Disclaimer : L'univers et les personnages de "Wes & Travis" ne m'appartiennent pas.
Relations : Travis Marks / Wesley Mitchell
Rated : MA (réservé à un public averti, relations sexuelles explicites) (dans le chapitre 1)
Note : CE FANDOM EST. DÉCÉDÉ. JE POSTE QUAND MÊME, PARCE QUE JE SUIS MASO. J'ai cette fic terminée sur mon PC depuis... un moment... et je l'aime trop, guys. S'il y a quelqu'un ici, s'il-vous-plaît dites-moi ce que vous en aurez pensé :')
Note 2 : Cette histoire est en 3 parties, le premier chapitre se passe avant la série, les deux autres se passent après, et je posterai un chapitre par semaine pendant trois semaine (y compris ce premier jour) ! Mon idée de base étant... "et s'ils avaient couché ensemble avant le début de la série ?" :O Enfin bref, ça m'a beaucoup plu d'écrire cette petite histoire ! J'espère que ce sera lu :))
Enjoy !
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- Chapitre 2 -
Après la mort de Pacman et toute cette merde avec les corrompus de son service, la thérapie leur avait fait un bien fou. Ça aurait été ridicule de le nier. Bien sûr ils y étaient allés à reculons, et bien sûr ils avaient passé leur temps à freiner le Dr Ryan, mais au bout du compte ça avait fait des merveilles sur eux. Ils avaient recommencé à communiquer. Ils avaient recommencé à se parler, à se parler vraiment, sans détour. Ils s'entendaient à merveille. Ils ne se cachaient plus rien. Plus rien.
-Travis ? Wes ?
Travis releva les yeux, délaissant un instant le parquet municipal pour regarder le Dr Ryan.
-On est déjà presque à mi-séance et on ne vous a pas beaucoup entendus.
Ce n'était pas une question à proprement parler, et pourtant c'était évident qu'elle attendait quelque chose. Travis regarda vers Wes, brièvement, il le vit décroiser ses jambes pour les croiser dans l'autre sens, comme s'il ne savait pas quoi faire d'elles. Travis, lui, haussa les épaules.
-On va bien, dit-il seulement.
-Ouais, ça va super, approuva son équipier.
Ça avait peut-être un peu manqué de conviction, d'un côté ou de l'autre, ou d'un côté plus que de l'autre – Travis n'aurait pas su dire duquel. Le Dr Ryan leur adressa ce regard, celui qu'elle leur réservait quand elle voyait clair dans leurs mensonges, celui qui ne cillait pas. Travis n'était pas encore tout à fait sûr de vouloir aborder le sujet en thérapie, pourtant. Déjà, parce qu'il n'avait même pas encore essayé d'en parler avec Wes. Il n'avait pas non plus envie de le prendre en embuscade, là, devant tout le monde, sans prévenir. Et puis, il n'était même pas certain d'avoir envie de lui en parler, tout court. Le Dr Ryan répondit à leur silence par un petit sourire indulgent.
-Je vous rappelle que vous avez expressément demandé à continuer faire partie de ce groupe, si vous voulez de mon aide il faut pouvoir me parler de ce qui vous préoccupe.
Il n'y avait bien qu'elle pour balancer un reproche de ce genre et sembler si bienveillante. Travis en hésitait presque à tout déballer – presque. Il ne pouvait pas faire ça à Wes.
-En fait, entendit-il près de lui, il y a bien quelque chose.
Surpris, il fronça les sourcils, mais n'osa pas se retourner vers Wes pour le regarder.
-Depuis, allez… réfléchit-il, deux jours ? Travis a été extrêmement distant, et je n'ai aucune idée de pourquoi.
Là il se retourna vers lui. Surpris n'était même plus assez fort pour désigner ce qu'il ressentait. Wes, direct en thérapie ? Prêt à attaquer la bête, sans préliminaires ? Le Dr Ryan parut surprise elle aussi, mais il ne sut dire si c'était à cause de sa franchise ou de ce qu'il avait dit.
-Est-ce que vous avez essayé de lui demander ?
-J'ai essayé, oui, répondit Wes sans le regarder. Mais rien à faire. Une huître.
Travis leva les yeux au ciel. Il avait essayé… Il avait demandé, ici et là, et Travis lui avait dit que tout allait bien. Ce n'était pas non plus la fin du monde. Pourtant, quand il reporta son attention sur le groupe, tout le monde lui adressa ce regard. Il réajusta sa position sur sa chaise, mal-à-l'aise
-Travis, est-ce que vous voulez dire au groupe à quoi vous pensez ?
