En entendant la porte de l'infirmerie s'ouvrir, McCoy se félicita intérieurement d'avoir déjà tout préparé pour l'intervention de Sarek. Sans même lever les yeux de sa tâche (les derniers réglages du champ opératoire), il prit les vêtements posés sur la table de chevet et les lança vers la silhouette qu'il voyait approcher du coin de l'oeil.

« Enfilez ça dans mon bureau. »

Après ce qui lui sembla quelques secondes seulement, Spock revint, revêtu du pantalon léger et de la tunique courte réservés aux patients. D'un mouvement du menton, McCoy lui désigna le lit voisin, où le Vulcain s'allongea sans rien dire.

Le médecin eut une pointe de remords de l'accueillir aussi sèchement, mais il avait besoin de faire comprendre au Vulcain qu'il n'arrivait pas trop tôt, et McCoy ne pouvait pas, pour une fois, se lancer dans l'un des grands sermons dont il avait le secret: il était en train de rassembler toute sa concentration. Aucune parole, aucun geste non indispensable ne devait le faire sortir de la bulle qu'il constituait autour de lui, et qui ne comprenait que les deux lits, leurs occupants, Chapel, et la desserte avec ses instruments.

Quand il eut fini ses réglages, il laissa Chapel près de Sarek et commença à poser une perfusion sur chacun des bras de Spock.

« Votre sang va être prélevé de ce côté-ci, expliqua-t-il d'une voix calme. Et de l'autre côté va passer le stimulateur de la production sanguine ainsi que de l'eau et des minéraux, pour compenser la perte de volume sanguin. Nous ajusterons les débits si la quantité de sang prélevé est trop importante. Au moindre malaise, prévenez-nous tout de suite.»

Spock hocha silencieusement la tête. Ses yeux quittèrent McCoy pour se poser sur son père. Son regard était ferme et résolu. Il était prêt.

Le médecin revint se placer à côté de Chapel, prit une large inspiration et saisit ses premiers instruments.

IIII

Le choc du premier missile fit sursauter l'Entreprise. Kirk grimaça et serra les dents, essayant d'ignorer la douleur de son côté. Heureusement que Chekov avait eu le réflexe de monter les boucliers avant même d'en recevoir l'ordre… Mais le choc avait été rude. Ils ne pourraient pas encaisser beaucoup d'autres attaques.

La voix de Sulu confirma ses craintes:

« -Boucliers à 50%, capitaine.

-Passez en distorsion, cela l'empêchera d'utiliser ses missiles », répondit Kirk.

C'était une solution provisoire, mais il espérait que cela lui laisserait le temps de trouver une meilleure idée. Si seulement il était en pleine forme, et Spock à côté de lui…

III

McCoy se félicita intérieurement d'avoir l'ouïe fine: entendant un sifflement de missile, il avait levé les mains une fraction de seconde avant l'impact. Autrement, ses instruments auraient déchiré les tissus fragiles qu'il était en train de délicatement séparer les uns des autres.

« -Qu'est-ce que c'est que ce cirque, encore? grogna-t-il, se remettant aussitôt au travail malgré le risque d'un deuxième impact.

-Sans doute le vaisseau qui nous suivait, docteur, répondit Spock de l'autre côté du lit de Sarek. Tout autre signe de vie aurait été repéré longtemps avant de réussir à nous approcher.

-A tout l'équipage, alerte rouge. Nous passons en distorsion. Pas d'impact prévu jusqu'au retour à une vitesse normale, annonça Sulu sur la radio générale.

-Tant mieux, car je ne peux pas m'arrêter, murmura McCoy. J'ai presque détaché entièrement le coeur, en le remplaçant par la pompe artificielle. Je n'ai que quelques minutes pour soigner la déformation, avant que les tissus ne commencent à s'abîmer. »

Il jeta un coup d'oeil aux constantes de Sarek, puis aux nombreuses compresses trempées de sang vert sur la desserte, et soupira.

« -J'ai besoin de davantage de sang. Sa dénutrition entraîne une mauvaise coagulation, et il a eu beaucoup de petites hémorragies imprévues. Spock…?

-Faites ce qu'il faut, docteur », fut la réponse ferme de Spock.

Sur un signe de tête de McCoy, Chapel s'approcha de Spock et augmenta le débit du sang qui sortait de ses veines pour rejoindre celles de son père.

III

Kirk sentait la pression monter de seconde en seconde sur la passerelle et, contrairement à d'habitude, cette situation ne lui donnait absolument aucune idée pour se sortir de ce guêpier. Mais il avait conscience que chacune des personnes présentes cherchait également une solution, au lieu de se reposer intégralement sur la décision et les connaissances de leur capitaine, et cela le força à continuer à réfléchir.

« -Chekov, que pouvez-vous me dire sur ces missiles?

-Guidance magnétique, puissance 18, capitaine, répondit le jeune Russe après avoir examiné quelques secondes ses cadrans.

-Il faudrait trouver comment brouiller sa guidance », murmura Kirk, réfléchissant à voix haute.

Sulu resta un instant immobile, les deux mains levées à quelques centimètres de son tableau de bord, dans la position qu'il prenait habituellement lorsqu'il réfléchissait à la pertinence d'une idée.

« Je crois que j'ai la solution, capitaine, annonça-t-il enfin. Près d'Oméga-Lyri se trouve une planète à fortes radiations magnétiques. Si nous nous plaçons à côté d'elle, les missiles seront incapables de nous détecter. Nous pourrons y arriver dans une dizaine de minutes.

-Quel risque pour l'équipage? demanda Kirk, ravi d'avoir sur quoi réfléchir, mais se forçant à ne pas foncer tête baissée.

-Si nous restons moins d'une heure, les radiations n'auront aucune conséquence, que ce soit sur les machines ou la santé des personnes à bord.

-Parfait. Diminuez lentement notre vitesse. Une fois là-bas, coupez toute la puissance et descendez les boucliers. Si le vaisseau réussit à nous repérer autrement que par nos influx magnétiques, il faudra le persuader que notre fuite a épuisé toutes nos énergies. Le rapprocher de nous sera le seul moyen de pouvoir l'attaquer à notre tour. »