Bonjour, bonsoir ! J'espère que vous allez bien, parce que ça va pas durer ! Cette année, j'ai tenté de faire un texte pour Halloween donc c'est malsain, y a de la torture, du viol, des poupées humaines, ce genre de joyeuseté. En plus, sur un couple que je tente pour la première fois, j'espère que ce sera pas trop mal :3

J'espère que ça vous plaîra et joyeux Halloween o/


Quand l'air perce enfin dans des poumons dont le gèle a pris possession, la douleur est insoutenable. Comme des milliers d'aiguilles aussi fines que des cheveux qui s'enfoncent dans les alvéoles, les bronches, la trachée, le larynx, la gorge, la bouche. Saga crache immédiatement tout l'oxygène qu'il est parvenu à inspirer pour que cela cesse. Son corps l'en empêche, le force à prendre une nouvelle inspiration, plus profonde encore. Il se met à cracher plus violemment.

Clignant des yeux, il réalise qu'il est agenouillé, plié en deux, incapable de se redresser. Il dépose une main gelée sur la glace du Cocyte, sentant la brûlure du froid devenue une camarade familière. Il n'a même plus le réflexe de retirer sa main.

Il déglutit dans le vide, renforçant la douleur dans son système respiratoire. Il ferme les yeux et s'efforce de calmer sa respiration erratique. Il sait qu'il panique, en reconnaît les signes. Il doit se calmer. Il ne pourra rien faire tant qu'il ne sera pas calmé.

Il ouvre la bouche en grand pour y faire entrer le maximum d'air.

La douleur s'accentue et il doit lutter pour ne pas clore ses mâchoires. Il ne doit pas. Il doit respirer, retrouver un rythme normal. Alors, son esprit s'éclaircira. Il doit respirer.

Les piques semblent pénétrer plus profondément dans ses organes à mesure que son souffle se régule mais il le supporte. Il ne peut pas faire autrement. Chaque inspiration est une lutte, tandis que chaque expiration est une bouffée de soulagement. S'il le pouvait, il passerait le reste de son existence à exhaler l'air hors de son corps.

Au terme de longues minutes, Saga se calme. Son cœur bat encore trop rapidement mais c'est déjà un bon début.

Il appose une main au centre de sa poitrine et ouvre les yeux.

Devant lui, à perte de vue, s'étendent les glaces éternelles du Cocyte. Un instant, il fronce les sourcils avant de se souvenir : il est mort, sous le coup porté par le sceptre d'Athéna. Il est mort à cause de son crime, de sa trahison. Il est mort en emportant avec lui des Chevaliers qui n'auraient jamais dû être mêlés à ça.

… Il a fait exactement ce que son frère à menacer de faire.

Pire, il a failli réussir. Si les chevaliers de bronzes n'avaient pas été là pour l'arrêter, alors il aurait pû…

Non, Athéna n'aurait pas pû être tuée ainsi. Pas si peu de temps avant la Guerre Sainte. Pas aussi simplement. Pas comme ça. Pas par lui. Non.

Saga se force à reprendre ses esprits. Athéna est toujours en vie. Elle n'est pas morte le soir où il s'est approché de son berceau, pas plus que le jour où il a fait tirer cette flèche d'or. Elle se remettra de ses blessures. Elle livrera la prochaine guerre sans encombre.

Le souffle glacial du vent écorche la peau abîmée de Saga, lui arrache un frisson.

Le Cocyte est l'enfer de ceux qui se sont rebellés contre les Dieux, ou de ceux qui ne se sont pas rangés du côté d'Hadès. Saga coche les deux cases. Il baisse les yeux. Ses doigts sont bleuis, sa peau craquelée. Ses lèvres doivent être violacées et ses cheveux sont à un rien de se briser.

Le Cocyte, la dernière étape pour un Chevalier, le dernier arrêt. Là où meurent tous les espoirs.

Alors pourquoi Saga est-il conscient ? Il se souvient avoir fini par s'évanouir dans le grand froid après ce qui a semblé être des semaines d'agonies mais qui n'était peut-être que quelques jours.

Il abaisse sa main droite, la faisant rejoindre sa gauche que la neige recouvre lentement. Il regarde la poudreuse si blanche qu'elle en devient aveuglante sans réellement la voir.

Il ne devrait pas être éveillé. Ceux que le Cocyte avale ne peuvent que disparaître à mesure que s'écoule le temps. Ils ne peuvent que s'effacer et être dévorer corps et âmes par le climat sans pitié. Saga ne peut pas avoir été chanceux, pas ici, pas maintenant. Il doit y avoir une raison, une explication. Quelque chose l'a sorti de la glace. Quelque chose voulait le voir conscient. Quelque chose de suffisamment puissant pour exercer sa volonté dans cet endroit. Quelque chose, ou plutôt quelqu'un.

Quelqu'un qui aurait la force suffisante pour donner un tel ordre. Quelqu'un qui aurait l'autorité suffisante. Quelqu'un qui aurait une raison suffisante.

Quelqu'un comme Hadès.

Hadès qui verrait en lui un traître à exploiter. Hadès qui se servirait de lui pour percer les secrets du Sanctuaires. Hadès qui l'utiliserait pour qu'il vende ses camarades et sa Déesse. Hadès qui aurait besoin de ce qu'il sait, ce qu'il a appris en tant que Grand Pope.

Hadès qui souhaite détruire la Terre et la vie qu'elle contient.

Saga sent ses doigts se crisper sous la neige qui les recouvre doucement. Il sent son cosmos vaciller dans son corps, incapable de le protéger des températures. Il faudra des semaines pour qu'il puisse de nouveau le faire brûler. Il est aussi vulnérable qu'un nouveau-né, trop faible même pour bouger.

Ses poumons s'habituent à la douleur de chaque respiration et ses jambes s'engourdissent sous son poids.

Il lève les yeux vers le ciel d'une parfaite opacité d'où s'échappe d'épais et constants flocons. Ils s'accumulent dans ses cheveux jusqu'à les blanchir complètement et coulent en gouttelettes de son visage tout juste assez tiède pour les faire fondre.

Dans son être, son cosmos se rassemble et se condense pour tenir dans un espace aussi petit qu'une bille. Saga veut en économiser chaque once. S'il a une chance de s'échapper, une chance de sauver un camarade, une chance de faire la différence ; il la saisira.

Un crissement régulier se fait alors entendre dans la poudreuse. Bientôt, deux jambes ornées d'un surplis apparaissent dans le champ de vision de Saga. Il est trop faible pour relever la tête et croiser le regard de celui ou celle venu le chercher. Une voix profonde déclare alors.

"Saga des Gémeaux, le traître du Sanctuaire."

Saga voudrait répondre et le contredire mais le gel a collé ses lèvres l'une contre l'autre.

"Le Seigneur Hadès t'offre la chance de comparaître devant ses Juges."

Une main passe alors sous son bras pour le soulever et le traîner hors du Cocyte. Le Spectre avance dans le désert blanc, toujours dans la même direction. Sur le chemin, Saga distingue des silhouettes blanches, enfoncés dans la glace jusqu'au cou. Il ne reconnaît aucun des visages qu'il peut voir, mais peut-être est-ce le gel qui trompe sa vue.

Après un long moment, Saga estime qu'une heure s'est écoulée, ils arrivent devant un immense palais aux dalles de marbres finement taillées. Le Spectre pénètre dans l'édifice, s'avance parmi les Spectres, tous occupés et pourtant regardant tous dans leur direction, et s'arrête devant une double porte si large que la statue d'Athéna pourrait y passer toute entière. Le spectre toque quatre fois. Quelques secondes d'attentes et l'une des portes s'ouvre pour laisser apparaître une femme qui ne peut être que Pandore.

Pandore toise Saga, le détaille de la tête aux pieds et laisse échapper un souffle méprisant. Elle reporte ensuite son regard sur le Spectre face à elle.

"Tu nous as fait attendre."

Sa voix est presque aussi froide que la Cocyte et le Spectre bredouille.

"Je-je suis désolé. Il n'était pas à l'endroit indiqué et j'ai dû…

-Je ne veux pas d'excuses."

Immédiatement, le Spectre devient silencieux.

Pandore se décale alors pour rentrer dans la pièce.

"Entre."

Le Spectre obéit et traîne Saga, désormais debout sur des jambes flageolantes, à l'intérieur. Là, il voit Pandore retourner s'asseoir derrière une harpe et se mettre à en tirer de douces harmonies. Plus loin, au fond de la pièce, juste après une série de marches, se trouvent trois trônes, sur chacun d'eux siège un homme en surplis : les Trois Juges des Enfers, dans toute leur splendeur. Leur surplis brillent du sinistre éclat de la mort et leurs yeux sont cachés par l'ombre de leur casque. Derrière eux se trouve un large rideau pourpre. Sur la gauche se trouve une alcôve où se tient un homme blond, sirotant une tasse de thé.

Saga les regarde tous les uns après les autres. Il est entouré d'ennemis et son cosmos s'agite, malgré la prise de fer qu'il exerce dessus.

L'un des Juges, celui au centre avec les longs cheveux d'argent, glousse et vient appuyer sa tête contre ses doigts, son bras posé sur l'accoudoir. Il déclare, le ton moqueur.

"Je m'attendais à mieux de la part d'un Chevalier d'Or. On dirait un suicidé en manque de sensation forte."

Le Juge de droite, avec les cheveux sombres, rit à cette réplique et ajoute.

"C'est un traître, pas étonnant qu'il soit misérable."

Saga fronce les sourcils, prêt à se défendre mais avant même qu'il n'ai pu ouvrir la bouche, l'homme sur la gauche prend la parole, sa voix vibrant sous la force du cosmos qui l'habite.

"Minos, Eaque, le Seigneur Hadès s'est personnellement chargé de ramener cet homme. Tâchons de lui offrir entière satisfaction plutôt que de perdre du temps en enfantillages."

Aussitôt, les deux Juges acquiescent.

"Bien sûr, Seigneur Hypnos."

Saga se fige en entendant le nom. Hypnos, l'un des Dieux Jumeaux au service d'Hadès. S'il se trouve ici alors, Saga est dans une situation bien pire qu'il ne l'avait d'abord cru. Il serre les dents. Il ne doit pas se montrer imprudent ou impulsif, ce serait le meilleur moyen de se faire tuer.

Hypnos tourne le regard vers Saga et, d'une simple pression de son cosmos, le force à s'agenouiller.

Saga est écrasé par la pression que lui inflige le Dieu. Il a l'impression d'être de nouveau un apprenti ayant tout juste découvert le cosmos, ses implications et la puissance que cela revêt. Son dos est douloureux alors que la pression augmente et pousse Saga à poser ses mains au sol pour ne pas s'écrouler.

L'un des Juges glousse mais Saga ne peut voir duquel il s'agit.

La glace fond sur son corps à cause de l'énergie libérée et il se retrouve à avoir l'air d'être en sueur. Il serre les dents alors que son souffle devient difficile à trouver. Il doit résister. Il est le Chevalier d'Or des Gémeaux. Un Chevalier ne plie pas face à l'ennemi.

Lorsque la pression revient enfin à un niveau supportable, Saga se rend compte de l'image misérable qu'il doit donner. Il est comme une fourmi qu'un enfant vient brûler avec la lumière de sa loupe sous le soleil : pitoyable dans sa faiblesse. Ses poings se serrent sur les dalles fraîches sans qu'il n'ose lever la tête. Il n'y est probablement pas autorisé.

Le troisième Juge, sa voix est nettement plus sérieuse que celle de ses collègues, dit.

"Finissons-en rapidement et renvoyons le au Cocyte."

Au sol, Saga peine à reprendre son souffle. Il jette prudemment un regard vers les trônes. De sa position, les trois Spectres sont particulièrement impressionnants, comme des rois toisant leur peuple. Il se rappelle que c'est exactement ce qu'ils étaient avant de rejoindre l'armée d'Hadès.

Hypnose s'approche de Saga pour le regarder comme on regarde un animal pathétique.

