Bonjour! Alors dans ce chapitre, nous avons de la bonne grosse angst!! Entre Harry qui se torture l'esprit et Draco qui nous sort des réflexions métaphysiques, c'est pas gagné! Attention, Freud n'est pas loin! lol.
Un gros MERCI à tous ceux qui me reviewent, ça me fait vraiment très plaisir!!
J'espère que tu aimes toujours Falyla, tu sais que cette traduction est pour toi!!
Caro: merci d'être toujours là (je sais, ça fait larmoyant mais c'est la vérité). Et puis ne t'inquiète pas, tant que j'ai mes 7/8 heures par nuit, ça me suffit!! Gros bisous tout plein!!
Elava: je suis contente que ça te plaise et que tu aies relu la fic. J'espère que la suite te conviendra. Ciao!
Mimi: oui, Arf (anciennement Croc) n'avait traduit que les deux premiers chapitres, et il y en a 18! Donc je pense que tu vas encore avoir de la lecture pendant un petit moment! J'espère que la suite te plaira! Bye!
Ccilia Johnson: eh ouais, les garçons sont tordus des fois! lol. Pour ce chapitre, il n'y a pas trop de Dumbledore, mais surtout du Harry, Draco et aussi Hermione que je trouve vraiment géniale dans cette fic. Voilà, dis-moi ce que t'en penses! Salut!
Cécilia: la voici, la voilà!
Fanny: merci! Oui, moi aussi, il y a plusieurs répliques qui m'ont bien plu, et la tienne (l'histoire des cheveux en bataille) en fait partie! Bah, ça va encore, j'arrive à supporter Ron dans cette fic, ce qui est assez exceptionnel...Je le trouve un peu moins c** que d'habitude...Là encore, simple opinion personnelle. Merci encore!
Nono: ah! Cette fameuse réplique de Neville! Je l'ai vraiment adorée! Et puis je l'ai tournée d'une façon qui me semblait encore plus drôle, en rajoutant le 'version'...Apparemment, ça a plu...Merci pour ta review.
Anonymoua: oui, c'est sûr que la tête de McGonagall quand elle a vu ce qu'il y avait dans l'orbe devait être assez extraordinaire dans son genre! Vu que j'attends les reviews avec vraiment beaucoup d'impatience, alors toi aussi tu dois trépigner pour avoir ce chapitre! J'espère que tu ne seras pas déçue!
Nagisa Moon: ah ben là, je pense que tu vas être servie pour les prémices du couple H/D! Ce n'est pas le rapprochement, mais plutôt la phase 'c'est pas possible', phase qui va assez loin d'ailleurs (la réaction de Harry par exemple...). Moi, c'est bizarre, mais en slash je n'aime vraiment que les D/H, même si je lis parfois d'autres slashs. Mais je dois bien avouer que si je devais choisir un autre couple slash, ça serait sûrement Rémus/ Sirius...D'ailleurs, dans les livres de JKR, on peut parfois y voir des sous-entendus, si on le prend dans ce sens, bien sûr...Merci encore! Ciao!
Nicolina: merci!! Tu vois, moi aussi je me répète lol. C'est vrai qu'elle n'est vraiment pas évidente à comprendre cette fic. C'est de loin la plus difficile que j'ai traduite...Mais bon, quand on aime, on ne compte pas! J'espère que ce chapitre te plaira!! Salut!
LolieShing: wow, merci!! Ça fait plaisir de recevoir une review comme la tienne! Je suis contente que tu aies aimé le coup du manuel de la branlette version sorcier, parce que je l'ai arrangé à ma sauce (tout en gardant exactement le sens bien évidemment)...J'avoue que j'en suis assez fière lol. Ne t'inquiète pas, je ne pense pas abandonner en si bon chemin...Merci encore et n'hésite pas à me faire part de tes commentaires!
Bonne lecture à tous!!
LE LIVRE DE SORTS DES GARCONS (EDITION SPECIALE)
Le dortoir des garçons de cinquième année dans la tour de Gryffondor, une pièce si paisible, si sécurisante et si agréable qu'il faisait toujours chaud quelle que soit la période de l'année, était le centre de la vie de Harry. D'une façon ou d'une autre, la vieille fenêtre branlante à petits carreaux, alors que septembre laissait sa place à octobre, repoussait magiquement les vents de plus en plus froids qui fouettaient la tour. Et bien qu'il partageât cette pièce avec son meilleur ami Ron et leurs compagnons de guerre Neville, Seamus et Dean, c'était resté un endroit privé, où les autres Gryffondor allaient rarement, voire jamais. Ce qui était tout aussi bien car en ce moment précis, la chambre était dans un désordre épouvantable; le genre de désordre qui aurait valu un claquement de langue désapprobateur de la part de Mrs Weasley et qui aurait fort probablement donné une crise cardiaque à la Tante Pétunia. Peu importait le nombre de fois que les elfes de maison usaient de leur magie dans cette chambre, car en moins d'une journée, elle redevenait toujours un véritable dépotoir. Alors que Harry la parcourait du regard peu après le petit déjeuner du samedi après le désormais célèbre cours de Soins aux Créatures Magiques, il se dit qu'elle n'était pas pire que d'habitude. Mais c'était l'humeur du jeune homme qui n'était vraiment pas au beau fixe. A la limite de l'agressivité, à vrai dire.
Il y avait des livres et des rouleaux de parchemins partout, sur la grande table, sur les malles et sur les lits, et lorsqu'il s'avérait nécessaire de temps en temps d'aller vraiment au lit, ils étaient balancés en tas par terre. Des affaires de Quidditch pendues aux lits à baldaquins, des balais debout ou couchés dans des endroits inappropriés. Des chaussures, l'une toujours séparée de sa sœur, emmêlées dans un méli-mélo de tous les diables d'un bout à l'autre de la pièce. Des robes de sorciers étaient éparpillées sur chaque millimètre carré du sol; et, n'importe où la place de meubles le permettait, des piles d'autres vêtements - propres comme sales - s'accumulaient, et étaient triés la plupart des matins, quand les Gryffondor cherchaient quelque chose à se mettre sur le dos pour la journée. Le contenu de la malle de Ron gisait en une pile désordonnée à côté de son lit, car il l'avait renversée par terre le jour précédent, à la recherche de chaussettes propres. Il n'en avait trouvé aucune.
