Coucou tout le monde!! Je suis dans les temps, chouette chouette!! Voici donc l'avant dernier chapitre, j'espère qu'il vous plaira!! On va enfin découvrir ce que renferme le livre, et je peux vous assurer que ce n'est pas folichon! D'ailleurs, il y a beaucoup d'angst dans ce chapitre, surtout de la part de Draco! Mais je n'en dis pas plus, et vous laisse découvrir la suite...

Mais avant, réponses aux reviews!!

Jenali: eh oui, malheureusement, toutes les bonnes choses ont une fin...La suite sera normalement en ligne lundi prochain, ce sera donc le grand final de la fic la plus longue que j'ai traduite!! Bises.

Naya: oui, le passage sur les animagi est vraiment bon, même si je n'aurais pas imaginé Draco en renard. Par contre, je te rassure, Aidan Lynch a bien terminé cette fic, donc tu auras la fin la semaine prochaine!

LolieShing: coucou! Merci d'être fidèle au poste, aussi bien pour "Malfoy, Détective Privé" que pour celle-ci! Tu vas voir, ce chapitre promet également d'être riche en émotion; moi il m'a remuée...En tout cas, je suis ravie de voir que mes traductions te remontent le moral, même quand tu n'en as pas besoin lol. Merci pour ton enthousiasme! Bisous!!

Vivi Malfoy: voici la suite, j'espère qu'elle te plaira autant que le reste!

Alana Chantelune: oui, Aidan Lynch a vraiment un don pour l'écriture...Dommage qu'il n'ait pas écrit d'autres fics...

Ankou: oui, effectivement, je suis abonnée aux Harry/Draco...Quand on aime, on ne compte pas!! Je ne lis d'ailleurs pratiquement plus que des fics sur eux, c'est dingue, non? Je crois que je suis droguée lol. Merci pour tes encouragements et à bientôt!!

Baby Dracky: you-ouh, coucou ma choupi!!! Ca va-t-y? J'suis presque à la fin, t'as vu, je t'avais dit que j'y arriverai!! Certes, ça a été long, mais j'ai (presque) vaincu!! lol. Bah, moi je trouve que ça lui va pas mal le colley à Harry. Par contre, c'est vrai que pour la couleur, Draco c'est pas trop ça (c'est moi, où mes phrases ne sont pas françaises??? Désolée, choupi, ça fait depuis 5 heures que je suis sur la trad', donc je commence à fatiguer un peu!!). J'ai rigolé pendant trois heures pour le sortilège d'Oubliettes lol. Quel homme quand même, ce Rogue (euh...j'ai dit ça moi?? *s'évanouit d'horreur*). Bon, bisous, choupi et à bientôt!!

Mangafana: oui, je comprends très bien le fait que tu sois à la fois heureuse et 'malheureuse' que la fic se termine. Tu as parfaitement raison, dans ce chapitre on va avoir un aperçu des trois jours qu'ils passent séparés, et effectivement, le mystère du livre va être dévoilé! C'est sûr que Draco, même 'dompté' par Harry, aura toujours des réflexions très Malfoyiennes parfois!! Pour notre plus grand plaisir, d'ailleurs! Pour le tome 5, s'ils avaient fait une sortie internationale, JKR et les éditions Bloomsbury auraient fait beaucoup moins de ventes, car beaucoup de personnes de pays non-anglophones achètent quand même le bouquin en anglais, donc c'est pour ça...Bye!

Nagisa Moon: coucou!! "Je me suis liquéfiée dans une flaque d'adoration et de sucre pastel", c'est très mimi comme expression!! Ca serait en effet sympa que tu exploites les formes Animagus de Harry et Draco dans une fic...Ca serait un régal, étant donné que tu écris tellement bien! Voici l'avant-dernier chapitre, très riche en émotion...J'espère recevoir tes impressions!! Gros bisous!

Maria Ferrari: salut! Oui, ben ton petit Lulu, eh ben il en ramasse dans ce chapitre!! Oui, c'est normal que tu aies pensé à une fouine pour Draco, même lui y avait pensé lol. Alors, pour la lettre à Tuthur (j'aime bien tes surnoms lol), pas de nouvelles dans ce chapitre, mais par contre, grosse révélation sur le mystérieux bouquin! Oui, tu as raison en ce qui concerne la "méchanceté" chez les Serpentards, mais il faut qu'en même reconnaître que se retrouver en compagnie de Crabbe, Goyle et Pansy ne doit pas être très alléchant...Euh, Lulu n'est pas présent dans ce chapitre, mais on en parle beaucoup!! Ca va saigner! Bisous et à bientôt! ^^

Umbre77: hello! Vi, Harry est super en colley! Chien de berger confiant, super fidèle et tout et tout...Un genre de Lassie au masculin, quoi lol. Je ne sais pas si ça va bien se finir, je l'avoue...Ce chapitre est assez chaotique, surtout la fin...Mais je pense quand même qu'il y aura un 'happy end'...Il faut y croire!!! Je penserai bien fort à toi pour tes exams! C'est quand les dates? Début septembre? Oh, tu sais, tu peux te passer de Pacte avec le Diable, à part si tu as du temps à tuer...J'aime pas du tout cette fic, à partir du chapitre 10, ça devient de plus en plus pathétique...Apparement, l'auteur a arrêté d'écrire, ce qui m'arrange dans un sens! Mais je suis ravie que tu me racontes ta vie!! Ne te gêne surtout pas!! Je trouve ça vachement sympa de pouvoir communiquer à travers des reviews!! Bon, gros bisous!!

Marikili: merci beaucoup pour ta review, c'est très gentil d'avoir pris le temps de m'en envoyer une! Certes, cette fic est longue et les phrases sont complexes, mais je me fais plaisir en la traduisant! Non, je ne suis pas maso lol.

Caroline Black: contente que ça te plaise, c'est d'ailleurs pour ça que je traduis des fics: pour vous les faire partager! Voici l'avant-dernier chapitre, j'espère qu'il te plaira!!

Lady Malfoy7: merci pour ta review! Contente que tu aimes! Voici la suite!

Mylennia: merci pour tout!! Certes, je serai soulagée quand j'aurai fini de traduire cette fic, mais ça me fera aussi un vide...Parce que je me suis vachement investie!! Mais bon, ça va, j'ai "Malfoy, Détective privé" en cours, et j'adore cette fic, donc la relève est assurée lol. Merci d'avoir mis cette fic dans tes histoires préférées!! Bises!

Agatha Brume: merci pour tes trois reviews au fur et à mesure de ta lecture! Je suis contente que tu te régales, et j'espère que la suite ne te décevra pas! Bonne lecture!

Je souhaite également remercier les 51 personnes qui m'ont mise dans leurs auteurs favoris, c'est très gentil à vous!!

Bonne lecture!

CHAPITRE 17: LE COEUR DES TENEBRES

L'entrée de Harry Potter et de Draco Malfoy au petit-déjeuner dans la Grande Salle le matin suivant causa beaucoup d'agitation chez bon nombre de personnes. A la table des Gryffondors, une foule d'élèves se leva pour applaudir et Harry fut accueilli sur le champ au sein de sa famille. Ceux assis à la table Serpentard se déplacèrent respectueusement le long de leur banc pour faire de la place à leur chef de retour. A la table des professeurs, des regards nerveux échangés entre le Petit Comité trahirent le fait qu'une étape nouvelle et imprévisible avait débuté.

Tout semblait différent, presque inimaginable. Ils mangeaient séparés, aux côtés opposés d'une vaste salle. Ils dormaient seuls; le retour dans leur propre lit ne les consolant en aucun cas de la perte de la chaleur du corps de l'autre. Ils discutaient avec d'autres personnes, se disant sans cesse qu'ils auraient formulé les choses autrement ou qu'ils auraient répondu plus honnêtement s'ils avaient été de retour tous seuls à l'Infirmerie. Lorsqu'ils n'étaient pas dans la même pièce, ils ressentaient la détresse de l'autre, le besoin de l'autre, qui les dévoraient tous les deux de l'intérieur.