Saga déglutit. Compte-t-il recommencer à l'écraser ? Mais le Dieu se contente de le fixer quelques instants avant de prendre la parole :

"Nous avons quelques questions à te poser."

Et l'interrogatoire commence.

Il y a-t-il des passages annexes qui traversent le Sanctuaire ? Où se trouvent-ils ? Leur longueur ? Le nombre d'hommes pouvant les traverser ? Quelles sont les faiblesses des Chevaliers d'Or encore en vie ? Lequel est le plus faible ? Et encore et encore.

Quand les paroles deviennent manifestement inefficaces, les coups arrivent. Des attaques chargés de cosmos qui envoient Saga dans les murs, contre le sol, sans que jamais Hypnose n'ai à lever le petit doigt.

Pourtant, Saga garde les lèvres fermement verrouillées. Il refuse de donner la moindre information, même partielle ou involontaire. Les Spectres ne tireront rien de lui.

Au bout d'un certain temps, Hypnos se tait et hausse un sourcil.

"Je ne pensais pas devoir recourir à cela mais puisque nous en sommes là, autant ne pas continuer à perdre notre temps. Le Seigneur Hadès est prêt à t'offrir un Surplis et une place dans nos rangs.

-Vous croyez vraiment que je vais avaler ça ?"

Hypnos lui lance un regard peu impressionné et jette un coup d'œil par-dessus son épaule. Le rideau pourpre derrière les Juges tombent alors, révélant l'Armure des Gémeaux sur un piédestal, brillant d'un noir violacé.

Les yeux de Saga s'écarquillent. Cette chose ne peut être qu'un Surplis et pourtant, elle a l'exacte apparence de l'Armure que Saga a porté presque toute sa vie. De chacune des pièces qui la compose se dégage une sombre aura et le cosmos divin d'Hadès.

Saga sent sa bouche s'entrouvrir alors qu'il se force à cligner des yeux. Il tourne la tête vers Hypnos.

"Vous êtes fous.

-Ce que nous sommes ne dépend pas de la perception que tu as de nous. Vas-tu parler ou allons-nous devoir t'y forcer ?"

Saga serre les poings, essuie le coin de sa bouche ensanglanté et fusille le Dieu du regard.

"Je ne vous dirais rien."

L'un des Juges pouffe. Saga réalise alors que c'est toujours le même ; Minos. Toute cette situation semble l'amuser terriblement. À chaque fois que Saga volait dans la pièce, il pouvait entendre la voix basse du Juge en appréciant chaque instant.

Saga se tourne pour le fixer de son regard mauvais mais Minos ne fait que sourire davantage.

"Oh, arrête. J'ai horreur de voir les petits mignons avec une telle expression."

Cette réplique pousse Saga à la maintenir plus fermement. Minos secoue la tête, un sourire aux lèvres. Il se lève ensuite et, alors qu'il descend les marches, déclare.

"Seigneur Hypnos, laissez le moi. Quand je vous le rendrez, il vous dira tout ce que vous souhaitez apprendre."

Saga serre les dents, une furieuse envie d'attaquer Minos lui brûlant les entrailles. Mais il sait qu'il vaut mieux pour lui qu'il reste maître de lui-même.

Hypnos semble considérer l'idée.

"De combien de temps as-tu besoin ?"

Minos hausse une épaule.

"À le voir comme ça, je dirais quelques semaines.

-Hm, c'est raisonnable."

Hypnos lève les yeux vers l'espace qui s'étend derrière le Surplis des Gémeaux, le regard presque perdu dans le vague. Après quelques instants, il poursuit.

"Très bien, c'est entendu. Tâche de le rapporter en assez bon état pour qu'il puisse parler."

Minos s'incline poliment.

"Ne vous en faites pas, Seigneur Hypnos. Je serais aussi doux qu'un agneau."

Saga peut voir le sourire maniaque qui se dessine sur les lèvres du Juge et sent un frisson lui remonter le long de la colonne vertébrale.

XxX

Aussitôt la séance levée, le Spectre qui se tient à côté de Saga s'éclipse dans le silence. Hypnos disparaît, probablement de retour à Elysion. Rhadamanthe et Eaque quittent la salle sans un mot, quoi qu'Eaque jette un drôle de regard à Saga. Pandore part à leur suite, son bras venant s'enrouler autour de celui de Rhadamanthe. Quant à Minos, il vient se planter devant Saga.

Il se penche en avant, glisse un doigt sous le menton de Saga et le force à lever la tête vers lui. Saga le fusille du regard dès qu'il croise le plus petit éclat de mauve derrière l'épaisse frange argentée. Minos glousse et penche la tête sur le côté.

"Tu sais, les petits sauvages comme toi sont les plus agréables à mater. J'ai juste à leur montrer qui est le plus fort et, avec un peu de temps, je finis par gagner. La prochaine fois que tu entreras dans cette salle, tu auras perdu cet air bravache, tu me mangeras dans la main et tu te plieras au moindre de mes désirs."

Saga grogne.

"Jamais."

Il dégage sa tête de la prise de Minos, seulement pour qu'il le saisisse à pleine main par la mâchoire.

"Ils disent tous ça : tu n'es pas différent d'eux."

Il rapproche leur visage et vient glisser sa bouche tout près de l'oreille de Saga.

"Quoi que… Tu es davantage mon type que mes anciens jouets."

Et il vient mordiller le haut de l'oreille de Saga, le faisant se figer sur place.

Minos le relâche ensuite et Saga ne peut que tomber à genoux. Il n'a plus la moindre force dans son corps et l'action de Minos lui fait se poser mille et une questions. Il craint la réponse de presque chacune d'elles. Quoi que le Juge compte lui faire, cela à suffit à briser des hommes. Et Saga est le prochain sur sa liste.

Cependant, Saga n'a pas le temps de souffler. Minos l'attrape par le bras, le force sur ses pieds et le guide jusqu'à ses appartements. Sur le chemin, les couloirs sont déserts, complètement différents de ce à quoi ils ressemblaient quelques heures auparavant. Ils entrent dans de larges appartements, plus luxueux que tout ce que Saga n'ait jamais vu. Le sol est impeccable, les murs recouverts de fines tapisseries dépeignant des scènes d'une affreuse beauté et le mobilier est fait d'un bois d'arbres presque noirs qui auraient pu être de l'acajou sans leur sombre teinte. Ils progressent entre les différentes pièces jusqu'à arriver dans une petite salle aux airs de maison de poupée. Le mobilier est arrangé comme pour une pièce de théâtre se déroulant dans un salon, des coussins recouvrent les chaises et le rebord de la fenêtre. Un grand lit à baldaquin siège au fond de la pièce et sur la table centrale se trouve un repas encore fumant, servi pour une personne.

L'estomac de Saga se noue à cette vue mais il fait mine de rien. La faim lui tord les entrailles depuis que son corps à commencer à se débarrasser de la glace du Cocyte. Voir un repas complet prêt à être dévoré, posé là juste devant lui, c'est renforcer le manque dans son corps.

Minos doit le savoir, puisque son sourire s'élargit.

Il relâche Saga et va se mettre à table. Avant qu'il ne s'installe, son Surplis se détache de son corps pour aller se ranger dans un coin de la pièce. Une fois assis, il tapote ses cuisses en calant sa tête contre la paume de sa main.

Saga fronce les sourcils en comprenant ce qu'il veut. Il fait mine de faire un pas en arrière et, à peine son geste esquissé, ses mouvements se retrouvent bloqués. Ses jambes se crispent et luttent contre une force inconnue, ses bras se figent le long de son corps, sa nuque flanche et force sa tête à se baisser.

Il se rappelle alors soudain en quoi consiste la technique de Minos ; Manipulation Cosmique. Des fils si fins qu'ils en deviennent invisibles et qui lui permettent de jouer de ses adversaires comme on joue de poupée de chiffons.

Saga sent la pression exercée sur ses os et se force à tenir bon contre elle. Il ancre ses pieds dans le sol et bande les muscles de ses jambes pour se tenir en place. Les fils autour de ses poignets se resserrent jusqu'à faire perler quelques gouttes de sang alors que Minos claque sa langue contre son palais.

"Tu sais, ça ne te coûterait rien d'être un peu plus réactif."

Les fils le traînent ensuite sur la courte distance le séparant de Minos. Là, leur prise se resserre autour de ses jambes, les entaillant profondément. Son corps, affaibli par son séjour dans le Cocyte et les attaques d'Hypnos, ne peut que ployer et tomber. À genoux face à son ennemi, Saga serre les dents pour retenir l'insulte qui lui brûle la langue. Docile, il doit se montrer docile.

Minos vient ensuite apposer une main sur le crâne de Saga pour le pousser à déposer sa tête contre sa cuisse. Saga résiste d'abord mais se force à obtempérer. Docile, docile.

Minos lui tapote ensuite le cuir chevelu.

"Tu vois quand tu veux."

Même sans le voir, Saga entend le sourire dans sa voix.

Minos mange ensuite le plus calmement du monde, comme s'il n'avait pas un ennemi collé à son corps. De toute façon, Saga doit le reconnaître, il ne représente pas une menace.

Une fois son repas terminé, le Juge désigne une grande armoire du doigt.

"Va te chercher une tenue."

Saga obéit. Il va vers l'armoire, les fils ne desserrant jamais leurs prises sur son corps. Il ouvre ensuite les battants et tombe sur des dizaines de tenues, pour homme comme pour femme, dans le style rococo. Il y en a de toutes les couleurs et de diverses formes. Saga n'a simplement aucune idée de ce qu'il est censé faire.

Dans son dos, il entend Minos bouger et s'approcher. Une fois assez près, il enroule ses bras autour de la taille de Saga et vient déposer son menton sur son épaule.

"Dis moi ce qui te ferait plaisir."

Saga déglutit en retenant un frisson. Il doute que Minos soit le genre d'hommes à lui laisser le choix par gentillesse. Saga pense alors à ce que l'homme pourrait apprécier voir. Il voudrait probablement l'humilier en lui faisant porter des vêtements féminins. Une robe donc.

Des yeux, Saga parcourt les tenues. Des deux robes qui semblent être à sa taille, l'une est d'un bleu profond, l'autre d'un vert pomme. Il lève une main, incertain de la conduite à tenir, et dépose ses doigts sur le cintre qui tient la robe bleue.

Dans son oreille, Minos ronronne.

"Très bon choix."

Il tire ensuite Saga en arrière, la robe avec lui, jusqu'au lit. Là, il le fait s'écrouler sur son dos, les fils le tenant en place, les bras relevés à côté de sa tête. Puis, il arrange la robe par-dessus ses vêtements pour pouvoir juger du résultat.

Il se passe deux doigts sur les lèvres et les fait tapoter doucement. Après quelques secondes, un grand sourire se dessine sur ses lèvres.

"Excellent choix."

De ses fils, il détruit les vêtements de Saga et lui fait enfiler la tenue, bas et accessoires compris.

Une fois apprêté, Saga est de nouveau étendu sur le lit. Minos grimpe ensuite, ses genoux encadrant les hanches de Saga et ses mains venant se poser de chaque côté de son visage.

Saga détourne la tête. Cette proximité est criante de sa propre vulnérabilité. Il est forcé de se plier au moindre désire de Minos.

Le visage de Minos se rapproche alors, au point où son souffle vient s'échouer sur la jugulaire de Saga. Une langue s'approche pour lécher la peau juste au dessus de son collier. Elle passe tout près des perles, les outrepasse et vient se glisser sur le lobe de son oreille.

Un frisson échappe à Saga, plein de dégoût. Il répugne à l'idée d'avoir un homme comme Minos si près de lui ; un meurtrier, un sadique, un monstre revenu d'entre les morts. Pourtant, il ne peut rien faire pour l'éviter.

Le repousser, c'est l'assurance de souffrir. Pire, si Saga se montre trop différent de ce que Minos apprécie, il pourrait le renvoyer au Cocyte, dans les ténèbres glacés où seule reigne la souffrance. Si Saga ne se plie pas suffisamment aux attentes de Minos, s'il ne supporte pas sa chaleur, s'il ne supporte pas ses lubies, il peut être certain qu'il le regrettera.