Mais l'Age du Chaos vivait ses derniers instants et, alors qu'il se tenait au milieu de la pièce et embrassait le désordre du regard, Harry se demanda brièvement si ça allait réellement lui manquer. Il y avait quelque chose de merveilleux dans ce fouillis qui régnait dans cette chambre; cela faisait d'elle leur endroit à eux, leur véritable territoire. Et dans la plupart des cas, rien n'était jamais vraiment perdu, parce que les garçons savaient toujours à peu près où chercher ce dont ils avaient besoin. Mais un préfet envahissant les avait enquiquiné avec ça depuis des semaines et finalement, après une mise en garde particulièrement sérieuse (laquelle, comme les autres, n'avait pas été prise en compte), l'inimaginable s'était produit: le Professeur McGonagall, Ordre de Merlin (seconde classe), Directrice Adjointe de l'école de Poudlard et Directrice de Gryffondor, Sorcière à la renommée nationale, Experte en Métamorphose et Animagus, sans parler du fait qu'elle était la Discipline incarnée, avait été prévenue par le préfet désespéré. Harry se souvenait très bien d'avoir tenter d'ignorer le pincement de lèvres de son professeur qui exprimaient quelque chose bien au-delà de la déception, alors qu'elle les menaçaient en bonne et due forme de leur retirer vingt points chacun si la chambre n'était pas remise en ordre sur-le-champ et gardée en ordre. Il devait y avoir une inspection de la chambre à six heures ce soir-là, et les cinq garçons étaient censés se retrouver pour commencer le nettoyage, mais jusque-là, Harry était le seul à être venu. Mais où sont-ils, bon dieu?
Il s'assit sur son lit; bien sûr, la chambre était dans un état honteux, mais c'était presque ce qu'il y avait de plus important au monde. Il fit négligemment courir sa main sur le bord de son lit, et ses doigts se posèrent par hasard sur un livre, la seule chose qui était bien rangée à sa propre place. Une seule chose dans tout la pièce: le Livre de Sorts des Garçons (Edition Spéciale), qui était caché entre le matelas et la tête de lit de Harry. Harry ne savait pas vraiment pourquoi cet objet était si spécial pour lui, vu les autres choses merveilleuses qu'il possédait, comme un Eclair de Feu et une Cape d'Invisibilité; mais c'était simplement parce que ses amis faisaient un raffut pas possible pour l'avoir que Harry le planquait comme un petit trophée. Et bien sûr, c'était vraiment un truc super à avoir. Enfin, du moins c'est ce qu'il avait pensé quand ils le lui avaient donné. Il avait essayé deux ou trois des sorts ces derniers jours (généralement avec le sort de silence en place pour garder les convenances), mais alors tous les garçons avaient voulu lui emprunter le livre pour tester le sort extra de Charlie Weasley provenant de Roumanie. Tout compte fait, Harry avait dû reconnaître que la Version Sorcière était de loin supérieure à la Méthode Moldue, et il avait ri avec les autres garçons sur comment il avait pu y arriver sans baguette. Mais depuis le matin même, Harry se demandait si le livre n'était pas devenu trop dangereux pour s'en servir. Alors qu'il s'asseyait lourdement sur son lit, il essaya d'empêcher son esprit de se souvenir des détails de ce qui s'était passé quelques heures plus tôt quand...quand, merde, c'était trop affreux d'y penser.
Mais comme toujours avec les choses auxquelles on essaie de ne pas penser, le simple fait de ne pas y penser faisaient qu'elles harcelaient notre esprit. Il était très tôt - plus tôt que d'habitude, peu après quatre heures - quand il avait battu des paupières, totalement éveillé, sans une once de fatigue dans son esprit ni dans son corps. Les pensées, les sensations et les émotions avaient entamé leurs revendications habituelles, l'encerclant, le clouant littéralement sur son lit, lui poignardant la poitrine. Tant de déception, tant de honte, tant de culpabilité. Comment pourrait-il le leur dire un jour? Ron le détesterait. Pire encore, Hermione compatirait. Neville serait déçu. Seamus afficherait un air suffisant insupportable. Ginny aurait le cœur brisé. Toute la Maison Gryffondor serait mal à l'aise et gênée, peut-être même pire. Les autres Maisons, surtout Serpentard, merde...je peux pas y penser. Les mêmes pensées, le même désespoir chaque matin. Pourquoi ne pouvait-il pas leur dire la vérité, pourquoi ce ne pouvait pas simplement être un malentendu? Ce secret innommable faisait autant partie de lui que ces choses matérielles évidentes devant lui. Il ne pouvait pas leur en parler. Il ne pouvait pas. Poudlard était sa maison, Gryffondor sa famille; le risque de rejet était trop grand et les conséquences de ce possible rejet inconcevables: il serait seul.
Mais, il était déjà seul. Cacher un tel secret à Ron détruisait leur amitié. Mentir à Hermione sur des filles dont il s'était 'entiché' était une injure et une trahison. Vivre dans de telles privautés avec ses camarades de chambre était une supercherie. Tout ce qu'il considérait comme acquis était à lui à cause de ce qu'il gardait caché. Les mêmes pensées, les mêmes conclusions destructrices et les mêmes peurs. Chaque bon sang de matin. Et, comme chaque matin, il n'y avait qu'un seul moyen de se sortir de ce cercle infernal de soucis: un bref moment de plaisir physique. Et ses copains lui avaient donné à présent les moyens de rendre ces moments intimes plus excitants, plus palpitants, plus époustouflants qu'ils ne l'avaient jamais été. Mais ce matin-là, il en avait eu plus qu'il ne s'y attendait: au lieu du luxe bienvenu d'oublier sa situation actuelle pendant un moment et de s'autoriser à vivre dans un monde où il pouvait caresser son amant imaginaire d'une manière jugée naturelle, tendre et innocente, il s'était produit une catastrophe horrible, inimaginable. A cause du livre, il en était sûr. Enfin, pas le livre en lui-même, mais les renseignements qu'il contenait. Il y avait quelque chose à propos d'un plaisir assisté par la magie qui accentuait les perceptions, intensifiait les expériences et accroissait l'imagination; et ce matin-là, alors que Harry et Qui-Que-Ce-Fut étaient en plein dans leur jeu puéril mais très privé, une image aussi claire et nette qu'une photographie couleur avait jailli du subconscient de Harry et l'avait frappé de plein fouet. Son amant, son compagnon, son fantasme: il avait (serrement de gorge) les cheveux blonds. Blond-blanc. Et une peau au teint laiteux. Et des yeux clairs, froids, gris-bleu. Et un beau visage ovale qu'il avait parfaitement reconnu. Et étrangement, un sourire. Oh mon Dieu. A présent, il n'y avait plus rien à faire. Aucun endroit où fuir, aucune chose qui ne soit pas souillée. La vie avec les Gryffondors était supportable parce qu'il pouvait s'échapper une fois par jour et laisser son esprit vagabonder, libre de toute attente, d'honneur et de respectabilité, et à présent, dans cet endroit précis, dans le monde privé de Harry, le visage de son grand rival et ennemi juré lui souriait. Moqueur, railleur, sarcastique.
