Secret de famille

by Lazuli

d'après « Hunter X Hunter »

8 - Hachi

Kirua parla, sans se retourner pour ne pas montrer à Gon les larmes qui coulaient sur ses yeux, sans lui adresser un seul regard pour ne pas faiblir, et parla lentement, distinctement, de sa voix dure, froide et dépourvue d'émotions qu'il savait si bien prendre :

« Alors, c'était pour ça. Ton obstination, ton hystérie pour moi. Tu n'es donc qu'un sale petit pédé. Si j'avais su, je ne me serais pas approché de toi. Tu me dégoûtes. Mais je suis déçu, je croyais briser un c?ur plus pur. »

Les mots, au fur et à mesure qu'il les prononçait, lui faisaient mal, lui écorchaient le c?ur. Mais il devait à tout prix briser à jamais le lien qui le reliait à Gon, pour sa propre sécurité. Il s'éloigna, sans changer son allure, tandis que Gon, prostré sur le sol au milieu de la foule d'élèves attroupés, éclatait en sanglots. Les pleurs de son ami lui faisaient mal, mais il ne se retourna pas, ne ralentit pas, malgré les remords qui oppressaient son c?ur. Une fois hors de sa vue, il s'appuya contre un arbre et ferma les yeux. Il inspira plusieurs fois profondément, s'essuya les joues et repartit, les yeux secs. Son père ne devait pas le voir pleurer.

Il monta dans l'avion, les lèvres serrées. Il devait tenir, tenir encore un peu. Sitôt arrivé, il se dirigea directement vers sa chambre, ferma sa porte et s'écroula de tout son poids sur son lit en sanglotant bruyamment. C'était fini. Toutes ses belles illusions d'amitiés. Il y avait mis fin. Définitivement. Son père avait finalement été le plus fort, et il lui avait obéi, comme un enfant. Mais il savait que celui-ci n'aurait pas hésité à s'en prendre à Gon, s'il avait désobéi. Tout le week-end, il avait réfléchi, débattu avec lui-même sur la conduite qu'il devait adopter, et il savait avoir choisi la plus sage, bien que la plus dure. Il était trop faible pour tenir tête à son père, et lui avait cédé. Il avait fait ce qu'il demandait : il s'était séparer de Gon. Il avait encore, aujourd'hui, profité un peu de la présence de Gon, encore un peu, avant la rupture définitive. Et le moment venu, il avait pu prononcer les mots blessants, humiliants, qui les séparèrent. En somme, il avait réussi ce que son père voulait. Il ne lui restait plus qu'à s'apitoyer sur son propre malheur. Il se tourna sur le dos, et repensa à la discussion qu'il avait eue avec son père, vendredi soir.

« Je t'attendais, Kirua. Nous devons parler tous les deux. »

Kirua frissonna, prit d'une envie de fuir. Que s'était-il passé pour que
son père prit une voix si grave, si tragique ?

« Dis-moi, Kirua. Qui est Gon, pour toi ? »

Il était foutu. Son père savait tout
.
« Comment.

- Les caméras de surveillances, mon garçon. Vous étiez ensemble devant la
porte, ce matin. On me l'a aussitôt signalé. »

L'homme s'approcha à pas lents, cérémonieux, d'un magnétophone qui avait
été posé sur la table, et le mit en marche. On entendit alors, dans toute
la pièce, résonner les voix de deux jeunes garçons :

« Kirua !!! Je t'attendais, Kirua. Tu m'attendais ? Oui, je t'attendais. Tu
ne m'en veux pas ? J'avais envie de faire le trajet avec toi. Oh. Non, ça
ne me dérange pas. »

Son père appuya sur la touche STOP, et le regarda, d'un air interrogateur.

« évidemment, ça a été un jeu d'enfant de retrouver son identité avec son image et sa voix. Gon Freecss, seize ans, né sur l'île de la Baleine, fils unique et orphelin, recueilli par sa tante. Tu es finalement tombé dans la
faiblesse de l'amour, Kirua. Et avec un garçon, le comble de la
perversité !

- Vous vous trompez.

- Pardon ?

- Vous vous trompez ! Gon est un ami, rien de plus !

- Un ami ! »

L'homme cracha sur le sol avec mépris.

« Les Zoldiks n'ont pas d'amis. Nous n'en avons pas besoin. Ce sont les faibles qui s'accrochent à de telles chimères.L'amitié affaiblit le c?ur et
le corps. Kirua, tu ne verras plus ce garçon. »

C'était un ordre. Une menace. Il n'avait pas le choix. Kirua savait de quoi
son père était capable. Il n'hésiterait pas à s'en prendre à Gon, pour remettre son fils dans « le droit chemin ». Et cela, il ne le voulait pas.
Il baissa la tête. Il ne pouvait rien faire. Face à son père, il était
resté l'enfant de six ans terrifié, qu'il avait « corrigé » pour la
première fois. Il ne pouvait rien faire.

