Disclaimer : si les personnages et l'univers de Harry m'appartenaient, je
ne mettrais pas mes histoires sur ff.net.
Merci à Miss Tambora de relire et de corriger ce texte.
Chapitre 1 :
Juillet 2003.
Harry se réveilla en sursaut, couvert de sueur. Le radioréveil lumineux indiquait cinq heures quinze. Doucement, pour ne pas réveiller sa femme, il se leva et se rendit à la salle de bain. Une douche brûlante aida à dissiper le sentiment d'irréalité que provoquaient toujours ses cauchemars. Harry s'habilla d'une tenue de cheval. Il savait qu'il ne se rendormirait pas. Depuis qu'il avait vaincu Voldemort et quitté le monde des sorciers, les terribles moments de sa vie avaient hanté ses nuits. Avec les années, les cauchemars étaient devenus moins fréquents, mais ils n'avaient jamais cessé totalement. La plupart du temps, ils concernaient cette terrible nuit où il avait découvert la trahison de Cho et le corps de son parrain.
Mais ce matin là, c'était différent. Il avait revu la mort de Cédric, et la renaissance du mage noir, à l'aide du sang de Harry qui était alors âgé de quatorze ans. Il y avait des années qu'il n'avait pas repensé à cette scène.
En passant sur le pallier, Harry entrouvrit légèrement la porte de la chambre d'enfants et écouta la respiration tranquille de son fils. James allait avoir un an en septembre. Il ressemblait beaucoup à son père.
Harry referma doucement la porte et descendit au rez-de-chaussée. Il se chaussa de grosses bottes en caoutchouc, sortit de la maison dans la froide lueur de l'aube et se dirigea vers l'écurie. C'était Sylvie qui lui avait appris à aimer les chevaux, et à les monter.
Les bêtes le saluèrent de joyeux hennissements.
« Bonjour, leur dit Harry. Oui, moi aussi je suis content de vous voir. »
Il se dirigea vers la stalle de Starlette, une jument noire, avec une crinière un peu plus claire. C'était le premier cheval qu'il avait eu, et elle était restée sa préférée. Après avoir brossé la robe de la jument, il la sella, et la monta. Le soleil s'était levé, la journée promettait d'être chaude. Harry fit partir la jument au pas, dans les bois qui entouraient sa propriété. Il chevaucha pendant près d'une heure, sans rencontrer personne.
Ses pensées vagabondaient librement, il ne faisait pas attention à la direction prise par sa monture. La jument continuait à avancer. Elle était habituée à ces promenades matinales, au cours desquelles son maître et elle prenaient toujours le même chemin.
Harry pensait à tout ce qui était arrivé depuis le jour où il avait remporté le tournoi des trois sorciers. Les trois années qui avaient suivi avaient été sombres, remplies de crimes odieux perpétrés par les serviteurs de Voldemort. L'adolescent avait vécu relativement protégé, à Poudlard. Quelques uns de ses condisciples avaient subi de terribles pertes. Les parents de Seamus étaient morts quand ils étaient en septième année, le jour de Noël. Mais la vie à l'intérieur du château avait peu changé malgré tout. Il y avait continué à y avoir des fêtes, peut-être même plus qu'avant, comme si tous avaient conscience qu'à la fin de leur scolarité ils seraient lâchés dans un monde qui n'aurait rien d'agréable.
A la fin de sa sixième année, Harry avait commencé à sortir avec Cho. Juste avant que la sorcière ne quitte l'école. Ils s'étaient beaucoup écrits pendant l'année où ils avaient été séparés, et s'étaient vus à chaque sortie à Pré-au-Lard. Jamais Harry n'avait soupçonné les véritables intentions de Cho. Il ignorait à quel moment elle avait basculé du côté des forces de l'ombre. Est-ce que cela avait toujours été en elle ? Est-ce que la mort de Cédric avait été un choc qu'elle n'était jamais parvenue à surmonter ? Etait-ce venu plus tard ?
En tout cas, les lettres et la présence de la jeune femme avaient contribué à illuminer la dernière année de Harry à Poudlard. Malgré les horribles nouvelles qui arrivaient du monde extérieur, et même qu'il savait qu'il lui fallait se préparer à affronter de nouveau Lord Voldemort. En avril, cette année là, Queudver avait été arrêté en tentant de lancer une attaque contre le ministère de la magie. L'innocence de Sirius avait été prouvée. Jamais Harry n'avait été aussi heureux.
Jusqu'à ce jour où tout avait basculé. Avec le recul, Harry comprenait mieux les réactions du reste du monde. Il avait pardonné aux journalistes, et à tous ceux qui s'étaient réjouis. Ce soir là, il les avait débarrassés du pire fléau qu'ils aient jamais connu. Le corps de Celui Dont On Osait Pas Prononcer le Nom avait été brûlé, pour qu'il ne puisse plus jamais revenir, et les gens avaient enfin eu la paix. Ils avaient fêté l'événement, tout comme ils avaient fêté la disparition du mage noir seize ans auparavant. Une victime de plus n'avait pas d'importance en face de la délivrance représentée par la mort de Lord Voldemort. Et une fois de plus, Harry avait été porté au statut de héros.
Mais Harry n'était qu'un jeune garçon en deuil, et il n'avait aucune envie d'être un héros. Alors, il avait rejeté tous ceux qui l'adulaient. Ron et Hermione avaient tenté de le retenir. Mais sa décision était déjà prise. Et ses amis avaient fini par comprendre son besoin de solitude. Après que Harry eut cassé sa baguette, Dumbledore était apparu dans le cimetière. Avec colère, il avait chassé les journalistes, et ramené ses élèves à Poudlard.
Il avait emmené Harry dans son bureau, et le jeune homme se souviendrait toujours de la conversation qu'ils avaient eue ce jour-là. Jamais le vieil homme n'avait paru aussi fatigué, jamais son regard n'avait été aussi terne, sans cette étincelle qui brillait généralement derrière ses lunettes en demi-lune.
« Tu as pris ta décision, n'est-ce pas, Harry ?
- Oui, professeur.
- Je n'essaierai pas de te retenir, mais il y a beaucoup de gens à qui tu vas manquer.
- Ron et Hermione, sans doute. Mais ils sont là l'un pour l'autre, ils s'en remettront. Et je pense qu'ils comprendront. Dites-leur que je les regretterai. Je n'ai pas le courage de leur dire adieu.
- Où vas tu aller ? Tu ne retournes pas chez ton oncle et ta tante ?
- Non. - Harry eut un petit rire amer. - De toute façon, ils ne voudraient pas me garder. J'ai de l'argent à ne savoir qu'en faire. Je trouverai à me loger. Loin de tout le monde, là où même Rita Skeeter ne me retrouvera pas.
- Bonne chance, Harry. Quelle que soit la voie que tu choisisses. J'aurais voulu que tout cela se termine autrement. Prends garde, tout ne sera pas facile pour toi. Il n'est jamais bon de se retrouver seul dans les moments de deuil. Tu es jeune, tu as la vie devant toi. Rappelle-toi que la peine n'est que passagère. Jure-moi que, quoi qu'il arrive, jamais tu ne renonceras à vivre.»
Harry avait juré. Le vieux sorcier s'était levé et l'avait étreint, ce qu'il n'avait jamais fait auparavant, puis, après lui avoir rappelé qu'il aurait toujours une place à Poudlard s'il décidait de revenir, il lui avait remis un portoloin. Le jeune homme avait atterri sur le chemin de traverse.
Il avait changé en argent moldu la quasi totalité du contenu de sa chambre forte à Gringotts, et tout fait verser sur un compte en banque à son nom. Puis, il avait pris le train jusqu'au fin fond de l'Angleterre, et avait acheté une maison dans les bois.
Harry avait enfermé au grenier la malle contenant toutes ses affaires de Poudlard, les souvenirs de ses parents et de ses amis. Il voulait tout oublier de ce qu'il avait été, tout oublier de la sorcellerie. Il avait occupé ses journées à réparer et à meubler sa maison. Il faisait de longues promenades en solitaire dans la forêt. Souvent la journée s'écoulait sans qu'il parle à personne. La vie s'était écoulée, morne, petit à petit Harry s'enfonçait de plus en plus profondément dans la dépression. Plusieurs fois, au cours de cette période, il avait envisagé de mettre fin à ses jours, plusieurs fois. Seul le souvenir des paroles de Dumbledore, et de la promesse qu'il lui avait faite, l'avaient retenu.
Puis, il avait rencontré Sylvie. Elle l'avait aidé à sortir de sa déprime, lui avait redonné le goût de vivre. Et un an exactement après sa fuite, il l'avait demandé en mariage.
Ils s'étaient mariés au printemps suivant. Les bans avaient été publiés dans un journal moldu, et un jour Harry avait reçu une lettre de félicitations, signée par Ron et Hermione Weasley. Ils avaient visiblement lu l'annonce et trouvé son adresse. A la suite de ça, Harry écrit une ou deux fois à ses amis, pour leur dire de ne pas s'inquiéter pour lui. Il envoyait ses lettres chez les parents d'Hermione, les réponses arrivaient par la poste moldue. Ron et Hermione avaient une petite fille, Cassandre, qui avait quelques mois de plus que James. Ron était devenu Auror, Hermione avait obtenu le poste de professeur d'Arithmancie à Poudlard après le départ à la retraite du professeur Vector. Parfois, Harry brûlait du désir de les revoir. Mais, dans sa nouvelle vie, il avait trouvé le bonheur. Et Sylvie ne savait rien de son passé.
La jument atteignit la route. Harry la lança au galop en direction de sa propriété, pour aller retrouver sa femme et ses enfants.
Sylvie fut réveillée par des cris. Il était sept heures et demi. Elle se leva, mit ses pantoufles et se rendit dans la chambre de James. L'enfant s'était redressé et se tenait debout dans son petit lit, agrippé aux barreaux. En apercevant sa mère, il cessa de crier, et tendit les bras dans sa direction.
« Bonjour mon Jamsie », dit-elle en le prenant dans ses bras et en déposant un baiser dans les cheveux noirs déjà épais du bébé. Il gazouilla gaiement en réponse.
Sylvie descendit avec son fils dans la cuisine, et déposa l'enfant sur sa chaise de bébé. Puis, elle mit du lait à chauffer. Quand il fut à la température souhaitée, elle le versa dans un biberon qu'elle tendit à James. Il le prit de ses petites mains potelées, en gazouillant gaiement.
« Bonjour vous deux, fit une voix derrière elle. Harry apparut dans l'encadrement de la porte et se pencha pour l'embrasser. Il sentait le savon, et portait un jean et un tee-shirt, signe qu'il était revenu se changer après sa promenade.
- Bonjour, répondit-elle en lui rendant son baiser. Tu as encore fait un cauchemar ?
