Désolée, les enfants, je prends de plus en plus de temps. Merci pour votre indulgence.

Aujourd'hui, encore une passionnante opération de maintenance, et un petit moment de sororité et d'émotion.


Encore une patrouille de routine qui a bien failli se terminer en apocalypse.

Ayant attiré les garçons par une manœuvre de diversion, Véga a dépêché un monstrogoth particulièrement repoussant en plein cœur de la capitale - "Ils ont gigantisé une mygale !" s'exclame Phénicia. "Beurk !"

Si ce n'était que cela.

Boris Karloff est apparu sur l'écran de Procyon pour lui poser un ultimatum : la reddition de Goldorak, ou la détonation d'une puissante bombe végatronique en plein cœur de la ville et l'annihilation de douze millions d'âmes. Vous avez cinq minutes pour vous décider. Le compte à rebours est lancé.

Actarus n'a pas cédé au chantage de Véga, et a préféré se battre tant qu'il restait un espoir, aussi infime fût-il. Les Aigles ont tous décidé de se battre.

Le monstrogoth est coriace, et armé d'un redoutable rayon au lasernium. Les Aigles parviennent à l'éloigner de la bombe et à le détruire, mais payent un prix terrible ; Vénusia se crashe, Fossoirak est mutilé. Goldorak parvient de justesse à s'emparer de la bombe et à l'emmener en altitude, loin de la ville. Les secondes s'égrènent inexorablement. Chaque kilomètre compte.

Au poste de contrôle, tous retiennent leur souffle. "Actarus !" s'écrie Procyon. "Il ne te reste plus que quelques instants ! Décroche !" Andromède est tétanisée.

Goldorak lance l'engin explosif de toutes ses forces et fait volte-face. Le souffle de la détonation le rattrape avant même qu'il n'ait eu le temps d'enclencher ses mégamachs.

"Actarus ! Actarus, réponds ! Actarus !"

Rien. La radio ne fonctionne plus. Un silence terrible se fait.

"Il a disparu de mon écran radar," finit par annoncer Argoli. "J'ai enregistré ses coordonnées lors de l'explosion, mais depuis, plus rien."

Le visage du Professeur est grisâtre. "C'est inutile," dit-il sombrement. "L'impulsion électromagnétique provoquée par l'explosion a dû être colossale. Elle aura perturbé les télécommunications de la moitié du pays."

"Et les circuits de Goldorak," ajoute Andromède avec fatalisme. "Il s'est pris l'IEM de plein fouet. Actarus a dû perdre le contrôle de son vaisseau et se poser en catastrophe." Elle dit ça pour ne pas dire Avec cette quantité de végatron, il a dû perdre connaissance et se crasher dans les montagnes. Si tant est que les structures de Goldorak aient résisté à une telle déflagration. Mon dieu. Et si Actarus a survécu à l'explosion, survivra-t-il au crash ?

"Et Alcor, où est-il ?" demande Procyon.

Sans doute soufflé par l'explosion, lui aussi. Argoli hausse les épaules, impuissant.

Des grésillements se font entendre. Les plafonniers et les diodes des instruments clignotent et s'éteignent. Une odeur de roussi s'élève des consoles. L'IEM les a rattrapés eux aussi. Le matériel électronique dernier cri du Centre en a pris un sacré coup. Eh merde.


Ils ne peuvent rien faire d'autre que de réparer leurs systèmes et attendre que les communications avec le monde extérieur soient rétablies.

À force de mettre la tête dans les circuits du système radio et de jouer lui-même du tournevis, Procyon parvient enfin à entrer en contact avec la base militaire voisine. Fort heureusement, les infrastructures électriques militaires sont résilientes face à ce genre d'attaque. "Leurs hélicoptères sont en état de marche," annonce-t-il. "Ils vont nous en envoyer deux pour tenter de localiser Goldorak." Un pour les ingénieurs, un autre pour l'équipe médicale. "Je leur ai dit d'en dépêcher également en ville." Les filles sont blessées. Il faut aussi sécuriser les raks, en attendant d'organiser leur rapatriement. Quant à Alcor… qui sait où il peut bien être.

"Je n'ose pas imaginer le chaos en ville," dit Argoli. Pas d'électricité, pas de communications. Des incendies, sans doute. Accidents, pillages, panique ?

"Andromède," dit Procyon, "j'ai besoin que tu prennes une équipe et que vous tâchiez de remettre Goldorak en état de marche, au moins le temps de le ramener ici. Nous ne pouvons pas le laisser en pleine nature à la merci de l'ennemi."

Assise dans son coin, Andromède est sonnée. Elle a de nouveau ce sentiment d'irréalité qui la saisit dans les pires moments. "Entendu, Professeur." Elle se lève comme un automate, et descend au sous-sol rameuter les collègues. Les meilleurs. Et enfiler ma combinaison sexy, se dit-elle avec un sang-froid qui tient plus du mécanisme de défense que du courage.


Andromède se penche par la porte de l'hélicoptère. Eurgh. Transfusée ou pas, elle souffre toujours de vertige. Au moins devrait-elle pouvoir se réceptionner à peu près dignement si elle tombe de cette hauteur. En théorie. C'est un piètre réconfort.

