Écrire la lettre a été beaucoup plus difficile qu'elle ne l'avait imaginé.
Enfin, on pouvait difficilement appeler cela une lettre, en réalité cela ressemblait plus à une note. Rogue ne lui avait fourni aucune encre, elle en conclu donc que la plume était enchantée.
Par où commencer ?
Hermione ne devait pas clairement expliquer où elle se trouvait, elle ne devait pas dire que cela venait d'elle et elle ne devait pas parler de Draco.
Pourquoi ? Elle y avait réfléchit pendant longtemps et s'était accordé sur le fait qu'il valait mieux, pour tout le monde, que ses amis ignorent la collaboration forcée qu'ils étaient obligés d'entretenir.
Harry serait fou d'inquiétude et pourrait même la soupçonner d'avoir été ensorcelée. Ron ... Ron ne supporterait tout simplement pas. Non, pour le moment, il fallait qu'elle garde cela pour elle. Elle leur raconterait une fois qu'elle les aurait retrouvé. Cela valait mieux pour Draco aussi, et qu'elle ne le veuille ou non leurs intérêts actuels étaient commun : ne pas se faire attraper ni par les mangemorts, ni par l'Ordre. Ainsi, si jamais le hibou venait à se faire intercepter, ni elle ni lui n'auraient de problèmes.
Il faudrait aussi qu'elle trouve une manière de leur expliquer qu'elle est en sécurité pour le moment, autrement ils pourraient se mettre eux même en danger dans leur recherche.
Hermione avait passé plusieurs minutes assise en tailleur par terre, penchée sur son bout de parchemin et gigotant sa plume, sans trouver les bons mots. Il était d'autant plus difficile de se prêter à cet exercice sous le regard inquisiteur de Draco et du hibou de Rogue. L'oiseau était toujours perché sur le dossier du sofa, ses grands yeux dorés fixés sur elle d'un air vindicateur. Deux vautours, voilà ce qu'elle pensait d'eux en ce moment.
- Pourrais-tu cesser de me fixer, s'il te plaît ? Cela ne m'aide pas du tout, soupira t'elle
Le serpentard leva les yeux au ciel en grognant avant d'aller se jeter dans le canapé derrière elle. Hermione rabattit ses épais cheveux derrière ses épaules d'un revers de la main et se remit à réfléchir. Elle devait simplement leur dire l'endroit où elle se trouvait, et signer le mot de manière « anonyme ». Mais Harry et Ron ne devraient avoir aucune doute quand à son identité, sans cela ils penseraient qu'ils s'agit d'un piège. Elle devait utiliser un pseudonyme qu'eux seuls pourraient identifier. Quelque chose que personne, ou peu de gens, savent.
Elle passa le bout de la plume contre ses lèvres, pensive. Draco, lui, s'était allongé sur le sofa, avait ouvert le livre de divination et le feuilletait sans conviction d'un œil dédaigneux en gigotant sa jambe impatiemment. Au bout d'une poignée de minutes, le visage de la gryffondor s'illumina.
« Cherche cerf et chien. Cerf n'aura pas besoin de poudre pour venir comme en 92.
Envoyez le porteur de chaussette. Loutre. »
Hermione se redressa et observa le bout de parchemin qu'elle tenait entre ses mains. Bon, c'était un peu... particulier ; mais au moins il n'y aurait pas de place au mystère. Harry se souviendra à coup sûr d'avoir utilisé, lors de leurs deuxième année, la poudre de cheminette. L'expérience l'avait quelque peu chamboulée et, après tout, on n'oublie pas un passage chez Barjow & Beurk. La mention de leur patronus était à la fois sûre et claire. Seuls les membres de l'armée de Dumbledore avaient aperçu le sien lors de leurs entraînements dans la salle sur demande.
Ça peut marcher, se dit la gryffondor avec conviction.
Elle s'apprêtait à plier le parchemin lorsqu'elle entendit Draco s'esclaffer, juste au dessus de son épaule. Toujours allongé sur le canapé, il s'était appuyé sur un coude et s'était penché au dessus d'elle pour jeter un œil à la note. Et visiblement, il y trouvait quelque chose de très comique.
Hermione fronça les sourcils et le chassa d'un revers de la main. Elle était agacée par le fait que ce dernier n'avait pas pu s'empêcher de la surveiller, encore une fois, mais décida d'éviter une autre dispute. Draco était borné au possible, il ne s'excuserait pas et Hermione refusait de gâcher sa bonne humeur.