Nope. Il grimaça.
-Pas vraiment…
-Ah ! s'exclama Wes comme s'il venait de gagner à la loterie. Donc il y a quelque chose ! Qu'est-ce que j'ai fait ? C'est à cause de tes Mars glacés ? Je te l'ai dit, ce n'est pas moi, je n'en mange pas.
Il roula des yeux, malgré lui.
-Alors déjà, je sais que tu manges des barres glacées quand tu penses que personne ne va remarquer, et ensuite non, ce n'est pas à cause de ça- quel âge tu penses que j'ai ? s'interrompit-il lui-même en se retournant vers lui, sourcils froncés. Cinq ans ?
-Ce n'est pas moi qui évite le sujet comme un enfant…
-Messieurs.
Ils s'interrompirent, se retournèrent vers leur thérapeute, retournant l'un et l'autre dans le fond de leur chaise. Elle avait raison. Ils s'égaraient. Travis se pinça les lèvres – son cœur battait un peu fort, et ce n'était pas que la frustration. A moins d'un coup de fil imminent du département, le Dr Ryan allait avoir tout le temps nécessaire pour lui faire admettre le malaise.
-De toute évidence, Wes a le sentiment que quelque chose vous dérange, Travis, et s'inquiète que vous ne vouliez pas lui en parler.
S'inquiète ? Travis jeta un rapide coup d'œil de côté. Wes se repositionna de quelques millimètres sur sa chaise. Il hésita, de nouveau, un instant. Il considéra vraiment l'option de… mais il garda le silence un instant trop longtemps et le Dr Ryan se tourna vers son équipier.
-Wes, pourquoi ne nous expliqueriez-vous pas comment cela a-t-il commencé ?
-Eh bien… réfléchit-il – mais il fronça les sourcils. Je ne suis pas sûr. J'ai remarqué que quelque chose n'allait pas mercredi matin.
Travis ne le regardait pas, mais il l'écoutait attentivement. Déjà, il secouait doucement la tête, dépité – il arrêta dès qu'il s'en rendit compte, pour ne pas que le Dr Ryan ne le voie faire. Wes n'avait même pas une petite idée de ce qu'il se passait. Incroyable travail d'enquêteur, brillant lieutenant de la police de Los Angeles… Le Dr Ryan regarda brièvement vers lui, avant de reporter son attention sur Wes.
-Que s'est-il passé, mardi ? Est-ce que vous avez bouclé votre affaire ?
Wes et lui voyaient le Dr Ryan et le groupe les lundis soir et les vendredis matin. Lundi, ils avaient parlé du travail. Un tireur isolé, qui choisissait des victimes aléatoires, dans des grands lieux très fréquentés. Ils avaient quitté la séance précipitamment, en se rendant compte que leur tireur n'était probablement pas isolé, que les victimes n'étaient probablement pas aléatoires, et avec une idée très nette du prochain lieu très fréquenté. Et puis, il y avait eu mardi. Travis vit Wes se repositionner une énième fois inconfortablement sur sa chaise. Il avait l'air bien moins sûr de la nécessité de partager avec le groupe, maintenant.
-Oui, on a…
Il hésita. Puis il changea d'angle d'attaque.
-On s'est retrouvés dans une… position délicate.
Le Dr Ryan inclina légèrement la tête sur le côté.
-C'est-à-dire ?
Wes regarda brièvement vers lui et le temps d'un instant leurs regards se croisèrent, avant qu'il ne se détourne. C'était une manière… élégante de le formuler. Le tireur fou sans motif apparent s'était en fait révélé être le frère très discipliné d'un fanatique de la suprématie blanche, qui s'était lui-même révélé être un professionnel des explosifs. Wes et lui avaient alors eu l'idée la plus stupide de leur carrière : ils s'étaient séparés.
-Je suis allé à la recherche du tireur avec le SWAT, et Travis est parti sur la cible avec les démineurs.
Un instant, il ne dit rien de plus. Travis crut même qu'il allait s'arrêter là. Le Dr Ryan eut l'air de croire qu'il allait s'arrêter là. Une poignée de secondes s'écoulèrent avant que Peter n'intervienne.
-Et… hésita-t-il. Qu'est-ce qu'il s'est passé ?
Wes se racla la gorge, évita le regard de tout le monde, comme il savait si bien le faire. Il décida de retourner son attention sur le Dr Ryan et sur elle seule. Travis, lui, décida d'offrir son attention au stock de tables empilées près du mur loin sur sa droite.
-Nos, hm… nos radios ont cessé de fonctionner.