Cependant, il n'avait pas pleuré. Bien sûr, il en avait eu envie, mais pleurer n'avait jamais été son truc. Pleurer était comme admettre sa défaite, et le Garçon-Qui-A-Survécu n'admettait jamais la défaite, même quand il se battait contre Voldemort, même quand il pensait à ses parents. Mais quelque chose en lui avait pris la direction des opérations, et il s'était retrouvé en train d'agir dans un but précis, sans savoir d'où venaient les motivations ni quel était le but. Il s'était assis dans son lit, toute excitation envolée. La baguette et le livre lui avaient tout à coup semblé superflus et compromettants, et il les avait fourrés sous son oreiller. Il avait sauté hors de son lit et avait pris une douche rapide. Il avait enfilé les premiers vêtements qu'il avait trouvés, enroulé une écharpe autour de son cou et mis sa robe de sorcier. Puis il était sorti prestement du château, et s'était dirigé d'un bon pas vers les jardins peu de temps avant l'aube, et il avait entamé le circuit complet du lac. Le pas rapide et décidé, la tête ne contenant rien d'autre que l'effort mental requis par la marche en elle-même. Puis, alors qu'il en était au deuxième tour du lac, son esprit se mit à réfléchir sur ce qui s'était passé, d'abord un tout petit peu, des pensées inoffensives, qui s'étaient progressivement réunies pour former un plan. Il allait s'éloigner de Ron, en prévision du jour inévitable où ils ne seraient plus amis. Comme ça, Ron ne serait pas autant blessé par le secret que Harry devrait lui avouer un jour ou l'autre; il n'aurait jamais dû se permettre de devenir aussi proche de Ron de toutes façons. Il allait arrêter de se reposer sur Hermione pour ses devoirs. Quand ça aurait bardé, il devrait s'habituer à travailler par lui-même, et ceci lui avait paru être un bon point de départ. Il allait ignorer Ginny; comme ça elle ne serait plus intéressée par lui et trouverait quelqu'un qui la mériterait plus, quelqu'un qui pourrait lui retourner son affection. Il ne participerait plus aux farces de garçons préparées par Seamus ou Dean. Quand ils découvriraient qui il était vraiment, il serait à peine le bienvenu dans leur bande, donc il préférait aussi bien en sortir dès à présent de lui-même. Il n'irait plus autant rendre visite à Hagrid, car il devait apprendre à se débrouiller tout seul si par hasard il était encore en vie en sortant de l'école. Il ne profiterait plus des faveurs et des privilèges qui lui étaient si souvent accordés par McGonagall et Dumbledore, pour que, lorsque ils laisseraient voir leur déception à son égard, il n'ait pas le sentiment de leur devoir quelque chose. Il se retirerait de l'équipe de Quidditch, parce qu'il ne voulait pas participer à quelque chose où des gens comptaient sur lui. Evidemment, il arrêterait totalement de se donner du plaisir. Et par-dessus tout, il ne ferait pas le moins du monde attention à...à, dieu, il n'arrivait même pas à penser à son nom, au blond. C'est qui, de toutes façons? J'en ai même jamais entendu parler. Il n'existe pas.
C'était sept heures du matin passées quand Harry avait terminé son deuxième tour du lac. La fumée sortant de la petite cheminée lui avait indiqué qu'un feu de bois brûlait dans la cabane de Hagrid mais Harry ne s'était pas arrêté pour une tasse de thé matinale. Il était retourné à son dortoir alors que les autres garçons étaient en train de se lever pour le petit déjeuner, mais il avait ignoré leurs questions sur l'endroit où il était allé. Il n'avait parlé à personne pendant le petit déjeuner, décidant de ne pas écouter les questions anxieuses de Hermione et Ron à propos de son état de santé. Ils n'avaient cessé de garder un œil sur lui depuis qu'il s'était évanoui au souper un peu plus tôt dans la semaine - et d'ailleurs, qu'est-ce que ça avait été cette connerie? Un autre exemple de sa faiblesse. Il ne s'évanouirait plus. Et à présent, de retour dans le dortoir, regardant le désordre de la pièce pendant qu'il attendait 'l'opération nettoyage', il se dit que c'était bien que tout cela soit sur le point de changer. Encore une fois, quelque chose en lui le tira de sa rêverie et lui influa un débordement d'activité incroyable. On devient sentimental à propos du désordre? Franchement...Il ne serait plus désordonné; c'était un exemple frappant de faiblesse et d'immaturité. Putain de merde, il n'avait pas besoin des autres, où qu'ils soient. Sûrement encore en train de rire devant leur petit déjeuner. Hermione devait être en train de faire son cours sur l'importance de ce foutu avantage psychologique par rapport à ces foutus Serpentards. Par l'enfer, il n'avait pas besoin d'eux. Il parcourut toute la chambre, ramassant les choses qui étaient à lui et jetant les affaires des autres sur le côté. Quand il eut son lit rempli de ses effets personnels, il les rangea dans sa malle et la ferma à clé, Le Livre de Sorts des Garçons tout au fond. Ses vêtements sales allèrent à la blanchisserie. Ses livres, ses rouleaux de parchemins et ses plumes furent disposés sur sa malle. Il fit son lit. Tout le fouillis qui restait n'était pas son problème. Il quitta à nouveau le dortoir, et se dirigea vers la salle commune, où la majorité des joyeux Gryffondors venait juste d'arriver de la Grande Salle. Oh merde. Il ne voulait pas les voir. Plus jamais.
