'accompagnait. Instantanément l'appréhension qui avait envahi les trois amis se dissipa, ce qui ne dut pas passer inaperçu aux yeux de Filch.
'Oh ho… Vous croyez peut-être que vous allez vous amuser avec ce fainéant ?' fit-il d'un air narquois. 'Non non, c'est bien dans la Forbidden Forest que vous allez… Et on verra bien dans quel état vous en sortirez…'
Blaise avait immédiatement pâli et Malfoy sembla soudain perdre de sa superbe. Marius ne paraissait pas plus à l'aise mais il aurait préféré se faire foudroyer sur place plutôt que de montrer le moindre signe de faiblesse devant le blond. Quant à Rook, son visage était resté de marbre, ce qui ne voulait rien dire : après tout, ce n'était pas comme s'il avait été du genre expansif.
'Allons, Filch ! Cessez d'leur faire la l'çon ! À partir d'maint'nant, c'est moi qui les prend en charge, vous z'avez plus rien à faire ici.'
Filch renifla dédaigneusement et fit demi-tour, non sans ajouter qu'il reviendrait les chercher à l'aube avec une pelle, pour n'oublier aucun morceau.
'Je ne mettrais pas les pieds dans cette forêt !' s'exclama Malfoy d'un ton insolent quand le concierge eut disparu dans l'ombre.
Marius esquissa un léger sourire, il ne s'y trompait pas : l'arrogance du blond n'était là que pour camoufler sa panique. Hagrid se tourna vers Malfoy en fronçant les sourcils.
'Si tu tiens à rester à Hogwarts, j't'assure que t'vas y aller, dans la forêt ! 'Fallait réfléchir avant d'faire des bêtises…'
'Mais c'est un travail de domestique ! Ça n'a rien d'une retenue ! Et c'est dangereux d'aller dans cette forêt… Si mon père apprend jamais que…'
'Si tu penses qu'ton père préfère qu'tu sois renvoyé, alors rentres tout'suite et va faire tes valises ! Sinon, tu f'ras c'qu'on t'dira d'faire, et crois-moi, ce sera kek'chose d'utile pour une fois !'
Les lèvres de Malfoy tremblèrent de fureur, mais il baissa les yeux et ne dit plus un mot. Hagrid les emmena alors. Profitant que Malfoy traînait derrière en remâchant sa colère, il fit un clin d'œil aux trois autres.
'C'est moi qu'ai dit à Dumbledore qu'j'aurais sûr'ment b'soin d'aide…' leur chuchota-t-il. 'Après tout, c't'un peu beaucoup d'ma faute, c't'histoire. J'espérais bien qu'il en parl'rait à Snape.'
'Sûr ! Il suffisait de dire à celui-ci que nous risquions probablement tous de mourir de peur et il aurait signé tout de suite…' marmonna tout haut Marius ce que les deux autres pensaient tout bas.
'Allons, Snape n'est pas un si mauvais bougre que c'la…' fit Hagrid, qui les dévisagea, l'air un peu ennuyé.
Mais les trois s'entreregardèrent sans ajouter de commentaires.
'Bien, v'nez là, tous,' fit Hagrid quand ils eurent atteint l'orée de la Forbidden Forest. 'Tout d'abord, écoutez-moi attentivement. C'que nous allons faire est dangereux, je n'veux pas qu'vous preniez des risques.'
Il leva sa lampe et leur montra un sentier qui s'enfonçait à couvert. Au sol brillaient des taches argentées. Blaise se rapprocha de Rook en frissonnant.
'C'est du sang d'licorne,' leur dit Hagrid. Rook ne fut pas étonné de sentir la petite main de Blaise se glisser peureusement dans la sienne. 'Y'a kek'chose dans la forêt qui a grièvement blessé la pauv' bête. Il faut qu'nous la r'trouvions. C'est la deuxième fois cett'semaine…'
'Et si c'est ce quelque chose qui nous retrouve avant ?' fit Malfoy d'une voix dont il ne tentait même plus de dissimuler le tremblement. Il dispensait par-là Marius de poser lui-même la question, au grand soulagement de celui-ci.
