Cette Fanfiction a été écrite dans le cadre du Blackfest organisé par FESTUMSEMPRA. La liste complète des œuvres participantes est disponible sur la collection : /collections/Black_Fest.
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Deux chansons : It knows me - Avri Kaplan et Anything could happen - Ellie Goulding
Un mot : Thébaïde (lieu isolé et sauvage)
Première leçon
Son oncle – Arcturus Black – l'appelait Lola. Son frère – Phineas Black – l'appelait Isla. Sa sœur – Elladora Black – l'appelait « gros troll puant des montagnes », cette précision quant à la provenance du troll ayant toujours soulevé l'intérêt et la curiosité d'Islalola. Enfin, sa mère – Ella Black – et son père, Cygnus Black ne l'appelaient pas. Pour leur défense, il était ardue, même pour un sorcier Black par le sang ou le mariage, de parler et de communiquer alors qu'ils avaient trépassé avant ou pendant la naissance de leur enfant. Elle aurait voulu avoir un souvenir de sa mère. Mais Islalola n'était que la troisième enfant, la deuxième fille, pour ainsi dire, un enfant ni vraiment souhaité, ni vraiment voulu et encore moins désiré. Tante Hesper – qui n'était pas vraiment sa tante mais qui s'occupait de l'éducation des orphelins et héritiers Black – lui avait même dit que son père n'avait jamais été informé de son existence, étant décédé 9 mois avant sa venue au monde. Toutefois, Islalola restait une enfant qui serait bonne à marier, sûrement pratique pour nouer quelques alliances avec d'autres éminentes et puissantes familles de Sang-pur… Elladora, dont les mots étaient des armes redoutables, avait souvent fait comprendre à sa cadette que sans elle, ils n'auraient pas été orphelins de mère. Pour lui faire peur, Elladora avait raconté hier à Islalola, âgée de dix ans, ce qui attendait toutes les femmes et ce pour quoi elles étaient venues au monde. Elle avait détaillé les étapes de l'accouchement, le sang, les pleurs, les cris, le déchirement et le bébé sale qui sortait d'un corps fait pour enfanter. Elladora avait répété tout ce que Tante Hesper lui avait expliqué la veille, et si sa sœur et elle n'avaient que deux ans de différence, Elladora avait relaté le dernier accouchement de leur mère. Accouchement terrible et mortel auquel Ella Black n'avait pas survécu. Le soir même, Islalola avait inspecté son corps nu devant le miroir de la salle de bain. Elle avait tremblé de froid et de peur avant de prendre son bain, aidée par Maossy, l'une des elfes de maisons des Black. Islalola avait touché son ventre et elle avait pleuré, meurtrie de désormais savoir que sa mère, adorée par son oncle, chérie par son frère, cruellement inconnue pour sa sœur qui n'était qu'un bambin, mais aussi pour Islalola, était décédée par sa faute. La veille, Islalola avait jeté toutes ses poupées de porcelaine avec lesquelles elle adorait jouer. Elle n'aurait ni de vrais, ni de faux enfants aux visages parfaits et blancs. Elle ne voulait pas mourir.
– Mon enfant, 10 ans révolus …, souriait son oncle avec nostalgie.
Il lui tendait un paquet, à l'autre bout de la table. Une poupée, Islalola en était persuadée. Elle accepta le présent en souriant et partit rejoindre la place à table qui lui avait été attribuée. Celle à gauche de sa sœur Elladora, en face de sa tante Hesper, loin de son frère, loin de ses oncles.
Les enfants Black n'avaient le droit de participer au dîner dominical que lorsqu'ils avaient fait de la magie pour la première fois. Islalola était heureuse, soulagée d'être présente parmi eux. Lorsque les assiettes en porcelaine, dorées et frappées des armoiries et devises de la Noble et Très Ancienne Famille des Blackse remplirent, Islalola prit sa fourchette et commença à manger avec appétit.