Mais être dans la même pièce était à peine plus facile. Les cours étaient étrangement nouveaux à Harry et Draco, surtout en Potions, où ils étaient assis à des mètres l'un de l'autre, sans même pouvoir capter le regard de l'autre, mais passant tout leur temps à essayer de résister au douloureux désir qu'ils avaient de se rapprocher de l'autre. Harry expérimentait également le fait étrange de faire semblant d'être à nouveau nul en Potions, et chose curieuse, cela même semblait les lier quelque peu l'un à l'autre. Lorsque Rogue distribua un test de fin de trimestre, qu'il pensait avec perversité être une sorte de cadeau, Harry sentit les réponses jaillir dans son esprit presque avant même que Rogue eût fini de lire chaque question. Même en étant frustré de ne pas pouvoir parler, toucher ou simplement sentir Draco, Harry réussit à rire intérieurement. Tout en pensant à l'après-midi magique de la Potion de Perceptivité, il étudia sa copie et mit quelques réponses fausses pour donner le change. Après tout, il ne voulait pas que le reste de la classe croit qu'il avait triché. Il regarda, deux rangées devant lui, les épaules de Draco se secouer légèrement en un rire silencieux compatissant, son corps et ses cheveux remuant d'une façon qui rappelait à Harry des situations bien plus intimes qu'un test de Potions. Oh mon dieu, se dit Harry, il sait exactement ce que je suis en train de faire! Alors, en l'honneur à Draco, et en espérant que Rogue lui pardonnerait vu les circonstances, Harry rédigea une réponse si médiocre à une question que ça allait sûrement lui faire perdre des points à deux chiffres. Hermione remarqua ce que Harry faisait, et elle le regarda, totalement incrédule; Ron jeta également un coup d'oeil au devoir de Harry et ne trouva rien qui clochait tandis qu'il remplissait deux ou trois des questions qu'il avait sautées par les réponses bien plus extravagantes de Harry. Hermione leva les yeux au ciel, exaspérée.

Mais Dumbledore avait eu raison. Qu'ils soient ou non dans la même pièce, ça ne les avait pas tués.

Un jour devint deux, et deux devinrent trois. Le dernier après-midi du trimestre, Harry, Ron et Hermione allèrent se promener dans les jardins tandis que le reste de l'école se préparait pour le voyage de retour chez eux du matin suivant. Les chutes de neige froides du mois précédent étaient terminées, et avaient été remplacées par une bruine grise vivifiante. C'était le genre de temps hivernal qui pouvait miner le moral de beaucoup en Angleterre en décembre, mais pour Harry, aucun air n'avait été plus revigorant. Il n'avait pas réalisé à quel point cela lui avait manqué d'être dehors (pendant la journée du moins) et regrettait seulement que Draco, pour maintenir ce qu'ils pensaient tous les deux être une mascarade de plus en plus stupide, ne soit pas là pour partager ce moment avec lui.

Non pas qu'il y ait de l'affection en manque cet après-midi-là, loin de là. Tandis que le Trio faisait le tour du terrain de Quidditch et revenait vers le lac, Ron et Hermione, la main dans la main, faisaient de fréquents arrêts pour s'embrasser avec douceur et un peu de gêne. Harry était ravi pour ses amis, mais ne pouvait s'empêcher de penser que ce serait mieux s'il n'était pas là. La quatrième fois que leur marche fut interrompue, Ron et Hermione gloussèrent et se regardèrent.

"Harry" fit Ron, l'air réjoui. "On a quelque chose à te dire. Et je te parie dix Gallions que tu vas aimer ça"

"Quoi?" demanda Harry. "Vous allez avoir un bébé?"

"Ooh, Harry, ne fais pas l'idiot" intervint Hermione avec un sourire. "Il te manque?"

Harry leva les yeux au ciel. S'il lui manquait? Si seulement c'était aussi simple que ça.

"Tu ne veux pas mettre l'embargo sur l'affection, quand même" fit Ron avec un grand sourire. "Vu comme vous y allez, toi et Draco..."

"On a appris ce mot de Seamus, hein?" insinua Hermione en riant. "Mais tu as raison, Ron. Ils n'ont pas le monopole"

"On n'est quand même pas des bêtes!" s'exclama Harry, tout en se disant que Draco et lui avaient vraiment de la chance que 95% de leur affection soit gardée derrière des portes fermées.

Ils repartirent en direction du lac.

"Alors, si ce n'est pas un bébé, qu'est-ce que c'est?" demanda Harry, intrigué.

"Ah" commença Ron. "Oui. On a eu une idée. On pourrait appeler ça un plan. On s'est dit..."

"...qu'étant donné qu'on allait être un petit groupe de choix pour Noël" poursuivit Hermione, "avec une personne en plus, évidemment..."

"...on allait essayer d'en faire le meilleur Noël qu'on ait jamais eu, tu vois, juste pour tenter de mettre toute cette merde du début de ce trimestre derrière nous tous, et puis aussi parce qu'il y manifestement beaucoup de trucs à fêter..."

"...donc Dumbledore nous a permis de faire quelque chose de nouveau. Il nous autorise à avoir un repas spécial dans la salle commune de Gryffondor la veille de Noël!" termina Hermione, radieuse.

"Et après ça", ajouta Ron avec un sourire, "Draco et toi, vous pourrez dormir dans notre dortoir, tu sais, pour avoir un peu d'intimité..."

"...tandis que le reste d'entre nous irons coucher dans le dortoir des filles, et puis le matin suivant..."

"...on pourra donner les cadeaux privés au lit, puis les cadeaux de groupe dans la salle commune. Puis, un matin de détente et..."

"...déjeuner avec les professeurs. Qu'en penses-tu?" conclut joyeusement Hermione.

"Ce que j'en pense?" répéta Harry en riant. "Euh...depuis combien de temps vous terminez les phrases de l'autre?"

Ils éclatèrent de rire.

"Ca me paraît génial" fit Harry en souriant. "Juste un truc. Vous avez l'air d'avoir tout préparé, donc je ne vais pas m'en mêler, mais est-ce qu'on pourrait faire quelque chose de spécial pour que Draco se sente le bienvenu chez les Gryffondors? Ca va être assez bizarre pour lui..."

"Ne t'inquiète pas pour ça" le rassura Hermione avec un sourire énigmatique.

"On a pensé à tout" ajouta Ron, et les deux amoureux eurent un rire entendu.

"Bon, je ne demande rien alors" fit Harry, un peu confus.

A ce moment-là, ils entendirent un puissant vrombissement venant de derrière la cabane de Hagrid.

"Mais qu'est-ce que...?" se demanda Ron.

Ils contournèrent la cabane et trouvèrent Hagrid en train de bricoler la moto, tenant un chiffon huileux et une énorme tasse de thé, et portant un vêtement jaune ample et informe qui aurait pu être jadis une salopette géante.

"Bonjour, vous trois!" fit-il joyeusement. "Par la barbe de Merlin, Harry, c'est bon de te voir enfin dehors! Je suis juste en train de préparer la moto pour un petit voyage demain"

"Où allez-vous?" demanda Hermione.

"A Londres, pour régler une affaire concernant l'école pour Dumbledore" répondit-il évasivement. "Une fois que j'aurai vu tout le monde monter dans le Poudlard Express". Un air coupable envahit son visage et il ajouta à voix basse: "Mais peut-être que je n'aurais pas dû vous dire ça"

"Ooh, mission secrète?" fit Ron avec un grand sourire.

"Quelque chose dans le genre, peut-être" admit Hagrid, l'air mal à l'aise, comme s'il voulait changer de sujet.

"Vraiment?" fit soudain Harry, son esprit fonctionnant sur d'autres données. "Londres? Est-ce que vous aurez un peu de temps libre? Si je vous donne une liste et ma clé, pourriez-vous aller retirer de l'argent à Gringotts et acheter quelques trucs?"

"Bien sûr, Harry. Pas de problèmes. Fais simplement en sorte de m'apporter ta liste ce soir. Je pars très tôt demain matin"

"Oh, Harry, c'est une excellente idée!" s'exclama Hermione. "Hagrid, pouvez-vous faire la même chose pour moi?"

"Pas de soucis. Et toi, Ron? Tu veux quelque chose de Londres?"

Il y eut un silence gêné pendant lequel Ron ne répondit rien et Harry sentit le malaise aigu de son ami comme à chaque fois qu'il était question d'argent.

"Oui" fit Harry d'un ton résolu. "Ron aura lui aussi une liste. Je te dois dix Gallions, tu te souviens, Ron? Tu as raison, j'adore ton Grand Plan pour Noël"

Ron regarda Harry d'un air bizarre, puis après seulement deux ou trois secondes d'hésitation, tous les deux se sourirent chaleureusement.

Hermione fut ravie de cet arrangement mutuel.

"Et ne le dépense pas pour moi" murmura Harry dans l'oreille de Ron. "Dépense-le pour Hermione"

Tandis qu'ils rentraient d'un pas tranquille au château sous la pluie ténue, tous étaient heureux. Hermione savait que leur Plan pour Noël allait fonctionner, Ron était reconnaissant de la façon dont Harry avait contourné en douceur ce qui était encore le sujet le plus délicat pour lui, et Harry savait qu'il restait seulement quelques heures avant qu'il ne puisse à nouveau être avec Draco. Aucun d'entre eux ne faisait attention à la pluie.