Alors il serre les dents tandis que celle de Minos se referme sur sa chair et s'y enfonce profondément, assez pour en tirer du sang.

Les poings de Saga se crispent alors que les mains de Minos viennent les envelopper.

"Détend toi. Tu vas en apprécier chaque instant."

L'une des mains de Minos descend alors le long du tissu bleu pour ensuite remonter son collant clair. Ses doigts glissent le long du mollet ferme, se faufile derrière le genou et termine sur la cuisse, traçant du bout des phalanges le bord du collant. Tout en faisant cela, il continue de taquiner le cou de Saga, mordant de temps à autre la chair de son cou et de ses épaules dénudées.

Un nouveau frisson échappe à Saga, plus violent cette fois.

Minos glousse à sa réaction.

"Je te fais tant d'effets ?"

Saga se mord la lèvre pour retenir la réponse qui brûle d'être dite : "Autant que m'en ferais un porc". Comme il ne répond pas, Minos fait descendre ses baisers le long de la clavicule de Saga, alors qu'au même rythme, ses doigts se glissent sous le collant.

Minos a les mains chaudes, comme si elles venaient d'être plongées dans de l'eau bouillante. Sur la peau froide de Saga, c'est un véritable soulagement, la glace et le gel du Cocyte fermement chassés de son corps.

Un son s'échappe de sa bouche quand la main de Minos fait tomber son collant jusqu'à son mollet. Saga sent ses yeux s'écarquiller alors que Minos stoppe ses actions.

Saga sent le large sourire qui vient déformer ses lèvres sans le voir tandis que la voix grave résonne.

"Tu es vraiment le parfait jouet."

Saga ferme les yeux, refusant de croiser le regard violine. S'il se concentre sur la chaleur que l'autre corps dégage, il pourra garder son sang froid. S'il arrive à faire abstraction de la voix du Juge, il pourra rester docile. S'il parvient à mater tous ses instincts combatifs, il pourra rester dans cette espace agréablement tiède, loin du Cocyte.

Minos reprend ses baisers alors que sa main part vers l'intérieur de la cuisse de Saga. Il caresse la peau qu'il trouve là, enfonce ses ongles dans la chair, griffe légèrement. La douleur est faible, plus que supportable.

Puis, Minos tire sur la cuisse de Saga pour le faire ouvrir les jambes en grands. Il plaque sa jambe contre le drap et enroule ses fils autour pour la garder bien en place.

Ses baisers se muent en morsures et en suçons alors qu'il descend progressivement jusqu'au corset serré autour du torse de Saga. Sans prendre la peine de l'enlever, Minos passe outre, descendant encore davantage.

Lorsque Saga réalise ce qu'il va se passer, son souffle se coupe un instant. Docile, il doit être docile. Et si Minos veut faire de lui ce genre de jouet, il ne doit pas s'y opposer.

Minos passe sa tête sous les froufrous de la robe bleu et se met à suçoter la cuisse qu'il a lui-même découverte. Il commence par l'extérieur puis se dirige lentement vers l'intérieur. À mesure qu'il progresse, ses baisers deviennent des morsures, jusqu'à ce qu'il morde à pleine dents dans la chair.

Aussitôt, Saga se crispe. Il sent Minos lécher la plaie et en aspirer le sang avant qu'il ne reprenne ses activités.

Il passe à l'autre cuisse dont il déchire le collant d'un simple mouvement du doigt. Il en embrasse l'intérieur et remonte doucement. Lorsqu'il arrive au niveau de la culotte de soie blanche, Saga sait qu'il est trop tard pour masquer son érection.

Il n'y peut rien, son corps réagit aux caresses comme il l'a toujours fait. Et malgré le dégoût que peut ressentir Saga, cette chaleur nouvelle le pousse à réagir. Il ne peut simplement pas résister face à la température qui le pousse au relâchement. Alors, il serre les dents et espère vainement que Minos ne le fera pas remarquer.

"Dis donc, tu es plus sensible que je ne le croyais. Dire que je pensais avoir besoin de quelques jours pour te mettre dans cet état."

Et il lèche la proéminence face à lui sur toute la longueur.

Saga se cambre en réponse mais des fils viennent clouer ses hanches contre le matelas. Un gémissement pitoyable glisse entre ses lèvres. Aussitôt articulé, Saga ne souhaite que le ravaler. Mais trop tard, Minos l'a déjà entendu.

"Encore, mon mignon. Gémit mon nom."

Mais Saga serre les dents et se mord la lèvre pour s'empêcher de pousser le moindre son. Un gémissement, c'est déjà un de trop. Il ne s'abaissera pas à geindre le nom d'un ennemi.

Cependant, Minos est loin d'en avoir fini avec lui. Pendant les minutes qui suivent, il s'applique à glisser sa langue le long de la barrière de tissu, traçant et retraçant la forme de son désir. Puis, lorsque Saga ne peut plus retenir les sons qui s'échappent maintenant librement de sa bouche, il déchire la culotte et prend son membre en bouche.

Instantanément, le corps de Saga se crispe. Jamais personne ne lui a fait cela. Jamais personne n'a approché ainsi son visage de ses parties. Jamais personne ne lui a apporté une telle chaleur.

Sa tête bascule en arrière alors que ses yeux s'écarquillent. Malgré lui, sa bouche s'entrouvre.

"A-ah, hmm."

Minos poursuit ses attentions sur le membre rougit. Il passe sa langue le long d'une veine avant de reprendre le sexe et de le laisser glisser jusque dans sa gorge. Il s'y reprend plusieurs fois et, à chaque fois que son nez vient rencontrer l'aine de Saga, ce dernier pousse des gémissements qui frisent l'obscène.

Il ne peut empêcher sa tête d'être rejetée en arrière alors qu'il perd doucement pied. C'est la première fois qu'une chose pareille lui arrive, il ne sait pas comment réagir ou comment se contrôler. Il ne peut que ressentir et subir.

Lorsque Minos le relâche, Saga a le souffle court et les idées en vrac. Il a vaguement conscience que rien ne va dans tout cela mais le plaisir qu'il ressent a éclipsé tout le reste.

Minos repasse sur sa cuisse pour la mordre de nouveau, alors qu'il écarte davantage ses jambes de ses fils. Il remonte ensuite les couches de la robe pour avoir la voie libre. Là, il fait glisser ses doigts sur l'entrejambe de Saga.

"Je pourrais faire de toi la plus obéissante des putes."

Minos remonte son visage pour à nouveau l'enfouir dans le cou de Saga. Sa peau abîmée le fait grimacer quand des lèvres viennent appuyer sur les suçons déjà bien en place.

"Tu aimerais ça, hein ? Être à ma merci, répondre au moindre de mes désirs, obéir à chacun de mes ordres. Comme une vraie petite salope."

Saga serre les dents pour s'empêcher de répondre. Jamais il ne deviendra ce que Minos espère faire de lui. Jamais il n'abandonnera ce qu'il est pour un Spectre.

Pourtant, Minos est loin d'en avoir fini avec lui. Sa main sur les parties de Saga glisse doucement vers le bas jusqu'à atteindre son entrée, qu'il vient taquiner de l'index et du majeur.

Aussitôt, Saga se crispe et amorce un mouvement pour repousser Minos mais les fils sont toujours enroulés autour de son corps et il n'arrive qu'à s'entailler la peau.

Minos rit à sa réaction et appuie ses doigts contre l'anneau de chair, assez pour y appliquer une pression mais trop peu pour y pénétrer.

"Tu fais ta prude, après tout ce que tu m'as laissé faire ? Aller, je sais que tu adores ça. C'est tout ce que vous voulez, vous, les Chevaliers d'Athéna. Vous cherchez juste quelqu'un pour vous remettre à votre place, quelqu'un pour vous rappeler ce que vous valez réellement."

Saga grogne.

"Tu as tort.

-Vraiment ? Alors c'est juste mon charme naturel qui te met dans cet état ?"

Saga fronce les sourcils et va pour mettre un coup de genou dans l'entrejambe de Minos mais son action est arrêtée à mis chemin.

Minos fait claquer sa langue contre son palais.

"Tu étais tellement plus mignon quand tu te laissais faire."

Saga grogne à nouveau, faisant s'agrandir le sourire de Minos.

"Tu peux jouer les sauvages autant que tu veux, je sais que tu adores ce que je te fais."

Et il abaisse sa tête contre la clavicule de Saga pour la mordre violemment.

Un bruit de douleur échappe à Saga. Ses yeux s'écarquillent lorsqu'il sent les dents s'enfoncer plus profondément encore, jusqu'à arracher un morceau de chair.

Saga baisse les yeux, à temps pour voir Minos mâcher et avaler. Un vague de dégoût traverse le corps de Saga tandis que son regard reste figé sur la bouche ensanglantée face à lui.

Minos se lèche les lèvres, étalant le sang plus qu'il ne le nettoie. Sa main vient titiller l'entrée serrée de Saga et y forcé le passage d'un doigt.

Face à l'intrusion, Saga se tortille pour essayer de se libérer mais ses liens sont trop fermement noués autour de lui. En le voyant s'agiter, Minos sourit largement, en se léchant une nouvelle fois les lèvres.

"Calme toi, ce sera bien meilleur pour toi comme pour moi."

Comme si Saga allait l'écouter. Il serre les poings, les mâchoires et condense son cosmos dans sa main droite.

Cependant, avant qu'il n'ait pu faire quoi que ce soit, Minos lui attrape le poignet de lui lance un regard noir.

"Recommence et j'arrêterai d'être aussi gentil."

Saga déglutit, sa respiration devenant plus difficile. Le doigt de Minos est toujours en lui et un second vient s'ajouter. C'est désagréable, presque douloureux.

Rapidement Minos engage un mouvement de va et vient, allant plus profond à chaque retour. Au bout d'une minute ou deux, il retire ses doigts et se positionne entre les jambes de Saga. Il s'aligne et Saga retient son souffle. Ses yeux se ferment, ses paupières résolument closes. Ça va faire mal, ça va faire mal.

Un instant, rien ne se passe.

Puis, d'un seul coup, Saga est submergé. Le membre de Minos s'enfonce en lui, forçant le passage alors que Saga se crispe autour de lui. Les mains du Spectre viennent s'enrouler autour de ses hanches pour pouvoir le manipuler à sa guise et sa bouche se retrouve juste à côté de l'oreille de Saga, qu'il vient doucement mordiller.

"Alors, qu'est-ce que ça fait de se faire prendre ? Je parie que c'est la première fois que ça t'arrives."

Un son étranglé sort de la gorge de Saga suite à un coup de rein particulièrement violent. Il ne peut pas répondre. Sa bouche s'ouvre mais il n'arrive à articuler aucun mot, seulement des gémissements et des cris étouffés.

Minos prend un rythme saccadé, s'enfonçant toujours plus profondément et prenant toujours plus de place.

Saga essaie vainement de le repousser mais, s'il parvient à poser une main sur son épaule, il n'arrive pas à y appliquer la moindre force. Ses doigts serrent l'épaule de Minos, comme pour s'ancrer à quelque chose.

Ça fait mal, mal, mal.

"Tu es déjà une catin pour ma queue. Tu ne veux que ça, ça crève les yeux."

Saga fronce les sourcils alors qu'une larme menace de couler sur sa joue. Il ne doit pas. Minos en serait bien trop satisfait.

Mais ça fait tellement mal. C'est comme si un bras entier s'enfonçait en lui encore et encore. Il ne peut rien faire pour aller contre cette douleur, sinon la subir en espérant qu'elle passe vite.

Il serre les dents si fort qu'il a l'impression qu'il pourrait se les briser. Sous sa paume, il peut sentir les muscles de Minos rouler au rythme de ses va et vient.

Puis, presque impossiblement, Minos augmente encore la cadence.

S'en est trop pour Saga. Une première larme s'échappe de ses yeux, rapidement suivie par une deuxième. C'est comme s'il était déchiré en deux, incapable de se défendre.

