Salut à tous et joyeux Halloween ! Je vous souhaite la bienvenue dans ce nouvel OS Ranya !
Je n'y croyais plus mais je suis parvenue à le finir à temps... MIRACLE !
Résumé : Mourir est interdit à Anya. Elle n'a plus aucune raison d'être ou de vouloir vivre jusqu'à ce que la voix de Raven Reyes lui devienne indispensable.
Les personnages de la série The 100 ne m'appartiennent pas, tout comme les musiques que je peux utiliser dans l'histoire.
Je remercie tous ceux et celles qui me suivent dans mes aventures un peu folles, pour les mises en favoris, les commentaires, les discutions en message privé, et les amitiés qui ont pu se construire depuis mon premier poste jusqu'à aujourd'hui. Bref, c'est très plaisant et m'incite à écrire alors continuer ! :)
Il me reste à vous souhaiter une bonne lecture. Je vous retrouve en bas.
(In)Humaine
L'histoire de Raven Reyes commença au bord de ce puits. Si ce fut le cas pour toutes les femmes de sa famille depuis près de 600 ans, pour elle cette affirmation était plus littérale. La jeune femme est véritablement née au plus près de cet endroit, baignant la terre de son sang, inondant cette nuit d'une pleine lune rousse de ses cris et si tous l'ignorait encore attirant l'interet de la créature qui y était prisonnière pour la première fois depuis qu'elle y était enfermée.
Le monstre tapi dans l'ombre se leva. Ses yeux fixaient les fins traits de lumière qui s'étaient formés aux cours des années entre les planches qui scellait sa geôle. Ses pieds butaient sur une des épées qui avait, il y a bien longtemps, fini sa course dans son cœur. Le son que provoqua sa maladresse résonna dans un éco foudroyant mais n'attira aucunement l'attention des femmes qui le surveillaient et le retenaient depuis si longtemps.
L'être maudit, dénuée d'âme tendit sa main et réceptionna dans sa paume plusieurs gouttes de sang de la nouvelle née. L'odeur était des plus attrayante, ses iris virèrent à l'écarlate. Une faim dévorante s'empara de l'immortelle, tout son corps en trembla. Elle ne c'était pas nourrit depuis si longtemps même le peu qu'elle était parvenue à réceptionner au creux de sa main lui suffirait pour enfin s'échapper. C'était tentant, tellement tentant. Elle était si faible et ce depuis bien trop longtemps. Ce sang providentiel lui apporterait de nouveau force et pouvoir.
Pourtant, elle referma violemment son poing. Elle réprima tous ces instincts primitifs, laissant son bras retomber le long de son corps et le liquide rouge si précieux s'écouler sur sa peau, jusqu'à ses doigts pour finir par s'imprégner dans le sol. Il fallait qu'il disparaisse rapidement, bien plus vite qu'il ne le faisait en ce moment. Alors que son corps tremblait, la douleur qui s'était figée dans son corps le jour où commença sa captivité se réveilla, elle serra avec beaucoup de force la mâchoire alors qu'elle jurait sentir de nouveau les trois épées se figer dans son cœur.
Promets-moi.
Sa voix… même après tout ce temps, elle était encore capable de l'entendre. Elle recula en titubant, manqua de tomber mais l'espace qui lui était accordé était si restreint que le mur qui se dressait dans son dos l'empêcha de s'effondrer. Elle se laissa glisser contre les briques froides en levant une dernière fois son regard vers le haut. Si elle l'avait voulu, elle aurait pu se libérer. Mais qu'aurait-elle fait alors ? Tout ce à quoi elle avait pu tenir un jour avait disparu depuis bien longtemps. Le seul être qu'elle avait un jour aimé avait disparu pour toujours, même affaibli et enfermé dans ce puits rempli de runes, elle l'avait sentit mourir. Pourtant, elle s'acharnait à respecter la promesse qu'elle lui avait faite.
Promets-moi.
Des larmes s'écoulèrent sur ses joues alors qu'elle se recroquevillait sur elle-même. De par sa nature, les larmes auraient dû être de sang mais comme la nuit de son enfermement, ce ne fut pas le cas. Rien que de l'eau et un peu de sel qui sillonne son visage sans le maculé de rouge. Inexplicable mais bien réel. Presque humain. Presque.
Quand Raven rentrait de l'école, elle était toujours seule dans une maison bien trop grande. Depuis qu'elle avait l'âge de penser, elle trouvait la demeure qui l'avait vu grandir effrayante. Certains enfants disaient même qu'elle était hantée. Et si ce n'était pas faux, bien qu'elle ne puisse pas leur révéler cette information. Ce n'était pas ce point qui mettait la petite fille si mal à l'aise entre ces murs. Tous les lieux avaient une histoire et elle était capable de la lire ou plutôt de la percevoir. Malheureusement pour elle, la plupart des souvenirs qui y stagnaient étaient pour le plus grand nombre d'une violence des plus troublante pour une enfant de huit ans.
Et si les visions apparaissent le plus souvent quand la petite fille apposait ses mains sur une surface, parfois le lieu en lui-même avait un passé si chargé que les scènes se déroulaient sous ses yeux sans qu'elle ne touche rien. Ici, dans sa maison, il y avait des substrats comme elle les appelait partout, en tout temps. Quand il n'y avait que des images, elle parvenait à simplement baisser les yeux pour les ignorer mais parfois, des voix ou des bruits s'ajoutaient aux souvenirs. Il lui était alors impossible de ne pas y faire attention.
Ce jour-là, à peine Raven franchit-elle la porte qu'elle fut happée par un brouhaha tout à fait indécent. Elle se figea, se concentra pour tenter d'effacer ces réminiscences. Après tout, si elle parvenait à les voir c'était grâce à son pouvoir mais qu'importe ses efforts, elle ne parvenait pas à le maîtriser. Elle ferma violemment ses paupières alors qu'un homme venait de se faire décapiter par un autre sous ses yeux. Qu'elle soit incapable de se contrôler agacait particulièrement sa famille, surtout sa mère et sa grand-même. Sa tante était bien plus gentille et trouvait toujours un moyen de rappeler qu'avant Raven, personne n'avait eu ce pouvoir. Les femmes de la famille Reyes avaient la capacité de se souvenir de toutes leurs vies antérieures, ce qui était indispensable pour traquer et tuer les monstres.
Raven, elle, en était incapable. A la place, les souvenirs de toutes choses et de toutes personnes l'assaillent à chaque instant. Pour beaucoup, c'était un miracle, pour elle un supplice de chaque instant. C'était d'autant plus insupportable quand elle était seule. Malheureusement, elle l'était souvent, beaucoup trop à son goût.
La petite fille lâcha son cartable qui tomba au sol dans un bruit sourd. Elle s'éloigna de trois pas le cœur battant. Elle claqua violemment la porte, prit le temps de retrouver une respiration normale. Il lui arrivait souvent de tout bonnement bloquer tout après une inspiration et d'oublier d'expirer. Elle se retourna et fixa le seul endroit qui à ses yeux représentait l'accalmie.
Interdit.
Raven savait pertinemment qu'elle n'avait pas le droit de s'y rendre. Absolument tout le monde lui répétait depuis toujours que c'était dangereux. Que si elle devait s'y rendre elle ne devait jamais, sous aucun prétexte, y aller seule. Jamais. Mais il n'y avait personne donc comme les autres fois, tout le monde ignorait qu'elle avait désobéi. N'est-ce pas ?
Pourtant, pour la première fois de sa courte existence, Raven hésita à enfreindre cette règle. Elle observa le puits avec envie alors que les recommandations des membres de sa famille lui revenaient en mémoire. C'était dangereux. On lui répétait ces mots à propos de la fosse au fond de son jardin depuis toujours. Un monstre y était emprisonné depuis près de 600 ans, d'après sa grand-mère, c'était la pire calamité qui n'ait jamais foulé cette Terre. Raven avait grandi entouré de créatures en tout genre, des banales au plus dangereuses. A dire vrai, elle avait fini par s'y habituer et la peur qui devait l'habiter quand elle se retrouvait face à l'une d'entre elles avait fini par la quitter. Leurs bizarreries ou leurs cruautés étaient devenues son quotidien, même aussi jeune, elle savait qu'un jour, elle mourrait sous les griffes ou les crocs d'une calamité de ce monde.
Mais voilà, la veille sa famille avait affronté un djinns, une goule pour être précise et sa tante Lucie a été très gravement blessée. Évidemment, la fillette n'avait pas assisté à la scène. Durant le combat, elle était sagement endormie. Ce n'est que le lendemain matin qu'elle découvrit l'horreur. En arrivant dans la cuisine un substrat persistait et Raven vit toute la scène. La créature mangeuse d'homme et buveuse de sang, qui a pour habitude d'attirer ses victimes en changeant de forme ou de mange des cadavres les jours où la chasse est mauvaise avait bondit sur la seule personne qui lui prodiguait un peu d'amour et fondit sur sa gorge s'abreuvant, rapprochant Lucie d'une mort imminente.
Raven n'aurait jamais dû assister à une scène à ce point déstabilisante et émotionnellement insoutenable. Pire. Voilà la pensée qui la hantait alors qu'elle hésitait à rejoindre le puits. L'être maudit qui y était enfermé était pire qu'une goule. Du moins, c'est ce que tout le monde lui répétait. C'était dangereux. Elle devrait peut-être commencer à écouter les adultes, restés dans la maison même si les hurlements de sa tante y étaient toujours présent. Ce serait tellement plus raisonnable mais voilà, là-bas c'était silencieux et elle n'avait jamais aucune vision. Aucune. Jamais. Même la porte close, Raven continuait d'entendre les pleurs, les supplications et les plaintes de Lucie. C'était insupportable !
Elle plaqua ses mains sur les oreilles pour tenter de faire taire ce substrats, cette illusions. Son geste fut inutile quand elle le comprit, elle fixa le puits avec envie. Elle était incapable de résiter à son attrait. Alors elle se mit à courir le plus vite qu'il lui était possible. Plus elle s'éloignait, plus elle se sentait soulagée, les sanglots et les appels au secours s'estompaient. Enfin. Le calme la gagnait. Raven ne s'arrêta pas comme à son habitude à quelque pas de la prison du monstre sous la garde de sa famille. Cette fois, elle s'élança et bondit sur les planches en bois. Elle était essoufflée pourtant elle hurla à en perdre ses cordes vocales avant de se laisser tomber et d'éclater en sanglots. C'était trop, beaucoup trop pour une enfant.
Allongée au milieu du puits, les bras étendus de part et d'autre, elle ferma les paupières pour mieux apprécier le silence plein et entier. Bientôt le calme la gagna mais les larmes ne tarissaient pas. Elle ouvrit prudemment les yeux. Il n'y avait rien d'autre qu'elle, aucun substrat. Il n'y avait pas de doute possible, c'était son endroit préféré. Son cœur battait vite, trop mais elle n'y prenait pas garde contrairement à ce qui se tapissait dans l'ombre près de 80 mètres sous elle. La créature avait maintenant l'habitude de sentir la présence de cette petite fille. Elle venait souvent, trop à son goût. Cette fois, l'enfant avait franchi une autre limite, elle ne se contentait pas de parler ou de rester à proximité, elle se trouvait juste au-dessus.