****

Le fait d'avoir Harry de retour dans le dortoir avait été une bonne chose pour tous ceux qui le partageaient avec lui, mais tout particulièrement pour Ron. Il n'y avait eu qu'une seule nuit où ils avaient été tous les cinq en de bons termes depuis le jour du Grand Rangement, et cette nuit-là, la nuit de la réconciliation de Ron et Harry, Harry avait été conduit au lit par Ron juste après souper. Il n'y avait pas eu de réelle hilarité les englobant tous depuis le Livre de Sorts pour Garçons (Edition Spéciale), environ deux mois et demi auparavant, et pendant ces trois jours de séparation, malgré la douleur permanente due à l'absence de Draco dans le coeur de Harry, les cinq camarades n'eurent aucune difficulté à replonger dans des âneries insouciantes, comme si l'arrêt des festivités n'avait été que de dix minutes au lieu de dix semaines.

Ron était leur capitaine. Il y eut des jeux et des concours, des discussions jusqu'à tard dans la nuit, des Jeux Olympiques de dortoir, du Quidditch dans les couloirs, des longues conversations et des blagues courtes, des courses, des matchs de catch avec des règles spéciales Poudlard, des débats plein de vivacité et des plaisanteries douteuses. Harry n'arrivait pas à croire qu'il ait repoussé tout ça à une époque. Et il savait parfaitement que ce que Ron faisait était bien plus profond qu'un simple désir d'être le maître de cérémonie. Harry mit un moment à le réaliser, mais il se rendit compte que sur un certain niveau (probablement inconscient), Ron essayait de rivaliser avec Draco pour obtenir la première place dans la vie de Harry. Et pour rendre justice à Ron, la plupart de ce qu'il offrit à Harry durant ces trois jours fut bien au-delà de ce que Draco aurait pu imaginer. Mais il y avait d'autres raisons plus évidentes pour lesquelles Ron jouait le rôle de bouffon du roi, que Harry et Hermione avaient tout de suite remarqué et en avaient été ravis, tout cela se résumant à une chose: Ron était extraordinairement heureux du retour de Harry, même si c'était seulement pour trois jours, et même si Ron préférerait toujours regarder en arrière qu'en avant.

La nuit précédant le départ du Poudlard Express qui devait ramener la plupart des élèves de l'école à Londres, Harry et Ron restèrent éveillés à discuter sur le lit de Ron jusqu'à très tard dans la nuit, ayant une conversation que tous les deux savaient être très tardive. Après avoir jeté un sort de Silence autour d'eux, Harry finit par trouver le moment, l'endroit et l'intimité dont il avait besoin pour s'excuser de tout coeur auprès de Ron pour la façon dont il l'avait traité plus tôt ce trimestre-là, et pour expliquer ce par quoi il était passé, ce à quoi il avait pensé, et qu'il n'avait jamais voulu que son comportement soit délibérément indélicat envers Ron et les autres. Ron se sentit capable d'accepter et de comprendre tout ce que Harry lui dit, mais voulut que Harry se rende compte de certaines choses également: que Harry n'aurait jamais dû se retirer de tout, et que Hermione et lui avait été extrêmement blessés de voir que Harry ait pu douter de leur soutien. Chose intéressante, ce fut Harry qui vit la réelle vérité de cette conversation: qu'il était nécessaire que ces vieilles blessures soient rouvertes avant de pouvoir guérir correctement. Mais, après plusieurs heures quelques larmes, elles s'étaient effectivement guéries.

Ce fut Ron qui conclut le sujet.

"Bon, je crois qu'on peut enfin clore ce chapitre horrible" fit-il avec un demi sourire. "Vous serez de nouveau réunis dans quelques heures, Draco et toi, et je suis content que nous ayons pu régler tout ça avant. Ca m'étonnerait qu'on ait à nouveau l'occasion de parler comme ça avant un bon bout de temps"

"Oh Ron" soupira Harry. "C'est donc ça le problème? Tu crois que, dès que je pourrai à nouveau voir Draco, je vais t'ignorer comme je l'ai fait auparavant?"

"Non, pas vraiment. Mais ne dis pas qu'après demain matin, tu voudras rester assis là à discuter avec moi pendant des heures"

"Ron! Ce n'est pas une question de ou/ou. Je serai toujours ton meilleur ami, même si je vis avec Draco pour le restant de mes jours. Tu croyais que je n'avais de la place que pour une personne? Ne sois pas bête à ce point, gros bêta. C'est vrai que je vais passer du temps avec Draco, autant que possible. Mais ça ne veux pas dire que je t'apprécie moins. Crétin"

"Ouais, Harry, tu dis ça maintenant. Et je te souhaite que des bonnes choses, vraiment, j'adore te voir enfin heureux. Mais souviens-toi d'une chose: si tu t'ennuies de temps en temps, je serai toujours là-"

"Ron!". Harry rit, puis lui donna un coup de poing sur le bras. "Arrête-toi tout de suite avant de ressembler à un con fini! Pense à Hermione. Si tu te maries avec elle et que tu as une vingtaine de gosses, est-ce que tu auras une opinion différente sur moi? C'est la même chose pour moi! A partir du moment où tu arrives à accepter Draco et à être heureux pour nous, et où on trace un trait sur mon ignoble comportement de ce trimestre, il n'y a aucune raison pour que quoi que ce soit change entre toi et moi!"

C'était bizarre pour Ron de découvrir que Harry avait raison sur des points autres que le courage, la noblesse et le sang-froid; c'est plus généralement le terrain d'Hermione. Mais c'était effectivement le cas et, peu après deux heures du matin, ils atteignirent un point où, à leur grande satisfaction, il n'y avait plus rien à dire. Avec de vrais sourires enfin, ils allèrent se coucher.

Le matin suivant, aucun des membres du dortoir des Gryffondors mâles de cinquième année n'avait à se lever pour partir en train, mais la journée commença aussi tôt que d'habitude. Pour une raison évidente, la Maison était remplie de cris et d'exclamations et de gens qui traînaient leurs malles et leurs affaires sur le sol et les escaliers. Ron surtout, qui était généralement quelqu'un qui chérissait une bonne grasse matinée presque plus que tout, paraissait être affecté par l'excitation qui bourdonnait à travers le reste de la Maison tandis qu'il se frayait maladroitement un chemin vers le lit de Harry pour réveiller son ami. Il avait monté son réveil à un peu plus de sept heures, seulement quelques heures après qu'il ait fini par s'endormir. Il savait à quel point Harry avait envie de retrouver Draco, et voulait veiller à ce que son ami soit levé et habillé de bonne heure. Alors qu'il tirait les rideaux en avance ce matin de décembre, il y eut juste assez de lumière pour qu'il voit que Harry était déjà assis en silence au pied de son lit, complètement habillé. Il avait visiblement aussi pris une douche, et avait mis un point d'honneur à dompter ses cheveux.

"Bon sang, Harry!" s'exclama Ron en riant. "Depuis combien de temps t'es levé? Je croyais que tu dormais à nouveau correctement!"

"Il est assis là depuis au moins cinq heures et demie du matin. Je l'ai vu quand le remue-ménage d'Hedwige m'a réveillé" l'informa Seamus en bâillant. "Et il a l'air d'avoir passé plus d'une heure dans la salle de bains. Alors Dieu seul sait à quelle heure il s'est levé!"

"Harry! Harry? Ca va?". Ron se tourna vers Seamus. "Il m'entend?" demanda-t-il.

"Evidemment que je t'entends, idiot" fit Harry en roulant les yeux. "Quelle heure c'est?" demanda-t-il, bien qu'il ait l'horloge Vif d'Or à la main.

"Sept heures dix" répondit Dean.

"Le train part après le petit-déjeuner, qui commence à huit heures aujourd'hui" l'informa Neville.

"Voilà! Il ne reste plus longtemps à attendre alors!" fit Ron en souriant.

Harry se retint de rire.

"A présent, Harry...". Seamus prit la voix oh combien imitée de sa mère Irlandaise. "Est-ce que tu t'es brossé les dents?"

Ils éclatèrent tous de rire, Harry y compris.

"Ah! S'il s'est lavé les dents?" soupira Neville. "Seulement six fois durant la dernière heure. Harry, tu penses que ça suffira?"

"Je n'ai pas fait ça six fois!" s'écria Harry.

"Bon, alors dis-nous que ce n'était pas plus d'une fois" fit Dean en riant.