Le silence lui répondit et tous les yeux braqués sur elle, lui indiquèrent qu'elle aurait sûrement dû prêter plus d'attention aux règles établies. Elladora lui enfonça son coude dans les côtes, bien trop fort pour qu'il s'agisse d'un simple avertissement amical.
– Il faut attendre que notre oncle commence à manger !
Islalola déglutit et elle sentit la nourriture descendre le long de son œsophage. Elle baissa la tête et pendant le reste de son premier repas à la table des Black, elle regarda ses pieds joliment chaussés et sa poupée soigneusement déballée.
Deuxième leçon
Islalola Black était une enfant joyeuse et espiègle. Elle courait dans les couloirs de l'illustre demeure du 12 square Grimmaurd. Elle imaginait des vallées vertes sous ses pieds, à la place du somptueux tapis vert. Elle imaginait un immense lac, à la place de la grande fenêtre du dernier étage qui donnait sur le ciel londonien gris et pluvieux. Elle cherchait l'eau, elle cherchait les arbres, elle cherchait les cieux partout où elle pouvait les imaginer. Elle fredonnait gaiement. Elle ne tenait jamais en place et pour une enfant de son rang et de son sexe, il n'y avait plus grand affront, plus grande offense.
Tante Hesper, qui s'était chargée de son éducation, l'avait attachée de longues heures, d'un ruban qui faisait le tour de ses épaules en passant par ses clavicules, et d'un autre, serrant avec force ses jambes pour les maintenir serrées. Il ne fallait pas avoir le dos collé au dossier, il ne fallait pas avoir les coudes sur la table, il ne fallait ni ceci, ni cela… Malgré cela, elle souriait, sans montrer les dents, bien entendu, sinon Tante Hesper aurait été en colère et Islalola, d'un caractère arrangeant et conciliant, détestait être à l'origine des mauvais sentiments de son entourage.
Elle avait trop de fois lu la peine dans les yeux de son oncle, trop de fois le chagrin dans ceux de son frère et trop de fois la haine dans ceux de sa sœur.
Islalola connaissait la paix dans cette grande maison où elle aurait pu se sentir seule. Mais il n'en était rien. Elle avait des tableaux ses amis, des adultes un mystère à comprendre et des elfes de maison des amis à qui se confier. Mais trop. Car Islalola connaissait son rang et sa valeur. Elle serait une dame. Une grande. Une belle.
Dans sa robe en mousseline de coton aux remarquables broderies au plumetis de bouquets de lilas et roses très naturalistes, Islalola et ses yeux gris qu'elle tenait de sa mère, se sentait comme une petite Lady. Elle se tenait droite, la tête haute, comme soulevée par un fil invisible qu'elle imaginait accroché à la lune.
– Depuis la révolte des cipayes, la compagnie anglaises des Indes orientales craint grandement que les sorciers indous mènent une seconde rébellion, se plaignit son oncle.
– Voyons, Arcturus, ils n'oseraient jamais. L'Uttar Pradesh est gouvernée par des sorciers anglais très respectables. On m'a rapporté que la dernière des filles Avery avait pris en mariage le fils aîné d'une famille indienne sorcière très respectable… Les Paril… Non… Les Patil, me semble-t-il, se rectifia le mari de tante Hesper.
Islalola ne comprenait pas grand-chose à ses histoires d'adultes. Elle se lassait vite. Elle avait mal, de se tenir si droite. Elle avait mal, de maintenir une position peu confortable et naturelle. Alors elle eut une idée.
Elle fit tomber sa serviette, qu'une dame bien élevée devait toujours garder sur ses genoux. Lorsqu'elle plongea sous la table pour la ramasser, heureuse de délier ses membres engourdis sa tante Hesper en fit une syncope.
Le lendemain, Islalola fut forcée de tenir toute une journée assise sur sa chaise, à écouter les remontrances et les sermons de sa tante. Islalola regretta l'herbe du tapis et le lac de la fenêtre du dernier étage toute la journée.