« Bien, père. »

Kirua se retourna, et s'allongea sur le ventre. Il allait donc être de nouveau seul, éternellement seul, sans personne à qui sourire et parler. Il s'était si rapidement habitué à avoir un ami. Et il avait dû tout arrêter, tout briser, au moment même où Gon lui annonçait. Il se redressa brusquement sur son lit, prenant soudainement conscience de quelque chose. Gon l'aimait ! Il n'était pas question entre eux d'amitié, c'était de l'amour que Gon éprouvait pour lui. Kirua se sentit mal-à-l'aise. Gon devait vraiment souffrir d'avoir été repoussé par lui comme ça. C'était l'effet recherché, il est vrai, mais. Cela avait dû être dur pour lui. Très dur. Gon. Gon l'aimait. Kirua se sentait bizarre à cette pensée. Gon. La première personne qui l'aimait, d'un amour pur,sans taches. Gon. Et lui, Kirua. l'aimait-il, comme son père avait l'air de le croire ? Il prit le temps de réfléchir. Non. Non, il n'aimait pas Gon. C'est, ou plutôt c'était, un ami, mais il n'éprouvait pour lui aucun sentiment amoureux. Kirua se doutait d'ailleurs qu'il puisse jamais aimer quelqu'un un jour. Oui, c'était de l'amitié qu'il éprouvait pour Gon. Simplement de l'amitié. Une très belle amitié. Mais en attendant, il devait l'oublier. Leur histoire était terminée.

Kirua recommença à pleurer, désespérément, faiblement, pleurant à la fois son propre malheur et celui de Gon. Gon ne méritait pas d'être malheureux ainsi. Il ne méritait pas d'être malmené ainsi par lui. Et si Gon l'aimait, (il sentit son c?ur se pincer à cette pensée) il devait être à présent au bord du désespoir. Il se demanda ce qu'il aurait fait, lui, s'il avait été à la place de Gon. « Je me couperais les veines » pensa-t-il aussitôt. Ses pupilles s'agrandirent, et il retint son souffle, affolé. Que ferait-il si Gon en venait à cette extrémité ? Humilié publiquement par la personne qu'il aimait, le suicide pouvait être l'une des solutions s'offrant à son esprit. Gon y céderait-il ? Kirua s'assit, paniqué. Si Gon mourait, il en serait doublement coupable. Et il ne pourrait jamais se le pardonner. Alors que faire ? Lui parler ou se taire, c'était le mettre en danger. Devait-il l'assurer de son amitié, lui expliquer les menaces de son père, et le supplier de se tenir à l'écart ? Non. C'était trop dangereux. Gon ne devait pas savoir. L'ignorance était la meilleure des protections. Et connaissant Gon, celui-ci ne se détacherait pas de lui pour autant, bien au contraire. Ce garçon était très. têtu, et l'avait déjà montré. Le mieux était sans doute de ne rien dire, et de continuer comme prévu, mais.

Kirua ne dormit pas, cette nuit-là. Sans cesse il réfléchissait à sa conduite. Devait-il obéir à son père ou à ses sentiments ? Devait-il rendre Gon heureux, au risque de le mettre en danger ? Que devait-il faire ? Il se tourna, se retourna dans son lit, remuant dans sa tête les même pensées sombres et angoissantes. Il ne voulait pas perdre Gon. La seule, l'unique personne à avoir réveillé un brin d'humanité en lui. Son ami. La seule personne qui comptait pour lui. Celle qui l'avait sortit de son cruel isolement. Il se remit à penser à tous les moments qu'ils avaient vécus ensemble. Allait-il jeter tout cela dans l'oubli ? Il se rappela l'entrée de Gon dans la classe, son indignation lorsqu'il s'était installé à côté de lui, l'intervention de Gon dans son rêve, l'acharnement qu'il avait eu à devenir son ami, ses propres tentatives de plus en plus faibles pour le repousser, son éblouissement pour le corps de son ami dans les vestiaires, le contact de leurs peaux lors du combat. Kirua repensa à sa tentative de baiser. Il avait été ébloui par la force et la santé qui émanaient du corps de Gon. Il l'avait désiré. Ce regard pur et loyal, ce corps qui n'avait jamais été souillé, ces joues resplendissantes de pureté, cette peau juvénile, ces lèvres rosées légèrement humides, tout cela l'avait fortement attiré, et.