Sa présence, son odeur était partout. Elle emplissait ce trou dans lequel l'immortelle était retenue. C'était contraignant pour ne pas dire terriblement agaçant. Non pas que la solitude lui sied, elle appréciait sentir la présence d'un autre être de temps à autre. Elle était esseulée depuis bien trop longtemps. Elle aurait même pu apprécier les longs monologues de la fillette. Si seulement ce n'était pas elle. L'enfant qui est née il y a huit ans. Celle qui a laissé son sang se dissimuler un peu partout dans son sillage, lui faisant vivre un véritable enfer, la confrontant pendant des jours à la tentation.
Il était maintenant certain, que le monstre qu'elle était ne pourrait jamais oublier l'arôme si délicat de ce liquide vitale qui sillonne les veines de cette gamine. Son effluve ne s'estompait pas, elle continuait de flotter encore après toutes ces années. Et ses nombreuses visites n'arrangeaient rien. Son parfum rendait l'accomplissement de sa promesse bien trop difficile. Elle voulait, non désirait ce sang si précieux. Son sang à elle. Un soupir lui échappa alors qu'elle frotta énergiquement sa main droite, celle qui il y a si longtemps avait tout ce qu'elle enviait autant qu'elle craignait aujourd'hui.
Si elle avait su qu'elle subirait un tel supplice, elle aurait pris ce sang et se serait enfuie. Juste quelques gouttes… c'était insignifiant. Elle aurait dû le faire. Elle aurait passé le reste de son existence à se faire pardonner pour ne pas avoir su tenir sa promesse. Quelques gouttes qui de toute façon étaient perdues… quel gachi !
Il fallait qu'elle trouve un moyen d'oublier cette brûlure qui l'étreignait quand cette fille était près d'elle et même quand elle n'était pas dans les parages. Si elle le pouvait, elle s'éloignerait le plus loin possible mais elle était condamnée à rester confiner dans ce puits, à jamais. Elle devait se résoudre à continuer à vivre avec cette soif qui ne s'estomperait pas. Peut-être qu'elle allait finir par céder et s'empaler à nouveau le cœur, au moins serait-elle en sommeil pendant un temps et elle oublierait momentanément son obsession pour le sang d'une petite fille.
-Nous avons été attaqués par une goule hier.
Une goule… c'était un des pires monstres existant. L'immortelle s'approcha, elle se mit dans le peu de lumière qui subsistait dans sa prison en levant les yeux. Une question lui brûlait les lèvres mais si elle refusait de la poser à voix haute, elle s'inquiétait sincèrement. Raven avait-elle été blessée ? Ces choses étaient des charognes, littéralement. Quand la chasse était mauvaise pour elles, elles s'en prenaient aux cadavres. Les goules, lacérant les corps, se repaissent goulument sans la moindre once d'humanité. Elles se délectent de la chair et du sang alors même qu'elles n'en ont aucun besoin. Elles aiment simplement provoquer la douleur et s'en délecte.
L'idée même qu'une de ces choses ait pu la toucher dégoûtait profondément la condamnée. Au-delà de ce sentiment, elle était hors d'elle. Elle sentit le pire d'elle-même ressortir. Elle ne supportait pas l'idée qu'un monstre puisse s'en prendre à cette fillette. C'était pourtant inévitable, après tout c'était une des héritières Reyes.
-J'ai tout vu, sa voix se brise, tout entendu, elle pleure, mais je ne peux pas m'effondrer. Si je le fais, ma grand-mère sera encore plus dure avec moi. Elle dit que je suis faible.
L'immortelle serra ses poings à leur paroxysme, s'empêchant de frapper un des murs qui l'entourait. Si elle se laissait aller, elle le regretterait. Ils étaient particulièrement bien protégés, impossible à détruire sans souffrir mille morts. Malheureusement, les runes inscrites sur les pierres sont bien incapable de différencier une tentative d'évasion, d'un coup de colère. La vieille chouette faisait tant souffrir Raven depuis des années sans aucune raison. Elle avait autant envie de découvrir l'exquise sensation que le sang de Raven aurait sous sa langue que de tuer la matriarche des Reyes. Il y avait des rancunes personnelles mais ce qui lui donnait vraiment des envies de meurtre c'était les nombreux récit que lui avait compter la petite. Cette femme n'était peut-être pas un monstre mais elle en avait sans nulle doute l'esprit !
-Mince !
En entendant ce simple mot, l'appréhension de celle désignée comme un monstre se renforça. Durant un court moment, elle évalua toutes les possibilités pour sortir de sa cage. Si c'était le seul moyen de protéger la petite, elle devait tout faire pour s'extraire de ce puits. Mais en levant à nouveau les yeux, elle vit un objet tomber lentement vers elle. Elle fronça les sourcils en s'avançant lentement, comme il y a huit ans, elle tendit la main pour le réceptionner et découvrit un élastique à cheveux rouge.
En laissant son chouchou préféré tomber entre les lattes de bois qui scellait le puits, Raven se pencha pour l'observer tomber au désarroi. Elle écarquilla les yeux en découvrant une forme tout sauf monstrueuse sortir de l'ombre. De ce qu'elle pouvait voir d'où elle se tenait, c'était juste une femme. Bien sûr, il y avait un nombre incalculable de créatures capable de prendre forme humaine mais d'ordinaire quand son regard croisait celui d'une anomalie de ce monde, tout son corps se mettait à trembler.
En fait, elle était si calme quand elle se trouvait à proximité du puits qu'elle en était même venue à douter de la présence du monstre. Après tout, il y était enfermé depuis plus de 600 ans. Aucune créature ne pouvait vivre aussi longtemps sans se nourrir. Du moins, c'est ce dont elle avait fini par se convaincre. De toute évidence, elle s'était trompée.
-Il y a vraiment quelqu'un, souffla-t-elle.
Son intervention attira de nouveau l'attention de la créature. Son regard se détacha de l'étrange objet présent dans sa paume pour se fixer sur Raven Reyes. Elle fut agréablement surprise quand ses iris qu'elle savait écarlate n'effraya pas la petite, elle n'eut pas un mouvement de recul. En fait, elle crut même déceler un sourire sur les lèvres de l'enfant.
-Incroyable, laissa-t-elle traîner, qui aurait cru qu'il y avait vraiment une créature dans ce puits. Je pensais que c'était juste une histoire pour m'effrayer. Qu'est-ce que tu es ? Comment tu t'appelle ? Moi, c'est Raven.
Était-elle complètement insouciante ? Voilà la question qui s'imposait chez l'immortelle. Cette dernière peinait à croire que cette enfant puisse lui parler aussi simplement. Évidemment, elle ignorait tout de sa nature mais tout de même… c'était terriblement imprudent ! Finalement, sa grand-mère n'était peut-être pas assez dure avec elle. Si elle agissait ainsi avec tous les monstres, elle serait constamment en danger ! Qui avait bien pu lui mettre dans la tête que discuter avec une anomalie comme elle était normale et sans risque ? C'était un problème ! Si Raven agissait ainsi avec elle, il était possible qu'elle en fasse de même avec d'autres et elle courait sans aucun doute à sa perte. C'était inacceptable !
-Tu n'as pas de voix, poursuivit-elle quand aucune réponse ne vient, j'ai déjà rencontré certaines créatures qui ne peuvent pas parler. C'est ton cas ? Si tu veux, tu peux me répondre en entrant dans ma tête.
C'était encore pire ! Qui est capable de laisser aussi imprudemment un monstre accéder à ses pensées ? C'était de l'irresponsabilité pure et dure ! A se demander comment cette enfant avait pu survivre toutes ces années en étant à ce point irréfléchie ! La créature secoua lentement la tête quelque peu désespérée. Il lui fallait trouver un moyen de faire comprendre à Raven qu'elle devait être bien plus prudente à l'avenir. Il restait à savoir comment s'y prendre. Une seule idée lui venait à l'esprit : l'effrayer. Seulement, elle ne parvenait pas à s'y résoudre. Elle savait d'or et déjà que si elle devait faire du mal à cette petite fille, elle ne se le pardonnerait pas. Qu'elle le veuille ou non, elle s'y était attachée. Et c'était sans évoquer ce désir accru pour son sang qui s'était imprégnée dans chacune des fibres de son corps, jusque sous sa peau, fusionnant même avec ses os.
Il ne restait donc plus qu'une solution : sortir d'ici. Il lui fallait briser ses entraves pour la protéger elle-même. Personne d'autre ne serait jamais assez digne à ses yeux pour s'en charger. Il était maintenant absolument certain qu'elle s'enfuirait, pour elle, pour Raven.
Treize ans plus tard…
Le crissement des pneus sur les graviers quand le taxi s'arrêta devant le manoir des Reyes fit grincer des dents le chauffeur. Comme beaucoup d'habitants du coin, il n'aimait pas cet endroit. Il était plus précis de dire qu'il en avait peur. Jamais auparavant il ne s'était retrouvé aussi proche de cette maison à n'en pas douter hanté. Il se retourna afin de prévenir sa cliente qu'il l'avait conduit à bon port. Maintenant, il n'attendait plus qu'une chose, que cette jeune femme dégarpisse de sa voiture pour s'éloigner le plus vite possible de ce lieu maudit.
Il ne s'attendait pas à ce qu'elle se soit endormie. Sa tête recouverte de la capuche de son sweat rouge reposait sur la vitre. Elle semblait paisible alors même qu'il venait de la conduire à l'un des pires endroits qu'il connaisse. Il ne l'avait pas remarqué avant mais elle écoutait sa musique très fort pourtant le casque audio n'était pas figé sur les oreilles de la jeune hispanique, il reposait seulement sur son cou. Elle était entrée dans son taxi avec un simple sac à dos, qu'elle tenait fermement entre ses bras. Le chauffeur grommela avant de se pencher un peu plus pour secouer doucement l'épaule de sa cliente.
A peine l'eut-il frôlé qu'elle bondit, se saisit de son poignet au niveau de sa veste. Une peur telle qu'il n'en avait jamais connu dans le regard d'une autre personne reflettait dans ses iris aussi noir que la nuit. Elle haletait. Il se demanda s'il l'avait réveillé en plein milieu d'un cauchemar. Pourtant, jusqu'ici, il aurait juré qu'elle était sereine. Il ne remarqua qu'après coup qu'elle disposait d'une force tout à fait indécente, elle lui faisait mal, certainement sans s'en rendre compte mais tout de même.
-Désolée, souffla-t-elle en relâchant la pression, être ici me rend nerveuse.
-Toute personne saine d'esprit est nerveuse devant cette baraque. Je ne pourrai jamais vivre là-dedans, rit-il en acceptant les billets de la jeune fille. Vous êtes certaine que je dois vous laisser là ?
-Malheureusement, elle ouvrit la portière, oui.