Cessé de fonctionner ? Travis ne parvint pas à retenir un hoquet sarcastique qui ramena l'attention sur lui.
-Cessé de fonctionner ? répéta-t-il, incrédule. Tu t'es fait tirer dessus !
Il avait été en pleine recherche de la bombe quand la communication s'était arrêtée nette dans un bruit de fusillades ! Wes leva les yeux au ciel, mais maintenant Travis retrouvait l'agitation qui venait avec le souvenir de l'opération.
-D'accord, dit-il. Le suspect a tiré dans ma radio.
-J'ai cru que t'étais mort ! s'exclama Travis en se retournant vers lui.
C'était quand même dingue de minimiser un truc pareil ! Si lui avait parlé comme ça de la même situation, Wes lui aurait dit qu'il était immature ou il ne savait quoi encore ! Wes évita son regard et Travis fut bien trop conscient de celui de tous les autres sur lui, alors il retourna au fond de sa fichue chaise et croisa les bras sur son torse, sèchement. Il aurait pu s'excuser, parce que c'était Wes qui racontait et parce que la règle entre eux était de ne pas s'interrompre en thérapie, mais il était trop en colère alors il se contenta de se taire. Le Dr Ryan fit signe à Wes qu'il pouvait poursuivre, s'il en avait envie. Travis détourna les yeux.
-On a pu arrêter le tireur, dit Wes doucement. Mais…
Travis jeta un regard dans sa direction. Il regardait le sol, puis détourna les yeux à son tour, de l'autre côté. Il se racla la gorge.
-Le bâtiment d'en face, hm, le bâtiment d'en face a partiellement explosé.
Quelque chose dans la façon qu'il eut de le dire mit Travis mal-à-l'aise. Rozelle laissait échapper un petit cri surpris.
-Oh ! Oui, j'ai vu ça à la télé !
-Ah mais oui, reconnut Mme Dumont.
Son mari fronça les sourcils mais elle mit sa main à son bras.
-Mais si, souviens-toi, on venait de rentrer des courses.
Clyde, Peter et Dakota échangèrent un regard, et ce fut évident qu'ils n'avaient aucune idée de ce quoi les autres parlaient.
-Bien sûr j'ai, hm, j'ai essayé de joindre Travis mais… enfin c'est là que j'ai vu que ma radio était HS.
Dakota poussa une exclamation étouffée, presque horrifiée.
-Vous n'aviez pas d'autres moyens de le joindre ?
-Si, bien sûr, répondit Wes d'un air de vouloir minimiser – il croisa les bras devant lui et tout le monde dut voir clair dans son jeu. J'ai appelé sur son portable, mais, hm…
Travis le regardait. Il ne lui avait pas dit. Il ne lui avait pas dit qu'il avait essayé de l'appeler.
-Mon portable s'est brisé quand l'explosion m'a jeté au sol, souffla-t-il.
Wes se pinça les lèvres, mais ne répondit rien, ne le regarda pas. Il regardait le Dr Ryan. Le Dr Ryan, elle, les regardait l'un et l'autre. Elle ne dit rien, non plus. Elle semblait attendre quelque chose. Travis ne voyait pas trop quoi, mais Travis était trop pris dans ce que Wes venait de sous-entendre qu'il en était venu à avoir un peu oublié le but de ce récit. Sur le coup, il avait pensé que Wes s'était approché de la scène de l'explosion et qu'il avait constaté là du désastre et qu'ils s'étaient trouvés tout de suite. Mais pas du tout. Wes avait eu bien dix minutes pour penser qu'il avait… qu'il avait sauté avec les murs.
-Vous vous êtes donc retrouvés dans une situation où, sans pouvoir communiquer, vous avez tous les deux pensé que l'autre était mort ?
Le Dr Ryan l'énonça avec douceur, mais ça ne le rendit pas plus facile à entendre. Le silence perdura, sans qu'aucun d'eux ne lui réponde. Dakota fut la première à réagir.
-C'est horrible…
Travis regarda brièvement vers elle, et Wes détourna les yeux. Le Dr Ryan repositionna son carnet sur ses genoux.
-Et ensuite ? demanda-t-elle doucement. Que s'est-il passé ?