Et Minos qui vient se repaître de ses larmes, sa langue glissant sur les joues de Saga.

"C'est ça, pleure pour moi."

Saga ferme les yeux, retient son souffle un instant puis inspire profondément. Il doit supporter cela, encore un peu. Une fois Minos satisfait, il le laissera en paix.

La fréquence des coups de reins devient saccadée et, quelques minutes plus tard, Minos se déverse à l'intérieur.

"Aah, tu es excellent."

Il mordille ensuite les plaies qu'il a infligées à Saga sur le haut de son corps alors que ses mains viennent appuyer sur celles qui se trouvent sur ses cuisses. C'est douloureux, mais largement moins que la souffrance dans son arrière train.

Après quelques instants, Minos se retire et Saga pourrait presque soupirer de soulagement.

Cependant, au lieu de repartir dans ses appartements, d'arracher Saga au lit ou de lui briser quelques os, Minos le retourne sur le dos. Ensuite, il lui enlève ce qui lui reste de ses bas et le force à se mettre à genoux.

Le cœur de Saga manque un battement. Non, pas encore. Il ne peut pas, il ne peut pas.

Minos se penche en avant, colle son torse au dos de Saga, enroule un bras autour de sa taille, et lui souffle à l'oreille :

"Tu croyais vraiment qu'une seule fois m'irait ? On a toute la nuit devant nous et je vais profiter de chaque instant."

XxX

Lorsque Saga reprend conscience, la première chose qu'il ressent est la douleur. Sur l'entièreté de son corps, il sent la douleur aiguë ou sourde des blessures que Minos lui a infligées la nuit dernière. En ouvrant les yeux, il tombe sur ses poignets mutilés sommairement bandés, juste assez pour le garder en vie.

C'est la dernière chose que Minos ait faite : après l'avoir pris une énième fois, il lui a tranché les veines. Saga ne parvenait même plus à bouger et Minos l'a forcé à se regarder se vider de son sang avant que l'inconscience ne l'emporte.

Faiblement, Saga cligne des yeux et tourne la tête de l'autre côté de la pièce. Sur le sol repose la robe bleu en lambeaux souillée d'hémoglobine. Il a comme une envie de soupirer. Une nuit dans les mains de Minos et le Cocyte semble déjà ne pas être le pire châtiment qui soit.

Non, pense Saga, le Cocyte est le pire châtiment qui soit. Et s'il doit supporter quelques plaies et quelques blessures pour échapper au froid, s'il doit se plier aux attentes de Minos, s'il doit abandonner son amour propre, alors ainsi soit-il.

Il ne trahira pas Athéna mais il est prêt à tirer un trait sur ses principes. Il est déjà mort de toute manière, à quoi cela peut-il encore lui servir ? Non, il préfère largement un peu de chaleur contre un peu d'amour propre. D'autant que Saga est un Chevalier, il peut tenir face aux assauts de Minos.

Dans le grand lit, il roule sur le dos, le cliquetis d'une chaîne résonnant alors. Il lève les yeux et voit une longue chaîne partant d'un des piliers de bois du lit et allant jusqu'au choker autour de son cou. Minos le lui a mis hier après avoir déchiqueter le collier de perle qu'il portait jusque là. Cette chaîne n'est pas assez solide pour empêcher Saga de la briser, ses mailles sont trop fines et trop minces pour cela. Pourtant, il se souvient des mots de Minos :

"Enlève-la et tu verras ce qui se passe quand je m'énerve."

Si la nuit dernière est ce que Minos considère être gentil alors Saga a tout intérêt à lui obéir. Ce n'est pas comme si la chaîne était très contraignante de toute façon.

Alors qu'il soupire, le ventre creux, il se rend compte qu'en une nuit, il a déjà perdu toute sa combativité. Un instant, cette pensée l'offusque. Ses poings se referment et il se redresse dans le lit. Non, il n'a pas abandonné. Obéir aux demandes de Minos est simplement la chose logique à faire. Se laisser porter par le courant plutôt que lutter contre. C'est ce qu'il faut faire lorsqu'on ne peut rejoindre la rive. C'est ce que Saga doit faire s'il veut espérer résister.

Minos a peut-être déjà brisé nombre d'hommes et femmes mais il avait alors tout le temps du monde à sa disposition. Cette fois, il n'a que quelques semaines. Après cela, il présentera Saga à Hypnos et, s'ils ne peuvent toujours rien tirer de lui, ils le renverront au Cocyte. Aussi simple que ça.

Saga n'a qu'à tenir quelques semaines, profiter de toute la chaleur qu'il pourra obtenir avant que son sort ne lui revienne à la figure comme s'il ne s'en était jamais éloigné.

Saga balaie la pièce du regard. A part les restes de leurs ébats, rien n'est différent de la veille. L'armoire est toujours ouverte, sur la table se trouvent toujours les couverts usagés et le mobilier est toujours impeccablement décoré. Ses yeux se portent ensuite plus loin, sur les larges rideaux d'une violet presque noir.

Il se lève, marche d'un pas irrégulier et écarte le tissu. Là, dehors, s'étend un paysage qu'il n'aurait jamais imaginé voir : un immense jardin dans lequel poussent des fleurs presque aussi sombres que le sol duquel elles émergent, des arbres aux fruits aussi rouges que du sang frais et dans lequel ont été arrangé des bancs, une fontaine et même une harpe. Cette vue pourrait être belle si elle était baignée par une lumière solaire, comme un négatif sans couleur, mais ce n'est pas le cas. Ce paysage respire la mort et la fin de tout ce qui vit. Plus loin, au-delà du jardin, Saga peut distinguer les derniers cercles de l'Enfer.

Il se détourne de cette vue et retourne s'asseoir sur le lit. Il ignore combien de temps il a encore à attendre avant le retour de Minos. Il scanne à nouveau la pièce mais ne voit rien qui pourrait le tenir occupé. C'est peut-être mieux comme ça.

Il ferme les yeux et appuie ses coudes sur ses cuisses.

Son corps lui crie de s'allonger et de dormir encore un peu mais il n'a pas sommeil. Du bout des doigts, il passe sur les bandages à ses poignets. Il remonte ensuite le long de son bras, passant sur les morsures, les suçons et les entailles jusqu'à arriver à son cou et au choker qui s'y trouve.

Distraitement, il se dit que c'est le genre d'accessoires qu'aurait apprécié Kanon.

Un claquement résonne quand la double porte des appartements s'ouvre avant d'entrer en collision avec le mur et de se refermer d'elle-même. Aussitôt, Saga se tend. Il ne sait pas comment Minos souhaite le retrouver. Il ne sait pas ce qu'il compte lui faire. Il ne sait pas comment il va devoir réagir.

Minos entre dans la pièce avec l'air agacé de celui qui a passé une mauvaise journée. En voyant Saga, ses yeux deviennent encore plus féroces.

"Enfin debout, princesse ?"

Sa voix est froide et sans le moindre accent d'humour. A cela, Saga sait qu'il va passer un mauvais moment.

Les fils viennent s'enrouler autour de son corps, particulièrement autour de ses mains et de ses pieds. Il est soulevé dans les airs alors que Minos s'installe dans l'un des fauteuils que compte la pièce, croisant les jambes. Il fait jouer les fils de ses doigts, tournant Saga jusqu'à décider de le pendre par la jambe droite.

Minos le regarde avec des yeux froids et, quand son regard croise celui de Saga, son expression s'assombrit davantage.

"Je devrais te crever les yeux."

Il lève deux doigts et les approche du visage de Saga.

"Quoi que… Ce serait dommage que tu ne puisses plus voir ce que je te fais."

Ses doigts se rapprochent alors d'un seul des yeux de Saga, le gauche. Les battements de cœur de ce dernier accélèrent furieusement mais il se force à garder une expression neutre. Il ne doit pas flancher, Minos n'attend que ça.

"Je vais te laisser le choix : le gauche ou le droit ?"

Saga serre les dents. Ce n'est pas comme si l'un était meilleur que l'autre. Il répond :

"Le droit."

Minos hausse un sourcil.

"Tu es donc si pressé que je te fasse du mal ? Dans ce cas, je ne vais pas te faire attendre."

Minos enfonce alors deux doigts dans l'œil gauche de Saga, les fait tourner pour faire de la charpie de ce qui se trouvait là, les plient et les déplient. Si Saga parvient à retenir un cri au moment de l'intrusion, ce n'est que pour un bref instant. La douleur irradie depuis son cerveau, comme si Minos venait d'y enfoncer un aiguille à tricoter. Il sent le sang qui coule de la plaie alors que Minos retire ses doigts. Saga se mord l'intérieur de la joue jusqu'au sang pour retenir le plus gros de ses gémissements de douleurs.

Minos présente ensuite ses doigts face à la bouche de Saga.

"Nettoie moi ça."

Saga peine à desserrer ses mâchoires. Il force ses muscles à coopérer et à s'ouvrir. Minos enfonce ses doigts dans sa bouche presque jusque dans sa gorge. Saga tousse et lutte pour respirer, déclenchant un rire de la part de Minos.

"Tu es pitoyable."

Saga ferme son œil pour se concentrer sur sa respiration et sur l'action qu'il doit exécuter. S'il est efficace, il peut espérer ne pas énerver Minos davantage.

Au bout de quelques dizaines de secondes, Minos retire ses doigts. Saga rouvre son œil et le voit les inspecter.

"J'ai vu pire, concède-t-il."

Il attrape ensuite Saga par ses mèches et tire sa tête en avant.

"Hm, tu ressembles à un clodo comme ça. Ou à une gueule cassée. Plutôt une gueule cassée."

Ses doigts s'emmêlent dans les cheveux de Saga.

"Je devrais te faire coiffer tes cheveux aussi. C'est un vrai sac de nœuds."

C'est vrai que comparé à la chevelure soyeuse de Minos, celle de Saga fait tâche. Distraitement, Minos fait glisser les mèches bleus entre ses doigts. Ses yeux remontent ensuite sur le visage de Saga, jusqu'à son œil mutilé. Là, un léger sourire prend place sur ses lèvres. Il relâche ses cheveux.

Il s'adosse à son siège et fait jouer ses doigts sur l'accoudoir. Au même rythme, le bras droit de Saga se tord dans un angle anormal. C'est désagréable sans être tout à fait douloureux, comme la pression qu'on exercerait sur une ecchymose. Puis, c'est sa main et ses doigts qui se tordent. D'abord le pouce qui se plie et se rentre contre la paume jusqu'au point où cela commence à tirer sur les articulations. Puis encore davantage jusqu'au moment où Saga entend, et sent, le craquement caractéristique d'un os qui se brise.

Ensuite c'est au tour de l'index. Crack. Du majeur. Crack. De l'annulaire. Crack. De l'auriculaire. Crack. Les différentes phalanges. Crack, crack, crack. Crack, crack, crack. Les métacarpes. Crack, crack. Les carpes. Crack, crack, crack.

Bientôt, sa main entière est boursouflée, tordue dans tous les sens, cabossée en de drôle d'angles. Il s'est mordu les joues tellement fort pour s'empêcher de crier qu'il sent le goût métallique du sang dans sa bouche.

Face à lui, l'humeur de Minos semble s'être améliorée. Ses sourcils froncés ont cédé la place à un léger sourire et sa pose s'est détendue. Il regarde le sang couler en fines lignes des doigts de Saga et se passe sa langue sur les lèvres. Il se penche ensuite en avant, ses coudes venant s'appuyer sur ses cuisses, son visage tout proche de celui de Saga.

Saga le foudroie du regard sans produire le moindre son, certain que s'il ouvre la bouche, des gémissements s'en échapperont.

"Je n'avais pas remarqué avant mais tes yeux… (un grand sourire perce ses lèvres) Enfin, ton œil a une sacré couleur. Je n'avais jamais vu ça avant."

Minos penche la tête sur le côté.

"C'est dommage. Si je l'avais vu plus tôt, je t'aurais arraché l'autre plutôt que d'en faire de la bouillie. M'enfin, on n'y peut rien."

