3, Le cadeau de Mithrandir.

Le soleil se levait tout juste, donnant au palais elfique et aux bois alentour une teinte argentée. Les premiers rayons vinrent taquiner la princesse Ellwen qui dormait dans le grand lit ovale, le corps enveloppé dans un long drap de satin blanc. Tout dans cette chambre était démesuré, de la couche princière, au centre le la vaste pièce, aux colonnes de marbre fin qui soutenaient les voûtes gracieuses du plafond, en passant par le hamac de soie suspendu à plus d'un mètre du sol, et rempli de plumes d'oiseau douces et chaudes, qui servait de berceau au petit prince héritier. Le sol, composait de minuscules carreaux de couleurs, formait une mosaïque splendide sur laquelle les rayons du soleil se reflétaient à l'infini, ce qui donnait en été, une dimension mystique à la pièce. Legolas aimait cette pièce plus que toutes les autres du château, qui en comptait pourtant de bien plus grandes et chaleureuses, mais il s'y était attaché depuis sa plus tendre enfance, et il n'avait pas envisagé de la quitter le jour où les appartements royaux - situés deux étages au-dessus - lui reviendraient de droit Et cela au plus grand désespoir du roi Thranduìl qui était un homme farouchement défenseur des valeurs et des traditions de son peuple, et qui trouvait honteux que le Roi des elfes de la Forêt Noire continue d'occuper cette minuscule chambre d'enfant d'à peine soixante-dix mètres carrés…

Le soleil finit par avoir raison du sommeil de la princesse, qui s'éveilla doucement en s'étirant comme un félin gracieux et sensuel. Elle resta dans le lit cependant, les yeux clos, le visage tourné vers les baies vitrées qui donnaient sur le petit lac d'eau tiède, émergeant peu à peu de sa douce torpeur. Legolas n'était plus dans le lit, remarqua-t-elle.

Et Legolen n'était plus dans son berceau en suspension…

La princesse se leva d'un bond, enfila sur son corps nu et blanc une longue tunique bleue, et elle se précipita vers le hamac, qui, effectivement, était vide. Son visage, encore marqué par les plis des draps, s'empourpra.

Où donc étaient-ils donc passés ?

Elle sortit de la chambre et s'élança dans le couloir jusque dans les salons.

Personne.

Et dans les chambres d'hôtes.

Personne.

Et dans la salle d'eau, la salle de réception, la cuisine, les communs…

Personne.

Des milliers de pensées, toutes plus funestes les unes que les autres, lui passèrent par la tête à la vitesse de la lumière. Soudain, une voix la coupa dans son élan :

« - Et bien, quelque chose ne va pas ma princesse ? »

Ellwen fit volte-face violemment et se retrouva nez à nez avec le Roi Thranduìl :

« - Oh ! Pardon majesté, je ne vous avais pas entendu… »

Elle s'inclina respectueusement et murmura :

« - Je cherche Legolas : Lui et Legolen ne sont plus dans la chambre, et je me faisais… du souci.

- Du souci ? Pourquoi donc ?

- Et bien… Votre fils et moi avons eu une discussion houleuse hier soir, à propos du parrain de Legolen. Et je craignais qu'il ne soit parti.

- Ne vous faites aucun souci, il est toujours là, je l'ai vu il y a moins de deux minutes, dans les grands champs qui bordent la Forêt de l'Est, avec Mithrandir ils discutaient.

- Et, Legolen, il était avec eux ?

- Oui, lové dans les bras de son père, il dormait à poings fermés… »

La princesse soupira de soulagement.

« - Bien, je vais aller les chercher, c'est l'heure du petit déjeuner de votre petit-fils.

- Allez donc ma chère enfant, et cessez de vous faire du souci, vous êtes si ravissante quand vous souriez.

- Merci votre majesté… »

La jeune elfe fit une légère révérence, puis, elle s'en retourna dans sa chambre pour enfiler une tenue plus décente : Elle se glissa dans une robe de mousseline vert clair, brossa ses longs cheveux dorés et flamboyants, revêtit une cape de soie blanche sur ses épaules, puis elle sortit dans la chaleur déjà ardente du petit matin.

*****************

Deux heures plus tôt, Legolas s'était éveillé au son des gazouillis mélodieux du petit être qui s'agitait dans son nid de plumes. Le prince s'était levé sans bruit pour ne pas qu'Ellwen le retienne, il avait enfilé sa longue tunique argentée et était sorti, en emportant avec lui son fils. Il était encore tôt, le soleil n'était pas encore levé et la Forêt, ses elfes, sa faune et sa flore semblaient encore plongés dans un sommeil bienfaiteur et silencieux.