- Qu'est-ce qu'il te fait rire ? dit-elle d'un ton acide.
Draco repartit de plus belle, se rejetant sur le sofa en se tenant le ventre de ses deux bras, la tête appuyée contre l'accoudoir. Il avait ramené ses cheveux en arrière et riait à gorge déployée, affichant un sourire éclatant. Elle ne l'avait jamais vu rire de cette manière, et s'en retrouva toute déconcertée.
- Granger ... articula t'il entre deux souffle.
- Mais quoi à la fin ?! S'impatienta t-elle.
Il se rassit dans le canapé en se tordant les côtes et Hermione adapta sa position pour lui faire face. Le serpentard repassa une main dans ses cheveux et appuya ses coudes sur ses genoux.
- Granger la LOUTRE !
Hermione le regarda d'un air blasé alors qu'il repartait de plus belle en s'adossant sur le fond du sofa.
- Une putain de loutre ! S'égosilla t-il.
- Eh bien quoi ?! Répondit-elle farouchement.
Draco soupira en laissant échapper des gloussements rauques.
- C'est juste que ...
- Que quoi ? Je te signale que la loutre est un symbole de stabilité, d'adaptation et d'altruisme ! C'est un animal très noble, expliqua t-elle fièrement alors que Draco contenait un nouveau fou rire.
- Oui enfin ... Ca reste une loutre, ricana t-il.
- Et alors ? J'imagine que MONSIEUR Malfoy a un dragon flamboyant et féroce pour patronus, c'est ça ?
Le rire du mangemort s'estompa rapidement, et Hermione ne pu s'empêcher d'esquisser un sourire mutin.
- Je suis sûre que c'est une fouine, persifla t-elle tout en pliant son parchemin.
- La ferme Granger ! Grogna t-il le regard noir.
- Touché.
Hermione se releva et se dirigea doucement vers le hibou de Rogue. Ses plumes se hérissèrent à son approche et il écarta légèrement les ailes dans une attitude menaçante.
- Tout doux, murmura t-elle
Elle approcha la main de l'oiseau précautionneusement et ce dernier lui arracha le papier d'un coup de bec, rapide comme l'éclair, lui pinçant les doigts au passage.
- Aïe !
Le hibou releva la tête d'un air satisfait avant d'agiter les ailes, clairement pressé de repartir. Hermione se précipita vers la fenêtre et essaya de l'ouvrir, sans succès. La poignée était trop haute. Une main la poussa sur le côté par l'épaule, et Draco ouvrit la vitre. L'oiseau décolla dans un vacarme de plumes et s'envola dans la nuit.
- Bien fait, dit en lui lançant un regard mauvais.
Ils se rassirent tous les deux dans le sofa, prenant soin d'être le plus éloigné possible l'un de l'autre. Draco s'était replongé dans le livre de divination, mais Hermione n'était pas dupe. Il faisait simplement semblant, sûrement pour éviter une conversation ennuyeuse ou contrariante.
Ils restèrent un bon quart d'heure dans un silence de plomb étrange, à la fois inconfortable et reposant. Hermione en profita pour manger la pomme verte qu'il lui avait laissé avant de partir.
Depuis que l'oiseau démoniaque de Rogue était repartit avec sa missive, elle se sentait plus légère. Et aussi moins seule, la perspective d'être réunie avec ses amis lui réchauffant un peu le cœur. Sans trop savoir pourquoi elle repensa à cette histoire de patronus.
Soudainement, elle réalisa que Malfoy n'avait probablement jamais eu l'occasion d'étudier le sujet à Poudlard. Après tout, Harry ne l'avait apprit que par nécessité auprès de Lupin, lors de sa troisième année. C'était hors programme, et il avait eu beaucoup de mal à maîtriser le sortilège. Le patronus n'est pas à la portée de tous les sorciers. Harry avait passé un temps fou à le leur enseigner, dans la salle sur demande. Hermione se demanda alors si Draco avait pu apprendre ce sortilège par lui même, mais arriva vite à la conclusion que c'était peu probable. Une nouvelle recrue dans les rangs du seigneur des ténèbres ne devait pas avoir le temps de pratiquer une telle magie. Elle croqua une nouvelle fois dans sa pomme avant de jeter un œil en direction du serpentard, toujours occupé à lire. Il lisait vraiment, au grand étonnement d'Hermione, et son visage était concentré, ses sourcils légèrement froncés.