- Oui, répondit Harry, sans donner plus de détails. Il se tourna vers son fils, qui avait lâché son biberon et gesticulait bruyamment dans la direction de son père.
« Alors, Jamsie, demanda-t-il en le sortant de sa chaise, bien dormi ?» Le bébé gigota de plaisir dans ses bras, et se mit à glousser quand son père le chatouilla.
« Harry, dit Sylvie d'un ton réprobateur, James était en train de déjeuner.
- Désolé, » s'excusa Harry en reposant l'enfant, qui n'eut pas l'air satisfait du changement et fit une grimace. L'homme aux cheveux noirs ramassa le biberon tombé à terre et le remit dans les mains du bébé. « Jamsie, finis ton biberon sinon maman ne va pas être contente et elle va frapper papa.
- Harry ! s'exclama Sylvie, tu n'as pas honte de dire des choses pareilles à notre bébé ! Je suis sûre qu'il comprend tout.
- J'espère bien. Ce ne serait pas efficace sinon. Regarde, il boit, maintenant. »
En effet, l'enfant avalait goulûment le lait chaud. Harry se tourna de nouveau vers lui. « Je plaisantais, Jamsie. Tu sais que maman ne frapperait pas papa, n'est-ce pas ? » Le bébé jeta un coup d'?il à son père, puis il retira la tétine de sa bouche et se mit à rire. Sylvie soupira, puis sourit en voyant le regard ironique que lui lançait Harry.
« Assieds-toi, lui dit-elle. Tu dois avoir faim.
- Je vais faire les ?ufs et surveiller Jamsie, rétorqua-t-il. Assieds toi, toi.
- D'accord, si tu veux jouer à l'homme de maison, je vais m'habiller. Des fois que tu fasses tout brûler, je préfère ne pas voir ça. » Elle avait dit cela en plaisantant. Harry savait parfaitement comment faire cuire des ?ufs. Il avait vécu tout seul pendant un an, et depuis leur mariage les tâches ménagères étaient partagées de manière à peu près équitables.
Sylvie remonta l'escalier jusqu'à leur chambre. Elle remarqua que les couvertures, du côté de Harry, étaient complètement débordées. Comme presque à chaque fois qu'il avait un cauchemar. Au début, plusieurs fois, il avait crié dans son sommeil. Elle avait essayé de le calmer, de le rassurer, mais il semblait que rien de ce qu'elle faisait dans ces moments- là n'avait d'effet sur lui. Petit à petit, il avait appris à assumer ses cauchemars en silence, et ne réveillait plus Sylvie.
Il y avait longtemps que la jeune femme avait cessé de se poser des questions sur son mari. Il était apparu un jour, avait acheté la propriété voisine de celle de ses parents. Comme la plupart des habitants de la région, elle avait très vite été intriguée par lui. D'abord, parce que c'était le seul jeune homme des environs, et qu'il était particulièrement mignon. Ensuite, parce que sa situation n'était pas banale. Il avait son âge, mais il vivait seul dans une grande maison qu'il avait achetée. Et nul ne savait d'où il sortait, il ne parlait à personne. On pouvait le rencontrer errant dans la forêt aux heures les plus étranges du jour et de la nuit. Beaucoup avaient fini par le considérer comme un fou.
A l'époque, Sylvie venait de terminer ses études secondaires, et elle était revenue aider ses parents. Ceux-ci tenaient un centre de vacances, dont le principal attrait était une écurie bien remplie. La jeune femme s'occupait des bêtes, organisait des promenades à cheval et donnait des leçons d'équitation.
Un jour qu'elle montait, seule, une jeune jument un peu trop fougueuse, la bête s'était emballée à la vue d'un serpent. Sylvie avait tenté de la calmer, mais elle n'avait rien voulu entendre et s'était mise à ruer et à sauter. La jeune femme avait crié quand l'animal l'avait désarçonnée, et qu'elle était tombée plutôt rudement sur le sol. Elle n'avait pas entendu quelqu'un accourir, et avait été surprise quand une voix d'homme avait demandé :
« Ça va, vous n'avez rien ? ».
C'était Harry. C'était la première fois qu'elle le voyait de près. Il l'avait raccompagnée chez elle ce jour-là, et ils avaient un peu parlé. Elle avait été frappée par l'éclat de ses yeux verts, si proche du désespoir. Le lendemain, il avait sonné chez ses parents et avait ramené la jument, en la tenant par la bride. Elle avait proposé de lui apprendre à monter, et ils avaient commencé à se voir régulièrement. Jamais elle n'avait vu un élève aussi doué. Il avait affirmé n'être jamais monté à cheval, pourtant son assiette avait été impeccable dès la première leçon. Sylvie ne pouvait pas deviner que c'était la pratique du balai volant qui lui donnait une telle aisance.
A quel moment elle en était tombée amoureuse, elle n'aurait pas su le dire. Petit à petit, il s'était intégré dans la famille, ses parents l'invitaient à dîner presque tous les soirs. Puis, il l'avait demandée en mariage, et elle avait accepté. Son père s'était montré plutôt réticent, au début, parce qu'ils étaient très jeunes tous les deux, à peine dix-neuf ans, et que nul ne savait rien de Harry. Mais parce que Harry était déjà installé, qu'il avait semblait-il une bonne source de revenus, et que les jeunes gens habiteraient la maison voisine de la leur, il avait fini par accepter, à condition qu'ils respectent un délai d'un an de fiançailles.
Trois ans après leur mariage, Sylvie n'avait pas eu une seule occasion de le regretter. Harry était aimant, doux, mais aussi vif, et souvent drôle. Et il lui avait donné Jamsie. Ensemble, ils avaient monté un élevage de chevaux de selle. Ils avaient peu de pensionnaires, préférant attacher plus d'attention à chacune de leurs bêtes, que d'en avoir beaucoup. Le petit nombre de poulains qu'ils mettaient au monde et élevaient chaque année ne leur rapportait que peu d'argent à la vente, mais Harry avait suffisamment d'argent pour vivre. Elle ignorait d'où il le tenait. Probablement d'un héritage.
La tristesse avait progressivement disparu des yeux verts de Harry. Mais Sylvie savait qu'elle était toujours là, enfouie au plus profond de lui. Elle resurgissait parfois, quand il ne se savait pas observé. Ou quand il faisait ces terribles cauchemars. Après tous ces mois de vie commune, elle n'avait réussi à découvrir que peu de choses sur son passé. Harry restait un être mystérieux. Il n'y avait pas une seule photo dans la maison avant qu'elle ne s'installe. Ni de lui, ni de ses parents, ou d'un membre de sa famille.
D'après certaines remarques qu'il avait faites, elle avait conclu qu'il avait eu une enfance malheureuse. Elle savait que ses parents étaient morts. A la naissance de leur fils, il avait insisté pour le nommer James Sirius Potter. Il lui avait alors dit que James était le prénom de son père, et Sirius celui de son parrain. Elle ne s'y était pas opposée, James était un prénom qu'elle aimait bien. Sirius était plutôt étrange, mais c'était joli, et de toute façon ce n'était qu'un deuxième prénom qui serait très peu utilisé.
Sylvie finit d'enfiler une robe de coton bleu, et descendit rejoindre son mari et son fils. L'odeur du café et du bacon arriva à ses narines. Harry avait installé James sur une couverture sur la pelouse, à côté de la table, au milieu de jouets et de peluches. Le bébé jouait avec un petit lionceau en peluche, qui avait toujours été son préféré. Curieusement, ce choix avait empli son père de fierté.
Harry arriva derrière elle, et posa la cafetière sur la table. Il avait déjà disposé les plats d'?ufs au bacon et les tranches de pain grillé. Ils s'attablèrent. Aussitôt, James trouva ses jouets beaucoup moins intéressants. A quatre pattes, il vint voir ses parents.
« James ! protesta sa mère . L'herbe est pleine de rosée, tu vas être tout mouillé ! » Harry se leva, attrapa le bébé et l'installa sur ses genoux. Satisfait, celui-ci se mit à gazouiller.
Une voiture s'arrêta devant chez eux. « Ce doit être le facteur, » dit Harry.
Sylvie alla saluer le facteur qui était un vieil ami. Il lui remit le courrier du jour. Au milieu des lettres de clients et des publicités, qu'elle jeta sans même les regarder, il y avait une lettre pour Harry, dont l'adresse avait été tracée d'une écriture féminine, bien dessinée. Ce n'était pas la première fois que cette personne, quelle qu'elle soit, écrivait à son mari. C'était d'ailleurs les seules lettres personnelles qu'il ait jamais reçues depuis leur mariage. Il ne les lui avait jamais montrées, ne lui en avait pas parlé, et elle n'avait pas posé de questions. Elle savait qu'il ne lui répondrait pas, et que cela ne servirait qu'à le mettre mal à l'aise.
S'agissait-il d'une s?ur ou d'une amie, elle n'en avait pas la moindre idée. En tout cas, c'était quelqu'un qui comptait pour Harry. Une expression nostalgique se lisait toujours sur son visage quand il voyait les lettres.
Ce jour là, quand elle lui remit le pli, il le prit avec une expression à la fois surprise et ravie. Il l'ouvrit d'un geste nerveux, et commença à lire. Soudain, son visage changea. Il apparut inquiet, à la limite de la peur, voire de l'horreur.
« Mauvaises nouvelles ? demanda-t-elle.
- Plutôt », répondit-il d'une voix basse, en repliant la lettre.
Harry s'empressa de ranger la lettre d'Hermione en voyant l'expression curieuse sur le visage de Sylvie. Il détestait devoir lui cacher tant de choses, il savait que ce devait être extrêmement difficile pour elle de vivre avec un homme dont elle savait si peu de choses. Et il lui était reconnaissant de lui faire confiance malgré tout. Ce qu'écrivait Hermione n'était pas rassurant. Les mangemorts avaient repris du service et, bien sûr, ils le recherchaient. Même si Ron, dans le petit mot gribouillé à la fin, lui disait de ne pas s'en faire, Harry ne pouvait s'empêcher de s'inquiéter. Il n'était plus seul, comme à l'époque où il était à Poudlard et où Voldemort le pourchassait. Il avait maintenant charge de famille. Si quelque chose devait arriver à Sylvie ou Jamsie par sa faute, il savait que cette fois il ne s'en remettrait pas.
Bien sûr, Harry savait que les chances pour que des mangemorts le retrouvent étaient faibles : les mages noirs méprisaient les moldus, ils n'utiliseraient pas leurs moyens de recherche. Et Harry n'avait pas de signature magique, vivant sans baguette depuis si longtemps. Pourtant, il y avait toujours une possibilité. Ron et Hermione avaient son adresse, ils n'étaient peut-être pas les seuls à avoir lu les faire-part du mariage.