En contrebas, Goldorak gît à flanc de coteau. Il a dû tenter d'atterrir sur le ventre, finissant par s'immobiliser sur cette montagne, et laissant derrière lui une vaste saignée de terre retournée, d'arbres arrachés et de roche pulvérisée. Dans la lumière du jour déclinant, Andromède voit que sa carrosserie n'a apparemment subi que quelques éraflures pour tout dégât extérieur. Dieu merci. Dieu seul sait dans quel état se trouve Actarus, en revanche.

"Attention, mademoiselle," lui dit le soldat, "ne vous penchez pas tr-"

"Pomme." Elle tend la main avec impatience.

L'un de ses assistants y dépose le fruit. Andromède tâche d'estimer la puissance du flux d'air déplacé par les rotors, calcule grossièrement une trajectoire parabolique. En même temps, la cible est grande, ce serait vraiment pathétique de la manquer. Elle lance la pomme de toutes ses nouvelles forces.

Ploink. Le fruit rebondit sur la tôle sans même y laisser ne serait-ce qu'une bosse, roule sur le fuselage, et tombe du dos de Goldorak.

"C'est bon," dit Andromède. "Messieurs, allons-y."

Le soldat accroche le filin à son harnais. Eh merde. Faut-il qu'elle ait fait des études scientifiques pour se retrouver à faire des acrobaties pareilles ! Allez, Andromède. Tu as des superpouvoirs, à présent. Le moment est venu de t'en servir. Elle se console en se disant que ses collaborateurs non plus n'ont pas fait ce métier pour mener des opérations de commando. Elle sait que le treuil supporte largement son poids. En théorie. Elle respire un bon coup et saute dans le vide.

Quelques minutes plus tard, Andromède, revêtue de sa magnifique combinaison antiradiations, se tient sur le dos de Goldorak, flanquée de ses Nibelungen préférés, pareillement accoutrés et chargés de caisses de matériel, de valisettes blindées contenant les précieux circuits de rechange, le kit de microsoudure, et la Bible.

Si la foudre était parvenue à griller les circuits de Goldorak, l'IEM aura fait autant de dégâts, voire pire. La bonne nouvelle, c'est que l'IEM semble avoir neutralisé le système de sécurité du vaisseau, sans quoi ils n'auraient pas réussi à s'en approcher.

Le dosimètre d'Andromède crépite, l'aiguille s'affole. Goldorak a été copieusement irradié lors de l'explosion de cette bombe végatronique. Pour ne rien arranger, le ciel s'est couvert et une pluie noire, vraisemblablement radioactive, se met à tomber. Merde, merde, merde, il ne manquait plus que ça. Il va falloir faire vite. Sortir Actarus de là, le rapatrier. Elle n'ose pas imaginer la dose de radiations qu'il a dû encaisser. Et celle qu'ils ne manqueront pas d'encaisser s'ils s'attardent trop longtemps.

Les ingénieurs avancent prudemment vers le cockpit, faisant attention à ne pas glisser sur le dos bombé et glissant de la soucoupe porteuse. Goldorak s'est immobilisé sur une pente ; leurs lourdes bottes en caoutchouc leur donnent tout juste assez de prise. Derrière eux, le deuxième hélicoptère débarque l'équipe médicale. Le bruit des rotors est assourdissant.

Au pied de l'aileron dorsal, Andromède localise une petite trappe dans le fuselage, la soulève, tire le levier qui contrôle l'ouverture manuelle du cockpit, et se hisse à l'intérieur, tant bien que mal. Actarus gît inconscient, prostré sur le tableau de bord. Mon dieu.

"Actarus… Actarus, tu m'entends ?"

Rien. Elle n'entend que sa propre respiration dans le masque filtrant. Un frisson lui parcourt l'échine.

Elle pose précautionneusement une main sur le dos d'Actarus. Son cœur bat. Il respire. Dieu merci. Elle braque sa lampe de poche sur son visage, scrute ses yeux à travers le verre verdâtre de sa visière. Pas de sang, apparemment, mais il est bel et bien évanoui. Elle n'ose pas le toucher davantage. Elle fait signe à l'équipe médicale d'approcher. Ils grimpent à bord, posent une minerve à Actarus par précaution, puis se livrent à toute une manœuvre dans l'espace exigu de l'habitacle pour l'extraire de son fauteuil et l'amener jusqu'au brancard héliporté.

Elle regarde les secouristes regagner l'appareil et s'éloigner, et ressent une angoisse nauséeuse ; mais il n'y a pas de temps pour cela. Concentre-toi. Tandis que les Nibelungen se hissent à leur tour à bord et se passent les mallettes de matériel, Andromède s'affaire à dévisser le panneau du tableau de bord. Elle branche les câbles du générateur de secours que lui tend l'un de ses assistants - pas assez puissant pour faire décoller Goldorak, mais suffisant pour alimenter l'ordinateur de bord. Prions pour qu'il n'ait pas trop morflé. Elle connecte son interface de traduction et tente d'allumer l'ordinateur.