Harry rougit. "Bon, d'accord. Je voulais juste avoir bonne allure ce matin. Ne vous moquez pas"

"Oooh, et tu as bonne allure, Harry! Tu es superbe!" le taquina Seamus avec un accent encore plus irlandais que sa mère. "Je ne sais pas comment il va pouvoir résister pendant le petit-déjeuner!"

"Vous ne m'aurez pas" s'exclama Harry pour couvrir les rires des autres, mais tout en riant intérieurement en même temps. "Un jour, vous tous, mes petits, si vous avez beaucoup de chance, vous ressentirez ce que je ressens en ce moment. Jusque-là, ne vous foutez pas de moi. Vous n'avez aucune idée de ce que c'est. Vraiment aucune"

"Hein...?" fit Ron sur un ton dubitatif, avec un sourire en coin et en remontant théâtralement les manches de son pyjama. "'Mes petits'...?"

"Oh oh" fit Neville à personne en particulier, tout en regardant les trois autres bondir sur Harry pour un match de catch aux règles de Poudlard énergique. "Essayez seulement de ne pas le décoiffer!"

****

Après avoir servi le thé, Dumbledore regarda McGonagall et Rogue de derrière son bureau. Ils étaient tous les deux en train d'examiner le livre - récemment apporté par Hagrid - posé devant le Directeur.

"C'est aussi mauvais que ce que nous craignions" déclara Dumbledore avec lenteur. "Peut-être même pire. Mais je suppose qu'au moins, quelques questions ont reçu une réponse. Bien qu'il y en ait peut-être plus qui se posent à présent"

Les collègues du Directeur restèrent assis à attendre patiemment qu'il leur dévoile ses pensées.

"Les souvenirs renfermés dans ce livre sont presque exclusivement des souvenirs heureux, exactement comme nous l'avions imaginé. Mais je crains que la dernière page ne soit pas quelque chose que j'aimerai voir trop souvent. Mais vous devez le voir. Et ensuite, il faudra que l'on discute"

Dumbledore tourna le livre avec précaution pour qu'il se retrouve face à McGonagall et Rogue, l'ouvrit à la première page et le poussa vers eux. Il s'adossa à son fauteuil et les regarda tourner les pages avec prudence. Chaque page ressemblait à une petite scène, comme une séquence de film ou un collage de photos sorcières, certaines étant simplement des silhouettes en train de rire, d'autres avec des voix qui s'en échappaient. McGonagall retint son souffle lorsqu'elle arriva à la page montrant James en train de voler sur son balai, et à celle avec Lily assise avec bébé Harry sous un arbre. Rogue resta silencieux tout du long, jusqu'à ce que McGonagall tourne la dernière page.

Ils laissèrent tous les deux échapper une exclamation étouffée à la vue des images exposées. Mais les photos n'étaient rien à comparer des sons qui s'échappaient du livre et emplissaient le bureau circulaire. Il ne restèrent assis pas plus de quelques minutes à regarder avec écoeurement et incrédulité, mais le souvenir les accompagnerait bien plus longtemps. McGonagall s'adossa au dossier de sa chaise, horrifiée, tout en se mouchant dans un mouchoir en dentelle. Rogue, le visage de marbre, referma doucement le livre et le poussa en direction de Dumbledore.

Le silence régnait dans la pièce.

"Eh bien, maintenant nous savons pourquoi Lucius a pris ce livre" finit par dire Rogue avec une grimace.

McGonagall s'étrangla. "Nous ne pouvons absolument pas donner ça à Harry"

Dumbledore ne dit rien, mais regarda Rogue pour qu'il émette son avis.

"Je suis assez d'accord" approuva-t-il.

Le silence s'abattit à nouveau sur eux.

"Si nous ne le donnons pas à Harry, qu'en faisons-nous?" relança Dumbledore.

"On le détruit" répondit immédiatement McGonagall.

"Le détruire?" répéta Dumbledore. "En êtes-vous sûre? Tout ce bonheur...Celui qu'il a tellement désiré et n'a jamais connu?"

"Mais il est heureux maintenant" contra Rogue d'un ton bourru. "N'est-ce pas le but de tout ce que nous avons fait? Alors qu'est-ce que nous aurions de plus en lui permettant de voir ça?"

"Rien du tout" persista McGonagall. "Pas à ma connaissance. Si vous ne voulez pas le détruire, pourquoi ne pas le cacher loi d'ici? Il peut être ramené à Gringotts demain et y rester jusqu'à ce qu'il soit plus vieux"

Rogue eut l'air peu convaincu. "Mais quand, plus vieux? Dix-huit ans? Vingt et un? Trente? Qui sait à quel âge il sera prêt, et s'il le sera même un jour?"

"Laissons-le là-bas pour toujours alors"

Dumbledore resta silencieux.

McGonagall eut un sursaut d'espoir. "Pouvons-nous le lui laisser après avoir enlevé la dernière page?"

"Mais que ferions-nous de la dernière page?" soupira Rogue. "La détruire, la cacher, la garder pour lui? On en revient au même problème"

Ils avaient sombré dans le silence à nouveau, mais tout à coup, McGonagall éclata. "Je n'arrive même pas à croire que nous ayons cette discussion! Pourquoi diable devrions-nous souhaiter lui faire subir ça? Est-ce que nous ne voulons pas ce qui est de mieux pour lui?"

Après un court instant, Rogue s'adressa à Dumbledore. "Et vous, qu'en pensez-vous?"

Le Directeur poussa un profond soupir et se mit à parler avec hésitation.

"Je comprends tout à fait ce que vous ressentez, Minerva. Nous nous sentons tous protecteurs envers lui; nous avons ressenti ça toute sa vie. Et nous avons employé les grands moyens pour s'occuper de lui, pour garder un oeil sur lui, pour le protéger quand nous le pouvions. Bref, nous nous sommes mêlés de sa vie"

"Evidemment que nous nous en sommes mêlés!" s'écria McGonagall. "Il est orphelin!"

Dumbledore but une longue gorgée de thé contenu dans une délicate tasse en porcelaine.

"Une autre chose dont nous sommes coupables, c'est de le sous-estimer. Ne nous a-t-il pas toujours surpris par sa résistance? Avec son courage, et sa détermination? A tel point, en fait, que parfois nous nous sommes réellement mis à compter sur ses qualités. Il est bien plus enjoué que nous le pensons, et encore plus fort depuis qu'il s'est attaché à Draco. Mais à part sa force mentale et physique, n'y a-t-il pas un autre problème ici? N'a-t-il pas le droit de voir ça?"

McGonagall toussota mais ne dit rien.

"Mais ce sont tous, je vous l'accorde, des choses peu concluantes. Il sera peut-être assez fort. Il bénéficiera peut-être du fait que cela mettra un point final à un sujet effroyable. D'un autre côté, il sera peut-être dévasté. Malgré tout ce que j'ai appris sur lui, je n'ai toujours pas l'impression de le connaître assez bien pour en être sur. A part de lui demander moi-même, je ne sais pas quoi faire"

"Donc on ne fait rien?" demanda Rogue.

"Non. Je pense que c'est trop important pour qu'on l'ignore. Mais je crois que vous avez touché le problème du doigt, Minerva, quand vous avez dit que nous ne pouvons pas donner ça à Harry. Je suis d'accord. Nous ne pouvons pas. Mais peut-être que quelqu'un d'autre le pourrait, quelqu'un qui le connaît mieux que personne, quelqu'un qui pourrait juger de façon précise comment le lui donner en lui faisant le moins de mal possible. Je vais donner ce livre, complet, à Draco"

McGonagall hoqueta. "Êtes-vous certain que c'est sage? Draco n'est pas qu'un simple spectateur dans cette affaire. Il va sûrement avoir ses propres problèmes pour gérer ça. En donnant le livre à Draco, n'allez-vous pas simplement donner à un garçon différent une forme différente de souffrance?"

"Peut-être, Minerva, peut-être; vous avez souvent raison sur ces sujets-là. Mais que faire d'autre? Réfléchissez: Draco est aussi fort que Harry, et est très mature; il connaît Harry mieux que nous, c'est pourquoi sa réaction instinctive sera très certainement la bonne. Et étant donné ce qu'il y a dans ce livre, c'est un sujet qui les concerne plus tous les deux qu'aucun de nous"

McGonagall poussa un profond soupir et Rogue hocha la tête. C'était le plus proche assentiment qu'ils donneraient.

"Quelque soit l'angoisse que Draco va ressentir à propos de tout ça" conclut Dumbledore, "je pense que lui-même ne voudrait pas que cela se passe d'une autre façon. Je le convoquerai ici pour lui parler ce soir"

****

Avec seulement une poignée d'étudiants restés au château, et qui faisaient tous partie du Grand Plan de Noël, Harry et Draco avaient été libres de faire ce qu'ils voulaient à partir du moment où le dernier carrosse était parti pour la gare de Pré au Lard. Et ils n'avaient pas perdu de temps.

