C'était surement dû à l'alcool, mais Draco n'avait pas réalisé que le maître des potions venait de faire irruption dans le grenier et se dirigeait vers lui, sa cape volant dans son sillage. Hermione, elle, avait tressailli en l'apercevant et s'efforçait de dissiper le rouge qui lui enflammait les joues. Le serpentard ne se leva pas, en fait il bougea à peine. Il se contenta de tourner lentement la tête vers son ancien professeur d'un air désinvolte.
Severus les observa longuement, tour à tour, les yeux plissés et les lèvres tirées en un rictus féroce. Si Hermione avait observé la scène depuis l'extérieur, elle aurait presque pu trouver cela cocasse. L'arrivée de Rogue avait soudainement changé l'atmosphère qui s'était installée dans le grenier, comme un coup de tonnerre aurait déchiré un ciel orageux.
L'espace d'une poignée de secondes, personne ne dit rien. Severus Rogue les détaillait d'un air sévère et suspicieux, Draco le regardait sans bouger d'un cil, tout à fait tranquille, et Hermione était trop intimidée pour engager quoi que ce soit. Quelque chose chez cet homme lugubre lui donnait l'impression d'être une petite fille qui venait de faire une énorme bêtise, et elle détestait ça. Draco et elle étaient adultes, après tout. Le professeur était bien sûr en droit de s'inquiéter (il en avait toutes les raisons), mais son comportement paternaliste et contrôlant était tout à fait agaçant. Sans compter que la jeune gryffondor ne supportait pas l'idée de dépendre, de quelque manière que ce soit, de l'assassin de Dumbledore.

Soudain, les yeux du mangemort se posèrent sur la bouteille de Whisky, désormais vide, que Draco avait posée aux pieds du sofa. Sans faire transparaître la moindre expression, il s'avança et la ramassa du bout des doigts. Il arqua légèrement un sourcil avant de poser son regard sur Draco, qui était toujours affalé nonchalamment dans le canapé juste à côté de lui.
- On passe un bon moment, à ce que je vois, dit-il d'une voix traînante. Pardonnez moi d'interrompre votre petite sauterie, j'étais entrain de m'efforcer de vous éviter une mort affreusement pénible lorsqu'il m'a prit l'envie de venir vous rendre visite, continua t'il d'un ton venimeux.
Draco ne bougeait toujours pas. Ses yeux étaient fixes et ses lèvres s'étaient étirées en un subtil sourire narquois. Severus se pencha légèrement au dessus de lui et le toisa du haut de sa lugubre silhouette.
- Auriez-vous l'obligeance de bien vouloir m'expliquer ce que signifie ce cirque ? gronda t-il. Je ne me suis absenté que deux jours. DEUX jours; et vous semblez avoir oublié ce que "faire profil bas" signifie.
Hermione ne savait pas où se mettre. Elle décida de se faire la plus discrète possible, reconnaissante de ne pas être dans l'œil de la tempête. Draco, lui, s'étira le cou en soupirant.
- Je vous aurais bien inviter à vous joindre à nous professeur, mais regardez: la bouteille est vide. Je suis très doué pour cela pourtant, j'ai même réussi à convaincre Granger, persifla t-il.

Rogue se retourna vers la gryffondor, à la fois surprit et fulminant. Hermione dû faire un effort surhumain pour rester la plus stoïque possible et (sûrement grâce à l'alcool qu'elle avait encore dans le sang) se permit même de lui lancer un regard inflexible. Le maître des potions reporta son attention sur Draco et le fusilla du regard avant de se détourner dans un tournoiement de cape.
- Loin de moi l'envie de vous donner des leçons de relations humaines, mais casser le nez de votre père n'a pas été l'idée la plus brillante que vous ayez eu dernièrement, n'est-ce pas ? Etes vous encore plus stupide que je ne le croyais ?! tonna Rogue.
Hermione cilla. Draco s'était battu avec son père ? Un millier de question traversèrent son esprit alors que le visage du serpentard se durcissait. Le professeur venait visiblement d'aborder un sujet sensible.
- Vous n'étiez pas là, articula Draco, l'air menaçant. Et j'étais chez moi. Je n'ai pas de compte à vous rendre !
- Oh, ne vous méprenez pas. Je n'ai pas le temps, ni même l'envie, de m'immiscer dans vos petites querelles familiales. Néanmoins, il serait judicieux de commencer à agir en accord avec votre statut, Draco. Faire les héros et sauver miss Granger est une chose, agir de la sorte au sein du quartier général du seigneur des ténèbres en est une autre. S'il vous avait vu -Lui ou Bellatrix- que se serait-il passé, hm ?
Draco se redressa d'un bond, hors de lui.
- C'est MA maison, rugit-il.
- Ca ne l'est plus !
Draco se tendit, prêt à bondir sur Rogue, lorsque ce dernier sortit quelque chose de l'intérieur de sa cape et lui jeta sur les genoux. C'était un document, plié en quatre à la va vite. Hermione, cédant à la curiosité, se rapprocha à pas de loup et passa derrière le sofa. Draco jeta un regard méfiant à Rogue avant de déplier le papier.