Une lueur apparaît sur l'écran. Ouf. De la neige. Des signes brouillés, illisibles. Eh merde. Des interférences. Allez Goldo, accroche-toi ! Sur son interface, l'image se résout en quelque chose qui ressemble à l'écran d'accueil qu'elle connaît. Bon, il va falloir faire avec. Elle ferme tout d'abord la vitre blindée du cockpit ; cela devrait bloquer une partie des radiations. Elle sélectionne ensuite une option qui ressemble à SYSTEMS CHECK, puis une version pixellisée de RUN DIAGNOSTICS.

L'ordinateur réfléchit quelques instants, puis finit par afficher une liste d'avaries longue comme le bras.

Meeeeerde. Pas moyen de s'occuper de tout ça maintenant ; il va falloir parer au plus urgent. Elle lance le diagnostic des systèmes de propulsion. L'ordinateur annonce qu'ils sont OFFLINE. Merde. Mais encore ? Les réacteurs de la soucoupe porteuse ?

STARBOARD ENGINE MALFUNCTION

Les systèmes de lévitation magnétique ?

HOVER DRIVE MALFUNCTION

Elle appelle ensuite les données des FLIGHT SYSTEMS et des NAVIGATION SYSTEMS.

ERROR W397

ERROR J241

ERROR Y685

Seigneur. Andromède soupire. "Messieurs, au travail. Il va falloir être efficaces. Aldébaran, vous voulez bien vous occuper du réacteur tribord ? "

"Entendu." La voix de l'ingénieur crépite dans son oreillette. Il ouvre la trappe d'accès et descend dans les entrailles de la bête avec sa boîte à outils.

"Régulus. Les circuits du système de lévitation. Zone 12."

"Accès par l'intérieur ?" Le pauvre homme est un peu claustrophobe.

"J'en ai bien peur."

Il s'engouffre à son tour dans le boyau, la mort dans l'âme.

"Altaïr, éclairez-moi, voulez-vous ?" Elle se contorsionne autour du fauteuil de pilotage pour accéder aux circuits du système de navigation. Merde. Comment diable va-t-elle faire pour bricoler des microcircuits avec ces gros gants en caoutchouc ?

C'est pour ça que tu as a reçu cette transfusion, ma grande. Elle a de bons yeux désormais, une excellente motricité fine. Des mains qui ne tremblent pas. Concentration. Endurance. Résistance aux radiations, sans doute. Tant mieux, ils en ont pour des heures.

Et puis c'est toujours mieux que de charcuter Actarus.

"Altaïr ? Scalpel. Merci."


Un grésillement se fait entendre dans l'oreillette d'Andromède. "Andromède, ici le Centre."

"Contente de vous entendre, Professeur." Le contact radio n'est pas fameux - sans doute les radiations - mais il a le mérite d'exister. "Actarus est arrivé ? Comment va-t-il ?"

"Il est à l'infirmerie."

"Et les autres ?"

"L'armée les a récupérés, ils sont en route."

"Alcor aussi ?"

"On l'a repêché près de la côte. Il est un peu secoué, mais ça va."

Soulagement.

"Andromède, où en êtes-vous avec les réparations ?"

Elle fait craquer sa nuque ; cela fait des heures qu'elle s'esquinte à fignoler des microsoudures au laser. "Nous avons bien avancé, Professeur." Procyon n'a pas besoin de savoir que Régulus a failli faire un malaise dans son boyau - un comble pour un Nibelung - et qu'ils sont à présent à court de circuits de rechange pour le système de propulsion. Désormais, ce sera les rustines maison.

"J'aimerais m'assurer que le système de navigation est bien calibré," dit Andromède. Elle émerge péniblement de sous le tableau de bord, et prend place dans le fauteuil d'Actarus sans grâce. C'est vraiment ergonomique, cette position ? "Argoli," demande-t-elle, "vous voyez la balise de Goldorak sur le radar ? Vous pouvez me confirmer les coordonnées exactes ? Bien."

Elle espère que le radar du Centre fonctionne à nouveau normalement, après les réparations d'urgence qu'il a subies. Que les coordonnées qu'Argoli lui fournit sont fiables. Si le compas est faussé ne serait-ce que d'un poil de degré, Goldorak va s'écraser contre le barrage.

"Quand pouvez-vous envisager un retour à la base ?" demande Procyon, nerveux de savoir Goldorak ainsi exposé.

"Nous procédons aux dernières vérifications. Aldébaran, où en êtes-vous ?"

"J'ai fini, chef."

"Régulus, ça va ?"

"Oui chef, ça va aller…"

"Bien, messieurs, revenez au cockpit. Altaïr, pouvez-vous revisser les panneaux ? Merci."

Elle lance un énième SYSTEMS CHECK. La liste d'avaries est toujours longue comme le bras, mais au moins les systèmes de propulsion et de navigation sont-ils à présent ONLINE. Pourvu qu'ils tiennent jusqu'à la maison.

Ses collaborateurs émergent un à un des entrailles de la bête. Les pauvres doivent être trempés de sueur dans leurs combinaisons. Le caoutchouc antiradiations n'est pas très respirant.