La seconde où Harry avait trouvé Draco en train de errer aux alentours des marches principales du château, il en eut le souffle coupé, et cela ne s'était pas arrangé jusqu'à ce que les deux garçons, le coeur battant à tout rompre, se soient rejoints pour échanger un baiser urgent, et essayèrent de maintenir cette connexion tandis qu'ils se dirigeaient maladroitement vers la roseraie. Peu de temps après, quiconque regardant par une des fenêtres du château aurait pu voir un colley et un renard galoper follement en direction des terres les plus éloignées, bien au-delà de la cabane de Hagrid et du terrain de Quidditch. A nouveau humains, ils construisirent un nid composé de capes épaisses et de pull-overs sous un arbre où, sans se soucier du vent froid et de la pluie torrentielle intermittente, ils passèrent la plus grande partie de la journée à parler, s'embrasser et à se délecter de quelques autres privautés.

Vers quatre heures cet après-midi-là, il semblait qu'ils commençaient juste à s'être rattrapés de ces trois jours de séparation, quand ils réalisèrent soudainement qu'il faisait sombre et qu'ils mouraient de faim. Juste au moment où ils remarquaient le temps épouvantable pour la première fois et se levaient pour rentrer au château, un chat-huant brun silencieux descendit en piqué et se percha sur l'épaule de Draco, puis tendit sa patte droite. Il prit le message et l'ouvrit rapidement.

"Putain de bordel!" gémit Draco. "Dumbledore veut me voir ce soir. Est-ce que tu seras capable de te débrouiller sans moi un moment tout à l'heure, Harry?"

"Peut-être" répondit Harry avec un sourire. "Et toi?"

****

La première réaction de Draco quand il quitta le bureau de Dumbledore fut une nausée abominable. Après ça, il passa à tour de rôle par la honte, le dégoût et l'incrédulité. Il marchait d'un pas chancelant, sans savoir où il allait, les yeux lui piquant. Quand il atteignit la porte principale menant à l'extérieur, il se mit à courir à l'aveuglette, en proie à une fureur qu'il ne pouvait réprimer, comme si en courant, il serait capable de réellement se distancier de cette terrible situation. Le temps qu'il soit arrivé à mi-chemin du lac, il en était arrivé au désespoir; assis à l'endroit où Harry et lui avaient tous les deux fumé une cigarette quelques semaines auparavant, toutes les émotions de la demi-heure précédente l'assaillirent en même temps, lui retournant l'estomac et le coeur en un chaos écoeurant et sans espoir.

Cette cigarette. Ca s'était passé seulement quelques semaines auparavant, mais à présent, ça semblait s'être déroulé dans une autre vie. D'une certaine façon, c'était vraiment une autre vie: rien de ce qui tenait à coeur Draco avant ce jour-là ne lui paraissait ne serait-ce qu'un peu attrayant désormais. Mais même en tenant compte du bonheur qu'il avait d'être avec Harry, il sentait, si c'était possible, que ça serait peut-être mieux de retourner à son ignorance et à son arrogance d'avant les satyres plutôt que de faire face à ce qui l'attendait désormais. Il se prit la tête dans les mains, alors qu'il osait laisser son esprit réfléchir à ce que Dumbledore venait de lui dire, venait de lui montrer. Cet endroit vers le lac, c'était là où tout avait commencé. Et ça pourrait également être là ou tout se terminerait.

Il sanglota. Pour Harry, pour lui-même, pour l'injustice, pour l'amour.

Draco se souvenait de chaque pensée, chaque mot, chaque image de son échange avec Dumbledore avec une clarté effrayante, et il lui était impossible de dire quel aspect de ce qu'il avait vu était le plus bouleversant.

Tout d'abord, être face à un tel livre extraordinaire était sans aucun doute une surprise. Réaliser ce que le livre renfermait...c'était fantastique. Il s'était douté sur-le-champ de la raison pour laquelle Dumbledore lui parlait à lui plutôt qu'à Harry lui-même: c'était quelque chose de très spécial qui devait être donné à quelqu'un de très spécial, et qui de mieux pour faire les présentations que la personne qui était spéciale aux yeux mêmes de cette personne spéciale? Il avait adoré certaines images qu'il avait vues. Un pique-nique. Une promenade à la campagne. Un thé en famille au coin du feu. James, Lily et Harry, avait indiqué Dumbledore avec tristesse. C'est dingue comme Harry ressemble à son père, avait songé Draco avec un sourire intérieur. Il avait été ravi de voir que son problème du cadeau de Noël allait peut-être être résolu.

Mais quand il avait commencé à se demander d'où se livre pouvait-il bien venir, et pourquoi Harry ne l'avait-il jamais eu en sa possession, il s'était rendu compte qu'il y avait quelque chose de désagréablement familier dans ce livre, et il avait été frappé par une pensée épouvantable. Elle s'était déclenchée quand il avait vu une certaine page; une sur laquelle il y avait quelqu'un qu'il reconnaissait. C'était presque irréel de penser que c'était lui, mais là, regardant en arrière un point hors de la photo, se trouvait un jeune Sirius Black à cheval sur une grosse moto, qui souriait et agitait la main. Dumbledore lui avait dit que ce livre contenait des éléments du passé de Harry, mais évidemment, Draco n'avait eu aucun moyen de savoir avec certitude qui il regardait jusqu'à ce qu'il vit cette image de Sirius. Tout à coup, ce livre avait été relié dans son esprit au parrain de Harry, et pas simplement à Harry lui-même, et en quelques secondes, il s'était souvenu de la conversation qu'ils avaient eu lorsque Harry avait été dans le coma. Draco avait alors su au fond de son âme que le livre qu'il regardait était le même livre qu'il avait vu une fois auparavant, assis sur les genoux de son père, à la bibliothèque du Manoir Malfoy.

Il avait levé la tête vers Dumbledore, lequel lui avait rendu son regard, impassible.

"Comment l'avez-vous eu?" avait fini par demander Draco.

"Je reconnais qu'il y a eu du traficotage" avait répondu Dumbledore avec douceur. "Quand nous avons réalisé ce que le livre dont tu te souvenais pouvait être, nous avons décidé de le reprendre. Nous avions peur que, entre de mauvaises mains, il pourrait être une menace pour la sécurité de Harry"

"Les mauvaises mains en question étant celles de mon père?" avait demandé Draco sans la moindre émotion.

Dumbledore n'avait rien dit. Et dans le silence du Directeur, Draco avait obtenu sa réponse.

"Je suppose que mon père ne vous l'a pas simplement remis sans aucune discussion?" avait enchaîné Draco, comme s'il pensait tout haut.

"Non" avait répondu le Directeur sans la moindre gêne. "Il ne nous l'a pas remis du tout. S'il ne se souvient plus de son existence, je doute qu'il sache où il se trouve"

Draco avait été incrédule. "Vous l'avez volé?". Bien loin de demander comment ils avaient fait, Draco n'était pas arrivé à croire que Dumbledore ait recours à de telles tactiques sournoises.

"Nous l'avons...récupéré" avait reformulé Dumbledore. "Il avait déjà été volé"

"Mais...comment avez-vous su ce que c'était? Même moi je ne savais pas ce que c'était! Sirius n'a pas pu savoir non plus, juste à partir de la conversation qu'on a eue!"

Dumbledore s'était retiré dans son mode de conversation 'penser à haute voix, le regard au loin'. "C'est drôle comme les choses se passent" avait-il dit, songeur. "Tu n'es pas le seul à avoir déjà vu ce livre auparavant, Draco. Ferme-le et regarde la couverture"

Draco avait fait comme il lui avait demandé, et avait lu:

Pour James et Lily, en ce Jour Heureux, de la part d'Albus Dumbledore.

"Oh mon dieu!" s'était exclamé Draco, en regardant Dumbledore, ébahi. "C'était votre cadeau de mariage!"

"Oui, bien que je l'aie oublié jusqu'à récemment. Un petit présent sans prétention, juste un album photos, amélioré par un sort de mon crû. Mais Sirius a senti l'importance du souvenir que tu avais, et les circonstances dans lesquelles tu t'en es souvenu. Ensuite, j'ai deviné ce qu'était le livre d'après ce qu'il m'avait dit cette fois-là, bien que je ne fus pas totalement convaincu qu'il s'agisse du même livre jusqu'à ce qu'il me soit remis un peu plus tôt aujourd'hui. Mais il n'y a plus de doute. Voilà"

"Il vous a été remis? Comment...non, ne me dites rien. Je ne veux pas savoir. Cependant, je dois dire que celui qui est parti pour cette mission de récupération, qui que ce soit, a couru un grand danger. Les barrières magiques recouvrant la bibliothèque à elle seule sont faites pour être mortelles. Sans parler de celles qui sont posées sur le reste de la maison, et du terrain"

Draco avait feuilleté à nouveau le livre, souriant à la joie qui était enfermée entre ces pages.

