Cet OS a été écrit pour la 154e Nuit du FoF autour du thème «camisole». Le FoF est un forum ouvert à tous les francophones de ffnet où l'on peut discuter, demander de l'aide ou participer à des jeux. Le lien est dans mes favoris !

L'idée du relooking est venue d'un échange avec Destrange, qui a lui-même travaillé sur cette épineuse question…

Les rois du shopping

Lissa Faraday n'était pas très fière d'elle-même : à son âge, passer toute une journée de ses merveilleuses vacances en France à binge-watcher Les Reines du shopping en se gavant de pop-corn, quel gâchis ! La nuit était tombée depuis belle lurette, elle se sentait lourde d'avoir mangé trop de sucreries et sa tête résonnait encore du rire de Cristina Córdula. Une vague sensation d'écœurement, qui la chatouillait de l'arrière-gorge à la naissance de l'estomac, lui laissait présager un sommeil agité. Hélas pour elle, elle ne se trompait pas…

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Sur le plateau coloré de l'émission, transpirant légèrement sous le feu des projecteurs, quatre personnes attendaient de savoir à quelle sauce elles allaient être mangées. Enjouée et parfaitement à l'aise sur ses talons de quinze centimètres, Cristina Córdula apparut sur le podium pour annoncer le thème de la semaine : « Glamour pour un massacre sous la pleine lune ». Les quatre candidats se jaugèrent du regard, qui impérieux, qui dédaigneux, qui impénétrable, qui carnassier. Chacun comptait bien l'emporter sur les autres en leur en mettant plein la vue.

La présentation des dressings et des tenues favorites des candidats fut riche d'enseignements. Tom, leader charismatique, et Severus, professeur dans l'enseignement secondaire, manifestaient le même attrait pour les tenues noires et sobres – « Il n'a jamais rien su faire d'autre qu'imiter son maître, celui-là », persifla Tom en découvrant les images de son concurrent – , tandis que Lucius, rentier et influenceur, possédait une garde-robe à faire pâlir d'envie Sarah Jessica Parker et Marilyn Manson réunis. Quant à Fenrir, actuellement en recherche d'emploi, comment dire…

« Les garçons, le jean déchiré, c'est suu-per tendance, commenta Cristina depuis le studio. Par contre, le total look grunge, c'est pas mon staïle. »

Le style personnel de chacun s'affirma pendant le shopping. Lucius, sûr de lui, savait exactement ce qu'il voulait et n'hésita pas à faire du charme aux boutiquiers pour l'obtenir à moitié prix.

« Je préfère gagner du temps et garder assez d'argent pour une bonne mise en beauté », expliqua-t-il à la caméra, ce qui lui valut l'approbation de Cristina.

Fenrir, lui, se montrait beaucoup moins précis.

« File-moi quelque chose de facile à enlever, ordonna-t-il à la vendeuse de la première boutique dans laquelle il pénétra. C'est pour un usage unique.

– Un mouchoir en papier suffira, dans ce cas », observa Severus, sarcastique.

Lui-même s'interrogea longuement sur les implications du thème. Pleine lune ou pas pleine lune, un massacre pouvait s'avérer salissant ; peut-être valait-il mieux privilégier un tissu qui tenait bien au lavage ? Mais comment rester glamour dans de telles circonstances ?

Tom préféra s'appuyer sur le professionnalisme des vendeurs en prêt-à-porter.

« Si je gagne, nous omettrons de vérifier votre statut du sang, susurra-t-il. Mais si je perds… eh bien, je crois que le thème ne laisse aucun doute sur ce qui s'ensuivra, n'est-ce pas ? » conclut-il, doucereusement malveillant.

Trop souvent bâclée par des candidats en manque de temps, l'étape de la mise en beauté donna lieu à un certain remue-ménage.

« Oh, évidemment, quand on est chauve, c'est facile de zapper l'étape du coiffage ! grommela Lucius lorsque Tom annonça se dispenser de tout stylisme capillaire.

– Ne-touchez-pas-à-mes-cheveux ! siffla Severus quand une coiffeuse imprudente voulut y appliquer un shampoing dégraissant.

– Personne ne coupera ma tignasse ! » rugit Fenrir en montrant les dents à une paire de ciseaux qui s'approchait de son crâne.

Au terme de quatre journées épiques arriva enfin le moment tant attendu du défilé, de l'attribution des notes et des ultimes persiflages en coulisse.

