Une Affaire de Famille

AN : Voilà le prochain chapitre. En espérant que ce chapitre et cette histoire vous plaise ! Bonne lecture ! Chapitre plutôt médical

Chapitre 10 :

Les scénarios se bousculaient dans sa tête au rythme des bips incessants et frénétiques qui martelaient toujours son esprit. Il murmurait toujours continuellement ses supplications qui se mourraient dans l'allée d'une blancheur folle. Avachi sur le sol, à peu près adossé contre le mur face à la porte de chambre de Dean. Il avait vu du personnel médical courir comme à leur habitude avec un brancard devant lui. Un coup de vent lui fouetta le visage à leur passage et il ne sût pas déterminer si l'odeur métallique venait de son aîné et de tout ce sang perdu pour s'il ce n'était imaginé dans son esprit torturé.

Le médecin vient s'asseoir à côté de lui après ce qu'il lui semblait une éternité. S'il voulait être objectif et suivre cette foutue horloge cela ne faisait que deux heures qu'ils lui avaient enlevés Dean sans lui donner aucunes nouvelles.

-Sam. Je vais être honnête avec vous. Dean…est souffrant d'une hématémèse : cela signifie qu'il vomit du sang à origine digestive. Plusieurs causes peuvent en être à l'origine et dans le cas de votre frère nous craignons une lésion digestive dû aux traitements qu'il lui a été infligé.

-ça veut dire qu'il fait une hémorragie interne ?

Il avait eu peur de poser la question qui était tout de même sortie toute seule. Il fronça les sourcils et se pinça les lèvres redoutant la réponse. Ce n'était jamais bon une hémorragie interne.

-C'est une option à envisager que nous ne pouvons malheureusement pas écarter. Si tel est le cas nous n'aurons pas le choix que de tenter une opération pour endiguer l'hémorragie si toutefois elle est endiguable.

Sam accusa le choc si puissant qu'il venait de lui expulser l'air des poumons et avait arrêté son palpitant qui loupa quelques battements précieux. Il n'eut pas le temps de réagir ou de comprendre réellement l'étendue de ces paroles avant que le médecin n'enchaîne.

-Cependant, nous espérons une autre origine. Vous nous avez décrit que votre frère avait passé ces jours fatidiques dans les égouts. Nous pouvons donc émettre l'hypothèse que l'estomac instable de votre frère ne vient pas que de la non-nutrition mais d'une bactérie. Nous attendons actuellement les résultats d'analyse. Les rejets répétitifs et très acides de Dean ont pu léser les parois de son système digestif et amener à une hématémèse.

-M-Mon frère…Qu'est-ce que ça veut dire, pour…pour lui ?

Une bactérie, ça se soigne non ? Sa voix si faible et si saccadé l'avait ébranlé alors qu'il devait y voir de l'espoir, non ?

-Sam, nous avons besoin de votre accord le plus rapidement possible pour passer une sonde à la recherche de l'origine du saignement. Dans la crainte qu'il souffre d'une hémorragie interne, cela voudrait dire qu'il saigne en continue depuis des jours et nous ne savons pas quelle quantité de sang il a pu perdre jusqu'à présent ni combien il peut encore se permettre de perdre : nous ne pouvons pas attendre les résultats avant d'agir. La plus haute probabilité est que l'origine de l'état de votre frère soit trouvée avec la fibroscopie et que les résultats nous donnent la cause. Je voudrais seulement vous préparer à l'autre possibilité même si elle paraît moins probable.

-Après la fibroscopie, qu'adviendra-t-il de mon frère…Je veux dire…quelles sont ses options ?

-Si c'est une simple lésion, elle sera traitée par la fibroscopie pour cautériser la plaie. Si toutefois la lésion est plus importante avec un endommagement de l'organe, nous aurons besoin de votre accord pour amener votre frère au bloc opératoire. Des chirurgiens ont déjà reçu son dossier et se tiennent prêts.

-Et…ses chances ?

Il bloqua sa respiration en anticipation d'une réponse des plus horribles qui condamnerait son frère, son sang. Puisqu'ils partageaient le même sang, ne pouvait-il donc pas saigner pour son aîné ? Le sauver de toutes les misères du monde, si seulement il le pouvait. Le regard perçant du médecin était plongé dans ses iris quémandant une attention.