"Hé, te voilà!" s'exclama Ron, son visage empli de chaleur et d'amitié. "Pourquoi t'es parti si tôt du petit déjeuner? On était inquiets. Tu te sens bien? Prêt pour la guerre contre le Désordre?"
Harry prit une profonde inspiration. "C'est déjà fait. Tu sais, à l'avenir tu pourras économiser tes forces en ne t'inquiétant plus pour moi. Et puis s'il te plaît, arrête de me demander comment je vais, c'est chiant à la fin". Harry regarda Ron droit dans les yeux en disant ces mots. La foule de Gryffondors devint instantanément muette.
"Euh, j'étais simplement, je n'avais pas l'intention d'être..." bredouilla Ron, totalement décontenancé, mais Harry l'ignora et entreprit de traverser le groupe d'un pas décidé, en direction de la porte de sortie. Il fit semblant de ne pas voir Ron qui essayait de dire quelque chose d'autre pendant que Hermione tirait sur la manche de ce dernier pour lui enjoindre de ne pas continuer. Le cœur de Harry tenta de rester de glace quand il vit l'expression blessée presque insupportable qu'affichait Ron, son meilleur ami venant de lui parler sur un ton tellement glacial devant tous les autres. "T'as du courrier" dit Ron d'un ton brusque, et il balança presque une lettre à la poitrine de Harry alors que celui-ci se frayait un chemin à travers la masse présente.
Harry marmonna un "merci" inaudible et quitta la pièce.
"Putain de bordel! Mais qu'est-ce qui lui prend encore?" s'exclama Ron, furax, au groupe en général et à Hermione en particulier.
"Laisse tomber, Ron" dit Hermione d'une voix douce. "Quoi que ce soit, il nous le dira quand il le pourra. Tu sais comment il est"
"Oui, je sais" répondit Ron. "C'est un connard mal élevé et ingrat"
****
Il la relut encore une fois, assis sur un rocher de l'autre côté du lac. Et voilà encore une autre satanée complication.
Cher Harry,
Je viens de recevoir un mot inquiétant de Ginny par Hedwige à propos de ton évanouissement du souper. Je déteste le fait de te savoir malade ou en danger, et comme je n'ai reçu aucune nouvelle de toi depuis un moment, je vais venir à Pré-au-Lard ce week-end. Retrouve-moi à la Cabane Hurlante samedi vers midi, et apporte à manger si tu peux.
Sirius
Maudite Ginny. Cependant, c'était sûrement Ron qui lui avait dit d'écrire ce mot. Maudit Ron. A présent, Sirius allait se mettre en danger alors qu'il essayait de remplir une mission importante pour Dumbledore tout en gardant en même temps une longueur d'avance sur les hommes de Fudge. C'était tellement risqué pour lui de venir à Pré-au-Lard! Et maintenant, à cause de Harry, Sirius allait risquer sa vie pour venir se renseigner sur l'évanouissement stupide de son filleul.
Samedi vers midi. Il lui restait environ deux heures. Et ce n'était pas à proprement parler un 'week-end Pré-au-Lard'. Mais tout au fond de lui, plus profond que l'endroit où il avait trouvé la force de prendre les décisions près du lac, Harry s'en fichait. Il voulait voir Sirius. Ca lui semblait tout à coup si important. Il devait simplement arriver à se reposer sur lui. Il savait qu'il pouvait compter sur lui. S'il n'avait pas Sirius, il n'avait personne. Et puis, la Cabane Hurlante était un aussi bon endroit pour broyer du noir qu'un autre. Il pouvait aussi bien y aller dès maintenant. Il retourna au château, 'dévalisa' les cuisines (les elfes de maison lui préparèrent avec joie un panier à pique-nique) et passa les portes de l'école en plein jour. Pourquoi s'ennuyer avec sa cape ou le passage secret? Ca lui était égal s'il s'attirait des ennuis.
Au château, deux personnes observaient pensivement la scène, car ils avaient vu par hasard Harry sortir du domaine de l'école. Hermione, inquiète, troublée, préoccupée. Dumbledore, un petit sourire aux lèvres, devinant avec justesse qui Harry allait voir.
****
La mauvaise humeur abondait dans le château ce samedi-là. Ron était vexé, furieux en fait, d'avoir été jeté par Harry de cette façon en public. Quand sa fureur commença à diminuer, elle fut remplacée par une profonde confusion teintée d'une bonne part de douleur. Ils s'étaient déjà disputés des centaines de fois, mais là, c'était différent. Ca avait toujours été à propos de choses sans intérêt et ils se réconciliaient presque instantanément, sans jamais en garder rancune, chacun étant trop dépendant de l'autre pour que leurs brouilles ne durent pas plus de deux ou trois heures. Bien sûr, il y avait eu la fois où Ron n'avait pas adressé la parole à Harry jusqu'à la première Tâche du Tournoi des Trois Sorciers, mais s'il y avait déjà repensé par la suite, Ron soupçonnait avec un sentiment de culpabilité que c'était sa propre jalousie qui avait été la cause première de cette affaire. Ou plutôt, sa jalousie davantage aggravée par la mauvaise combinaison de son entêtement incroyable et de celui de Harry. Mais même ce problème ne ressemblait pas à celui-ci. Ils ne s'étaient même pas disputés cette fois. Harry avait simplement dit, enfin il n'arrivait pas à ce rappeler des mots exacts, mais ce n'était pas ce qu'il avait dit, c'était la manière dont il l'avait dit: le regard qu'il avait eu signifiait 'Dégage de ma vie'. Mais POURQUOI? Qu'est-ce qu'il avait fait, bon sang?