Il dit cela en haussant les épaules, ses yeux se fermant un instant. Lorsqu'il les rouvre, son regard est plus perçant. Il lève une main pour la déposer sur la joue de Saga, qu'il caresse alors doucement.

"Je me demande ce que je vais faire de toi aujourd'hui. J'ai été très gentil hier, je devrais me montrer plus créatif aujourd'hui. Qu'est-ce tu en penses ?

- J'en pense que tu feras ce qui te plaît."

La voix de Saga est rauque, âpres. Il peine à articuler ses mots et Minos l'a clairement remarqué.

"Oh, tu es un futé, toi ! Oui, c'est exactement ce que je vais faire. Et une fois que je n'aurai plus d'idées, tu ne seras plus qu'un pantin entre mes doigts."

Saga fronce les sourcils sans répondre.

"Tu crois que tu seras différent des autres ? Je peux t'assurer que ce n'est pas le cas. Tu n'es pas le premier Chevalier d'Or que j'ai entre les mains ; ils ont tous fini par devenir ce que je voulais qu'il soit. Tu ne me crois pas ?"

Il glousse.

"Albafica des Poissons, le plus beau des Chevaliers d'Or. Tu as été Grand Pope, tu as dû entendre parler de lui. Eh bien, après être passé dans cette pièce, il était devenu la plus belle de mes poupées. Il portait ce que je voulais qu'il porte. Il disait ce que je voulais qu'il dise. Il faisait ce que je voulais qu'il fasse. Et même après que je me sois lassé de lui et qu'il ai compris ce qui l'attendait, il est resté tout aussi docile."

Le sourire de Minos s'élargit.

"Tu finiras comme Albafica des Poissons, une jolie poupée pour ma collection et absolument rien de plus."

Saga serre le poing de sa main valide. Il avait entendu parler d'Albafica, par les registres de missions ou par les archives personnelles de Shion, et il n'en était ressorti que le plus grand bien. Il était décrit comme un homme profondément bon, prêt à d'immenses sacrifices pour le bien commun, juste et droit comme si peu d'autres.

Pourtant, à entendre Minos, Albafica n'était rien qu'une fillette manipulée par un amant plus âgé, une gamine qui ne comprenait pas la malice humaine.

Saga refuse de finir comme ça.

"Je ne suis pas Albafica. Je ne serais pas aussi faible que lui."

Un rire résonne dans la gorge de Minos.

"Il avait dit la même chose, tu sais. Ils disent tous ça."

Saga serre les dents. Il sera l'exception. Il se le jure, alors que les fils de Minos s'entremêlent à ses doigts mutilés.

XxX

Quand Saga ouvre son œil, c'est face à la douleur pulsante dans son crâne. Il a l'impression qu'un objet lourd s'est fracassé contre sa tempe avec la force d'un poids lourd. Il papillonne de l'œil et essaie de se redresser mais ses bras flanchent dans un éclat de douleur et il retombe dans les draps chauds. Sa paupière tombe, le replonge dans l'obscurité et la douleur s'amenuise légèrement.

Il ne sait pas où il est, ni qui l'y a emmené. Il ne sent pas les cosmos des Chevaliers et des apprentis vibrer à travers le Sanctuaire. Une drôle d'impression flotte à la limite entre conscient et inconscient sans qu'il ne parvienne à la saisir.

Dans son dos, une personne bouge et un bras vient s'enrouler autour des ses hanches. Quelqu'un est dans son lit ? Qui ? Pourquoi ? Saga ne porte pas son masque, il est reconnaissable. Éliminer la menace, il doit éliminer la menace. Son cosmos s'enflamme, aussi fragile que du temps où Saga peinait encore à marcher. Un rire retentit près de son oreille.

"Qu'est-ce que tu me fais ? Tu ne veux plus de moi ?"

Cette voix, ce timbre, Saga les connaît. Il n'arrive pas à mettre un nom ou un visage dessus mais il est certain de cela. De la même façon, il sait que l'homme derrière lui est dangereux. Dans sa poitrine, les battements de son cœur sont affolés.

Il sait que sa couverture est menacée par cet homme sans visage mais il n'arrive pas à réagir. Son corps est engourdis, enquilosé, trop lourd pour la force qu'il possède. Il doit agir, il doit agir vite. Il fait appel à son cosmos, lui aussi étrangement faible et ouvre à nouveau son œil.

Il a juste le temps de réaliser que la décoration autour de lui est trop sombre pour être celle du treizième temple avant qu'une main ne se pose sur le haut de son visage.

"Ecoute-moi au lieu de t'agiter."

L'homme soupire, comme un parent soupire face à un enfant incapable de suivre une consigne simple.

"Je ne te ferai aucun mal."

Saga peut entendre le pour l'instant aussi audiblement que s'il avait été articulé. Il ne sait pas d'où lui vient cette certitude mais il s'y accroche de toutes ses forces. Il peut faire confiance à ses instincts. Ses instincts l'ont amené à ce qu'il est aujourd'hui.

"Soit un bon garçon et n'ouvre pas les yeux."

La main se retire ensuite et Saga reste figé. Son cœur bat encore plus vite, plus fort. Il doit se battre et tuer cet homme. Il doit se lever et frapper avec toute la force que des décennies d'entraînement lui ont conféré.

Alors pourquoi son corps ne bouge-t-il pas ? Pourquoi sent-il son cœur s'affoler ? Pourquoi est-il si faible ? Pourquoi cette voix est-elle si envoûtante qu'il garde son entière attention rivé dessus ?

Le bras autour de ses hanches bouge et une main vient se poser sur sa taille, ses doigts s'enfonçant dans la chair. Derrière lui, une bouche vient mordre son épaule dénudée.

Saga se crispe. La morsure fait plus mal qu'elle ne le devrait, comme si elle était faite par-dessus d'autres blessures.

"Si tu veux que je sois gentil avec toi, tu dois faire absolument tout ce que je te dirais de faire. Tu comprends ?"

Pourquoi n'arrive-t-il pas à replacer l'homme ? Ça ne devrait pas être si compliqué mais la douleur pulsant dans son crâne lui complique la tâche. C'est comme essayer d'écrire alors que quelqu'un s'amuse à lui secouer l'épaule ; il n'en ressort que des idées brouillées.

Saga hoche la tête, certain que c'est la bonne chose à faire.

"Bien."

L'homme se détache ensuite de lui. La pièce devient silencieuse.

Saga se concentre sur sa respiration dans l'espoir de calmer la douleur qui lui vrille le crâne. Dans les ténèbres de sa vision obstruée par sa paupière, les pulsations s'espacent pour devenir plus supportables. La souffrance dans son bras revient alors à son esprit.

Il a mal de l'épaule jusqu'au bout des doigts. Doucement, il bouge ses doigts et s'arrête immédiatement tandis que son corps se crispe. Sa main est entièrement brisée, presque réduite en charpie.

Il entrouvre l'œil pour regarder ses doigts, tous tordus dans un angle anormal. Une drôle de sensation grimpe dans son estomac, comme une nausée, en plus viscérale. Il fronce les sourcils et tourne la tête pour chercher l'homme.

Il le trouve rapidement, assis dans l'un des fauteuils que compte la pièce. Il est assis, les jambes croisées, les doigts entrelacés sur ses genoux, le regard braqué sur Saga.

"Qu'est-ce que je t'ai dit ?"

Le cœur de Saga se met à battre plus vite.

"Tu dois faire absolument tout ce que je te dis de faire. Est-ce que je t'ai dit d'ouvrir les yeux ?"

Saga déglutit en secouant la tête.

"Alors explique moi pourquoi tu l'as fait.

-Ma main…"

Saga ne sait même pas comment se justifier sans s'attirer plus de problèmes. Il regarde l'homme, sa longue chevelure argentée et son visage sans le moindre trait familier. Il ne connaît pas cet homme.

"Quoi ? Oh, c'est vrai. Tu l'avais mérité."

C'est tout ce qu'il dit, comme si cela pouvait être une explication suffisante. Saga ne pense pas que ce soit le cas.

L'homme soupire, penche la tête sur le côté.

"Qu'est-ce que je vais faire de toi ?"

Il détaille Saga, quand ses yeux s'arrêtent sur sa main. Son regard brille alors d'une lueur inquiétante. Il tapote sa cuisse d'une main.

"Vient ici."

Saga se relève et s'approche. Arrivé devant l'homme, il hésite. Il se sent déjà assez vulnérable comme ça, il ne veut pas lui obéir. Cependant, il ignore pourquoi sa main, son bras sont dans cet état. Il ignore quelle erreur a été commise. Quelle qu'elle soit, il ne compte pas la commettre une nouvelle fois.

Il enjambe l'homme, place ses genoux à côté de ses cuisses et se hisse sur le fauteuil. L'homme sourit davantage. Il lève une main et la pose sur le joue de Saga.

"Tu vois, tout se passe bien quand tu m'écoutes."

Ses doigts caressent doucement la joue de Saga.

"Donne-moi ta main."

Saga s'arrête un instant. Il est presque certain que l'homme parle de sa main brisée et Saga ne veut pas la lui remettre. Alors qu'il pense cela, les doigts sur sa joue dérivent sur sa nuque et viennent y appliquer une pression, ses ongles s'enfonçant dans sa peau. Saga lève alors sa main et vient la poser sur celle de l'homme. Enfin, son pouce et son annulaire, ses autres doigts sont trop tordus pour qu'il puisse les aligner.

L'homme appose son autre main par-dessus, emprisonnant les articulations mutilées. Un instant, son toucher est léger. Le suivant, il écrase la main de Saga entre les siennes. Saga se tend et retient de justesse un cri alors que ses doigts sont à nouveau tordus.

"Tu n'aimes pas ça ? Je fais ça pour t'aider, tu sais. Ça ne guérira pas si je ne les remet pas correctement."

Saga hoche la tête. L'homme se saisit alors de son pouce et le remet en place dans un craquement sec. Puis l'index. Crack. Puis le majeur. Crack. Puis l'annulaire. Crack. Puis l'auriculaire. Crack. A chaque doigt, le corps de Saga tressaute de douleur. C'est comme si un feu brûlant se répandait dans tout son bras en partant de sa main. Il serre les dents, se mord l'intérieur des joues. Il ne doit pas crier. Il est Chevalier, il peut bien supporter cette douleur.

Une fois chaque doigt remis en place, l'homme vient glisser son visage dans son cou et mordiller la peau qu'il trouve là. Pendant qu'il fait cela, il continue de toucher et d'appuyer sur la main de Saga, encore et encore.

"C'est bien. Reste calme pour moi."

L'homme embrasse maintenant sa gorge et dérive doucement sur son épaule.

Soudainement, il prend le poignet de Saga à pleine main et le tire en avant. Saga tombe contre son torse dans un gémissement étranglé. Il fronce les sourcils et se retient de lancer une insulte.

Un rire monte dans la gorge de l'homme.

"Je te trouve bien docile aujourd'hui. C'est à cause de la dernière fois ? Ne me dis pas que cette petite chose de rien du tout a suffit à te mettre la tête suffisamment en vrac ?"

Saga fronce davantage les sourcils. La dernière fois ? Il ne se souvient pas d'une fois précédente, ni même d'avoir jamais croisé cet homme.

"Quoi ?"

Un rire résonne et Saga peut sentir la poitrine de l'homme vibrer sous lui.

"Alors tu es vraiment à ce point ailleurs ? Si j'avais su, je t'aurais écrasé le crâne plus tôt. Même si, il faut le dire, ça rend le jeu beaucoup moins amusant."

Saga ne comprend pas, mais des brides commencent à lui revenir. Il se souvient d'avoir déjà vu cet homme, assis sur un trône. Il se souvient d'avoir eu froid, tellement froid. Il se souvient de la douleur, de la pire douleur qu'il a laquelle il ait jamais eue à faire face. Son mal de tête revient en force, son crâne pulsant dans un rythme désordonné.