Troisième leçon
Islalola n'était certainement pas parfaite. Loin de là. Elle avait de bonnes manières, travaillées et forgées par la patience de sa tante Hesper et de sa sœur Elladora, qui se faisait un devoir de toujours lui compliquer les choses. Mais Islalola faisait de son mieux. Elle préférait seulement compter les boursoufs dans sa tête et visiter la demeure des Black que d'écouter des règles, et faire ses leçons.
Le matin même, elle avait accueillie son frère et sa sœur, pensionnaires à l'école de Poudlard, qui étaient rentrés pour les congés d'octobre. Ils avaient tout deux ignoré leur cadette, qui s'était attendu à ce genre de comportement de la part d'Elladora, mais qui en attendait plus de la part de Phineas. Elle avait donc décidé d'errer dans la demeure, explorant des pièces qu'elle n'avait jamais exploré. Islaloa avait toujours été précieusement élevée. Elle trouva ainsi sa tante en train de lire un grimoire à l'amortentia, comme disait son oncle. Cette pièce lui avait toujours été interdite. Alors elle s'y aventura et elle resta admirative, muette, devant l'immense tapisserie verte et brodée de fil d'or. Elle passa une bonne demi-heure à y lire les prénoms de ses ancêtres, perdus dans toutes les branches, jusqu'à trouver le prénom de son père dont on lui parlait souvent, et encore plus important pour elle, celui de sa mère.
Islalola aurait voulu l'effleurer. Elle n'aurait jamais été si proche de sa mère, si elle y était parvenue, mais elle était bien trop petite pour l'atteindre. Elle sourit, observant le visage de sa mère, et descendit les yeux jusqu'au prénom de Phineas, avant d'y découvrir un autre, inconnu et pourtant rattaché à ses parents.
Sirius.
Un joli prénom qu'elle répéta plusieurs fois d'un murmure presque tendre.
Une jeune personne, qui avait vécu tout juste sept ans.
Un frère qu'elle avait sûrement connu lorsqu'elle était bébé, puisqu'il était décédé seulement un an après la naissance d'Islalola.
Elle sursauta lorsque sa tante referma son livre.
– Mais que faites-vous ici ? piailla-t-elle.
L'enfant fut sauvée par l'annonce du dîner. Elle se précipita jusqu'à la salle de réception où ils se réunissaient tous, et s'installa à sa place. Elle regarda son assiette durant presque tout le repas, le coeur lourd.
On ne lui avait jamais parlé d'un autre frère.
Phineas, qui remarqua la mine anormalement attristée de sa cadette, lui fit signe de se reprendre. Malheureusement, tante Misapinoa, d'une douceur inégalable et d'une beauté toute aussi grande, sourit avec gentillesse à sa nièce.
– Allons bon, chère enfant ! Il s'agit de votre dessert préféré ! Pourquoi donc ses yeux gris si tristes?
Islalola n'eut d'autres choix que de sourire, plaquant sur sa bouche deux lèvres recourbées tremblantes et peu sûres.
– J'ai visité le grand salon, ce matin.
Elle osa un coup d'oeil vers son oncle, en bout de table. Il s'était figé et avait suspendu son geste qui aurait dû définitivement séparer en deux une part de tarte à la crème.
– Et qu'as-tu trouvé, belle enfant ? demanda tante Misapinoa.
– Sirius.
Tante Hesper laissa échapper un hoquet d'effroi et se mit à pâlir. Phineas devint soudainement contemplatif et personne ne pipa mot. Oncle Arcturus avait des fantômes dans les yeux et l'effroi aux bords des lèvres.
– Ne prononcez plus jamais ce prénom, Isla.
C'était une nouvelle règle qu'elle se serait bien gardée d'apprendre.
Quatrième leçon
– Oh Chérie, posez ce petit pain par pitié !