-Sans tous les résultats je ne pourrais pas m'avancer, je suis désolé. Ce que je sais c'est que sa condition est sévère mais traitable sur le papier. Votre frère est jeune et fort. Je ne voudrais pas vous donner trop d'espoirs mais accrochez-vous à ça. De ce que j'ai pu voir en tant que médecin, Dean n'en ai pas à son dernier combat. Nous vous exposons tous les scénarios possibles et nous nous préparons à les affronter.

-Merci, docteur.

L'homme en blouse blanche déposa un amas de feuilles et un stylo dans le creux des mains du jeune Winchester. Il ne discernait pas les mots et ne voyait que quelques formes reconnaissant quelques bribes d'un discours médical assommant. La main tremblante, il approcha la pointe du stylo pour signer et entama un majestueux W. Il se stoppa net avant de former entièrement le « i » et se rattrapa de justesse pour signer McNeil. Une main se posa légèrement sur son épaule, il crût entendre une voix mais elle était si lointaine qu'il ne comprit rien. Les feuilles et le stylo s'envolèrent et il perdit contact avec ce point rassurant qui planait sur son épaule. Il restait assis dans ce couloir si violemment blanc et aseptisé comme pour cacher la mort omniprésente qui régnait sur ce lieu. Il voulait récupérer Dean, le serrer si fort dans ses bras et l'amener en sécurité auprès de lui. Ces blouses floues qui habitent dans ce bâtiment maudit ne sont en réalité que dans une course effrénée à passer de patients en patients. Finalement, ils ne font qu'essayer de sauver les condamnés jusqu'à leur dernier souffle : une idylle si utopique. Pour toutes ces âmes si damnées que restait-il à sauver ?

Une paire de chaussures en caoutchouc blanc surmontée d'un pantalon bleu pâle et délavé entra dans son champ de vision. Il redressa lentement la tête et son regard se posa sur une jeune infirmière qui lui souriait tendrement. Sans un mot elle lui tendit une main. Il la saisit et se releva douloureusement, tous ses muscles crispés résistants au mouvement d'un râle brûlant cruel. Une délicieuse torture qu'il laissa gagner tout son être. Chacune de ses cellules vibrait d'agonie, ce nectar de supplice l'entraînait auprès de son aîné sur la corde raide.

Un carton chaud vint au contact de ses paumes. Il aurait aimé que la chaleur ne soit pas réconfortante et agréable mais qu'elle le brûle. Qu'une marque au fer rouge indélébile prône sur le reste de chair qu'il possédait, qu'elle devienne le symbole auquel il pourrait espérer s'accrocher pour se convaincre qu'il vit encore. Que Dean vit encore.

-Ce n'est pas grand-chose mais ça allait toujours mieux quand ma grande sœur m'en préparait un.

-Pardon ?

Sam était à présent assis sur l'une des chaises plastique affreusement conçues en faveur des courbatures. L'infirmière qui l'avait relevé, accroupie en face de lui. Le carton chaud qu'il ressentait n'était autre qu'un gobelet de chocolat chaud délicieusement fumant. L'odeur atteignit ses narines et calma légèrement son corps et ses pensées.

-Je sais quelle période vous pouvez vivre et à quel point votre sang bouillonne d'entendre ces propos. J'ai choisi de devenir infirmière après avoir perdu ma grande sœur. Elle était tout pour moi. J'ai passé tellement de jours incertains dans des couloirs comme celui-ci. Je comprends réellement votre douleur. Je…Elle me faisait des chocolats chauds avec des marshmallows flottants divinement sur le dessus. Je n'ai pas pu vous en mettre mais j'ai pensé…Enfin…

-Merci…Mon frère…Il me préparait toujours un repas spécial : des macaronis au fromage et un bol de mes céréales préférées dans du lait. Je suis désolé pour votre sœur…Je n'imagine pas comment on peut s'en remettre ?

-On ne s'en remet pas, on vit avec. J'essaie de lui faire honneur chaque jour et pouvoir aider mon prochain à ne pas vivre ce que j'ai vécu, soulage ma peine. Votre frère va s'en sortir, il est entre de bonnes mains. J'ai travaillé avec le docteur Manners quelques temps et il a toujours été justes dans ses propos. S'il a déclaré que votre frère pouvait s'en sortir, vous le reverrez bientôt vous harceler pour sortir d'ici.