'Tant qu'vous rest'rez avec moi et Fang, aucun d'vous ne risqu'ra rien', assura le géant. 'Maint'nant, j'vais nous séparer en deux groupes, chacun r'mont'ra la piste dans des directions opposées.'
'Je prends Fang avec moi…' lâcha aussitôt Malfoy, appréciant la longueur des crocs du molosse.
'Comme tu veux, mais c'est un trouillard, j'tiens à t'le dire. Et bien,… Marius tu l'accompagneras,' fit alors Hagrid, qui avait noté du coin de l'œil que Blaise s'était soudain serré contre Rook, agrippé à son bras comme un noyé à une planche. 'Les deux autres, avec moi…'
Ils convinrent d'un signal – un jet d'étincelles vertes – au cas où un des groupes trouverait la licorne. Un jet d'étincelles rouges signalerait un danger et appellerait les autres à la rescousse. Après avoir vérifié que chacun était capable d'envoyer le signal – à part Marius qui obtenait des fleurs jaunes au lieu des étincelles vertes et des petits cœurs violets à la place des étincelles rouges ('Arrête de ricaner, Malfoy !') –, ils se séparèrent…
Rook et Blaise marchèrent ainsi un moment, en suivant Hagrid… Il y avait de nombreuses taches de sang, éclairées de temps en temps par un rayon de lune qui avait réussi à traverser le feuillage. Hagrid semblait particulièrement inquiet. À un moment, Blaise rompit le silence.
'Je ne savais pas qu'on pouvait blesser une licorne…'
'J'l'ignorais aussi…', répondit Hagrid. 'Ce sont des créatures avec des pouvoirs magiques très puissants,' ajouta-t-il à l'adresse de Rook.
'Un loup-garou pourrait-il faire ça ?' demanda le brun, qui comme tous avait entendu les rumeurs selon laquelle la Forbidden Forest en serait remplie.
Hagrid allait répondre quand il s'interrompit soudain et les plaqua contre un arbre, leur faisant signe de se taire… Tous trois tendirent l'oreille : une chose indéterminée rampait dans les feuilles mortes, comme le bas d'une cape qui aurait traîné sur le sol. Le bruit s'éloigna et ils ne le perçurent bientôt plus.
'Ça, c'était ni une licorne, ni un loup-garou,' murmura Hagrid. 'Je m'demande bien…' Il fronça ses épais sourcils mais n'en dit pas plus.
Ils reprirent leur route plus lentement, avançant prudemment le long de la piste environnée d'ombre. Il y eut une deuxième alerte, mais cette fois, la cause du bruit ne leur resta pas inconnue. Un froissement soudain dans les buissons avait de nouveau fait sursauter Hagrid qui avait encoché une flèche à son arbalète.
'Sortez d'là,' cria-t-il. 'Chuis armé, j'vous préviens !!'
S'avança alors doucement hors des buissons une créature que ni Blaise ni Rook n'avaient encore jamais rencontrée. Jusqu'à la taille c'était un homme, avec une barbe et des cheveux roux, mais le reste se terminait par un corps de cheval de robe alezane… Blaise remonta vivement ses lunettes sur son nez, les yeux écarquillés.
'Ah c'est toi, Ronan !' fit gaiement Hagrid qui s'avança pour lui serrer la main. 'C'est un centaure…,' ajouta-t-il d'un air entendu aux deux garçons qui n'avaient pas besoin de cette précision.
Le centaure le dévisagea tristement, détaillant l'arbalète.
'Bonsoir Hagrid. Tu voulais me tirer dessus ?'
'C'est une mesure d'précaution, Ronan,' fit Hagrid. 'Y'a un truc qui s'ballade dans la forêt ces temps-ci qui m'dit rien qui vaille… Y'a une licorne kya été blessée. T'es au courant de kek'chose ?'
Ronan soupira tristement avant de lever les yeux au ciel.
'Les innocents sont toujours les premières victimes…' fit-il soupirant à nouveau. 'Il en a toujours été ainsi et il en est toujours de même.'
