Février 1998
Sa tante avait les yeux grands ouverts mais ils étaient morts. Ils fixaient un point invisible au-dessus de la tête de Sally-Anne, qui caressait le visage de Sélina Perks malgré l'écume qui coulait de sa bouche, le sang qui coulaient de ses yeux et le poison qui coulait de ses narines. Elle défit la tentacule de mandragore qui s'était enroulée autour de son cou.
Morte empoisonnée ou étouffée, au final… Cela importait peu. La personne qui avait souhaité sa mort n'avait rien laissé au hasard.
Elle était morte et Alecto Carrow riait à gorge déployée en descendant les escaliers, sa baguette entre les mains, et une démarche sautillante presque folle.
Sally-Anne s'entendit hurler. Elle entendit sa mère aussi, réaliser que sa fille tenait un cadavre. Elle entendit son père, lancer un sortilège d'alerte pour que des médicomages arrivent rapidement.
Lorsqu'ils furent là, Sally-Anne tenait toujours sa tante dans ses bras.
Et elle était toujours morte.
Sally-Anne se réveilla en sursaut et pleine de sueur. Elle entendit les grognements peu élégants de Pansy Parkinson qui mettait ses ronflements sur le dos d'une cavité nasale déviée à cause d'une malédiction… Daphné émit un gémissement agacé, mais se tourna tout de même vers Sally-Anne.
Sa camarade lui assura qu'elle allait bien et la blonde se rendormie rapidement. Sally-Anne se leva, quittant son lit, consciente qu'il ne lui apporterait pour rien pour la nuit à venir.
Sa tante lui manquait tant.
Elle serra dans sa main, posée sur sa gorge, et respira trois fois. Elle se décida à se rendre dans la salle commune, espérant que Théodore serait là.
Il se montrait distant avec lui, depuis qu'elle lui avait montré son billet pour le canada. Elle s'était payée cette clef magique de portoloin en y mettant toutes ses économies, et elle avait cru un instant, qu'il serait rassuré de savoir qu'elle serait libre de ce cauchemar d'ici quelques mois.
Sally-Anne comptait les jours et les heures.
Une fois au Canada, elle serait libre d'être enfin elle-même et peut-être que de là-bas, elle pourrait aider son pays. Elle pourrait aider la justice et la morale.
Elle entendit deux voix et elle s'approcha, avant de s'arrêter.
Théodore Nott et Blaise Zabini étaient tous les deux assis sur les deux fauteuils et lui tournaient le dos. Sally-Anne resta plantée debout derrière eux, pas loin de la porte du dortoir des filles.
— Je sais que ton père t'a écrit une lettre. Le mien l'a également fait, soupira Blaise en se massant les tempes.
— Ma correspondance ne te regarde en rien, Zabini.
— Nous ne sommes pas amis, Nott. Mais nous nous entendons bien. Nous sommes pareils toi et moi.
Sally-Anne faillit s'étouffer de rire.
Zabini aimait se montrer, rire, charmer son monde et conquérir. Il se battait pour être le meilleur élève de leur promotion, il pavanait dans les couloirs de Poudlard comme s'ils lui appartenaient. Théodore lui, rasait les murs. Il était discret, impassible, et ne s'embêtait pas des opinions des autres. Il était froid, Zabini était chaleureux et charmeur.
Sally-Anne l'aimait bien.
Il n'était pas méchant. Un peu idiot. Mais ils l'étaient tous, au final.
— Il va nous demander d'entrer dans ses rangs Théodore.
Sally-Anne se figea.
Ce « il »… Ce « il » dont il ne prononait jamais le nom parce qu'il était maudit, parce que le simple fait d'y penser dans sa tête frigorifiait jusqu'aux os, de la langue, en passant par le ventre et les orteils…
Elle attendit la réponse de Théodore en apnée.
— Nous n'aurons pas le choix, insista Blaise.
— Lucifer lui-même n'a eu d'autres choix que de garder les enfers, prononça Théodore à voix basse.
— Qui donc ?
— Oublie. Il est Dieu et nous ne serons jamais tous que ses agents qu'il maudira à sa guise s'ils ne s'exécutent pas selon ses souhaits.
