Ecrit pour Wilwy pour le mème Halloween, sur le thème "Vampires"
4 octobre
Que cette date soit marquée d'une pierre blanche : aujourd'hui, j'ai posé les yeux sur une créature de la nuit !
Je flânais dans la nuit, les yeux caressant une pleine lune qui nous offrait une nuit d'argent clair, quand j'entendis du bruit dans une allée transversale. Je me dissimulai immédiatement derrière la rampe d'un escalier massif, trop timide pour déranger l'entreprise en cours, mais trop curieux pour partir et la laisser à tout jamais derrière le voile du mystère.
L'entreprise en question était macabre ; je vis un corps allongé au fond de l'allée, et une créature penchée sur lui. Je me reculai encore plus, mais pus voir passer l'agresseur - car certainement il n'était pas penché sur ce corps pour lui porter secours - de plus près.
Quelle vision ! Son corps élancé était vêtu d'un costume à la dernière mode, ses cheveux noirs et frisés encadraient un visage pâle et noble, aux yeux pénétrants. Ses traits semblaient sculptés par un artiste de l'ancienne Grèce.
Mais bien sûr, rien de tout cela n'aurait capturé mon intérêt sans la trainée de sang sur son visage, créant un contraste sublime avec sa cravate blanche. Sa langue glissa hors de sa bouche pour en absorber une goutte à la commissure de ses lèvres.
A cet instant, j'étais déjà certain de voir un Vampyre, comme Lord Ruthven dans le délicieux roman de M. Polidori. Mais pour être certain, j'attendis son départ, puis je courus voir si le pauvre homme dans l'allée pouvait encore être secouru.
Lord Ruthven tue les femmes, et peut se lier d'amitié avec les humains dont il détruit la vie. Mais le cadavre dans la ruelle était incontestablement celui d'un homme. Et, réalisai-je avec une horreur qui n'excluait pas l'excitation, le sang jaillissait encore d'une fine blessure à son cou.
Que faire désormais ? Je ne souhaite pas être une de ses victimes, et pourtant, je sens que si je ne le revois plus jamais, je serai coupé de tout un pan du monde, empli de mystères. Ah, pouvoir lui poser même une question sur ce qu'il ressent sur le monde, sur l'amour, sur Dieu ! Pouvoir voir son visage de près, en interroger les formes exquises. Pouvoir, peut-être, lier avec lui une relation sombre et terrible.
Je compte retourner là où je l'ai croisé. Si je le revois, c'est que le destin m'a approuvé. Puisse-t-il redoubler de générosité et m'accorder la chance d'y survivre !
8 octobre
Plus jamais je ne laisserai une sombre figure se jouer de moi !
Chaque soir, j'avais parcouru le quartier dans lequel j'avais observé celui que je pensais être mon prince des ténèbres. J'avais parfois interrogé des passants, pour obtenir des informations, mais personne ne semblait connaître l'objet de mon désir.
Et finalement, je le vis ! Mon corps entier frissonnait alors que nous nous approchions l'un de l'autre. Son sourire dévoilait des dents aussi blanches que l'ivoire le plus pur. Il n'essaya pas de m'éviter, et mon coeur battait la chamade.
Je suivis des yeux la trainée de sang qui agrémentait sa manche d'un goût parfait. Je la suivis un peu trop loin. Je pus voir qu'il brandissait, d'une main experte, un surin long et très fin.
En un instant, je réalisai que la blessure que j'avais vues au cou de sa victime, si fine, avait pu être infligée par ce couteau. Je réalisai aussi qu'il avait peut-être l'intention de me poignarder, mais, sur le moment, cela me semblait moins important.
"Comment cela, vous n'êtes pas un Vampyre !" m'exclamai-je en levant la tête, le fixant d'un air de défi.
Maintenant que j'écris, mon esprit tourmenté par une sombre tempête plutôt qu'un coup de tonnerre, je réalise que les tueurs et leur lien avec la mort, celle qu'ils donnent et celle qui les attend, ont un aspect attirant aussi. Mais sur le moment, je me sentais tellement trahi que cette vérité indéniable avait disparu de mon esprit.
L'accusation que je lançai, certainement surprenante mais non dépourvue de fondement, le paralysa de surprise pendant un peu plus longtemps que moi. J'eus alors le temps, grâce aux leçons de Bahorel, de lui asséner un coup de pied au poignet qui lui fit lacher son arme, et fut peut-être la seule chose qui me maintint en vie, alors que je fuyais la scène nocturne où j'avais essuyé une si cruelle déception.
Et maintenant, il ne me reste plus qu'à me réfugier dans l'étude ! Je pensais traduire Christabel de Coleridge. Cela pourrait combler le manque dans mon âme.
Père dit que ce n'est pas une lecture acceptable pour quelqu'un qui n'est même pas encore rentré à l'université.
Je ne suis pas certain de son sens des priorités.
