Chapitre Quatorze : The Man with Two Faces (20/06/2003 ; upd 10/082003)

– CHAPITRE QUATORZE –

The Man With Two Faces

C'était Quirrell.
Rook stoppa net, il avait du mal à en croire ses yeux. Était-ce une machination de Snape ? L'avait-il menacé et envoyé à sa place ? Ce poltron… ? Mais Rook vit bien vite qu'il était dans l'erreur.
Quirrell s'était retourné. Il était presque méconnaissable. Son visage d'habitude secoué de tics et ses yeux ordinairement fuyant avaient fait place à un masque hautain au regard froid et acéré. Il paraissait très sûr de lui, affichant un air arrogant, comme un sale gosse qui viendrait de jouer un très vilain tour et s'en réjouirait. L'évidence frappa Rook. Quirrell avait été le seul et l'unique instigateur de tout…
'Vous en avez mis du temps, Mr Sharp…' fit celui-ci d'une voix narquoise. 'Vous semblez surpris de me voir ?… Oh, vous vous attendiez à croiser Severus, c'est cela ? Ce cher Severus, toujours à traîner dans les coins sombres et à vous fondre dessus comme une gigantesque chauve-souris… C'était bien trop amusant de vous voir le soupçonner. Car qui aurait pu croire que le p… p… pauvre et b… bég…. bégayant professeur Quirrell était celui qui tirait les ficelles dans l'ombre ?'
Rook, sous la surprise, peinait à retrouver le fil de ses idées. Il avait tellement été persuadé que Snape était derrière tout cela, il lui avait semblé y avoir tant de confirmations de ce fait, que maintenant, cette hypothèse s'avérant erronée, il n'arrivait à s'en convaincre…
'Mais… le match… mon balai…' bredouilla-t-il. 'Snape a quand même essayé de me tuer, non… ?'
Quirrell éclata de rire. Un rire froid, grinçant… très différent de celui auquel on se serrait attendu de la part du craintif professeur de Défense contre les Forces du Mal.
'Même pas !' cracha-t-il. 'C'était moi… Et si votre idiot de petit copain à lunettes ne m'avait pas bousculé, me faisant perdre le contact visuel avec votre balai, j'aurais réussi… J'aurais même réussi bien avant si Severus n'avait marmonné constamment des contre-sorts pour vous protéger !'
'Il… qu… quoi ? SNAPE A FAIT ÇA ??!'
'Bien sûr… Il a même tenu à arbitrer le prochain match ! Évidemment tout le monde à cru que c'était pour avantager votre équipe… On ne peut pas dire qu'il soit particulièrement populaire… Comble de l'ironie, cela n'a servi à rien, puisque Dumbledore a tenu à assister au match. Je ne pouvais rien faire avec lui dans les gradins. Dire que les efforts de ces deux hommes vont finalement être réduits à néant. Car je vais vous tuer cette nuit…'
Rook tressaillit. Le danger de sa situation, et le pourquoi de sa présence ici, un instant occultés par la surprise qu'il avait eu de rencontrer Quirrell à la place de Snape, lui revinrent brutalement à l'esprit. Il leva sa baguette, prêt à défendre chèrement sa vie mais ce fut Quirrell qui réagit le premier.
'Expelliarmus !'
Rook se sentit violemment rejeté en arrière alors que sa baguette lui était arrachée, cette dernière sautant dans les mains de son adversaire. Venu cogner rudement contre le mur, le garçon glissa au pied de celui-ci, étourdi. Quirrell claqua des doigts, et Rook sentit aussitôt des cordes s'enrouler autour de lui, le ligotant aussi bien que le Body-Bind Curse de Marius, à ceci près qu'il pouvait toujours parler. Il était pris au piège…
'Je vous tuerais, certes,' reprit alors Quirrell d'un ton léger. 'Mais pas tout de suite… Je dois d'abord me concentrer sur ce miroir étrange…'
Rook se rendit compte alors que le Miror of Erised était derrière le professeur. Celui-ci le contourna, avant de revenir se planter devant, le scrutant du regard, les sourcils froncés. Rook retint son souffle.
'C'est la clé qui mène à la Pierre…' murmurait Quirrell pour lui-même. 'J'en suis certain. Mais comment cela marche-t-il ? C'est un petit tour de Dumbledore, il n'y a pas à en douter… Je dois trouver avant qu'il ne revienne de Londres.'
Rook respira. Quirrell ne semblait pas savoir encore comment fonctionnait le miroir. Il devait à tout prix arriver à lui en détourner l'attention… Il devait le distraire…
'Alors c'est vous qui avez fait entrer le troll pour Halloween…' s'écria-t-il, pris d'une inspiration.
Quirrell se retourna vers lui. Un léger sourire vint orner ses lèvres, ne parvenant toutefois pas à éclairer son visage.
'En effet… Je m'en sort plutôt bien avec ses créatures. Vous avez bien vu celui dans la salle, là-bas ? Cela aurait dû vous mettre la puce à l'oreille, non ?, que ma contribution à protéger la Pierre soit de placer un troll comme gardien…' railla-t-il.
Rook se mordit les lèvres. Il n'appréciait pas du tout le ton de persiflage qu'avait adopté le professeur. Pourtant, cela semblait évident, maintenant… Comment n'y avait-il pas songé plus tôt ?
'Oui, Halloween…' continuait Quirrell d'un ton absent, tout en détaillant soigneusement les gravures d'or autour du miroir. 'Ce troll devait me fournir l'occasion d'aller voir en toute discrétion ce qui gardait la Pierre. Malheureusement, cela ne servit pas à grand chose. Et c'est encore de la faute de Severus… Quand je pense que vous étiez persuadé qu'il voulait voler la Pierre !' Rook serra les dents sous l'ironie mordante de ces paroles. 'Il a tout de suite compris, lui, que ce n'était qu'une diversion. Et il est directement monté pour m'empêcher d'ouvrir la porte. Le pauvre idiot a même réussi à se faire mordre…' Le visage de Quirrell se durcit alors, sa voix se fit haineuse. 'Dommage que ce chien ne lui ait pas arraché la jambe ! Et dommage que ce troll ne vous ait pas éclaté le crâne !!'
Visiblement, l'examen du miroir ne semblait avoir rien donné et Quirrell commençait à perdre son sang froid. Il avait craché la dernière phrase en fusillant Rook du regard. Mais le garçon ne baissa pas les yeux.
'Je vous ai vu dans la forêt avec Snape…' fit alors Rook, la voix empreinte de mépris. 'Vous rampiez devant lui…'
Les yeux de Quirrell étincelèrent de colère.