"C'est bon, messieurs, vous êtes bien installés ?" leur demande Andromède. Les ingénieurs se serrent à trois sur la banquette, dans le minuscule habitacle, parmi les caisses d'équipement.

Elle est choquée de son propre calme. Ou peut-être est-ce simplement la fatigue. Aaah. Elle comprend. Transfusion. Système cardiovasculaire renforcé, meilleure gestion du stress. Ou alors la situation est-elle tellement absurde que son cerveau refuse d'en accepter la réalité.

Elle déroule le menu sur son écran et sélectionne l'option AUTOPILOT.

"Andromède appelle le Centre. Nous allons tenter le décollage."

"Bien reçu. Nous préparons le hangar."

"Chef…," fait Altaïr depuis la banquette arrière. "Vous n'allez pas le dire ?"

"Quoi donc ?" demande Andromède.

"Vous savez… 'GOLDORAK, GO !'"

"Non." On n'est pas là pour s'amuser.

Les Nibelungen prennent un air penaud.

"Bon," soupire Andromède, "rentrons, j'ai besoin d'un verre."

Sur son écran, elle vérifie une dernière fois les paramètres de vol, puis sélectionne RETURN TO BASE.

Les diodes, voyants et cadrans du tableau de bord s'illuminent. Goldorak se met à ronronner.

"Messieurs, accrochez-vous."

Elle adresse une petite prière à la divinité tutélaire d'Euphor, au cas où.


Lorsqu'Andromède sort de la décontamination, elle passe tout d'abord au poste de contrôle pour faire son rapport à Procyon.

Le Professeur aussi a veillé toute la nuit. Par le biais d'une mauvaise liaison radio, il coordonne tant bien que mal le rapatriement des raks ; avec tout le chaos ambiant, acheminer des camions militaires et installer des grues en plein centre-ville tient du cauchemar logistique.

Il fait signe à Andromède d'approcher, et sans interrompre sa conversation avec les Forces Nationales d'Autodéfense, il lui donne la clé de son bureau. Andromède s'éclipse, et revient quelques minutes plus tard avec la bouteille de whisky que Procyon conserve dans son secrétaire pour les situations comme celle-ci. Elle verse une rasade du liquide ambré dans les gobelets en plastique de la cafétéria et les passe silencieusement au Professeur et à son équipe.

C'est la première fois qu'elle reboit de l'alcool depuis qu'elle a été blessée. Elle savoure longuement les arômes du whisky, l'avale avec gratitude, espère qu'il saura calmer ses nerfs et remettre son estomac à l'endroit. Plus jamais ça, se jure-t-elle.

"Andromède, ça va ?" demande Procyon lorsqu'il a raccroché. "Tu as l'air fatiguée."

J'ai l'air verdâtre. "Nous sommes tous fatigués," dit-elle poliment. "La nuit a été longue et éprouvante pour tout le monde." Le Professeur n'a pas non plus besoin de savoir qu'elle s'est précipitée pour vomir dès son retour au Centre. On va mettre ça sur le compte de l'émotion, pas des radiations.

"Goldorak est très endommagé ?" s'enquiert Procyon.

"J'en ai bien peur. Il a besoin d'une révision complète."

Procyon hoche la tête. "Va te reposer. Nous allons avoir du pain sur la planche dans les jours qui viennent. Les raks sont également mal en point."

"Professeur… Comment va Actarus ?"

Procyon soupire. "C'est difficile à dire. Cliniquement, il semble avoir subi une commotion cérébrale, ce qui n'est guère étonnant. Il devrait s'en remettre assez vite. Cependant…"

"Cependant… ?"

"Il a de nouveau sombré dans cette sorte de stase à laquelle nous n'avons trouvé aucune explication. Il n'y a sans doute pas lieu de s'inquiéter ; j'imagine que cet état doit lui permettre d'accélérer sa convalescence…"

Andromède ne sait pas s'il s'agit d'une bonne ou d'une mauvaise nouvelle. Elle cherche le regard de Procyon. "Professeur… Si c'était grave, vous me le diriez, n'est-ce pas ?"

"Bien sûr, mon enfant."

Elle soutient le regard du Professeur. Elle ne le croit pas. Il n'a rien dit concernant les radiations qu'Actarus a subies ; et elle n'a pas le courage de demander. Elle salue Procyon du chef, vide son gobelet de whisky, et s'éloigne en direction de l'infirmerie.


Ce n'est qu'en chemin qu'elle s'aperçoit que l'alcool ne lui fait strictement rien. Eh merde.


Andromède n'avait jamais vu autant de monde à l'infirmerie. Les Aigles sont là tous les quatre, séparés par des paravents, assoupis dans la pénombre. Mon dieu. Cette fois ils ont vraiment tous failli y passer. Ce qu'ils sont jeunes, se dit-elle.

C'est presque l'aube. Elle est épuisée. Sur la pointe des pieds, elle prend une chaise et va s'asseoir au chevet d'Actarus.

