CHAPITRE 01
Labyrinthus appellatur quia labor intus. C'est appelé un labyrinthe, parce qu'il y a du labeur dedans. Quelque encyclopédiste médiéval zélé avait proposé cette explication, qui, aussi ridiculement mauvaise qu'elle soit, convenait parfaitement à l'occasion présente, pensa Severus. Comme cela avait convenu pour Thésée, à qui le moine pieux avait probablement pensé quand il avait cherché l'étymologie. Cependant, tout le reste au sujet du labyrinthe, qui avait grandi jusqu'à des dimensions impressionnantes en bas sur le terrain de Quidditch, était différent. Les quatre champions voulaient rentrer dedans, les monstres se tapissaient sur leur chemin et pas au centre. Au contraire. Ce qui les attendait au centre, luisant et resplendissant au lieu de sombre et dangereux, était leur prix, la récompense pour leur courage et leurs compétences. Ou était-ce autre chose?
Un instant, Severus eut un frisson malgré l'air embaumé. Et si ce n'était qu'une illusion bénigne, créée pour le bien du public et des concurrents? Et si tout était comme cela devrait être, comme cela l'avait été autrefois—faux danger dehors, vrai danger dedans? Il se renfonça dans son siège, balayant des yeux ses confrères, les élèves et les spectateurs de l'extérieur de l'école, puis leva les yeux vers le fac-similé magique du labyrinthe, planant à cent pieds au-dessus du sol, penché à quatre-vingt-dix degrés, pour que, de quelque point du stade qu'on le regarde, il présente au spectateur une vue aérienne complète des quatre champions et de tous les obstacles, permettant ainsi aux spectateurs de suivre sans difficulté les progrès des concurrents. La Coupe des Trois-sorciers miroitait faiblement —elle paraissait assez inoffensive, n'est-ce pas? Pas de Minotaure mangeur d'homme, mais un gobelet précieux d'or lourd qui apporterait honneur, louanges et richesses à qui le toucherait le premier… Une coupe—tout comme la Coupe Du Monde de Quidditch… un gobelet. Tout ces ennuis avaient commencé avec une Coupe et un gobelet. Bien que celui ci ne soit pas un objet magique, cela ne servirait que trop bien la très propre marque de mal poétique de Voldemort.
Severus essaya de se reprendre. La soirée était si calme et tranquille…Mais la Marque sur son avant-bras gauche devenait de plus en plus distincte. Chaque soir il l'avait regardée, la scrutant, essayant de voir si la couleur s'intensifiait vraiment, ou si c'était un figment de son imagination. La réalité était irréfutable, cependant. Pour lui, pour Lucius et pour Owen. Et pour quelques autres, aussi—la plupart d'entre eux impatients de voir le retour du Seigneur des Ténèbres. Ces temps là avaient été l'époque de leur renommée et de leur gloire. Aucun instinct ne pouvait être trop vil, aucune envie trop perverse, aucun désir trop méprisable.
Oui, la soirée était parfaite. Et tout de même, il y avait quelque chose dans l'air. Une tension qui ne devait rien au Tournoi des Trois-Sorciers. Severus jeta un oeil à Karkaroff—il était clairement nerveux, et il n'arrêtait pas de toucher son avant-bras gauche. Severus hocha la tête sinistrement pour lui-même. Karkaroff avait en effet de très bonnes raisons d'être nerveux.
ßßßß*ßßßß
Le cri de Fleur Delacour fut le premier signal d'alerte. Elle s'était assez bien débrouillée avant, mais alors, soudain, elle émit un cri perçant et tomba en avant, d'abord sur ses genoux, planant un instant comme si elle priait puis, lentement et lourdement, son corps tomba sur le côté, et resta là, immobile. Maugrey était à proximité, heureusement; un mouvement rapide de sa baguette ouvrit la haie de six mètres de haut, si bien qu'il put entrer, faire léviter la fille inconsciente et la transporter hors du labyrinthe. Pas une seconde trop tôt, car le Scrout à Pétard avait déjà été en chemin. Les spectateurs laissèrent échapper un soupir collectif de soulagement.