Dès qu'elle referma derrière elle, le chauffeur de taxi ne perdit pas une seconde de plus pour s'éloigner. Il jeta tout de même quelques regards dans son rétroviseur mais qu'importe le nombre de fois où il vérifiait sa cliente ne bougeait pas d'un pouce. S'il trouva son comportement étrange, il ne chercha pas une seconde à faire demi-tour afin de s'assurer qu'elle se portait bien. Il était trop heureux de voir cette maison de malheur disparaître.
Raven se décida à placer une des lanières de son sac sur son épaule gauche. Elle fixait le portail devant elle avec beaucoup d'intensité. Elle peinait encore à croire qu'elle était de retour. Elle avait fait tout son possible pour s'éloigner. Depuis quand n'était-elle pas revenue ? Un moment, un long moment et si elle était honnête, une part d'elle espérait ne jamais reposer le pied dans cette maudite ville et encore moins dans cette maison qu'elle détestait profondément mais pas autant que les membres de sa famille.
D'un geste lent, Raven fit glisser sa capuche, libérant sa chevelure ébène qui s'engouffra dans le vent. Elle attrapa un élastique rouge à son poignet pour se faire un chignon rapide et quelque peu informe. Ensuite, elle replaça son casque sur ses oreilles où la musique jaillit à un volume indécent. Elle prit une forte inspiration en appuyant sur le bouton qui lui permit d'augmenter encore le son. Alors seulement elle se décida à avancer. Elle poussa le portail du bout de son pied, refusant de le toucher avec ses mains. Elle se doutait bien que les visions seraient toujours aussi intenses même après son absence prolongée. Et pour le moment, elle préférait éviter de s'y confronter.
A la seconde même où elle franchit les limites du territoire de la demeure des Reyes, la créature toujours enfermée dans le puits ouvrit les yeux. Un sourire étira ses lèvres alors qu'elle se remit sur ses pieds. Raven était enfin de retour. Ce constat la rendait heureuse, elle l'attendait depuis si longtemps. 764 jours, Raven était partie laissant l'immortelle vivre 764 levées de soleil sans sentir sa présence. C'était terriblement long. Elle s'avança jusqu'au milieu de sa cage en levant la tête, se demandant si elle aurait le temps de venir la voir.
Elle inspira profondément et ses narines se gorgeaient de cette odeur si particulière qui lui avait tellement manqué. Elle avait fini par moins convoiter le sang de Raven, c'était maintenant autre chose qu'elle désirait. Quelques détails avaient changé dans ses effluves, elle apportait avec elle d'autres senteurs, celles de vieux livres, de soleil, de café mais aussi une note un peu plus musclée, elle portait sur elle les traces d'un homme. Ce dernier a forcément été particulièrement proche d'elle pour que ces émanations la suivent ainsi. C'était désagréable. L'immortelle ne voulait pas du parfum d'un autre sur Raven.
Malgré la contrariété que provoqua ce détail, elle ne quitta pas des yeux les planches qui scellaient sa prison. A travers les cavités dans le bois, certaines étaient maintenant si grandes que si elle le voulait, elle pouvait y passer entièrement sa main, l'immortelle vit toutes les couleurs d'une journée défiler sans que Raven ne vienne à sa rencontre. Lorsque la nuit tomba, ne laissant que peu de lumière l'atteindre un sentiment de déception l'épris. La jeune femme, parce que désormais c'était une femme, ne ressentait peut-être plus le besoin irrépressible de se trouver à proximité du puits, d'elle.
Ce constat effraya la créature. Il faut dire qu'au cours des années, elle s'était véritablement habituée à la présence de Raven. A ses bavardages incessants qui avaient redoublé une fois que la petite avait découvert qu'il y avait véritablement quelqu'un d'enfermer. Quelque chose s'était brisé quand la jeune femme lui avait annoncé partir, les études n'étaient qu'une excuse. La vérité était tout autre. Raven était différente des autres membres de sa famille, elle n'avait pas l'âme d'une tueuse. Et si elle avait dû se résoudre à plusieurs reprises à occire un monstre pour des questions de survie, à chaque fois ses actions la rendait malade. L'immortelle l'avait entendu de si nombreuse fois pleurer mais elle ne s'était jamais décidé à lui parler pourtant la jeune femme lui revenait toujours. Alors pourquoi pas cette fois ? Qu'est-ce qui avait changé ?
Dans la maison, au troisième étage, bien loin du puits, Raven se laissa tomber de tout son poids sur son lit. Un long soupire lui échappa et elle retrouva enfin la musique. Elle laissa ses paupières se refermer. Cette journée avait été horrible. Elle n'aurait jamais dû accepter de revenir. Elle n'avait fini par accepter, seulement parce que Lucie aussi avait fini par lui demander. Halloween débuterait le lendemain et pour les membres de sa famille, ce jour n'avait rien d'une fête. Lors du 31 octobre, toutes les portes entre le monde des esprits et celui des vivants étaient ouvertes. Si la plupart des spectres n'étaient pas un problème, leurs présences renforçaient la puissance des monstres présents toute l'année.
Et il y avait Jack. Jack-O-Lantern. Pour Raven ce n'était qu'un esprit parmi les autres bien que de son vivant, il soit parvenu à échapper à un démon à plusieurs reprises en le piégeant perfidement. Mais il représentait une véritable menace pour sa tante. Il la hantait à chaque veille de Toussaint. L'année précédente, il était parvenu à tellement affaiblir Lucie que leur place avait presque été échangée. Il était certain qu'il tenterait à nouveau d'envoyer sa tante en enfer pour vivre à nouveau parmi les vivants. Jack était la seule raison du retour de Raven. Elle se fichait éperdument du reste, tout ce qu'elle voulait étant protéger la seule personne de sa famille à qui elle tenait. Et puis, elle ne serait revenue pour personne d'autre.
Personne d'autre.
Elle se redressa avant de retirer le casque qui continuait de cracher de la musique bien trop fort. Elle se leva et tira les rideaux. Il faisait sombre, la lune était à peine présente cette nuit-là. Malgré tout, son regard fut irrémédiablement attiré par le puits. Les pulsations de son cœur s'accélèrent alors que le vacarme irréel autour d'elle s'intensifiait. Une étrange tristesse l'envahit alors que le brouhaha devenait presque insoutenable. Si sa tante était pourchassée par un esprit malin, Raven, elle était tourmenter par ce puits et ce depuis sa plus tendre enfance. Cette prison de pierre chassait tout le reste. La jeune femme cherchait sa présence, elle en rêvait même certaine nuit, elle essayait d'imaginer à quoi pouvait bien ressembler la créature qui y était enfermée. A dire vrai, elle était complètement obsédée par cet étrange pénitencier mais surtout elle devait l'avouer, par son résident.
Qu'importe le temps qu'elle y avait passé, le nombre de livres qu'elle avait ouverts ou de personnes qu'elle avait pu interroger. Elle n'avait toujours aucune information sur le "monstre" qui était retenu dans le fond de son jardin. Les membres de sa famille répétaient inlassablement les mêmes réponses. C'était le pire de tous. Nous le surveillons depuis plusieurs siècles et nous continuerons à le faire bien après notre mort. Il était dangereux, perfide et instable. Toujours et encore les mêmes réparties. Mais lorsque la question était plus poussée. Rien. Une seule conclusion était donc possible : personne ne savait ce qui y était enfermé.
Raven voulait être la première à comprendre ce qui se terre dans le noir au fond de ce puits. Elle voulait tout savoir de cet être reclus et enfermé depuis 600 ans. C'était justement le nombre d'années approximatif de sa captivité qui l'inquiétait le plus. Il faut dire qu'elle aurait été mise sous terre à la fin des années 1400 ce qui coïnciderait avec la création et l'impression d'un des pires livres qui n'ait jamais vu le jour : Malleus Maleficarum. Cet ouvrage étant à l'origine même de la pire chasse aux sorcières que notre histoire ait connue. La plupart des femmes qui ont subi châtiments et mort en suivant les doctrine stupide de ce ramacie de conneries étaient inocentes.
Ce n'était évidemment pas le cas de l'individu incarcéré et surveillé par sa famille. La jeune femme ne pouvait pas se prononcer sur l'irréprochabilité de cette "créature". Mais elle ne pouvait pas nier qu'elle appartenait au monde magique. C'était cette période qui l'inquiétait de plus en plus.
Et si… et si c'était simplement un membre de la communauté certe sur-puissant mais demeurant inoffensif. Ce ne serait pas le premier non-humain à être châtié sans aucune réelle raison, hormis la convoitise et la peur. L'appréhension et la méconnaissance de ces êtres incroyables à bien souvent poussé à l'erreur. Après tout, d'une certaine façon les femmes de sa famille auraient parfaitement pu se retrouver à brûler vivre sur un bûcher ! Elles se souviennent de leurs vies antérieures et possèdent même parfois d'autres pouvoirs. Et si les Reyes ne se considèrent pas comme des sorcières, la plus jeune de leur représentante était de moins en moins d'accord avec cette absence d'affiliation.
Et puis… il y avait les rêves. Ces putains de rêves qui s'imposaient bien plus souvent depuis qu'elle était partie. Apparement quand les substrats la laissaient en paix, des songes parfois bien plus perturbants s'imposait nuit après nuit. Au vu des images qui prenaient vie, il était même plus juste de dire que c'était des cauchemars, de ceux qui nous poursuivent même quand nous sommes éveillés.
Il y avait du sang, tellement de sang et plus de cadavres que quiconque puisse en compter. Au milieu de cette horreur se trouvait toujours une ombre, certainement un homme et si le visage restait insaisissable pour Raven, le sourire qu'elle devinait sur ses lèvres maculées d'un rouge effrayant, lui faisait toujours froid dans le dos. La neige accentuait le sentiment de torpeur. Au moment où la conscience de l'héritière Reyes s'effaçait presque entièrement absorbée par l'effroi, une main se glissait toujours dans la sienne.
Le sentiment qui l'envahissait alors était insaisissable et des plus inexplicable. La jeune femme ne s'est jamais sentie à sa place ou même en sécurité. Pourtant, lorsque cette main se refermait sur la sienne, c'est ce qu'elle ressentait et bien plus encore. Rien que d'y penser, Raven se sentit infiniment apaisé et si sereine que s'en était déstabilisant. Comment un simple détail qui ne trouvait sa place que dans des mirages fabriqué par son esprit exténué pouvait-il avoir une telle importance ?
Avec le temps, elle connaissait chaque détail qui composait cette main. Chaque cicatrice, de la plus insignifiante à la plus inquiétante. Elle l'avait sentit tellement de fois qu'elle était persuadée que si un jour, le rêve rejoignait la réalité, elle serait capable de la reconnaître en une fraction de seconde. Et, il y avait les tatouages. Chacun des doigts étaient marqués par de l'encre noir. Le pouce portait les runes A et R imbriquées l'une dans l'autre quand son index était estampé par le signe de l'ascension des planètes sur la terre, son majeur était imprégné par une demi-lune jeune entouré de deux astres, quand son annulaire lui, se démarquait par un soleil à moitié éclipsé et l'auriculaire révélait une triple flèche. La dernière marque que Raven avait apprise par cœur se trouvait sur l'intérieur de son poignet seulement cette dernière ressemblait plus à une brûlure, laissée par un fer forgé. Les runes pour composer le mot immortelle ressortaient de sa peau. Dans son rêve, les stigmates semblaient récents comme si le service venait juste d'être accompli.