Kirua renversa brusquement sa tête en arrière, gêné, étonné. Il saignait du nez. Il se déplaça à tâtons, fixant le plafond, jusqu'à sa table de nuit, prit un mouchoir, et se l'appliqua sur ses narines, qu'il pinça fortement pour arrêter l'écoulement. Il saignait du nez. Le regard de Gon, son corps, ses joues, sa peau, ses lèvres l'attiraient encore. Il le désirait encore. Il n'éprouvait pas seulement pour Gon une amitié platonique, mais il avait une réelle attirance physique pour lui. Était-ce. de l'amour finalement ? Il se rappela à nouveau, le plaisir qu'il prenait à le regarder et à le sentir près de lui, son omniprésence dans son esprit, son envie toujours réfrénée de le toucher, de le palper. Oui, ça devait être cela. Il aimait Gon. Ce n'était pas de l'amitié. Ce n'était plus de l'amitié, mais un désir de possession, physique et sentimental. C'était de l'amour.

Kirua jeta dans sa corbeille à papier le mouchoir sanglant, constata avec soulagement l'arrêt de l'hémorragie, et s'allongea à nouveau sur son lit. La pendule indiquait deux heures et demie. Mais Kirua n'avait absolument pas sommeil. Il sentait une foule de pensée l'assaillir, le presser. Il aimait Gon. Cela changeait tout. Il aimait Gon, et Gon l'aimait. Devaient-ils souffrir chacun de leurs côtés ? Ne pouvaient-ils pas être heureux, ensemble ? être avec Gon, vivre avec Gon, rire avec Gon. C'était tout ce qu'il demandait. C'était son père qui les séparait. Kirua serra les poings. C'était son père, une fois de plus, qui se dressait sur son bonheur. Son père qui l'avait élevé, dressé dans le seul but de faire de lui un vainqueur, un gagnant, l'héritier des Zoldiks. Les Zoldiks sont forts, riches, puissants, supérieurs. Les Zoldiks n'ont besoin de personne. Son père lui répétait cela depuis ses six ans. Kirua l'avait cru jusqu'alors. Mais maintenant il savait. Son père avait tort. Il était faible, fragile, solitaire. Il avait besoin de Gon. Il avait trahi l'esprit des Zoldiks.

Il se leva, et sortit sur le balcon. L'air froid le fit frissonner. Il avait envie de fuir, de partir au loin, de tout quitter pour être avec Gon, pour vivre avec Gon. S'en aller très loin, avec le strict nécessaire, en tenant son aimé par la main. Partir à l'aventure, sans un sou en poche. Rêve impossible. Son père enverrait des hommes à leur poursuite, écarterait Gon d'un revers de la main, et enfermerait à nouveau Kirua dans la demeure familiale. Ce serait si beau, pourtant. Cela le ramena à la question qui tournait et retournait dans sa tête depuis le début de la nuit. Devait-il ou non s'excuser auprès de Gon, et lui annoncer ses sentiments ? Allaient- ils essayer de s'aimer malgré tout ? Il le voulait. Gon le voudrait certainement aussi. Mais Gon ne serait pas conscient de l'ampleur du danger. Il n'avait pas idée de la puissance et de l'influence de Silva. Mais Kirua savait qu'il ne pourrait pas revoir Gon sans se sentir faiblir dans ses résolutions. Il ne pourra pas le laisser souffrir. Il ne pouvait pas le laisser souffrir. Il devait s'excuser. Au moins s'excuser. Lui demander pardon pour ce qu'il avait dit, sans s'engager à rien. Refuser avec douceur son amour, et cacher ses propres sentiments. Couper les ponts sans violence. C'était cela qu'il devait faire. Cela arrangerait tout. Il protégerait Gon sans le faire souffrir. Soulagé d'avoir enfin la réponse à sa question, il retourna dans sa chambre, se glissa entre les draps froids de son lit et s'endormit aussitôt.