Lucius était assis dans le voisinage proche de Severus, et les deux hommes échangèrent des coups d'œil. Oui, il semblait sans aucun doute que quelque chose allait de travers, tous deux le sentaient. Owen, un peu plus loin au côté de Sibylle, tourna la tête et leva les yeux. A l'évidence, il le sentait aussi… Quoi que ce soit.
Potter avançait—Severus n'avait aucun doute que Granger ait travaillé avec ce garçon. Une partie des sortilèges qu'il utilisait n'était sans aucun doute pas dans le programme de quatrième année. Il traversa sans problème le sortilège de Terravertere. Le Scrout à Pétard était du gâteau en comparaison, à condition de ne pas s'affoler. Severus vit le sourire en coin de Lucius quand le garçon essaya de le frapper avec un Sortilège Impedimenta, qui se révéla être complètement inutile, comme il fallait le prévoir. Evidemment, Granger n'était pas tombée sur le Sortilège de Contusio, qui devait être utilisé contre les bêtes plus résistantes telles que les loups-garous. Par pure chance du débutant, Potter réussit à lancer un Stupéfix au ventre vulnérable de la créature, et passa.
Puis, un autre cri; tout le monde sursauta.
Severus avait vu la malédiction de Doloris être lancée trop souvent pour ne pas reconnaître immédiatement les signes. Diggory se tortillant dans l'herbe… la vue était rendue plus alarmante par le manque de son. Mais il ne pouvait pas y avoir de doute. C'était Doloris, et c'était Krum qui l'avait utilisée. Avec beaucoup de réticence, Severus reconnut la présence d'esprit de Potter, et sa discipline—le garçon étourdit seulement Krum et marqua sa position pour que les enseignants le trouvent. Mais pourquoi Krum? Cela aurait-il pu être lui? Severus trouva que son esprit ne lui obéissait pas convenablement; il y avait trop d'anxiété, de stupéfaction et d'insécurité—il se cabrait comme un cheval paniqué.
Non, pensa-t-il. Non, en aucune façon Krum n'aurait pu le faire. Il avait vu ce garçon faire de la magie à quelques occasions quand il avait visité le bateau de Durmstrang, et rien n'avait trahi plus qu'une capacité magique moyenne. Quinze ans d'expérience d'enseignement avaient aiguisé ses instincts pour détecter les pouvoirs magiques—qu'ils soient entraînés ou sans formation—presque jusqu'à l'infaillibilité. Krum était extraordinairement doué en vol, mais n'était pas un sorcier extrêmement doué. Il n'aurait jamais pu jeter un Sortilège de Confundus assez puissant pour embrouiller complètement la Coupe de Feu. Severus doutait que son Sortilège de Doloris eût fait beaucoup de mal à Diggory, même s'il avait duré plus longtemps. Il l'avait utilisé, cependant. Cette petite vermine avait utilisé un Impardonnable pour éliminer un concurrent. Comme c'était brusque, et comme c'était stupide. Eh bien, ce garçon recevrait ce qu'il méritait. Cependant, il ne semblait pas y avoir de raison de trop s'inquiéter—Diggory semblait aller bien, et Potter avait sauvé la situation. Encore une fois.
Severus croisa ses bras sur sa poitrine et se pencha en arrière dans son siège, regardant sinistrement Potter et Diggory prendre des sentiers séparés vers le centre du labyrinthe, pendant que Maugrey se dirigeait vers la silhouette immobile de Krum.
ßßßß*ßßßß
De plus en plus profondément dans le labyrinthe… les deux champions avançaient, parfois seulement séparés par un mur vert. Puis Potter rencontra le sphinx, tandis que Diggory rencontrait à nouveau le Scrout à Pétard réveillé.
