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Cette Fanfiction a été écrite dans le cadre du Blackfest organisé par FESTUMSEMPRA. La liste complète des œuvres participantes est disponible sur la collection : : / / archiveofourown collections / Black_Fest. (sans les espaces)

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TW : Violences, guerre
Contraintes de musique : Tally Hall - The Bidding et Bloc Party - Hunting For Witches ; Contraintes de mots : Amuir = devenir muet.


Août 1944.

- Je parie que tu ne peux pas me rattraper, s'exclama en riant une jeune fille brune au teint pâle qui s'enfuit à travers les arbres du parc.

- Hé, mais tu triches ! Attends-moi !

Seul un éclat de rire lui répondit. Ce rire qui faisait chavirer son cœur plus sûrement qu'un pain au miel.

Il ne put empêcher un fin sourire d'éclairer son visage. Heureusement que son père ne le verrait jamais courir ainsi derrière une demoiselle, songeait-il en la poursuivant. Sinon il pouvait dire adieu à sa liberté chèrement acquise.

Il arriva enfin à la rattraper juste avant la sortie du parc. Elle se retourna et glissa un léger baiser sur ses lèvres. Sensation fugace qu'il aurait voulu éternelle.

- Je dois y aller, ma mère m'attend. On se retrouve demain au même endroit ?

Il acquiesça. Bien sûr qu'il reviendrait. Elsa était sa bulle. La seule personne qui lui permettait de respirer dans ce monde de fous. Dans cette famille de timbrés.

Elle disparaissait doucement de sa vue quand soudain, le monde se mit à tanguer.

BRAOUM !

Le réveil fut brutal. A moitié hors du lit, de la poussière dans les yeux. Bousculés par ceux qui avaient déjà compris l'urgence de la situation.

A tâtons, il attrapa sa veste, son casque et son arme. Le poids de sa baguette dans la poche droite le rassura. La peur bien accrochée à ses tripes, il sortit de leur campement de fortune. Un obus venait d'exploser non loin de leur base. Les boches les avait trouvés.

- Tout le monde dans les véhicules, hurla une voix. Trouvez-moi ces imbéciles de Nazis et abattez-les tous. Je ne veux pas de prisonniers pour nous ralentir ensuite. Allez ! Allez !

- Black bouge-toi, faut qu'on rejoigne notre bataillon.

Alphard jeta un coup d'œil vers le compagnon qui l'avait apostrophé. Un homme à peine plus vieux que lui. A peine plus vieux qu'elle. Il le suivit en courant, prêt à rejoindre leurs engins de guerre pour aller chasser de l'Allemand.

Ils n'étaient plus qu'à quelques jours de Paris et de la Libération de la France, ce n'était pas le moment de mourir.

Des cris et des déflagrations de mitraillettes se faisaient déjà entendre. Le regard planté droit devant lui, la main sur le canon du Cromwell, Alphard était prêt à faire feu. Un instant plus tard, il entrait dans le chaos. Il n'en ressortit que bien après, les yeux hagards, la main tremblante et la veste déchirée.

Il avait tué.

Que faisait-il là ? La question tournait en boucle dans sa tête. Que faisait-il là, à tuer comme un moldu, dans une guerre qui ne le regardait pas ? Mais que faisait-il là ?

Les larmes coulaient le long de ses joues sans même qu'il ne les remarque. Traçant des sillons clairs à travers la saleté du champ de bataille.

Il n'était pas un de ces Gryffondors irréfléchis qui fonçait dans le tas sans prendre la peine d'élaborer un plan. Il n'était pas non plus un de ces fichus Poufsouffle qui avait ce besoin irrépressible de sauver tout ce qui bougeait. Il n'était même pas un de ces intellos de Serdaigle qui aurait compris que ce qu'il faisait était d'une stupidité sans nom.

Et pourtant. Il était là. Pour elle.

La vengeance pulsait dans son sang. La colère brouillait son regard. Et la haine le consumait tout entier.

Les Nazis lui avaient tout pris. Son avenir loin de sa famille, sa joie de vivre, son Amour. Il ne pouvait penser à rien d'autre qu'à cette foutue vengeance. Il voulait effacer cette journée noire de son esprit en la noyant dans le sang des Allemands. Il aurait voulu se faire tuer aujourd'hui, pour la rejoindre. Mais la Mort le rejetait toujours. Alors il continuait à amasser encore plus d'horreurs, sans jamais réussir à enfouir dans sa mémoire cette funeste journée. Les bombes qui avaient rasé Londres, le discours de Churchill, sa disparition.