"Alors c'est une menace pour la sécurité de Harry, mis entre de mauvaises mains?" avait demandé Draco.

"Alastor Maugrey pense que ce n'est probablement pas le cas. Toutefois, entre de bonnes mains...ces problèmes disparaissent"

"Bon" avait soupiré Draco après un moment, sans vraiment comprendre ce que Dumbledore avait dit. "Harry va adorer. Je vais lui offrir pour Noël. Mon père n'avait aucun droit sur ce livre, et je me ferai un plaisir de le retirer de la garde illégale de ma famille pour le donner à Harry qui en est le possesseur légitime. Mais je me demande toujours pourquoi mon père a-t-il bien pu le prendre"

"Ah. Oui. Effectivement". Dumbledore avait semblé perdre toute cohérence pendant un moment, puis il avait regardé Draco droit dans les yeux. "Je me suis également posé la question. Mais maintenant, je sais. Cela va être dur pour toi, Draco, très dur. Mais je te demande de regarder la dernière page"

Draco avait perçu la réticence dans la voix de Dumbledore, et avait senti un frisson le parcourir alors qu'il avait lentement pris un paquet de pages et les avait laissées tomber, ce qui avait dévoilé la dernière page de l'album photos.

Draco avait supposé que la scène se passait dans la maison de James et Lily, à Godric Hollow. Harry était avec Lily dans un fauteuil; elle chantonnait d'une voix douce. James était entré dans la pièce, un large sourire aux lèvres, avec la nouvelle d'un triomphe au Quidditch. La scène brillait d'amour familial, Harry en son centre. Mais alors il y avait eu une lumière aveuglante, et l'atmosphère douce et aimante du livre avait été oblitérée en un instant lorsque la pièce s'était soudainement remplie de Mangemorts. Draco avait su instinctivement ce dont il allait être témoin, et avait reculé d'horreur, incapable de cesser de fixer la page du regard. A ce moment-là, il s'était retrouvé en train de se demander de façon inexpliquée si la lueur était causée par la Magie Noire nécessaire pour transplaner à travers des barrières protectrices, ou par la destruction magique de ces mêmes barrières. Cherchant un moyen d'arrêter - à tout prix - l'horreur qui se déroulait devant lui, il avait désespérément tenté de se souvenir de ce que Sirius lui avait dit à propos du Sort Fidelius, et essayé de découvrir comment il pouvait affecter la cachette en elle-même, mais il avait été ramené brutalement à l'hideuse réalité lorsque la foule de Mangemorts s'était écartée et que l'image horrible d'un homme défiguré et difforme était apparue au milieu d'eux. Sous un épais capuchon noir, il y avait un visage squelettique pustuleux, avec des yeux étincelants de cruauté, un nez anguleux et une bouche étroite et mauvaise: Voldemort. Une sueur froide s'était répandue sur le corps de Draco et il avait resserré sa robe autour de lui. Il avait regardé avec répulsion les lèvres minces se séparer lentement et un gloussement haut perché et démoniaque avait rempli la pièce. Les Mangemorts psalmodiaient, comme une sorte de transe religieuse; Lily hurlait; James criait, hystérique, outré, révolté, aveuglé par la fureur, brandissant sa baguette dans toutes les directions, ordonnant à Lily deux, trois, quatre fois de prendre Harry et de courir.

"Courez, Lily! Nom de Dieu, courez!" s'était écrié Draco, désespéré.

Lily avait été clouée sur place par l'horreur qui l'entourait, essayant frénétiquement et inutilement de cacher Harry sous sa robe. Il y avait eu le bruit assourdissant des meubles que l'on renverse alors que les Mangemorts maîtrisaient James, et il fut retenu par une sorte d'enchantement de stase. Il ne s'était pas arrêté de crier pour autant, et il avait poussé un dernier cri enragé, une dernière supplication désespérée à Lily pour qu'elle essaie de s'enfuir. Cela avait été ses dernières paroles, car Voldemort s'était rapproché, son gloussement contenant désormais une touche de ravissement non négligeable tandis qu'il avait éteint la vie de James en lançant le sortilège de mort. Alors que James était tombé lourdement sur le sol, Lily s'était mise à hurler, et son hurlement avait parcouru le sang de Draco tel de la glace; il avait voulu refermer violemment le livre et le brûler, mais un cran intérieur l'avait forcé à continuer de regarder. Le chant monotone des Mangemorts s'était élevé en puissance comme une foule grouillante rendue folle, et le gloussement de possédé de Voldemort était dès lors devenu insupportable, mais Draco s'était dit qu'il aurait préféré entendre ça pendant cent ans plutôt que d'avoir à entendre les cris déchirants de Lily. Sa voix était emplie d'un désespoir que Draco n'avait même pas pu imaginé, elle avait supplié de toute son âme, non pas pour sa propre vie, mais pour celle de Harry.

"Pas mon fils! Pas Harry, pas Harry, s'il vous plaît, pas Harry!"

Des larmes avaient coulé le long du visage de Draco. "Oh mon Dieu, non!"

"Pas Harry, s'il vous plaît, non, prenez-moi, tuez-moi à sa place-"

Protégeant Harry de son corps, Lily s'était dressée devant Voldemort avec une attitude de défi, la certitude de mourir gravée sur son beau visage, à la fois terrifiée et courageuse au-delà de toute imagination.

Draco s'était débattu dans son siège, submergé par la fureur et l'impuissance. Il fallait qu'il l'aide...elle allait mourir...elle allait être assassinée...

"Pas Harry! S'il vous plaît...ayez pitié...ayez pitié..."

Draco s'était retrouvé en train de tomber, tomber à travers une brume glaciale. Il avait entendu Voldemort crier d'une voix perçante les mots Avada Kedavra dans une vive explosion de lumière verte. Une longue plainte d'agonie avait rempli la pièce tandis qu'elle s'était débattu dans ses derniers instants pour dissimuler Harry sous sa robe, jusqu'à ce qu'elle s'effondre sur le sol à côté de James, Harry toujours dans les bras. Les Mangemorts s'étaient ensuite rapprochés du couple avec une impatience morbide, excitée, attendant le dernier meurtre, et Draco avait vu le visage de Harry, ouvert, confiant, miraculeusement quoique tragiquement inconscient du danger inimaginable qu'il courait. Alors que le sortilège de mort était jeté pour la troisième fois, les images de la page étaient devenues encore plus chaotiques lorsque le sort de Voldemort avait rebondi sur Harry et était retourné droit sur le Seigneur des Ténèbres. Son gloussement s'était alors transformé en des cris perçants, déments, incrédules d'agonie. Les Mangemorts s'étaient à nouveau regroupés, cette fois en proie à la panique, et Harry avait été oublié. Comme au ralenti, le corps de Voldemort s'était évaporé dans les airs, et la robe noire était tombée sans bruit sur le sol. Le tumulte parmi les Mangemorts avec atteint un pic fiévreux, et ensuite il y avait eu une dernière image: l'un d'eux, qui se tenait à l'écart du reste du groupe, s'était approché du livre, en le regardant d'un air absorbé. Son visage était apparu sur la page, froid, calme, vide de toute émotion, puis il avait tendu la main et les images s'étaient brusquement effacées de la page; il avait de toute évidence fermé le livre. Mais le visage du Mangemort accabla Draco autant que les autres choses effroyables dont il venait juste d'être témoin.

Ce visage l'accompagnait toujours à présent qu'il se tenait devant le lac sous la pluie. C'était le visage de son père.

****

"Euh...Ron, qu'est-ce que tu es en train de faire au juste?" fit Hermione, songeuse, regardant Ron se concentrer de toutes ses forces sur un morceau de parchemin en piteux état, en mâchouillant une vieille plume. "Ne me dis pas que tu fais tes devoirs, car je refuserai tout simplement de te croire. Et au fait, tu as de l'encre sur les lèvres"

Ils étaient assis dans la salle commune de Gryffondor; Hermione et Harry jouaient aux cartes avec Ginny et Seamus, Neville et Dean jouaient aux échecs. Ron était assis à l'écart, griffonnant quelques mots de temps en temps.

"Errrrmmm..." fut la réponse incompréhensible de Ron.

"Doucement, Herm, ne le dérange pas" intervint Ginny en riant. "Il essaie de faire le plan de table pour notre repas de la veillée de Noël. Jusque là il a réussi à mettre le bon nombre de chaises, mais à part ça..."