Legolas, trop heureux de ce petit instant de bonheur partagé avec son fils, qui s'était pelotonné comme un minuscule chaton contre sa poitrine, fit le moins de bruit possible et sortit, pieds nus, sur l'herbe constellée de gouttelettes de rosée, pour rejoindre les champs, près des écuries. Il aimait cet endroit, un peu en retrait de tous les artifices de la vie de palace. Là, personne hormis les garçons d'écurie ne venait jamais. Pourtant, pas une fois le prince ne s'était lassé, dans son enfance et même après, de voir les chevaux évoluer librement dans les grandes étendues vertes et parsemées, l'été, de petites fleurs des champs multicolores. Il reconnut le galop majestueux d'Arod, - que Estel lui avait confié une fois la guerre de l'anneau terminée, ne pouvant se résoudre à le séparer d'Hasufel…- qui venait à sa rencontre. Il posa son museau sur l 'épaule de Legolas qui le caressa gentiment, et parla à son oreille dans une langue étrange et saccadée pendant plusieurs secondes : Le prince présentait à son ami l'équidé son fils, Legolen Goldenleaf. Le cheval regarda le petit elfe qui dormait, en boule, les poings serrés, contre son père, puis, il s'en retourna vers ses camarades de jeu. Legolas sourit, et alla s'asseoir sur u gros rondin de bois, sous un des rares arbres de ce champs. Il contempla longtemps les vastes étendues de verdure, caressant tendrement la petite tête blonde de ses longs doigts fins. Puis, il vit le grand cheval blanc qui, du fond du champs, semblait galoper droit sur lui. Legolas se leva et vint à la rencontre du seigneur des chevaux, Shadowfax le grand. Il posa lui aussi son museau immaculé sur l'épaule du prince, et Legolas caressa ses naseaux avec beaucoup de lenteur et de douceur, ne sachant pas quoi penser de l'acte de cet animal magnifique qui n'acceptait d'être touché que par les sages mains du Mage Blanc.

« - Il vous aime bien. » retentit une vois derrière lui : Gandalf.

« - C'est bien la première fois que je le vois agir de la sorte avec quelqu'un…

- Bonjour Mithrandir.

- Bonjour, Legolas Greenleaf et bonjour aussi à vous, petit Legolen. »

Dit le magicien, en posant une main protectrice sur l'épaule du prince.

«- j'avoue que je suis aussi surpris que vous par la conduite de Shadowfax… c'est étrange. »

Gandalf ne répondit rien, et se contenta de flatter l'encolure du cheval. Celui-ci se détourna quelques instants de Legolas et sembla murmurer quelque paroles incompréhensibles dans le creux de l'oreille du vieil homme, qui éclata de rire.

« - Je comprends !

- Que comprenez-vous Mithrandir ?

- Et bien, Shadowfax vient de choisir un nouveau maître. Et il se trouve qu'il vous a désigné, vous.

- M…moi ?

- Oui, vous Legolas, je crois qu'il vous trouve plus de son âge que moi.

- Mais, je…

- Ne discutons pas ses volontés voulez-vous, il a choisi, voilà tout. »

Legolas rougit mais ne dit rien, il se contenta de caresser une dernière fois le poil brillant et doux de l'équidé et de suivre Gandalf qui s'éloignait vers le vieil olivier, au centre du champs. Tous deux s'y assirent. Ils ne dirent aucune parole pendant de longues minutes, et ce fut le magicien qui parla le premier :

« - Legolas, je sais ce que vous ressentez, et il ne faut pas vous sentir coupable pour les sentiments que vous éprouvez à l'égard d'Aragorn.

- Co… comment savez-vous ?

- Je le sais, c'est tout.

- Oh ! Gandalf, c'est si dur… J'aime tant Ellwen, mais j'aime Estel aussi ! Je ne sais plus quoi faire.

- Si, vous savez qu'il vous reste à suivre ce que votre cœur vous dicte.

- Mais je vais faire souffrir ma femme… et je ne veux pas cela.

- Vous ne la ferez pas souffrir, car elle est forte, et qu'elle sait ce que vous avez à faire, que c'est votre destin à vous et à Aragorn de vous aimer, et de faire de grandes choses. Une Grande Chose en réalité...

- Mais, de quoi parlez-vou… »

Il ne put terminer sa phrase : Gandalf avait disparu. Le jeune prince regarda autour de lui : personne. Avait-il rêvé ? Non, pourtant cela lui avait semblé si réel. Et si étrange. Les paroles du Mage avaient été mystérieuses, pleines de sous-entendu qu'il ne comprenait pas. Que voulait-il dire par Une Grande Chose ?

« - Legolas ! Bon Dieu, mais où étiez-vous ? ! »

La voix angoissée de sa femme le rappela à l'ordre. il se leva précipitamment, en prenant bien soin de ne pas réveiller le bébé, et se dirigea vers sa femme. Il chuchota, en arrivant à sa hauteur :

« - je réfléchissais… à propos des parrains de Legolen. Ce sera Maître Samwise et sa femme, Rosie.

- Très bien, du moment que ce n'est pas Estel…

- Oh ! Ellwen, je vous en supplie, cessez de me rebattre les oreilles avec Estel ! » Dit-il, furieux.

- Nous n'allons pas commencer à nous disputer : ce sera Sam et Rosie. Fin de la discussion ! »

Il tendit le bébé à sa femme, lui lança un regard meurtrier, se retourna et partit en direction de Shadowfax, qui broutait quelques brins de foin non loin d'eux. Il monta sur son dos musclé et souple, et tous deux partirent au galop, laissant derrière eux un sillon de poussière.

Ellwen soupira, et ramena le petit prince à l'intérieur en marmonnant entre ses dents :

« - Les Elfes… »

Soudain, Legolen se réveilla en poussant un grand cri. Sa mère lui dit, sur un ton ferme :

«- Ah ! Non, monsieur Goldenleaf, ne commencez pas… J'ai déjà à supporter les humeurs de môssieur votre père, c'est suffisant ! ! »

Elle enfourna son sein blanc et lourd dans la bouche de son fils, le calmant sur-le-champ.