Pourtant rien de tout ceci ne pouvait expliquer le sentiment d'appartenance qu'elle pouvait ressentir. C'était intriguant mais ne pouvait pas expliquer la quasi obsession de la jeune femme. Non. Ce qui la rendait véritablement perplexe, au point même de parfois oublier jusqu'à son propre prénom, c'était ce regard. Au travers de ces yeux d'un marron si clair qu'il semblait irréel, elle était éprise d'une profonde conviction : si elle existait ce n'était que pour avoir le privilège de se plonger corps et âme au milieu de ces incroyables iris.
N'y tenant plus, Raven se dirigea vers la porte de sa chambre qu'elle ouvrit avec un peu trop d'entrain. Elle se précipita jusqu'aux escaliers avant de ralentir devant ses derniers. Si elle voulait vraiment sortir de cette maison, elle se devait d'être le plus discrète possible. Elle rejoignit donc le rez-de-chaussé dans un silence quasi religieux. Une fois arrivée, des dizaines de visions se matérialisent devant elle et encore plus de discussions fantomatiques l'empêchait même d'avoir ses propres pensées. Elle grimaça tout en replaçant le casque audio sur ses oreilles, un soupir de soulagement lui échappa. La musique lui permit de traverser le reste des pièces et d'atteindre la porte à l'arrière de la cuisine sans que la folie ne vienne la titiller.
En mettant un premier pied à l'extérieur, elle se sentit déjà bien mieux. Elle se retourna et sentit immédiatement une angoisse monstre l'éprendre. Cette violence… toujours cette violence, c'était insupportable. Quand elle s'éloigna pour rejoindre le puits afin de retrouver un peu d'accalmie, elle ne remarqua pas Lucie l'observer avec un air soucieux. Sa tante secoua doucement la tête consiente du danger qui l'attendait mais elle choisie de ne rien faire pour le moment. Sa nièce avait une certaine tendance à rejeter ceux et celles qui s'impliquent trop dans sa vie. Bien que le besoin viscéral que la plus jeune semblait ressentir pour ce lieu était des plus inquiétant, elle trouverait un moyen de l'éloigner de ce puits plus tard. Plus tard… toujours plus tard… jamais ce jour.
Raven se rapprochait, elle arrivait enfin. La créature le sentait dans toutes les fibres de son corps. La jeune femme se décidait cette fois à la rejoindre. Et ce constat l'apaisait bien plus qu'elle ne l'aurait cru. C'est comme si elle était enfin capable de respirer alors que jusqu'alors quelque chose de lourd posé sur sa cage-thoracique l'en empêchait. Elle n'avait d'ailleurs pas bougé depuis l'arrivée de la jeune femme, toujours debout au milieu du puits, le regard rivé vers les espaces creusés dans le bois. Un fin sourire étira ses lèvres quand les longs cheveux noirs et bouclés de Raven passèrent en cascade à travers les fissures.
-C'est fou, un long soupir lui échappa. Tu n'as pas idée à quel point ce silence m'a manqué, elle déposa un objet qui fit craquer le bois près d'elle, dont un étrange bourdonnement s'échappait. Je déteste absolument tout ce qui se rattache à cette maison. Mais cet endroit, ce puits… il n'y a rien d'autre au monde qui m'ait apporté une accalmie similaire. J'espère que ma présence ne te dérange pas. Je compte rester un moment, peut-être même dormir ici. La nuit est douce, laissa-t-elle traîner.
Sa voix… cette voix, la séparation lui avait presque fait oublier à quel point elle aimait l'entendre. C'était si bon d'à nouveau se laisser bercer par ces monologues parfois interminables. Ce sont ces mots, ceux de Raven qui l'avait véritablement réanimé. Désormais, elle vivait pour une raison : entendre une histoire de plus conté par cette petite fille aujourd'hui transformé en femme.
-Tu sais, reprend-elle après un moment, si j'ai choisie d'étudier à Harvard c'est en partie parce que l'université procède la plus grande bibliothèque au monde. Et oui, il y a même des livres qui parlent de phénomènes paranormaux, de magies, de monstres et tout ce qui s'ensuit. J'appartient à ce monde. A force, je sais déceler le vrai du faux. Je crois que…
Un autre soupir lui échappe. Il est habité par une profonde lassitude. Raven se redresse, elle s'affaire un moment, faisant douter l'immortelle de sa décision de rester. Puis, le bourdonnement s'arrête.
-J'ai pris des notes dans un cahier. Je me suis rendu compte qu'il y a encore énormément de choses qui nous échappent. Je pensais que ma famille possédait de grandes connaissances sur vous, votre communauté mais honnêtement tout ce qu'ils m'ont appris depuis mon enfance ressemble à une vaste farce.
Raven se rallongea, elle étendit ses bras laissant son carnet à la vue de la créature. Même d'où elle se trouve, elle pouvait voir sans mal que la couverture était abîmée et même pliée en deux.
-Mais tu sais ce qui est le plus frustrant ? Je n'ai rien découvert sur toi. Absolument rien. Je n'ai trouvé aucune trace d'un monstre quel qu'il soit qui ait été confiné dans un puits et laissé sous bonne garde. Il n'y a aucune trace de toi, nulle part. Est-ce qu'ils ont essayé de t'effacer ? Si oui, pourquoi ? Je… ou alors, peut-être que tu n'es pas si dangereux, peut-être que tu ne l'es pas du tout, peut-être que tu étais juste trop différent, peut-être… j'ai tellement de questions… est-ce qu'au moins tu mérite d'être emprisonnée ?
L'immortelle était plus que surprise par tous ces questionnements la concernant. Evidemment, elle avait toujours su que Raven était extrêmement curieuse. Mais pour quelle raison s'était-elle à ce point interrogée sur sa personne ? Cette réalité ne la dérangea pas le moins du monde seulement elle ne s'expliquait pas que la jeune femme en soit venu à ces extrême. Après tout, elle avait fait en sorte de rester discrète, de ne jamais s'imposer dans sa vie, notamment en choisissant de rester silencieuse.
-Tu es là, elle se retourna, plaça ses mains autour d'une crevasse pour mieux regarder à l'intérieur du puits, tu es toujours là, n'est-ce pas ?
Comme toujours, Raven n'obtint pas de réponse. Pourtant, elle ne bougea pas, attendant un signe même minime que la créature était toujours bien en vie. Elle hésita à plaquer son téléphone portable près d'elle avec l'application lampe torche activée au maximum. Jusqu'à aujourd'hui, elle avait résisté à la tentation d'illuminer même partiellement le fond du puits. Après tout, elle ignorait si la lumière pouvait être dangereuse pour l'hôte de cette prison.
Un signe. Elle avait simplement besoin d'un signe. Rien de plus.
Pourtant, elle ne distingua rien et à juste raison. L'ombre était épaisse en contrebas. Mais surtout, la détenue ne fit pas un mouvement pour se faire remarquer. Le seul geste qu'elle se permit, elle le savait resterait imperceptible. L'élastique à cheveux que Raven avait perdu il y a plusieurs années avait désormais trouvé sa place à son poignet droit et à cet instant, elle le faisait glisser lentement comme pour calmer tout son être.
-Je l'espère, repris la jeune héritière après un moment, s'allongeant de nouveau. J'aimerais que tu puisses surgir dans mon monde, que tu y es, une réelle existence. Il n'y a qu'avec toi que je suis moi-même. Personne d'autre ne me connaît. Personne. Je passe mon temps à faire semblant, avec ma famille, mes amis et même, elle s'agite légèrement, avec lui. Je suis fatiguée de me sentir perpétuellement en danger sauf quand je me trouve précisément ici, avec toi. Malgré tout, je ne sais absolument rien de toi. Rien, quand tu sais tout. Tu es la seule personne à tout savoir de moi. Je voudrais juste… est-ce que tu ne peux pas me faire un signe ? N'importe quoi. Je me contenterai de peu. Je veux juste… j'aimerai juste être certaine que je ne continue pas de m'adresser simplement à un puits vide. Je t'ai peut-être imaginé, peut-être que tu n'existes pas et que c'est la seule raison qui explique que je ne trouve aucune information sur toi, un petit rire lui échappe, je suis entrain d'imaginer la tête de ma grand-mère si elle devait découvrir qu'elle a voué sa vie à protéger et garder une prison vide. Si tu n'es plus là ou même n'a jamais été présente, je veux être celle qui lui annonce !
Plus un mot n'est prononcé. Raven clos doucement ses paupières, s'obligeant à être attentive au moindre signe d'une présence. Elle voulait tellement se persuader qu'il existait une personne, qu'importe que ce soit potentiellement un monstre, capable de réellement la comprendre. Après tout, quand elle se trouvait au puits, elle ne faisait preuve d'aucun artifice. Ici, elle avait eu peur, elle avait ri, elle avait appris, elle s'était parfois blessée, elle s'était toujours confessée sans détour. Ici, elle était simplement elle-même comme elle ne pouvait l'être nulle part ailleurs.
De son côté, pour la première fois depuis son éveil dans ce puits, celle qui était considérée par le plus grand nombre comme un monstre hésita. Elle n'avait en aucun cas oublié son objectif : sortir de sa prison pour protéger Raven. Seulement, elle n'avait en aucun cas pensé le faire au grand jour. Mais cette fêlure que la jeune femme révélait cette nuit, la faisait douter sur ses aspirations. Elle n'était plus certaine de ce qu'elle devait faire ou plutôt de comment elle se devait de les accomplir.
Elle observa les quelques runes qu'elle n'était pas encore parvenue à briser. Les sortilèges qui la retenaient étaient particulièrement puissants alors qu'elle était affaiblie par sa condition. Il lui fallait parfois plusieurs mois pour briser un seul sceau. Combien en restait-il exactement ? Plus important à cet instant : combien de temps lui faudrait-il pour rejoindre Raven ? Si… non, puisqu'elle avait besoin d'elle, l'immortelle devait trouver un moyen d'accélérer les choses. Le tout était de trouver le moyen qui le lui permettrait.
En attendant, elle n'était pas certaine d'être en droit de lui apporter le signe qu'elle voulait. Après tout, il n'y avait aucune garantie qu'elle parvienne un jour à ses fins. Elle voulait s'échapper, plus que tout au monde. Pourtant, il restait une possibilité qu'elle n'en soit jamais capable. Dans ce cas-là, lui était-il accordé de donner de l'espoir à Raven ? Ne la rendrait-elle pas encore plus malheureuse ?
Elle était encore entrain de s'interroger, de chercher la meilleure façon d'agir pour cette jeune femme à laquelle elle c'était tellement attaché quand elle entendit les sanglots. Elle ne connaissait rien de plus difficile que d'entendre Raven pleurer sans ne pouvoir rien faire pour la consoler. C'était malheureusement arrivé à plusieurs reprises. À chaque fois, la tristesse de la plus jeune faisait presque basculer l'autre dans la folie. Cette nuit était différente puisque ses larmes lui apportèrent une réponse.