'Ramper ? Ramper devant Severus, Severus et ses sales petits yeux perçants ?! Depuis le début, ce serpent sournois m'a soupçonné… Ce jour-là, il m'a entraîné dans la forêt, il voulait savoir où j'en étais. Ce crétin pensait pouvoir m'intimider ! Moi ! Alors que j'avais Lord Voldemort avec moi !!'
Il se tourna à nouveau vers le miroir, d'un geste vif.
'La Pierre !!' s'écria-t-il avec force, faisant sursauter Rook. 'Je la vois, je suis en train de la donner à mon Maître. Mais est-elle ?'
Le cerveau de Rook tournait à cent à l'heure. Il savait que tant qu'il souhaiterait offrir la Pierre à Voldemort, Quirrell ne pourrait pas la trouver. Mais si son désir devenait de simplement trouver la Pierre, il se verrait en train de la découvrir dans sa cachette… Combien de temps avant que Quirrell ne devine la façon dont agissait le miroir ? Du temps… Il devait gagner du temps, pour laisser également aux autres le loisir de prévenir Dumbledore… Il devait continuer à faire parler Quirrell…
'L'autre jour, je vous ai entendu supplier, et sangloter…'
Cette fois, Quirrell ne manifesta aucune colère. Au contraire il sursauta et se tourna à nouveau vers lui. Mais pour la première fois depuis tout à l'heure, un tic vint déformer son visage, et une once d'inquiétude passa dans ses yeux fuyants.
'C'était mon Maître,' murmura-t-il. 'J'ai parfois tellement difficile à suivre ses instructions… Je suis si faible…'
'C'… C'était… Voldemort était avec vous dans cette salle ?!' s'exclama Rook.
Quirrell lui jeta un drôle de regard quand il l'entendit prononcer le nom de Voldemort, puis son visage s'éclaira d'un étrange sourire.
'Mon Maître est partout où que j'aille…' fit-il énigmatiquement. 'Je l'ai rencontré lors d'un voyage, dans une de ces forêts profondes d'Europe de l'Est… Vous devez connaître, Sharp. Il n'était jamais trop loin de vous. Il m'a montré alors quel jeune homme stupide j'avais été… de quelles fausses idées j'étais empli, sur le bien et sur le mal… Il m'a montré la vérité ! Il n'y a ni bien ni mal, seule la puissance, le pouvoir compte…' Puis sa voix se fit plus basse, craintive… 'Depuis, je l'ai servi fidèlement, bien que je l'ai laissé tomber plusieurs fois. C'est un Maître terrible et exigeant… Et qui ne pardonne pas facilement les erreurs… Quand j'ai échoué à voler la Pierre chez Gringotts, il était hors de lui. C'est alors qu'il a décidé de me surveiller de plus près…'
La dernière phrase avait été prononcée si bas que Rook l'entendit à peine. Mais l'allusion à Gringotts lui ramena en mémoire sa première rencontre avec le professeur… à l'auberge du Leaky Cauldron, le jour même du cambriolage. Vraiment, tant d'indices… avait-il été à ce point aveugle ? Quirrell avait à nouveau reporté son attention sur le miroir.
'Est-ce que je dois le casser ?' marmonnait-il. 'La Pierre est-elle dedans ? Oh Maître, aidez-moi !'
Et il y eut alors cette chose horrible, qu'une voix répondit… une voix désincarnée, éraillée et grinçante, et qui semblait surgir de Quirrell même : 'Utilise le garçon…' répéta-t-elle sinistrement.
Figé d'horreur, Rook vit Quirrell se retourner vers lui et claquer des mains. Les cordes qui le liaient tombèrent de suite au sol.
'Ici, Sharp… Venez donc jeter un œil dans ce miroir, et me dire ce que vous y voyez…'
Lentement, Rook se leva. C'était une chance inespérée. S'il se débrouillait bien, il verrait où se cachait la Pierre. Il n'aurait donc plus qu'à mentir à Quirrell, ou le perdre dans une mauvaise direction…
Il vint se placer face au miroir et Quirrell vint se coller à lui. Rook fronça le nez. Une étrange odeur semblait provenir de son turban… Il plongea alors les yeux dans son reflet. Il savait que Quirrell, aussi proche qu'il put être, ne verrait rien de ce que lui-même y découvrirait…
Son reflet le regardait. Il paraissait pâle et soucieux, mais un sourire espiègle vint bientôt éclairer ses traits fatigués. Il se vit alors plonger la main dans sa poche et en ressortir une pierre rouge sang… Son reflet lui fit un clin d'œil, avant de glisser la Pierre à nouveau dans sa poche. À l'instant, Rook sentit quelque chose de dur contre sa jambe, dans la poche de sa robe. Il ne savait comme ce prodige s'était réalisé, mais il avait la Pierre.
'Alors ? Qu'est-ce que tu vois ?' fit impatiemment Quirrell.
Rook se tourna vers lui, le dévisageant avec dédain.
'Ce que je vois… ? Je vous vois en train de vous faire latter par votre Maître pour avoir encore échouer à trouver la Philosopher's Stone !' cracha-t-il.
Une gifle magistrale faillit le jeter à terre. Mais alors qu'il redressait la tête avec arrogance, un goût de sang dans la bouche, il vit Quirrell se tenir la main, comme s'il s'était blessé en le frappant. Son visage était partagé entre la souffrance et la perplexité. Sa paume était rouge, comme brûlée.
'Qu'est-ce que… qu'est-ce que c'est que ça ?'
Quirrell releva les yeux et croisa le regard de Rook. Un instant, tous deux se dévisagèrent. L'idée qu'il pourrait se ruer hors de la pièce, et s'enfuir avec la Pierre, passa fugitivement à l'esprit de Rook. Mais alors qu'il allait s'exécuter, quelque chose le cloua sur place.
La voix étrange, la voix horrible et inhumaine, s'exprima encore, et il vit clairement que Quirrell n'avait pas prononcé un seul mot car ses lèvres n'avaient pas bougé…
'Laisse-le…' siffla la voix. 'Laisse-le-moi ! Laisse-moi lui parler… Face-à-face…'
'Mais, Maître… vous n'avez pas encore assez de forces…'
'J'en aurais assez… pour ça…'
Et alors que Rook se sentait soudain incapable de faire le moindre geste, comme si le Devil's Snare l'avait de nouveau pris au piège, Quirrell leva les bras vers sa tête. Lentement, il défit son turban, qui vint former un tas à ses pieds, mais Rook ne pouvait quitter le visage de Quirrell des yeux. Et alors le professeur lui tourna le dos.