Bien sûr, elle ne pouvait pas croire que c'était d'avoir cru Wes mort qui avait rendu Travis distant. Wes, pourtant, haussa les épaules, sans la regarder. Il savait. Travis en fut certain. Maintenant, il savait. Il avait compris. Peut-être pas entièrement, mais maintenant il voyait le lien. Travis regarda ses chaussures. Ils s'étaient crus morts, voilà ce qui s'était passé. Et quand ils s'étaient retrouvés, entre toutes les voitures de police et de pompiers… Travis lui avait presque sauté au cou. Wes et lui n'avaient jamais vraiment été du genre à se prêter aux accolades, mais ils s'étaient serrés si fort que Travis avait senti son cœur se soulever de joie. Et quand ils s'étaient séparés… Il se pinça les lèvres. Quand ils s'étaient séparés, Travis avait cru… pendant un instant, il avait cru… qu'ils allaient… Il avait cru qu'ils allaient s'embrasser. En tout cas, Travis lui l'aurait fait. Ça n'avait duré qu'une seconde, mais il l'avait ressenti. Et il était sûr que Wes l'avait remarqué.
Mais Wes n'allait pas le dire.
-J'ai cru… commença-t-il. Enfin, ça ne doit pas être ça.
-Il n'y a aucun sujet tabou ici, rappela le Dr Ryan. Vous pouvez tout exprimer.
Wes décroisa puis recroisa ses doigts sur ses jambes.
-Je ne crois pas que ce soit ça, parce que je ne crois pas que ça se soit vraiment passé, précisa-t-il.
Le Dr Ryan lui adressa ce discret signe de tête, celui qui encourageait à continuer. Travis se mordit la lèvre, nerveusement.
-J'ai cru, répéta-t-il, pendant un instant… qu'on allait… enfin, qu'on allait s'embrasser.
Rozelle et Dakota cachèrent un hoquet de surprise derrière leurs mains, Clyde laissa échapper un sourire entendu, les autres écarquillèrent légèrement les yeux – même leur thérapeute. Même Travis. Il avait cru « qu'ils » allaient s'embrasser ? Pas que « Travis » allait l'embrasser ? Pas que ça changeait quelque chose. Le Dr Ryan ne parla pas tout de suite. A vrai dire, elle garda le silence exactement une seconde de trop, juste assez pour que ça se remarque.
-Oh, dit-elle ensuite. Je vois.
-Mais, reprit Wes immédiatement, mais je veux dire, c'était juste dans ma tête, c'était sur le moment, on n'a pas vraiment- je veux dire, Travis n'a pas…
Il hésita, puis il se tut. Le Dr Ryan se retourna vers lui, et Travis sentit toute chaleur quitter son visage.
-Travis ? Est-ce que vous partagez ce sentiment ?
Il se pinça les lèvres pour ne rien répondre. Réfléchir, il devait d'abord réfléchir. Le problème d'aborder la question sous cet angle, c'était que le Dr Ryan et le groupe pensaient maintenant que le souci venait du fait qu'ils s'étaient presque embrassés et ça avait provoqué un malaise parce qu'ils étaient amis et équipiers – mais il leur manquait un sacré morceau du puzzle. Wes et lui s'étaient déjà embrassés par le passé. Une fois, certes, mais ce n'était pas le problème. Enfin, à une occasion. Et puis d'ailleurs, si, c'était ça le problème.
-Ce n'est pas pour ça que je me sens mal.
Wes se tourna vers lui, Travis le sentit tout de suite. Il baissa les yeux, brièvement, s'humidifia les lèvres, conscient qu'il venait d'admettre qu'il avait un problème. Il réfléchit à toutes les façons qu'il pouvait avoir d'expliquer son malaise au groupe, mais tout lui semblait prendre si longtemps à raconter qu'il grimaça. Ils n'auraient jamais dû cacher ça au Doc, après une année entière de thérapie ça semblait un peu tard pour aborder le sujet. Il se redressa légèrement dans sa chaise, releva les yeux vers leur thérapeute, leva les mains devant lui comme pour poser des bases symboliques.
-Alors, attendez, avant que je dise quoi que ce soit, il y a quelque chose que vous devez savoir sur nous.
Le Dr Ryan sut se montrer plus à l'écoute encore. Un sacré tour de force. Travis s'humidifia les lèvres de nouveau, et cette fois-ci c'était peut-être un peu pour gagner du temps.
-Quand Wes était toujours marié à Alex, on a eu un…
Il hésita à la façon de l'appeler.
-Une aventure, décida-t-il.
Tous les yeux s'écarquillèrent si vite qu'il s'empressa de préciser.
-Très brève ! Une fois.
Wes ne l'interrompait pas, et Travis pria pour qu'il continue. Leur thérapeute avait très légèrement froncé les sourcils, ça faisait un très discret pli au bas de son front.
-Je la connaissais pas encore, expliqua-t-il pour le groupe, et Wes et moi on n'était pas coéquipiers.
Il n'était pas sûr que pour eux ça changeait quoi que ce fût, après tout ils étaient des couples mariés en thérapie, mais pour lui c'était important de le préciser.