Les spectateurs commencèrent à chuchoter et montrer du doigt—oui, Diggory avait sans aucun doute un avantage, courant maintenant vers la Coupe, sans plus d'obstacles, à moins que… L'araignée marchant le long des haies se déplaçait maladroitement, son corps presque aussi large que les couloirs du labyrinthe. Mais elle était tout de même rapide, et, surtout, elle émergerait dans le sentier principal menant vers la Coupe derrière Diggory. Maintenant Potter avait aussi atteint le couloir…
Severus détacha brièvement ses yeux du fac-similé magique pour scruter le public. La vue était légèrement hilarante, car la plupart des plus jeunes élèves et beaucoup des plus vieux spectateurs s'étaient couverts les yeux de leurs mains ou de leurs manches. Vrai, la scène pourrait être un peu trop pour les nerfs faibles, pensa-t-il, car l'araignée rattrapait rapidement Diggory. Tant pis pour les espoirs du Poufsouffle d'arriver premier—il n'y aurait pas de dommages à long terme, mais il allait être inconscient quelque temps. Sans mentionner que le venin de la bête faisait horriblement mal. Une leçon très utile, à tout prendre. Surveillez toujours vos arrières…
Lucius grogna et secoua la tête, un geste d'exaspération qui fit rire tous bas Severus. La générosité de Gryffondor—ou sa bêtise, du moins du point de vue d'un vrai Serpentard—avait apparemment encore eu le dessus, et Potter avertit son camarade champion au tout dernier moment. Maintenant tous deux luttaient avec l'araignée gigantesque, se faisant tous les deux mal en passant. La jambe de Potter avait été mordue, et Diggory semblait s'être fait mal au poignet en tombant. Intéressant, vraiment… maintenant les deux garçons semblaient à l'évidence discuter. Lucius lui lança un regard exaspéré, et Severus haussa les épaules. Ils devraient décider, d'une façon ou d'une autre; après tout ils ne pouvaient pas l'avoir tous les—
Eh bien, il semblait qu'il se soit trompé. Ils pouvaient l'avoir tous les deux. Leurs mains planaient au-dessus de la Coupe, un dernier coup d'oeil de compréhension, et…
Et tout l'enfer se déchaîna.
ßßßß*ßßßß
Il s'y était attendu. Lucius s'y était attendu. Et Owen, aussi. Tout de même, le hurlement soudain de vouloir, de désir d'être là-bas, de suivre l'appel du Maître, était écrasant. Son visage un masque de terreur et d'incompréhension, Lucius se retourna lentement, tout en luttant pour rester debout contre les vagues de corps vivants, courant, paniquant autour de lui.
"Vas-y!" lui fit signe des lèvres Severus, accompagnant ces mots d'un geste impatient de sa main. Owen avait déjà disparu, laissant une Sibylle à l'air stupéfiée derrière lui, qui serrait ses deux mains devant sa bouche. Elle l'avait vu venir… d'une manière ou d'une autre, ils l'avaient tous vu venir mais avaient été bien trop prêts à négliger ce qui était péniblement évident.
Lucius émit un court signe de tête, se tourna et se dépêcha de suivre Owen.
Severus ferma brièvement les yeux, pour appeler toute la force et la concentration dont il avait besoin pour combattre l'envie de toucher sa Marque Sombre et de se laisser transporter vers Voldemort, en dépit de la haine et de la révulsion qu'il sentait. Il lui fallut quelques minutes pour regagner entièrement son sang-froid; puis il descendit précautionneusement les marches, à la suite des masses, pour essayer de parler à Dumbledore. Car cela était certain : il devrait suivre l'appel de Son Maître, peut-être pas immédiatement mais très bientôt. Trop de choses étaient en jeu, pour lui et…eh bien, oui, pour tout le monde. Le poids de la responsabilité reposait lourdement sur lui, et il essaya de noyer les pensées sur ce qui serait.