Sally-Anne fonça les sourcils.
Elle n'aurait jamais pensé que Théodore eut une quelconque culture religieuse. Les familles de sang-purs étaient assez fermées sur la question, le catholicisme en particulier, ayant beaucoup traquer les mages fût un temps, jusqu'à décimer la plupart des grandes et nobles familles sorcières.
— Que comptes-tu faire ? demanda Blaise.
— Eh bien, si je n'ai pas le choix…, s'assombrit Théodore.
— Tu ne désires donc pas rejoindre les rangs de … Tu-sais-qui ?
Théodore ne dit rien, mais son silence était assez éloquent pour que Sally-Anne se permette de respirer normalement à nouveau.
— Entre ce que je désire et ce que je peux me permettre de faire, il y a comme qui dirait un fossé.
Sally-Anne le vit boire une gorgée d'un liquide clair.
Ce n'était pas de l'eau.
La bouteille de vodka-pur-glace était posée sur par terre, juste à côté du fauteuil qu'occupait Blaise.
Théodore le but d'une traite et lança un sort pour que la bouteille le serve encore.
— Je ne veux pas me mêler de tout ça, avoua finalement Blaise. Et je sais que toi aussi. Malefoy n'est plus le même depuis qu'il porte la marque. Je ne sais pas si cette guerre…
— Mais quelle guerre ? Où est l'opposition ? Le Seigneur des Ténèbres a déjà gagné.
— Il se murmure que Potter…
— Potter n'est pas mieux que nous, grimaça Théodore.
— Mieux que nous ?
— C'est un gamin, cracha Théodore. Que pourrait-il faire face à un mage noir ? Le plus grand de ce siècle… Dumbledore lui-même n'a pas pu le défaire.
— Il n'est pas n'importe qui.
— Le Seigneur des Ténèbres n'est pas n'importe qui, lui aussi, et il a toute une armée, un gouvernement qui le soutient et une expérience que Potter ne pourra jamais avoir.
— Je pensais que tu …
— Que je quoi ? aboya presque Théodore.
C'était peut-être l'alcool, qui lui avait fait hausser le ton.
— Je pensais que tu n'étais pas comme eux.
— Qui sont « eux » ? demanda Théodore.
— Les Mangemorts. Ses partisans.
— Je ne le suis pas.
— Moi non plus.
Mais ils n'étaient pas non plus dans l'opposition.
Ils n'étaient rien.
Ni gentils, ni méchants.
Ni Mangemorts, ni opposants.
Ils étaient des gosses qui voulaient tous les deux le rester, sauf que ce luxe enfantin n'était plus à leur portée.
— Il me marquera en avril, chuchota Théodore.
Sally-Anne se demanda comment il pouvait en être aussi certain. Mais cela relevait de la logique. Théodore rentrerait chez lui, pour les vacances d'avril, et le Seigneur des Ténèbres le marquerait probablement à cette occasion, en visitant les Nott, longtemps et traditionnellement fidèle à la cause des Sang-purs.
On leur devait bien la liste des vingt-huit après tout.
— Il ne me marquera pas.
— Et comment ?
— Je m'y refuse. Toute cette folie prendra bien fin un jour ou l'autre.
— Rien ne l'indique.
— Et rien n'indique qu'elle ne finira pas, argumenta Blaise.
Théodore hocha la tête.
— Je pensais que pour elle, tu refuserais la marque toi aussi.
— On ne peut pas refuser ce que le Seigneur des Ténèbres nous donne, grommela Théodore.
— Elle ne te le pardonnera jamais.
Théodore se tourna vers Blaise et Sally-Anne fit un pas en arrière, pour rester bien cachée.
— Qui ?
— Tu sais très bien.
— Sally-Anne comprendra.
Non.
Elle ne comprendrait jamais.
Et pourtant, elle lui pardonnait déjà et son cœur se brisait de savoir que Théodore allait bientôt devoir porter cette marque.
Il fallait qu'elle l'aide.
Les lumières vertes du lac ondoyèrent sur les deux adolescents et Sally-Anne ferma les yeux sur cette image avant de retourner se coucher.
Tout était si injuste.
Lucifer avait été maudit et ils l'étaient tous aussi.