« Tu seras là cet après-midi ? demanda Sylvie, ramenant brusquement Harry à la réalité.
- Pardon ? Oui, je crois, pourquoi ?
- Je vais aider mes parents, tu te rappelles ? C'est la pleine saison, et ils ont beaucoup de monde. Je me demandais si tu pouvais garder James, ou si je devais le laisser à la garderie du centre.
- Je le garde, répondit Harry. Pas de problème.
- Et tu n'oublieras pas qu'après nous sommes invités chez mes parents pour dîner ?
- Non, je n'oublierai pas. Beau papa et belle maman, fit-il en mimant une expression de dégoût. « Qu'est-ce qui m'a pris d'épouser la fille de mes voisins ?
- Tu ne vois vraiment aucune raison ?
- Laisse-moi réfléchir. Peut-être que je n'ai pas su résister au ragoût de mouton de ma future belle-mère. Attends, peut-être qu'en voisin serviable je n'ai pas pu résister quand ils m'ont demandé de leur rendre ce petit service. » Sylvie lui tira la langue, aussitôt imitée par James. Harry éclata de rire. « Ou peut-être qu'ils avaient fait la plus merveilleuse fille du pays », conclut-il finalement.
Harry passa la matinée à s'occuper des écuries. En début d'après-midi, il lut un peu, renvoya quelques papiers administratifs, puis son fils s'éveilla de sa sieste, et il joua avec lui jusqu'à l'heure du dîner. Il avait relégué la lettre d'Hermione dans un coin de son esprit et n'y pensait plus quand vint l'heure de préparer Jamsie pour la visite à ses grand-parents. Il mit dans un sac quelques jouets et un biberon. Nadine, sa belle-mère, aurait sûrement préparé une purée ou autre chose pour le bébé, et Harry n'emporta pas de nourriture. Contrairement à ce qu'il avait prétendu le matin, Harry adorait ses beaux-parents, et était toujours heureux de leur rendre visite. Ils l'avaient adopté comme le fils qu'ils n'avaient jamais eu.
Sans prendre la peine de sortir la poussette, Harry prit le sac sur une épaule, son fils sur l'autre, et parcourut les quelques centaines de mètres qui le séparaient de la propriété de ses voisins. L'enfant s'amusait à lui tirer les cheveux, et Harry dût le chatouiller pour lui faire lâcher prise, et le déplacer dans ses bras.
Il entra dans l'hôtel, et se dirigea vers la cuisine. Il était encore tôt, et les pensionnaires n'avaient pas encore commencé à dîner. Il était sûr de trouver sa belle-mère aux fourneaux.
« Bonjour, Harry ! s'exclama-t-elle chaleureusement en venant l'embrasser. C'était une petite femme rondelette d'une cinquantaine d'années, avec des cheveux bruns grisonnants.
« Oh ! Et est-ce que ce n'est pas mon petit Jamsie ? Tu as été bien sage, James ? Mamie a un cadeau pour toi, attends. » Elle disparut dans une autre pièce. L'enfant s'agita dans les bras de son père, apparemment désireux d'être posé à terre. Mais Harry ne le lâcha pas, la cuisine n'était pas vraiment le terrain de jeux idéal pour un bébé. Nadine revint peu après. Elle tenait dans ses mains une petite voiture en plastique, qu'elle tendit à James. Celui-ci la prit et se mit à la secouer de toutes ses forces en riant.
« Attends, dit sa grand-mère, ça n'est pas comme ça que ça marche. Tu vas voir. » Harry lui passa le bébé, et ils se rendirent dans un petit salon adjacent, qui était réservé à la famille. A son grand bonheur, James fut enfin déposé par terre. Nadine lui montra comment, s'il appuyait sur la voiture, celle-ci démarrait toute seule, et on put bientôt voir l'enfant à quatre pattes essayant de rattraper son jouet.
« Sylvie ne devrait pas tarder, dit alors Nadine, ni Marc. » Marc était le beau-père de Harry, un homme grand et large, qui avait une épaisse chevelure grise et que l'on voyait rarement sans sa pipe.
A ce moment, on entendit du bruit dans le hall. Les pensionnaires rentraient de leur excursion. Peu après, Sylvie arriva. James se précipita sur elle, et elle l'embrassa.
« A-t-il dîné ? demanda-t-elle à Harry.
- Non, pas encore.
- Je m'en occupe, s'écria Nadine. J'ai fait une purée de carottes pour lui. Elle emmena l'enfant dans ses bras, laissant Harry et Sylvie amusés par son enthousiasme.
Après que Marc soit rentré et que James ait été couché dans un des lits d'enfants pliants que possédait l'hôtel, dans une pièce munie d'un dispositif de talkie-walkie permettant à ses parent d'entendre s'il se réveillait, le reste de la famille passa à table, en même temps que les clients de l'hôtel. Ceux-ci lançaient de temps en temps un mot aimable aux beaux-parents de Harry, et à Sylvie qu'ils connaissaient bien puisqu'elle était souvent là en période de vacances. Les employés de l'hôtel les servirent avec un soin tout particulier.
Le repas se déroula dans une atmosphère joyeuse, Marc n'avait pas son pareil pour raconter des histoires drôles. Harry avait presque oublié les nouvelles reçues le matin. Le dessert arriva. Il s'agissait d'une superbe tarte aux prunes, ?uvre de la maîtresse de maison.
« Alors, Harry, demanda soudain Nadine, que comptes-tu faire pour ton anniversaire ?
- Je ne sais pas, répondit Harry.
- Si vous voulez sortir, on est là pour garder Jamsie.
- Je sais, mère. »
Une des choses qui avaient frappé Harry, quand il avait commencé à vivre avec cette famille, c'était qu'ils s'étaient très rapidement arrangés pour connaître sa date de naissance et lui fêter son anniversaire. La première fois, il en aurait presque pleuré de gratitude. Il s'attendait à une carte de Ron et Hermione, pas à la superbe surprise qu'ils avaient organisée pour lui. Depuis, tous les ans, une soirée était organisée en son honneur, le plus souvent avec les vacanciers. Bien sûr, la même chose se faisait pour Sylvie, et pour ses parents, mais Harry était toujours sensible à cette attention, lui qui avait fêté seize anniversaires chez les Dursley, et un tout seul dans sa propriété peu après son départ de Poudlard.
« Pardon ? demanda Harry en s'apercevant que beau-père lui parlait.
- Je disais que nous aurions pu organiser un grand campement et faire cuire le dîner au feu de bois. Tu pourrais écouter quand nous parlons de ton anniversaire.
- Désolé. J'étais un peu ailleurs. Mais de toute façon, tout ce que vous ferez sera superbe. Déjà, le seul fait que vous y pensiez. »
Il s'interrompit. Soudain, il se sentait extrêmement fatigué, il avait envie de poser sa tête sur la table et de dormir.
- Tu es sûr que ça va, Harry ? demanda Sylvie.
- Oui, merci. J'ai simplement dû me lever trop tôt. »
A cet instant, il ressentit une douleur fulgurante, au niveau de sa cicatrice. Instinctivement, il poussa un cri et porta la main à son front.
« Harry, ça va ? "
Trois regards inquiets se fixèrent sur lui. Harry ne répondit pas, la douleur était trop intense. Il ferma les yeux. Pendant ce qui parut une éternité, il resta là, les deux mains plaquées sur son front comme pour l'empêcher d'exploser. Et, lentement, la douleur s'estompa, et Harry reprit le contrôle de lui-même. Il s'aperçut que Sylvie s'était levée et était venue à son côté, elle le regardait avec impuissance. L'attention de toutes les tables de la salle était à présent fixée sur eux.
« Je vais appeler le médecin, dit Nadine en se levant.
- Non ! s'écria Harry. Je veux dire, je vais bien, je vous assure. C'est passé.
- Tu n'as pas l'air bien du tout. Tu es tout pâle. »
Elle aussi s'approcha de lui et passa une main sur son front. Elle la retira aussitôt. « Tu es brûlant, tu as de la fièvre. Sylvie, emmène-le dans une chambre, je reviens. »
Malgré les protestations de Harry, sa femme l'emmena dans la chambre d'amis de ses parents, et l'aida à s'allonger sur le lit. Harry se sentait étrangement faible, et sa cicatrice irradiait toujours d'une douleur sourde, mais il savait que ce ne serait que très passager. Si seulement sa belle-mère pouvait avoir raison ! Si seulement il pouvait avoir juste un peu de fièvre, qui aurait provoqué des douleurs à la tête qu'il aurait mal interprétées !
Mais Harry savait qu'il n'en était rien. Il connaissait trop bien les douleurs de sa cicatrice pour les confondre avec d'autres. Il savait que son front paraissait chaud parce que sa cicatrice était brûlante. Pourtant, ce n'était pas possible. Voldemort était mort. Il l'avait tué, cinq ans auparavant. Et il n'avait pas fait de rêve, pas pendant la douleur, en tout cas.
Sylvie s'assit au bord du lit. Elle était pâle, il avait dû lui faire très peur.
« Ne t'inquiète pas, lui dit-il. Je vais bien.
- Mais qu'est-ce qui t'est arrivé ? Tu as déjà eu des crises comme cela ?
- Oui, soupira-t-il. Mais j'espérais ne plus jamais en avoir.
- Ça fait très mal, n'est-ce pas ? J'ai vraiment crû que tu allais tomber.
- Oui, admit Harry. Ca fait horriblement mal. »
On frappa à la porte, et Nadine entra dans la chambre, un verre à la main.
« C'est de l'aspirine, dit-elle. J'ai eu le médecin, il arrive. Il est très inquiet, il dit que de telles douleurs sans signes avant-coureurs ne sont absolument pas normales et ne sont pas à prendre à la légère. Vous restez dormir ici cette nuit, tous les trois. »
Harry but le liquide incolore qu'elle lui tendait. Il n'en avait pas besoin, la douleur avait presque totalement disparu, mais il préféra ne pas faire d'histoires. Sa belle-mère redescendit pour s'occuper de la soirée de ses hôtes. Peu après, Marc arriva à son tour.
« Eh bien, Harry, lança-t-il, tu n'as pas honte de faire de telles frayeurs à ma fille ?
- Papa ! protesta Sylvie. Il ne l'a pas fait exprès.
- Ça va, fit son père en lançant un pyjama propre sur le lit. Je lui pardonne puisque grâce à lui tu passes la nuit ici comme au bon vieux temps. Ainsi que Jamsie. Bien, je vous laisse. Il paraît qu'on a besoin de moi en bas. » Il disparut. Harry s'assit.
« Je crois que je ferais aussi bien de passer à la salle de bains, dit-il en s'emparant du pyjama.
- Tu es sûr que tu n'as pas besoin d'aide ?