-Anya, murmura-t-elle d'une voix enrouée, je m'appelle Anya.
A la suite de cette déclaration, il y eu comme un moment de latence. Une incertitude régnait entre les deux femmes. Est-ce vraiment réel ? Raven se redressa en essuyant maladroitement ses larmes. Elle se retourna lentement, très lentement comme pour s'assurer qu'il n'y avait personne d'autre. Evidemment, elle était seule alors cette voix ne pouvait provenir que d'un endroit, enfoui dans les profondeurs du puits. Son cœur manqua un battement, en réalité, tout son corps se mit en pause avant qu'elle ne soit éprise par une violente envie de détruire tout de cette entrave. Elle venait d'obtenir l'impossible et déjà elle voulait plus.
-Anya, chuchota-t-elle incertaine.
Ce prénom lui était familier, c'était comme une évidence. Elle se laissa porter par cette sonorité si particulière. Elle se sentit doucement sourire. C'était sincère. Ce moment comme tous les autres qu'elle passait dans ce lieu, elle le vivait intensément.
-Merci.
Des remerciements pour une simple présentation. Raven était donc bien plus affectée que ce que l'immortelle aurait pu imaginé. Son cœur battait vite bien plus que d'ordinaire, rendant au moment une intensité plus sincère. L'immortelle ne se souvenait pas avoir déjà vécu un moment aussi solennel au cours de sa longue vie, même cette fameuse promesse qu'encore aujourd'hui elle s'évertuait à respecter ne lui avait pas fait ressentir quelque chose de similaire.
Une promesse…
Pareil à celle qu'elle s'était faite à elle-même quand Raven n'était encore qu'une enfant. Celle de s'extirper de cette prison pour la protéger. Si elle commençait à douter de pouvoir respecter cette dernière, les hésitations qui l'éprenaient depuis peu venaient de s'effacer.
-Je suis là, sa voix tremblait, je serais toujours là pour t'écouter Raven.
-Je… nous pouvons avoir une vraie discussion ?
Non…
Voilà la seule réponse qu'il aurait convenue de donner. C'était plus prudent et tellement plus raisonnable de retomber dans le silence. Mais comme toujours lorsqu'il s'agissait de Raven dès qu'elle goûtait à une petite essence de son âme, Anya en voulait plus, toujours plus. Si la plus jeune était obsessionnelle pour tout ce qui la concernait, l'immortelle, elle, était complètement accro.
-Seulement si tu es certaine d'être seule.
-Pourquoi ? La présence des miens t'inquiète ?
-Nous partageons ce sentiment.
-Je n'ai pas peur de ma famille, réfute Raven en reculant légèrement. Si tu veux m'éloigner perfidement des miens pour mieux me contrôler, ça ne fonctionnera pas.
-Je n'ai pas évoqué la peur, un sourire naquit sur les lèvres de l'immortelle. En revanche, il est vrai que je me défie des Reyes.
-Parce que tu es leur prisonnière ?
-Je suis heureuse.
-D'être prisonnière, interrogea la plus jeune sceptique.
-Non. Tu es plus prudente que dans mes souvenirs. Quand tu étais enfant, tu m'aurais fait confiance sans même réfléchir.
-Je ne suis plus une enfant !
-C'est certain.
-Donc, tu t'appelle Anya. Mais qu'est-ce que tu es ? Pourquoi tu es confinée dans ce puits depuis aussi longtemps ? J'ai tellement de questions !
-Qu'est-ce que je suis…
-Quel genre de monstre ?
-Je ne suis pas un monstre.
-Je suis désolée si ce terme t'as froissée mais…
-Je suis une sorcière, lui coupe-t-elle la parole.
Dire que Raven ait été surprise par cette révélation aurait été un euphémisme. Comment expliquer qu'une simple sorcière ait pu connaître un tel sort ? De plus, à sa connaissance, la magie pouvait apporter beaucoup de privilèges. Non sans être affublé d'un prix à payer parfois des plus injustes. Une vie aussi longue que cette Anya lui semblait tout bonnement impossible. Et c'était sans compter que les Reyes étaient alliées avec les sorcières en aucun cas leurs ennemis.
-Une sorcière, Anya murmura ce mot comme si elle le choyait, primus sanguis.
-Premier sang, traduit instinctivement Raven, qu'est-ce que ça signifie ?
-Tes livres ne t'ont rien appris sur les premiers sang ?
Raven réfléchit intensément. Elle ne trouva aucune réponse. Alors elle ouvrit son carnet jonché de notes en tout genre. Elle fit défiler les pages, laissant ses yeux passer rapidement sur chaque mort cherchant ceux qui venaient d'être évoqués. Rien. Il n'y avait rien. Dans ce cas, il ne pouvait y avoir que deux conclusions. Soit, Anya lui avait menti. Soit, ce qu'elle craignait c'était réalisé. Des personnes l'avaient entravé pour l'effacer.
-Rien, avoua-t-elle en soupirant.
-Pour une sorcière, être une primus sanguis est une malédiction. Pour les autres créatures, c'est différent. J'espère que je suis la dernière. J'ai tout fait pour. A ma connaissance, au commencement nous étions vingt-trois, tous de différentes espèces. A ma naissance, nous n'étions plus que trois.
-Que sont devenues les vingt autres ?
-Tuer par Pris.
-Qui est Pris ?
Durant un court instant, Anya fut ramené dans un passé lointain, celui de sa première rencontre avec cet être abject. Pris. Depuis combien de temps n'avait-elle pas pensé à lui ? Qu'importe les années écoulées, elle ne serait certainement jamais capable de l'oublier. D'ailleurs une image des plus limpides se formait sous ses yeux. C'était comme s'il était de nouveau juste devant elle, au milieu de la neige, prêt à la tuer, elle, la dernière des primus sanguis hormis lui.
Elle voyait de nouveau le sang, qu'importe où son regard se posait, il était couvert de sang. Ses lèvres en étaient imbibées, ses mains recouvertes, tout comme ses cheveux dont certaines mèches étaient agglomérés ensemble. Et il avait ce sourire… ce sourire la hanterait certainement jusqu'à la fin de son existence. En supposant que son existence ait une fin.
-Anya ?
-Pris n'est pas important, il n'est plus.
Au loin, la vieille horloge de la maison se fait entendre. Raven se redresse, non sans laisser un soupir lui échapper. Elle clos doucement les paupières en percevant le douzième coup. C'était le début de la veille de la Toussaint et par extension des ennuis de sa tante. Si elle était revenue, c'était pour lui venir en aide. Elle ne comptait pas revenir sur sa parole même si l'envie dévorante d'en savoir plus sur Anya était bien plus attrayante.
-Je vais devoir y aller, informa-t-elle l'immortelle en récupérant son casque audio qu'elle plaça sur son cou, rallumant la musique, je reviens vite. J'espère que nous pourrons de nouveau discuter.
La jeune femme sauta à pieds joint loin du puits et se mit à courir pour rejoindre la maison. Elle préférait éviter que qui que ce soit découvre qu'elle s'était glissée loin de sa chambre. Si elle l'apprenait, sa grand-mère allait encore lui passer un savon. Toute sa famille agissait encore avec elle comme si elle n'était rien de plus qu'une enfant. Ils feraient tous une syncope s'ils apprenaient qu'elle venait de discuter avec le pire monstre qui soit.
Non. Pas un monstre. Une sorcière. Raven peinait encore a y croire quand elle franchit discrètement la porte de la cuisine en replaçant ses écouteurs sur ses oreilles. Elle avait beau tourner et retourner l'information dans son esprit, elle ne comprenait pas comment c'était possible. Les Reyes n'avait à sa connaissance jamais eu de différent avec les enchanteresses. Il leur arrivait même de s'allier quand un démon ou une autre créature était trop puissante pour des chasseurs comme les membres de sa famille. Pourquoi entraver une simple sorcière ? Simple… cette Anya ne l'était certainement pas. Après tout, elle était retenue prisonnière depuis plus de 600 ans et toujours en vie.
Par habitude, elle rejoignit la salle derrière la bibliothèque, là où se trouvaient les armes. Elle plaça un simple couteau dans sa ceinture en continuant de réfléchir. Elle avait obtenu plus de réponses aujourd'hui qu'en treize ans. Pourtant, elle avait la désagréable sensation que désormais, elle s'interrogeait encore plus sur l'inconnue du puits. Cette fois Raven choisie un athamé qui a été consacré par un Cercle de sorcière particulièrement puissant. Du bout de l'index, elle suit les contours de la lame incurvée. Elle appuya un peu plus la pulpe de son doigt sur le fil coupant pour vérifier qu'il est assez aiguisé, lorsqu'une petite perle de sang s'en échappe, elle le glisse entre ses lèvres. Ce serait suffisant. Elle contempla ensuite le manche qui était forgé à partir d'un os ou la représentation du cycle lunaire est représentée. Lucie lui avait offert ce poignard quand elle était enfant, personne d'autre ne l'utilisait.
Alors qu'elle allait chercher son bâton de combat, lui aussi consacré pour elle. Quelqu'un la retient en agrippant fermement par les épaules et retire sans ménagement son casque. Raven grimaça à l'instant même où la musique fut remplacée par un brouhaha monstre. Un léger tremblement saisit tout son corps alors que des hurlements en tout genre s'imprègnent en elle comme le bruit d'armes qui s'entrechoque ou ce qui était le pire de son point de vue, le bruit de sucions qu'avait produit la goule qui avait voulu tuer sa tante quand elle était enfant. Elle ne s'y habituerait jamais. C'était impossible. Ce substrat en particulier refusait de s'effacer depuis l'attaque, Raven était obligée de revivre la scène encore et encore. Si elle voulait oublier, les murs eux s'y refusaient.
-Peut-on savoir où tu as encore disparu ?
Il y a bien longtemps que le ton abrupt et sans le moindre sentiment de sa grand-mère ne lui faisait ni chaud, ni froid. Mais il était vrai qu'elle aurait dû rester dans sa chambre pour éviter de la contrarier. Seulement, l'attrait qu'elle avait pour le puits était trop grand et il méritait cent fois le regard noir qu'elle était désormais obligée d'affronter.
-Laisse-moi deviner, s'amusa Lucie, tu as laissé une âme en peine à Harvard. Qui est l'heureux élu ? Je veux tout savoir. Tout.
-Arrête tes inepties Lucie, grogna sa mère. Cette enfant doit apprendre à respecter les règles une bonne fois pour toute !
-Mais oui, Lucie chasse doucement la grand-mère de Raven pour placer son bras sur les épaules de sa nièce, mais oui, elle apprendra. Un jour. Peut-être.
-Tu es bien trop gentille avec elle, se renfrogna la matriarche. Elle va finir par se faire tuer !
-Notre Rae ? Se faire tuer ? J'en doute fort. Elle est plus prudente, informée, forte et habile que n'importe lequel d'entre nous. Cessons de nous quereller avant que Jack ne vienne encore une fois me hanter. J'ai besoin de tout le monde. L'année dernière, il a bien failli m'avoir.