-On n'en a jamais reparlé, et tout se passait très bien, assura-t-il.
La surprise de devoir travailler en équipe l'avait un peu pris au dépourvu, au début, mais rien n'avait jamais été bizarre. Ils étaient restés sur la lancée de leur première affaire ensemble et leur partenariat avait marché comme sur des roulettes, une vraie machine de guerre, avec pour seul défaut leur manie de tout transformer en compétition – ce qui ne gâchait rien, en vérité. Travis avait même rencontré Alex, ils étaient devenus amis, Wes et lui arrêtaient les méchants, zéro malaise. Il leur dit, il partagea sa version des faits avec le groupe, parce que ça n'avait jamais été un problème et ils devaient le croire. Puis il s'interrompit. Et hésita, un instant.
-Et puis, ils ont divorcé.
Le Dr Ryan pencha légèrement la tête sur le côté. Travis chercha ses mots, gêné.
-Et- et on n'en a toujours pas reparlé, ce qui m'allait, j'imagine.
Il n'arrivait pas à croire qu'ils parlaient de ça en thérapie, après si longtemps. Il ne savait même plus où il allait, avec ça. Ou plutôt, il n'était plus si sûr d'avoir envie de le dire. D'ailleurs, il n'avait jamais eu l'intention de le dire, c'était Wes qui avait insisté pour qu'ils démêlent le malaise en thérapie. Ce qui était précisément ce pour quoi la thérapie était faite, certes. Mais était-ce vraiment une raison. Et puis, tout le monde le regardait.
-Travis, demanda le Dr Ryan. Est-ce qu'à l'époque vous avez pu penser que, peut-être, Wes et Alex avaient divorcé à cause de son infidélité ?
Travis se sentit plus mal-à-l'aise encore. Wes le regardait. Il pouvait le sentir. Il n'osa pas regarder dans sa direction. Il ne voulait pas voir l'expression sur son visage.
-Eh bien… hésita-t-il. Ça m'a traversé l'esprit, oui.
C'était ridicule. Il avait su avant de le dire que c'était une idée ridicule, et de le dire à voix haute ne faisait que souligner à quel point c'était ridicule.
-Mais- mais ça faisait déjà quatre ans, se défendit-il. Je veux dire, c'est un sacré délai, si jamais elle l'a appris je suis persuadé qu'il y avait prescription !
Il avait tenté de jouer la carte de l'humour, mais ça ne sortit pas avec le bon ton, ni avec la bonne énergie, ni avec le bon rien du tout. Le Dr Ryan insista.
-Mais est-ce que vous avez pensé que ce secret entre eux avait pu détériorer leur relation et, peut-être même, finir par les séparer ?
Bêtement, il ne sut pas quoi répondre.
-Est-ce que c'est cette pensée qui vous trotte dans la tête, ces derniers jours ?
Ça lui fit comme un coup dans les poumons. Après tout ce qu'ils avaient pu dire dans cette salle… après tout ce qu'ils avaient déballé ici… il ne s'était jamais senti aussi vulnérable qu'à cet instant. Il croisa les bras devant lui, scella ses lèvres. Il ne savait pas quoi dire. Il ne voulait pas répondre. Qu'est-ce qu'il était censé dire ? Oui ? Et pour quoi faire ? Ils n'allaient nulle part avec ça. Ils n'auraient jamais dû en parler. Ce serait irrécupérable, maintenant.
Le Dr Ryan, elle, se détourna de lui de quelques centimètres.
-Wes ? appela-t-elle. Vous avez envie de dire quelque chose ?
Travis se fit violence pour parvenir à tenter un regard vers lui. Il regardait le sol. Il avait croisé les mains, ses coudes sur ses genoux, légèrement penché en avant, et ses yeux étaient rivés au lino. Il le vit les relever brièvement vers le Dr Ryan avant de les détourner vers l'extérieur du cercle, comme s'il ne voulait regarder personne.
-Alex savait que je l'avais trompée, dit-il.
Ses mots mirent une éternité à prendre leur sens sous son crâne. Il écarquilla les yeux, doucement.
-Quoi ? souffla-t-il.
Il ne pouvait pas le croire. Wes se décida enfin à le regarder. Il y avait ce… truc, dans ses yeux. Mais Travis n'en avait rien à faire que ce fût de la honte ou des regrets ou mille autres choses.
-On était dans une mauvaise passe, tous les deux. Je lui ai dit dès que je suis rentré.