- Je vais bien, Sylvie. C'est complètement passé, maintenant. »
Il se leva. Sylvie le regarda. C'était vrai qu'il avait de nouveau l'air normal. Un peu pâle, peut-être, mais en forme. Elle le suivit des yeux pendant qu'il se dirigeait vers la salle de bains. Un mystère de plus qui s'attachait à son mari. Cependant, bien qu'il ait tout fait pour leur donner l'impression qu'il n'attachait aucune importance à son malaise, elle savait que ce n'était pas vrai. Depuis sa crise, il n'avait pas réussi à se défaire de son air inquiet. Ces douleurs étaient liées aux secrets de son passé.
Harry revint peu après et s'assit dans le lit. Il ne parla pas, mais prit la main de sa femme. Elle le regarda avec inquiétude, puis son regard s'éclaira quand il lui sourit.
« Je me demande bien ce que tu as dans la tête, toi, dit-elle. Peut-être j'aurais dû vérifier avant de t'épouser.
- Si je te le disais, répondit Harry, plus sérieusement que ne l'exigeait la boutade, tu ne me croirais pas. Mais la seule chose qui ait véritablement de l'importance, c'est toi, et James. Quoi qu'il arrive dans les jours qui viennent, n'oublie pas cela.
- Harry ! Ne dis pas des choses pareilles ! Tu me fais peur ! Qu'est-ce qui va arriver ?
- Je l'ignore. Peut-être rien du tout. »
Elle fut soudain paniquée. Ça ressemblait presque à un adieu. Allait-il les quitter, allait-il repartir là où il était venu, disparaître comme il était un jour apparu ? La lettre de ce matin, déjà, avait semblé le ramener dans son mystérieux passé, maintenant il se préparait à quelque chose. Il fallait qu'elle sache.
- Tu vas partir, n'est-ce pas ? demanda-t-elle.
- Partir ? Pourquoi donc partirais-je ?
- Je ne sais pas d'où tu viens, je ne sais pas pour quelles raisons tu y retourneras, mais tu t'en iras. Je crois qu'au fond de moi je l'ai toujours su. » Des larmes lui vinrent aux yeux. Il la serra contre lui.
- Je ne vous abandonnerai pas, répondit-il. Vous êtes toute ma vie. »
Un léger coup fut frappé à la porte. Nadine entra, accompagnée d'un homme d'un certain âge, que Harry reconnut comme étant le docteur Drummond. C'était le médecin de la famille depuis de nombreuses années. Harry l'avait rencontré plusieurs fois, il avait soigné Sylvie pendant sa grossesse et s'occupait maintenant de James, mais il n'avait jamais eu besoin de le consulter. Puis la belle-mère de Harry s'excusa et sortit.
« Alors, dit l'homme d'un ton sérieux, on me dit que vous avez eu un malaise, Monsieur Potter ?
- Rien de sérieux, répondit le jeune homme.
- Vous me permettrez d'en juger. Mme Grass m'a parlé de douleurs à la tête. Où exactement aviez vous mal ?» Harry se sentait comme pris au piège. Il savait que le médecin ne trouverait rien, mais il n'avait aucun moyen de le lui faire comprendre.
« Au front, répondit-il d'un ton bourru.
Sans s'offenser de la mauvaise humeur de Harry, le docteur Drummond s'approcha, et releva les cheveux de Harry.
« C'est une bien étrange cicatrice que vous avez là, s'exclama-t-il. Je ne crois pas en avoir jamais vu de pareille, pourtant j'ai soigné toutes sortes de blessures et de lésions post-opératoires.
- Effectivement, répondit Harry, toujours aussi rudement. Elle est assez particulière. »
L'autre n'insista pas et palpa de ses mains expertes le front du jeune homme.
« Est-ce que je vous fais mal ? demanda-t-il à plusieurs reprises.
- Non.
Les doigts s'attardèrent sur la marque en forme d'éclair.
- C'est étrange, remarqua le médecin. Vous n'avez pas de fièvre, mais la cicatrice est un peu chaude. »
Il appuya légèrement, et Harry eut toutes les peines du monde à garder un visage impassible.
« De plus en plus étrange, murmura l'homme. On dirait que la marque plonge dans le crâne. » Il se redressa et regarda son patient. « Puis-je vous demander d'où vous vient cette cicatrice ?
- Un accident de voiture, répondit Harry. Il avait ressorti pour les moldus le vieux mensonge des Dursley.
- Vraiment ? Quel objet a bien pu vous frapper, pour laisser une telle marque ?
- Je ne sais pas, j'avais un an à l'époque.
- Vous vous êtes ouvert le crâne, n'est-ce pas ? Je me demande comment ils s'y sont pris pour le refermer de cette manière. »
Harry était de plus en plus mal à l'aise. Il n'avait aucun moyen de satisfaire la curiosité de l'homme. Un moment, il se demanda comment celui- ci réagirait s'il lui apprenait que cette cicatrice était la trace d'un sortilège mortel auquel il était le seul être connu à avoir résisté. Heureusement, l'inquiétude de Sylvie détourna la conversation.
« Et pour ces douleurs, Docteur, qu'en pensez-vous ? » Le médecin s'assombrit aussitôt.
« J'avoue que je suis perplexe, admit-il. Et que cela m'inquiète. Dans un premier temps, j'ai crains une méningite, mais la fièvre ne serait pas tombée avec une simple aspirine. Et le fait que ça se soit arrêté si brutalement.
- Harry m'a dit qu'il avait déjà eu des crises comme celle-ci.
- C'est vrai ?
- Oui. C'est toujours passé rapidement.
- Ce n'est pas bon signe du tout. Je vais vous faire une ordonnance pour un scanner. » Sylvie s'alarma.
« Un scanner ? Pourquoi, qu'est-ce qu'il a ?
- Peut-être rien, mais de telles douleurs peuvent être associées à une tumeur. Je préfère m'assurer qu'il n'en est rien. Ne vous inquiétez pas trop. Bonne nuit, tous les deux.
- Je vous raccompagne », dit Sylvie.
Harry resta seul. Il savait qu'il allait avoir du mal à rassurer Sylvie. Mais l'inquiétude de sa femme n'était pas son principal sujet de préoccupation. Que signifiait tout cela ? Etait-ce en rapport avec les mouvements des mangemorts qu'Hermione avait mentionnés dans sa lettre ? Est- ce que des mangemorts pouvaient suffire à réveiller sa cicatrice ? Mais, dans ce cas, cela signifiait qu'il devait y avoir des mangemorts tout près d'ici. Ou qu'ils préparaient quelque chose de vraiment diabolique.
Le retour de Sylvie, totalement paniquée, le détourna de ses réflexions.
« Harry, s'écria-t-elle en se jetant sur lui. Le docteur a dit que ta cicatrice aurait aussi bien pu être provoquée par une opération que par un accident de voiture. Et que, au contraire, cela en expliquerait mieux la netteté. Tu as déjà eu une douleur au cerveau, qui a été opérée, et maintenant, ça recommence, n'est-ce pas ? C'est comme ça que tu savais que la douleur allait passer. - Sa voix se chargea de larmes. - C'est ça le passé que tu n'as jamais voulu me confier, n'est-ce pas ? Et cette femme qui t'a écrit ce matin, c'était un médecin ? Elle te donnait de mauvaises nouvelles ? »
Il la serra dans ses bras pour la rassurer, complètement abasourdi par l'interprétation qu'elle faisait de tout ce qui se passait.
« Chut, dit-il en lui caressant doucement les cheveux. Je te jure que je vais bien. Hermione serait très vexée si tu lui disais qu'elle a une écriture de médecin. »
Elle leva les yeux. « Hermione ? »demanda-t-elle. Il ne s'était pas rendu compte qu'il avait prononcé ce nom. Il lui devait quelques explications.
« C'est une vielle amie à moi, dit-il. C'est elle qui m'écrit ces lettres.
- Pourquoi n'a-t-elle jamais téléphoné ? Pourquoi ne l'as tu pas invitée à notre mariage ?
- Elle habite loin.
- Et ta cicatrice provient vraiment d'un accident de voiture ? »
Il hésita un instant, ce qui n'échappa pas à sa femme.
« Je l'ai réellement depuis l'âge d'un an, répondit-il. Et je n'ai jamais subi aucune opération. »
A moitié rassurée, elle s'allongea contre lui et posa sa tête sur son épaule. Harry la berça doucement, comme il faisait avec James, et bientôt elle s'endormit, toute habillée, dans ses bras.
Harry dormit très peu cette nuit là. L'idée que des mangemorts, ou pire, se trouvaient près de lui tournait et retournait dans sa tête. Et pour protéger sa femme et son fils, il était désarmé. Il n'avait pas de baguette, et même s'il était un des sorciers les plus puissants de sa génération, il savait qu'il ne pouvait pas grand chose les mains vides.
Et il n'y avait pas que sa propre sécurité, ni même celle de sa famille, qui était en jeu. Les avertissements de sa cicatrice, il le savait, avaient toujours eu un sens. Il possédait un des systèmes d'alarme les plus élaborés de tout le monde magique. Il envisagea un moment d'écrire à Hermione. Mais leur système de communication n'était pas très rapide. Tant de choses pouvaient survenir entre le moment où il enverrait sa lettre, et celui où les Weasley la recevrait ! Si seulement il avait eu un hibou, il aurait pu écrire à Dumbledore, malheureusement s'il envoyait une lettre au collège Poudlard par la poste moldue, elle avait peu de chances d'arriver.
Lorsqu'il s'endormit, peu avant l'aube, Harry avait pris sa décision. Il n'avait pas le droit de garder pour lui de qu'il savait, tout comme il n'avait pas le droit de risquer la vie de sa famille. Il ne voulait pas vivre avec cette menace au dessus de sa tête. Il devait avertir celui qui trouverait une explication. Il fallait qu'il parle à Albus Dumbledore. Le plus tôt possible.
Merci d'avoir été si nombreux à reviewer le prologue. On m'a fait remarqué que c'était extrêmement (trop ? ) triste, mais il fallait qu'il se soit passé quelque chose de vraiment grave pour que Harry quitte le monde des sorciers. De même, le manque de détail était volontaire : cette scène servait essentiellement à expliquer la suite.
Rapidement, voici les réponses aux questions :
Pam Phénixia Potter : Je crois que tes réponses se trouvaient pour la plupart dans ce chapitre. En dehors de la nouvelle famille de Harry, il y aura quelques nouveaux perso mais d'importance mineure : un nouveau ministre de la magie, une nouvelle génération de Weasley, et des étudiants de Poudlard.
Mystical : J'adore quand Harry est chez les moldus. Et il y sera souvent dans cette fic : il va retourner vivre avec les sorciers assez vite, mais il se rendra régulièrement dans la communauté non magique, notamment parce qu'il va reprendre contact avec les Dursley.
