Loth s'était rendormi : son visage était souriant et il arborait un air rêveur et content. Le bonheur et l'antidote semblaient l'avoir rajeuni de presque vingt ans. Cela faisait bien longtemps qu'Anna ne l'avait pas vu aussi détendu et heureux.
Le jour commençait à se lever. Il fallait impérativement que personne ne fasse le lien entre la tentative d'assassinat et la guérison subite du roi. On jaserait, on se poserait des questions et on établirait peut-être un lien entre les Tintagel et la soudaine guérison du roi. Et, pour finir, on la traiterait encore de sorcière.
Anna se rhabilla et se recoiffa sommairement. Elle admit que ce moment d'intimité lui avait aussi fait le plus grand bien. Alors qu'elle quittait la pièce, elle eut la surprise de tomber sur Galessin, l'oreille manifestement collée contre la porte. L'homme se redressa brusquement et son teint vira au rouge cramoisi. Si les regards pouvaient tuer, Galessin serait mort foudroyé à cet instant. Fort heureusement pour lui, Anna n'avait pas ce pouvoir… et pourtant ce n'était pas l'envie qui manquait.
« Il s'est réveillé et nous avons… parlé. Il va mieux. Il s'est rendormi. J'ai beaucoup… prié pour lui. »
Anna espérait que la pièce était suffisamment sombre pour que le Duc d'Orcanie ne remarque pas la rougeur qui envahissait son visage. Anna le savait : ses explications étaient fumeuses. Si Galessin était dubitatif de ses propos, il eut la politesse et la présence d'esprit de ne pas le montrer.
« Je vous demanderai de ne pas ébruiter ma venue. Et… bien évidemment, j'exige que vous gardiez le silence absolu sur ce que vous avez pu entendre. Me suis-je bien fait comprendre ? » demanda Anna d'une voix menaçante.
Toujours honteux, l'homme baissa la tête. Elle ne pouvait pas lui reprocher de s'inquiéter pour la santé de son souverain, mais elle fut bien contente de retrouver son aura terrifiante d'autrefois. Cela faisait plaisir de constater qu'elle n'avait pas perdu la main pour terroriser son entourage.
Anna se rendit dans la chambre de Gauvain pour lui dire au revoir. Elle prit quelques minutes pour contempler son fils aîné avant de l'embrasser. Gauvain, dans un demi-sommeil, la supplia de repousser son départ, mais Anna se montra inflexible. Le jeune homme se rendormit en bougonnant. Elle lui laissa un mot lui demandant d'envoyer régulièrement des nouvelles.
Elle remonta dans la carriole et contempla le château. Elle avait fait la paix avec ce pays, ses habitants et son ex-mari. Anna repartit soulagée et heureuse d'avoir pu faire le bien.
Anna était rentrée d'Orcanie depuis pratiquement un mois. Elle ne manquait objectivement de rien et la somme allouée lors du divorce lui permettait de vivre très confortablement. Gareth était adorable, écoutait son percepteur et parvenait même à arracher des sourires à sa grand-mère et sa grand-tante grâce à son espièglerie et sa spontanéité.
En cet instant, ce qui manquait le plus à Anna, c'était la santé. Elle était prise de maux de tête, de nausées, de lourdeurs et de fatigues inexplicables. Était-elle gravement malade ? Elle se surprit à penser qu'elle n'avait pas tellement peur de la mort. Toutefois, le fait de laisser Gareth derrière elle lui était insupportable.
Elle patienta encore quelques mois. Cependant, son état empirant de jour en jour, elle se décida à consulter un médecin.
« Mais c'est ridicule ! Enfin ! J'ai déjà eu de nombreux enfants. J'ai… j'ai plus de quarante ans. Je ne comprends pas. C'est impossible… » répliqua Anna, désemparée.
« Madame… je ne vais pas refaire encore une fois les examens. Je suis formel. Vous êtes enceinte… »
Rendue muette par l'émotion, Anna ne répondit pas.