Hermione se figea. C'était un avis de recherche. Un avis de recherche sur lequel était placardé sa photo. Une photo d'elle dans sa robe de sorcière aux couleurs de gryffondor.
"INDESIRABLE N°2 - HERMIONE GRANGER - Contactez immédiatement le Ministère si vous avez la moindre information concernant ses allées et venues. Tout manquement à dénonciation entrainera un emprisonnement immédiat. Récompense: 5000 gallions."
Draco releva le menton jusqu'à observer Hermione, qui était toujours paralysée derrière lui, accusant le coup. Ils échangèrent un bref regard grave avant qu'Hermione ne se détourne.
- Il va y avoir plus de rafles, reprit Rogue d'un ton lourd. Plus de fouilles, plus de contrôles; partout. Ils vous cherchent, miss Granger. Presque autant qu'il ne recherchent Potter. Votre fuite a énormément contrarié Le Seigneur des Ténèbres. Permettez moi donc d'insister: cette situation ne peu durer plus longtemps. Votre présence ici nous mets tous en danger.

Même Draco ne répondit rien. Tous les deux semblaient avoir complètement désaoulé. Encore une fois, Severus Rogue était un rappel à la réalité. Mais celui-là était d'une violence qu'Hermione n'aurait pas pu anticiper. Voir son portrait affiché ainsi la rendit malade. Le poids d'une culpabilité et d'une angoisse sans précédent lui écrasait les entrailles et lui enserrait le cœur. Draco, lui, était indéchiffrable. Il se contentait d'observer l'avis de recherche, inexpressif. Rogue laissa plusieurs secondes filer sans rien ajouter, comme s'il voulait marquer une pause théâtrale. Puis, il se retourna vers la jeune femme, qui avait toujours son regard posé sur son propre visage, plus bas entre les mains de Draco.
- Vous avez deux jours, Granger, dit-il de sa voix dure et rauque. Pas un de plus. Si Potter n'a pas trouvé un moyen de venir vous chercher d'ici là, vous devrez vous débrouiller seule.
Hermione plongea son regard dans celui de son ancien professeur. Elle y cherchait quelque chose, n'importe quoi. De la compassion, de la sympathie... n'importe quoi qui puisse la rassurer. Mais elle n'y trouva rien. Les grands yeux noirs de Severus Rogue restaient impassibles et froids. Son cœur se serra si fort qu'une larme s'écoula le long de sa joue.
Le maître des potions l'observa encore un peu puis tourna les talons, les pans de sa cape virevoltant dans l'air. Il alla se poster au centre de la pièce, et jeta un dernier regard à Draco.
- N'oubliez pas qui vous êtes, Draco, gronda t'il avant de transplaner.

Encore une fois, Severus Rogue avait fait son œuvre. Le maître des potions avait un don pour ternir tout atmosphère dans laquelle il s'immisçait sans crier gare.
Hermione avait l'impression d'être vidée de toute énergie et émotion. Elle se tenait toujours debout derrière le sofa, les bras ballants, son regard sur l'avis de recherche.
Comment le monde avait-il pu basculer dans ce cauchemar ? Il lui semblait qu'hier encore elle courrait dans les couloirs de Poudlard, insouciante. Jamais elle n'aurait pu penser que tout changerait pour le pire en si peu de temps. Et pourtant. Voilà que le plus grand mage noir de l'Histoire était à leur trousse. Hermione Granger était recherchée et sa tête était mise à prix par le Ministère, que Voldemort tenait fermement entre ses griffes.
Hermione, livide, fut prise de vertige et fit le tour du sofa pour s'y assoir. Son regard se posa machinalement sur l'affiche que tenait Draco. Le serpentard observa Hermione quelques secondes. Il ne l'avait jamais vue aussi abattue. La vivacité habituelle qui se cachait derrière ses yeux s'était éteinte. Son état de détresse apparent reflétait les émotions qu'il s'évertuait de garder cachées au fond de lui, aussi il ne supportait pas de la voir ainsi. C'était comme s'il se regardait dans un miroir, et il ne pouvait se résigner à être confronté à cette image là.
D'un coup, son visage impassible se tordit de colère et il écrasa l'affiche jusqu'à en faire une boule, avant de la jeter à l'autre bout du grenier. Hermione sursauta, mais n'osa rien dire.