Elladora se mit à ricaner dans sa serviette et honteusement, Islalola reposa le petit pain sur le plateau que lui avait présenté Maossy.
Si seulement Islalola avait eut le visage fin et délicat de sa sœur… Si seulement elle avait eu ses beaux cheveux noirs et épais, ses yeux gris lumineux et ourlés de longs cils… Si seulement elle avait eu ses dents blanches et si bien alignés, sa bouche couleur cerise et charnue… Au lieu de cela, Islalola avait le visage bouffi, des cheveux fins et trop bouclés, des yeux ternes et des cils ras, qu'elle tirait tous les soirs dans son lit. Ses deux incisives du haut avait un petit écart que personne n'avait jamais voulu réduire par la magie. Elle avait aussi un étrange grain de beauté, pile sur le bout du nez, un point marron, une tache de chocolat qui ne partait pas, sur laquelle elle louchait parfois et qui lui donnait un drôle d'air. Un défaut physique charmant, d'après tante Misapinoa, un défaut à cacher de toute urgence selon tante Hesper qui lui poudrait le nez toutes les deux minutes…
– Cessez donc de vous empiffrer, Islalola. Faites preuve de retenue, plus que votre sœur. Il est malheureux de constater que vous n'avez pas hérité des mêmes… dispositions.
Tante Hesper se montrait plus aimable que d'ordinaire.
« Dépourvue de grâce mais bien pourvue en graisse », disait souvent Tante Hesper. « Disgracieusement grosse et grossièrement gracieuse » ajoutait-elle … Elladora s'était empressée de reprendre ses mots et les avait répété chaque fois qu'elle en avait l'occasion à sa petite sœur. Tante Hesper disait d'Islalola qu'elle était incontrôlable. Elle disait « avec Islalola, chassez l'hippogriffe et il revient au galop ! ».
Islalola avait commencé à imiter les bruits d'un Troll. Elle était devenue une enfant grosse faisant des blagues sur son propre poids pour éviter la peine d'avoir à encaisser les remarques de sa famille.
Islalola avait pourtant bien appris à ne jamais mettre trop de nourriture dans sa bouche, à ne jamais finir une assiette et à toujours se contenter de petites quantités. L'enfant avait maîtrisé son caractère gourmand et son amour des pâtisseries et des délicieux mets qu'on servait à la table des Black. Islalola avait commencé à compter chaque bouchée, chaque mastication, s'affamant parfois inutilement, car cela ne changeait rien aux plis disgracieux présents sur son corps.
Si les miroirs exauçaient les vœux, Islalola aurait fait celui d'être mince et jolie, et que chaque larme versée lui fasse perdre un kilo. Au moins, elle ne pleurerait pas pour rien au lieu d'en pleurer de honte.
Pourquoi fallait-il que son visage soit ainsi ? Pourquoi fallait-il que son corps soit ainsi ? Pourquoi ? Elle tira sur le tissu de sa robe, pour l'étendre, pour se cacher, pour couvrir sa peau, la camoufler encore un peu plus.
Elle se sentit laide.
Islalola se décida à bannir les petits pains et les tartes à la crème qu'elle affectionnait tant.
Elladora continuait de rire. Un son mélodieux, qu'Islalola s'était entraînée à reproduire à de nombreuses reprises. Elle s'était résolue à ne jamais y parvenir.
Et à avoir faim chaque fois qu'elle quitterait la table de son oncle.
Cinquième leçon
Islalola Black était une enfant de dix ans qui s'en sentait parfois cent. Les dernières leçons de sa tante Hesper avaient été particulièrement difficiles et certaines avaient même imprégné sa peau. « Une enfant récalcitrante », disait tante Hesper.
La Islalola qui comptait les boursoufs et rêvait lui manquait. Désormais, elle se voulait sage et froide, parfaite et impassible, comme ses tantes, comme sa sœur, comme toutes les femmes se devaient d'être. Cela faisait longtemps que l'hippogriffe ne revenait plus au galop et qu'Islalola avait apprit sa leçon.