« Au vu de votre âge, il s'agit d'une grossesse à risques. Je ne suis qu'un humble médecin de Tintagel. Je ne peux que vous conseiller de vous rendre à Kaamelott pour que vous puissiez bénéficier de meilleurs soins… »
L'homme la regardait d'un air désolé. Anna reprit un peu contenance. Après avoir demandé une discrétion absolue sur son nouvel état, elle congédia l'homme et verrouilla la porte derrière lui avant de s'asseoir sur son lit. Anna ferma les yeux pour réfléchir à tout ce que cela impliquait. Une grossesse risquée dans sa situation actuelle ? C'était le pire qui puisse lui arriver.
Sa première pensée fut de rentrer en Orcanie… avant d'écarter immédiatement cette possibilité. Elle n'avait jamais envisagé que ce dernier « cadeau » puisse se concrétiser par un enfant (une grossesse à son âge ? C'était de l'ordre de l'impensable…). Par ce divorce, Loth avait voulu reprendre le cours de sa vie : il avait eu besoin de cinq mois en ermite dans la forêt pour l'admettre et digérer l'idée. Anna conclut qu'il fallait qu'elle respecte son souhait de liberté. Elle ne pouvait pas lui demander d'assumer cet enfant.
Demander de l'aide à son demi-frère honni ? Anna grinça des dents par anticipation en pensant à l'effort surhumain que cela exigerait d'elle. Anna n'appréciait pas Arthur (c'était un euphémisme). Cependant, elle ne pouvait pas nier qu'il était intelligent, ce qui simplifiait considérablement les choses.
Après plusieurs mois passés à Tintagel à esquiver les questions de sa mère et de sa tante, Anna avait fait son choix durant les dernières semaines de sa grossesse. Accompagnée de Gareth, elle s'était présentée à l'improviste à Kaamelott un beau matin. Les gardes n'oseraient pas arrêter physiquement une femme enceinte jusqu'aux yeux, avec des yeux brûlants de détermination et se présentant comme la demi-sœur du roi.
Le roi Arthur était entouré d'abrutis, de fous et de psychorigides. Alors quand un type débarquait devant lui en tenant des propos incohérents, obsessionnels ou décousus, c'était un peu la routine.
Ce matin-là, lorsqu'un garde avait accouru dans son bureau en lui parlant « d'une femme enceinte qui dit être sa sœur, qui exige de le voir, qui a l'air méchante (« Sire, je vous assure. Elle a l'œil mauvais ! »), qui est accompagnée d'un petit garçon et qui tape sur les gardes pour qu'on la laisse passer à tel point qu'ils ne savent pas quoi faire », Arthur avait instinctivement humé l'air pour savoir si l'homme n'était pas ivre.
Devant l'absence de vapeurs d'alcool et l'air paniqué du garde, il avait finalement décidé de laisser entrer cette fameuse inconnue sans trop savoir à quoi s'attendre.
Anna, le ventre rond, indubitablement enceinte, se présenta devant lui. Gareth était resté sagement à l'extérieur du bureau, attendant que la « conversation entre grands » se termine. Anna emprunta un fauteuil et s'assit péniblement en face de son demi-frère. Arthur avait les yeux ronds comme des billes. Il prit la parole après avoir dégluti bruyamment.
« Vous savez… vous auriez aussi pu m'écrire une lettre. »
Un silence gêné s'installa.
« Auriez-vous l'obligeance de me dire qui est le père ?
« Loth. »
Concis. Efficace. Du Anna tout craché.
« Il est au courant que vous êtes enceinte de lui ? »
« Non. Et je ne veux pas qu'il le soit. »
« Pourquoi ? » demanda Arthur, les sourcils froncés.
« Je pense… je pense que je lui ai fait assez de mal comme ça. Il est temps que je disparaisse de sa vie », dit-elle en détournant le regard.
Arthur fut décontenancé par cet aveu. Il préféra ne pas rebondir sur la première partie de cette confession.
« Et s'il n'avait pas envie que vous disparaissiez de sa vie ? » rétorqua-t-il avec un sourire narquois.
Anna eut l'air étonnée par cette réponse, mais conserva le silence.
« Quand est prévu le terme ? » demanda Arthur.
« C'est imminent. Dans une semaine. Peut-être deux », répondit Anna factuellement.
« Je suppose que toute la famille de Tintagel va débarquer d'ici quelques heures quand elle se serait rendu compte de votre absence ? »
Anna acquiesça.