Bisous à tous.
Merci à Miss Tambora de relire et de corriger ce texte.
Chapitre 1 :
Juillet 2003.
Harry se réveilla en sursaut, couvert de sueur. Le radioréveil lumineux indiquait cinq heures quinze. Doucement, pour ne pas réveiller sa femme, il se leva et se rendit à la salle de bain. Une douche brûlante aida à dissiper le sentiment d'irréalité que provoquaient toujours ses cauchemars. Harry s'habilla d'une tenue de cheval. Il savait qu'il ne se rendormirait pas. Depuis qu'il avait vaincu Voldemort et quitté le monde des sorciers, les terribles moments de sa vie avaient hanté ses nuits. Avec les années, les cauchemars étaient devenus moins fréquents, mais ils n'avaient jamais cessé totalement. La plupart du temps, ils concernaient cette terrible nuit où il avait découvert la trahison de Cho et le corps de son parrain.
Mais ce matin là, c'était différent. Il avait revu la mort de Cédric, et la renaissance du mage noir, à l'aide du sang de Harry qui était alors âgé de quatorze ans. Il y avait des années qu'il n'avait pas repensé à cette scène.
En passant sur le pallier, Harry entrouvrit légèrement la porte de la chambre d'enfants et écouta la respiration tranquille de son fils. James allait avoir un an en septembre. Il ressemblait beaucoup à son père.
Harry referma doucement la porte et descendit au rez-de-chaussée. Il se chaussa de grosses bottes en caoutchouc, sortit de la maison dans la froide lueur de l'aube et se dirigea vers l'écurie. C'était Sylvie qui lui avait appris à aimer les chevaux, et à les monter.
Les bêtes le saluèrent de joyeux hennissements.
« Bonjour, leur dit Harry. Oui, moi aussi je suis content de vous voir. »
Il se dirigea vers la stalle de Starlette, une jument noire, avec une crinière un peu plus claire. C'était le premier cheval qu'il avait eu, et elle était restée sa préférée. Après avoir brossé la robe de la jument, il la sella, et la monta. Le soleil s'était levé, la journée promettait d'être chaude. Harry fit partir la jument au pas, dans les bois qui entouraient sa propriété. Il chevaucha pendant près d'une heure, sans rencontrer personne.
Ses pensées vagabondaient librement, il ne faisait pas attention à la direction prise par sa monture. La jument continuait à avancer. Elle était habituée à ces promenades matinales, au cours desquelles son maître et elle prenaient toujours le même chemin.
Harry pensait à tout ce qui était arrivé depuis le jour où il avait remporté le tournoi des trois sorciers. Les trois années qui avaient suivi avaient été sombres, remplies de crimes odieux perpétrés par les serviteurs de Voldemort. L'adolescent avait vécu relativement protégé, à Poudlard. Quelques uns de ses condisciples avaient subi de terribles pertes. Les parents de Seamus étaient morts quand ils étaient en septième année, le jour de Noël. Mais la vie à l'intérieur du château avait peu changé malgré tout. Il y avait continué à y avoir des fêtes, peut-être même plus qu'avant, comme si tous avaient conscience qu'à la fin de leur scolarité ils seraient lâchés dans un monde qui n'aurait rien d'agréable.
A la fin de sa sixième année, Harry avait commencé à sortir avec Cho. Juste avant que la sorcière ne quitte l'école. Ils s'étaient beaucoup écrits pendant l'année où ils avaient été séparés, et s'étaient vus à chaque sortie à Pré-au-Lard. Jamais Harry n'avait soupçonné les véritables intentions de Cho. Il ignorait à quel moment elle avait basculé du côté des forces de l'ombre. Est-ce que cela avait toujours été en elle ? Est-ce que la mort de Cédric avait été un choc qu'elle n'était jamais parvenue à surmonter ? Etait-ce venu plus tard ?
En tout cas, les lettres et la présence de la jeune femme avaient contribué à illuminer la dernière année de Harry à Poudlard. Malgré les horribles nouvelles qui arrivaient du monde extérieur, et même qu'il savait qu'il lui fallait se préparer à affronter de nouveau Lord Voldemort. En avril, cette année là, Queudver avait été arrêté en tentant de lancer une attaque contre le ministère de la magie. L'innocence de Sirius avait été prouvée. Jamais Harry n'avait été aussi heureux.
Jusqu'à ce jour où tout avait basculé. Avec le recul, Harry comprenait mieux les réactions du reste du monde. Il avait pardonné aux journalistes, et à tous ceux qui s'étaient réjouis. Ce soir là, il les avait débarrassés du pire fléau qu'ils aient jamais connu. Le corps de Celui Dont On Osait Pas Prononcer le Nom avait été brûlé, pour qu'il ne puisse plus jamais revenir, et les gens avaient enfin eu la paix. Ils avaient fêté l'événement, tout comme ils avaient fêté la disparition du mage noir seize ans auparavant. Une victime de plus n'avait pas d'importance en face de la délivrance représentée par la mort de Lord Voldemort. Et une fois de plus, Harry avait été porté au statut de héros.
Mais Harry n'était qu'un jeune garçon en deuil, et il n'avait aucune envie d'être un héros. Alors, il avait rejeté tous ceux qui l'adulaient. Ron et Hermione avaient tenté de le retenir. Mais sa décision était déjà prise. Et ses amis avaient fini par comprendre son besoin de solitude. Après que Harry eut cassé sa baguette, Dumbledore était apparu dans le cimetière. Avec colère, il avait chassé les journalistes, et ramené ses élèves à Poudlard.
Il avait emmené Harry dans son bureau, et le jeune homme se souviendrait toujours de la conversation qu'ils avaient eue ce jour-là. Jamais le vieil homme n'avait paru aussi fatigué, jamais son regard n'avait été aussi terne, sans cette étincelle qui brillait généralement derrière ses lunettes en demi-lune.
« Tu as pris ta décision, n'est-ce pas, Harry ?
- Oui, professeur.
- Je n'essaierai pas de te retenir, mais il y a beaucoup de gens à qui tu vas manquer.
- Ron et Hermione, sans doute. Mais ils sont là l'un pour l'autre, ils s'en remettront. Et je pense qu'ils comprendront. Dites-leur que je les regretterai. Je n'ai pas le courage de leur dire adieu.
- Où vas tu aller ? Tu ne retournes pas chez ton oncle et ta tante ?
- Non. - Harry eut un petit rire amer. - De toute façon, ils ne voudraient pas me garder. J'ai de l'argent à ne savoir qu'en faire. Je trouverai à me loger. Loin de tout le monde, là où même Rita Skeeter ne me retrouvera pas.
- Bonne chance, Harry. Quelle que soit la voie que tu choisisses. J'aurais voulu que tout cela se termine autrement. Prends garde, tout ne sera pas facile pour toi. Il n'est jamais bon de se retrouver seul dans les moments de deuil. Tu es jeune, tu as la vie devant toi. Rappelle-toi que la peine n'est que passagère. Jure-moi que, quoi qu'il arrive, jamais tu ne renonceras à vivre.»
Harry avait juré. Le vieux sorcier s'était levé et l'avait étreint, ce qu'il n'avait jamais fait auparavant, puis, après lui avoir rappelé qu'il aurait toujours une place à Poudlard s'il décidait de revenir, il lui avait remis un portoloin. Le jeune homme avait atterri sur le chemin de traverse.
Il avait changé en argent moldu la quasi totalité du contenu de sa chambre forte à Gringotts, et tout fait verser sur un compte en banque à son nom. Puis, il avait pris le train jusqu'au fin fond de l'Angleterre, et avait acheté une maison dans les bois.
Harry avait enfermé au grenier la malle contenant toutes ses affaires de Poudlard, les souvenirs de ses parents et de ses amis. Il voulait tout oublier de ce qu'il avait été, tout oublier de la sorcellerie. Il avait occupé ses journées à réparer et à meubler sa maison. Il faisait de longues promenades en solitaire dans la forêt. Souvent la journée s'écoulait sans qu'il parle à personne. La vie s'était écoulée, morne, petit à petit Harry s'enfonçait de plus en plus profondément dans la dépression. Plusieurs fois, au cours de cette période, il avait envisagé de mettre fin à ses jours, plusieurs fois. Seul le souvenir des paroles de Dumbledore, et de la promesse qu'il lui avait faite, l'avaient retenu.
Puis, il avait rencontré Sylvie. Elle l'avait aidé à sortir de sa déprime, lui avait redonné le goût de vivre. Et un an exactement après sa fuite, il l'avait demandé en mariage.
Ils s'étaient mariés au printemps suivant. Les bans avaient été publiés dans un journal moldu, et un jour Harry avait reçu une lettre de félicitations, signée par Ron et Hermione Weasley. Ils avaient visiblement lu l'annonce et trouvé son adresse. A la suite de ça, Harry écrit une ou deux fois à ses amis, pour leur dire de ne pas s'inquiéter pour lui. Il envoyait ses lettres chez les parents d'Hermione, les réponses arrivaient par la poste moldue. Ron et Hermione avaient une petite fille, Cassandre, qui avait quelques mois de plus que James. Ron était devenu Auror, Hermione avait obtenu le poste de professeur d'Arithmancie à Poudlard après le départ à la retraite du professeur Vector. Parfois, Harry brûlait du désir de les revoir. Mais, dans sa nouvelle vie, il avait trouvé le bonheur. Et Sylvie ne savait rien de son passé.
La jument atteignit la route. Harry la lança au galop en direction de sa propriété, pour aller retrouver sa femme et ses enfants.
Sylvie fut réveillée par des cris. Il était sept heures et demi. Elle se leva, mit ses pantoufles et se rendit dans la chambre de James. L'enfant s'était redressé et se tenait debout dans son petit lit, agrippé aux barreaux. En apercevant sa mère, il cessa de crier, et tendit les bras dans sa direction.
« Bonjour mon Jamsie », dit-elle en le prenant dans ses bras et en déposant un baiser dans les cheveux noirs déjà épais du bébé. Il gazouilla gaiement en réponse.
Sylvie descendit avec son fils dans la cuisine, et déposa l'enfant sur sa chaise de bébé. Puis, elle mit du lait à chauffer. Quand il fut à la température souhaitée, elle le versa dans un biberon qu'elle tendit à James. Il le prit de ses petites mains potelées, en gazouillant gaiement.
« Bonjour vous deux, fit une voix derrière elle. Harry apparut dans l'encadrement de la porte et se pencha pour l'embrasser. Il sentait le savon, et portait un jean et un tee-shirt, signe qu'il était revenu se changer après sa promenade.
- Bonjour, répondit-elle en lui rendant son baiser. Tu as encore fait un cauchemar ?