ßßßß*ßßßß
Viktor Krum, le héros de Quidditch, était assis dans l'herbe, enserrant ses jambes, la tête penchée si bien que son front repose sur ses genoux, et il sanglotait silencieusement. Du coin de l'oeil, Severus vit Hermione Granger s'approcher de lui. Son visage était ravagé par la terreur—plus aucune trace du papillon brillant qu'elle avait été au Bal du Nouvel An. Severus pouvait imaginer sa détresse, mais était content de voir qu'elle s'occupait de Krum, comme cela au moins le garçon ne s'échapperait pas. Il avait des choses plus importantes à faire, voyant comment Karkaroff avait quitté les lieux. La Marque le tira à nouveau, impatiente et exigeante; résister à son appel devenait de plus en plus difficile à chaque seconde. Mais ceci était absolument impossible. Il n'avait aucun moyen de retourner à ses quartiers, de déterrer son uniforme de Mangemort, d'aller par Cheminette au Manoir Malfoy et de rencontrer le Seigneur des Ténèbres sans être remarqué par les yeux vigilants d'Alastor Maugrey. En plus, Severus ne croyait pas une seule seconde que Karkaroff ait pu avoir suivi l'appel de Voldemort. Non, cet homme fuyait clairement, se sauvant là où il espérait qu'il ne serait pas trouvé. Il n'y avait pas beaucoup de temps à perdre, mais Dumbledore avait clairement compris ce que Severus voulait faire, et il lui donna sa permission d'aller chercher le futur-renégat. L'attraper pourrait être un atout inappréciable dans la manche de Severus.
Avec un dernier regard à Granger, qui s'était accroupie à côté de Krum, il tourna le dos au labyrinthe et marcha vers le lac. Mais quand il eut monté la petite pente herbeuse qui avait bloqué sa vue, ses épaules s'affaissèrent de désappointement. Il arrivait trop tard. Le bateau de Durmstrang était déjà parti. Et son prix avec lui.
Severus retourna lentement au stade.
"Il est parti "
Dumbledore se tourna vers lui. "Tout comme je le pensais " Il hocha lentement la tête, apparemment perdu dans ses pensées; puis l'expression alerte retourna sur son visage. "Nous devons disperser la foule "
Severus acquiesça avec un sourire sinistre. "En effet. Je suppose qu'ils ne gaspilleront pas un portoloin parfaitement bon pour un voyage unilatéral…"
"Lucius?" Le visage du vieux sorcier était fixé avec une détermination sinistre.
"A suivi l'appel, comme Owen. S'ils reviennent avec Lui…" La phrase resta inachevée, lourde entre eux. Ils devraient être sacrifiés. Et Severus lui-même, quel que soit le côté duquel il décide de se battre, partagerait leur sort.
Clignant des yeux pour se sortir de sa rêverie, Severus scruta la foule. McGonagall et Maugrey faisaient un beau travail à la contenir. Lentement et d'une manière visqueuse comme le miel, les masses refluèrent, laissant un espace vide autour du socle qui avait soutenu la Coupe des Trois-Sorciers. La plupart d'entre eux avait sa baguette sortie et prête à l'emploi.
Severus échangea un rapide coup d'oeil avec Dumbledore—tous deux semblaient penser la même chose. Si… non, quand les Mangemorts reviendraient, ceci allait être un massacre. Les ex-Mangemorts et sympathisants se tenaient côte à côte avec leurs adversaires. Heureusement, McGonagall rassemblait le troupeau d'élèves et le ramenait vers la sécurité du château.