Il devait continuer le combat. Pour elle.


Juin 1945.

Alphard Black ressortit de la Seconde Guerre Mondiale vivant et en relativement bon état. Physiquement du moins. Sa famille ne sut jamais où il avait disparu ces quelques mois de 1944 à 1945 et ne s'en inquiéta qu'à peine. Lorsqu'il revint à Londres, il n'était plus que l'ombre de lui-même. Il n'était même pas sûr que sa famille s'en soit rendue compte. Sa sœur était fiancée, prête à épouser leur cousin. Son frère, qu'il avait quitté innocent, était à présent la copie conforme de leur père. Et ce n'était pas un compliment.

Il se mit à côtoyer les bordels moldus et les bars sorciers dès son retour, dépensant chaque gallion qu'il obtenait de sa famille dans la liqueur et le sexe. Tout pour oublier.

Alphard en avait plus qu'assez d'être l'héritier parfait et il le montra de la manière la plus dégradante possible. Engendrant plus de scandales que la famille Black n'était capable d'en cacher. L'alcool permettait de ne plus penser. Les jeunes sorcières bourgeoises l'aidaient à se rassurer. Alphard ne pouvait plus dormir seul.

Un jour, alors qu'il venait de descendre une bouteille de Whisky pur Feu dans un bar miteux non loin du Chemin de Traverse, un vieil homme l'accosta.

- Toi aussi tu L'as vécue pas vrai ?

Alphard se contenta de faire tournoyer le liquide dans son verre.

- Ça se voit dans tes yeux, dans la ligne de tes épaules et même dans la position de tes pieds… Tu es prêt à prendre la fuite.

Le jeune Black daigna enfin lever les yeux de son verre pour les planter dans ceux de l'inconnu.

- Suis-moi, dit le vieillard.

Et il partit sans se retourner.

Alphard n'hésita qu'un instant avant de le suivre. Après tout, qu'avait-il à perdre ?

De ruelles étroites en venelles sinueuses, il perdit rapidement la notion de l'espace. Où allait-il ? Était-ce un piège ? Allait-il se faire tuer pour quelques mornilles dans un endroit où personne ne le retrouverait ? Cela lui importait-il seulement ?

Enfin, l'inconnu s'arrêta devant une porte grise. Un bâtiment délabré leur faisait face, quelque part dans le Londres sorcier. Il poussa la porte sans frapper et Alphard se glissa à sa suite. L'intérieur était sombre, à peine éclairé par quelques bougies à la flamme tremblotante. Ils marchèrent jusqu'à une petite salle où quelques personnes étaient déjà installées, assises en un cercle plus ou moins régulier.

- Tu es encore allé repêcher une âme égarée, Jeff ?

- La ferme Rob, tu étais bien content quand il t'a récupéré dans ton caniveau.

Quelques sourires apparurent sur les visages abîmés par la vie. Pas par la vie, se corrigea Alphard en les observant d'un peu plus près. Par la guerre. D'autres sorciers avaient participé à cette boucherie que les moldus appelaient guerre ?

- Assieds-toi, lui indiqua Jeff avant de s'installer à côté d'un homme à qui il manquait une main.

Mal à l'aise, le jeune Black s'assit sur le bord de sa chaise en bois, le regard fuyant.

- Qui a envie de parler aujourd'hui ?

Un léger silence puis une main qui se lève, hésitante.

- J'ai encore fait un cauchemar cette nuit. Je revois ce Moldu, sans cesse. Son corps arraché, sa tête qui roule… C'était mon ami. Je… J'aurais dû faire quelque chose pour lui. J'aurais dû lancer un sortilège contre l'Allemand mais… J'étais incapable de penser. J'ai failli y passer ce jour-là... Pourtant je suis encore en vie. Et pas lui. Parfois je me demande si ça en vaut la peine. De subir toutes ces souffrances. Est-ce que ça ne serait pas plus simple de laisser tomber ? De juste… En finir ? Et puis, je me dis que si je ne suis plus là, alors qui se souviendra de Thomas ? Ces images, ce sont les dernières que j'aurai de lui. Je ne peux pas les oublier. Je ne veux pas les oublier.

Ce fut à cet instant qu'Alphard remarqua la canne aux côtés de l'homme et son regard fixe. Lui avait perdu la vue, un autre un membre, dans le fond, un homme était défiguré. D'autres, comme lui, n'avaient aucune cicatrice visible. Pourtant ils étaient tous là, à… À quoi exactement ? Parler d'eux ?

