Secret de famille

by Lazuli

d'après « Hunter X Hunter »

Ni

Kirua marchait à grand pas, énervé. Toute la journée, il avait été harcelé par ce garçon aux cheveux noirs redressés en piques sur sa tête et au sourire idiot. D'abord, il s'était assis à côté de lui, lui qui profitait jusque là d'un calme relatif dû à son isolement. Ensuite, il n'avait cessé de lui adresser la parole, gentiment, comme on parle à de petits enfants, avec compréhension et patience. Kirua cracha sur le sol. Ce Gon ! On ne lui avait donc pas dit qu'il fallait le laisser tranquille ? Kirua était dangereux. Kirua était dérangé. Kirua était violent. Il savait bien ce que l'on disait sur lui. Alors pourquoi lui était-il différent ? Pourquoi ne s'éloignait-t-il pas de lui ?

« Bof. pensa-t-il. Ça lui passera, comme aux autres. »

Il mit ses mains dans sa poche, et se mit à siffloter d'un air insouciant. Mais il s'arrêta rapidement. Gon était sans importance. Mais il avait un vrai problème. Sa note. Ce soir, il lui faudrait annoncer sa note à son père. En pensant à ce qui l'attendait, ses jambes tremblèrent, et il dût s'adosser contre un arbre pour calmer les battements de son c?ur. Au bout de seize ans, il ne s'était toujours pas habitué à ce châtiment. Il n'avait pas envie de rentrer. Mais il savait qu'il ne pouvait pas faire autrement. Ce midi déjà, il s'était laissé tenter par l'envie impérieuse de disparaître, de partir, de s'en aller loin d'ici. Mais il s'était rendu compte que cela ne résoudrait rien. Les sbires de son père l'auraient rattrapé avant la nuit tombée. Et il n'aurait fait qu'augmenter ses problèmes. Il était alors revenu au lycée. La fuite ne résolvait rien.

Il eut beau ralentir le pas, et flâner autant qu'il pouvait, il finit par arriver devant le majestueux portail de leur demeure familiale, Kukuru mountain. N'importe quel jeune de son âge aurait donné n'importe quoi pour habiter ici. Le domaine était immense, et la propriété ne l'était pas mons. Mais pour Kirua, cette demeure était une prison. Le symbole de son aliénation. Mais un jour, il surpasserait son père. Et il détruirait cet endroit. Il s'avança dans l'angle de vision des caméras. Son visage fut reconnu automatiquement, et la porte s'ouvrit. L'avion l'attendait. C'était encore une idée de son père, habiter au sommet d'une montagne accessible uniquement par la voix aérienne. Il entra à l'intérieur, et l'engin se mit aussitôt en mouvement. Quelques instants plus tard, il se posait au milieu de la cour intérieur autour de laquelle était construite l'imposante bâtisse. Kirua se dirigea alors vers ses appartements. Il traversa d'interminables salons, et s'installa ensuite dans sa bibliothèque. Il sortit alors ses affaires de classe, les posa sur un magnifique secrétaire en chêne massif, commanda une limonade glacée, et commença à étudier.

À vingt heures, la cloche retentit. Kirua ferma alors son livre d'Anglais, et se dirigea vers la salle à manger. Il arriva en dernier. Son père, sa mère, ses grands-parents paternels et ses quatre frères et s?urs s'y trouvait déjà. Ils s'installèrent, et mangèrent en silence. Seul le cliquetis léger des baguettes venait distraire leurs oreilles. Kirua resta la tête baissée, craignant plus que de coutume de croiser le regard de son père. Il essaya de manger lentement, afin de retarder un peu plus l'échéance redoutée. Les plats s'enchaînèrent, en un défilé cérémonieux et conventionnel. Enfin, le dernier dessert terminé, Silva se leva, appuya ses mains sur la table, et regarda tour à tour les membres de la famille assemblée. Kirua garda les yeux baissés. Son maillot de corps était trempé par la sueur. Une fois le tour de table terminée, Silva se redressa de toute sa hauteur, et demanda de sa voix de baryton :

« Alors ? »

On y était. Le moment tant redouté était arrivé. Le regard de Kirua glissa inconsciemment vers la porte de la salle à manger. Il aurait peut-être dû tenter de fuir, réflexion faite. Mais il était trop tard pour reculer, à présent. On avait déjà commencé. Son frère Irumi s'était déjà levé. C'était toujours lui qui commençait le Rituel, et c'était toujours lui, Kirua, qui le terminait. Les règles étaient très simples : tour à tour, les cinq enfants se levait, et, face au chef de famille, exposait le plus fidèlement possible sa journée. Ça se passait toujours après le souper. Depuis le temps le plus lointain que Kirua se rappelle, ce Rituel avait toujours existé. Il avait commencé à y participer à l'âge de six ans, et, depuis, pas une seule soirée ne s'était passée sans que, à son tour, il ne se lève pour raconter sa journée. Tous ses gestes, toutes ses pensées étaient jetées en pâture au reste de la famille. Il n'y avait pas de place ici pour aucune vie personnelle. Silva savait tout. Silva coordonnait tout. Silva qui, après les avoir écoutés d'un air impassible, lâchait, en quelques mots secs, une critique, un ordre sur la conduite à tenir en tel ou tel point.