Mère et fille s'affrontèrent du regard pendant ce qui parut à Raven durer une éternité. La plus âgée pesta entre ses dents avant de se détourner et de sortir de l'armurerie non sans faire claquer la porte. Plusieurs armes placées sur les étagères tremblaient avant que le silence ne retombe du moins pour l'une d'entre elles. Puisque la plus jeune était toujours tiraillée par des centaines de substrats auditifs ou visuels qu'elle peinait à assimiler. Un grand soupire échappa à Lucie avant qu'elle ne reprenne :
-J'avais oubliée à quel point c'était épuisant de vous tenir toutes les deux dans une même pièce.
-Ne t'en fais pas, Raven se détacha de son bras, je ne compte pas rester. Je te protège aujourd'hui, je reste pour la Toussaint afin d'éviter d'autres débordements et je pars.
-Tu ne pourras pas fuir éternellement Rae. Je m'inquiète pour toi.
-Je ne fuis pas, répond-elle calmement en récupérant son bâton, le maintenir était pour elle un véritable soulagement, le seul autre objet hormis le puits capable de lui apporter le silence et le calme, j'apprends.
Lucie voulu lui répondre qu'elle n'était pas dupe mais comme bien d'autre fois, elle ne dit pas un mot. Elle avait trop conscience qu'elle était la seule personne en qui Raven avait confiance dans cette maison. Si elle insistait, quelque chose pourrait se briser entre elles et c'était une possibilité qui, elle n'avait pas peur de l'avouer, l'effrayait. A bien y penser, c'était encore plus flippant que l'obsession malsaine qu'avait développé pour elle, ce foutu Jack-O'-Lantern.
-Et donc, Lucie préféra comme tant d'autre fois changer de sujet, tu as vraiment laissé un pauvre garçon malade d'amour à Harvard ?
-Je ne dirais pas ça, non.
-C'est quoi cette réponse, elle rit doucement. Tu sors avec quelqu'un oui ou non ?
Tout en réfléchissant à la réponse, Raven se retourna pour affronter le regard de sa tante. Elle se voyait mal lui expliquer qu'elle avait un arrangement avec un de ses amis pour éviter la solitude. Il serait plus facile de dire qu'elle n'avait personne. De toute façon, elle était incapable de s'engager. Pas avec les rêves qu'elle faisait depuis l'enfance. Pas en connaissant cette sensation d'appartenance qu'elle avait été incapable de ressentir dans n'importe laquelle de ses relation que ce soit amical ou amoureuse. Depuis toujours, elle avait toujours eu la désagréable sensation de jouer deux tons en dessous. Elle n'était à sa place nulle part, hormis à proximité de la prison de leur pire monstre. Non. Une sorcière. Anya.
-Je ne suis pas amoureuse.
Ce n'était pas la réponse qu'attendait Lucie. Mais au moins, ce n'était pas un mensonge. Sa tante l'observa un long moment. Elle essayait depuis un moment de percer le mystère que représentait sa nièce. Seulement, elle avait compris il y a un moment déjà que Raven ne laisserait personne découvrir qui elle était vraiment. Elle n'avait confiance en personne. Et ce, depuis sa plus tendre enfance. Lucie aurait voulu pouvoir l'aider mais même-elle était tenue à l'écart alors elle gardait ses distances pour s'assurer de ne jamais être complètement repoussée.
-Tu devrais aller te reposer, suggéra-t-elle. S'il apparaît, je hurle.
-Je préfère patrouiller.
Sans un mot de plus, Raven s'éclipsa de l'armurerie. Lucie soupira en l'observant s'éloigner. Elle fixa un long moment son dos en se disant qu'encore une fois, elle allait aller là-bas. Au puits. Qu'importe le nombre de fois où la famille lui avait rabâché que c'était un endroit dangereux, elle y retournait toujours. C'est comme s'il existait une attraction entre elle et cette prison ou plus dérangeant encore son hôte involontaire. Lucie aimerait trouver les mots pour la garder en sécurité mais elle doutait fortement que ces avertissements puissent la résonner.
Raven monta jusqu'à sa chambre pour se préparer. Elle tira une grande malle de dessous son lit et l'ouvrit en observant sans grande envie ce qui se trouvait à l'intérieur. Il n'y avait pas seulement des habits mais aussi quelques armes et grimoires. Elle retira son jean, son sweat et son débardeur avant d'attraper des bandes faites en fils de fées d'un dorée très subtile. Avec lenteur et précision, elle recouvrit tout son tronc. Elle s'assura que la protection était bien en place en se frappant à plusieurs reprises l'abdomen, elle ne ressentit rien. Elle enfila ensuite un tee-shirt noir à col roulé avant d'enduir ses bras et ses jambes d'un liquide de rose sensé éloigné les monstres mais son viritable intéret était que la substance était particulièrement huileuse. Il était donc difficile de se saisir de l'un de ses membres pendant une attaque. Elle passa ensuite un pantalon en lin noir, bien plus souple qu'un jean et remit son sweat à capuche rouge. Sa grand-mère ne manquerait pas de lui faire une remarque mais au moins serait-elle alaise.
Elle dissimula encore quelques armes avant de reprendre son bâton, de positionner son casque audio et de descendre. Cette fois, elle n'avait pas besoin de se cacher pour rejoindre le jardin. Il était tout à fait normal de patrouiller durant cette nuit en particulier comme la suivante. Mais pour éviter une autre interaction désagréable, elle se faufila tout de même sans se faire remarquer. Une fois à l'extérieur, elle voulut rejoindre immédiatement le puits moins par habitude que par curiosité. Elle voulait en apprendre plus, bien plus sur cette sorcière. Pourtant, elle s'arrêta net en découvrant sa mère tourner autour de la prison de pierre. Elle ne dû pas attendre longtemps avant qu'elle ne s'éloigne quand Raven s'assit sur le bord du puits une odeur très forte d'encens flottait dans l'air.
-Je suis de retour, informa-t-elle la sorcière. Je ne suis pas certaine d'être seule, elle s'allongea sur les lattes en bois. C'est tellement frustrant, j'ai encore beaucoup de questions. Attend, elle se redressa brusquement, est-ce que ma mère vient de faire quelque chose pour t'endormir ? Je ne l'avais jamais vu roder autour du puits avant aujourd'hui. Tu vas bien ?
En effet, la mère de Raven avait laissé plusieurs bâtons d'encens à l'odeur assomante tomber dans le fond du puits en récitant moulte incantations. Et si l'immortelle se sentait légèrement somnolante à présent, elle ne s'endormirait pas. Il en faudrait bien plus pour l'évincer. La preuve en était : cette prison conçue rien que pour elle. Et c'était sans compter que pour l'entraver, il avait fallu lui planter trois épées en plein cœur. Encore à ce moment, elle était douloureusement consciente mais son corps refusait alors de lui répondre. Elle avait été comme statufier plusieurs années durant avant d'être capable de retirer les lames de son corps pour réaliser qu'elle était piégée loin de la source de son pouvoir.
-C'est vrai, soupira Raven, tu as dit que tu ne me parlerais pas si tu n'étais pas certaine que nous soyons seule. J'espère que tu vas bien. Et, je suis désolée pour ce que ma mère a…
Raven se stoppa net ce qui alerta Anya qui peina à se redresser mais y parvint tout de même. Il n'était pas commune que la jeune femme s'arrête en plein milieu d'une phrase. Quelque chose venait sans nulle doute d'attirer son attention. L'héritière des Reyes se redressa pour se mettre sur ses deux pieds en plein milieu du puits. Elle serra un peu plus fort son bâton alors que son regard cherchait la provenance de cette présence inconnu qu'elle venait de sentir franchir la délimitation de leur domaine. Elle ferma doucement les paupières pour mieux se concentrer. Elle devait ignorer tous les fantômes ou autres cataplasmes, eux n'étaient pas dangereux. Ce qui venait de franchir leur territoire l'était. Elle ne pouvait pas expliquer d'où provenait ce pressentiment. Elle le savait, un point c'est tout.
Au moment même où elle perçut de nouveau sa présence vers l'ouest, il était déjà trop tard. Elle eut à peine le temps de se tourner vers la créature, qu'elle sautait déjà sur elle. Ce n'était pas Jack, elle aurait préféré. Elle aurait à peu près tout préféré à une manticore ! Elle parvenait à maintenir la mâchoire pareille à celle d'un squale (requin) et les griffes de son corps de félin à distance grâce à son bâton. Mais le monstre disposait aussi d'une queue semblable à celle d'un scorpion et cette dernière venait de transpercer sa cuisse gauche de part en part lui arrachant un hurlement de douleur. Mais le déchirement de son corps, n'était rien. Parce que Raven savait que si elle ne faisait rien, le poison déjà dans ses veines allait rapidement se diffuser. Il fallait qu'elle se débarrasse de ce monstre assoiffé de sang, pour avaler une décoction de ronces et d'épices qui servait d'anti-venin dont elle gardait une dose dans son collier. Mais elle était piégée, la force qu'exerçait la manticore l'empêchait de bouger. Si elle tentait quoi que ce soit, elle se retrouverait sous les crocs de la créature.
Raven sentait déjà ses forces lui échapper. La diffusion du poison était plus rapide que ce qu'elle aurait pu imaginer. Bientôt, son corps ne lui répondrait plus du tout et elle se ferait dévorer par ce monstre qui ne laisserait rien d'elle, pas même un cheveu. Elle devait réfléchir à un moyen de se sortir de là et rapidement si elle ne voulait pas y rester.
-Ton sang a une odeur exquise Gardienne, susurra la bête en se léchant les babines, laissant des coulis de baves s'échouer sur le visage de Raven.
-Heureuse que ce soit à votre goût, grimaça la jeune femme, mais je ne tiens pas particulièrement à me faire dévorer ce soir.
-Il est déjà trop tard, un son glutéale lui échappe, quelque chose qui aurait pu ressembler à un rire. Je vais te dévorer dès que le poison aura fini sa course. Tu seras délicieuse, à n'en pas douter.
Anya serrait les poings à leur paroxysme. A l'instant même où les cris de douleur s'étaient échappés des lèvres de Raven, la folie avait eu raison d'elle. Elle avait tenté d'abattre les murs qui l'entravaient en y consacrant une grande partie de sa magie encore crépitante en elle. Son pouvoir avait lamentablement ricochet et blessé son bras gauche. Depuis, elle était à court d'idées. Elle ne pouvait pas rester sans rien faire. Où étaient donc les autres Reyes ? Que faisaient-ils ? Pour quelle obscure raison n'accouraient-ils pas pour aider la plus jeune des leurs ?
Et puis, elle l'avait remarqué. Aussitôt ses iris avaient changé de couleur. Du sang. Pas n'importe lequel : celui de Raven. Il y en avait toute une flaque à ses pieds. Si elle avait appris à contrôler sa convoitise, elle n'aurait pas pensé devoir y résister de cette manière. Pas en aussi grande quantité et encore moins alors que la vie de la jeune femme était en périle. Ce sang était peut-être le seul moyen de la sauver. Le. Seul. Moyen.
Promets-moi.