"Oh" gloussa Hermione. "Tu parles de ce plan de table?" fit-elle en fouillant dans son sac.

Un schéma élaboré et dessiné avec soin fut sorti des profondeurs du sac volumineux de Hermione et Ginny le parcourut du regard. "Oooh" gazouilla-t-elle. "C'est vachement bien!"

Harry leva les yeux, intrigué.

Hermione ôta le schéma de la vue de Harry et le passa à Ron. "Pas encore, Harry" fit-elle d'une voix ferme. "Les dispositions pour cette soirée-là sont une surprise. Attends et tu verras"

"Oh, Herm, c'est super" fit Ron, en le regardant d'un air approbateur.

Tout à coup, Harry se sentit horriblement mal et fut pris de vertiges. Il agrippa son estomac comme s'il avait reçu un bon coup de pied dans le ventre, puis s'effondra de sa chaise avec un grognement.

"Qu'est-ce qui se passe?" demanda Ron sur le champ, et tous les yeux se tournèrent vers Harry.

"Je ne sais pas" fit-il avec lenteur. "Je crois que Draco est bouleversé. Vraiment bouleversé. Je vais essayer de le trouver"

Ron se leva pour l'accompagner, mais Hermione le fit rasseoir tandis qu'ils regardaient Harry sortir par le portrait. "Laisse-le partir" fit-elle. "Si quelque chose va de travers, ils auront besoin d'être seuls"

****

Le visage de son père le hantait encore lorsqu'il s'assit les yeux hermétiquement clos pour essayer de faire disparaître l'image, sanglotant, terrifié, perdu.

Il était tout simplement accablé par les conséquences qu'amenait le livre. Alors que ses pleurs commençaient à décroître, il fut bombardé par un flot de pensées terribles, chacune encore pire et plus étouffante que la précédente. Il faisait nuit et il faisait froid, vingt heures était passé depuis longtemps, et il ne portait que la robe légère qu'il portait dans le bureau de Dumbledore. Un crachin persistant et ennuyeux le trempait et le faisait frissonner jusqu'à la moelle des os, mais il ne s'en rendait pas compte. Il n'y avait de la place que pour une seule chose dans sa tête. Et il ne pouvait supporter de la regarder.

Mais, comme il arrive si souvent lorsque quelque chose est trop affreux pour qu'on y réfléchisse, éviter les problèmes ne faisait qu'empirer l'horreur. Les pensées n'allaient pas s'en aller, non. Draco regarda les eaux noires du lac tandis que les pensées l'assiégeaient, le forçaient à les regarder en face, une par une, le guidant, le tirant vers un voyage dont l'inévitable destination était...inconcevable.

Le livre avait été un cadeau de mariage de la part de Dumbledore. Naturellement, Dumbledore avait seulement pensé au bonheur que cet album pourrait offrir, et quel bonheur c'était, pour la plus grande partie! Mais Draco ne pouvait désormais plus rien voir de positif dans le bonheur pur et innocent du reste du livre; il servait uniquement de contraste hideux par rapport à la dernière page. La satanée dernière page.

Si seulement le livre avait été fabriqué avec une page de moins! Si seulement il n'avait pas été ouvert ce jour-là! Si seulement...

Si seulement je n'avais pas à me charger de ça moi-même! C'était le domaine de Ron - c'était le meilleur ami de Harry; ou d'Hermione - elle savait toujours comment s'occuper des trucs difficiles; ou de Dumbledore - il voyait toujours tout, il saurait, c'était évident; ou de McGonagall - elle était la Directrice de Maison de Harry, c'était sans aucun doute sa responsabilité; ou peut-être de Hagrid - il avait connu James et Lily, il allait sûrement en vouloir à Draco d'interférer dans cette affaire; ou peut-être de M. et Mme Weasley - ils avaient après tout pratiquement adopté Harry, ils auraient la sagesse des parents; ou de Sirius. Oui! C'est sans aucun doute le devoir du parrain de Harry d'arranger tout ça.

Je pourrais lui envoyer un hibou demain matin, songea Draco, désespéré. Dumbledore pourrait lui donner le livre. Après tout, Sirius était le meilleur ami de James et Lily; moi je ne les ai même pas connus. Ca n'a rien à voir avec moi. Dieu seul sait pourquoi Dumbledore croit que je peux me charger de ce livre...

Ce livre...une violation scandaleuse et épouvantable d'un objet qui n'aurait dû être source que de joie. Le genre de joie que Harry avait désiré ardemment tout au long de sa vie. Comme Draco attendait avec impatience de voir le visage de Harry quand il verrait le livre. Il sera follement heureux! En plein délire! Jusqu'au moment où il verra...où il verra...NON! S'il vous plaît, non! Au diable ce livre...ce livre...

Ce livre avait été fabriqué par Dumbledore en personne; ça n'a fait que rendre sa magie encore plus exceptionnelle. Mais il avait été souillé si horriblement qu'à présent il renfermait un tableau de la mort des parents de Harry. Non! Même pas un tableau! Les vraies images, les vraies expériences, les vraies agonies et souffrances!

La réalité. En version intégrale.

Oh, Merlin, la mort des parents de Harry! Parents! Les parents de Harry! Leur mort!

Draco connaissait l'histoire du Survivant depuis toujours, histoire qui était - avec chaque année qui passait, alors que Harry grandissait et que le temps entre lui et cette affreuse nuit augmentait - essentiellement une histoire heureuse: Harry était un héros pour la plupart du monde sorcier, il était le champion du Tournoi des Trois Sorciers, il était le plus jeune et le meilleur attrapeur depuis un siècle, il était la fierté et la joie d'une nation et il incarnait l'espoir d'une nouvelle ère. Mais à cause de ce satané bouquin, Draco avait été balancé dans la vérité si brutalement que ça lui avait coupé le souffle. Bien sûr, Harry était le Survivant; mais il était aussi le Fils Orphelin de Parents Assassinés. Draco avait su ça depuis toujours également, mais peu de personnes s'étaient attardées sur cet aspect de l'histoire. A part Harry, évidemment, Sirius, Dumbledore, et quelques autres; mais pour la plupart des gens, la vérité à propos de Harry Potter était plus simple, édulcorée, toute la souffrance étant enlevée.

Ce soir, Draco avait vu la souffrance.

La mort de James et Lily, et la tentative de meurtre contre Harry lui-même, étaient enregistrées dans les pages d'un livre magique. Y avait-il quelque chose sur terre qui était pire que d'avoir ses parents assassinés? Oui: avoir ces meurtres capturés en images vivantes pour l'éternité. Pour toujours. Dans un album de famille. Pour y regarder encore. Pour se torturer. Pour s'embrouiller. Pour souiller chaque futur petit bout de bonheur avec un souvenir permanent de la sinistre réalité. Oh Harry! Tu ne mérites vraiment pas ça! Il sera posé sur ton étagère pour toujours, te torturant, te hantant, un souvenir macabre de tes parents que tu n'as pas connus, un coeur de ténèbres dans une vie poursuivie par la tragédie. Ca couvera en toi pendant des années, ça ne guérira jamais. Tu ne le laissera jamais guérir. Tu es trop fier, trop têtu, trop noble. Et je ne serai pas capable de t'aider, parce que quand tu me regarderas, tu ne verras que mon père...

Mon père, qui était présent cette nuit terrible...

Mon père, dont la présence le rend complice de leur mort...

Mon père, qui est un meurtrier.

Dans ce livre se trouvait la preuve irréfutable de sa culpabilité. Quoi qu'on ait dit, quoi qu'on ait pensé, malgré le fait que Draco sache le fort intérêt de son père pour la Magie Noire, malgré les circonstances, et les rumeurs, et les preuves, Draco n'avait jamais été complètement sûr de l'implication de son père avec les disciples du Seigneur des Ténèbres. Peut-être qu'il l'avait su et qu'il l'avait effacé de sa mémoire. Peut-être qu'il l'avait su et qu'il avait choisi de ne pas y croire. Peut-être qu'il l'avait su et qu'il avait osé être fier de la position élevée qu'occupait son père sans comprendre les atrocités qui inévitablement l'accompagnait. Il l'avait admis devant Crabbe et Goyle. Il l'avait admis devant Pansy. Il l'avait même plus ou moins admis devant Harry. Mais il ne se l'était jamais admis à lui-même.