Il avait… il avait fait quoi. Après avoir passé la moitié de la séance à éviter son regard, maintenant Travis ne pouvait plus s'arrêter de le regarder. Il ne pouvait pas être sérieux…
-Elle savait que c'était avec moi ?
Ça sortit tout seul. Il entendit la peur dans sa voix mais il était trop mortifié pour en avoir quelque chose à foutre. Wes se mordit la lèvre, nerveusement, rien qu'un instant. Travis crut qu'il allait se détourner de lui, mais il n'en fit rien.
-Oui.
-Putain…
Il n'arrivait pas à le croire !
-Je ne lui ai pas dit, reprit Wes immédiatement. Elle l'a deviné.
Alors là, c'en était trop – les sourcils de Travis se froncèrent et emportèrent tout son visage avec eux dans une expression qui dut trahir à quel point il était outré d'apprendre ça, de l'apprendre maintenant.
-Deviné ? répéta-t-il.
-Après le premier dîner chez nous.
Incroyable. Ahurissant. Travis détourna les yeux, secoua la tête, croisa de nouveau les bras sur son torse. Wes se tut, et pendant un instant plus personne ne dit rien. Travis pensa brièvement à partir. A se lever, et à partir.
-Quel dîner ? intervint finalement le Dr Ryan.
Quel dîner. Merveilleuse idée. Confronter Wes à son hypocrisie, voilà qui était un plan qui lui allait tout à fait. Qu'il raconte, maintenant, comment il avait laissé sa femme inviter chez eux l'homme avec lequel il l'avait trompée. Après tout, rien n'était tabou, on se disait tout ! Il fulminait. Alex. Elle avait su, tout ce temps. Ah merde il se sentait tellement… il n'avait même pas de mot pour décrire la façon dont il se sentait. Il continua de secouer la tête, il ne pouvait plus s'arrêter, il passa une main sur sa bouche, il allait imploser.
-Après qu'on a été assignés coéquipiers, expliqua Wes, Alex s'est montrée curieuse de le rencontrer, alors on l'a invité à dîner.
Il avait cette façon de le raconter. Cette douceur, Travis ne savait pas si c'était de la nostalgie ou de la résignation, mais ça le mettait hors de lui.
-Pourquoi cette curiosité ? demanda le Dr Ryan.
-C'était mon nouveau partenaire, il revenait souvent dans la conversation. Et puis, elle savait qu'on avait bossé ensemble sur l'affaire des filles disparues.
La colère de Travis retombait, peu à peu, de devoir se concentrer pour l'écouter. Il n'en était pas moins frustré et… et… ragh. Mais il arrêta de gigoter, se tint tranquille, et serra les dents.
-Comment vous êtes-vous senti, d'accueillir Travis chez vous après ce que vous aviez partagé ?
Wes sembla hésiter, un instant. Un instant seulement. Il l'avait cherché, se dit Travis. C'était de sa faute, s'ils parlaient de ça.
-J'étais un peu gêné, mais Alex et moi on essayait vraiment de s'impliquer dans la vie de l'autre. On ne faisait plus le même métier, alors ça demandait plus d'efforts, surtout pour elle.
Leur thérapeute sembla intéressée par le choix de ses mots. Travis, lui, attendait impatiemment le passage où il omettait de lui dire que sa femme savait qu'ils avaient couché ensemble.
-Et pas pour vous ? fit-elle – il haussa les épaules.
-Je n'avais pas soudainement oublié comment c'était d'être un avocat. Elle, elle découvrait le monde de la police de l'intérieur pour la première fois.
Le Dr Ryan se tourna vers lui de nouveau et soudain Travis redouta ce qu'elle allait pouvoir lui dire.
-Travis, vous dites que vous avez eu l'impression d'avoir pu jouer un rôle dans la séparation de Wes et Alex.
Ouais, il avait ditça. Ce n'était pas une question, et il ne répondit rien. De toute façon il était trop frustré, trop agacé pour participer plus que le minimum. Il avait déjà dit ce qu'il avait à dire, il n'avait rien à ajouter. Ça le mettait mal-à-l'aise, parce que c'était une idée stupide, et maintenant ça faisait dix minutes qu'ils ne parlaient que de ça, et pour couronner le tout Alex savait ? Wes aurait dû laisser tomber, ça aurait fini par se tasser, ça aurait fini par lui passer, et ils auraient été de nouveau au meilleur de leur forme. Il fit taire la petite voix qui lui rappela que c'était à cause de leurs problèmes de communication qu'ils avaient précisément dû commencer cette thérapie.
-Est-ce que vous en aviez déjà parlé à Wes ?
Il se pinça les lèvres, gêné.