Anya secoua vivement la tête. Elle ignorait si elle devait repousser ou non cette promesse. Elle n'arrivait pas à savoir ce qu'il serait le plus moral de faire. Goûter au sang de Raven ou la laisser se faire massacrer ?
Promets-moi.
Un grognement lui échappa. La malédiction de sa condition de primus sanguis lui avait rarement paru aussi invivable. D'autant que même après cette promesse, à aucun moment Anya n'avait à ce point attiré par le sang d'une autre personne. Et si en prendre, même une infime quantité, la faisait devenir le genre de monstre qui lui avait transmis cette soif ? Et si elle devenait pire que la mandragore ? Et si elle se retrouvait à vouloir tuer Raven ?
Promets-moi.
Un nouvel hurlement franchit les cordes vocales de Raven. Au bruit que percevait Anya, elle devina sans mal que la bête venait de retirer sa queue de sa chaire, certainement insatisfaite que l'héritière Reyes puisse encore lui résister. Si la jeune femme devait recevoir une autre dose de venin, elle n'aurait aucune chance de survivre. Ce constat agit sur elle comme un électrochoc, elle se précipita, s'agenouilla devant la mare de sang, hésita rien qu'une seconde de plus avant de plonger ses mains dedans et de la porter à sa bouche.
La mandragore s'apprête à frapper à nouveau. Elle n'en pouvait plus. Elle voulait se repaître de ce repas qui serait sans aucun doute le plus délicieux de tous. Elle ne saurait l'expliquer. Il y avait quelque chose de spécial dans les effluves du sang qui échappait à cette pauvre petite humaine. Elle allait se régaler ! Pourtant, au moment même où son dard allait se figer entre les côtes de cette malheureuse enfant pour atteindre son cœur et enfin pouvoir la déguster, elle se figea.
Le sang. Le sang n'était plus celui d'une proie. Le sang est subitement devenu comparable à celui d'un fils ou d'une fille d'une divinité. Plus du tout, celui d'une proie possible. En réalité, l'effluve était devenue nauséabonde.
-Quelle est cette puanteur ?!
-Est-ce que je devrais me vexer de ne plus être envisagé comme un mets cinq étoiles ?
-Qu'est-ce que tu as fait Gardienne ?
L'effort que Raven était obligé de fournir pour éloigner la mâchoire pleine de dents de la créature était de plus en plus difficile. Elle allait lâcher d'ici peu de temps. Le poison l'a faisait suer à grosses gouttes et ses forces la quittaient lentement. Abandonner. Elle allait devoir abandonner. Elle n'aurait pas pu imaginer qu'elle mourrait de cette façon. Enfin si, d'une certaine manière, elle savait que de par son héritage une créature finirait par l'achever. Mais de tous les jours qui puisse exister, pas aujourd'hui, pas celui où elle allait enfin obtenir des réponses à toutes ses questions sur le prisonnier du puits.
Raven tremblait de plus en plus et au moment où elle allait définitivement lâcher prise, les lattes de bois sous son dos s'effondraient et elle tomba. La chute lui parut interminable. D'autant plus quand elle réalisa que la mandragore la suivait de prêt. Ses griffes dehors pour l'atteindre. Puis sans qu'elle n'en comprenne la provenance, elle se retrouva projeter sur le côté droit, la créature tenta de s'agripper à elle mais fut incapable. Elle se retrouva alors coller aux parois du puits, haletante, toujours empoisonnée mais en vie. Sans réfléchir une seule seconde à la faisabilité de ce qui venait de lui arriver, elle saisit son collier pour en boire goulument le remède.
La mandragore s'écrasa au fond du puits dans un fracas d'os des plus répugnant. Elle se força à tous les remettre en place avant de bondir pour tenter de s'attaquer de nouveau à la proie qu'on lui avait confier. Elle grogna en comprenant que la jeune Gardienne était hors d'atteinte en agissant de la sorte. Elle se précipita alors contre une des paroies pour bondir sur une autre afin d'atteindre plus de hauteur. Au moment où sa mâchoire allait claquer sur la cheville de la jeune femme, elle sentit une force incroyable la ramener au sol. Elle s'y aplati encore plus violemment, s'encastrant même dans le sol.
-Qu'est-ce que tu crois faire créature ?
La voix attira l'attention de la bête mais aussi de Raven qui retrouvait peu à peu ses capacités cognitives et physiques. Elle était là, Anya. Elle pouvait presque déceler son visage. Mais elle demeurait encore tapissée dans l'ombre. La mandragore ne comprenait pas comment la présence d'un autre être avait pu lui échapper. Elle se redresser, s'ébroua avant de l'observer. La femme qui se tenait devant elle, n'était ni une humaine, ni une Gardienne. Mais elle était dangereuse, très dangereuse ! A aucun moment Jack ne lui avait parlé d'une telle créature.
-Cette Gardienne est ma proie, grogna-t-elle tout de même en lui tournant autour. Intervient encore et je te tuerais avant de la transformer en lambeaux.
-Me tuer, répéta calmement Anya en essuyant ses lèvres alors que l'éclat de ses iris écarlate luisant de rage, si une pauvre petite chose comme toi en est capable. Je t'en prie, elle écarta les bras, viens !
Sans la moindre hésitation, la mandragore bondit. Un petit rire sans joie échappa à l'immortelle. Elle ne bougea pas d'un pouce sous les yeux de Raven qui hurla son prénom, affolée et terrorisée. Son cri attira le regard d'Anya vers elle, sa sincère inquiétude l'ébranla. Un soupir lui échappa. Ce n'était peut-être pas le bon moment pour jouer avec le Diable. Elle devait d'abord sortir la jeune femme de ce piège. D'un simple coup de bras, elle chassa la bête qui était sur le point de se saisir de sa trachée. Le corps de la mandragore percuta violemment les briques qui s'effondraient au sol. Anya fit un geste du poignet et les pierres formèrent un sarcophage autour de la créature.
La mandragore ne représentant plus un danger, l'immortelle conjura l'air pour la faire voler. Sans s'arrêter, elle saisit le poignet de Raven et pour la première fois en 600 ans, elle sortit du puits. Elle déposa Raven délicatement sur le sol mais resta légèrement en lévitation. Sans lâcher la main de l'héritière Reyes, elle fixait l'emplacement de la lune presque invisible, le cœur battant. Anya inspira profondément, ça faisait si longtemps, trop longtemps.
Alors qu'elle était en pleine contemplation, elle sentit le danger. Ses cheveux se hérissèrent sur sa nuque. Elle lâcha rapidement Raven pour se saisir du manche d'un poignard, la lame a à peine un ou deux millimètres de son œil gauche. Toute la scène se déroula sous le regard impressionnée de la jeune héritière qui ne comprit d'où provenait l'attaque qu'en entendant ces mots :
-Eloigne-toi de ma fille créature !
-Maman, Raven tenta de se lever avant de s'effondrer aussitôt sa jambe saignant toujours abondamment. Tout va bien. Je ne suis plus en danger.
-Rae !
Cette fois c'est Lucie qui arrivait en courant. Mais elle s'arrêta net en découvrant l'immortelle. Elle la toisa un moment et en comprenant que cette femme n'avait rien d'humain, comme sa soeur elle ordonna d'un ton menaçant :
-Eloignez-vous de ma nièce !
-Lucie, tout va bien, elle m'a protégé ! Atte…
Il était trop tard, Raven vit l'apparition de Jack se matérialiser derrière sa tante et jeta son athame vers lui mais elle savait déjà qu'il ne l'atteindrait pas à temps. Parce que Lucie s'était soucié d'elle, elle avait baissé sa garde et maintenant elle allait subir un sort pire que la mort. Jamais la plus jeune des Reyes ne pourrait se le pardonner.
Et pourtant, l'impossible se produit. Avant que Jack ne puisse plonger ses deux mains fantomatiques dans le dos de Lucie pour détacher son âme de son corps et parvenir à échanger la place de l'esprit de l'héritière contre la sienne en Enfer. Il fut brutalement arrêté, des doigts fermement serrés contre sa gorge. En le voyant se débattre, Anya pencha légèrement la tête sur le côté. Qu'espérait-il faire au juste ?
-Je te laisse une chance, proposa-t-elle tout de même. Rappelle toutes les créatures avec lesquels tu t'es alliés pour prendre l'esprit de cette femme, maintenant.
-Je te connais, réalisa-t-il en cessant de s'agiter, se souvenant certainement qu'il ne pouvait pas cesser d'exister ainsi.
-C'est exacte Jack. Nous nous sommes déjà rencontrés. C'était il y a très longtemps. Je constate que le démon que tu t'es amusé à tromper à finalement obtenu ton âme.
-Mais j'ai vécu plus longtemps, sourit-il, et j'en veux plus.
-Plus, répéta-t-elle tristement.
-Cette femme, je l'aurai. J'échangerai nos places. Elle rejoindra l'Enfer et je vivrais éternellement.
-L'éternité n'est pas enviable.
-Tu ne peux pas me tuer, se souvint-il, à cause de ta malédiction.
-Tu as raison.
-Alors relâche-moi que j'en finisse enfin avec cette femme !
-Etais-tu déjà mort et en Enfer quand le Fenrir le messager de malheur est apparu ?
-Le loup hématophage frère de Hel qui détient la clef de l'Enfer. Evidemment que j'étais là. Il a fait un tel carnage, c'était beau à voir. Il en faudrait dix comme lui.
-Un suffira.
-Je me demande quel domaine l'enchaîne de nouveau.
-Aucun. Il est mort.
-Tu voudrais me faire croire qu'un Dieu est venu sur Terre pour le terrasser.
-Pas un Dieu, elle le regarda droit dans les yeux pour ne pas manquer la terreur qui allait naître, moi. Je te le redemande une dernière fois, jamais de sa vie Jack n'avait ressenti une telle peur, rappelle tes créatures avant que je ne perde patience.
-Tu mens !
-Plonge-toi dans mes yeux pauvre petite âme en perdition et ose encore me dire que je mens.
Jack était comme aimant et se sentait obligé d'obéir. Son regard était piégé dans celui d'Anya dont les iris étaient toujours rouge sang. Ce n'était pas là les yeux d'une sorcière, pas même ceux de la dernière des primus sanguis. Il se murmurait en Enfer que cette femme était connue pour avoir réalisé l'impossible : entraver Pris. Si elle était parvenue à accomplir un tel exploit et à tuer le Fenrir… qu'était-elle désormais ? Certainement pas quelqu'un qu'il pouvait se permettre d'affronter.
Alors il s'exécuta. Il renvoya toutes les créatures qu'il avait si durement gagner à sa cause. Anya les sentit partir une à une. Elle le relâcha alors et sans le quitter des yeux ordonna :
-C'est ton tour désormais. Disparaît !
-Je reviendrai.
-Je te le déconseille. Je ne peux peut-être pas en finir avec toi mais je connais bien des sorts pires que la mort ou même des supplices que tu vis en Enfer.
-Tu n'as aucune raison de protéger les Gardiennes !