« Kirua ! »

C'était à son tour. Kirua se releva précipitamment, renversant sa chaise en un grand fracas. Il se précipita pour la relever, mais Silva, les sourcils froncés, l'en empêcha d'un geste de la main. Son regard pénétra celui de Kirua, qui dût saisir fermement le bord de la table pour empêcher que le tremblement de ses mains soit trop visible. Il ouvrit la bouche, sachant parfaitement les mots qu'il allait prononcer, et l'impact qu'ils auraient sur son père :

« J'ai eu 18 en Maths. »

Silva, qui jusque là était resté inexpressif, eu un cri de fureur. Ses narines se dilatèrent, ses yeux se plissèrent, ses mains saisirent une carafe en cristal et la jetèrent avec force sur le sol. Les éclats se répandirent à travers la pièce, et aussitôt, des domestiques apparurent, silencieusement, une pelle et un balai à la main et entreprirent de ramasser les morceaux. Puis ils s'effacèrent, aussi rapidement qu'ils étaient apparus.

« Kirua ! »

Kirua garda les yeux baissés. Il savait que s'il croisait le regard de Silva à présent, il cèderait complètement à la panique. Silva hurlait à présent :

« Mais qu'est-ce qui t'a pris ? 18 ! Comment. Tu n'as donc pas compris ce que je t'ai dit ? Jamais en dessous de 19, si tu veux réussir ! Laisse moi te dire une chose, Kirua, il y a deux sortes de gens dans ce monde : ceux qui réussissent, et les autres. La première catégorie est la plus rare, mais c'est elle qui gouverne, et possède le pouvoir ! Je fais partie de cette classe, et tu en feras partie, et vous en ferez tous partie !!! »

Il se tut un instant, sembla se calmer, et c'est d'une voix calme qu'il continua.

« Je veux que tu réussisses ta vie, Kirua, c'est tout. Alors ne m'apporte plus de notes pareilles, d'accord ?. mon fils.

- Oui, père. »

Les yeux de Kirua étaient remplis de larmes qu'il avait peine à retenir. Des sentiments violents se bousculaient en lui. Il avait une envie folle de se blottir dans les bras de son père, mais sa haine pour Silva était dans le même temps plus intense que jamais.

« Bien. Kirua, tu viendras me voir dans ma chambre, tout à l'heure. »

Kirua devint blanc comme un linge.

Allongé sur son lit, il tenta de calmer les battements de son c?ur. Son père était encore en réunion, il avait du temps libre devant lui, avant. Il ouvrit son cahier d'Histoire, mais après avoir relu trois fois la première ligne sans comprendre un mot de ce qu'il lisait, il le ferma violemment, et prit sa tête entre ses mains. « Tu viendras me voir dans ma chambre, tout à l'heure. » Les battements de son c?ur repartirent de plus belle. Il le savait. Il le savait, qu'il aurait droit à ça. Ses mains furent prise de tics violents. ça avait toujours été son pire cauchemar. Ce qu'il craignait, jour et nuit. Quelquefois, il se réveillait en hurlant, trempé de sueur, et il lui fallait plusieurs minutes pour se rassurer, pour se persuader que ce n'était pas ça. Il regarda sa montre. Il était 21 h 48. Son père terminait sa réunion à 22 heures. Et il aimait la ponctualité. Surtout pour ça. Les yeux de Kirua s'emplirent de larmes. Non, il ne devait pas pleurer. Il ne fallait pas que Silva le voie les yeux rouges ( Kurapikaaaaaaaaaaaaaaa !!!!!!!!!!!!!!!!!!!!! N.D.A. ). Il devait être fort. Il se leva, et marcha à travers la pièce. L'attente était insupportable. Il finit par allumer la télé, pour tenter de penser à quelque chose d'autre, mais dans ses oreilles tintait une note stridente très aiguë, et il éteignit le poste, rageur.