Il se réveilla tôt le lendemain avec l'impression de ne s'être pas reposé. Il se leva en baillant, se lava, s'habilla, prit son petit déjeuner et partit pour le lycée. Il faisait encore nuit. Il s'était levé tôt, très tôt, pour pouvoir être chez Gon avant que celui-ci ne se lève. Il se dirigea dans le silence nocturne. Le ciel commençait juste à s'éclaircir. Il avait entendu Zushi dire quelques jours auparavant que Gon et sa tante avait repris le café au nord du village. Il s'arrêta plusieurs fois pour se repérer. Bien qu'il habitât ici depuis sa plus tendre enfance, il ne connaissait pas bien le village. Mais il avait par chance un excellent sens de l'orientation, et il arriva bientôt devant une maison au toit rose et aux fenêtres garnies de fleurs, dont l'enseigne en bois verni indiquait d'une écriture ronde : « Mizu-umi no kis-sa-ten ». Sur la boîte aux lettres disposée sur le petit muret en pierre entourant la propriété, une étiquette annonçait, d'une écriture que Kirua connaissait bien, « Mito et Gon Freecss ». Il était arrivé. Kirua regarda la maisonnette. Elle était petite, si petite par rapport au gigantesque manoir des Zoldiks ! Un petit jardin, quelques fleurs, tout était petit, mignon, coloré. C'était une maison de gens simples, heureux, qui se laissaient bercer par la vie. Kirua sentit qu'il allait aimer cette maison. Il aurait aimé y vivre, sereinement, avec celui qu'il aimait. Mais il était ici pour s'excuser. Simplement pour s'excuser.

Sa montre indiquait six heures. Il s'assit dans l'herbe, près de la maison, prit un air décontracté, et attendit. Il n'avait plus qu'à patienter. Bientôt, Gon allait ouvrir la porte, son petit sac sur le dos. Leurs regards se croiseraient, s'accrocheraient. Bientôt, il allait revoir la silhouette qu'il chérissait tant. Bientôt, il se trouverait face à face avec celui qu'il aimait, pour la première fois depuis qu'il avait clarifié ses sentiments. Il allait devoir se retenir de se jeter à son cou, garder de la distance, s'excuser de son comportement de la veille, et annoncer, avec autant de douceur et de fermeté, qu'il renonçait à cette amitié, et qu'il priait Gon de le laisser à sa solitude. Ses paroles le déchireraient, lui tailladeraient l'intérieur. Puis il partirait, s'éloignant à pas lourd de sa raison de vivre, contre son gré, pour le protéger, sans se retourner, sans le regarder. Cela sera ainsi. Il lui parlerait sans doute pour la dernière fois aujourd'hui. Il devait en faire son deuil.

Il entendit du bruit à l'intérieur, et se redressa, le c?ur battant, autant d'espoir que d'appréhension. Il y avait des bruits de vaisselle cassée et de pas précipité. Et des sanglots. Quelqu'un pleurait. À chaudes larmes. Quelqu'un d'autre prononçait de paroles réconfortantes. Kirua n'entendit pas ce qu'ils se disaient, mais sentit qu'il était certainement la cause de ce chagrin. Il se sentit soudain extrêmement coupable. Il avait déjà fait pleurer Gon à plusieurs reprises. Il était la cause de son malheur, de sa souffrance. Il n'était pas digne d'être aimé de lui. Il se boucha les oreilles pour ne pas entendre ces sanglots, mais ils résonnaient au plus profond de sa tête, et de son c?ur. C'était sa faute. Sa faute. Il se comportait en criminel. Il avait joué avec les sentiments de Gon. Il se méprisait du plus profond de son être.

La porte s'ouvrit tout d'un coup, laissant apparaître celui à qui il avait tant pensé. Gon se tenait sur le pas de la porte, les lèvres tremblantes, ses grands yeux rouges et bouffis fixés sur lui. Kirua y lut successivement le chagrin, l'étonnement, l'incrédulité, et une joie, une joie immense, démesurée. Il avait honte de devoir une fois encore briser le bonheur de Gon.

« Kirua ! »

Gon s'avança doucement, timidement, comme s'il craignait que sa présence ne soit qu'un rêve. Kirua se leva, les yeux baissés, évitant de le regarder pour ne pas changer d'avis.

« Kirua, tu. tu es venu ! »

Il devait détromper Gon. Il était seulement là pour s'excuser pour hier. Kirua le regarda. Une dernière fois. Il allait éteindre cette folle lueur d'espoir qui dansait dans ses yeux. « Pardon Gon » pensa-t-il. Il regarda Gon. Il devait s'excuser de son comportement, lui demander gentiment de le laisser tranquille. Il devait le dire. Pour leur bien à tous les deux. Il ouvrit la bouche, lentement :

« Je t'aime. »

Et tandis que Gon se jetait à son cou, il sentit l'amertume de l'échec prendre possession de son corps. Il avait perdu. Il avait été faible.

Lazuli : Ben voilà, ils sont enfin ensemble, tous les deux. C'est pas trop tôt, quand même ! En tout cas je voudrais remercier Mimi, ma fan la plus assidue (euh. ma seule fan en fait. T__T) qui m'a laissée beaucoup de reviews. Mimi je t'adore, et j'attends la suite de tes fics avec impatience !