'J'suis bien d'accord avec toi, mais j'te d'mande si tu as vu kek'chose de particulier ces temps-ci ?' insista Hagrid.
Ronan, qui avait gardé les yeux levés, hocha la tête.
'Mars est bien brillante ce soir…' Hagrid le regarda impatienté. Ronan baissa son triste visage. 'Exceptionnellement brillante…'
Battement de cils.
'Okaaaay, mais as-tu vu aut'chose d'exceptionnel ? Et d'un plus proche surtout…'
À nouveau le centaure prit tout son temps pour répondre.
'Les forêts recèlent bien des secrets…' finit-il par confier.
À ce moment un mouvement derrière Ronan fit sursauter Hagrid qui brandit à nouveau son arbalète. Mais il s'agissait seulement d'un autre centaure. Celui-ci était entièrement noir – cheveux et robe – et semblait beaucoup plus méfiant que Ronan.
'Salut, Bane,' fit Hagrid.
Le centaure répondit au salut et le géant tenta sa chance avec lui, tâchant d'en apprendre plus. Mais Bane, comme Ronan, se contenta de lever les yeux au ciel avant de lâcher d'une voix laconique : 'Mars est bien brillante ce soir.'
'On commence à l'savoir,' fit alors Hagrid, un rien exaspéré. 'Bon, si vous n'avez rien d'autres à m'apprendre, on va continuer not'chemin, hein ? Prév'nez-moi si vous r'marquez quoi qu'ce soit…'
Et il entraîna Rook et Blaise, maugréant sur ces fichus reluqueurs d'étoiles ('Aucun intérêt sur rien si ça ne se trouve sur la Lune !').
'Est-ce qu'il y a beaucoup de centaures par ici ?' questionna Blaise.
'Assez bien… La plupart du temps y restent entr'eux, mais y sont pas contre un brin d'causette d'temps en temps. Ils savent pas mal de trucs, le problème c'est qu'y sont guère bavards…'
'Ce n'était pas un centaure, ce qu'on a entendu tout à l'heure, n'est-ce pas ?' fit alors Rook.
'Ça n'ressemblait pas à des sabots, en tout cas… Chuis quasi sûr qu'c'était c'qui tuent les licornes. J'avais jamais entendu un truc comme ça avant…'
Mais à ce moment, Rook sentit les mains de Blaise s'agripper à sa robe.
'Regardez !' s'écria d'une voix aiguë le petit garçon en montrant le ciel. 'Des fleurs violettes ! C'est Marius… il y a un problème !'
'Comment veux-tu savoir ?' rétorqua Rook, qui avait froncé les sourcils. 'Ils auraient tout aussi bien pu trouver la licorne… Marius a mélangé les deux signaux !'
'Halalaaa ce fichu gamin ! Bon, je vais vérifier. Restez-là, sur le sentier ! Et ne bougez pas, je reviens !!'
Hagrid s'enfonça rapidement entre les arbres, se précipitant dans la direction du signal. Blaise et Rook restèrent seul, avec leur inquiétude qui leur broyait l'estomac. Ils pouvaient capter le moindre souffle de vent, le moindre craquement de brindille… De petits animaux trottinaient d'un arbre à l'autre en faisant froisser les feuilles mortes. Que s'était-il passé avec les autres ? S'étaient-ils fait attaquer ? Marius était-il blessé ? Si seulement Malfoy pouvait se ramasser un coup de corne… Et que faisait Hagrid, cela faisait une éternité qu'il était parti… ?
Enfin, ils entendirent les pas lourds de celui-ci. Il semblait furieux et ramenait les deux garçons tenus par le col, Fang sur ses talons. Malfoy et Marius se lançaient des regards chargés de haine. Hagrid les avaient trouvés en train de se battre. Il expliqua aux deux autres que Malfoy s'était caché pour ensuite sauter sur Marius dans le but de lui faire peur. Marius, surpris, avait lancé accidentellement le signal, avant de se jeter sur le blond pour se venger.