22 h 00. C'était l'heure. Kirua se leva, le regard vide, ouvrit sa porte d'un geste automatique, ouvrit sa porte. Il se dirigea dans les couloirs, tel un somnambule, comme un robot téléguidé. Il se repérait inconsciemment, tournait à droite, à gauche, jusqu'à arriver devant une grande porte. Il leva sa main gauche, et frappa. Trois coups bien distincts. Il entendit un bruit derrière la porte, comme un tiroir que l'on referme, et la voix de Silva :

« Entrez ! »

Kirua poussa le loquet de manière spontané. Ce n'est qu'une fois à l'intérieur qu'il reprit pleinement conscience. Cette chambre. ce bureau. cette lampe. ce lit. Kirua les reconnaissait. Son c?ur se remit à battre avec violence. Il n'y avait que pour ça qu'il entrait ici. Ses lèvres tremblèrent. Silva, assit à son bureau, se retourna, et, l'apercevant, lui sourit, et dit, d'une voix empreinte de douceur :

« Ah, Kirua, mon garçon, c'est toi ! »

Il se leva et vint s'accroupir devant lui.

« 18. Pourquoi as-tu fait ça ?. Tu sais bien que j'aie horreur de te punir. Alors pourquoi ne me laisses-tu pas le choix ? Enfin. »

Il posa ses mains sur les épaules de Kirua, qui ne purent s'empêcher de frissonner.

« N'aie aucune crainte, ce sera bientôt fini. Tu travailleras mieux à l'école maintenant, n'est-ce-pas ?

- Oui.

- C'est bien, tu es un bon garçon. (Toute similitude avec un autre personnage est fortuite !!! Je ne me suis rendue compte qu'après de la ressemblance ! N.D.A.) Bon, alors commençons ! Tu es prêt, Kirua ?

- Oui.

- Bien. Déshabille-toi. »

Lorsque ça fut fini, Kirua courut en trébuchant jusqu'à sa chambre, ses joues barbouillées de larmes. Il se jeta sur son lit, et resta étendu, vidé, épuisé de hurlements et de sanglots, ne sentant plus que la douleur brûlante, atroce, qui se répandait sur tout son corps, qui s'imprégnait dans les moindres pores de sa peau. Il rampa jusqu'à son oreiller, se glissa entre les draps, et s'enroula sur lui-même, jusqu'à ne plus être qu'une petite boule palpitant sous la couverture. Disparaître. C'était son unique souhait. Disparaître. Éclater comme une bulle de savon. Disparaître. Rejoindre le néant, le rien, le vide. Disparaître. N'être plus. Plus jamais. Ne jamais avoir été. N'être rien. N'être encore moins que rien. Disparaître. Pour arrêter de penser. Pour ne plus se souvenir. Pour laver cette honte et ce dégoût qui lui prenait la gorge. Pour être en paix avec soi-même. Pour ne plus rien ressentir. Pour oublier. Pour tout oublier. Disparaître. Pour qu'il n'y ait plus, plus jamais ça. Il finit par s'endormir, exténué de fatigue, les yeux grands ouverts.

« Ah, Kirua, mon garçon, c'est toi ! » Non. Non. Pas ça. « 18. Pourquoi as-tu fait ça ?. Tu sais bien que j'aie horreur de te punir. Alors pourquoi ne me laisses-tu pas le choix ? Enfin. » Non. Non. Fuir. Partir. Impossible. Immobile, pas bouger. « N'aie aucune crainte, ce sera bientôt fini. Tu travailleras mieux à l'école maintenant, n'est-ce-pas ? » « Oui. » Pourquoi ? . Pourquoi ses lèvres bougeaient-elles ? « C'est bien, tu es un bon garçon. Bon, alors commençons ! Tu es prêt, Kirua ? » « Oui. » Non. Non !!! « Bien. Déshabille-toi. » Pourquoi ? . Ses mains s'agitaient toutes seules. Pourquoi ? « Ne tremble pas comme ça voyons ! Ce n'est pas si terrible. » Son corps ne répondait plus. Il en était prisonnier. « Allez, détend-toi. Arrête de pleurer, tu sais que je n'aime pas ça. » . C'était vrai. des larmes coulaient sur ses joues. « Approche, mon fils. » Non. Non ! . NON !!! « Kirua ? Ça ne va pas ? » .Gon.Gon ? . Qu'est-ce que.que.fais-tu. ici. ? « Tout va bien, Kirua. Dors, je suis là. » Gon.

Kirua se réveilla avec une migraine incroyable. La douleur n'avait toujours pas disparu, mais s'était atténuée, depuis la veille. Et son c?ur avait repris son rythme normal. Il se leva en baillant bruyamment, s'habilla rapidement, et commanda son petit déjeuner. Il fit son sac, et se prépara à partir. Il bailla encore. Il avait mal dormi cette nuit, sans doute à cause de. non, il ne repenserait pas à çA. Il monta dans l'avion, qui le déposa devant le portail, et partit pour le lycée, les mains dans les poches. Aujourd'hui, il avait. Histoire. Maths. Biologie. Japonais. Oh non ! Il n'avait pas fait le commentaire de texte ! Il l'avait complètement oublié, avec. Bon, il se dépêcherait de le faire à la pause de midi, ça n'avait pas l'air très compliqué. Il monta les escaliers, et se dirigea vers la salle n°405.