- Oui, répondit Harry, sans donner plus de détails. Il se tourna vers son fils, qui avait lâché son biberon et gesticulait bruyamment dans la direction de son père.
« Alors, Jamsie, demanda-t-il en le sortant de sa chaise, bien dormi ?» Le bébé gigota de plaisir dans ses bras, et se mit à glousser quand son père le chatouilla.
« Harry, dit Sylvie d'un ton réprobateur, James était en train de déjeuner.
- Désolé, » s'excusa Harry en reposant l'enfant, qui n'eut pas l'air satisfait du changement et fit une grimace. L'homme aux cheveux noirs ramassa le biberon tombé à terre et le remit dans les mains du bébé. « Jamsie, finis ton biberon sinon maman ne va pas être contente et elle va frapper papa.
- Harry ! s'exclama Sylvie, tu n'as pas honte de dire des choses pareilles à notre bébé ! Je suis sûre qu'il comprend tout.
- J'espère bien. Ce ne serait pas efficace sinon. Regarde, il boit, maintenant. »
En effet, l'enfant avalait goulûment le lait chaud. Harry se tourna de nouveau vers lui. « Je plaisantais, Jamsie. Tu sais que maman ne frapperait pas papa, n'est-ce pas ? » Le bébé jeta un coup d'?il à son père, puis il retira la tétine de sa bouche et se mit à rire. Sylvie soupira, puis sourit en voyant le regard ironique que lui lançait Harry.
« Assieds-toi, lui dit-elle. Tu dois avoir faim.
- Je vais faire les ?ufs et surveiller Jamsie, rétorqua-t-il. Assieds toi, toi.
- D'accord, si tu veux jouer à l'homme de maison, je vais m'habiller. Des fois que tu fasses tout brûler, je préfère ne pas voir ça. » Elle avait dit cela en plaisantant. Harry savait parfaitement comment faire cuire des ?ufs. Il avait vécu tout seul pendant un an, et depuis leur mariage les tâches ménagères étaient partagées de manière à peu près équitables.
Sylvie remonta l'escalier jusqu'à leur chambre. Elle remarqua que les couvertures, du côté de Harry, étaient complètement débordées. Comme presque à chaque fois qu'il avait un cauchemar. Au début, plusieurs fois, il avait crié dans son sommeil. Elle avait essayé de le calmer, de le rassurer, mais il semblait que rien de ce qu'elle faisait dans ces moments- là n'avait d'effet sur lui. Petit à petit, il avait appris à assumer ses cauchemars en silence, et ne réveillait plus Sylvie.
Il y avait longtemps que la jeune femme avait cessé de se poser des questions sur son mari. Il était apparu un jour, avait acheté la propriété voisine de celle de ses parents. Comme la plupart des habitants de la région, elle avait très vite été intriguée par lui. D'abord, parce que c'était le seul jeune homme des environs, et qu'il était particulièrement mignon. Ensuite, parce que sa situation n'était pas banale. Il avait son âge, mais il vivait seul dans une grande maison qu'il avait achetée. Et nul ne savait d'où il sortait, il ne parlait à personne. On pouvait le rencontrer errant dans la forêt aux heures les plus étranges du jour et de la nuit. Beaucoup avaient fini par le considérer comme un fou.
A l'époque, Sylvie venait de terminer ses études secondaires, et elle était revenue aider ses parents. Ceux-ci tenaient un centre de vacances, dont le principal attrait était une écurie bien remplie. La jeune femme s'occupait des bêtes, organisait des promenades à cheval et donnait des leçons d'équitation.
Un jour qu'elle montait, seule, une jeune jument un peu trop fougueuse, la bête s'était emballée à la vue d'un serpent. Sylvie avait tenté de la calmer, mais elle n'avait rien voulu entendre et s'était mise à ruer et à sauter. La jeune femme avait crié quand l'animal l'avait désarçonnée, et qu'elle était tombée plutôt rudement sur le sol. Elle n'avait pas entendu quelqu'un accourir, et avait été surprise quand une voix d'homme avait demandé :
« Ça va, vous n'avez rien ? ».
C'était Harry. C'était la première fois qu'elle le voyait de près. Il l'avait raccompagnée chez elle ce jour-là, et ils avaient un peu parlé. Elle avait été frappée par l'éclat de ses yeux verts, si proche du désespoir. Le lendemain, il avait sonné chez ses parents et avait ramené la jument, en la tenant par la bride. Elle avait proposé de lui apprendre à monter, et ils avaient commencé à se voir régulièrement. Jamais elle n'avait vu un élève aussi doué. Il avait affirmé n'être jamais monté à cheval, pourtant son assiette avait été impeccable dès la première leçon. Sylvie ne pouvait pas deviner que c'était la pratique du balai volant qui lui donnait une telle aisance.
A quel moment elle en était tombée amoureuse, elle n'aurait pas su le dire. Petit à petit, il s'était intégré dans la famille, ses parents l'invitaient à dîner presque tous les soirs. Puis, il l'avait demandée en mariage, et elle avait accepté. Son père s'était montré plutôt réticent, au début, parce qu'ils étaient très jeunes tous les deux, à peine dix-neuf ans, et que nul ne savait rien de Harry. Mais parce que Harry était déjà installé, qu'il avait semblait-il une bonne source de revenus, et que les jeunes gens habiteraient la maison voisine de la leur, il avait fini par accepter, à condition qu'ils respectent un délai d'un an de fiançailles.
Trois ans après leur mariage, Sylvie n'avait pas eu une seule occasion de le regretter. Harry était aimant, doux, mais aussi vif, et souvent drôle. Et il lui avait donné Jamsie. Ensemble, ils avaient monté un élevage de chevaux de selle. Ils avaient peu de pensionnaires, préférant attacher plus d'attention à chacune de leurs bêtes, que d'en avoir beaucoup. Le petit nombre de poulains qu'ils mettaient au monde et élevaient chaque année ne leur rapportait que peu d'argent à la vente, mais Harry avait suffisamment d'argent pour vivre. Elle ignorait d'où il le tenait. Probablement d'un héritage.
La tristesse avait progressivement disparu des yeux verts de Harry. Mais Sylvie savait qu'elle était toujours là, enfouie au plus profond de lui. Elle resurgissait parfois, quand il ne se savait pas observé. Ou quand il faisait ces terribles cauchemars. Après tous ces mois de vie commune, elle n'avait réussi à découvrir que peu de choses sur son passé. Harry restait un être mystérieux. Il n'y avait pas une seule photo dans la maison avant qu'elle ne s'installe. Ni de lui, ni de ses parents, ou d'un membre de sa famille.
D'après certaines remarques qu'il avait faites, elle avait conclu qu'il avait eu une enfance malheureuse. Elle savait que ses parents étaient morts. A la naissance de leur fils, il avait insisté pour le nommer James Sirius Potter. Il lui avait alors dit que James était le prénom de son père, et Sirius celui de son parrain. Elle ne s'y était pas opposée, James était un prénom qu'elle aimait bien. Sirius était plutôt étrange, mais c'était joli, et de toute façon ce n'était qu'un deuxième prénom qui serait très peu utilisé.
Sylvie finit d'enfiler une robe de coton bleu, et descendit rejoindre son mari et son fils. L'odeur du café et du bacon arriva à ses narines. Harry avait installé James sur une couverture sur la pelouse, à côté de la table, au milieu de jouets et de peluches. Le bébé jouait avec un petit lionceau en peluche, qui avait toujours été son préféré. Curieusement, ce choix avait empli son père de fierté.
Harry arriva derrière elle, et posa la cafetière sur la table. Il avait déjà disposé les plats d'?ufs au bacon et les tranches de pain grillé. Ils s'attablèrent. Aussitôt, James trouva ses jouets beaucoup moins intéressants. A quatre pattes, il vint voir ses parents.
« James ! protesta sa mère . L'herbe est pleine de rosée, tu vas être tout mouillé ! » Harry se leva, attrapa le bébé et l'installa sur ses genoux. Satisfait, celui-ci se mit à gazouiller.
Une voiture s'arrêta devant chez eux. « Ce doit être le facteur, » dit Harry.
Sylvie alla saluer le facteur qui était un vieil ami. Il lui remit le courrier du jour. Au milieu des lettres de clients et des publicités, qu'elle jeta sans même les regarder, il y avait une lettre pour Harry, dont l'adresse avait été tracée d'une écriture féminine, bien dessinée. Ce n'était pas la première fois que cette personne, quelle qu'elle soit, écrivait à son mari. C'était d'ailleurs les seules lettres personnelles qu'il ait jamais reçues depuis leur mariage. Il ne les lui avait jamais montrées, ne lui en avait pas parlé, et elle n'avait pas posé de questions. Elle savait qu'il ne lui répondrait pas, et que cela ne servirait qu'à le mettre mal à l'aise.
S'agissait-il d'une s?ur ou d'une amie, elle n'en avait pas la moindre idée. En tout cas, c'était quelqu'un qui comptait pour Harry. Une expression nostalgique se lisait toujours sur son visage quand il voyait les lettres.
Ce jour là, quand elle lui remit le pli, il le prit avec une expression à la fois surprise et ravie. Il l'ouvrit d'un geste nerveux, et commença à lire. Soudain, son visage changea. Il apparut inquiet, à la limite de la peur, voire de l'horreur.
« Mauvaises nouvelles ? demanda-t-elle.
- Plutôt », répondit-il d'une voix basse, en repliant la lettre.
Harry s'empressa de ranger la lettre d'Hermione en voyant l'expression curieuse sur le visage de Sylvie. Il détestait devoir lui cacher tant de choses, il savait que ce devait être extrêmement difficile pour elle de vivre avec un homme dont elle savait si peu de choses. Et il lui était reconnaissant de lui faire confiance malgré tout. Ce qu'écrivait Hermione n'était pas rassurant. Les mangemorts avaient repris du service et, bien sûr, ils le recherchaient. Même si Ron, dans le petit mot gribouillé à la fin, lui disait de ne pas s'en faire, Harry ne pouvait s'empêcher de s'inquiéter. Il n'était plus seul, comme à l'époque où il était à Poudlard et où Voldemort le pourchassait. Il avait maintenant charge de famille. Si quelque chose devait arriver à Sylvie ou Jamsie par sa faute, il savait que cette fois il ne s'en remettrait pas.
Bien sûr, Harry savait que les chances pour que des mangemorts le retrouvent étaient faibles : les mages noirs méprisaient les moldus, ils n'utiliseraient pas leurs moyens de recherche. Et Harry n'avait pas de signature magique, vivant sans baguette depuis si longtemps. Pourtant, il y avait toujours une possibilité. Ron et Hermione avaient son adresse, ils n'étaient peut-être pas les seuls à avoir lu les faire-part du mariage.
« Tu seras là cet après-midi ? demanda Sylvie, ramenant brusquement Harry à la réalité.