« Mère ? »
« Évidemment. Vous pensez bien qu'elle ne va pas rater une occasion pareille de me pourrir la vie. »
« Tante Cryda ? » demanda Arthur avec un sourire crispé.
« Oui. Je suppose qu'elle va se joindre au mouvement pour en rajouter une couche. »
Arthur arbora un air songeur durant quelques instants, puis reprit la parole.
« On va trouver des chambres pour vous, Gareth et toute la clique de Tintagel. Je vais prévenir le druide et les sages-femmes. Installez-vous au mieux. Je vais faire le nécessaire. »
Arthur avait l'oreille fine. Il perçut un mot, un seul, prononcé dans un murmure alors qu'Anna se levait difficilement pour quitter la pièce.
« Merci... »
Arthur avait fait en sorte qu'Anna et Gareth soient le mieux installés possible. Il avait mis dans la confidence son cercle proche, composé essentiellement de Lancelot, Guenièvre et Merlin. Lorsqu'Arthur avait informé Merlin qu'il attendait que ce dernier aide lors de l'accouchement avec divers potions et sorts, le roi de Bretagne avait cru percevoir une étincelle d'appréhension dans l'œil du druide.
Comme prévu, Ygerne et Cryda débarquèrent à Kaamelott dans la journée. Elles furent très soulagées d'apprendre qu'Anna et Gareth avaient trouvé refuge au château. Arthur s'entretint avec sa mère qui lui confirma ce qu'il soupçonnait déjà. Sa mère, d'habitude si calme, royale et composée, était terriblement inquiète pour l'accouchement.
Après le repas, Arthur partit s'isoler dans son bureau pour réfléchir. Pour qu'Anna vienne lui demander directement son aide en mettant de côté son animosité pour lui, c'est que la situation était gravissime. Certes, Kaamelott avait accès à de meilleurs druides et médecins, mais cela n'était pas un gage de réussite pour autant.
Arthur réfléchissait devant son écritoire. Un enfant : le résultat de l'amour de deux êtres qui fusionnent pour donner vie au meilleur d'eux-mêmes. Arthur se surprit à envier Loth et Anna. Il songea tristement que si une femme portait son enfant, il aurait aimé qu'elle le lui dise.
Quoi qu'il en coûte, il fallait mettre Loth au courant. Comment allait-il bien pouvoir contourner le souhait de sa demi-sœur ? Anna ne voulait pas que Loth soit au courant qu'elle était enceinte de lui. Certes. Mais il pouvait toujours écrire qu'elle était enceinte et qu'elle s'apprêtait à accoucher, n'est-ce pas ? Loth n'était pas idiot : il calculerait les dates et comprendrait tout seul.
Arthur s'attela à l'écriture de son message. S'il se passait quelque chose de grave, Loth serait l'un des premiers concernés. Quel poids pouvait avoir un mensonge si c'était pour faire un plus grand bien ? Si Anna survivait, elle lui pardonnerait… ou elle ajouterait cela à la longue liste des griefs imaginaires ou non dont elle le tenait déjà pour responsable. Arthur haussa les épaules. Un peu plus, un peu moins… il n'était plus à cela près.
La famille resserrée était réunie dans la pièce principale. Cela faisait plusieurs heures que le travail avait commencé. Une équipe de sages-femmes expérimentées était au chevet d'Anna.
Arthur avait essayé de donner une leçon de géopolitique au petit Gareth à grand renfort de cartes. Le jeune garçon sentait que quelque chose de grave se déroulait et il était trop perturbé pour prêter attention aux enseignements de son oncle. Guenièvre avait gentiment proposé de s'occuper de lui en attendant. Ils étaient partis cueillir des fleurs et observer les oiseaux dans le jardin.
Ygerne et Cryda tentaient de faire de la broderie pour s'occuper artificiellement les mains. Le visage d'Ygerne était particulièrement pâle et elle ne parvenait pas à avancer dans son ouvrage. Personne ne pouvait ignorer les cris de pure souffrance qui s'échappaient de l'une des chambres voisines.
La porte s'ouvrit brusquement pour laisser entrer une jeune sage-femme fatiguée dont le tablier était couvert de sang. Elle chercha Ygerne du regard.