Elle aurait bien ramassé et réparé ses morceaux d'elle si elle n'avait pas eu si peur de se couper. Même dans le noir, elle se faisait de l'ombre. Même dans ses équinoxes, il faisait sombre.
Islalola détestait l'heure du thé. Elle détestait voir cette pauvre Maossy apporter le plateau sur ses bras maigres et osseux, supportant le poids d'une théière pleine. Ce jour-là, lorsque l'elfe tomba et renversa l'eau bouillante sur les souliers d'Elladora, Islalola dut se retenir d'intervenir et se contenta de regarder le corps frêle de Maossy encaisser une gifle.
Assénée avec des gants bien sûr. Elladora n'aurait jamais touché une créature qui lui était inférieure avec sa peau…
– Un jour, je ferai en sorte de décapiter chaque elfe devenu trop faible pour soulever un simple plateau de thé ! pesta l'adolescente.
– Voilà qui est bien parlé, ma sœur ! affirma Islalola avec un sourire.
Elladora la regarda avec mépris et Islalola se rembrunit. Quoiqu'elle fasse, elle ne trouvait jamais grâce aux yeux de son aînée. Elle avait beau faire mille efforts, copier sa gestuelle, reprendre ses remarques acerbes, rien n'y faisait. Elladora était la perfection, et Islalola, une pâle imitatrice qu'on traitait avec tout le dédain qu'elle méritait.
Islalola en avait plus qu'assez de ne jamais être à la hauteur et de n'avoir que les yeux dédaigneux de sa sœur aînée qu'elle admirait tant, que tout le monde trouvait si parfaite.
Si elle avait été un garçon, au moins aurait-elle eu à rivaliser avec Phineas, qui se contentait de satisfaire les exigences minimums de tout à chacun. Islalola aurait fait plus. Bien plus ….
Lors du repas, ce soir-là, Islalola eut la sensation d'être encore plus invisible encore qu'elle ne l'était déjà. Son oncle prenait toujours soin d'éviter de la regarder. « C'est que vous ressemblez trop à votre chère maman, ma belle enfant », avait expliqué tante Misapinoa. Ce qui d'après tante Hesper, était faux : seule Elladora avait hérité de la grâce et de l'élégance singulière d'Ella Black née Max.
Islalola aurait souhaité ne ressembler à personne.
Islalola écouta patiemment sa sœur parler de ses derniers cours à Poudlard, son frère fanfaronner, ses tantes se lancer des remarques désobligeantes entre deux plats, et agit enfin.
Distraite, elle ne remarqua pas tout de suite la tache qu'elle s'était faite. Sa sœur, qui ne manquerait pas de la remarquer, prendrait sûrement un malin plaisir à l'humilier.
D'un geste parfaitement maîtrisé, elle bouscula juste assez Maossy qui débarrassait la première entrée, afin que l'elfe renverse juste assez de sauce sur sa sœur et sa nouvelle robe.
Islalola jubila de voir sa sœur en si mauvaise posture. Elle avait perdu toute maîtrise d'elle-même et se donnait en spectacle, vociférant sur la pauvre elfe de maison. Elladora fut vite reprise par tante Hesper.
Islalola, elle, fit taire la pointe de culpabilité qu'elle ressentit en voyant Maossy se prendre sa deuxième gifle de la journée.
Sixième leçon
– Eloïse Roulet-Boulet, enchantée de faire ta connaissance !
Islalola, fièrement assise à la table des Serpentard, lui serra la main.
Elle connaissait la famille des Roulet-Boulet. Une mauvaise famille. La mère se voulait médicomage et était l'objet de toutes les mauvaises rumeurs de la bonne société sorcière.