Hermione et Ginny étaient montées dans le dortoir des garçons ce matin-là, soi-disant pour aider pour le Grand Nettoyage, mais Ron savait qu'elles étaient aussi chamboulées que lui et qu'elles ressentaient le besoin d'être près de lui. Le rangement en lui-même s'était avéré être un événement fastidieux et démoralisant, Hermione supervisant inutilement les opérations, Ginny passant négligemment en revue les affaires de Ron, essayant de ne pas penser à ce qui s'était passé. Neville ne tenait pas compte de toute cette histoire, se disant que Harry avait toujours été très nerveux et imprévisible, et Seamus et Dean marchaient sur des coquilles d'œufs, se frayant un chemin parmi le désordre honteux de la pièce tout en tentant d'introduire un petit peu d'humour parmi le groupe. Dans une certaines mesure, tous ignoraient en silence les moments où ils trouvaient quelque chose appartenant à Harry, déposant simplement ses affaires sur son lit, en une pile qui prenait petit à petit de l'ampleur, mais quand Ron mit la main sur l'horloge-vif d'or de Harry, qui avait roulé sous son lit au milieu d'un amas de chaussettes de Seamus, sa frustration éclata soudainement et il laissa échapper un cri de rage involontaire, puis lança violemment l'horloge contre le mur. Rapide comme l'éclair, Hermione sortit adroitement sa baguette et murmura les mots 'Accio horloge-vif d'or'; l'objet change a de direction en plein vol et atterrit soigneusement dans la main de la jeune fille avec un léger 'toc' qui sembla aussi fort que l'explosion de colère de Ron. Elle se dirigea lentement vers le lit de Harry et le déposa avec soin sur les couvertures, à côté de ses autres affaires. Ginny poussa un profond soupir et dit "Je m'en vais", puis elle partit.
Hermione n'était guère plus heureuse que Ron, mais elle essayait tant bien que mal de garder un soupçon de rationalité. Même si elle était furieuse contre Harry pour se comporter comme cela. Elle ne pouvait trouver aucune raison valable qui justifierait ses actes ou ses paroles, mais la situation s'était encore empirée, car Hermione avait immédiatement supposé que Ron devait avoir fait quelque chose d'affreux pour mettre Harry dans un tel état. Après les paroles surprenantes de Harry, il s'en était suivi une demi-heure de regards noirs, accusateurs et amers échangés entre elle et Ron avant qu'elle ne se rende compte que Ron était vraiment blessé et totalement perplexe. Le cœur de la jeune fille s'était alors quelque peu attendri, Harry oublié pour un temps, en regardant Ron et elle avait eu envie de le serrer dans ses bras, de le consoler et de lui dire que ce n'était pas sa faute et plus tard, après l'incident avec l'horloge-vif d'or, elle avait tellement compati à sa colère et à sa douleur qu'elle regrettait presque d'avoir empêché qu'elle soit détruite. Elle avait regardé Ron, et il l'avait regardée: lui, reconnaissant du geste qu'elle avait fait; elle, se disant que la combinaison du petit garçon blessé et du jeune homme en colère était tout à coup dangereusement attirante. Le cœur de Hermione avait battu un peu plus vite pendant ce moment d'intimité silencieuse qu'ils avaient partagée, jusqu'à ce que Ginny rompe involontairement (ou délibérément?) le charme en annonçant son départ. Maudit Harry, songea Hermione. Lorsqu'elle lui mettrait la main dessus, elle lui passerait une Engueulade Digne De Ce Nom. Il avait intérêt à avoir une excuse en béton pour avoir bouleversé Ron de cette façon, ou SINON...Ils avaient fini par se remettre à ranger et Hermione s'était distraitement dirigée vers la fenêtre, écoutant à moitié la discussion pathétique entre Seamus et Dean à propos de celui qui avait pensé en premier que ce serait une bonne idée de mélanger les cartes à jouer dans quatre jeux de cartes différents, et alors qu'elle se demandait précisément quel sort pourrait apporter une solution, elle avait aperçu Harry quitter le domaine de Poudlard, un pale rayon de soleil se reflétant sur ses lunettes. Mais où pouvait-il bien aller? D'ordinaire, elle aurait été dans tout ses états du fait de cette folle indifférence quant à sa propre sécurité, mais elle ne pipa mot sur ce sujet et l'ajouta à la liste des choses qu'il faudrait examiner plus tard, quand elle serait seule, et quand Ron se serait calmé.
A l'autre bout du château, quelqu'un d'autre était manifestement aussi d'une humeur exécrable. Draco était couché sur son lit, refusant de parler à quiconque de Serpentards, son désespoir augmentant d'heure en heure. Il n'avait pas dormi du tout la nuit précédente, et très peu depuis le jour du cours de Soins aux Créatures Magiques avec les satyres. Et il avait plus ou moins totalement coupé les ponts avec ses camarades à l'heure qu'il était, luttant contre ce qui se passait depuis ces derniers temps et n'ayant aucun penchant pour la réalité monotone de la vie d'un Serpentard. Ce truc avec Potter n'allait tout simplement pas s'en aller. Il avait examiné la chose sous tout les angles, clairement et objectivement, furieusement et avec une profonde incertitude, jusqu'à ce qu'il crut que sa tête allait exploser. Et puis, peu après quatre heures ce matin-là, il avait été frappé par une image d'une clarté saisissante d'un Potter à moitié nu, riant de bon cœur, le souffle un peu court et le rouge aux joues. Cela avait été une vision profondément intense et érotique, et sa netteté et son réalisme l'avaient cloué sur place, le laissant à la fois excité et dégoûté par sa propre excitation. Il avait abandonné l'idée de dormir cette nuit encore, s'était habillé en silence et glissé hors du château à la recherche d'un peu d'air pour s'éclaircir les idées. Et peut-être, juste peut-être, penser à quelque chose d'autre. Mais chose incroyable, et qui l'exaspérait au plus haut point, il avait vu quelqu'un d'autre errer dans les jardins, aussi tôt le matin, une silhouette enveloppée dans un manteau qui marchait, maussade, le long du lac dans l'obscurité épaisse qui précédait l'aube, ressemblant à un héros romantique se lançant dans quelque odyssée épique, et avec un grognement d'indignation il avait reconnu Potter. BORDEL de merde!!! Il n'y avait aucun endroit où il pouvait échapper à cet enquiquineur; ni dans sa tête, ni dans son lit, ni même à quatre heures et demie du matin dans les (soi-disant) jardins déserts du château. Draco s'effondra sur le sol, désespéré, à l'endroit exact où il se tenait quand il avait reconnu Harry, juste là, près du mur du château, et il s'était surpris à observer Harry un long moment, Harry dont la silhouette gagnait en précision et en netteté au fur et à mesure que l'aube se rapprochait. Avec la sérénité de ce moment et la vision étrangement apaisante de Harry rôdant sur la rive du lac, Draco commença à se sentir plus détendu qu'il ne l'avait été depuis quelques jours. C'était, et il s'en rendit compte avec une certaine résignation, comme si en regardant Potter, il se sentait bien plus calme, bien moins affligé, bien moins confus.