« Madame… Votre fille s'épuise. Elle est en train de perdre espoir. Nous ne savons plus quoi faire. Peut-être que quelques… encouragements de votre part pourraient… ? »
Arthur et Ygerne échangèrent un regard triste. Constat d'impuissance. La magie n'avait rien donné. Les connaissances obstétriques des médecins et sages-femmes de Kaamelott n'étaient guère plus évoluées que le reste du continent… qui frôlaient le néant abyssal. C'était une grossesse à risques : les médecins avaient déjà prédit que si la mère ou l'enfant en réchappait, cela serait un petit miracle.
Ygerne posa son ouvrage et se dirigea vers la chambre d'Anna. Son mouvement fut interrompu par des cris dans la cour du château. Les occupants de la pièce se dirigèrent en toute hâte vers l'une des fenêtres.
Loth, Gauvain et Galessin venaient d'arriver à Kaamelott. Les cris provenaient des palefreniers qui tentaient de maîtriser les trois chevaux que les trois Orcaniens avaient, dans leur précipitation, laissés sur place sans confier leurs rênes.
Les trois hommes arrivèrent dans la pièce. Galessin et Gauvain, épuisés, s'écroulèrent sur une chaise dès qu'ils le purent. Loth avait l'air possédé de quelqu'un qui n'a pas dormi depuis une semaine. Des cris de souffrance emplissaient la pièce. Loth se précipita dans la chambre d'où provenaient les cris.
À travers la sueur, le sang et les larmes de souffrance, Anna sourit en le voyant entrer dans la pièce. Loth se précipita à son chevet, retira précipitamment ses gants et s'agenouilla pour prendre ses mains dans les siennes.
« Votre demi-frère m'a prévenu de votre état… J'ai fait au plus vite. »
Il lui embrassa l'intérieur du poignet et replaça une mèche de cheveu noir qui tombait devant les yeux d'Anna.
« Cet enfant. Je l'adopterai. Je le reconnaîtrai si vous le désirez. »
Un sourire. Des larmes de joie. Elle était trop fatiguée pour parler. Anna dodelinait de la tête. La douleur revenait. Il lui embrassa les mains avant d'être brusquement interrompu par une sage-femme peu soucieuse des conventions et du romantisme.
« Vous me la déconcentrez, là. Ouste ! Poussez-vous de là ! » cria-t-elle.
Sorti de force de la pièce, Loth rejoignit avec dépit la grande salle et s'écroula sur une chaise. La fatigue, la faim et la soif le rattrapaient. Gauvain et Galessin se restauraient et avaient tenu l'assistance au courant de leur périple. En attente de nouvelles d'Anna, les regards d'inquiétude s'étaient désormais tournés vers Loth.
« L'accouchement se passe… mal. Elle est épuisée », déclara-t-il d'un air sombre. Il s'assit à la table et se servit une rasade d'eau pour tenter d'étancher sa soif.
« Je lui ai proposé d'adopter l'enfant… Est-ce que le père s'est manifesté ? Ce saligaud, si je l'attrape, je lui passerai l'envie d'abandonner une future mère » déclara-t-il avec colère en tapant du poing sur la table.
L'assistance échangeait des regards gênés, ne sachant comment réagir. Arthur mit les pieds dans le plat.
« Loth… le saligaud… c'est vous ! Vous êtes bien au courant qu'il s'agit de votre enfant ? »
Le roi d'Orcanie s'étouffa avec le bouillon qu'il avait entrepris de boire.
« Mais… ce… c'est… c'est impossible ! La dernière fois que j'ai vu ma femme, c'était… ici même à Kaamelott. Pour le divorce… Cela fait plus d'un an ! » s'exclama-t-il d'une voix saccadée par la toux.
« Père… Mère est venue jusqu'en Orcanie alors que vous étiez au plus mal après la tentative d'assassinat. Elle vous a soigné ou elle a prié pour vous… Nous n'avons jamais bien su. Vous ne vous en souvenez pas ? » l'interrogea Gauvain d'un air inquiet.
« Oui… enfin... Je peux vous assurer qu'elle n'a pas fait que prier », murmura Galessin d'un air entendu.