Rook émit un gargouillis inaudible, alors qu'il sentait chaque pouce de sa peau se hérisser de dégoût… Là où devait se trouver l'arrière du crâne de Quirrell, là, il y avait un visage… Si on pouvait appeler cela un visage. Celui-ci était aussi blanc que de la craie, avec des yeux rouges et perçants, et un nez réduit à deux fentes comme des narines de serpent… La bouche n'était qu'une fine ligne, aux lèvres tellement minces et blafardes qu'elles paraissaient inexistantes.
'Voici donc… le responsable de ma déchéance…' siffla le visage, qui le regardait avec, semblait-il, autant d'insistance que de curiosité.
Rook tenta de réprimer un frisson d'horreur devant l'ignoble spectacle. Voldemort… C'était donc là ce qu'était devenu le si puissant Mage Noir ? Ce visage désincarné ? Cet ersatz d'existence… ? Le Lord sembla deviner ses pensées…
'Oui… regarde ce que tu as fait de moi… ombre et vapeur… Ne pouvant reprendre consistance qu'en partageant un autre corps… Le sang de licorne m'a rendu des forces ces dernières semaines… grâce au fidèle Quirrell, que tu as vu en boire pour moi… Et une fois que j'aurais l'Elixir of Life, je pourrais enfin m'occuper de me recréer un corps propre… Aussi… tu vas me donner maintenant cette Pierre que tu as dans ta poche… '
Rook tiqua, avalant péniblement sa salive. Voldemort savait… Il réussit à s'arracher à l'attraction quasi hypnotique des yeux rouges serpentesques. Il n'avait plus le choix. Quirrell se rapprochait à reculons, de façon à ce que Voldemort lui fit toujours face. Rook jeta un bref coup d'œil derrière lui. La porte, environnée de flammes noires, n'était pas très loin… Quelques enjambées et il…
'Tu peux encore choisir…' siffla l'horrible voix. '… Te joindre à moi, et vivre… ou mourir comme ta mère… en implorant ma pitié…'
Ces derniers mots agirent comme un électrochoc sur Rook. Ses yeux étincelèrent de rage et il grinça des dents. Oublié, la porte aux flammes noires, oubliée la Pierre dans sa poche… N'existait plus à ces yeux que ce visage blafard, cette noirceur sans corps, ce monstre qui avait tué la femme qui l'avait mis au monde…
'Ne me Parlez. Plus jamais. De ma Mère !' cracha-t-il avec toute la haine qu'il put trouver en lui.
Leurs regards se croisèrent, se jaugèrent, acier contre braise, grenat contre améthyste, la haine de l'autre les dévorant tous deux.
'Oui. Tu es courageux et fier…' grinça Voldemort. 'Comme ta mère. Rien ne m'obligeait à la tuer… mais elle voulait te protéger. Veux-tu mourir maintenant ? Veux-tu rendre son sacrifice vain ? … Allons, la Pierre… Donne-moi la Pierre…'
Alors Rook sortit lentement la Pierre de Sang de sa poche. Les yeux du monstre s'illuminèrent de convoitise, ceux-ci se reflétant dans l'eau écarlate du joyau.
'Viens…' sifflait le Lord d'une voix avide. 'Donne…'
Mais Rook ne bougea pas. Les mâchoires serrées, il toisait son adversaire, son regard dur et déterminé. Il tendit la main, présentant la Pierre…
'Va crever…' Rook se retourna instantanément et recula son bras, s'apprêtant à lancer la Pierre de toutes ses forces au travers du mur de flammes noires.
'NOOOON !!'
D'un bond Quirrell s'était retourné et avait bondit sur lui, bloquant son poignet d'une main, l'empêchant de terminer son geste. À l'instant même où celui-ci le toucha, Rook sentit une douleur fulgurante à sa cicatrice, qui le foudroya. Comme dans la forêt, ses genoux ployèrent, il sentit sa tête prête à exploser… mais Quirrell le lâcha soudain. Alors qu'il tentait de récupérer ses sens, la Pierre toujours serrée dans son poing, il vit Quirrell à ses côtés, recroquevillé de souffrance, contemplant sa main brûlée, qui se couvrait de cloques suintantes…
'LA PIERRE !! ATTRAPPE LA PIERRE !!' hurlait Voldemort.
Et Quirrell bondit à nouveau, renversant Rook et le plaquant sous lui, tentant de saisir la Pierre de sa main encore saine… Une violente douleur à nouveau foudroya Rook, le laissant pantelant, presque sans réaction, ayant du mal même à se rendre compte que les hurlements qu'ils entendaient provenaient de lui… Mais alors que son adversaire refermait la main sur la sienne, tentant de s'approprier la Pierre, ce fut Quirrell qui hurla à son tour sa souffrance…
Encore une fois, Rook sentit le professeur le libérer, sentant de suite sa tête le soulager. Quirrell gémissait, courbé en deux, ses mains à vif, marquées de profondes et sanglantes brûlures. Rook comprit alors, bien que la raison lui resta inconnue, que Quirrell ne pouvait supporter le contact avec sa peau sans souffrir le martyr.
'Je ne comprends pas… Maître, je ne peux pas le toucher… je ne comprends pas…' sanglotait Quirrell.
'TUE-LE ALORS !!' glapit la voix de Voldemort. 'Qu'on en finisse une fois pour toute…'
Et avec horreur, Rook vit Quirrell ramasser en grimaçant sa baguette magique. Il la brandit, ses lèvres s'apprêtait déjà à prononcer le sort mortel… Rook lâcha la Pierre et bondit sans réfléchir, renversant l'homme à terre, plaquant ses deux mains sur son visage…
Quirrell poussa un horrible hurlement, un cri d'effroyable agonie… Il se débattit, tentant désespérément de s'arracher à l'étreinte de Rook, à la torture que lui infligeait le contact de ses paumes… il le frappa, mais le fait même de le frapper lui mettait les mains en feu, multipliant ses souffrances… Rook se cramponnait, serrant les dents, les élancements de sa cicatrice s'amplifiant jusqu'à lui parcourir tout le corps, l'aveuglant… Il s'efforçait de toutes ses forces à rester conscient, et serrer, serrer encore… et encore… Seuls les hurlements de Quirrell lui était encore audibles, ainsi que les cris de rage de Voldemort…
Il entendit une voix crier son nom, mais elle semblait si loin… si loin. Une ombre noire s'était étendue sur lui, il ne sentait plus son corps, juste la cicatrice et cette douleur qui irradiait dans chacun de ses nerfs… puis il sentit qu'on le prenait, qu'on l'arrachait à Quirrell, il tenta de résister… La Pierre… Il ne devait pas lui laisser la Pierre… Mais l'ombre l'avait envahi et c'était comme s'il tombait à nouveau au travers de la trappe, une chute interminable dans un trou sans fond… les ténèbres l'environnèrent… il n'y eut bientôt… plus …
Rien.