'On aura d'la chance si on trouve kek'chose cette nuit, avec tout c'raffut ! Bon, on change les groupes… Rook, t'iras avec Fang et c't'abruti…' fit Hagrid en montrant Malfoy du menton. 'Chuis désolé,' lui dit-il tout bas. 'Mais je crois qu'tu sauras mieux garder ton sang-froid qu'ton copain.'
Rook en doutait. Il jeta un regard froid à Malfoy qui eut un rictus narquois. Les deux garçons et le molosse s'enfoncèrent donc à nouveau sous les frondaisons.
'Essaye de me jouer un sale tour dans le même genre, Malfoy, et Madam Pomfrey n'aura jamais assez de ses deux mains pour te faire retrouver figure humaine…'
'Mais c'est qu't'arriverais presque à me faire peur, Sharp…' susurra le blond en réponse.
'Et pourtant tu devrais…' lui rétorqua Rook d'une voix douce, avant d'ajouter : 'Mais c'est vrai qu'après tout, toi, tu ne sais pas…'
Puis il se tut, et attendit bien sagement. Pas longtemps.
'Je ne sais pas quoi ?' fit sèchement le blond, qui parut soudain un rien tendu.
Rook dissimula un sourire. Il tenait sa vengeance…
'Ce qui tue les licornes… Hagrid nous l'a dit. On a bien cru qu'ils vous avaient trouvé tout à l'heure…'
'Qui ça, ils ?' Malfoy semblait de plus en plus nerveux.
'Je ne sais pas si je peux te le dire…'
'Pourquoi ?!'
'Tu pourrais faire dans tes pantalons.'
'Crétin !!'
Furieux, Malfoy lui avait tourné le dos et avait repris la route. Mais il ne fit que quelques pas, avant de se retourner. Il était pâle et scrutait nerveusement les alentours.
'Alors, Sharp ! Qu'est-ce que c'est ?!'
Rook prit un air volontairement mystérieux.
'Des vampires…'
Malfoy laissa alors échapper un petit rire, haussant les épaules.
'Un vampire ne pourrait pas attraper une licorne !'
'Un, non… Mais une troupe… ?'
'U… Une troupe ?!…'
'Dix… peut-être vingt individus… Qui chassent en bande…'
Rook eut tout le loisir d'observer le visage du blond. Perplexité, réflexion intense… et aussi inquiétude… Inquiétude croissante même, s'il tenait en compte les coups d'œil furtifs que commença à jeter Malfoy vers toutes les ombres les environnant. Sur le coup, Rook bénit la Grand-Mère et ses contes à dormir debout racontés au coin du feu.
'Pourquoi s'attaqueraient-ils aux licornes ?' fit enfin Malfoy, ne sachant s'il devait croire ou non Rook.
'Pour boire leur sang…' continua d'improviser le brun, qui devait se forcer à garder un air sérieux. 'Ils ne trouvent plus suffisamment de victimes humaines… C'est pourquoi nous devons être prudents. S'ils nous croisent jamais… quelle aubaine pour eux.'
'Si t'essayes de me faire peur, Sharp, c'est raté…' fit Malfoy avec un rictus, toute son attitude démentant ses paroles. 'Passe le premier !'
Rook s'exécuta complaisamment, prenant la tête.
'Je préfère également ainsi. Tout monde sait que les vampires attaquent toujours par derrière…'
Malfoy le bouscula alors et passa d'autorité devant lui, sans piper mot, sa baguette fortement serrée dans sa main. Rook ricana sous cape et lui emboîta le pas. C'était vraiment trop facile…
Ils cheminaient ainsi depuis près d'une demi-heure, chacun ignorant maintenant soigneusement l'autre – tout en ne se quittant pas du coin de l'œil –, quand les taches de sang commencèrent à se faire plus nombreuses. Visiblement ils approchaient du dénouement, et Rook vit avec plaisir que Malfoy ralentissait le pas, apparemment très peu rassuré. Ils contournèrent enfin un énorme chêne et…
'Qu'est-ce qu'il y a … ?' fit soudain Rook.
Malfoy s'était figé et ne répondit pas, contemplant quelque chose à terre, le regard indéchiffrable. Rook le contourna. Il vit alors.