- Tu sais, je pourrais t'apprendre, dit-elle de manière décontractée
Il lui adressa un coup d'œil suspicieux et remua sur son coussin.
- De quoi tu parles ?
- Du patronus.
Il se raidit. Pourquoi voudrait-elle lui apprendre quoi que ce soit ? Il pouffa du nez.
- Comme si j'en avais quelque chose à faire.
Hermione leva les yeux au ciel. Pourquoi fallait-il qu'il soit si hautain et méprisant ?
- C'est bête, se contenta t-elle de répondre.
Il plissa les yeux.
- Bête ? Maugréa t-il.
- Oui, c'est dommage.
- Pourquoi ?
Hermione s'en étonna presque, mais elle avait apparemment gagné son attention.
- Le patronus est un sort très utile, expliqua t-elle. Non seulement pour se défendre contre certaines formes de magie noire, mais aussi pour faire office de messager, par exemple.
- De messager ?
- Oui enfin... Cette particularité là est propre à certains sorciers. Je n'ai pas encore eu l'occasion de l'apprendre.
Draco la regarda, pensif. Il ne répondit rien, mais sembla considérer la question, à la fois intéressé et méfiant, curieux et réticent. Hermione fit disparaître les restes de sa pomme d'un coup de baguette et s'allongea du mieux qu'elle pu, tête contre l'accoudoir et genoux pliés vers elle.
Elle poussa un bâillement et releva le col de la cape sur ses joues. S'il voulait plus d'information sur le sujet, il lui faudra faire l'effort de lui demander. Ses paupières se firent plus lourdes. Elle ne le voyait pas, mais Draco l'observait toujours.
- Bonne nuit, dit-elle sans rien ajouter de plus.
Ses yeux gris détaillèrent la silhouette de la gryffondor, emmitouflée dans sa cape. Il aurait presque pu trouver cela touchant. En réalité, une partie de lui trouvait cette vision déchirante.
Si on lui avait dit, quatre ans plus tôt, qu'il se retrouverait dans cette situation aux côté de Hermione Granger... Et pourtant. La jeune femme était allongée à moins d'un mètre de lui, recouverte de sa propre cape aux couleurs de sa maison. Il eu un pincement au cœur. Une sorte de culpabilité, peut-être, ou bien de crainte. Sentant à nouveau que ses émotions lui échappaient, il soupira.
- Bonne nuit, répondit-il.
Draco n'arrivait pas à s'endormir. D'abord parce qu'il ne parvenait pas à trouver le sommeil, ensuite parce qu'il parvenait pas à s'installer confortablement.
Certes, le sofa était assez grand, mais il lui était impossible de s'allonger sans se plier contre l'accoudoir ou mettre ses jambes dans le vide. Hermione ne prenait pas beaucoup de place, recroquevillée de son côté, mais il était tout simplement trop grand pour qu'ils puissent tenir à deux dans le canapé. Et cela commençait à l'agacer.
Au bout d'une heure, il se leva d'un bond.
- Granger.
La gryffondor ne se réveilla pas. Il essaya une nouvelle fois, en se rapprochant un peu, sans succès. Il décida de prendre le taureau par les cornes, et secoua les jambes d'Hermione du bout de sa chaussure. Hermione se réveilla en sursaut, les boucles de ses longs cheveux complètement emmêlées et le regard effrayé.
- Quoi ?
- Lève toi.
- Hein ?
- Lève toi je te dis, répéta-il d'un ton monocorde.
Hermione s'exécuta, complètement perdue.
- Qu'est-ce qu'il y a ?
- Il y a que tu prends trop de place et que j'arrive pas à dormir.
Hermione le regarda d'un air ahuri, les yeux à demi ouverts. Il l'ignora, retira sa veste qu'il alla poser sur la commode non loin, et commença à retirer les coussins du sofa.
- Qu'est-ce que tu fabrique ? Dit-elle entre deux bâillements.
- Je m'occupe de mes affaires, et toi ?
Elle leva yeux au ciel et continua de l'observer en silence, resserrant la cape autour d'elle. Draco posait chaque coussin qu'il retirait au sol, de manière à former un matelas. Il ramassa aussi chaque draps qui recouvraient les meubles, les dépoussiéra d'un coup de baguette, et les étala sur le matelas de fortune qu'il venait d'improviser.