Une main se glisse dans ses cheveux et lui fait relever la tête pour regarder l'homme dans les yeux. Comment s'appelle-t-il ? Milo ? Non, non, pas Milo. Minos ? Oui, c'est ça. Minos.

"C'est donc là tout ce qu'il faut pour terrasser un Chevalier d'Or ? Tu me déçois énormément."

Il force Saga à pencher la tête sur le côté pour exposer son œil gauche, ou ce qu'il en reste. Depuis quand n'a-t-il plus qu'un œil ?

"J'espère que tu retrouveras vite ton mordant. Il n'y a rien de drôle à jouer avec un jouet cassé. Ce serait comme une nuit sans crime, rien qu'un véritable gâchis."

Minos sourit, ses doigts massant le cuir chevelu de Saga.

"Alors, tu ne te souviens toujours pas ? Je devrais peut-être te donner un petit indice."

Saga s'efforce de se concentrer sur le visage de Minos, sur son nom, sur le son de sa voix, sur les couleurs sombres qu'il perçoit autour d'eux. Alors que son mal de tête s'intensifie, Minos approche leur visage et passe sa langue sur les lèvres de Saga. Il s'approche davantage et l'embrasse violemment, entrechoquant les dents. Cela ne l'arrête pas et il continue de dévorer la bouche de Saga, qui se laisse faire.

Il doit se souvenir, il doit se souvenir. Il se souvient d'une voix malhonnêtement douce lui répétant d'obéir. Il se souvient de fils enroulés autour de ses poignets, suffisamment serrés pour en tirer du sang. Il se souvient… d'une armure ? Non, pas une armure, autre chose.

Un Surplis.

Minos est un Spectre.

Aussitôt, Saga tente de le repousser mais des fils s'enroulent autour de lui pour le maintenir en place. Minos recule ensuite légèrement sa tête, juste assez pour croiser le regard furieux de Saga, alors que ses yeux ne reflètent que l'amusement le plus profond.

"Tu te souviens ? Bien. On va pouvoir reprendre dans ce cas."

Saga serre les mâchoires, ses sourcils froncés.

"Oh, ne me jette pas ce regard. Tu as l'air encore plus d'un chiot avec. Tu sais, comme un chihuahua persuadé d'être menaçant, de pouvoir présenter la moindre résistance face à moi."

Leur visage sont si proches que Saga sent chaque inspiration de Minos s'échouer sur son visage. Minos doit sûrement aussi sentir les siennes.

"Tu ne peux pas et tu ne pourras jamais."

Minos plonge son visage le long de la carotide de Saga et la mord violemment, au même instant où ses ongles s'enfoncent dans la chair de ses hanches.

Saga lutte contre les fils qui le retiennent mais son bras droit est alors tordu dans son dos, le forçant à s'arrêter sous peine d'hurler de douleur. Il crache.

"Connard."

Le sourire de Minos ne fait que s'agrandir, il le sent contre sa peau.

"Oui, je sais."

Saga serre les dents quand Minos se met à le mordre de plus en plus fort sur toute sa gorge. Il peut sentir le sang couler de ses veines sur sa peau, avant que Minos ne vienne le lécher. Ses mâchoires tremblent tant il y applique une forte pression.

Pourtant, il ne se souvient pas encore de tout. Il n'arrive pas encore à savoir quel Spectre est Minos. Il sait qu'il doit être important, suffisamment pour avoir eu le droit à un Chevalier d'Or comme jouet. Il repense à la complexité du Surplis qu'il a pu voir. Sûrement un Juge. Merde.

"Aller, détends toi.

-Jamais.

-Je l'ai déjà entendue celle-là."

Un rire remonte dans la gorge de Minos avant de s'en échapper.

"Tu ressors toujours les mêmes mensonges. On sait tous les deux que tu finiras par craquer. Alors vas-y, laisse moi faire de toi ce que tu aurais dû être depuis le départ : ma salope personnelle."

La fureur monte dans la poitrine de Saga mais il ne peut rien faire. Il est tenu en place, immobilisé de chaque côté. Son cosmos vacille dans sa poitrine, bien trop faible pour que cela soit normal.

Une langue chaude passe sur les blessures dans le cou de Saga alors qu'une main vient titiller l'un de ses tétons.

"Aller, abandonne."

Saga fait brûler son cosmos dans sa poitrine, aussi fort que possible. Au lieu de l'effrayer, cela fait rire Minos.

"Par Hadès ce que c'est pitoyable !"

Saga retient la remarque acerbe qu'il a sur le bout de la langue.

Minos relève la tête et aligne son visage avec celui de Saga. Il le regarde droit dans les yeux.

"Sais-tu seulement ce que tu fais avec moi ?"

Saga garde un visage neutre.

"Non ? Quel dommage. Laisse moi t'éclairer dans ce cas."

Saga n'a aucune envie d'entendre les mensonges d'un Spectre.

"Ta chère Athéna t'a tué comme le traître que tu es. Et en tant que tel, tu nous as donné toutes les informations sur le Sanctuaire dont nous pourrions avoir besoin lors de la Guerre Sainte. En récompense, je t'ai sorti du Cocyte. Mais je constate que tu es bien ingrat.

-Tu mens.

-Ah oui ?

-Je n'aurais jamais trahi ma Déesse.

-Non, bien sûr. Pas même après plusieurs tentatives d'assassinat, plus d'une décennie à manipuler ses Chevaliers ou après avoir tué ton frère pour prendre le mérite d'un plan.

-Que…"

Comment peut-il savoir pour Kanon ?

Minos glousse.

"Je sais tout car tu as tout dit. Tout."

Saga déglutit difficilement. Jamais il n'aurait collaboré avec Hadès. Cependant, s'il ne l'a pas fait, comment Minos pourrait-il être au courant de telles choses ? C'est impossible. Saga n'a jamais parlé de Kanon à qui que ce soit, même de son vivant. Il ne l'aurait certainement pas fait dans la mort. Et pourtant…

Il se souvient du froid mordant, des crocs gelés qui se refermaient sur sa chair, du souffle de glace et des pluies de grêlons. Il se souvient du givre qui recouvre tout, son corps comme celui des autres malheureux ayant fini au même endroit. Il se souvient avoir cru mourir une deuxième fois, d'une façon bien pire, avant que la conscience ne lui échappe.

Si on lui avait proposé de le sortir de là, aurait-il accepté ? Même au prix de son honneur, même au prix de la vie des siens, même au prix de la survie de sa Déesse ? Il n'a pas de réponse, parce qu'il se tient assis sur les cuisses d'un Juge des Enfers dans une pièce idéalement chauffée. Il n'a pas de réponse, car Minos sait ce qu'aucun ne peut avoir appris. Il n'a pas de réponse, et c'est là ce qui le trouble le plus.

"Je…"

Il ne sait pas. Il n'arrive pas à savoir. Et son crâne qui n'arrête pas de pulser au rythme des battements de son cœur.

Minos glisse une main dans ses cheveux emmêlés.

"Ne te prends pas la tête avec ce genre de chose. Contente-toi de te laisser faire."

Et c'est ce que Saga fait. Les yeux grands ouverts, incapable de discerner ce qu'il se passe devant lui, il laisse Minos lui faire aussi mal qu'il le souhaite.

Parce qu'au final, c'est ce qu'il a voulu ?

XxX

Le thé est chaud lorsque Saga en prend la première gorgée. Il ignore quelle est cette saveur, c'est amer. Il a l'impression de boire quelque chose qui n'est pas fait pour l'être.

Face à lui, Minos prend une gorgée de sa propre boisson, un alcool quelconque, sans le quitter des yeux.

Saga garde son regard baissé sur sa tasse. Il se sait ridicule dans sa longue robe violette, avec ses cheveux soigneusement brossés et bouclés et ses lèvres parées de rouge. Il est comme une poupée laissée entre les mains maladroites d'une fillette aveugle.

Pourtant, Minos le regarde avec un drôle d'éclat dans les yeux. Il dépose son verre sur la table.

"Je sens que tu as envie de parler. Vas-y, je t'écoute."

Saga sent ses doigts de sa main valide se crisper sur sa tasse. Minos lui a appris que le silence est la plus importante des vertus. S'il n'apprécie pas ce que Saga dit, il sait qu'il aura mal, suffisamment mal pour presque regretter son temps au Cocyte.

Pourtant, il sait aussi qu'il n'appréciera pas qu'il se taise. Alors il ouvre la bouche.

"Est-ce que c'était vraiment nécessaire ? La robe, je veux dire."

Minos hausse un sourcil.

"Et que veux-tu porter d'autre ?"

Saga se retrouve sans voix.

"Peut-être…"

Minos penche la tête sur le côté.

"Que tu veux revêtir ton Surplis ?"

Saga sent son cœur manquer un battement dans sa poitrine. C'est vrai. Il a un Surplis, réplique exacte de l'Armure des Gémeaux. Il secoue la tête.

Minos reprend.

"Alors la robe te convient."

Il retourne à son verre et Saga laisse son regard se perdre dans le liquide cuivré. Son corps est douloureux, engourdis, malhabile. Ses mouvements sont presque robotiques, chaque geste à un rien de rouvrir ses plaies que Minos ne soigne pas.

Il reprend une gorgée de son thé. Il a trahi sa Déesse une nouvelle fois, il a choisi son camp. Il n'est plus en position de se plaindre.

Minos termine son verre puis fait signe à Saga de s'approcher. Il obéit. Minos lève une main et la dépose sur sa joue. Ses doigts sont froids à cause des glaçons dans sa boisson et Saga ne peut retenir un mouvement de recul.

Aussitôt, des fils s'enroulent autour de son poignet et le force à s'approcher encore davantage. Un grand sourire se dessine sur les lèvres de Minos alors qu'il fait courir ses doigts froids sur le cou de Saga.

"Tu n'as pas ça ?

-C'est froid.

-On dit que c'est très vivifiant."

Au sourire de Minos, Saga sait qu'il a très bien compris pourquoi cela ne lui plait pas. Ses doigts passent sous le tissu de la robe, sur ses épaules et un frisson lui remonte tout le long de la colonne vertébrale. Le sourire de Minos s'agrandit alors que Saga fronce les sourcils.

"Je devrais te laisser quelques jours au Cocyte pour te montrer que ce genre de fraîcheur n'est rien."

Saga se crispe mais force son corps à se détendre. Malheureusement, Minos l'a déjà remarqué.

"Ça ne te plait pas ? Moi je trouve que c'est une excellente idée."

Saga fronce un peu plus les sourcils.

"J'ai collaboré.

-Et je t'ai gracieusement entretenu depuis. Sans contrepartie de ta part."

Saga serre les dents. Il ne peut rien rétorquer.

"En fait, plus j'y pense et plus je me dis que c'est exactement ce qu'il te faut. Tu es beaucoup trop indiscipliné et puéril. Tu agis sans la moindre reconnaissance pour tout ce que j'ai fait pour toi."

Saga serre les poings le long de son corps.

"En plus, tu as déjà trahi Athéna. On ne peut pas se fier à toi. Ce serait mieux pour tout le monde que tu retournes là où est ta place."

Non, non, non. Saga se souvient parfaitement de ce que ça faisait d'être prisonnier de la glace, incapable de bouger ou de crier. Il se souvient des milliers de pics qui s'enfonçaient dans sa chair jusque dans son organisme. Il se souvient de son corps trop engourdis pour simplement réagir face à la souffrance qui l'assaillaient. Il se souvient de son corps trop faible pour ne serait-ce que frissonner et tenter de se réchauffer. Et il se souvient de son souffle qui a cessé, une légère couche de gel bloquant l'accès à ses poumons.

Minos se met à rire, ses yeux plantés dans ceux de Saga.

"Et tu détesterais ça. Tu reviendrais à moi en rampant pour que je ne t'y envoie plus jamais. Tu me baiserais les pieds juste pour avoir la moindre chance que j'accepte. Tu serais encore plus pitoyable que tu l'es maintenant."

Son rire commence au fond de sa gorge avant de prendre en ampleur, résonnant dans cette grande pièce.