Devant eux était la chose la plus merveilleuse et la plus triste qui soit… Ils avaient trouvé la licorne, mais elle était morte. Son corps d'une blancheur éclatante reposait au milieu des feuilles et sa crinière étincelante miroitait dans l'ombre. Rook fut soulagé que Blaise n'ait pas eu à contempler ce spectacle désolant…
À cet instant il y eut un bruissement sourd, et les deux garçons et Fang se figèrent. De l'autre côté de la clairière, un buisson s'agita. Une silhouette encapuchonnée en sortit alors lentement en rampant au sol comme une bête traquant un gibier. La chose s'approcha de la licorne, pencha sa tête au-dessus de la blessure sur son flanc et… commença à boire son sang.
'AAAAAAAAAAARGH !!'
Malfoy venait de pousser un cri horrifié et se jeta en arrière en prenant la fuite. Fang l'imita sans se faire prier, la queue entre les jambes. Rook aurait bien voulu faire de même, mais il était trop pétrifié pour bouger. Et puis, il voulait savoir… Cette histoire de vampire ne pouvait quand même pas être vraie… ?! La silhouette encapuchonnée releva brusquement la tête et son regard croisa celui de Rook. L'instant d'après, la créature avait bondit sur ses pieds et se précipitait sur lui.
Alors une douleur foudroyante lui transperça la tête, une douleur comme Rook n'en avait jamais encore ressenti, lui rappelant celle qui l'avait frappé lors de banquet de début d'année mais amplifiée à un point telle que sa cicatrice lui semblait en feu. Aveuglé par la souffrance, le garçon fit un mouvement en arrière, trébucha et chuta lourdement. Au même moment, il entendit une galopade, et quelque chose sauta par-dessus lui et chargea la créature, l'empêchant de l'atteindre.
Il lui fallut quelque temps avant que la douleur ne s'atténue, et quand il put relever les yeux, haletant, ce fut pour découvrir que la silhouette au capuchon avait disparu. À ses côtés, un centaure le regardait avec inquiétude. Ce n'était ni Ronan, ni Bane, ce centaure-là était plus jeune, il avait des cheveux blonds presque blancs et son corps était palomino.
'Ça va mieux ?' fit le centaure en l'aidant à se remettre sur pied.
'Je… je crois oui,' répondit Rook, qui se sentait quand même un peu nauséeux. 'Qu'est… qu'est-ce que c'était… ?'
Fidèle à sa nature, le centaure ne répondit point. Il fixa Rook des ses yeux étonnamment bleus – à l'image de pâles saphirs – son regard déviant sur la cicatrice que celui-ci portait au front.
'Tu es Celui-Qui-A-Survécu…' murmura le centaure. 'Tu dois retourner près de Hagrid. Tu n'es pas en sécurité ici… Monte.'
Et sans tarder, il fléchit les genoux, invitant Rook à lui grimper sur le dos. Le garçon, encore un peu étourdi, obéit machinalement.
'Je m'appelle Firenze,' fit le centaure. 'Accroche-toi bien.'
Il y eut alors un autre bruit de galopade et Bane et Ronan surgirent à leur tour dans la clairière. Bane sembla particulièrement choqué de voir Rook sur le dos du centaure blond.
'Enfin, Firenze !' cria-t-il. 'Est-ce que tu te prendrais pour une mule ? Tu portes un humain sur ton dos !'
'Ce n'est pas n'importe quel humain ! C'est Le Garçon-Qui-A-Survécu ! Plus vite il sortira de la Forêt, mieux ce sera…'
Bane frappa violemment le sol d'un antérieur.
'Nous avons fait serment de ne pas aller à l'encontre de ce qui est dans le ciel ! N'as-tu pas lu dans les mouvements des planètes ?'
Ronan voulut reprendre pour Firenze, mais Bane semblait hors de lui et lui coupa la parole.
'Les centaures n'ont pas à se mêler des décrets du destin !' s'écria-t-il. 'Ils doivent s'y soumettre, un point c'est tout… ils n'ont pas à courir comme des ânes après les humains égarés dans notre Forêt !'