Celui qui venait de parler n'avait fait que raconter son histoire, son ressenti… Et Alphard y avait trouvé un écho à ce qui le torturait depuis son retour. Pourquoi était-il vivant quand tant d'autres étaient morts ? Il y en avait certainement des plus méritants que lui qui ne pourraient plus jamais serrer un proche dans leurs bras.

Après ce premier témoignage, ils furent quelques-uns à prendre la parole, pour décrire ce qu'ils vivaient, les addictions qu'ils combattaient depuis leur retour de la guerre, ou tout simplement pour raconter leur histoire.

Alphard les écouta avec attention, captivé par ces vies qu'il ne connaissait pas, se reconnaissant dans certains combats, compatissant avec ceux qui en avaient besoin. Il ne vit pas le temps passer. Pour la première fois depuis bien longtemps, il se sentit compris. Accompagné.

Peu à peu, les hommes se levèrent, la réunion se finissait. Les uns après les autres, ils levèrent leur baguette vers le ciel.

Lumos

Jeff se leva et posa une main sur son épaule.

- Si tu as besoin de parler, ou seulement d'écouter, sache que tu es le bienvenu parmi nous. C'est le seul moyen que nous avons trouvé pour ne pas sombrer. Nos histoires diffèrent, mais nous avons vécu la même chose. Une chose que personne d'autre ne peut comprendre. Alors n'oublie pas. Tu n'es plus seul.

Tu n'es plus seul.

Une simple phrase, un peu bateau, et qui touche pourtant si fort. Une larme silencieuse glissa le long de la joue d'Alphard. La première depuis la fin de la guerre.

Il sortit sa baguette, la main tremblante, et une petite lumière scintillante apparue au bout, rejoignant la dizaine d'autres pour éclairer ce petit cercle d'hommes, brisés par la vie, mais décidés à survivre coûte que coûte.

Oui. Lui aussi, il devait vivre. Pour elle.


De nombreuses années plus tard

Alphard Black se découvrit une seconde vie à la naissance de ses neveux et nièces. Surtout du petit Sirius. En lui grandissait la graine de la révolte, il le voyait inscrit dans chacun de ses éclats de rire. Il se promit de protéger l'enfant de cette famille qu'ils n'avaient pas choisie.

Ses jours de débauche étaient loin derrière lui. Il avait appris à maîtriser le tremblement de ses mains et les sons brusques ne le faisaient plus autant réagir. Il était devenu l'oncle un peu étrange, silencieux, mais drôle.

Et puis, un jour où Sirius et Regulus étaient sous sa garde, l'impensable se produisit. Sirius avait réussi à attirer à lui la balle avec laquelle jouait son petit frère, grâce à la magie accidentelle. Avant même qu'Alphard ait pu réagir, le visage poupin de Regulus rougit de colère et de frustration et… La balle devint un magnifique étron en plastique. Le visage surpris de Sirius et celui, maintenant ravi, de son petit frère, eurent raison des années de silence d'Alphard. Un éclat de rire tonitruant, légèrement rauque, retentit dans la maisonnée.

Le rire puissant et libérateur qui secoua Alphard laissa les deux enfants stupéfaits. C'était la première fois qu'ils entendaient un son provenant de leur oncle. Secoué par son fou rire, la larme à l'œil, l'ancien combattant regarda ses deux neveux avec amour.

Finalement, peut-être que ce Dumbledore n'avait pas totalement tort avec ses discours sur le pouvoir de l'amour… Qui sait ?

En tout cas, si il y avait bien une chose dont Alphard était persuadé, c'était que la devise de sa famille était loin d'être véridique. "Toujours pur". En regardant ses neveux se disputer, il s'en fit la promesse. Il mettrait tout en œuvre pour les aider à quitter les Black, s'ils le souhaitaient.

Comment aurait-il pu deviner le destin cruel de chacun de ses neveux et nièces ? Peu seraient ceux qui auraient droit à une vie heureuse.

Alphard le savait pourtant. Tous ceux qui s'approchaient de la famille Black étaient maudits. Mais il ne pouvait s'empêcher d'espérer. Que cette nouvelle génération soit meilleure que l'ancienne. Que les liens du sang soient plus forts que l'appel du pouvoir. Que l'innocence de ces enfants ne disparaisse jamais.

Il se devait d'essayer au moins. Pour elle.