-Pas les Gardiennes, assura Anya en se tournant pour fixer Raven, lui souriant, espérant ne pas l'avoir trop effrayée, juste elle. Raven Reyes.
-Pourquoi ?
-Mourir m'est interdit, répond-elle pensive. Raven Reyes m'a appris à vivre. Elle est ma raison de vivre, poursuit-elle sans lâcher des yeux la principale concerné, et elle apprécie la femme que tu convoite, elle se détourna pour observer à nouveau Jack, alors je me dresserais entre vous, toujours, littéralement.
-Si tu as tué le Fenrir, tu n'es plus la sorcière primus sanguis mais un monstre.
-Crois-moi, j'en ai douloureusement conscience. Hors de ma vue, maintenant, avant que je ne perde patience.
Non sans un dernier regard emplit de convoitise pour Lucie, Jack disparu. Raven fut infiniment soulagée pour sa tante, cette dernière n'étant pas certaine de comprendre ce qui venait de se dérouler, restait sur ses gardes. Elle observa l'inconnue avec défiance. Elle ne savait pas d'où provenait ce sentiment, mais elle avait la sensation de la connaître sans qu'elle n'ait jamais posé les yeux sur elle. En revanche sa nièce devait de toute évidence déjà l'avoir rencontré puisqu'apparemment Raven était "sa raison de vivre". Un battement de cils et la blonde disparu, quand Lucie se retourna se fut pour la voir accroupie devant la plus jeune de la famille.
Anya tendit la main vers la jambe blessée de Raven. Elle arracha les pans de son pantalon pour mieux voir la plaie. Elle fut soulagée en ne découvrant plus aucune trace du poison et sa jambe paraissait être en lambeaux, elle guérirait, laissant certainement quelque séquelle mais il n'y avait plus de raison de s'inquiéter pour sa vie. L'immortelle fut aussi infiniment soulagée en réalisant que son sang ne l'attirait pas plus que de raison. Evidemment, ses effluves étaient toujours autant envoutantes mais elle ne ressentait pas le besoin de fondre sur elle pour la vider de cette substance jusqu'à la dernière goutte.
-Ta main, Raven saisit cette dernière fascinée, c'est…
-Moi aussi, répondit tout doucement Anya, je t'ai vu en rêve. Quand je pensais ne connaître que ta voix, j'ai déjà assimilé chacun de tes traits, dans mes rêves.
-Je ne laisserai pas une créature inconnue s'approcher de ma fille, gronda la mère de Raven.
-Je ne suis pas une créature inconnue, répondit Anya sans parvenir à détacher ses yeux de Raven, mais celle qui était enfermée dans votre puits.
-C'est encore pire, s'étrangla presque Lucie. Je vous suis reconnaissante de m'avoir aidé mais maintenant éloignez-vous de Rae.
-Qui était l'homme, demanda Raven ne se souciant pas de sa mère et de sa tante, celui maculé de sang.
-Pris. Je n'ai pas envie de parler de lui. Il faut soigner cette jambe. Où dois-je t'emmener, demanda-t-elle en la soulevant comme si elle ne pesait rien.
-Tu ne peux pas utiliser ta magie ?
-Pas encore. Le puits m'a tenue trop longtemps éloignée de la lune.
-Il y a une salle de soin au sous-sol.
En un battement de cils, les deux jeunes femmes disparurent.
Un mois plus tard…
Raven se tenait devant la fenêtre de sa chambre, se maintenant debout grâce à une béquille fixant le puits complètement détruit. Il n'y avait plus aucune force qui l'attirait vers lui. Plus de silence quand elle s'en approchait. Depuis Halloween et sa blessure, elle n'avait pas pu retourner à Harvard. Sa grand-mère s'opposait fermement à ce qu'elle déserte de nouveau la maison familiale. Durant son opération, ils avaient chassé Anya et elles ne s'étaient pas revues hormis dans leur rêves.
Pourtant, Raven l'attendait parce qu'elle savait qu'elle reviendrait. Elle en avait la certitude. Elle avait pu sentir ce lien indéfectible qui existait entre elle. Si les âmes sœurs existaient, elle n'avait aucun doute, Anya et elle en était.
Mais elle était fatiguée de l'attendre. Elle lui manquait. Est-ce vraiment possible ? Elle lui manquait. Terriblement.
Deux mois plus tard…
Raven était assise sur un des rares rebords du puits qui n'était pas chancelant ou en miettes. Elle massait sa cuisse toujours douloureuse. La musique se diffusait à travers ses écouteurs mais ils n'étaient pas figés sur ses oreilles. Elle observait avec attention les substrats autour d'elle. Il était deux heures du matin passé et elle attendait qu'il revienne. Elle ne voulait pas le manquer. Ses yeux fixaient un endroit bien précis, en espérant que cette nuit, sa capacité qu'elle avait toujours maudite ne lui ferait pas défaut.
Elle se redressa quand elle apparut. Un sourire sur les lèvres. Anya était là. Ses yeux luisant d'un rouge tout sauf naturel, fixant une image d'elle et affirmant sans détour qu'elle était sa vie. Comme la première fois où ces mots ont été prononcés, le cœur de Raven s'emballa. Rien avant cette déclaration n'avait eu le pouvoir de la chambouler à ce point.
Elle ne souhaitait qu'une chose, que tout ceci prenne vie dans la réalité. Dans l'instant que ce ne soit plus un simple substrat. Elle priait de toutes ses forces pour la revoir. Elle se contentait même d'un instant fugace. Mais elle ressentait le besoin irrépressible de se retrouver à nouveau le plus proche possible d'Anya.
Trois mois plus tard…
Raven était dans la grande bibliothèque. Elle cherchait des réponses qu'elle n'avait jamais trouvé auparavant. Elle doutait d'en trouver aujourd'hui. Mais elle espérait une chose : trouver un indice. N'importe quoi pour la retrouver. Elle avait besoin de la voir. Anya lui manquait trop. Rien. Ni les rêves, ni les substrats ne pouvaient suffire à présent.
Elle lui manquait tellement… tellement… c'était insupportable. Un soupir lui échappa quand elle posa dans un amas de poussière un livre beaucoup trop gros sur son bureau. Son casque émit un son strident avant de s'éteindre. Il n'y avait plus de batterie et elle n'avait pas la force de remonter dans sa chambre pour en chercher un autre. Elle se contenta donc de le poser sur un coin de la table et commença à lire.
Il lui fallut un moment pour se rendre compte que tout était silencieux. Il n'y avait personne à la maison. Mais pour elle c'était toujours bruyant. Elle fronça les sourcils en relevant le nez de son livre, observant autour d'elle. Rien. Aucun substrat. Si c'était agréable, c'était aussi et surtout anormal. Elle se redressa, sa chaise fit un bruit de tous les enfers. Elle agrippa sa béquille et se retourna avec l'idée de vérifier une autre pièce. Quand elle regarda devant elle, elle fut si surprise qu'elle en lâcha son soutien en métal et manqua de tomber à la renverse.
Anya.
Elles étaient maintenant face à face. La blonde maintenait Raven, semblant ne fournir aucun effort. Elle lui sourit et la plus jeune sentit des larmes dévaler ses joues.
-Je suis désolée, murmura Anya.
-Tu as été absente très longtemps !
-Je suis désolée, répéta-t-elle. Je voulais être certaine d'être capable de me contrôler.
-Je devrais te maudir mais tu m'as trop manqué !
-Je suis…
-N'ose même pas t'excuser à nouveau, lui coupa-t-elle la parole. Je t'offrirais mille pardons si tu me dis que tu es venue pour m'emmener loin, très loin d'ici.
-C'est ce que tu veux ?
-Partir. C'est ce que j'ai toujours voulu. Avec toi, Raven se plongea dans les yeux d'Anya qui était maintenant d'un brun très clair, c'est fou mais c'est absolument tout ce que je désire.
-Je suis… je pourrai être dangereuse.
-Tu ne me feras pas de mal. Jamais. J'en ai la certitude.
-J'ai, Anya détourna le regard, pour sortir du puits, j'ai bu ton sang.
-Je le sais, assura Raven en appliquant sa main sur sa joue, appliquant une légère pression pour l'inciter à la regarder de nouveau, mon sang est passé du succulent à l'immonde en trop peu de temps. C'était la seule conclusion envisageable. Tu ne me fais pas peur Anya.
-Je ne suis pas certaine que ce soit rassurant.
-J'ai découvert ce qu'étaient les primus sanguis. Il y en a un par espèce originel et il a la capacité d'absorber les pouvoir de ce qu'il ou elle tue. Tu as tué Fenrir et oui, tu as ses pouvoirs, oui tu as bu mon sang pour te renforcer et parvenir à me sauver mais tu n'es pas lui. Ce n'est pas parce que tu as désormais ses capacités que tu es comme lui.
-Ce n'est pas ce que pensait ceux qui m'ont entravés.
-Des idiots.
-J'avais promis à ma sœur, une sorcière comme moi, de ne jamais boire de sang. Je ne suis pas quelqu'un de fiable.
-Tu l'as fait pour me sauver la vie. Si tu l'avais fait par avidité, tu m'aurais vidé de tout mon sang.
-C'est encore une possibilité.
-Non.
-Tu as bien plus foie en moi que tu ne le devais Raven Reyes.
-Je… je te connais. Tous ces rêves c'était toi. Je te connais. Tu n'es pas un fenrir et tu n'es certainement pas comme Pris. Je ne peux pas l'expliquer mais j'ai besoin de toi. Alors s'il te plaît, emmène-moi loin d'ici et ne t'avise plus de t'éloigner de moi. Jamais.
-Je suis immortelle. Jamais, c'est terriblement long.
-J'ai la sensation que "jamais" ne le sera pas assez.
-Tout ceci me paraît très peu raisonnable.
-Pourquoi devrions nous l'être ?
-C'est une bonne répartie, assura Anya en se rapprochant.
-Anya, elle murmurait son prénom pour la première fois, reste avec moi.
Sa voix était presque inaudible mais l'immortelle n'eut aucun mal à percevoir chaque mot. Et elle ressentit l'impact de chacun d'eux dans sa chair, son sang et jusqu'à ses os. Leurs lèvres étaient proches. Peut-être trop. Il n'y avait plus qu'un souffle qui les séparait encore. Raven n'osa pas bouger. Elle était effrayée qu'un simple courant d'air puisse rompre le charme et éloigner Anya. Ce serait insupportable. Sa peau, absolument tout ce qu'elle était attendait presque douloureusement de sentir enfin celle de la blonde qui finalement prit son visage entre ses mains. Encore un temps d'attente. Un regard. Leurs deux cœurs battaient à tout rompre. Anya l'attira à elle et Raven finit le mouvement pour enfin l'embrasser.
Voilà, voilà ! L'OS spécial Halloween est fini ! Il était tellement plus long que ce que j'avais imaginé au début. (Comme d'habitude me direz-vous…) J'espère que vous avez passé un agréable moment !
Je suis évidemment ouverte à toutes les critiques, qu'elles soient positives ou négatives, à condition que le commentaire soit constructif.
En espérant vous retrouver pour le prochain chapitre d'Étoile Filante demain !
GeekGirlG