Plusieurs minutes passèrent durant lesquelles ni l'un, ni l'autre, ne prirent la parole. Le silence qui, au départ de Rogue, avait été assourdissant, devint petit à petit réconfortant. Ici, dans ce grenier, il ne se passait rien. Les deux rivaux étaient à l'abris des tumultes de la guerre qui faisait rage, coupés du monde. La sidération et l'angoisse firent place à la tristesse, et la tristesse fit place au calme. Ils ne se regardaient pas, ils se contentaient d'apprécier le silence et la tranquillité; car ils savaient très bien qu'ils ne pourraient les trouver nulle part ailleurs.
Au bout d'un moment, Hermione tourna les yeux vers Draco. Il était accoudé sur son côté du sofa, les yeux dans le vide. Il avait l'air fatigué. Hermione se mordit la joue, hésitante, puis s'éclairci la gorge.
- C'est bizarre, non ? dit-elle d'une voix pensive.
Draco tourna son regard vers elle.
- De quoi ?
- Comme le temps passe vite.
Le serpentard se détourna d'elle pour replonger son attention sur le mur de pierres en face d'eux, pensif.
- J'ai l'impression que c'était hier que l'on nous a attribué nos maisons dans la grande salle... continua Hermione la voix légèrement cassée. Il y avait tellement de bougies qui flottaient. Tu t'en rappelle ?
Draco lui jeta un regard en coin, les sourcils froncés.
- Je m'en rappelle très bien, répondit-il. Tu étais déjà insupportable.
- Tu es vraiment gonflé.
- Pourquoi donc ?
- Tu étais toujours entrain de nous espionner. Tiens par exemple: le soir où tu nous as trouvé après le couvre feu, en première année.
Draco grimaça.
- Ne fais pas cette tête. C'était bien fait pour toi, je suis sûr que tu n'avais pas pensé que McGonagall puisse te punir aussi. Tu étais beaucoup trop imbu de ta personne.
Draco pouffa du nez.
- La vieille pie s'en est donné à cœur joie. La forêt interdite ...
- Oui, continua Hermione en soupirant. Cette nuit là est restée dans les mémoires...
Draco hocha silencieusement la tête, l'air soudain plus grave. Au bout de quelques secondes, il inspira longuement.
- C'est cette nuit là que je l'ai vu pour la première fois, souffla t'il d'une voix presque éteinte.
Le léger sourire nostalgique qui avait étiré les lèvres d'Hermione disparu soudainement. Elle jeta un coup d'œil sur sa gauche en direction du jeune mangemort. Les fantômes de souvenirs qui s'étaient perdus jusqu'à présent semblaient défiler devant ses yeux.
- J'aurais dû rester dans mon dortoir, ce soir là, reprit Draco d'une voix éteinte.
- Nous n'étions que des enfants... répondit doucement Hermione