Mais à présent, voilà. La preuve. Son père était un meurtrier. Son père était un menteur, un voleur, un conspirateur, un intriguant, un tueur, un tortionnaire, un maître-chanteur, un escroc. Une façade d'homme. Le grand Lucius Malfoy. A la richesse indécente, à l'intelligence redoutable, à la beauté telle qu'elle en devenait absurde. Mais tous ces dons, ces talents et ces privilèges étaient employés à cacher la vérité: tueur de Moldus, assassin de sorciers. Et qu'est-ce que ce livre laissait entendre de plus sur son père? Combien de crimes encore plus innommables dénoncait-il? Au diable mon père! Qu'il aille se faire voir! Pourquoi?

Pourquoi? Quand il a déjà tout ce qu'un homme pourrait désirer, quand il n'y a rien au monde qu'il ne pourrait acheter? Pourquoi?

Draco pleurait de frustration, de honte et de refus mis à nu. La pluie, plus épaisse à présent, le cinglait dans l'obscurité, le glaçait, le trempait, mais était bien loin d'enlever la souillure des actes de son père. Oh Harry...oh Harry...Comment allons-nous un jour réussir à surmonter ce livre, cette nuit, tes parents, mon père...?

Mon père a volé ce livre. Et il ne l'a PAS détruit. Il l'a gardé. Le désespoir de Draco montait à des niveaux intenables. Il grelottait, tremblait, incapable d'arrêter le flot de pensées qui le bombardait à une telle vitesse qu'il pouvait à peine suivre. Il a dû garder ce livre comme une sorte de mémento morbide. Un trophée. Un souvenir malsain d'un petit voyage à Godric Hollow. Draco imagina la scène, il ne put sans empêcher; son esprit courait de droite et de gauche, au hasard. Bonjour Narcissa chérie, je suis allé à Godric Hollow aujourd'hui et j'ai ramené ce petit livre. Charmant, n'est-ce pas? Regarde ces gens heureux qui prennent leur pique-nique! Et ensuite il avait été mis de côté à un endroit spécial de la bibliothèque de prix de son père: dans la vitrine à la serrure élaborée, avec ses livres d'une valeur particulière ou très rares. Draco présumait que son père n'était pas plus ennuyé que ça de la mort de Voldemort; peut-être qu'il commençait à en avoir assez de tout ça. Il ne se soucie de rien du tout. Ni de moi, ni de ma mère, alors pourquoi Voldemort aurait été différent?

Son père n'avait certainement pas eu l'air fou de douleur comme les autres Mangemorts. Draco l'imagina, feuilletant le livre, un peu plus tard, se souvenant distraitement de ce jour à Godric Hollow, du jour où il fut complice de meurtre, du jour qui se révéla être si pénible pour le bébé Potter, le jour où le Seigneur des Ténèbres a malheureusement été vaincu et condamné à vivre pendant une période indéterminée sans la commodité d'un corps. Et pendant l'une de ces lectures postérieures de ce souvenir horrible, le jeune Draco avait été convoqué à la bibliothèque: Bonjour Draco, mon fils. Viens t'asseoir sur mes genoux. Le livre d'aujourd'hui est spécial, parce que certains livres peuvent contenir plus que des mots. Ils peuvent contenir des souvenirs...

Des souvenirs qui appartenaient, sans aucun doute, à Harry. Des souvenirs qui lui apprendraient tout sur ses propres parents.

Malgré ce qu'il contenait, Draco sentait au fond de lui que ce livre était d'une importance capitale pour Harry. Et il était dévasté à l'idée qu'il avait plus vu ce livre que Harry lui-même, qui n'était même pas au courant de son existence. Oh Harry! Est-ce que n'importe quel amour, Nuage Ecarlate ou non, peut être assez fort pour le supporter? Si je t'aime pour l'éternité, cela voudra-t-il dire que je n'aurais jamais à avouer? Est-ce que n'importe quel acte de contrition de ma part pourrait absoudre les péchés de mon père? Draco était pris dans un piège impossible, et il le savait. Son père tirait d'un côté, Harry de l'autre. Brutalement, en dehors de la course incontrôlable de son esprit affolé, une pensée se cristallisa si clairement dans sa tête qu'elle effaça toutes les autres. Un choix. Un dilemme. Une impasse, au-delà de laquelle il ne pouvait voir. Une décision, la plus importante de sa vie.

Détruire le livre: vivre en ayant honte de sa décision pour le restant de ses jours, maintenir la fausse réputation de son assassin de père, refuser à Harry son terrible héritage.

Donner le livre: risquer de perdre Harry pour toujours, ruiner son père, faire vivre un enfer à Harry.

Draco fut tout à coup conscient du froid et de la pluie, et il plongea son regard dans l'immense noirceur du lac, secoué de grands frissons. Il y avait une autre solution. Juste un moment de folle bravoure et il serait libéré de ce dilemme à jamais. Ca semblait logique. Affreusement logique. Et il ne pourrait pas être plus mouillé ni plus frigorifié qu'il ne l'était en ce moment. Il se leva en tremblant, et se déplaça sous la pluie battante en direction de la pointe du rocher, ses robes lourdes et dégoulinantes, ses cheveux clairs plaqués sur son visage. Il se tint en chancelant au bord, l'eau glacée juste à quelques pieds au dessous de lui. La pluie continuait de tomber à verse, inconsciente des actes et des intentions de Draco.

Le temps s'arrêta.

LÂCHE! hurla la voix de son père dans sa tête. QU'EST-CE QUE TU ES? TU CHOISIRAIS SON BONHEUR PAR RAPPORT AU MIEN? PAR RAPPORT AU TIEN?

Draco gémit. S'il te plaît, laisse-moi tranquille, s'il te plaît!

LÂCHE! IL VAUT LA PEINE QUE TU MEURES POUR LUI? FAIS-LE, ALORS! FAIS-LE!

"VA TE FAIRE FOUTRE!" cria farouchement Draco dans le vent et la pluie. "VA TE FAIRE FOUTRE, PERE! JE NE PEUX PAS DECIDER! QU'IL AILLE SE FAIRE FOUTRE AUSSI, CE PUTAIN DE NUAGE ECARLATE! ET TOI AUSSI, HARRY!"

Merde, mais qu'est-ce que je fais?

C'était un Malfoy. Les Malfoy ne pleurent pas. Les Malfoy ne se jettent pas dans un lac. Les Malfoy n'ont pas de dilemmes éthiques. Les Malfoys ne font pas passer d'autres personnes avant eux. Personne ne vaut la peine que l'on meure pour lui. Il n'avait pas besoin de Harry; il n'avait pas besoin de son père. Pourquoi est-ce que ma propre vie devrait en pâtir? Le Nuage Ecarlate peut être vaincu. Je peux me détacher de tout ça. Que ce livre aille au diable. Qui se soucie de qui l'a en sa possession? Certainement pas moi.

"Draco!"

Regagnant un peu de force, il regarda à nouveau l'eau et tenta de ricaner d'un air méprisant face à sa propre bêtise. L'aurait-il vraiment fait?

"Draco!"

Personne ne pouvait compter autant que ça pour quelqu'un. Suffisamment pour mourir pour lui. C'était uniquement le Nuage Ecarlate qui lui faisait ressentir ça. Ce n'était pas vraiment lui. Certainement.

"Draco! Draco, s'il te plaît! Réponds-moi!"

Mais si quelqu'un au monde comptait suffisamment pour lui, c'était bien Harry. Harry. Harry. Son éclat soudain de défi s'apaisa lorsqu'il pensa à Harry.

"Draco!"

Harry. Harry qui savait ce qu'il ressentait. Harry qu'il aimait. Harry pour qui il mourrait.

"DRACO!"

Harry. Harry qui à présent, serrait son corps mou, épuisé, glacé, dans ses bras, qui le suppliait de parler, dont la seule présence le baignait dans un amour qu'il n'avait jamais connu de son père.

"Draco, s'il te plaît, parle-moi! Qu'est-ce qui se passe? Qu'est-ce qui est arrivé, bon dieu?"

Harry. Harry, qu'il ne méritait pas. Harry qui enleva sa propre cape sous la pluie battante pour essayer de le réchauffer. Harry qui trouva la force de le soulever dans ses bras et de lutter contre son poids lors du long chemin de retour au château.

"Draco!"

Harry. Harry, dont la chaleur l'envahit à tel point que la pluie semblait s'être arrêtée de tomber. Harry qui le serrait dans ses bras. Harry qui le serrerait toujours dans ses bras.

Harry.

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Personnellement, j'ai beaucoup aimé la fin de ce chapitre. Je l'ai trouvé très intense au point de vue émotionnel, et puis Aidan Lynch a vraiment un sacré style! Enfin, c'est ce que j'ai ressenti en traduisant! Voilà, j'attends vos commentaires, et je vous dis à lundi prochain (normalement) pour le dernier chapitre de Pensées Inconcevables!