-Jamais, en deux ans ? intervint Rozelle.
Il voulut se retenir de grimacer, mais n'y parvint qu'à moitié. Comme il l'avait dit, ils étaient là pour leurs problèmes de communication.
-Wes, reprit le Dr Ryan, vous avez dit être gêné de recevoir Travis chez vous.
Encore, pas une question, et Wes eut l'air d'attendre que la suite arrive. D'ailleurs, Travis était bien curieux de savoir où elle allait avec ça, maintenant que ce n'était plus à lui qu'elle parlait.
-Vous dîtes pourtant qu'Alex savait que vous l'aviez trompée et que vous faisiez tous les deux des efforts, alors pourquoi cette gêne ?
-Alors déjà, fit Wes en fronçant les sourcils, vous dîtes ça comme si j'avais été le seul à être infidèle. Je l'ai dit, on était dans une mauvaise passe.
Le Dr Ryan eut un discret signe de tête, indiquant qu'elle prenait note de ce qu'il voulait dire.
-Ensuite, oui, elle savait, mais elle ne savait pas que c'était avec Travis. Je ne pensais pas avoir besoin de lui dire.
Travis parvint enfin à reposer les yeux sur lui. C'était vrai qu'il avait dit lui avoir dit le jour-même… ce jour-là, il n'était pas encore question qu'ils travaillent de nouveau ensemble. Ils comptaient se revoir pour le procès, et puis peut-être qu'ils sortiraient çà et là avec Pacman, ou qu'ils se croiseraient de temps à autres au centre de tir.
-Jusqu'à ce que vous deveniez partenaires, énonça leur thérapeute.
-Ouais.
Un instant, il n'ajouta rien. L'idée semblait faire son chemin dans l'esprit de chacun. Ils voyaient, maintenant, la situation dans laquelle il s'était trouvé. Travis voyait, maintenant, la situation dans laquelle Wes s'était trouvé.
-Mais là, c'était trop tard pour lui dire, dit-il tout de même. Vous imaginez ? « Eh chérie, tu sais quand je t'ai dit que je t'ai trompée il y a deux mois de ça ? Eh bien j'avais oublié de te dire mais c'était avec Travis, tu sais, mon nouveau partenaire, que je vois maintenant tous les jours et que tu veux inviter à dîner mardi prochain ? Mais surtout, dis-moi si ça t'ennuie ! »
Ouais, ils imaginaient. Travis imaginait. Il baissa les yeux. Ça n'excusait pas le fait qu'il ne lui avait pas dit, à lui, qu'elle savait. Ça ne l'aurait pas empêché de penser qu'il avait accéléré la ruine de leur mariage, mais au moins il aurait eu la décence de ne pas être si… Travisien, avec elle.
-Vous dîtes qu'elle a deviné.
Encore, pas une question. Travis osa un regard en biais. Wes se mordait le coin de la lèvre.
-Est-ce qu'elle était… fâchée ?
-Pourquoi- pourquoi on parle de ça ? balbutia-t-il presque, comme gêné. C'était il y a une éternité.
Travis fronça très légèrement les sourcils, malgré lui. Pourquoi ça ça le gênait, alors que d'admettre qu'il avait été infidèle, d'admettre qu'il avait menti était passé si facilement ? Le Dr Ryan eut pour Wes un sourire doux, comme pour l'apaiser, et prit le temps d'expliquer la raison de sa question. Elle faisait ça vraiment bien. Vraiment bien. C'était aussi pour ça qu'ils avaient voulu continuer à venir. Elle savait s'y prendre, avec eux.
-Eh bien, de toute évidence, Travis avait l'impression que votre infidélité avait pu être à l'origine du conflit qui a fini par vous séparer d'Alex, et vous venez de nous dire qu'elle savait que c'était avec lui que vous l'aviez trompée, alors la question me paraît légitime.
Merde, elle était vraiment douée. C'était vrai ça, il avait dit ça, et Wes leur avait appris ça. Peut-être qu'il allait savoir, finalement. Peut-être qu'il allait savoir s'il avait fait partie des raisons de leur divorce. Parce que si c'était le cas… si c'était le cas, alors jamais il ne pourrait… se voir, les voir comme… comme autre chose qu'une…
Mais la question ne se posait peut-être même pas.
Ce geste, qu'ils avaient eu, cette sensation qu'ils avaient ressentie après l'explosion comme s'ils avaient été prêts pour… comme s'ils avaient voulu… Ce n'était peut-être qu'un réflexe de proximité. Du soulagement. Ça ne voulait peut-être rien dire. Pourtant, s'ils l'avaient vraiment voulu, tous les deux, si Wes l'avait voulu aussi… Travis baissa les yeux.