Sa tête est entourée de bandages ; Andromède n'ose même pas lui caresser les cheveux. Quelqu'un a pris la peine de lui mettre un pyjama, le haut comme le bas. Procyon, sans doute. Est-ce par pudeur, ou pour qu'il n'ait pas froid ? Ou bien pour cacher sa cicatrice ? Elle ne veut même pas imaginer quel aspect elle peut bien avoir. Entre le rayon végatronique de ce monstrogoth et l'explosion nucléaire… Elle frissonne.

Elle songe qu'elle a failli le perdre, une fois de plus - il s'en est fallu de peu cette fois. Elle ne peut s'empêcher de penser aux circonstances de la mort de son père, atomisé en plein ciel. Se dit qu'elle finira par perdre Actarus tôt ou tard, d'une manière ou d'une autre. Il va se sacrifier, pour eux, pour les humains, pour cette planète qui n'est même pas la sienne, et il ne restera rien de lui, pas même une tombe sur laquelle se recueillir. Et si par miracle il ne meurt pas dans une boule de feu, alors c'est cette maudite blessure qui finira par avoir raison de lui. Et le putain de whisky qui ne me fait plus aucun effet !

Elle pose la tête sur le cœur d'Actarus et pleure silencieusement.


Andromède se réveille avec la nuque en vrac. Il fait jour. Elle a cru entendre des voix tout à l'heure, Procyon et le médecin de garde parlant à voix basse… Il n'y a plus personne à présent. Les autres ont quitté l'infirmerie. C'est donc qu'ils vont à peu près bien.

Elle ignore quelle heure il peut bien être. Elle reste assise là, hébétée.

Elle contemple le beau profil d'Actarus endormi, la frange de ses longs cils, ce petit pli entre ses sourcils qui l'émeut tant. Regarde sa poitrine se soulever lentement, paisiblement, avec chaque souffle. Observe les courbes que dessine l'électroencéphalogramme.

Elle n'a pas de livre à lui lire. Elle ne veut pas quitter son chevet pour aller en chercher un. Alors elle approche la tête de la sienne, et commence à lui parler tout doucement à l'oreille.

"Actarus, quand tout ça sera fini… on fera ce que tu veux, tu entends ? On fera le tour du monde. Et si tu trouves un bel endroit qui te rappelle Euphor, on s'y installera, même s'il y fait chaud, je te suivrai. Et si tu veux élever des chevaux, ou bien ouvrir une clinique vétérinaire, ou aller au fin fond de la jungle étudier les singes, ou militer pour sauver les baleines, eh bien on fera ça. Tout ce que tu voudras. Je te le promets. Tout ce que tu voudras, mon amour…"

Elle radote ainsi pendant dieu sait combien de temps. Elle lui décrit tous les endroits qu'elle a visités, puis ceux qu'elle ne connaît que par la télévision ou par les livres, lui décrit tous les animaux qu'elle peut, se rend compte à quel point sa connaissance du monde naturel est insuffisante.

De toute façon, même si Véga est aux abois, même s'il y a un infime espoir qu'Actarus gagne cette guerre, elle doute qu'il puisse profiter longtemps de sa victoire.

"…et ce projet d'implants cybernétiques dont tu me parlais, tu te souviens ? Les interfaces cerveau-machine qui permettraient aux gens de remarcher, de recouvrer la vue… J'aimerais t'aider à les réaliser. Oh, je sais que ça n'est pas mon domaine, mais je pourrai t'aider avec les matériaux. Ton père pourra t'obtenir des financements, j'en suis sûre. Avec ses compétences en robotique, et avec tes connaissances, vous allez réaliser des choses merveilleuses…" Et on te construira un bras tout neuf s'il le faut, mon amour, il est hors de question qu'on laisse cette blessure te tuer, tu entends ? On va tout tenter. Ça, elle n'a pas le cœur de le lui dire, même s'il est inconscient. Oh Actarus

Phénicia entre à l'infirmerie. La petite hésite, puis prend une chaise et vient s'asseoir à côté d'Andromède.

Andromède s'essuie les yeux et tente de se donner une contenance. "Comment ça va ?" demande-t-elle à Phénicia. "Pas trop secouée ?"

"Ça va, plus de peur que de mal," répond la petite. Capacités de récupération hors normes, se dit Andromède. "Toi par contre ça n'a pas l'air d'aller fort."

"Tu ne m'en veux pas d'accaparer ton frère ?" demande Andromède.

"Lui non plus n'a pas quitté ton chevet quand c'est toi qui étais endormie," répond Phénicia. Puis, d'une petite voix : "Comment va-t-il ? Tu es très inquiète ?"

"Pas vraiment." Andromède renifle. "Il n'a rien de grave, paraît-il, juste une commotion cérébrale ; il dort profondément pour récupérer."

"Andromède," dit Phénicia sérieusement. "Tu me le dirais si c'était grave ?"

"Regarde son électroencéphalogramme : il n'est pas dans le coma. Les médecins ne comprennent pas bien son état, mais ce n'est pas la première fois que ça lui arrive. Ça doit être un truc euphorien, un processus de régénération."