Gon était déjà là, assit à sa place, et lui fit un grand sourire. Kirua s'arrêta net. Il avait rêvé de Gon, cette nuit. Cela lui revenait, maintenant. Mais pourquoi ? à cause de. Lorsque çA arrivait, Kirua était toujours très faible psychologiquement. Il avait sans doute besoin d'un soutien, d'un appui, et comme Gon l'avait énervé toute la journée, c'est lui qui lui était venu à l'esprit, et c'est de lui qu'il avait rêvé. Oui, c'était sûrement ça. Kirua se détendit et partit s'asseoir à sa place. En tout cas, Gon n'avait pas l'air de vouloir le lâcher aujourd'hui non plus. Quel pot de colle ! Kirua l'ignora superbement, ouvrit son cahier d'Histoire, et se plongea dans son cours. Il allait devoir travailler encore plus, maintenant. Son père ne tolèrerait pas d'autres mauvaises notes. Et à la fin de l'année, il devrait passer les examens d'entrée à l'université. Il n'avait pas le droit à l'erreur.

À côté de lui, Gon ne tenait pas en place, se retournait, se trémoussait sur sa chaise, tournait bruyamment les pages de son cahier, faisait tomber son stylo. Excédé, Kirua se tourna vers lui :

« Tu ne pourrais pas faire moins de bruit ? Je travaille, je te signale !

- Oh ! Pardon. »

Gon fixait ses grands yeux marrons-verts sur lui, l'air peiné et désolé. Kirua se détourna. Qu'il était énervant, avec son air innocent, candide et naïf ! Une vraie tête de souffre-douleur. Kirua éprouvait une envie impérieuse de lui faire mal, de le faire pleurer. De le frapper encore et encore, pour se libérer de sa rage et de sa propre douleur. Gon était une victime idéale. Mais Kirua avait appris à maîtriser ses pulsions. Il ne devait pas créer de problèmes. Pas maintenant.

Le professeur arriva. C'était un homme assez âgé, qui n'avait aucune autorité sur les élèves. Mais Kirua se concentra sur le cours, malgré le bruit environnant. À côté de lui, Gon recopiait son commentaire de texte. Kirua, intéressé, y jeta un coup d'?il. Le texte était rempli de fautes d'orthographes, et le niveau littéraire était très bas. Ce n'était pas ça qui l'aiderait.

« C'est parce qu'hier, j'ai dû aider ma tante à installer le bar jusqu'à minuit ! »

Zut ! Il l'avait vu. Gon l'avait vu regarder sur son texte. Il allait maintenant croire qu'il s'intéressait à lui. Kirua le regarda, plaçant sur son visage son regard le plus froid.

« Tu sais, ta vie ne m'intéresse pas.

- Oui je sais, mais je t'ai dit ça parce que ce n'est pas du tout mon genre de faire mes devoirs pendant un autre cours. J'étais un peu gêné, alors, j'ai voulu me justifier face à toi. Je suppose que toi, tu l'as déjà fait ?

- .

- Je peux voir ce que tu as écrit ?

- Non. »

Mais pourquoi donc Gon était-il toujours aussi gentil avec lui ? Qu'est ce qu'il pouvait être énervant ! Il haussa les épaules, et se concentra sur ce que disait le professeur. Il avait perdu le fil du cours, à présent.

Toute la matinée, Kirua travailla dur, prenant en note ce que disait le professeur, les complétant avec ses propres connaissances. Lorsque ce fut la pause de midi, il sortit rapidement de la salle de classe, sans daigner répondre à l'invitation à déjeuner de Gon, et partit s'installer à sa place habituelle, sous l'arbre le plus éloigné du parc de l'école, un cerisier. Un banc était installé à cet endroit, et il ne s'y trouvait jamais personne. Kirua s'installa, sortit le panier-repas que lui avait préparé un domestique, et se mit à manger goulûment, sans prendre le temps de se demander s'il aimait ce qu'il ingurgitait. Il avait du travail à faire. Il sortit ensuite une feuille blanche, un feutre noir, et le texte à commencer. Il relut celui-ci, réfléchit quelques instants, et, d'une main experte, commença à écrire.

Lazuli : ça m'a mise dans tous mes états d'écrire cette scène. Au fur et à mesure que je racontais le désespoir de Kirua, je déprimais complètement, et j'ai fini au bord des larmes. C'est normal de se mettre dans un état pareil pour une fic que l'on écrit soi-même ? O_o