« Les femmes désirant étudier le droit, la médecine, l'ingénierie magique, ou les arts ne méritent que sarcasmes et de dédain » disait tante Hesper.
– Lui, c'est Charles Hopkins ! Il est très gentil !
Islalola se contenta d'un signe de tête poli et froid.
Ne jamais tendre la main à travers la table.
Elle chercha son frère et sa sœur, assis également à la table des Serpentard et qui avaient modérément applaudi sa répartition. Elle se força à demeurer droite sur le banc plus qu'inconfortable.
Islalola se sentit seule.
Elle avait longtemps espéré que Poudlard serait un endroit calme, isolé de sa famille, peut-être un peu sauvage, qu'elle aurait à explorer pour découvrir de nouvelles choses, comme elle le faisait enfant. Mais tout ici, semblait austère et solitaire. Ce n'était pas isolé. Islalola baignait parmi des centaines d'autres élèves. Ce n'était pas calme. Ce n'était pas sauvage.
– Tu es une Black n'est-ce pas ? demanda Eloïse.
Islalola se redressa un peu plus. Elle sentait encore les rubans de tante Hesper leur meurtrir la peau et s'enfoncer dans sa chair.
– Aurais-tu l'obligeance de me passer le sel, je te prie ? fit Islalola en s'adressant au dénommé Charles Hopkins.
Il resta inerte et perdant patience, Islalola lui lança un regard insistant.
– Je ne suis pas à ton service, maugréa le jeune garçon.
– Bien ! s'agaça la brune.
Elle reposa soigneusement sa serviette à côté de son assiette, se leva et se pencha presque de tout son long sur l'immense table des Serpentard. Elle s'empara du sel et resta debout, un moment défiant Charles Hopkins du regard. Il avait un sourire suffisant, qui l'énerva immédiatement. Elle se rassit avec noblesse et un port de tête trop digne et altier pour une fillette de onze ans seulement.
Puis, elle réalisa ce qu'elle venait de faire.
« Ne tendez jamais la main pour vous servir. Laissez les elfes de maisons où vos compagnons de table vous l'apporter. Il est inconvenant pour une dame de se jeter ainsi sur la table ! ».
Ses joues se mirent à rougir furieusement et le coeur battant, les yeux fermés, elle attendit les réprimandes et la violente tape sur la main dont elle avait si souvent été gratifiée. Mais rien ne vint.
Elle rouvrit les yeux, l'un après l'autre et y découvrit les visages de Charles et d'Eloïse qui la regardaient avec incompréhension.
L'hippogriffe était peut-être revenu au galop et la Islalola qui comptait les boursoufs n'était sûrement pas aussi loin et oubliée qu'elle ne l'avait cru.
Un sourire naquit sur son visage, faisant se soulever ses joues dodues et bien rondes.
Peut-être qu'ici, elle pourrait être un peu, rien qu'un peu elle-même.
Tante Misapinoa lui avait dit que la magie était merveilleuse et que les plus belles années d'une femme, étaient celles qui précédaient le mariage, lorsqu'elles avaient encore la liberté d'étudier, à Poudlard. Elle lui avait dit avec une lueur étrange dans les yeux, que sa maman, Ella Max devenue Black, avait vécu mille aventures dans ce château, qu'elles avaient été amies et complices, qu'ici, tout pouvait arriver.
« Le meilleur comme le pire, belle enfant... » avait-elle ajouté.
Islalola ne s'était jamais sentie à la hauteur de son nom et s'était efforcée de l'être. Elle continuerait bien sûr, pour l'honneur de son oncle qui dirigeait la famille Black en attendant que son frère soit en âge de le faire, la gloire de ses ancêtres, pour se montrer à la hauteur de sa sœur et de son frère… Pour leurs amours.
Mais ici…
Qui pourrait l'empêcher d'être un peu elle ?
– Je m'appelle Islalola. Mais vous pouvez m'appeler soit Isla, soit Lola. Et oui, je suis une Black.