Un léger rire échappa des lèvres du jeune chasseur, amusé par la scène que décrit cette femme.

-Merci beaucoup. Je me perdais dans des pensées…douloureuses.

Elle hocha la tête et s'assit à côté de Sam. Elle resta silencieuse mais présente auprès de lui, laissant le cadet finir son chocolat chaud. Un bruissement de porte attira son attention et sans un mot elle prit délicatement le gobelet vide avant de s'éclipser.

-Sam ?

Le docteur Manners se tenait devant lui avec un dossier dans les mains. La mine impassible qu'il arborait ne donnait au cadet aucun indice tangible. Il se leva si brusquement qu'il perdit l'équilibre un court instant.

-Docteur ? Dean….

-Il va bien. Asseyons-nous, voulez-vous ?

Il accompagna la parole aux gestes et guida le jeune homme à se poser de nouveau contre ces lames de plastiques.

-La fibroscopie s'est très bien passée. Les vomissements répétés de Dean avaient lésé l'œsophage. La plaie a été cautérisée et il ne saignera plus. Nous avons également eu les résultats d'analyse. Votre frère souffre de la leptospirose. C'est une maladie bactérienne transmissible à l'homme par les rongeurs dans des milieux souillés comme les égouts par exemple. Je ne pourrais dire comment la bactérie est entrée. Cela se pourrait par les morsures de rongeurs qu'il présente au mollet gauche ou par l'eau non potable qui l'a maintenu en vie. Chez l'homme la maladie est souvent bénigne et nous avons écarté ses complications. Les symptômes se manifestent entre 2 jours à 3 semaines après le contact et peuvent causer de la fièvre, des maux de tête, des frissons, des nausées et des vomissements ainsi que des douleurs musculaires. Le traitement est médicamenteux, nous n'avons qu'à ajuster son antibiothérapie et lui donner de la pénicilline et le tout se résorbera très vite.

-Merci, docteur. Merci infiniment ! Est-ce que ça voudrait dire que cette…leptospirose a causé l'hématémèse ?

-C'est exactement ça. Vous pouvez retourner au chevet de votre frère si vous le souhaitez. Il devrait être embêté encore quelques jours par ses nausées et vomissements mais tout devrait s'effacer rapidement.

-Je ne sais pas comment vous remercier, Docteur Manners !

D'un léger signe de la main il transmit à Sam que ce n'était rien et raccompagna le jeune homme auprès du plus âgé. Il gisait dans ce lit, recouverts de draps autour de son corps frêle à la merci de la moindre des merdes qui voudrait le mettre à terre. Son cœur suppliait de reprendre sa place de vigil auprès de lui et d'arrêter, quoi qu'il lui en coûte, la moindre poussière qui voudrait nuire à son aîné. Il réprimât un frisson à la vision d'une canule trônant sans vergogne sous les narines délicates de Dean.

Il supporta un corps immobile toute la nuit durant, des gémissements et des vomissements dans la journée qui suivit et se maudissait de donner à manger à son frère créant lui-même les réactions violentes que subissait son aîné. Tremblant de tout son être au-dessus de la bassine que lui tendait le cadet, il sanglota. La salive débordante de ses lèvres et les joues ruinées de larmes il releva faiblement la tête vers Sam. Une voix si faible et saccadée emplit l'air autour des deux hommes.

-Tu ne devrais pas perdre ton temps avec moi, Sam.

La bassine lui échappa presque des mains à ces mots. La voix si éteinte et abattue se gravant dans les replis de son cerveau. Même dans les pires moments qu'ils ont pu connaître jusqu'à présent il n'avait jamais entendu son frère si…détruit. Des perles salées tracèrent leurs chemins pour mourir dans le creux des lèvres de Sam. Il agrippa fortement la main de Dean et entrelacèrent leurs doigts. Son aîné, drainé de l'effort qu'il venait de faire se laissa tomber contre le matelas ferme et ferma les yeux dans un gémissement atroce. Il laissa sa seconde main glisser dans les cheveux emmêlés du plus âgé, les démêlants délicatement. Il lui murmura tout son amour et à quel point il était hors de question qu'il ne bouge de cette chambre. Il déposa tendrement ses lèvres sur le front de son frère et s'endormit en veillant sur lui.