Hermione ne savait pas trop où se mettre, d'autant plus qu'elle avait la nette impression qu'il avait aussi l'intention de dormir à cet endroit. Le rose lui monta aux joues.
- Et ... Tu vas dormir où, toi ? Ironisa t-elle
Il retira ses chaussures et s'installa sur les coussins en se recouvrant de la pile de draps.
- Ici. Tu peux dormir par terre je m'en fou complètement.
- Tu plaisante ?
- Pas du tout.
Hermione hésita. Le nouveau matelas n'était pas aussi grand qu'un lit normal, mais il y avait largement la place pour qu'elle puisse dormir dessus aussi, sans déranger Draco.
Mais cela impliquerait qu'elle dorme à côté du serpentard, et cette seule pensée la fit frissonner. Malheureusement, elle n'avait plus vraiment le choix. Il était hors de question qu'elle dorme à même le sol. Par soucis de confort et aussi pour éviter de lui donner satisfaction et matière à raillerie. Draco, lui, avait déjà fermé les yeux, allongé sur le dos et les mains jointes derrière sa tête.
Par Merlin ...
- Pousse toi, exigea t-elle en soulevant les draps.
Il soupira en ronchonnant, mais se décala un peu pour lui permettre de se glisser à ses côtés. Elle lui tourna le dos instantanément. Hermione n'avait jamais rien vécu d'aussi gênant et humiliant. Et à dire vrai, Draco non plus. Un moment de silence passa durant lequel chacun faisait semblant de dormir tout en sachant que l'autre avait les yeux grands ouverts.
- Si jamais tu raconte ça à qui que ce soit... murmura Draco d'un ton menaçant
- Aucune chance. Coupa t-elle précipitamment.
- Il vaut mieux.
Aucune chance en effet. Si jamais Harry et Ron apprennent ça ...
Hermione eu l'impression de mettre des heures à s'endormir. Bien qu'en théorie le nouveau couchage était bien plus confortable, elle n'arrivait pas à se détendre. Au bout de longues minutes à attendre le sommeil, la fatigue finie par prendre le dessus, et elle s'endormit sur le côté, dos tourné au serpentard.
Draco, lui, n'avait pas bougé. Toujours sur le dos, il fixait le plafond, essayant de ne pas ressentir les draps qui bougeaient au rythme de la respiration d'Hermione. Il n'aimait pas ces moments de solitude et de silence, durant lesquels il ne pouvait empêcher ses pensées de l'assaillir. L'anxiété lui ressaisissait le cœur doucement mais sûrement. La situation était pourtant déjà bien assez inconfortable comme ça. Encore une fois, il se redemanda quelle genre de réaction il aurait bien pu avoir si, des années plus tôt, on lui avait dit qu'il dormirait un jour dans le même lit qu'Hermione, la « sang de bourbe ».
Une heure entière passa, durant laquelle il ne ferma pas les yeux. Il contemplait l'idée de se lever lorsqu'il sentit Hermione se retourner en poussant un léger soupir.
Il se figea. Elle s'était retournée face à lui, le visage pratiquement collé contre son torse. Il pouvait sentir son souffle chaud contre sa chemise, au niveau de ses côtes. Elle devait être entrain de rêver car de petits spasmes contractaient ça et là son visage, et ses sourcils s'étaient froncés.
Draco avait pensé plus tôt que la gêne qu'il ressentait n'aurait jamais son pareil, et pourtant. Si Hermione avait été réveillée, elle aurait vu son visage pâle rougir dans la pénombre. Il était partagé entre le besoin de la repousser le plus loin possible de lui et l'envie de la laisser dormir sans la déranger. Draco s'apprêta à se décaler le plus discrètement possible, mais s'y refusa lorsqu'il releva la tête et posa son regard sur elle.
Elle grelottait un peu, alors il ne bougea pas. Quelques mèches de ses cheveux s'aventuraient près de son visage, si bien qu'il pouvait sentir des effluves de jasmin légèrement sucré s'en dégager. Il eu du mal à se l'avouer, mais ce n'était peut-être pas si désagréable que cela, finalement. Le bruit régulier de la respiration de la jeune femme était... apaisant.
Il l'observa un moment, presque fasciné, curieux. Son anxiété s'était dissipée, tout comme les mauvais rêves dont Hermione était victime.
Il se risqua alors à fermer les yeux.