*
Rien
Absolument rien.
Il n'y avait rien et c'était… plutôt reposant. Agréable. Autour de lui… du blanc… Rien que du blanc. Non… Une tache noire… Il aurait bien voulu avoir la force d'ouvrir totalement les yeux car il n'arrivait pas à déterminer… ce qu'était que cette tache noire… floue… La tache s'étendit verticalement. C'était une ombre… Une silhouette. Elle s'était levée… La silhouette sombre écarta des draps d'une blancheur éclatante… tout redevint blanc… Calme…
Des voix…
Deux hommes… une femme. La femme n'était pas contente. Mais la voix d'un des hommes l'apaisa… une porte se referma. Le blanc se déchira à nouveau… Quelqu'un entra et s'assis… Ce n'était pas l'ombre noire mais… Cette fois, il parvint à ouvrir les yeux. Il lui fallut un temps pour reconnaître ce visage… pour mettre un nom sur ces traits… Cet homme…
C'était Albus Dumbledore.
Rook se redressa d'un coup.
'La Pierre !' s'écria-t-il. 'Quirrell ! Il…' Mais il dut s'interrompre car un voile rouge passa devant ses yeux, alors qu'un étau se resserrait violemment autour de son front.
Dumbledore s'était levé et le força gentiment mais fermement à se recoucher.
'Calme-toi, mon garçon… Si tu essayes encore de te lever, Madam Pomfrey n'hésitera pas à me jeter dehors…'
Rook regarda alors plus attentivement autour de lui et reconnut l'infirmerie de Hogwarts. Mais pour une fois, ce n'était pas Marius mais lui qui en occupait un des lits.
'Depuis combien de temps suis-je ici ? Que s'est-il passé ?'
'Shhh… Chaque chose en son temps… Tu es resté trois jours inconscients. Ce qui s'est passé dans les sous-sols du château entre toi et Quirrell est un secret absolu. Aussi toute l'école est-elle au courant…' Et les yeux du vieil homme clignotèrent d'amusement. 'Tes amis se sont fait beaucoup de soucis pour toi. Blaise Zabini a même développé une curieuse allergie qui lui donne constamment les yeux larmoyants… Quant à Marius Nott, rassure-toi, il s'est très bien remis de sa chute de balai volant. Je crois qu'à l'avenir, et il semble être d'accord avec cela, il évitera ce genre de moyen de locomotion…'
Mais le visage de Rook était resté de marbre tout au long du discours du directeur, énoncé presque sur un ton badin. Dumbledore nota qu'il n'avait même pas souri à l'anecdote avec Marius.
'S'est-il donc passé un événement tellement grave, ' fit finalement le garçon, qui visiblement redoutait le pire. '… que vous tentiez ainsi de noyer le poisson plutôt que de tout me dire… ?
Dumbledore s'interrompit alors et le dévisagea gravement.
'Je vois qu'il ne sert à rien d'essayer de te distraire,' fit-il finalement d'un ton posé. 'Rassure-toi, rien de grave n'est arrivé. Quirrell n'a pas pu avoir la Pierre, je suis arrivé à temps…' Rook lâcha de suite un soupir.
'Vous avez eu le hibou de Blaise, alors ?'
'Et bien, non. Disons que je n'en ai pas eu besoin pour me rendre compte, à l'instant où je posais le pied à Londres, que l'endroit où j'aurais dû me trouver en ce moment était justement celui que je venais de quitter. Je me suis empressé et suis arrivé en fait juste à temps pour empêcher ton ami Marius de retomber par la trappe après qu'il se soit cogné contre le plafond du couloir interdit en en jaillissant.'
'Oups…' Rook eut une grimace.
'Je me suis ensuite dépêcher de te rejoindre et t'ai arraché à Quirrell… Je n'ai jamais été aussi inquiet de ma vie.'
'J'ai fait le maximum pour le retenir, vous savez … Jamais, moi vivant, je ne lui aurais laissé la Pierre…'
Dumbledore secoua alors lentement la tête d'un air réprobateur.
'C'est bien cela que je craignais le plus… Que tu y laisses ta vie, jeune inconscient. Ce combat contre Quirrell a fortement éprouvé tes forces. Quand je t'ai trouvé, j'ai cru… Ce sont là, je crains, les pires minutes de ma vie…'
'Mais la Pierre est à nouveau en sécurité, maintenant…' fit doucement Rook, en se laissant aller sur son oreiller, le soulagement se peignant sur ses traits.
'Hum… La Pierre… a été détruite.'
Rook sursauta, écarquillant les yeux.
'Détruite ?! Mais… Mais, et votre ami ? Nicolas Flamel ? Il va mourir…'
Les petits yeux clignotants de Dumbledore étincelèrent d'amusement. Ils semblaient dire : 'Alors, tu es au courant de cela aussi ?'
'Oh, il lui reste, à lui et à sa femme, suffisamment d'Elixir pour mettre leurs affaires en ordre,' reprit le directeur. 'Puis après… Et bien oui, ils mourront. Mais cela n'est, somme toute, pour eux, qu'un repos bien mérité après une longue, si longue journée… Quand on y pense, cette Pierre n'était peut être pas si merveilleuse que cela. Autant d'or et autant de temps pour vivre que l'on souhaitait… Tout ce que des humains pouvaient désirer… Malheureusement, les humains semblent toujours désirer ce qui leur fait le plus de mal.'
Rook fronça les sourcils, pas sûr de comprendre, et n'ayant aucune envie de creuser sa pauvre tête pour l'instant, à chercher le sens profond de ces paroles. Après tout, Dumbledore n'était-il pas un peu fou ?
'Monsieur… ?' fit-il pourtant au bout d'un temps de réflexion. 'Et Voldemort ?'
Dumbledore, qui avait laissé errer son regard sur les rideaux puis le plafond, ramena celui-ci vers Rook et sourit.
'Ainsi donc, tu n'as pas peur de prononcer son nom ?'
'Nommer les choses pas leur nom permet de ramener la peur qu'elles inspirent à leur juste proportion… C'est ce que m'a toujours dit la Grand-Mère…'
'Je me souviens d'elle… Une femme forte… Un caractère bien trempé. Très sale caractère d'ailleurs, si je puis me permettre,' ajouta le vieillard en clignant de l'œil.