Loth s'était pris la tête dans les mains pour se concentrer. Les souvenirs lui revenaient par bribe : sa femme au bord du lit à son réveil, des paroles, des gestes doux, une histoire de « cadeau ». Bon sang, comment avait-il bien pu oublier tout ça ?
« Ce poison et son antidote peuvent provoquer une confusion et une amnésie partielle, cela s'est déjà vu », affirma tranquillement Ygerne.
Un silence de mort s'abattit dans la pièce.
« Le poison… ? L'antidote… ? » répéta Loth en regardant l'assistance. On pouvait pratiquement entendre les rouages de son cerveau s'activer. « Belle maman… Le traqueur maladroit, c'était l'une de vos gentillesses, pas vrai ? » demanda Loth d'une voix mielleuse et le regard brûlant de haine.
« Cela vous apprendra à divorcer de ma fille. »
Ygerne soutint le regard bleu acier de son gendre avec son regard noir onyx. Arthur décida de changer de sujet pour faire retomber la tension.
« Loth… Vous êtes en train de nous dire que vous avez fait quatre jours de canasson sans interruption pour un môme que vous pensiez d'un autre homme ? »
« Oui. Vous savez… je suis un peu con et… très amoureux. Je pensais que vous l'aviez compris depuis le temps… » répondit Loth en baissant les yeux et en prenant un air contrit.
Les cris de souffrance avaient soudainement cessé pour être immédiatement remplacés par des cris de nouveau-né. Loth se leva brusquement et se précipita dans la chambre attenante. Personne n'osa le suivre. Toute l'assistance se regardait d'un air grave en se demandant si Anna était encore en vie.
Après une dizaine de minutes, une sage-femme invita la famille proche à rentrer dans la chambre. Ne se sentant pas tellement concerné, Galessin resta seul dans la pièce à vivre et en profita pour s'écrouler sur une chaise afin de récupérer un peu.
Dans la chambre, Anna était étendue dans son lit. Elle était très pâle et avait été coiffée et lavée sommairement. Les draps qui l'entouraient avaient été changés pour rendre la scène plus présentable. Arthur fut parcouru d'un frisson glacé : était-il en train de voir une femme morte en couches ? Il fut rapidement soulagé de voir que sa demi-sœur respirait lentement dans son lit et ouvrait parfois les yeux. Elle n'avait simplement pas l'énergie nécessaire pour les accueillir.
Agenouillé à ses côtés, Loth tenait dans ses bras un nourrisson emmailloté, frais de quelques minutes, et présentait l'enfant à son ex-femme. Anna ouvrait les yeux et souriait par intermittence en regardant ce petit miracle.
Arthur s'approcha de l'enfant. De grands yeux encore clos, une petite bouche charnue, une tête garnie de cheveux noirs : Arthur dût admettre que son nouveau neveu (ou sa nouvelle nièce ?) faisait un bien beau bébé. Loth souriait d'un air béat en découvrant son nouvel enfant. Arthur voyait son beau-frère tomber à nouveau amoureux.
« C'est une petite fille. Un petit bijou. Elle est tellement jolie… » déclara-t-il en montrant l'enfant au reste de la famille.
Ygerne avait les yeux brillants et se laissa happer par l'émotion du moment. Gauvain était béat d'admiration devant sa nouvelle petite sœur. Même Cryda quitta son sourire ironique pour arborer un sourire véritablement joyeux.
Après quelques commentaires sur la beauté de l'enfant, la fatigue bien naturelle d'Anna et le soulagement que tout se soit bien passé, la famille proche fut invitée à laisser les nouveaux parents seuls pour permettre à la mère de se reposer.
Lorsque l'assemblée revint dans la pièce à vivre, Gauvain constata qu'Arthur avait l'air soucieux.
« Mon oncle ? Que se passe-t-il ? Vous avez l'air pensif… », demanda le jeune homme.
« Pour tout vous avouer… je pense au Père Blaise », répondit presque immédiatement Arthur.
« Au Père Blaise ? En pareil instant ? » répondit le jeune chevalier avec étonnement.
« Est-ce que vos parents vont opter pour un remariage ou pour une annulation du divorce ? Dans tous les cas, le Père Blaise va râler. Ça va lui faire de la paperasse. »
