EPILOGUE
A ce point, l'auteur a pratiquement les mains vides. Elle est assise en tailleur par terre et est assez frustrée, et elle trie le contenu plus que maigre de sa boîte à merveilles.
Après avoir soigneusement déroulé, déplié et déchiffré toutes ces lettres et pages déchirées, et avoir essayé de les mettre dans quelque semblant d'ordre chronologique, tout ce qui reste maintenant est de très petits fragment et des petits morceaux, souvent blancs, quelques uns d'entre eux ne contenant qu'un ou deux mots. Parmi eux, quelques photos, magiques et non-magiques. Les gens faisant signe de la main ou prenant un air maussade ou riant au nez du spectateur sont surtout des étrangers, sauf quelques-uns. Mais plus de lettres, de pages de journaux intimes ni de journaux—rien. Seulement… eh bien, des déchets.
Un regard plus attentif à tous ces morceaux de parchemin ne révèle pas vraiment s'ils ont été déchirés ou découpés; peut-être même mangés par des souris. Non. Cette dernière hypothèse est brisée par le simple fait que la boîte elle-même est intacte; elle semble presque neuve. Presque un peu trop brillante et lisse pour un objet fait de carton qui est resté là pendant quelques années. Presque comme s'il avait été placé là très récemment… Puis, une image mentale remonte à la surface, et l'auteur se lève, étend ses jambes, soupire et retourne à l'endroit où elle a trouvé sa boîte, car elle se souvient faiblement que là-bas, dans les ombres incertaines d'un coin, il semblait y en avoir une autre. Mais l'endroit a disparu. Parti. Sans laisser une seule trace. Comme par magie…
Probablement, que le 'comme ' est redondant. L'endroit a disparu par magie, ce qui n'est pas vraiment étonnant, considérant le fait que cette histoire et la plupart de ses protagonistes utilisent la magie aussi naturellement que les Moldus utilisent l'électricité.
Dommage en effet. Car l'image conjurée par ces quelques témoignages était déjà incomplète, avec trop d'espaces blancs au milieu, si bien qu'il était difficile de reconnaître ce qu'elle représentait. Quirrell, par exemple, était utilisé par Voldemort pour que ce dernier puisse mettre la main sur la Pierre Philosophale, cela est évident. Et la dite-pierre était évidemment protégée par un chien à trois têtes et un miroir enchanté. Il semble que Harry Potter ait dû affronter Quirrell, peut-être même Voldemort lui-même, et qu'il ait survécu… Mais aucun détail. L'essence de l'histoire reste dans l'obscurité tourbillonnante, impénétrable, qui relâche parfois un personnage ou deux; ils titubent dans la lumière, clignent des yeux et les plissent de malaise, et avant que nous ayons pu leur poser nos questions brûlantes, ils retournent dans leur noirceur réconfortante.
Ainsi, l'auteur aussi bien que ses lecteurs sont laissés avec plus de questions que de réponses. Pas que les deux années suivantes soient complètement blanches, car une partie des événements qui ont eu lieu après juillet 1992 sont devenu maintenant mémoire collective: c'est un fait connu que Sirius Black, l'homme qui a livré ses amis les plus proches à Voldemort, s'est échappé d'Azkaban pendant l'été, forçant sorciers et Moldus à collaborer dans une recherche désespérée. Qui ne se souvient pas de l'image récurrente de l'homme aux yeux sauvages, aux joues creuses—après tout, c'était en première page de tous les journaux pendant des jours d'affilée—et la folie de ces yeux dévisageant depuis l'écran de télé dans la paix de nos maisons plus qu'une fois. Au début nous avons été alarmés, puis légèrement ennuyés, puis finalement ennuyés… et à la fin, nous avons oublié. Tout juste comme il en est coutume dans un monde où 'nouveau' est le mot qui ouvre la caverne cachée contenant des trésors au delà de l'imagination.
Ceux qui ont des amis et des connaissances dans le monde des sorciers pourraient se souvenir aussi de cette explosion soudaine d'angoisse et de crainte quand, après presque treize ans de paix, la Marque Sombre s'est élevée en scintillant dans le ciel, souriant et tirant sa langue de serpent à ceux qui étaient assez sots pour croire que le mal pouvait être vaincu, qu'une telle chose que la paix perpétuelle était possible…
Des faits connus en effet. Mais que sont des faits s'ils ne sont pas illuminés de dedans par les pensées et les émotions des gens impliqués dans ces événements?
De tout temps, les criminel dangereux se sont échappés des prisons. Sirius Black n'était que l'un d'eux, une figure à deux dimensions, tout à fait petite et sans importance dans le maelstrom de l'histoire. Nous ne le connaissons pas bien, et nous pouvons seulement conjecturer qu'il s'est libéré du joug terrible des Détraqueurs parce que son Maître l'avait appelé. Nous pouvons essayer de nous imaginer ce que ces nouvelles signifiaient pour Severus Rogue, Lucius Malfoy et Owen McNair. Nous pouvons former des théories quant à l'impact que cela eut sur Harry Potter, en supposant qu'il savait qui était Sirius Black et ce qu'il était. Mais ceux sont de simples jeux d'esprits, et l'auteur ne peut pas vous offrir de preuve pour confirmer ou réfuter toute théorie que vous puissiez avoir formé.
Pas que nous ayons perdu nos protagonistes pour toujours, cependant. Le 24 juin 1995 ils s'avancent à nouveau dans la lumière encore. Ils ont changé, certains visiblement. Certains ne resteront plus avec nous très longtemps, comme par exemple Igor Karkaroff. Les autres vont vivre des événements qui altéreront leurs vies à jamais, comme Hermione Granger alias Viviane Lestrange. Pour des raisons qui peuvent être révélées ou non à la toute fin de ce conte (le secret est une prérogative de l'auteur, après tout) il semble que les lecteurs devront continuer à partager le point de vue et les pensées de Severus Rogue, au grand détriment d'un Sirius Black. Et de la plupart des autres Gryffondors. Cela va être une version très partiale des événements commençant le 24 juin, et tout ce que l'auteur peut faire est d'espérer le pardon des lecteurs.
A ce même moment, l'obscurité règnes encore. Comme dans un théâtre spectral et abandonné, les lecteurs-spectateurs prennent place, s'installant en attendant avec impatience les choses à venir. C'est le silence----le calme est si complet que l'on pourrait entendre le battement d'une paupière ou le bruissement doux d'une mèche de cheveux tombant à travers un visage… Alors, soudain, la lumière flamboie à pleine force, et après que les lecteurs-spectateurs se soient habitués à sa clarté presque pénible, ils peuvent voir ce vers quoi les spots sont dirigés. C'est toujours petit, et lointain—pas plus grand qu'une balle de tennis. Mais cela grandit rapidement, pendant que la distance diminue. Qu'est-ce que c'est? Un stade, peut-être… un ovale oblong, dont la plus grande part est occupée par un labyrinthe; l'ensemble est entouré par des rangées de sièges, s'élevant comme les gradins de marbre d'un amphithéâtre… Ah, maintenant il y a du son. Tous les sièges sont pris, si bien que maintenant les spectateurs regardent des spectateurs, qui regardent… quoi? Puis, soudain, le silence. Le son court et aigu d'un sifflet.
Et notre histoire commence.