Rook ébaucha un mince sourire. C'était vrai que la Grand-Mère avait parfois des colères redoutables… Et gardait longtemps rancune. Son sourire disparut.
'Au sujet de Voldemort…' reprit Dumbledore, répondant à la question de Rook. 'Il a abandonné Quirrell à son sort. Celui-ci n'a pas survécu… Le Lord manifeste apparemment autant de pitié à ses fidèles qu'à ses ennemis. Mais il est toujours là… Ni vivant, ni mort, ne pouvant donc être définitivement détruit. Il se terre probablement, attendant un nouveau corps à partager. Il n'est pas du genre à renoncer, il cherchera un autre moyen de revenir… Puissions-nous à jamais retarder ce moment, comme tu viens de le faire…'
'Ce n'est pas une solution…'
Dumbledore tressaillit. Rook le regardait bien droit dans les yeux.
'L'empêcher de revenir, ce n'est pas une solution,' reprit le garçon. 'Il sera toujours là… Et on ne pourra jamais s'en débarrasser…'
'… D'une certaine façon, tu as raison,' fit alors Dumbledore, après un temps de silence.
Son visage état soucieux, et un trait barrait son front.
'Vous savez,' reprit Rook après un moment, avec quelques hésitations. 'Au début… Je croyais… je croyais que c'était Snape…'
'Le professeur Snape.'
'Hn… Moui, lui. J'ai cru… que c'était lui au match de Quidditch…'
Cette fois, Rook, mal à l'aise, évita sciemment de croiser les yeux du directeur. Dumbledore haussa un sourcil. La petite lueur qui dansait toujours dans son regard s'altéra… il paraissait attristé.
'Qu'est-ce qui a bien pu te faire croire cela… ?' murmura-t-il tout bas.
Rook ne répondit pas.
'Pourquoi Quirrell ne pouvait-il pas me toucher ?' fit-il précipitamment, préférant changer de sujet.
Dumbledore réfléchit un instant, comme pour peser ses mots.
'Parce que ta mère est morte pour te sauver…' dit-il alors. 'Elle t'a aimé plus que sa vie. Cela te donne une protection contre les autres, même si elle n'est plus de ce monde… Comment un être aussi emplit de haine, de cupidité et d'ambition que Quirrell aurait-il pu te faire du mal sans en souffrir, et cela même alors qu'il abritait Voldemort ?'
'Alors, c'est… c'était grâce à ma mère… ?'
Pour la première fois depuis le début de leur conversation, Rook sembla manifester un trouble… Son visage se crispa, et il ramena sa main à son cou, comme cherchant quelque chose… Mais il ne portait que son pyjama et cela sembla l'affliger encore plus.
'Oh, je me rappelle,' fit alors Dumbledore, qui détourna les yeux un instant pour fouiller dans ses poches, permettant à Rook de récupérer son sang-froid. 'Le jeune Blaise Zabini m'a remis ceci pour toi. Je crois que cela t'appartient…'
Et il lui tendit le pendentif d'Ariella. Rook écarquilla les yeux et s'en saisit avidement, le repassant autour de ses épaules. Sa main resta serrée sur le petit médaillon, mais il n'eut pas le courage de l'ouvrir. Il ne se sentait pas la force encore de contempler à nouveau le visage heureux de sa mère…
'Et j'ai ceci aussi…' fit Dumbledore, en déposant sur les draps un paquet soigneusement plié, d'une couleur étrange, mouvante et changeante.
'L'Invisibility Cloak… Vous savez qui me l'a envoyée ?' demanda Rook, qui avait finit par avoir des soupçons.
Ceux-ci se confirmèrent : Dumbledore laissa échapper un sourire.
'James, ton parrain, l'avait laissée en ma possession… J'ai pensé qu'elle pourrait t'être… utile. Il s'en servait souvent, du temps il était ici, pour se rendre à la cuisine et y dérober des gâteaux…'
Rook se demanda si le vieil homme savait que lui-même ne s'en était pas servi une seule fois pour aller voler des gâteaux, mais bien pour violer à chaque fois les règlements de l'école…
'Au fait…'
'Oui, Rook ?'
'Le coup du miroir, c'était sacrément fortiche…'
Rook eut la surprise de voir Dumbledore rougir jusqu'aux oreilles.
*
Madam Pomfrey était quelqu'un d'on ne pouvait plus charmant, dès lors qu'il ne s'agissait pas de venir embêter ses malades…
'Seulement cinq minutes…' implora Marius, alors qu'elle faisait barrage entre Blaise, lui et le lit de Rook.
'J'ai dit non.'
'Mais le professeur Dumbledore…' tenta Rook.
'Est le directeur, point. Tu dois encore te reposer…'
'Mais je me repose… je suis couché ! Et je crois que si vous ne le laisser pas entrer, Blaise va avoir une autre crise d'allergie…'
Madam Pomfrey se retourna vers le petit garçon brun, dont les grands yeux s'embuèrent aussitôt de larmes. Il n'était pas aisé de résister à son regard de chien battu, non plus qu'à celui de Marius, qui s'était fait infiniment triste et accablé… Surtout qu'elle commençait à avoir un faible pour ce dernier qui lui rendait si souvent et si involontairement visite. La brave dame finit par céder.
'Très bien,' soupira-t-elle. 'Mais pas plus de cinq minutes !'
Et elle laissa entrer les deux garçons.
Blaise se précipita, avant de stopper net, indécis, reniflant toujours, tortillant le bas de ses manches entre ses doigts.
'Je vais bien, Blaise…' fit alors Rook en souriant.
Le petit brun se jeta alors à son cou, éclatant en sanglots…
'J'ai eu si peur…' hoqueta-t-il. 'Ils disaient… que tu étais… et tu ne te réveillais pas !… Et… et…'
Rook était resté figé quand il avait sentit Blaise l'enlacer, et c'est un peu gêné qu'il finit par poser sa main sur son épaule.
'Blaise… si tu continue à pleurer comme ça, je vais vraiment croire que je suis mort…' fit-il mi-figue mi-raisin.
Le petit brun se mit à rire à travers ses larmes, et s'écarta.
'Pardon…' Et il retira ses lunettes pour s'essuyer les yeux.
Marius était resté un peu à l'écart, un demi-sourire sur le visage. Rook lui rendit son sourire. Ça lui faisait du bien de revoir ses amis… beaucoup plus de bien que de se reposer tout seul dans son lit.