"Alors pourquoi te mets-tu dans des états pareils ?"

"Ça me rappelle la première fois que je l'ai vu comme ça," dit Andromède. "J'étais folle d'inquiétude."

"Tu dois être morte de peur à chaque alerte," observe Phénicia.

"C'est dur d'aimer un héros." Andromède dit ça sans ironie. D'ailleurs la petite en sait quelque chose. "Au fait, Phénicia, ce que tu as fait l'autre jour, lorsque tu t'es interposée pour protéger Actarus… C'était héroïque."

"Oh, tu ne vas pas me bassiner avec ça, toi aussi," dit Phénicia. "C'est naturel. N'importe qui aurait fait la même chose."

"Pourquoi, Actarus te bassine ?"

"Il me sermonne et me dit que je n'aurais jamais dû prendre un tel risque, mais au fond je sais qu'il est touché," dit la petite d'un air espiègle.

Elles échangent un sourire, puis regardent Actarus dormir pendant quelque temps, perdues dans leurs pensées.

"Comment est-ce que vous vous êtes mis ensemble, mon frère et toi ?" finit par demander Phénicia au bout d'un moment.

Andromède est quelque peu interloquée. Est-ce que Phénicia trouve qu'ils forment un couple si improbable que ça ? Est-ce qu'elle aussi se demande ce qu'il fout avec moi ? Ou est-ce qu'elle se demande juste comment les gens s'y prennent ?

"Par où veux-tu que je commence ?" répond Andromède, rougissant un peu. "Lorsqu'il m'a sauvée des griffes de Véga ? Lorsqu'il m'a laissée pleurer dans ses bras à la mort de mon père ? Lorsque j'ai failli lui vomir dessus ? Lorsqu'il m'a ramenée au Centre ?"

"Quand vous avez commencé à vous draguer."

Aha, se dit Andromède, rassurée ; je vois où la petite coquine veut en venir. Elle se remémore sa rencontre avec Actarus avec une tendre nostalgie. "Tu sais qu'à l'époque Actarus voulait garder le secret sur son identité ? Personne n'était censé savoir qu'il pilotait Goldorak. Il travaillait au Ranch, incognito, et d'ailleurs Rigel n'arrêtait pas de l'enguirlander pour ses absences inexpliquées…"

"Hihi," fait Phénicia, "ça a dû être drôle !"

"Tu le connais, il déteste mentir, il en souffrait."

"Et donc tu ne savais pas qui il était ?"

Andromède secoue la tête. "Pas au début, non."

"Comme c'est romanesque. Mais tu y as cru, à sa petite comédie ?"

"Le coup du mystérieux palefrenier avec une force et une grâce surhumaines ? Allons donc." Phénicia rit de plus belle. "Même si je dois reconnaître qu'il est effectivement très bon avec les chevaux." Andromède repense avec émotion au joli petit cul d'Actarus moulé dans son pantalon en peau. À l'effet qu'il lui a fait quand Procyon a fait les présentations ce jour-là au poste.

Elle soupire. Regarde Actarus. Se demande s'il peut les entendre.

"Vous vous êtes tout de suite bien entendus ?" demande Phénicia.

"Oh, on s'asticotait un peu au début," répond Andromède. "C'était un petit jeu entre nous ; je lui laissais entendre que je n'étais pas dupe, lui s'amusait à entretenir le mystère…" Elle redevient grave. "Lorsque j'ai fini par apprendre qui il était vraiment… il a été d'une candeur bouleversante. Il n'a pas cherché à me cacher sa douleur, sa fragilité. Il n'y a plus eu de faux-semblants entre nous ; juste de la confiance. De l'empathie. Nous étions proches. Nous passions beaucoup de temps ensemble, à parler, ou même sans rien dire, juste à profiter de la nature et de la présence de l'autre. C'était très beau, très délicat. Les choses en seraient peut-être encore là s'il n'y avait pas eu sa blessure…"

"Sa blessure ?"

Mon dieu… elle n'est donc pas au courant ? "Sa vieille cicatrice au bras. La blessure s'est réveillée à cause du lasernium. Tu sais comment il est ; il est stoïque, il n'a rien dit. Et puis un beau jour il s'est effondré en rentrant de mission. C'était atroce. J'ai bien cru qu'il allait y rester." Et maintenant voilà que cette maudite blessure refait des siennes. Oh Actarus… "…On s'est sautés dessus après ça."

Phénicia semble méditer là-dessus. "Vous ne vous disputez jamais ?" demande-t-elle encore.

"Oh si, tu l'as bien vu."

"Pourquoi ?"

"Eh bien, il me reproche parfois d'être froide et cynique, et moi je lui renvoie son idéalisme naïf à la figure…"

"Hihi, je vois ce que tu veux dire."

"Tu sais, Phénicia," continue Andromède sérieusement, "je le charrie avec ça, mais… sa noblesse de caractère est une force. Son idéalisme est une force. Qu'il l'ait conservé, malgré tout ce qu'il a vécu… c'est ce qui fait qu'il est qui il est. Je l'aime, tu comprends ? Il me donne envie d'être meilleure. Je m'efforce… J'essaie de le mériter."