Severus ouvrit le bal avec une robe en coutil noir à la coupe droite légèrement cintrée dotée d'un col officier, de manches boutonnées aux trois-quarts et d'une fine ceinture de cuir tressé ton sur ton.

« Tricheur ! s'insurgea Lucius, fin connaisseur de la mode sorcière. Ce modèle a été créé spécialement pour lui, ce n'est pas du prêt-à-sorcier !*

– Glamour, tu parles ! ricana Fenrir. Il a plutôt l'air d'avoir un balai dans le [censuré].

– Mon chéri, ta robe, elle est parfaite pour ta morphologie, décréta Cristina. Le maquillage smoky, c'est une super idée pour le thème, mais comme tu as les yeux noirs, il vaut mieux éviter les couleurs de fard trop foncées. Et pour le glamour, tu aurais pu tenter un accessoire pailleté comme une ceinture ou une pochette. Tu aurais aussi pu porter ta robe ouverte sur une camisole en satin, pour plus de sensualité. Pour moi, tu n'es pas complètement dans le thème. »

Severus reçut la critique avec un visage impassible : tant qu'elles ne concernaient pas ses cheveux, les remarques de Cristina le laissaient de marbre.

Ce fut ensuite au tour de Lucius. Démarche féline, envol de cape, tissu froufroutant et regard de braise : il connaissait son affaire. Oui, mais…

« À quoi ça ressemble, toutes ces dentelles ? Il va à un massacre ou au carnaval de Venise ? ironisa Fenrir.

– Quel remarquable dégradé de couleurs, renchérit Severus, caustique. Un vrai philtre d'Arc-en-ciel…

– Le rouge à lèvres carmin, je n'aurais jamais osé », fit Tom, dubitatif.

Cristina ne partageait pas leurs réserves.

« Ah la la, mon chéri, mais tu es ma-gni-faïk ! s'écria-t-elle en battant des mains. La queue-de-pie, la camisole en dentelle, le haut-de-forme, les boots à talons, la canne, les mitaines : c'est par-fait ! Tu es tout à fait glamour pour aller massacrer des Moldus au clair de lune ! »

Lucius salua gracieusement avant de regagner sa place, un sourire satisfait étirant ses lèvres rouges. Il savait, au fond, qu'il n'avait que peu de mérite : ce thème était fait pour lui.

Tom fut le troisième à paraître sur le catwalk, et il avait réservé une surprise à ses concurrents. Il portait une robe très simple, des chaussures plates, un maquillage nude et, en guise de parure…

« C'est de la triche ! s'égosilla Lucius dans le secret de la cabine où étaient enregistrés les commentaires. Recouvert de plumes ou pas, Nagini est un serpent, pas un accessoire de mode !

– Un ophidien vivant en guise de boa : amusant », reconnut Severus du bout des lèvres.

Fenrir était trop occupé à s'étrangler de rire pour émettre la moindre remarque constructive.

« C'est très malin, souligna Cristina. Tu n'as pas pris beaucoup de risques, mais c'est vrai que, le boa, il fait son effet : c'est la touche glamour de la tenue. Par contre, rose fluo, c'est pas très élégant. J'aurais plutôt mis des plumes dorées ou bronze, avec un rappel dans le maquillage. Avec tes yeux rouges, tu peux te permettre du doré sur la paupière mobile. Et, mon chéri, c'est pas en menaçant les gens que tu vas recevoir de bons conseils, hein », ajouta-t-elle gentiment.

Tom ne répondit pas. D'une main distraite, il caressait la tête d'une Nagini très contrariée par son déguisement à plumes et qui n'attendait qu'une occasion de se venger sur quelqu'un.

« Patience, ma belle, patience, chuchota-t-il. L'émission est presque terminée, ensuite ce sera l'heure du goûter… »

Fenrir se présenta enfin dans la tenue la plus cheap et la plus basique qui soit et, de surcroît, mains dans les poches.

« Aucune élégance, murmura Lucius avec une moue écœurée, aucune recherche… Insipide. Informe. Totalement sans intérêt.

– Merlin, regardez-moi ces cheveux, soupira Severus. Des broussailles entremêlées de ronces, et certainement peuplées de puces…

– Je crois que quelqu'un n'a pas bien compris le principe du jeu », ricana Tom à l'adresse de Nagini.