Ils ne pouvaient rien faire d'autre qu'attendre…
ßßßß*ßßßß
Si vous êtes prêt… si vous êtes préparé… il avait eu dix mois entiers pour laisser la conscience s'infiltrer lentement en lui, pour savourer l'avant-goût du fait que la destinée se moque de lui en décidant de revenir d'environ cent pages en arrière dans le livre de sa vie, juste comme cela, par caprice… Prêt. Oui, dans un sens, il était prêt. Parce qu'il s'était habitué à la pensée que cela pourrait arriver. Préparé? Non. Ni pour les Grangers ni pour Voldemort. Ce dernier, s'il était ressuscité avec sa mémoire intacte, ne l'attendrait que plus tard, quand il serait sûr pour lui de quitter le château sans être remarqué. Les premiers… eh bien, c'était un problème entièrement différent. Ils allaient être choqués…
Sur son chemin vers les portes du château, Severus avait essayé d'affronter son propre choc qu'il avait négligé jusqu'ici. Black. Black était de retour, Black était libre et, bien qu'en piteux état, Black était apparemment vivant et en bonne santé. Alors peut-être que Pettigrow…
Son esprit cala, refusant de penser plus loin. Tout ce que cela faisait était de ramener l'humiliation de l'année passée, quand il s'était ridiculisé devant Fudge. Cornelius Fudge, l'idiot pompeux, qui la moitié qui avait reculé il a une demi-heure à la vue de sa Marque Sombre. Fudge, qui ne laisserait aucune ficelle non-tirée, aucune pierre non-retournée, pour le faire aller vitesse grand V à Azkaban. Dumbledore le ferait-il échouer—à nouveau? Comme il l'avait fait il y a un an, quand Black avait disparu mystérieusement d'une salle qui avait été magiquement verrouillée par Flitwick lui-même? Alors il avait eu raison. Potter avait joué un rôle dans l'évasion de cet homme, et peut-être Granger aussi?
Et Black était un Animagus. Il trébucha presque quand son esprit, sans qu'on le lui ait demandé et entièrement de lui même, dériva à nouveau vers cette soirée pendant sa cinquième année, quand il avait vu les silhouettes spectrales d'un cerf et d'un chien, galopant dans le brouillard presque impénétrable. Un cerf… Ce Patronus que Potter avait lancé dans sa troisième année, pendant le match de Quidditch quand Draco et ces deux idiots avaient joué les Détraqueurs… Un Patronus était entièrement reconnaissable seulement pour ceux qui le lançaient, mais il y avait eu une note de bois puissants et de jambes minces… Lentement, le mystère commença à se défaire, sans compter les nombreux détails toujours incertains. Mais il ne restait pas de temps pour s'ennuyer avec ces trivialités maintenant. D'abord, les Grangers. Ensuite, Voldemort. Et alors, s'il était encore vivant…
Il avait arrivé aux frontières, et ôta ses robes d'enseignant pour les rétrécir et les plier soigneusement, avant de les mettre dans une poche de son veston. Les robes, le masque et la baguette de Mangemort étaient dans l'autre. Il avait été choqué de l'aise avec laquelle tous ces mouvements lui étaient revenus, après tant d'années. Combien? Quatorze, chers Dieux, presque quatorze…Quatorze aussi pour les Grangers.
Il n'attendait pas cette rencontre avec impatience. Il ne les avait vus que vaguement, seulement une fois, et ils n'avaient pas laissé d'impression particulièrement bonne ou mauvaise. Severus passa mécaniquement ses mains sur le devant de son veston et grimaça quand il sentit son cœur battre au-dessous du tissu noir et lisse. Il avait résisté à la tentation de s'emmailloter et des couches de tissu pendant assez longtemps. Finalement—une ou deux années avant l'arrivée de Drago à Poudlard—il avait cédé. C'était une armure, en quelque sorte. Plus pour dissuader les autres que pour se protéger. Sa sévérité amidonnée créait certainement une impression convenable d'inapproachabilité.
Et il allait en avoir besoin. Il transplana.
ßßßß*ßßßß
Quand il vit les trois Moldus ordinaires dans leur salon Moldu ordinaire, Severus trouva cela plus facile de s'expliquer comment la fille de deux Serpentards paradigmatiques avait pu être répartie à Gryffondor.
A en juger de leurs airs et de leurs attitudes, rien ne pourrait être plus loin des Grangers que toute sorte d'astuce, de préparatifs compliqués, de complots ou de fait-semblants. Ils avaient exactement l'air de ce qu'ils étaient—pas de faux-semblants, de dissimulations prudentes, pas de tests pour jauger les réactions de leur vis-à-vis, simplement leur soi ordinaire. Severus trouva cela légèrement décontenançant, surtout dans son état d'esprit actuel.