Saga sait qu'il est perdu. Minos trouve cette idée bien trop alléchante pour ne pas la faire se réaliser Il l'enverra au Cocyte, oui, mais pour combien de temps ? C'est le seul paramètre sur lequel il peut espérer jouer. La seule porte de sortie qu'il peut espérer saisir.

Lorsque le rire de Minos se calme, ses yeux brillent toujours d'un éclat dangereux.

"Que ce serait divertissant."

Ses yeux se baladent ensuite sur la silhouette de Saga, le détaillant de haut en bas.

"Je ferais mieux d'en profiter tant que j'en ai encore l'occasion."

Il attire Saga plus près de lui, jusqu'à le forcer à s'asseoir sur ses cuisses. Les fils autour de son corps se relâchent légèrement, assez pour qu'il puisse agir de lui-même. Il enroule donc ses bras autour du cou de Minos et penche la tête pour lui laisser libre accès à son propre cou.

Minos pousse un bruit appréciateur.

"Je vois que tu es capable de prendre les bonnes décisions avec un peu d'aide."

Mais au lieu de mordre le cou de Saga comme il le fait si souvent, il plonge sur ses lèvres pour dévorer sa bouche. Saga se laisse faire et pousse sa langue contre celle de Minos. Comme il ne réagit pas mal, Saga continue sur sa lancée, répondant désormais franchement au baiser. Il glisse une de ses mains sur l'arrière de la tête de Minos, ses doigts perdus dans ses mèches argentées. Il dépose l'autre sur son épaule pour avoir un point d'ancrage. Il retient un mouvement de douleur lorsque ses doigts brisés se referment autour du tissu sombre.

Il doit faire plaisir à Minos, autant que possible. C'est le seul moyen pour qu'il le sorte au plus tôt du Cocyte, qu'il ai rapidement envie de jouer avec sa poupée humaine.

Minos est le premier à rompre le baiser. Il s'écarte légèrement, passe sa langue sur ses lèvres. Dans ses yeux brillent un éclat des plus satisfaits.

"J'ai comme l'impression que tu vas être particulièrement entreprenant aujourd'hui. Je me trompe ?

- Non."

Minos dirige son visage vers la clavicule de Saga, qu'il commence à mordre doucement.

"Voilà qui est une bonne nouvelle."

Pour le reste, Saga se souvient d'avoir eu mal et de quelques mots murmurés au creux de son oreille.

"Tu seras la meilleure de mes poupées."

XxX

Quand Saga entre à nouveau dans la pièce que Minos lui a réservé, il ignore combien de temps s'est écoulé depuis qu'il en est sorti. Il se souvient d'être sorti dans les mêmes vêtements en lambeau avec lequel il était arrivé et d'avoir marché trois pas derrière Minos jusqu'au Cocyte. Il se souvient du baiser que Minos lui a offert avec de l'enfoncer dans la glace. Il se souvient du froid qui rongeait son corps. Et puis plus rien.

Alors quand il passe la porte et entre dans cette pièce tiède, il se sent au paradis. Ses jambes le supportent à peine et il ne tient debout que grâce au bras que Minos a noué autour de sa taille. Minos le guide jusqu'à un fauteuil dans lequel ils s'asseoient.

Saga sent son corps trembler même maintenant qu'il n'est plus dans le froid. Il le sent qui s'accroche à sa peau, qui s'incruste dans ses veines, qui grignote ses poumons. A côté de tout cela, il est douloureusement conscient de la chaleur qui se dégage du corps de Minos, presque brûlante.C'est comme se jeter au feu avec un bain d'eau glacée. Pourtant, Saga ne peut s'empêcher de s'approcher autant que possible de lui, de cette douce source de chaleur.

Minos a un grand sourire aux lèvres.

"Je t'ai tant manqué que ça ? Ca ne fait même pas trois jours."

Trois jours ? Saga aurait cru que beaucoup plus de temps s'était écoulé, peut-être des semaines. Il se sent si faible. Dans sa poitrine, son cosmos est chevrotant, à peine capable de brûler. C'est comme s'il n'était plus capable de le restaurer. Peut-être est-ce le cas. Hadès n'aurait pas pris le risque de ramener un ennemi en lui laissant des moyens de se défendre.

La paupière de Saga est lourde et se ferme d'elle-même. Il voudrait garder les yeux ouverts mais il n'en a pas la force. Il n'a plus la moindre force.

Minos lève une main pour la poser autour de son cou, ses doigts s'appuyant contre le pouls de Saga.

"Tu es misérable."

Saga ne réagit pas.

"Les Chevaliers d'Ors sont vraiment pitoyables."

Les doigts se pressent contre sa peau.

"Tu devrais avoir un collier. Ou autre chose dans ce style. Quelque chose pour montrer à tous que tu m'appartiens."

Ses doigts se mettent à masser rêveusement la peau.

"Non, pas un collier mais quelque chose de plus permanent. Un tatouage ou une cicatrice, quelque chose de visuel."

Les doigts s'enroulent complètement autour du cou de Saga et se mettent à serrer.

"Dis moi, qu'est-ce qui te plairait le plus ?"

Et Saga répond ce qu'il sait que Minos veut entendre.

"Une cicatrice."

Il entrouvre l'œil et voit le sourire maniaque de Minos.

"Oui, une cicatrice. Ce serait idéal. Je pourrais le faire de mes propres mains ou bien te laisser te mutiler. Je pourrais te prendre entre mes fils et serrer jusqu'à ce que tu meurs une nouvelle fois. Je pourrais prendre un fer chauffé à blanc et te forcé à le porter comme collier jusqu'à ce que ta peau soit recouverte de cloques."

Minos se met à rire.

"Je pourrais faire tellement de choses."

Les doigts passent et repassent sur le cou de Saga, encore et encore. Puis, de ses fils, Minos attire un couteau jusqu'à eux. Il le place dans les mains de Saga. Saga regarde la lame et sait qu'il va devoir s'entailler la chair.

"Égorge toi."

Dans sa paume, le couteau semble peser une tonne alors que Saga le porte jusqu'à sa gorge. Ce n'est pas une lame de combat, elle n'est ni aiguisée ni faite pour une coupe facile et propre. Saga sait qu'il va avoir bien plus mal que si Minos ne s'en était chargé avec ses fils et que la blessure sera laide.

Son œil planté dans ceux de Minos, il passe la lame sur sa peau une première fois. La coupe est légère et n'apporte que des picotements tout le long de la ligne. Il repasse une deuxième fois, dans le même sillon, en y appliquant plus de force. Cette fois, il sent le sang qui s'échappe de la blessure. Mais ce n'est pas assez, pas encore. Alors Saga recommence, avec toute la force que son corps contient.

Son souffle se coupe alors que du sang s'écoule dans sa gorge. Il n'arrive plus à respirer. Il n'arrive plus à respirer !

La lame glisse entre ses doigts alors qu'il va pour lever une main à sa gorge. Minos l'en empêche en lui saisissant les poignets. Ses yeux sont rivés sur la plaie et il se passe même la langue sur ses lèvres à cette vue.

Rapidement, Saga voit des points noirs danser dans les coins de sa vision. Il ne peut plus respirer, pas faire passer le moindre filet d'air dans ses poumons lentement rempli de liquide carmin et poisseux. Les points noirs grandissent et grandissent, jusqu'à tout engloutir.

Avant de perdre connaissance, il peut sentir une main se poser sur la plaie.

XxX

Dans le miroir de la salle de bain, Saga regarde son cou. Minos lui a dit de désinfecter la blessure avant de le rejoindre. Il penche la tête face à son reflet. L'avant de l'entaille est la partie la plus impressionnante, profonde et rouge, même après que la peau ait commencé à se reconstruire. Le reste n'est qu'un fin filet qui encercle son cou et sa nuque comme le ferait un chocker.

Il lève une main mais s'arrête avant de poser ses doigts sur la plaie. Il ne doit pas. Minos lui a dit qu'il était le seul à avoir droit d'y toucher. Saga ne peut qu'appliquer le désinfectant. Alors c'est ce qu'il fait. Et une fois sa tâche finie, il retourne dans la pièce principale.

Pendant que Minos joue avec lui, son regard se perd sur le plafond qu'il connaît désormais par cœur. Quand a-t-il accepté cette situation comme une fatalité ? Quand a-t-il accepté de ne plus se débattre, de ne plus résister ? Quand a-t-il accepté qu'il n'était plus rien d'autre qu'une poupée entre les mains de son propriétaire ?

Les mains de Minos se glissent sous sa robe, tirent le jupon vers le haut.

Les mains de Minos sont chaudes sur sa peau et Saga se laisse aller. Il a choisi cette situation en trahissant Athéna, il ne peut pas se plaindre. Et cette chambre est une prison bien plus agréable que le Cocyte.

Au fond de lui, une part de lui se révolte contre cette idée. Il la fait taire. Elle n'a plus sa place en lui à présent.

XxX

Saga marche trois pas derrière Minos, comme il souhaite qu'il le fasse. La tenue d'entraînement qu'il porte lui paraît étrangère après des semaines à ne porter que des robes toutes plus extravagantes les unes que les autres. Il marche le dos droit, le regard rivé au sol. Ses doigts sont fermés en poings pour combattre son envie de les tordre. A force de les briser encore et encore, ils sont devenu plus facile à plier, comme ses chevilles. Sur leur chemin, les Spectres se courbent respectueusement devant Minos et murmurent sur sa nouvelle poupée avant de se remettre à leur travail. Encore quelques couloirs à traverser et les voilà devant une large double portes.

Minos se tient debout dans son Surplis et attend. Un instant plus tard, le claquement du métal sur le sol de marbre annonce l'arrivée de Rhadamanthe. Eaque est plus long à arriver, il débarque avec plusieurs minutes de retard, ce qui lui vaut un regard noir de la part de Rhadamanthe.

Une fois les trois Juges en place, les doubles portes s'ouvrent en grand et la douce musique de Pandore se met à emplir l'espace. Les Juges avancent et prennent place dans leur trône. Du coin de l'œil, Saga voit Hypnos et Thanatos debout non loin. Il vient se positionner derrière Minos.

Eaque jette un œil dans sa direction.

"Je vois que tu as réussi à le mater.

-Je réussis toujours à les mater."

Eaque glousse et vient caler sa tête dans le creux de sa main.

"Je devrais m'y mettre moi aussi. Ca m'à l'air des plus divertissant.

-Fais donc, mon frère."

Le sourire d'Eaque s'agrandit, comme pour prendre exemple sur celui qu'arbore Minos. La musique de Pandore remplace ensuite leurs paroles. Minos fait un signe à Saga.

"Enfile ton Surplis."

Saga appelle le Surplis, qui vient aussitôt le recouvrir. Le métal est froid, comme ne l'a jamais été l'Armure des Gémeaux. Il ferme l'œil un instant et, lorsqu'il le rouvre, son regard est des plus froids.

Hypnos se tourne ensuite vers la porte alors que des cosmos se font sentir. Certains sont ténébreux, indubitablement des Spectres, mais d'autres sont plus faibles, plus faibles encore que celui de Saga. Quelques instants plus tard, quelques Spectres de bas étages entre, chacun soutenant un Chevalier d'Or dont le gel n'a pas encore quitté le corps.

Saga serre les poings. Comme lui, ces hommes auront le choix de se joindre à Hadès ou de retourner pourrir dans les glaces du Cocyte pour l'éternité. Contrairement à lui, cependant, il y a bien peu de chance qu'ils acceptent.

A moins que… Saga comprend soudain la raison de sa présence ici et pourquoi Minos lui a fait revêtir son Surplis en avance. Un instant, l'envie de s'indigner grimpe en lui mais il la repousse. Il a fait son choix. Il a fait son choix.

Hypnos s'approche de Camus, celui en tête de file, et Saga y voit une certaine similarité à la dernière fois qu'il s'est trouvé dans cette pièce. La dernière fois ? Il fronce les sourcils. Quand est-il déjà venu ici ?