'Tu es encore tombé de ton balai ?' demanda-t-il à Marius.
Le garçon grimaça en réponse, se hâtant de détourner la conversation vers un terrain moins glissant.
'Si tu nous racontais plutôt ce qui s'est vraiment passé ? Ils ne parlent tous que de ça, mais je suis certain que pas un ne connaît la moitié de la vérité.'
Moins que la moitié, même, s'aperçurent vite Blaise et Marius… Quirrell, le miroir, la Pierre, Voldemort… Rook leur raconta tout sans rien omettre. Il se rendit compte que le conseil de sa Grand-Mère pouvait aussi s'appliquer aux faits. Pouvoir les raconter à quelqu'un, mettre des mots sur des évènements graves, permettait de les dédramatiser… Oui, il avait affronté Quirrell. Oui il l'avait empêché de prendre la Pierre. Oui, Voldemort avait été mis en échec à nouveau. Quand il eut finit son récit, il se sentit apaisé… il savait qu'il ne referait plus de sitôt le cauchemar de l'éclair vert. Voldemort n'était plus ce rire grinçant et cruel… Ce n'était plus qu'une ombre, un vulgaire parasite obliger de vampiriser le corps d'un autre pour pouvoir agir… Même s'il ne pouvait actuellement être définitivement détruit, il pouvait toujours être vaincu.
'Alors la Pierre n'existe plus ?' fit Marius. 'Si le père Flamel n'en voulait plus, il aurait pu me la donner, quand même…'
'Qu'en aurais-tu fait ?' le questionna Rook, à moitié amusé. 'Elle ne donne que la vie éternelle et la richesse… Ça ne fabrique pas du bonheur…'
'C'est un bon début quand même, non ?' rétorqua Marius, la mine boudeuse
'Moi, c'est d'être avec mes amis qui me rend heureux, et pas d'avoir la Pierre,' fit gravement Blaise, et les deux autres se turent parce qu'ils savaient que quelque part, il avait raison.
'Et vous, qu'est-il arrivé quand vous m'avez quitté ?' reprit Rook, rompant le silence pesant qui s'était installé entre eux.
'On est revenu sur nos pas sans problème. On a pris chacun un balai et… heu…'
'Je crois que Marius était tellement concentré sur le fait de passer par la trappe qu'il a oublié qu'il y avait un plafond au-dessus…' termina Blaise, qui serrait les lèvres pour ne pas rire.
'Heureusement, Dumbledore est arrivé à ce moment là, et il m'a rattrapé… J'ai voulu lui dire pour toi, mais il était déjà au courant… "Rook est en bas ?" qu'il a demandé, et il était déjà près de filer…'
'Et c'est là que Snape est arrivé,' enchaîna Blaise. 'Et qu'on s'est rendu compte qu'il y avait sûrement un bins quelque part et qu'on avait pas tout suivi. Avant de sauter, Dumbledore lui a ordonné de nous ramener à notre dortoir, et c'est ce qu'il a fait, de très mauvais gré.'
'Ça, il en tirait une tête! Il a ouvert le passage, nous a fait rentré, a aboyé quelque chose comme quoi on devait aller se coucher tout de suite puis il est reparti précipitamment… Il nous a même pas donné de retenue.'
Il y eut un instant de silence, chacun plongé dans ses propres pensées, puis Blaise reprit, en secouant la tête.
'J'arrive pas à croire que ce soit Dumbledore qui t'as remis la Cape. Il aurait voulu t'envoyer dans les cachots qu'il n'aurait pas fais mieux !'
'Je crois surtout qu'il me reconnaissait le droit d'affronter Voldemort si je le voulais…' répondit Rook. 'Je suis sûr qu'il est au courant de tout ce qui se trame dans le château. Au lieu de nous arrêter, il n'a cherché qu'à nous aider… ce n'est pas un hasard s'il m'a expliqué comment fonctionnait le miroir.'
'J'ai toujours dit que ce type était timbré !' conclut Marius. 'Le moins drôle, c'est que tu as raté le dernier match de Quidditch. Terence Higg t'a remplacé, avec Montague comme Poursuiveur. Résultat, on s'est fait écraser par Hufflepuff… La honte totale… Gryffindor a gagné le House Championship – tu devrais voir Ron Weasley se pavaner comme un coq dans les couloirs ! Ils ont sûrement remporté la House Cup également à voir le décompte des points… On verra ça au banquet de fin d'année, mais c'est pas la joie. On a pas vu Snape depuis trois jours. Il est peut-être allé se pendre… Il aurait pu au moins essayer d'arbitrer le dernier match !'
À ce moment Madam Pomfrey entra dans la chambre et les mit dehors, clamant que visiblement cinq minutes en faisaient quinze dans la tête de ces enfants…
*
Le lendemain, Rook se sentait beaucoup mieux. Sa tête ne le faisait plus du tout souffrir, même quand il se levait – ce qu'il faisait en cachette de Madam Pomfrey, pour se dégourdir les jambes.
Il avait obtenu la permission de participer au banquet de fin d'année, qui avait lieu ce soir, sur autorisation spéciale du directeur. Madam Pomfrey avait longuement grommelé. À l'entendre, il n'y avait rien de plus dangereux que d'assister à un banquet de fin d'année…
Rook était impatient d'y être. Pas que cela s'annonçât bien réjouissant – il n'aimait guère le rouge et or pour la décoration – mais il en avait assez d'attendre à l'infirmerie à ne rien faire. Heureusement, un nouveau visiteur vint tromper son ennui. C'était Hagrid.
Rook fut frappé de la mine que le géant affichait. Il était bouleversé et fondit en larmes à peine se fut-il assis à son chevet.
'Tout est d'ma faute,' sanglotait-il. 'Chuis qu'un minable… Il n'manquait qu'une chose à ce scélérat pour passer d'vant Fluffy et j'lui ai tout raconté… Tu aurais pu en mourir !! Chuis qu'un misérable ivrogne !! Dumbledore aurait dû m'chasser !!'
'Hagrid…'
Rook ne savait comment réagir. Voir le géant dans un tel état le mettait mal à l'aise…
'Non, il aurait dû m'renvoyer… Et au contraire, y m'a donné congé hier… Pour qu'je puisse… Attends. Tiens…'
Et Hagrid sortit d'une de ses immenses poches un album à reliure de cuir. Intrigué, Rook pris le livre, interrogeant le géant du regard. Celui-ci avait essuyé ses larmes.