Si le comportement des parents de Hermione et de sa tante était d'une quelconque indication, leur fille leur avait probablement beaucoup parlé de lui, et certainement pas à son avantage.
"Professeur Rogue, je présume?" dit Carol-Anne Granger, se levant de sa chaise, quand son mari le mena dans la pièce.
"En effet" Finalement, elle étendit la main, qu'il serra.
"Voici ma sœur Cecily "Elle indiqua une femme aux cheveux courts, comme ceux d'une souris, Severus était incapable de juger son âge. Probablement à la fin de la quarantaine ou au début de la cinquantaine.
Il inclina la tête vers Cecily. "J'ai peur que ce que j'aie à vous dire à vous et votre mari soit strictement confidentiel, cependant—"
"Cecily sait tout ce que nous savons," l'interrompit M Granger, "Alors elle peut entendre ce que vous êtes venu nous dire, quoi que ce soit " Ses yeux bruns rencontrèrent ceux de Severus, et pendant quelques secondes, ils engagèrent une sorte de concours de regard. Au moins maintenant il savait d'où cette fille tenait cette habitude, pensa Severus.
Quand Mme Granger commença à mordre sa lèvre inférieure, encore un autre morceau du puzzle se mit en place. "Très bien," dit-il, sans rompre le contact oculaire. "Le Directeur m'a déjà informé que Madame…" Son regard se dirigea vers Cecily.
"Mademoiselle Forrester "
"Que Mademoiselle Forrester est très proche de la famille. Alors elle devra être incluse dans les mesures de sûreté en tout cas " Maintenant il avait sans aucun doute leur attention.
"Nous allions justement prendre le café " Apparemment, Carol-Anne Granger s'était souvenue de ses manières. "Voudriez-vous en aussi, Professeur?"
Il y eut un silence dans le salon, pendant qu'elle pouvait être entendue s'affairer dans la cuisine. Un silence et un examen minutieux et non dissimulé, qui rappelait étrangement à Severus trois animaux mesurant chacun la force des autres avant d'engager un combat ouvert. Il n'y aurait pas de lutte, cependant, il était assez sûr de cela.
Mme Granger revint avec la cafetière et quatre tasses sur un plateau, qu'elle posa sur la table basse. Crème, sucre et quatre verres d'eau complétaient l'image. "Eh bien?" dit-elle, lui tendant sa tasse, "je suppose que vous devez nous dire quelque chose d'important, ou autrement vous n'auriez pas pris la peine de venir ici "
A cette approche directe, Severus se permit le plus petit des sourires. "Oui, il y a en effet quelque chose d'une importance vitale. Le nom de Voldemort vous dit-il quoi que ce soit?" il se trouva que les Grangers étaient bien informés de ce qui se passait dans le monde des sorciers. Leur fille avait évidemment estimé qu'il n'était pas nécessaire de garder quoi que ce soit de secret. Tant mieux pour lui, comme cela il devait faire moins d'explications. "Il est revenu "
Peter Granger le regarda calmement de haut en bas. "Et pourquoi exactement nous dites vous cela? Quelles implications cela a-t-il pour nous?"
"Plus qu'une," répondit sinistrement Severus. "Premièrement, votre fille l'une des meilleures amies de Harry Potter, et cela seul serait assez pour que Voldemort la poursuive, elle et quiconque lui est cher. Malheureusement, il y a quelque chose d'autre, cependant "
"Et à l'évidence pire," remarqua sèchement Cecily Forrester.
"Je pense que oui. Je ne suis pas très au courant de la procédure pour adopter un enfant, alors pourriez-vous me dire exactement ce que les autorités ont dit sur sa provenance?"
"Pas grand chose" dit Mme Granger. "Je me souviens qu'ils nous ont dit que deux couples avant nous sur la liste ont renoncé à elle, parce que les circonstances de sa naissance étaient incertaines "
"Mmmhh…" Severus lui lança un regard pensif. "Et vous étiez prêt à prendre ce risque?"
"Bien sûr "
"Quels risques êtes-vous exactement prêts à prendre maintenant?"