- Pardon ? Oui, je crois, pourquoi ?
- Je vais aider mes parents, tu te rappelles ? C'est la pleine saison, et ils ont beaucoup de monde. Je me demandais si tu pouvais garder James, ou si je devais le laisser à la garderie du centre.
- Je le garde, répondit Harry. Pas de problème.
- Et tu n'oublieras pas qu'après nous sommes invités chez mes parents pour dîner ?
- Non, je n'oublierai pas. Beau papa et belle maman, fit-il en mimant une expression de dégoût. « Qu'est-ce qui m'a pris d'épouser la fille de mes voisins ?
- Tu ne vois vraiment aucune raison ?
- Laisse-moi réfléchir. Peut-être que je n'ai pas su résister au ragoût de mouton de ma future belle-mère. Attends, peut-être qu'en voisin serviable je n'ai pas pu résister quand ils m'ont demandé de leur rendre ce petit service. » Sylvie lui tira la langue, aussitôt imitée par James. Harry éclata de rire. « Ou peut-être qu'ils avaient fait la plus merveilleuse fille du pays », conclut-il finalement.
Harry passa la matinée à s'occuper des écuries. En début d'après-midi, il lut un peu, renvoya quelques papiers administratifs, puis son fils s'éveilla de sa sieste, et il joua avec lui jusqu'à l'heure du dîner. Il avait relégué la lettre d'Hermione dans un coin de son esprit et n'y pensait plus quand vint l'heure de préparer Jamsie pour la visite à ses grand-parents. Il mit dans un sac quelques jouets et un biberon. Nadine, sa belle-mère, aurait sûrement préparé une purée ou autre chose pour le bébé, et Harry n'emporta pas de nourriture. Contrairement à ce qu'il avait prétendu le matin, Harry adorait ses beaux-parents, et était toujours heureux de leur rendre visite. Ils l'avaient adopté comme le fils qu'ils n'avaient jamais eu.
Sans prendre la peine de sortir la poussette, Harry prit le sac sur une épaule, son fils sur l'autre, et parcourut les quelques centaines de mètres qui le séparaient de la propriété de ses voisins. L'enfant s'amusait à lui tirer les cheveux, et Harry dût le chatouiller pour lui faire lâcher prise, et le déplacer dans ses bras.
Il entra dans l'hôtel, et se dirigea vers la cuisine. Il était encore tôt, et les pensionnaires n'avaient pas encore commencé à dîner. Il était sûr de trouver sa belle-mère aux fourneaux.
« Bonjour, Harry ! s'exclama-t-elle chaleureusement en venant l'embrasser. C'était une petite femme rondelette d'une cinquantaine d'années, avec des cheveux bruns grisonnants.
« Oh ! Et est-ce que ce n'est pas mon petit Jamsie ? Tu as été bien sage, James ? Mamie a un cadeau pour toi, attends. » Elle disparut dans une autre pièce. L'enfant s'agita dans les bras de son père, apparemment désireux d'être posé à terre. Mais Harry ne le lâcha pas, la cuisine n'était pas vraiment le terrain de jeux idéal pour un bébé. Nadine revint peu après. Elle tenait dans ses mains une petite voiture en plastique, qu'elle tendit à James. Celui-ci la prit et se mit à la secouer de toutes ses forces en riant.
« Attends, dit sa grand-mère, ça n'est pas comme ça que ça marche. Tu vas voir. » Harry lui passa le bébé, et ils se rendirent dans un petit salon adjacent, qui était réservé à la famille. A son grand bonheur, James fut enfin déposé par terre. Nadine lui montra comment, s'il appuyait sur la voiture, celle-ci démarrait toute seule, et on put bientôt voir l'enfant à quatre pattes essayant de rattraper son jouet.
« Sylvie ne devrait pas tarder, dit alors Nadine, ni Marc. » Marc était le beau-père de Harry, un homme grand et large, qui avait une épaisse chevelure grise et que l'on voyait rarement sans sa pipe.
A ce moment, on entendit du bruit dans le hall. Les pensionnaires rentraient de leur excursion. Peu après, Sylvie arriva. James se précipita sur elle, et elle l'embrassa.
« A-t-il dîné ? demanda-t-elle à Harry.
- Non, pas encore.
- Je m'en occupe, s'écria Nadine. J'ai fait une purée de carottes pour lui. Elle emmena l'enfant dans ses bras, laissant Harry et Sylvie amusés par son enthousiasme.
Après que Marc soit rentré et que James ait été couché dans un des lits d'enfants pliants que possédait l'hôtel, dans une pièce munie d'un dispositif de talkie-walkie permettant à ses parent d'entendre s'il se réveillait, le reste de la famille passa à table, en même temps que les clients de l'hôtel. Ceux-ci lançaient de temps en temps un mot aimable aux beaux-parents de Harry, et à Sylvie qu'ils connaissaient bien puisqu'elle était souvent là en période de vacances. Les employés de l'hôtel les servirent avec un soin tout particulier.
Le repas se déroula dans une atmosphère joyeuse, Marc n'avait pas son pareil pour raconter des histoires drôles. Harry avait presque oublié les nouvelles reçues le matin. Le dessert arriva. Il s'agissait d'une superbe tarte aux prunes, ?uvre de la maîtresse de maison.
« Alors, Harry, demanda soudain Nadine, que comptes-tu faire pour ton anniversaire ?
- Je ne sais pas, répondit Harry.
- Si vous voulez sortir, on est là pour garder Jamsie.
- Je sais, mère. »
Une des choses qui avaient frappé Harry, quand il avait commencé à vivre avec cette famille, c'était qu'ils s'étaient très rapidement arrangés pour connaître sa date de naissance et lui fêter son anniversaire. La première fois, il en aurait presque pleuré de gratitude. Il s'attendait à une carte de Ron et Hermione, pas à la superbe surprise qu'ils avaient organisée pour lui. Depuis, tous les ans, une soirée était organisée en son honneur, le plus souvent avec les vacanciers. Bien sûr, la même chose se faisait pour Sylvie, et pour ses parents, mais Harry était toujours sensible à cette attention, lui qui avait fêté seize anniversaires chez les Dursley, et un tout seul dans sa propriété peu après son départ de Poudlard.
« Pardon ? demanda Harry en s'apercevant que beau-père lui parlait.
- Je disais que nous aurions pu organiser un grand campement et faire cuire le dîner au feu de bois. Tu pourrais écouter quand nous parlons de ton anniversaire.
- Désolé. J'étais un peu ailleurs. Mais de toute façon, tout ce que vous ferez sera superbe. Déjà, le seul fait que vous y pensiez. »
Il s'interrompit. Soudain, il se sentait extrêmement fatigué, il avait envie de poser sa tête sur la table et de dormir.
- Tu es sûr que ça va, Harry ? demanda Sylvie.
- Oui, merci. J'ai simplement dû me lever trop tôt. »
A cet instant, il ressentit une douleur fulgurante, au niveau de sa cicatrice. Instinctivement, il poussa un cri et porta la main à son front.
« Harry, ça va ? "
Trois regards inquiets se fixèrent sur lui. Harry ne répondit pas, la douleur était trop intense. Il ferma les yeux. Pendant ce qui parut une éternité, il resta là, les deux mains plaquées sur son front comme pour l'empêcher d'exploser. Et, lentement, la douleur s'estompa, et Harry reprit le contrôle de lui-même. Il s'aperçut que Sylvie s'était levée et était venue à son côté, elle le regardait avec impuissance. L'attention de toutes les tables de la salle était à présent fixée sur eux.
« Je vais appeler le médecin, dit Nadine en se levant.
- Non ! s'écria Harry. Je veux dire, je vais bien, je vous assure. C'est passé.
- Tu n'as pas l'air bien du tout. Tu es tout pâle. »
Elle aussi s'approcha de lui et passa une main sur son front. Elle la retira aussitôt. « Tu es brûlant, tu as de la fièvre. Sylvie, emmène-le dans une chambre, je reviens. »
Malgré les protestations de Harry, sa femme l'emmena dans la chambre d'amis de ses parents, et l'aida à s'allonger sur le lit. Harry se sentait étrangement faible, et sa cicatrice irradiait toujours d'une douleur sourde, mais il savait que ce ne serait que très passager. Si seulement sa belle-mère pouvait avoir raison ! Si seulement il pouvait avoir juste un peu de fièvre, qui aurait provoqué des douleurs à la tête qu'il aurait mal interprétées !
Mais Harry savait qu'il n'en était rien. Il connaissait trop bien les douleurs de sa cicatrice pour les confondre avec d'autres. Il savait que son front paraissait chaud parce que sa cicatrice était brûlante. Pourtant, ce n'était pas possible. Voldemort était mort. Il l'avait tué, cinq ans auparavant. Et il n'avait pas fait de rêve, pas pendant la douleur, en tout cas.
Sylvie s'assit au bord du lit. Elle était pâle, il avait dû lui faire très peur.
« Ne t'inquiète pas, lui dit-il. Je vais bien.
- Mais qu'est-ce qui t'est arrivé ? Tu as déjà eu des crises comme cela ?
- Oui, soupira-t-il. Mais j'espérais ne plus jamais en avoir.
- Ça fait très mal, n'est-ce pas ? J'ai vraiment crû que tu allais tomber.
- Oui, admit Harry. Ca fait horriblement mal. »
On frappa à la porte, et Nadine entra dans la chambre, un verre à la main.
« C'est de l'aspirine, dit-elle. J'ai eu le médecin, il arrive. Il est très inquiet, il dit que de telles douleurs sans signes avant-coureurs ne sont absolument pas normales et ne sont pas à prendre à la légère. Vous restez dormir ici cette nuit, tous les trois. »
Harry but le liquide incolore qu'elle lui tendait. Il n'en avait pas besoin, la douleur avait presque totalement disparu, mais il préféra ne pas faire d'histoires. Sa belle-mère redescendit pour s'occuper de la soirée de ses hôtes. Peu après, Marc arriva à son tour.
« Eh bien, Harry, lança-t-il, tu n'as pas honte de faire de telles frayeurs à ma fille ?
- Papa ! protesta Sylvie. Il ne l'a pas fait exprès.
- Ça va, fit son père en lançant un pyjama propre sur le lit. Je lui pardonne puisque grâce à lui tu passes la nuit ici comme au bon vieux temps. Ainsi que Jamsie. Bien, je vous laisse. Il paraît qu'on a besoin de moi en bas. » Il disparut. Harry s'assit.
« Je crois que je ferais aussi bien de passer à la salle de bains, dit-il en s'emparant du pyjama.
- Tu es sûr que tu n'as pas besoin d'aide ?