Le petit déjeuner avait été aussi une triste affaire. De retour au château, Draco sentit toute son amère anxiété revenir, et il prit la résolution bizarre de s'asseoir là où il pourrait voir Harry: vu son état psychologique nettement moins troublé quand il avait observé Harry un peu plus tôt, un brin de logique lui disait que si Potter était la cause de son malheur, alors il pouvait aussi être son remède. Ce scénario le mettait horriblement mal à l'aise, mais comme il ne pouvait sûrement pas se sentir plus mal qu'il ne l'était déjà, il se mit à planifier de nombreuses 'expériences', faute d'un mot plus approprié, pour tenter de comprendre pourquoi il avait Potter dans la peau comme ça, et si son esprit de logique avait vu juste, alors qu'est-ce qu'il y en avait en Potter qui atténuait son affliction. Mais ses projets furent réduits à néant à cause du départ prématuré de Harry, seulement quelques minutes après l'arrivée des Serpentards. Draco enrageait en silence. Echec de l'expérience n°1. Vraiment? Il en avait retiré que la vision de Potter sortant de la salle l'avait laissé dans un état absolument lamentable, ce qui confirmait en quelque sorte que sa force émotionnelle était d'une manière ou d'une autre reliée à la présence physique de Potter. Oh mon Dieu. Les présages étaient trop inconcevables pour qu'il y réfléchisse.
Mais pourtant ce fut ce qu'il fit. Revenu dans sa Maison après le petit déjeuner, pendant que Harry était en route pour la Cabane Hurlante et que les Gryffondors qui restaient se frayaient un chemin à travers un désordre infernal, Draco se remit au lit, et la situation épouvantable dans laquelle il se trouvait commença à lui apparaître dans toute son horreur, comme s'il osait la regarder en face pour la première fois. Il se sentit vraiment très mal, et son angoisse atteignait à présent un degré si élevé qu'il lui était de plus en plus difficile de se concentrer sur un raisonnement constructif. Avec un effort quasi prodigieux, il se débarrassa d'un peu de son tourment, s'assit dans son lit et saisit une plume et un parchemin pour clarifier ses sentiments en les couchant sur le papier. Mais il n'y avait rien de concret à écrire. Evidement, il y avait quelques choses floues. Il se sentait mal au-delà de toute description, mais était-ce vraiment un mal physique? Peut-être que c'était psychologique? Il savait que Potter était au cœur de tout ça, mais il ne savait pas pourquoi. Il avait osé reconnaître qu'il se pourrait qu'il soit attiré inconsciemment par Potter, mais ça n'avait aucun sens, parce qu'il le détestait. Et tout ce qu'il incarnait. Et tout ce qui allait avec lui, tous les gens qui l'entouraient, et plus encore.
Et attends un peu Draco, mon vieux, t'as oublié le plus évident: Potter est un garçon. Est-ce que ça te choque? Est-ce que ça te surprend? Draco passa en revue tous ses souvenirs d'adolescents à la recherche d'une fille qui l'aurait déjà attiré sexuellement. Il n'y en avait aucune. Mais il n'y avait aucun garçon non plus. Alors pourquoi était-il attiré? A quoi pensait-il pendant ses moments les plus intimes? Tout était mystérieusement vide, en dehors de la pensée douloureuse qu'il devait être un narcissique incroyable, car il s'était toujours préoccupé uniquement de son propre plaisir; les autres n'apparaissaient pas dans ses fantasmes, même pas en tant qu'objets sexuels anonymes. Il n'avait probablement jamais accordé une simple pensée à un autre que lui de toute sa vie. Il n'y avait aucune personne pour laquelle il éprouvait de l'affection, à part lui-même, et en ce moment il n'était même pas sûr qu'il s'appréciait lui-même. Merde, ces pensées ne mènent nulle part. Mais une chose dont il était sûr: il n'avait jamais fantasmé sur un garçon jusqu'à quelques jours plus tôt dans la douche, le jour où ce foutu satyre avait fait un scandale dans l'enclos. Et les souvenirs de cette douche particulière tailladaient encore son psychisme comme un couteau. Peut-être n'était-ce pas une histoire de filles ou de garçons, peut-être que cela concernait simplement Potter. Ca pourrait expliquer pourquoi Potter lui-même, rien qu'en se montrant, semblait avoir une influence apaisante et réconfortante sur lui. Il restait encore beaucoup de choses à découvrir sur ce problème. Oh mon dieu, oh mon dieu, oh mon dieu. Comment allait-il gérer cette 'affaire Potter'? Il ne voyait que deux options: a) il pourrait ignorer tout ça et espérer que ça s'en irait, ou b) il pourrait essayer de plus se renseigner sur ce qu'il ressentait vraiment et pourquoi. Prendre l'option 'b' ne signifiait évidemment pas qu'il devrait suivre à la lettre tout ce qu'il découvrirait (ouf...) et, présenté de ce point de vue, cela semblait idiot de simplement espérer que tout ça disparaisse. Draco! T'es en train d'être positif sur ce sujet? Tu vas faire quelque chose de constructif? Est-ce que ça veut dire que t'es intéressé par Potter? NON NON NON! hurla intérieurement Draco. Je ne l'apprécie même pas! Je le hais! Mais il faut bien que je fasse quelque chose!