C'est alors que Fenrir empoigna des deux mains sa robe misérable et, tel un chippendale, la déchira d'un geste sec.

« AH LA LA LA LA ! » hurla Cristina, les yeux exorbités, tandis que les autres candidats hoquetaient de stupeur.

Sous sa robe, Fenrir arborait un corps sec et velu, délicatement semé de paillettes argentées, et rien d'autre. Pas même une camisole, sans parler d'un caleçon.

« Rien de tel qu'une peau de loup pour un bon massacre à la pleine lune ! déclara-t-il en découvrant ses dents.

– Ça, c'est pas glamour, c'est voulgaire ! objecta Cristina. Je ne peux pas accepter ça dans l'émission.

– En plus, il n'a même pas fait de mise en beauté, nota Lucius.

– Dommage. Sous une vraie pleine lune, l'effet aurait peut-être été différent, nuança Severus, songeur.

– Très joli, ces paillettes, remarqua Tom pour lui-même. Je me demande si cela irait avec mes yeux… »

Fenrir s'en tira honorablement avec une note finale de 0,75.

« Un bel effort, souligna Tom.

– Une certaine originalité », reconnut Severus.

Tous deux étaient à égalité avec 2,5 de moyenne.

« Vraiment bien joué, le coup du serpent ! salua Fenrir.

– Le smoky, c'est une valeur sûre », approuva Lucius.

Avec un score de 4,25 points, ce dernier fut déclaré vainqueur.

« La tenue, elle est idéale pour sa morphologie, analysa Cristina. La soie, les dentelles, les couleurs irisées, c'est hyper glamour avec les chaussures à talons et les accessoires vintage. Le catogan bien lissé et glossy, la mise en beauté avec ce rouge à lèvres, c'est l'inspiration dix-huitième siècle : hyper glamour aussi. Et on n'oublie pas la canne-épée et la ceinture pour y glisser la baguette magique : Lucius est parfait et glamour pour un massacre à la pleine lune. Bravo ! »

Aux anges, le vainqueur rejoignit Cristina sur le podium sous les tièdes applaudissements de ses rivaux.

« Dis-moi, Severus, aurais-tu l'heure ? » siffla Tom d'une voix douce.

Severus consulta sa montre.

« Five o'clock. L'heure du thé, répondit-il avec un coup d'œil à Nagini qui claquait des mâchoires.

– Et pas que », gronda tout bas Fenrir en se levant lentement.

Sans crier gare, le serpent géant bondit des épaules de Tom pour sauter au visage de Cristina tandis que le loup-garou se transformait dans un hurlement à glacer le sang. Malefoy prit la fuite, Greyback sur ses talons, gueule béante et tous crocs dehors. Sans un regard pour la présentatrice qui se tortillait à ses pieds, baignant dans son propre sang, pendant que Nagini l'avalait vivante, Voldemort grimpa sur l'estrade. Chassant de son avant-bras une poussière imaginaire, il inspira profondément par les orifices qui lui servaient de narines.

« Eh bien, dit-il d'une voix calme, qui donc a remporté ce jeu, en fin de compte ?

– Vous, Maître, cela va sans dire, répondit Rogue. Encore que j'estime que mon smoky aurait dû être mieux noté », se risqua-t-il à plaisanter.

Voldemort sourit de ses lèvres inexistantes.

« C'est vrai, convint-il de bon gré. Mais que veux-tu, Severus, cela se saurait si les Moldus avaient bon goût. »**

Rogue haussa un sourcil amusé.

« Sur ce point, Nagini ne semble pas d'accord avec vous, Maître », remarqua-t-il alors que les pieds de Cristina disparaissaient dans la gueule du serpent géant.

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Lissa se réveilla en sursaut, bondit de son lit et fila à tâtons jusqu'à la salle de bains en se cognant contre les meubles. Penchée sur la cuvette des toilettes, elle libéra son estomac d'un trop-plein de pop-corn mal digéré, le souvenir de son cauchemar tourbillonnant dans sa tête. Elle n'arrivait pas à déterminer laquelle de ces images avait été la plus horrible, mais elle donnait raison à Rogue : son smoky aurait mérité une bien meilleure note.

*Je ne sais pas si vous vous rappelez les robes "Sirius Black" et "Severus Rogue" ?

**J'ai déjà fait quasiment la même vanne dans l'OS précédent, je me répète…