'J'ai eu tout'la journée d'hier pour l'préparer… envoyé un tas de hiboux aux anciens, pour avoir des photos…'
Rook, le cœur serré, ouvrit à la première page. Son cœur se serra douloureusement…
'Elle n'a passé qu'ses trois dernières années à Hogwarts. L'étais dans une aut'école avant… Mais tous ceux qui l'ont connue ici ont envoyé kek'chose…'
Rook était incapable de dire quoique ce soit. Sous ces yeux, il y avait la chose la plus belle, la plus merveilleuse, qu'il ait jamais vue. Sa mère. Sa mère à quinze ans… qui entrait en cinquième année… Sa mère qui riait, entouré de ses camarades… sa mère posant fièrement brandissant la House Cup, la salle derrière elle décorée aux couleurs de Slytherin… Sa mère à chaque page… Sixième année… Septième… trois ans de sa vie… trois années heureuses… le sourire de sa mère… L'image se brouilla…
Hagrid quitta silencieusement la pièce.
*
Madam Pomfrey tint absolument à lui faire un dernier check-up avant de le laisser aller au banquet, aussi c'est un peu en retard que Rook arriva. Blaise et Marius l'attendaient à l'entrée de la Grande Salle qui était déjà pleine. Celle-ci était décorée aux couleurs de Gryffindor : rouge et or. Devant la grande table des professeurs, une bannière affichait royalement un énorme lion. Rook grimaça… C'était la première fois depuis six années consécutives que le vert et l'argent ne clôturait pas une année… et tout était entièrement de sa faute.
Comme au banquet de début d'année, il se fit un silence quand Rook remonta l'allée, avant de s'installer à sa place, à le table des Slytherin. Tout le monde le regardait, et il avait toujours horreur de ça ! Bien que cela les eut fameusement desservi en ce qui concernait la distribution des points, les Slytherin – à l'exception de Malfoy et sa bande, singulièrement réduite à Crabbe, Goyle et l'incontournable Pansy Parkinson – affichaient à nouveau leur fierté d'avoir Celui-Qui-A-Survécu dans leur rang… surtout que celui-ci semblait maintenait pouvoir prôner le titre de Celui-Qui-A-Survécu-Deux-Fois. Le regard de Snape, par contre, était merveilleusement vide. Il semblait s'ennuyer à mort… On devinait qu'il aurait largement préféré manger tout seul dans son cachot.
Heureusement, Dumbledore arriva à ce moment, et commença son petit discours. On mima discrètement quelques bâillements à la table des Slytherin.
Rook n'écoutait pas. Il était perdu dans ses pensées, et même le regard perçant de Malfoy ne l'atteignit pas. Distraitement, sa main frôla son médaillon. Il n'avait jamais pensé que sa mère puisse être aussi présente ces temps-ci. Savoir qu'elle s'était également, pendant trois ans, assise à cette table… qu'elle y avait probablement, aux banquets de fin d'année, patiemment attendu la fin du discours de Dumbledore avant de pouvoir enfin se régaler des plats délicieux préparés à cette occasion… Un coup de coude de Marius le ramena à la réalité. L'albinos lui désigna Dumbledore du menton. L'attention des Slytherin avait soudain grimpé d'un cran.
Après avoir énoncé le relevé des points – 467 pour Gryffindor 424 pour Ravenclaw 382 pour Hufflepuff et 289 pour Slytherin – Dumbledore venait d'annoncer que, après les tous derniers évènements, il avait encore des points à rajouter. Snape, qui auparavant avait le teint aussi verdâtre que McGonagall avait les joues rouges, sembla se ranimer, un éclat soudain passant dans ses yeux froids. Les Gryffindors se jetèrent des coups d'œil un peu inquiets.
'Tout d'abord, 'commença Dumbledore. 'Blaise Zabini.'
Blaise sursauta à sa place, ramenant vivement ses deux mains sur sa bouche, les yeux écarquillés, ne semblant y croire…
'Pour le sang-froid dont il a fait preuve malgré son jeune âge alors qu'il était pris au piège d'un Devil's Snare et la logique imparable qu'il a manifesté face à des flammes redoutables, je donne… 50 points à Slytherin…'
Les yeux de Snape étincelèrent, alors que la table de Slytherin éclatait en applaudissements bruyants. Il y eut quelques applaudissements tièdes aux autres tables – surtout chez les Hufflepuff, toujours loyaux et fair-play –, mais on sentait que tous attendaient avec anxiété la suite… McGonagall avait repris son air pincé.
'Je passerais ensuite à … Marius Nott.'
Marius rougit jusqu'aux oreilles, alors que les jumeaux le sifflaient amicalement, à la grande désapprobation de Ron et des autres Gryffindor.
'Pour son abnégation qui l'aurait amené sans hésiter à se sacrifier pour ses amis – sans un petit tour de passe-passe,' ajouta Dumbledore en clignant de l'œil à Rook. 'Et pour avoir réussi un très joli Body-Bind Curse…' Malfoy eut un rictus de dégoût. 'Je donne 50 points à Slytherin…'
Ovation à la table des Slytherin. Les Gryffindor commençaient à faire la grimace. Snape ne quittait pas des yeux Dumbledore.
'Enfin, Rook Sharp.'
Le silence se fit dans la salle, chacun retenant son souffle, tendu dans l'attente. Rook fixait obstinément un point sur la table droit devant lui.
'Pour son intrépidité et sa ténacité manifestés devant un danger dont bien peu d'entre nous aurait pu faire face … je donne 75 points à Slytherin.'
Ce fut un véritable vacarme qui éclata chez les Slytherin, semblant désireux de faire autant de bruit à eux seuls que les quatre Maisons réunies. Blaise, qui avaient calculé à toute vitesse, se rendit compte que Slytherin était maintenant passé à la seconde place, avec exactement 464 points. Si seulement Dumbledore avait pu donner à Rook seulement trois petits points supplémentaires… !
Mais il semblait hélas que Dumbledore en avait fini. Pourtant Snape se leva soudain et vint lui murmurer quelques mots à l'oreille. Le directeur parut surpris, et peut-être même un peu amusé, puis fit un signe aux professeurs Flitwick, Sprout et McGonagall de le rejoindre. Dumbledore sembla plaider un instant avec les trois autres directeurs des Maisons respectivement de Ravenclaw, Hufflepuff et Gryffindor. Ceux-ci affichaient une drôle de tête, nota Rook. Ils semblaient contrariés et en même temps fortement ennuyés… comme si on les avait pris au piège. Le regard qu'ils lancèrent – surtout McGonagall – à Snape était à moitié chargé de reproche. Mais l'expression du sombre professeur resta indéchiffrable.