C'en était trop. Il sortit de son lit à toute vitesse et fouilla dans sa malle jusqu'à ce qu'il eût trouvé le paquet de cigarettes qu'il avait pris dans la coiffeuse de sa mère à la fin des vacances. Elle avait l'air d'apprécier le fait de fumer une cigarette quand son père était particulièrement odieux. Draco avait essayé deux ou trois fois auparavant et ne les avait trouvé ni agréables ni dégoûtantes, mais alors qu'il tirait avidement sur sa cigarette depuis une bonne minute, il comprit tout de suite pourquoi sa mère gardait caché un paquet de ces truc moldus bizarres. Le calme s'installa petit à petit en lui, et il put de nouveau réfléchir convenablement. Draco connaissait beaucoup de choses en matière de magie, et il savait beaucoup de choses sur les émotions (enfin, comment manipuler celles des autres) et il savait également au fond de son âme ce que tous ces signes, ces événements et ces sentiments voulaient dire. Il y avait certaines choses qu'il ne comprenait pas, mais probablement juste parce que, réfléchit-il, il n'avait jamais pensé qu'elles le concerneraient directement. La bibliothèque pourrait lui apporter quelques réponses. Et ce serait peut-être une bonne idée que de regarder d'un peu plus près ce que précisément les satyres pouvaient sentir que les humains ne pouvaient pas. Au moins, il savait par où commencer. Il écrasa sa cigarette dans une soucoupe à côté de son lit et fit disparaître la fumée à l'aide d'une formule et d'un mouvement désinvolte de sa baguette. Puis, avec un peu plus de motivation que ces derniers jours, il quitta la Maison Serpentard pour la bibliothèque.
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"Bon d'accord. Qu'est-ce qui ne va pas?"
C'était sorti de nulle part. Ils étaient en train de bavarder de tout et de rien depuis environ une heure, et Harry était très heureux d'être en compagnie de son parrain - quelqu'un d'extérieur de tout ce fouillis de Poudlard, quelqu'un avait qui il pouvait discuter et oublier la crise qui le dépassait le reste du temps. Harry avait été vraiment ravi quand Sirius, semblant en pleine forme, propre et vivant, l'avait chaleureusement accueilli, ayant été quelques secondes auparavant le gros chien noir qu'il avait vu renifler aux alentours de la Cabane Hurlante. Si Harry avait été en avance de plusieurs heures pour leur rendez-vous, Sirius quand à lui avait été encore plus en avance, ce qui avait enchanté Harry comme jamais. Tous deux n'avaient pas vraiment pris de petit déjeuner, et ils avaient attaqué le panier à pique-nique avec un plaisir partagé non dissimulé. A présent, en réponse au changement total d'ambiance, Harry regarda son parrain, ne sachant absolument pas quoi lui dire.
"Rien" répondit-il sans conviction.
"Tu t'attends à ce que j'avale ça?"
"Crois ce que tu veux. Je ne t'ai pas demandé de venir ici. Tu devrais être en train d'accomplir le travail pour Dumbledore, dans quelque endroit où ça t'emmène. Pas d'être ici pour t'inquiéter à mon sujet"
"Quel sorte de parrain serais-je si je ne m'inquiétais pas, Harry?"
"Je ne sais pas". L'attitude de Harry frisait le revêche à présent, et il eut honte de ses paroles; il se leva et alla vers la fenêtre pour regarder dehors. Sirius répondit tout de même.
"J'ai eu un mot de Ginny et j'ai simplement su que j'avais besoin de te voir. Et tu m'as l'air d'avoir besoin de quelqu'un à qui parler. Donc cette rencontre est bien pour nous deux, non?"
Harry se tourna vers Sirius et réussit à esquisser environ 10% d'un sourire. Sirius fournit les 90% qui restaient et fit un pas en direction de Harry.
Harry le voulait, il avait besoin de le sentir, mais il n'était plus un petit garçon, et il stoppa le mouvement qu'il avait entrepris pour rejoindre Sirius. Ils se regardèrent, silencieux. Sirius observa Harry avec attention, puis parla très doucement. C'était comme si la conversation de l'heure précédente n'avait pas existé.
"Harry. Je ne peux pas imaginer à quel point ça a dû être difficile pour toi de grandir sans aucun soutien ni amour, et je maudis chaque jour de ces années passées à Azkaban quand j'aurais dû être avec toi, pour te donner une maison et une famille. Et bien que nous ne puissions pas revivre ces années, nous en avons encore plus devant nous". Harry regardait fixement Sirius, toute la force qu'il avait trouvée ce matin-là près du lac s'effondrant pour ne laisser qu'un besoin désespéré de savoir qu'il n'était pas seul. "Je ne sais pas vraiment comment je dois me comporter en tant que parent" poursuivit-il, encore plus bas. "Donc je suis plus ou moins mon instinct dans ce domaine. Mais je vois, Harry, qu'il y a quelque chose qui te ronge de l'intérieur, et mon instinct me dit que tu as besoin d'en parler. Et j'ai besoin de l'entendre aussi. C'est le minimum que je te dois, après...". Sa voix s'affaiblit puis s'arrêta.
"Sirius! Tu ne me dois rien du tout. Ce n'était pas ta faute!". La voix de Harry eut l'air forte après le murmure dans lequel Sirius avait achevé sa phrase. Il leva les yeux vers Sirius et répéta: "Ce n'était pas ta faute!" en faisant le pas contre lequel il s'était battu quelques instants auparavant. Sirius réduisit rapidement à néant la distance qui les séparait et posa avec hésitation sa main sur l'épaule du garçon. Toute la force qui restait en Harry disparut avec ce geste, et il sentit une émotion intense monter en lui, comme un animal farouche voulant se précipiter hors de lui. Sa tête s'affaissa contre le devant de la chemise de Sirius et celui-ci attira doucement le garçon à lui, encerclant Harry dans la plus sécurisante et réconfortante des étreintes de sa vie. En fait, il ne se rappelait pas avoir eu d'autres étreintes dans sa vie.