Carol-Anne Granger haussa les épaules. "À peu près tous, je dirais. Quand il s'agit de la nature contre l'éducation, je crois en cette dernière. Etes-vous en train de dire qu'elle est la fille de Voldemort?" Sa voix était pleine de moquerie—évidemment qu'elle pensait qu'il dramatisait trop la situation.
"Non, mais votre supposition n'était manquée que de peu. C'est la fille de ses deux plus fervents partisans "
Le silence tomba à nouveau. Finalement, Peter Granger posa sa tasse avec un 'clink' brusque. "Cela signifie-t-il que ses parents biologiques voudront la ravoir?"
"Je ne pense pas qu'ils soient en état de vouloir ou de réclamer quoi que ce soit " Severus regarda de l'un à l'autre. "Considérant combien vous semblez bien informés, je suppose que vous savez ce qu'est Azkaban?" Les trois hochèrent la tête. "Ses parents ont passé le quatorze dernières années là-bas—on peut supposer sans danger qu'ils sont maintenant peu plus que des légumes sous forme humaine"
"Mais Sirius Black—"
"Sirius Black, Mademoiselle Forrester, est un Animagus —" Comment pouvait-il déclarer ce fait si naturellement, sans sentir plus d'émotions que s'il avait fait remarquer que le ciel était bleu? Peut-être le choc, pensa-t-il. Peut-être que le plein impact de tout ce qu'il avait vu ce soir le frapperait plus tard, quand il serait seul dans ses appartements…
"Et?" la voix de Peter Granger mit fin à ses pensées errantes.
"Et… je suppose qu'il est moins susceptible à l'influence des Détraqueurs quand il est sous sa forme animale. Un avantage que les Lestranges n'ont certainement pas "
"C'est leur nom? Lestrange?" Maintenant la voix de Mme Granger semblait un peu tendue.
"Oui. Et le nom de votre fille est Viviane Hermione Lestrange "
"Viviane…" Cecily Forrester le regarda longtemps et intensément. "Comme cela lui va bien…"
"Que cela lui aille ou pas, ce n'est pas notre principal soucis maintenant. Voldemort sait qu'elle existe, et tôt ou tard il la réclamera. Cette fille est une sorcière très puissante, et il ne renoncera certainement pas à la chance de la compter parmi ses partisans, surtout une fois qu'il aura découvert que ses parents sont devenus complètement inutiles "
Mme Granger secoua lentement la tête. "Qui que soient ses parents, et aussi puissant que puisse être Voldemort, il n'aura certainement pas ma fille "
Severus soupir. Ceci allait exactement comme il l'avait craint. Pas qu'il se soit attendu à une autre réaction, mais c'était ennuyeux néanmoins. "Je peux comprendre votre point de vue. Mais écoutez-moi tout de même " Tous trois le regardèrent, leurs expressions quelque part entre hostiles et résignées. "Vous pouvez avoir une meilleure idée du monde des sorciers que la plupart des Moldus, mais ne croyez pas, pas même une seconde, que vous pouvez imaginer ce que la magie peut faire—et je veux dire la magie puissante, pas les jolis petits charmes et sortilèges votre fille a appris jusqu'ici. Même si vous étiez préparés à vous cacher de l'autre côté du globe, ou à vous protéger vous et votre fille en tirant des coups de feu sur quiconque vient la réclamer… je vous conseille d'abandonner des idées de ce genre aussi rapidement que vous le pouvez " Inconsciemment, il avait adopté son ton de salle de classe, ce qui avait à l'évidence aussi son effet sur les Moldus.
"Je suppose…" Peter Granger se racla la gorge. "Je suppose que vous avez un plan?"
"Oui. Nous lui donnerons ce qu'il veut "
Les trois Moldus le dévisagèrent avec horreur.
ßßßß*ßßßß
La chair, le sang et les os. Comme le bleu, le rouge et le jaune—toutes les couleurs du spectre pouvaient être produites en mélangeant ces ingrédients simples. La chair, le sang et les os pouvaient être les ingrédients basiques de la beauté aussi bien que de la monstruosité.