Firenze commença à s'énerver à son tour, et se cabra légèrement. Rook dut se retenir à ses épaules pour ne pas tomber. Le garçon commençait à en avoir assez. Sa tête le faisait encore souffrir et il sentait venir une migraine atroce. Allaient-ils à la fin se décider à le laisser là ou à l'emmener ?
'Ne comprends-tu donc pas pourquoi cette licorne a été tuée ?' s'emportait Firenze. 'Où les planètes auraient-elles omis de te le dire ? Je ne me dresse pas contre le destin, Bane, mais contre ce qui rampe dans cette Forêt ! Et si pour cela je dois aider un humain et l'emporter sur mon dos, et bien je le ferais !'
Et sans laisser à Bane le loisir de répondre, Firenze se pointa en avant. Rook tenta de s'accrocher au mieux alors que le centaure plongeait au cœur des arbres.
Firenze trottina ainsi un moment en gardant le silence, quand Rook se décida à poser la question qui le taraudait.
'Qu'est-ce que cette créature qui rampe dans la forêt ?'
Firenze ne répondit pas, et Rook douta qu'il ait entendu. Il allait reposer sa question quand le centaure ralentit et parla.
'Toi-Qui-As-Survécu, sais-tu à quoi sert le sang de licorne ?'
Rook ne répondit pas. Il se souvenait vaguement d'avoir lu un jour quelque chose à ce sujet, dans un des livres de ses oncles. Quelque chose qui lui avait laissé comme un sentiment de malaise… Mais c'était peut être parce que son oncle l'avait menacé de le métamorphoser en crapaud s'il osait jamais recommencer à fouiller dans sa bibliothèque avant qu'il n'ait l'âge d'avoir une baguette.
'Non,' fit-il finalement. Sa tête le faisait trop souffrir pour commencer à se torturer les méninges pour se rappeler. 'On a juste utilisé leur corne et leur crinière au cours de Potions…'
'C'est parce que tuer une licorne est un acte odieux,' reprit Firenze. 'Il ne faut vraiment plus rien avoir à perdre et tout à gagner pour prendre la vie d'un être aussi pur. Le sang de licorne peut prolonger la vie, et ce même si tu es à deux doigts de mourir.'
Oui, c'était cela. Rook s'en souvenait maintenant. Mais il avait le sentiment qu'il y avait autre chose…
'Cependant le prix à payer est terrible,' continuait en effet le centaure. 'Réduire à néant une créature pure et sans défense pour se sauver soi-même ne peut donner qu'une demi-vie, une vie maudite, et ce dès le moment où les lèvres touchent le sang…'
'Comment peut-on être à ce point désespéré… ?' murmura alors Rook. 'Qui ne préfèrerait pas la mort à une vie maudite à jamais ?'
'Mais peut-être celui qui a agit ainsi ne compte-t-il survivre que jusqu'au moment où il pourra boire autre chose, quelque chose qui lui rendra force et vigueur, qui lui apportera même… une vie éternelle ?'
'L'Elixir of Life…' murmura Rook, qui comprenait soudain où le centaure voulait en venir. 'La Philosopher's Stone est actuellement cachée dans l'École ! Mais qui… ?'
'Tu as l'esprit vif, Toi-Qui-As-Survécu… Et toi, surtout, tu ne devrais pas avoir trop de difficultés à découvrir celui qui se terre ainsi depuis des années, se cramponnant misérablement à l'existence, en attendant le moyen de recouvrer la totalité de sa puissance…'
Il eut comme un déclic dans le cerveau de Rook. Comme en écho, des paroles prononcées il y avait à peine quelques mois lui revinrent…
'Les rumeurs… Vous… vous n'y croyez pas vraiment… ?'
'Je le voudrais, Severus. Honnêtement. Savoir qu'il y ait un risque qu'
il ait survécut… qu'il se cache… tapis dans l'ombre, à l'affût…'
'Voldemort… !' laissa échapper Rook, alors que Firenze fléchissait soudain sous lui.
Le centaure avait enfin regagné le sentier et s'arrêta. Des cris leur parvinrent… Rook reconnut les voix de ses amis qui l'appelaient.