Pourquoi diable est-ce que je lui raconte tout ça ? se demande Andromède. Elle n'a pourtant pas l'habitude de se répandre en imagine que Phénicia a besoin d'entendre comment on noue une relation saine. Ou juste une relation tout court. Elle est la seule femme dans le coin vers qui la petite puisse se tourner avec ses interrogations.

"Qu'est-ce que je vais faire avec Alcor ?" finit par demander Phénicia.

Nous y voilà. Elle s'en doutait. "Tu n'en as pas discuté avec Actarus ?"

"Oh, il a bien essayé de m'en parler, mais… soit il est gêné, soit il ne comprend pas Alcor, lui non plus. Ça n'est pas aussi simple qu'avec vous deux…" Certes.

"Alcor t'aime," dit Andromède sans détour. "Tu t'en doutais, je pense. Je crois qu'il donnerait sa vie pour toi ; mais il ne l'admettra jamais."

Phénicia la regarde avec de grands yeux. "Mais enfin pourquoi ?"

Andromède soupire. "C'est compliqué. Parce que tu es jeune. Parce que tu es la sœur d'Actarus. Parce que tu es une princesse. Parce que tu es épatante. Il ne se sent pas à la hauteur…"

"Mais c'est ridicule, voyons !"

"…et puis surtout parce qu'admettre ses sentiments le rendrait vulnérable. Ça lui est insupportable, évidemment."

"Il est fier comme un coq," dit Phénicia.

"Oui."

"Alors qu'est-ce que je peux faire ?"

"Il va falloir que tu sois l'adulte dans cette histoire. Ne rentre pas dans son petit jeu, ne le provoque pas, ne l'asticote pas. Ne prends pas de risques inconsidérés pour l'épater, il l'est déjà bien assez. Prends de la hauteur."

"Tu veux dire qu'il faudrait que je sois davantage comme mon frère."

Andromède sourit. "Oui." Il est vrai qu'à mesure qu'elle mûrit, la petite lui ressemble de plus en plus. "Si tu le peux, sois sincère avec Alcor. Fais-lui comprendre que tu as peur pour lui. Si tu lui témoignes ta confiance en te montrant vulnérable, ça le désarmera. Ça le fera peut-être sortir de sa coquille."

"L'apprivoiser, tu veux dire ?"

Andromède hoche a tête.

"C'est drôle," dit Phénicia, "Actarus m'a dit quelque chose comme ça."

Andromède sourit. Ça ressemble bien à Actarus de dire ça.

Phénicia réfléchit. "C'est injuste," finit-elle par dire.

"Quoi donc ?"

"Que ce soit toujours nous qui devions arrondir les angles pour ménager l'égo de ces messieurs. On a le droit d'être brillantes, mais pas trop. Il faudrait que nous soyons nous-mêmes, mais moins. Il faudrait toujours être douces et conciliantes pour ne pas les intimider. On n'a pas le droit d'avoir notre fierté, nous aussi ?" s'indigne Phénicia.

Andromède fixe la petite, éberluée. Ça alors. Cette gamine est une vraie bouffée d'oxygène. Elle repense aux hommes qu'elle a fréquentés. Se rappelle la façon dont, aussi admiratifs qu'ils aient pu se montrer au début, ils ont toujours fini par révéler quelque chose comme du mépris ou du ressentiment envers son intellect, tôt ou tard. "…Tu as raison," finit par dire Andromède. "C'est injuste." Il a fallu que je me mette à fréquenter un extraterrestre pour trouver enfin un garçon qui me respecte

Elle regarde Actarus sur son lit d'hôpital. Et lui ? se demande-t-elle tout à coup. Est-ce qu'elle a dû se rapetisser pour lui plaire ? Lui, qui l'a toujours soutenue dans ses travaux ? Lui, qui affirme trouver son intelligence sexy ?

Les propos de Phénicia l'ont troublée. Elle se livre à une petite introspection. Repense à cette pauvre Alizée, châtiée pour son hubris scientifique. Se souvient des commentaires amusés d'Actarus sur 'les petits rouages là-dedans.' Le malaise d'Actarus lorsque ses capacités ont été débridées par la transfusion. Se pourrait-il qu'il ne l'ait soutenue que tant qu'il pouvait la guider ?

Phénicia remarque qu'Andromède a l'air songeuse. "Et mon frère," demande-t-elle, "comment est-il, de ce point de vue-là ?"

"Pour un être supérieur, il est très égalitaire," dit Andromède aussitôt, prenant loyalement la défense d'Actarus.

"Il n'est pas un peu… comment dit-on ?" La petite cherche le bon terme. "Macho, mais gentil ? Hyperprotecteur ?"

"Paternaliste ?"

Phénicia hoche la tête.

Andromède réfléchit. "Oui, je vois ce que tu veux dire. Il est très protecteur, en effet. Mais c'est mal connaître Actarus que de croire… C'est comme ce que nous pensons être sa naïveté, qui n'en est pas. Actarus est… différent des hommes que j'ai connus. C'est un être pur. Un être bon. Il me soutient dans mes recherches, tu comprends ? Mais il ne veut pas que j'y perde… mon cœur. Mon humanité. Ma conscience. Appelle ça comme tu voudras."