Si cette première fois avait participé à mettre fin à son mariage, alors Travis ne pourrait jamais faire le premier pas sans se sentir comme la plus basse des raclures. S'il était l'amant qui avait précipité le divorce, après quatre ans d'amertume, alors il ne pourrait jamais être rien d'autre que ça. Pourtant, ce n'était pas le rôle qu'il voulait tenir. Il voulait pouvoir le prendre dans ses bras, l'embrasser sur une scène de crime quand il l'avait cru mort et qu'il ne le repousse pas. Il rêvait de longues soirées d'été, d'hiver, et surtout il rêvait de lendemains matins.
Wes soupirait à la réponse de leur thérapeute, vaincu.
-Elle n'était pas fâchée, souffla-t-il. On a dîné, ça s'est bien passé, Travis est parti, et c'est là qu'elle a… qu'elle m'a demandé si c'était lui. Je n'allais pas lui mentir.
Elle avait demandé. Travis déglutit, difficilement. Rozelle et Dakota échangèrent un regard entendu avec Mme Dumont. Leurs maris, eux, semblaient attendre la suite, pour mieux comprendre. Travis, lui, était en train de se concocter le pire de tous les scenarios. Il était ami avec Alex depuis si longtemps. Presque six ans. Presque depuis ce dîner, précisément. Mais elle savait.
-Ecoutez, fit Wes, je ne sais pas ce qu'elle a vu, d'accord ? Elle n'était pas fâchée, elle était… je ne sais pas ce qu'elle était, ce n'était probablement pas très agréable de se souvenir de mon infidélité, mais c'est tout.
-Est-ce que c'est pour ça qu'elle a continué à m'inviter ?
Il entendit à quel point sa voix fut blanche, mais il ne pouvait pas faire mieux. Wes se retourna vers lui, surpris.
-Quoi, pour me fliquer, tu veux dire ?
Il fronça les sourcils.
-On parle toujours d'Alex ?
Il disait ça comme si l'idée même était stupide.
-Non, elle t'aimait bien.
Ouais. C'était lui qui disait ça. Le mari infidèle, qui parlait à la place de sa femme. Et qui disait ça maintenant, six ans après les faits, presque deux après son divorce. Wes dut voir à la façon qu'il avait de le regarder qu'il n'était pas convaincu. Son regard eut soudain quelque chose de plus… de plus doux.
-Vous êtes amis, Travis.
Cette façon de le regarder le mit mal-à-l'aise, il ne sut pas dire pourquoi. Il le regardait souvent comme ça, pourtant. Dans ce contexte, ça lui parut… différent. Rien qui n'apaisait son amertume, cependant.
-Travis ?
Il se retourna vers le Dr Ryan.
-Quelque chose que vous voudriez ajouter ?
Oh, il y avait bien quelque chose, oui.
-Je veux dire, je viens d'apprendre qu'Alex savait toutes ces années que j'avais couché avec son mari et que monsieur ici présent n'a jamais pensé bon de me le dire ! Mais non, sinon, tout roule.
Il n'avait pas voulu sonner si dur, mais c'était trop tard maintenant, c'était dit. Le Dr Ryan ouvrit la bouche pour répondre quelque chose, mais le téléphone de Wes se mit à sonner et, immédiatement après, celui de Travis dans sa poche. Dieu merci. Travis enfonça sa main dans son jean pour en sortir son portable. C'était le Capitaine, et il les mettait sur une affaire. La meilleure nouvelle de la journée – il sauta presque sur ses pieds.
-On doit y aller, fit-il.
Et il sortit du cercle sans même prendre la peine de vérifier que Wes le suivait. Il voulait sortir de là, et même sortir de là le plus vite possible. Il dévala les escaliers et monta côté passager de la voiture sans prononcer un mot. Wes passa derrière le volant, enclencha les gyrophares, et démarra en trombes sans un regard vers lui.
-Prêt à travailler ensemble ? demanda-t-il seulement, les yeux sur la route.
-Bien sûr.
Ça sonna un brin amer, mais le travail, c'était le travail. Le reste avait attendu déjà deux ans à pourrir dans un coin, ça pouvait bien continuer à se décomposer quelques heures, ou quelques jours. Il n'était vraiment plus à ça près.
A suivre...
L'ambiance est folle, comme vous pouvez le constatez :))
Si vous avez un avis, il m'intéresse ! ;D
Le troisième (et dernier!) chapitre arrivera samedi prochain, le 12/11/22.
Ciao ciao ! ~
Chip.