Ils restèrent tout deux plongés dans leurs propres souvenirs quelques instants, un peu plus détendus. Hermione tortillait une mèche de ses cheveux et Draco, lui, avait sortit la baguette de sa mère et la parcourait du bout des doigts.
La gryffondor aurait aimé en savoir plus sur ce qu'il s'était passé entre lui et son père. Lucius avait dû dépasser des limites (savoir lesquelles était encore une toute autre affaire) pour que Draco réagisse ainsi. Elle n'avait jamais eu l'occasion d'apprendre à le connaître, mais en savait assez pour affirmer que la violence n'était pas la première réaction que Draco avait face à une quelconque contrariété; mais plutôt la fuite. Elle se demandait si le serpentard serait plus enclin à lui en parler, maintenant.
- Ca te fait mal ? risqua t-elle timidement en pointant la main droite de Draco.
Décontenancé, il ne comprit pas tout de suite ce à quoi elle faisait référence. Lorsqu'il suivit son doigt des yeux et posa les siens sur ses phalanges encore contusionnées, il fronça les sourcils.
- Non.
- J'imagine que ... cela ne doit pas être évident tous les jours.
Draco cilla. Il l'observa d'un air méfiant quelques secondes.
- Qu'est-ce que ça peut te faire ?
La gryffondor leva les yeux au ciel. C'est reparti.
- Je disais ça pour discuter, Draco, répondit-elle, exaspérée. Rien de plus.
Le serpentard plissa les yeux. Il était hors de question qu'il commence à lui raconter ses petits problèmes. Cela ne la regardait pas. Qui sait, elle pourrait très bien en profiter pour récupérer des informations. Non, c'était son problème. De toute manière, il ne voyait pas ce qu'elle pourrait bien y faire, et plus loin elle se tenait de ces histoires, mieux ça serait pour elle. Et pour lui.
- Tu "discuteras" avec Weasmoche et Potter, maugréa t-il. Ce qu'il se passe chez moi ne te regarde pas.
Hermione prit la mouche. A quoi elle s'attendait de toute manière ? Il avait raison, ils n'étaient pas amis. Mais la gryffondor ne pu s'empêcher d'être vexée, aussi se détourna t-elle de lui après l'avoir fusillé du regard.
Draco soupira. Il avait encore tout gâché, ou tout du moins, elle avait encore fait la susceptible. Il serra les dents et sentit une pointe de culpabilité s'emparer de lui. Il devait trouver quelque chose pour détourner son attention, ou s'excuser. Il l'observa. Son visage était tiré en un rictus agacé et nerveux tandis qu'elle enroulait une mèche de ses cheveux autours de son index.
- Et... dit-il, hésitant. Tes parents à toi ?
Hermione se raidit. Il n'avait pas dit ça méchamment, bien que son ton était un peu sec, mais de toutes les questions qu'il aurait pu lui poser, elle aurait préféré que ce ne soit pas celle là. Elle ne tourna pas son visage vers le sien et l'ignora quelques secondes. Elle ne voulait pas forcément se montrer dure avec lui, mais le sujet était particulièrement sensible. Elle sentit de nouveau son cœur se serrer et elle prit une grande inspiration. Lorsqu'elle se tourna vers lui, les yeux larmoyants, Draco se raidit à son tour.
- Je les aime beaucoup, murmura t-elle.
Le jeune mangemort ne savait plus où se mettre et remua un peu sur son fauteuil. Cet élan de familiarité ne lui convenait pas du tout. Il ne savait pas comment réagir sans passer pour un minable bête et méchant. Il était beaucoup simple de la regarder faire des terreurs nocturnes que de la voir sur le point de pleurer. Au moins, lorsqu'elle dormait, il n'avait pas à adapter son attitude pour ne pas la froisser.
- Qu'est-ce qu'il y a alors ? dit-il sur un ton à la fois doux et maladroit.
Hermione serra les dents et baissa les yeux. Elle n'en avait jamais parlé à quiconque. Même Harry et Ron n'étaient pas au courant. Elle inspira profondément et essuya une larme qui venait de couler sur sa joue d'un revers de manche.
- Je les ais oubliétés.
Draco écarquilla les yeux et observa la gryffondor, qui s'était levée pour récupérer un livre. On aurait presque dit qu'elle venait de lui annoncer une banalité concernant la météo, ses yeux n'était plus embués et ses traits s'étaient recomposés. Elle s'assit et ouvrit "Histoire et origines d'Azkaban", qu'elle commença à feuilleter.
Oubliétés. Draco prenait doucement conscience des raisons qui auraient pu pousser la jeune gryffondor à commettre un tel acte. Voilà ce que c'était, pour les nés moldus, de vivre dans un monde où une guerre de statut du sang faisait rage. Il avait lu plusieurs articles de La Gazette du Sorcier, avant que Voldemort n'en prenne le contrôle. Des articles glaçants parlant de familles entières assassinées. Hermione s'était donc sacrifiée pour sauver ses parents. Jamais il n'aurait pu imaginer que la jeune gryffondor puisse être capable de faire une telle chose. Il avait du mal à concevoir un monde où il aurait été à sa place et de ne pas avoir d'autre choix que de détruire sa famille pour son propre bien. L'espace d'un instant, il essaya de s'imaginer ce que c'était d'être quelqu'un qui se battait dans l'autre camp. La situation d'Hermione en tant que membre de l'Ordre n'était peut-être pas plus à envier que la sienne, finalement. Comment pouvait-elle encore avoir la force de se battre après cela ?
Confus, il se redressa sur le sofa, attirant l'attention d'Hermione qui tourna ses yeux vers lui, une expression tristement égale sur le visage. Ils se regardèrent quelques instants et Hermione vît Draco entre ouvrir les lèvres, comme s'il s'apprêtait à lui dire quelque chose.

Soudain, un bruit sourd résonna de nouveau sur le parquet, derrière eux. Ils se retournèrent ensemble et Draco bondit sur ses pieds en tirant sa baguette. L'émotion de soulagement qui traversa Hermione fut si puissante qu'elle laissa échapper un hoquet de joie. Draco, lui, s'assombrit instantanément, la mâchoire serrée.
- Miss Granger ! Enfin vous voilà ! s'exclama une voix fluette.
- Doby ! s'écria Hermione.