Elle se remémore le temps passé à travailler sur le réacteur photonique aux côtés d'Actarus - une époque bénie dans son souvenir. Non, il n'y a rien de plus beau au monde. L'émotion l'étreint alors qu'elle contemple le profil d'Actarus. Phénicia l'observe du coin de l'œil alors qu'elle essuie ses larmes.

"Bon, je vais manger un morceau," annonce Andromède lorsqu'elle s'est ressaisie. "Je te le confie." Elle se lève et se dirige vers la cafétéria.


Phénicia s'est laissée gagner par l'émotion d'Andromède. Elle regarde longuement le visage de son frère - ce grand frère toujours si sérieux, si sage, si parfait. Ce grand frère qu'elle commence à peine à connaître. Le fait d'apprendre comment sa fiancée le voit le lui a fait découvrir sous un jour nouveau. Ainsi donc, en plus d'être noble et courageux, il est sensible, fragile, farouchement sincère.

Elle ne veut pas le perdre, pas maintenant qu'il commence à peine à s'ouvrir, à se détendre, à lui parler d'Euphor. À rire avec elle. À partager ses joies et ses angoisses. Elle aimerait tant qu'il soit fier d'elle.

Elle lui prend la main, la serre. "Grand frère, ne me laisse pas toute seule," lui dit-elle, les larmes aux yeux. Elle a tant besoin de lui. Elle n'a que lui au monde.


Andromède revient à l'infirmerie un peu plus tard avec des laits aromatisés. "Tu veux lequel ?" demande-t-elle. "J'ai pris goût chocolat et, euh, arôme fruits."

Phénicia prend le breuvage rose. Andromède cède son siège à Phénicia pour qu'elle soit plus près d'Actarus. Elles restent là en silence pendant un long moment, à siroter leurs laits.

"Andromède, regarde !" s'écrie Phénicia tout à coup.

Sur l'écran de l'électroencéphalogramme, le dessin des ondes cérébrales d'Actarus a changé.

"Qu'est-ce que ça veut dire ?"

"Il dort !" s'exclame Andromède.

"Je le vois bien."

"Je veux dire, il dort d'un sommeil normal ! Il va bientôt se réveiller. Je vais prévenir le Professeur." Elle se précipite dans le couloir à la recherche de Procyon.


Lorsqu'Actarus revient enfin à lui, tous les autres sont rassemblés près de son lit. Ils accueillent son réveil avec émotion et soulagement. Lui a à peine ouvert les yeux qu'il souhaite aussitôt se lever pour regarder dehors. Le pauvre tient à peine sur ses jambes. Procyon doit l'aider à se lever ; il s'appuie sur Alcor pour faire les quelques pas qui le séparent de la fenêtre.

Il contemple longuement le soleil couchant. Il faut dire que les couchers de soleil sont beaux dans les montagnes. Les autres l'épaulent dans un silence recueilli. Andromède se tient un peu en retrait - elle, les couchers de soleil mélodramatiques avec lumière ionisante la font penser à la mort de son père ; mais elle comprend l'émotion d'Actarus. Toute cette beauté a quelque chose de poignant. Il a bien failli ne plus être là pour la voir.

"Que la Terre est belle," dit-il enfin, très ému. Puis : "La ville est toujours là ?"

"Oui," dit Alcor, "grâce à toi." Ils préfèrent pour le moment garder le silence sur l'IEM qui a paralysé la moitié du pays.

L'émotion est palpable. Actarus attire Alcor dans une accolade fraternelle, puis tous les autres tour à tour - Vénusia avec précaution car la pauvre a un bras en écharpe. Enfin, toujours affaibli, il regagne son lit d'un pas chancelant et se rassoit.

Andromède s'approche. "Comment te sens-tu ?" lui demande-t-elle.

Actarus l'attire près de lui avec un sourire. "Content de te voir."

Elle prend doucement son visage dans ses mains. "Tu as si bien pris soin de moi, mon amour. Maintenant c'est à mon tour de m'occuper de toi."

"Avec tes bons soins, je serai très vite sur pied."

"Tu veux dire que je cuisine tellement mal que tu n'auras pas d'autre choix ?" demande-t-elle avec un sourire espiègle.

"Exactement," dit-il pour la taquiner.

"Nigaud," dit-elle affectueusement.

Actarus enlace Andromède et blottit sa tête contre son cœur. Elle le serre contre elle, embrasse ses cheveux si doux. N'arrive plus à réprimer les larmes de tendresse. Vivant, il est vivant. "Mon amour," murmure-t-elle dans ses cheveux, pour que personne d'autre n'entende. "Mon bel amour."

Elle se dit qu'effectivement, à l'avenir, c'est elle qui va devoir prendre soin de lui.


Oui parce que vous je ne sais pas, mais moi, la question de savoir comment diable ils font pour rapatrier Goldo à chaque fois qu'Actarus se crashe, ça me tient éveillée la nuit.