Dumbledore reprit alors la parole.
'Le professeur Snape a désiré remettre lui aussi quelques points,' fit-il alors que des murmures d'étonnement parcouraient les élèves. 'Ce qu'il fait avec l'accord des trois autres directeurs et le mien, je tiens à le préciser. Donc… à Draco Malfoy…' Malfoy sursauta, ses yeux pâles fixés avec incrédulité sur Dumbledore. '… pour le courage qu'il lui a fallut manifester pour s'opposer à ses pairs, proclamant par là sa loyauté à sa maison et exprimant sa sagesse,… je donne à Slytherin 5 points…'
Il y eut un silence stupéfait dans la Salle, avant que Slytherin explose littéralement de joie, portant un Malfoy aussi ravi qu'ahuri en triomphe. Rook, Marius et Blaise étaient resté figés à leur place. Puis Rook jeta un œil à la table des professeurs… Cela ne dura qu'une seconde, mais il croisa le regard de Snape. Il y avait une sorte de défi dans ses yeux noirs… Rook eut un léger sourire.
'Comment il a fait ça ?' s'exclama Blaise, interloqué. 'Comment a-t-il pu convaincre les autres directeurs d'accorder 5 points à ce crétin de Malfoy !!'
'Tu n'as pas entendu ?' fit Rook. 'Courage, sagesse, loyauté… les trois fers de lance des autres maisons. Snape n'aurait pu trouver mieux… Les autres directeurs ne pouvaient guère refuser sans renier leurs propres valeurs… Regarde McGonagall… on dirait qu'elle va s'étrangler…'
De fait, les Gryffindor en étaient rendus muets. La consternation et l'incompréhension se peignaient sur chaque visage. Ron était rouge de rage.
'Hé les gars…' fit Marius. 'Ça veut dire… Ça veut dire qu'on a gagné ??'
Et à l'instant, Dumbledore frappa dans ses mains, et le rouge et or laissa la place au vert et argent, alors que le Serpent de Slytherin prenait la place du Lion de Gryffindor.
'Oui, on a gagné Marius… Mais c'est Malfoy qui nous offre la victoire…Et ça c'est du Snape tout craché…'
*
Puis ce fut la proclamation des résultats aux examens. Rook s'en tirait avec une bonne moyenne. Blaise avait tout réussi haut la main, mais n'avait obtenu que la deuxième place derrière Hermione Granger. Il tira la tronche tout le reste de la journée. À leur grande surprise – et surtout à la sienne – Marius avait également réussi, de justesse. Son excellente note en Potions (!) rattrapait celles désastreuses de Métamorphoses et d'Enchantements. Malfoy avait également obtenu de très bons résultats, ainsi que Crabbe et Goyle, eux aussi, semblait-il, repêché par le cours de Snape…
Il fut bientôt temps de repartir. Les valises commencèrent à se remplir, les armoires à se vider… Chacun reçu une note lui rappelant que "l'usage de la Magie était interdit pendant les vacances." Marius se plaignit que chez lui de toute façon, vacances ou pas vacances, sa mère lui interdisait de faire quoi que ce soit. Blaise et Rook pensaient que c'était là faire preuve d'une grande sagesse si elle voulait que son fils atteigne l'âge adulte.
Enfin, Hagrid les ramena sur le quai du Hogwarts Express pour les ramener à Londres. Le voyage sembla plus court que celui de l'aller, on se promettait de s'envoyer des hiboux, on s'échangeait des promesses de visites, on riait et plaisantait beaucoup. Il fut bientôt l'heure de quitter ses robes de sorcier pour des vêtements plus conventionnels dans le monde des Muggles et le train entra en gare de King's Cross.
À peine descendu sur le quai, Blaise se jeta dans les bras d'une jolie jeune femme aux longs cheveux châtains foncés, et qui semblait un peu inquiète au milieu de tous ces sorciers en robe et hiboux hululant. Rook reconnu à ses côtés le petit homme au visage souriant. Le père de Blaise tenait par la main une petite fille aussi brune que son frère, coiffée avec des couettes. Quand son regard croisa le sien, elle laissa échapper un cri d'effroi et se cacha derrière son père. Après leur avoir présenté ses parents, Blaise promis à ses amis de leur envoyer un hibou pour les inviter chez lui.
'Personne ne vient te chercher ?' demanda Marius.
Rook répondit qu'il avait encore un train à prendre jusque chez lui…
'Bon, ben… Maman doit m'attendre dehors, avec un taxi. Heu… je…'
'… Bonnes vacances ?'
Les deux garçons se serrèrent gravement la main, et Marius, après un dernier signe, disparut au travers de la barrière magique. Rook se retrouva seul. Il ramassa ses bagages et franchit le passage à son tour. Il entassa ses paquets sur un chariot et remonta le quai pour changer de voie. Sur le quai entre la voix 6 et la voix 7, il attendit un instant qu'on se désintéresse de lui, puis appuya son chariot sur le pilier central. Il disparut au travers.
Sur le voie 6 ½, le Transilvania Express se déroulait devant ses yeux, toujours semblable à lui-même avec sa peinture verte écaillée. Rook remonta silencieusement le long des wagons. Soudain, il y eut un cri derrière lui qui le fit se retourner d'un bloc…
'Romeus !!'
Ses yeux s'éclairèrent. Une femme encore jeune, ses cheveux noirs mi-longs flottant derrière elle, se précipitait vers lui. À sa grande surprise, elle l'attrapa et l'enlaça tendrement.
'Tu vas bien ?' fit-elle dans une langue aux accents rugueux, mais qui dans sa bouche prenait des intonations charmantes. 'Ils ont dit que tu avais été malade… Tu me raconteras hein ? Tu me diras tout…'
'Ariella…'
Rook s'était raidi, mal à l'aise comme à chaque fois. Il avait si peu l'habitude de telle marque d'affection ! La jeune femme rougit et s'écarta de suite, plongeant son regard azur dans celui du garçon.
'Pardonne-moi…' fit-elle en anglais, son délicieux accent amenant un sourire sur les lèvres de Rook. 'Tu m'as tellement manqué…' murmura-t-elle en excuse.
'À moi aussi…' parvint à articuler Rook, la voix serrée par l'émotion.
Il fit un pas et, timidement, enlaça à son tour la femme qu'il aimait presque autant que sa mère, qui l'avait élevé comme son fils. Il ferma les yeux, sa tête appuyé contre son sein, se remplissant de son odeur, du battement de son cœur, de la douceur de sa peau. Appréciant la caresse de sa main dans ses cheveux.
'À moi aussi…'