- Je vais bien, Sylvie. C'est complètement passé, maintenant. »
Il se leva. Sylvie le regarda. C'était vrai qu'il avait de nouveau l'air normal. Un peu pâle, peut-être, mais en forme. Elle le suivit des yeux pendant qu'il se dirigeait vers la salle de bains. Un mystère de plus qui s'attachait à son mari. Cependant, bien qu'il ait tout fait pour leur donner l'impression qu'il n'attachait aucune importance à son malaise, elle savait que ce n'était pas vrai. Depuis sa crise, il n'avait pas réussi à se défaire de son air inquiet. Ces douleurs étaient liées aux secrets de son passé.
Harry revint peu après et s'assit dans le lit. Il ne parla pas, mais prit la main de sa femme. Elle le regarda avec inquiétude, puis son regard s'éclaira quand il lui sourit.
« Je me demande bien ce que tu as dans la tête, toi, dit-elle. Peut-être j'aurais dû vérifier avant de t'épouser.
- Si je te le disais, répondit Harry, plus sérieusement que ne l'exigeait la boutade, tu ne me croirais pas. Mais la seule chose qui ait véritablement de l'importance, c'est toi, et James. Quoi qu'il arrive dans les jours qui viennent, n'oublie pas cela.
- Harry ! Ne dis pas des choses pareilles ! Tu me fais peur ! Qu'est-ce qui va arriver ?
- Je l'ignore. Peut-être rien du tout. »
Elle fut soudain paniquée. Ça ressemblait presque à un adieu. Allait-il les quitter, allait-il repartir là où il était venu, disparaître comme il était un jour apparu ? La lettre de ce matin, déjà, avait semblé le ramener dans son mystérieux passé, maintenant il se préparait à quelque chose. Il fallait qu'elle sache.
- Tu vas partir, n'est-ce pas ? demanda-t-elle.
- Partir ? Pourquoi donc partirais-je ?
- Je ne sais pas d'où tu viens, je ne sais pas pour quelles raisons tu y retourneras, mais tu t'en iras. Je crois qu'au fond de moi je l'ai toujours su. » Des larmes lui vinrent aux yeux. Il la serra contre lui.
- Je ne vous abandonnerai pas, répondit-il. Vous êtes toute ma vie. »
Un léger coup fut frappé à la porte. Nadine entra, accompagnée d'un homme d'un certain âge, que Harry reconnut comme étant le docteur Drummond. C'était le médecin de la famille depuis de nombreuses années. Harry l'avait rencontré plusieurs fois, il avait soigné Sylvie pendant sa grossesse et s'occupait maintenant de James, mais il n'avait jamais eu besoin de le consulter. Puis la belle-mère de Harry s'excusa et sortit.
« Alors, dit l'homme d'un ton sérieux, on me dit que vous avez eu un malaise, Monsieur Potter ?
- Rien de sérieux, répondit le jeune homme.
- Vous me permettrez d'en juger. Mme Grass m'a parlé de douleurs à la tête. Où exactement aviez vous mal ?» Harry se sentait comme pris au piège. Il savait que le médecin ne trouverait rien, mais il n'avait aucun moyen de le lui faire comprendre.
« Au front, répondit-il d'un ton bourru.
Sans s'offenser de la mauvaise humeur de Harry, le docteur Drummond s'approcha, et releva les cheveux de Harry.
« C'est une bien étrange cicatrice que vous avez là, s'exclama-t-il. Je ne crois pas en avoir jamais vu de pareille, pourtant j'ai soigné toutes sortes de blessures et de lésions post-opératoires.
- Effectivement, répondit Harry, toujours aussi rudement. Elle est assez particulière. »
L'autre n'insista pas et palpa de ses mains expertes le front du jeune homme.
« Est-ce que je vous fais mal ? demanda-t-il à plusieurs reprises.
- Non.
Les doigts s'attardèrent sur la marque en forme d'éclair.
- C'est étrange, remarqua le médecin. Vous n'avez pas de fièvre, mais la cicatrice est un peu chaude. »
Il appuya légèrement, et Harry eut toutes les peines du monde à garder un visage impassible.
« De plus en plus étrange, murmura l'homme. On dirait que la marque plonge dans le crâne. » Il se redressa et regarda son patient. « Puis-je vous demander d'où vous vient cette cicatrice ?
- Un accident de voiture, répondit Harry. Il avait ressorti pour les moldus le vieux mensonge des Dursley.
- Vraiment ? Quel objet a bien pu vous frapper, pour laisser une telle marque ?
- Je ne sais pas, j'avais un an à l'époque.
- Vous vous êtes ouvert le crâne, n'est-ce pas ? Je me demande comment ils s'y sont pris pour le refermer de cette manière. »
Harry était de plus en plus mal à l'aise. Il n'avait aucun moyen de satisfaire la curiosité de l'homme. Un moment, il se demanda comment celui- ci réagirait s'il lui apprenait que cette cicatrice était la trace d'un sortilège mortel auquel il était le seul être connu à avoir résisté. Heureusement, l'inquiétude de Sylvie détourna la conversation.
« Et pour ces douleurs, Docteur, qu'en pensez-vous ? » Le médecin s'assombrit aussitôt.
« J'avoue que je suis perplexe, admit-il. Et que cela m'inquiète. Dans un premier temps, j'ai crains une méningite, mais la fièvre ne serait pas tombée avec une simple aspirine. Et le fait que ça se soit arrêté si brutalement.
- Harry m'a dit qu'il avait déjà eu des crises comme celle-ci.
- C'est vrai ?
- Oui. C'est toujours passé rapidement.
- Ce n'est pas bon signe du tout. Je vais vous faire une ordonnance pour un scanner. » Sylvie s'alarma.
« Un scanner ? Pourquoi, qu'est-ce qu'il a ?
- Peut-être rien, mais de telles douleurs peuvent être associées à une tumeur. Je préfère m'assurer qu'il n'en est rien. Ne vous inquiétez pas trop. Bonne nuit, tous les deux.
- Je vous raccompagne », dit Sylvie.
Harry resta seul. Il savait qu'il allait avoir du mal à rassurer Sylvie. Mais l'inquiétude de sa femme n'était pas son principal sujet de préoccupation. Que signifiait tout cela ? Etait-ce en rapport avec les mouvements des mangemorts qu'Hermione avait mentionnés dans sa lettre ? Est- ce que des mangemorts pouvaient suffire à réveiller sa cicatrice ? Mais, dans ce cas, cela signifiait qu'il devait y avoir des mangemorts tout près d'ici. Ou qu'ils préparaient quelque chose de vraiment diabolique.
Le retour de Sylvie, totalement paniquée, le détourna de ses réflexions.
« Harry, s'écria-t-elle en se jetant sur lui. Le docteur a dit que ta cicatrice aurait aussi bien pu être provoquée par une opération que par un accident de voiture. Et que, au contraire, cela en expliquerait mieux la netteté. Tu as déjà eu une douleur au cerveau, qui a été opérée, et maintenant, ça recommence, n'est-ce pas ? C'est comme ça que tu savais que la douleur allait passer. - Sa voix se chargea de larmes. - C'est ça le passé que tu n'as jamais voulu me confier, n'est-ce pas ? Et cette femme qui t'a écrit ce matin, c'était un médecin ? Elle te donnait de mauvaises nouvelles ? »
Il la serra dans ses bras pour la rassurer, complètement abasourdi par l'interprétation qu'elle faisait de tout ce qui se passait.
« Chut, dit-il en lui caressant doucement les cheveux. Je te jure que je vais bien. Hermione serait très vexée si tu lui disais qu'elle a une écriture de médecin. »
Elle leva les yeux. « Hermione ? »demanda-t-elle. Il ne s'était pas rendu compte qu'il avait prononcé ce nom. Il lui devait quelques explications.
« C'est une vielle amie à moi, dit-il. C'est elle qui m'écrit ces lettres.
- Pourquoi n'a-t-elle jamais téléphoné ? Pourquoi ne l'as tu pas invitée à notre mariage ?
- Elle habite loin.
- Et ta cicatrice provient vraiment d'un accident de voiture ? »
Il hésita un instant, ce qui n'échappa pas à sa femme.
« Je l'ai réellement depuis l'âge d'un an, répondit-il. Et je n'ai jamais subi aucune opération. »
A moitié rassurée, elle s'allongea contre lui et posa sa tête sur son épaule. Harry la berça doucement, comme il faisait avec James, et bientôt elle s'endormit, toute habillée, dans ses bras.
Harry dormit très peu cette nuit là. L'idée que des mangemorts, ou pire, se trouvaient près de lui tournait et retournait dans sa tête. Et pour protéger sa femme et son fils, il était désarmé. Il n'avait pas de baguette, et même s'il était un des sorciers les plus puissants de sa génération, il savait qu'il ne pouvait pas grand chose les mains vides.
Et il n'y avait pas que sa propre sécurité, ni même celle de sa famille, qui était en jeu. Les avertissements de sa cicatrice, il le savait, avaient toujours eu un sens. Il possédait un des systèmes d'alarme les plus élaborés de tout le monde magique. Il envisagea un moment d'écrire à Hermione. Mais leur système de communication n'était pas très rapide. Tant de choses pouvaient survenir entre le moment où il enverrait sa lettre, et celui où les Weasley la recevrait ! Si seulement il avait eu un hibou, il aurait pu écrire à Dumbledore, malheureusement s'il envoyait une lettre au collège Poudlard par la poste moldue, elle avait peu de chances d'arriver.
Lorsqu'il s'endormit, peu avant l'aube, Harry avait pris sa décision. Il n'avait pas le droit de garder pour lui de qu'il savait, tout comme il n'avait pas le droit de risquer la vie de sa famille. Il ne voulait pas vivre avec cette menace au dessus de sa tête. Il devait avertir celui qui trouverait une explication. Il fallait qu'il parle à Albus Dumbledore. Le plus tôt possible.
Merci d'avoir été si nombreux à reviewer le prologue. On m'a fait remarqué que c'était extrêmement (trop ? ) triste, mais il fallait qu'il se soit passé quelque chose de vraiment grave pour que Harry quitte le monde des sorciers. De même, le manque de détail était volontaire : cette scène servait essentiellement à expliquer la suite.
Rapidement, voici les réponses aux questions :
Pam Phénixia Potter : Je crois que tes réponses se trouvaient pour la plupart dans ce chapitre. En dehors de la nouvelle famille de Harry, il y aura quelques nouveaux perso mais d'importance mineure : un nouveau ministre de la magie, une nouvelle génération de Weasley, et des étudiants de Poudlard.
Mystical : J'adore quand Harry est chez les moldus. Et il y sera souvent dans cette fic : il va retourner vivre avec les sorciers assez vite, mais il se rendra régulièrement dans la communauté non magique, notamment parce qu'il va reprendre contact avec les Dursley.
Bisous à tous.