'JE SUIS ICI !!! OHÉ !' cria-t-il en retour, alors que Firenze le laissait glisser de son dos.
'C'est ici que je te laisse, Toi-Qui-As-Survécu. Parfois, il arrive que l'on se trompe en lisant dans les étoiles… J'espère que c'est le cas aujourd'hui.'
Le centaure fit demi-tour et prit un petit galop, s'enfonçant dans les profondeurs de la forêt. Hagrid arrivait et Rook lui désigna la clairière où était étendue la malheureuse licorne. Marius et Blaise rejoignirent leur ami, heureux de le retrouver sain et sauf. Seul Malfoy semblait un peu déçu, mais personne n'y prit garde.
*
Quand ils eurent rejoint leur salle commune, Malfoy s'empressa de regagner le dortoir, sans même leur jeter un coup d'œil. Rook le regarda disparaître en haut de l'escalier et se retourna vers ses amis. Ceux-ci avaient deviné que quelque chose le tourmentait et tous trois gagnèrent un des profonds divans devant le feu. Blaise en oublia bien vite de bailler quand Rook leur relata ce qui s'était passé dans la clairière où gisait la licorne.
'Alors, Snape veut la Pierre pour Tu-Sais-Qui…' siffla Marius, estomaqué.
Rook sursauta et se tourna vers lui. Il était arrivé à la même conclusion pourtant, mais l'entendre la prononcer tout haut lui faisait un drôle d'effet. Snape… Snape travaillait au retour du Mage Noir… Il ne devrait pas être étonné pourtant. Ou devait-il l'être? Il ne savait pas…
'Mais alors…' fit Blaise en claquant des dents. 'Cette chose qui rampait… c'était… c'était…'
'Voldemort…'
Marius et Blaise sursautèrent, mais Rook ne le remarqua pas. Il s'était levé et faisait les cent pas devant l'âtre.
'Voldemort est dans la forêt…' fit-il d'une voix fiévreuse. 'Et il attend… Et pendant tout ce temps on pensait que Snape ne faisait tout ça que pour devenir riche… Firenze m'a sauvé, mais il n'aurait pas dû… Bane était furieux : il avait sûrement lu dans les étoiles que Voldemort était de retour… Et probablement y était-il aussi écrit que Voldemort devait me tuer cette nuit…'
Marius fixait Rook d'un regard presque égaré. C'était comme s'il refusait encore d'y croire… Il n'avait pu s'empêcher de grincer des dents à chaque fois que Rook avait prononcé le nom du Seigneur des Ténèbres. Blaise, lui, s'était recroquevillé dans le fond de son fauteuil et frissonnait, terrifié.
'Il ne me reste donc plus qu'une chose à faire,' fit alors Rook, et un sourire étrange se dessina sur ses lèvres pâles. Marius et Blaise ne le quittaient pas des yeux, hallucinés. 'Attendre que Snape vole la Pierre… Ainsi Voldemort pourra revenir, et il viendra m'achever. Et les étoiles auront dit la vérité…'
Il y eut un silence pesant, seulement troublé par le craquement des bûches dans les flammes.
'Rook…,' fit alors la petite voix effrayée de Blaise. 'Tu oublies Dumbledore… Tout le monde dit qu'il est le seul que Tu-Sais-Qui ait jamais craint… Jamais Tu-Sais-Qui n'oserait s'en prendre à toi avec Dumbledore à proximité…'
'Et si tu veux m'en croire, tu ne devrais pas prêter attention à ce que ces fichus reluqueurs d'étoiles racontent…' fit Marius, tentant à son tour de réconforter son ami. 'Tout ça, ça ne me semble qu'un ramassis de racontars de diseurs de bonne aventure…'
Mais Rook voyaient bien que ses amis étaient fortement troublés.
Ils finirent par monter à leur tour, épuisés, mais une surprise – la dernière de la nuit – les attendait dans le dortoir. Quand Rook écarta les rideaux de son lit, il trouva l'Invisibility Cloak soigneusement pliée sur ses draps. Une note y était épinglée :

Au cas où.