"Chevaliers d'Athéna, si vous êtes ici aujourd'hui c'est grâce à l'immense bonté de notre Seigneur Hadès. Il vous a permis de revenir à la vie à la condition que vous lui juriez allégeance."

Camus serre les dents sans répondre. Derrière lui, les autres adoptent le même comportement. Hypnos poursuit.

"Naturellement, nous ne sommes pas assez stupides pour croire que vous accepteriez sans opposer de résistance. C'est pourquoi nous avons pris soin de faire venir l'un d'entre vous en amont."

Les fils de Minos s'enroulent autour des jambes de Saga, lui faisant savoir qu'il est temps pour lui de se montrer. Le dos droit, il s'écarte du trône de Minos et s'avance vers le centre de la pièce, là où se trouvent les anciens Chevaliers d'Ors. En le voyant, leurs yeux s'écarquillent et se fixent sur son Surplis. Saga ne s'attarde pas sur leur réaction.

Hypnos jette un regard dans sa direction avant de reporter son attention sur les hommes au sol.

"Je pense que votre ancien camarade sera plus convaincant que moi."

Saga pose son œil sur chacun des Chevaliers tombés à cause de lui. Camus, Aphrodite, Shura, Deathmask et Shion.

Le coeur de Saga manque un battement en le voyant mais les fils autour de son corps le forcent à se ressaisir.

"Je sais que vous ne voyez en moi qu'un traître et un usurpateur, mais je vous demande d'écouter ce que j'ai à vous dire."

Ses anciens camarades ont le visage qui se ferment. Il peut les comprendre. Après tout, qu'est-ce qui pourrait pousser un Chevalier à trahir Athéna ? Qu'est-ce qui l'a poussé à trahir Athéna ?

"La Guerre Sainte ne peut être remportée par Athéna. Elle est trop affaiblie."

L'un des Chevaliers crache "La faute à qui ?" mais Saga ne voit pas lequel. Il l'ignore.

"Je suis responsable, oui, j'en suis conscient. Mais je ne suis pas le seul à blâmer. Athéna a choisi de vous laisser mourir après tout."

Aphrodite s'insurge, fait un mouvement pour se redresser mais le Spectre à ses côtés le force à demeurer à genoux.

"Tu mens !"

Saga lui lance un regard plat.

"Vraiment ? Dans ce cas pourquoi aurait-elle soigné ses Chevaliers de Bronzes plutôt que vous ?

-Parce qu'elle ne le pouvait pas.

-Elle a sorti Hyoga des glaces éternelles de Camus, elle aurait très pu en faire de même avec lui. D'autant que Hyoga venait tout juste d'arriver à former de la glace aussi froide, elle ne pouvait pas être du même niveau que celle de Camus. Quant à toi, Aphrodite. Shun était dans un état bien plus lamentable que toi. Si elle l'avait souhaité, elle aurait eu bien moins de mal à te sauver toi plutôt que lui."

Cette fois, Aphrodite ne trouve rien à redire.

Saga balaie du regard chacun des hommes à terre, bien qu'il passe plus rapidement sur Shion. Il voit le doute s'infiltrer dans leur esprit et être repoussé.

"Hadès peut non seulement nous garantir d'être parmi les vainqueurs mais il peut également nous offrir la vie éternelle."

Shion plante son regard dans celui de Saga et le fixe sans ciller.

"Jamais Hadès ne ferait une chose pareille. Même si nous acceptions de nous joindre à lui, il nous renverra au Cocyte sitôt Athéna morte.

-Il le fera, comme il l'a déjà fait par le passé. Nous ne sommes pas les premiers à qui il fait cette offre. Mais je ne t'apprend rien."

Shion fronce les sourcils alors que les autres tournent des yeux confus dans sa direction. Saga ne prend pas la peine de leur expliquer.

"Hadès tiendra parole parce que nous avons plus à lui apporter qu'une seule victoire. Les secrets du Sanctuaires, de la formation des Chevaliers, les lieux où sont entreposées les Armures, tout cela peut lui permettre d'autres victoires."

Deathmask lui jette un regard noir.

"Nous ne trahirons pas notre Déesse pour des promesses. Ni elle ni les secrets qu'elle a pu nous confier.

-Malheureusement, vous arrivez un peu tard pour cela. Je m'en suis chargé pour vous."

Leurs yeux s'écarquillent. Thanatos lève un sourcil et jette un drôle de regard vers son frère. Saga n'y fait pas attention.

"Tu n'es qu'un traître."

Camus a la voix aussi froide que son cosmos mais cela ne fait pas réagir Saga.

"Aux yeux d'Athéna, c'est également votre cas. C'est même pour cela qu'elle vous a laissé mourir. Vous avez déjà tué plusieurs de ses Chevaliers.

-Sur tes ordres.

-Le commanditaire importe peu. Seuls les actes comptent. Nous en avons eu la preuve."

Les Chevaliers sont rendus muet. Saga les détaille, les voit les yeux rivés sur son Surplis et, avant même que Shion n'ouvre la bouche, il sait qu'il a réussi. Alors pourquoi son cosmos s'agite-t-il ainsi dans sa poitrine ? Comme si quelque chose n'allait pas et que tout pourrait basculer à cause de cette anomalie.

"... Saga n'a peut-être pas tort."

Les autres Chevaliers se tournent vivement vers lui, sans en croire leurs oreilles.

"Vous n'êtes pas sérieux ?

-Au contraire."

Camus ferme la bouche tandis que Shura ouvre la sienne.

"Je suis du même avis."

Les yeux d'Aphrodite sont tellement écarquillés qu'ils pourraient sortir de leur orbite.

Les fils de Minos s'enroulent alors autour des jambes de Saga, le faisant se tourner vers les trois trônes. Il s'agenouille, la tête basse. Il entend ensuite la voix d'Hypnos.

"La situation est donc arrangée. Bien."

Et pendant l'heure qui suit, les questions pleuvent sur les hommes au sol. A chaque question que pose les Dieux Jumeaux, Saga sent son esprit se troubler un peu plus. N'a-t-il pas déjà répondu à tout cela ? Pourquoi redemander la même chose dans ce cas ? Et pourquoi sa tête se met-elle à le faire souffrir ? Pourquoi a-t-il l'impression de s'être fait manipuler ?

Lorsque l'interrogatoire prend fin, les Chevaliers sont escortés hors de la pièce. Saga demeure agenouillé, les pensées tournant à vive allure. Pourquoi cette impression ne part-elle pas ? Pourquoi s'accroche-t-elle à son esprit comme un parasite à son hôte ?

Minos tapote alors sa cuisse d'une main et Saga se relève pour aller s'installer à ses côtés, posant sa tête contre son genoux. Il ne ressent même pas de gêne à l'idée de se montrer ainsi face à d'autres. A la droite de Minos, Eaque glousse.

"Un vrai petit chien."

Minos hoche la tête.

"Dressé et marqué."

Saga laisse les remarques glisser sur lui. Minos a déjà dit, déjà fait, bien pire. Distraitement, il se met à tordre ses doigts.

Plus loin, Pandore se met à jouer un air presque tendre.

Hypnos se tourne alors vers Thanatos.

"Tu voulais ?

-Je croyais que le jouet n'avait rien dit.

-C'est le cas."

Le cœur de Saga manque un battement tant il accélère vite. Qu-quoi ? Il n'aurait rien dit ? Mais alors… Saga lève la tête vers Minos, qui le regarde avec un large sourire plaqué sur ses lèvres. Il rit.

"Ne me dis pas que tu as vraiment cru tout ce que je t'ai raconté ?"

Son sourire s'agrandit.

"Tu es vraiment le dernier des imbéciles."

Les sourcils de Saga se froncent tandis qu'il se met à faire brûler son cosmos autant qu'il le peut. Ce n'est pas grand chose, c'est pitoyable, c'est déplorable mais c'est tout ce qu'il peut faire. Il va pour se mettre debout mais les fils de Minos le clou sur place. Minos claque sa langue contre son palais.

"Qu'importe ce que tu as fait ou non. Tu viens définitivement de trahir ta chère Athéna. Mais si tu y tiens, je peux toujours te renvoyer au Cocyte."

Saga se fige.

"C'est bien ce que je pensais."

Saga est bloqué sur place, incapable de bouger ou de protester. Pour dire quoi de toute façon, Minos a raison. Avec ce qu'il vient de faire, Saga est désormais un ennemi d'Athéna. Il serre les poings.

Il est seul, affaibli, dans la même pièce que Pandore, les trois Juges des Enfers et les Dieux Jumeaux. Il ne peut rien faire pour sortir de cette situation. Et même s'il y parvenait, Hadès aurait tôt fait de le réexpédier au Cocyte, si ses Spectres ne s'en sont pas chargé avant. Il est piégé.

Il serre les dents. Comment a-t-il pu en arriver là ?

XxX

Le lendemain, seul dans les appartements de Minos, Saga se prend la tête entre ses mains. Il ne sait plus ce qu'il doit faire. Une part de son esprit pense au désert glacé du Cocyte et il secoue la tête. Il refuse d'y retourner, même s'il sait que cela finira par se produire. Il ne veut pas, ne le supportera pas, pas après des semaines dans la douce chaleur de sa prison.

Il pense à Athéna et à tout ce qu'il lui a déjà fait. Trahison après trahison après trahison. Y a-t-il eu un seul moment durant sa vie où il s'est montré digne d'elle ? Non, probablement pas. Il est la honte de son ordre.

Ses poings se referment dans ses cheveux alors qu'il se met à tirer dessus, à chaque fois de plus en plus fort. Les actions et les tortures de Minos ont au moins le mérite de l'empêcher de penser. Non mais qu'est-ce qu'il raconte ? Il n'y a absolument rien de positif dans ce que Minos lui fait subir, rien.

Il ferme son œil aussi fort qu'il le peut. Il ne veut plus rien voir du monde. Pourquoi a-t-il seulement accepté d'être le jouet de Minos en premier lieu ? Comment a-t-il pu se montrer aussi faible ? Il aurait dû résister, se montrer digne de son ordre.

Le Cocyte l'aurait à ce point dégradé ?

Au loin, Saga peut entendre la voix de Kanon, son cher frère, sa tendre moitié, lui souffler de mettre un terme au règne d'Athéna. Il l'entend lui murmurer les pires trahisons pour leur offrir un peu de joie dans ce monde. Il l'entend lui susurrer de commettre le pire des parjures pour toucher du doigts la félicité.

Au final, c'est ce qu'il a fait. Et il a entraîné d'honnêtes hommes dans sa chute. Il n'en aura simplement rien tiré de positif.

Sous sa peau, le froid du Cocyte grignote ce qu'il lui reste de bon sens et de raison.

XxX

Les étoiles souterraines brillent dans le ciel opaque et brumeux de Enfers. Elles étincellent de la plus noir des lumières, de la plus glauque des manières. Et sous leur éclat, les misérables et les miséreux se lamentent sur leurs péchés, enchaînés dans leur malheur.

Aux portes des Enfers, Saga se tient debout dans son Surplis. Il sait, comme il sait tout ce qu'on lui a enfoncé dans le crâne, que le moment est venu. Sur son corps, il peut encore sentir les centaines de fils s'accrocher à sa peau et s'enfoncer dans sa chair. Et les marques, les cicatrices, les brûlures et les coupures qui ne guériront jamais sont le rappel constant de sa condition.

Car Saga n'est qu'un pantin, une jolie poupée articulée et manipulable, rien qu'un jouet qui n'a de valeur que l'intérêt que lui porte son propriétaire.

Mais qui irait s'en soucier ? Saga est né pour être le pantin imparfait de Minos. La marionnette idéale, tout à fait obéissante et docile.

Et aujourd'hui, la poupée doit tuer Athéna et apporter sa tête à son maître.

Et aujourd'hui, la poupée apportera ce cadeau à son maître, livré sur un plateau d'argent.

Et aujourd'hui, la poupée abandonnera le passé qui l'a façonné pour l'avenir que son maître lui destinera.

Pour toujours et à jamais.