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Hermione en avait assez du dortoir des garçons. Elle quitta la pièce environ un quart d'heure après Ginny, l'esprit toujours empli des récents événements. Harry avait un comportement très bizarre, et ce depuis le jour des satyres. Les satyres. C'était samedi et il ne lui restait plus aucun devoir à faire, donc elle effaça Ron et Harry de son esprit, rassembla quelques livres et se mit en route pour la bibliothèque. La bouffée apaisante de familiarité assaillit Hermione comme elle entrait dans la bibliothèque, et comme d'habitude, elle fut ravie de voir que sa table de travail personnelle était libre. Personne n'oserait! Mais alors qu'elle jetait un coup d'œil sur les étagères qui hébergeaient la section Zoologie Magique, elle découvrit à sa grande surprise et à son profond agacement qu'une bonne partie des livres sur les satyres, qu'elle avait consultés plus tôt dans la semaine, manquait. Etrange. Ce n'était pas souvent arrivé à Hermione par le passé. Quand des livres faisaient office de textes scolaires ou étaient requis pour un quelconque devoir, elle les avait soit consultés bien avant que le reste de la classe n'y ait pensé, soit elle avait ses exemplaires personnels. Quand elle se servait des vastes ressources de la bibliothèque pour ses propres besoins, de tels besoins s'étaient rarement, voire jamais, recoupés avec les besoins de quelqu'un d'autre. Mais là, il y avait visiblement quelqu'un d'autre qui étudiait les satyres d'une manière aussi approfondie qu'elle-même l'avait déjà fait. Faisant la moue sans s'en rendre compte, ce qui donna à son visage une expression plutôt attentive, Hermione examina le seul livre sur les satyres qui restait: L'Art de l'Amour: les satyres et ce qu'ils peuvent voir [en français dans le texte original]. Enfin, ça ferait bien l'affaire pour le moment, à condition qu'elle arrive à trouver un dictionnaire.
Comme ce livre avait été le seul à rester sur l'étagère, celui qui s'intéressait aux satyres, en dehors d'elle-même, se dit Hermione, tandis qu'elle finissait par atteindre au bout d'une demi-heure la page dix de L'Art de l'Amour, ne parlait manifestement pas français. Et moi non plus, conclut-elle. Les parents de Hermione l'avaient emmenée en vacances en France chaque été aussi loin qu'elle s'en souvenait, et elle était parfaitement capable de commander une glace ou même de demander la direction de la piscine. Mais quand on en venait à s'échiner sur un livre ancien écrit dans une prose ampoulée, alambiquée et archaïque avec seulement une connaissance rudimentaire de la langue et un vieux dictionnaire, Hermione était, pour une fois, perdue. Elle se résolut silencieusement à dire deux mots au professeur McGonagall à propos de l'étude des langues étrangères à Poudlard alors qu'elle se frayait un chemin vers les étagères pour reposer le livre. Elle contourna la section Zoologie Magique puis s'arrêta net, ne comprenant pas très bien si ce qu'elle voyait revêtait de l'importance ou pas. Hermione n'était pas stupide. Elle savait plus ou moins, même sans avoir lu tout ce qui était dit dans L'Art de l'Amour, ce qui s'était passé pendant le cours de Soins aux Créatures Magiques quelques jours auparavant. Et durant les quelques jours suivants, elle avait commencé à réaliser toutes les conséquences potentielles de ce qu'elle avait appris et conclu. Mais se retrouver face à face avec un facteur de l'équation qu'elle avait jusqu'alors délibérément éludée, eh bien, ça faisait toujours une sorte de choc. Se tenant exactement à l'endroit où les livres sur les satyres étaient rangés, il y avait Draco Malfoy. Il était en train de reposer une pile de livres à l'endroit précis où Hermione se dirigeait. Un sentiment d'angoisse s'abattit sur elle, pas vraiment comme une révélation, mais plutôt comme une horrible confirmation, et elle tenta de s'éloigner discrètement des étagères avant que Malfoy ne la voit. Mais, comme cela arrive très souvent aux personnes qui essaient de faire une sortie inaperçue, sa robe de sorcier s'accrocha légèrement à une étagère et déplaça un des livres de la section Divination. Le bruit fut presque inaudible, mais cela suffit pour que Malfoy se retourne et la voit. Elle se dit qu'elle n'avait pas d'autre choix que de faire semblant de s'être dirigée vers les livres sur les satyres depuis le début.
"Ah, Granger" fit Draco; plutôt diminué, songea Hermione. "C'est toi qui l'a. Je me demandais où il était passé". Il désignait l'exemplaire de L'Art de l'Amour qu'elle tenait. Qu'est-ce que c'est que ça? Pas d'insultes? Pas de dégoûtant 'Sang de Bourbe'?
Hermione ne savait vraiment pas quoi dire. Il y avait deux choses de bizarres. Premièrement, elle et Draco n'avait jamais eu une conversation qui ne s'était pas terminée par des insultes lancées par l'un ou par l'autre, voire les deux. Cette conversation-ci était très différente. Draco avait les traits tirés et semblait fatigué, malade peut-être; sûrement préoccupé par quelque chose, et ne se souciant manifestement pas des 'formalités' d'usage. Deuxièmement, il avait sans aucun doute fait des recherches sur les satyres. Ils se mesuraient du regard, tous les deux profondément soupçonneux, mais pas vraiment hostiles. Que sait-il? se demanda Hermione. Autant de choses que moi?
"Oui" finit-elle par répondre.
"Je savais pas que tu parlais français, Granger. Une autre corde à ton arc déjà trop plein". Bien, songea Hermione, ça lui ressemblait déjà plus. Des insultes.
"Je ne parle pas français. Enfin, pas très bien. Ceci dit, j'en connais assez pour savoir que ton nom veut dire 'mauvaise foi', ce qui, regardons les choses en face, est tout le français dont les élèves moyens de Poudlard ont besoin"
Draco grogna. "Oh, bravo Granger. Bonne réplique. On l'a beaucoup travaillée celle-là, hein? C'est intéressant que tu te considères comme faisant partie des élèves moyens. J'aurais pu te le dire depuis des années"
Marrant, se dit Hermione. Il était définitivement meilleur qu'elle pour lancer des insultes, même maintenant, quand il n'avait presque pas le cœur à ça. Elle le regarda de plus près. Il avait l'air totalement épuisé, et pour le moins vulnérable. Elle changea de tactique.
"Et puis d'abord, pourquoi t'as besoin de ce livre? Je ne savais pas non plus que tu parlais français"
"Hmmm. Eh bien, j'ai dans l'idée qu'il y a un tas de choses que tu ne sais pas sur moi, Granger" dit-il sèchement, en lui arrachant adroitement L'Art de l'Amour des mains. "Heureusement..." ajouta-t-il tout bas en se détournant, puis il s'en alla.
Mais Hermione l'avait entendu.
Alors, qu'en dites-vous? N'hésitez pas à me faire part de vos commentaires, ça m'intéresse de savoir ce que vous en pensez et puis ça me fait plaisir! A très bientôt pour le chapitre 5!