"Severus…"
Où la voix était-elle partie? Cette voix attirante, mélodieuse… Severus tomba à genoux. "Mon Seigneur!"
"Il semble que je vous aie sous-estimé…" La voix d'un être quelque part entre mâle et femelle, sans gendre et presque sans visage, jamais mort mais pas tout à fait vivant… "je pensais que vous étiez trop lâche pour revenir, trop craintif pour vous glisser au loin sous le nez de Dumbledore…"
Tant d'années avaient passé, et il avait appris l'art de la diplomatie, de la flatterie soigneusement calculée. "Comme toujours, vous aviez raison, Mon Seigneur. Je n'ai pas eu le courage de partir immédiatement, bien qu'il fût difficile de résister à l'envie " Il entendit la prise rapide de souffle à travers des narines fendues, et s'attendait à moitié à ce qu'une langue fourchue en sorte pour le sonder. "Mais j'ai pensé que vous pourriez me pardonner, Mon Seigneur, bien que je ne le mérite pas "
Voldemort glissa de sa chaise et commença lentement à faire les cents pas. "Pardonner?" Il s'arrêta brièvement, comme s'il méditait la question, puis continua. "Oui, je suis d'une humeur assez clémente ce soir, Severus. Alors je pourrais même vous pardonner, si votre explication est satisfaisante "
Sa posture invariablement humble, son ton de voix onctueux, Severus répondit, "J'espère véritablement qu'elle l'est, Mon Seigneur. Puis-je parler?"
"Oui " Voldemort retourna à son siège. "Oui, enfant, vous pouvez parler. Levez vous "
Ignorant ses articulations douloureuses, Severus se leva, faisant attention de ne pas redresser trop ses épaules ou de soulever trop son menton—le défi n'était pas l'impression qu'il voulait créer. "Merci, Mon Seigneur. Je…" Une pause prudente, un homme apparemment accablé par ses émotions cherchant ses mots. Exactement ce que Voldemort aimerait—c'est-à-dire s'il était toujours aussi vaniteux qu'autrefois. Apparemment, il l'était, car un sourire mince fit friser ses lèvres presque inexistantes. "J'ai senti votre présence toute cette année scolaire. Et à partir du moment où le nom de Potter est sorti du gobelet, j'ai été convaincu que vous aviez trouvé un moyen…"Lentement, ne rompant jamais le contact oculaire avec ces alarmant iris rouges, il tomba de nouveau à genoux. "J'étais… après tant d'années, j'avais presque perdu ma foi…" Maintenant il ferma les yeux et inclina la tête. Un pénitent, attendant sa punition.
"Oouui…" Le serpent gigantesque, enroulé à côté du Seigneur des Ténèbres, leva la tête. "Vous n'étiez pas le seul, Severus " Les paupières sans-sourcils se fermèrent brièvement. "Pas le seul… Mais ai-je le choix? Il reste si peu de mes Mangemorts… Punition—" son visage se tordit en une parodie de sourire "—la punition devra attendre. Nous devrons tous être patients. Le garçon Potter s'est échappé, et, connaissant Dumbledore, nous devrons attendre notre heure. Pour le moment, je suis sûr que le garçon sera trop bien protégé pour que nous essayions quoi que ce soit. Pas que cela importe… Et il y a des affaires plus urgentes qui ont besoin de notre attention. Azkaban…"
Severus leva la tête. "En effet, Mon Seigneur. Black a réussi à s'échapper, mais—"
"Black!" Severus recula. C'était un terrain dangereux en effet. "Qui pensez-vous que vous trompez, Severus?"
"Mon Seigneur, j'étais si sûr—"
"Bêtise!" Une main osseuse et blanche fut agitée en un geste d'impatience totale. "Black n'était pas le traître. C'était Pettigrow, comme vous le savez bien!"
"Mon Seigneur, je jure… Comment pourrais-je l'avoir su? Il avait sa capuche, et était masqué, et après votre… après que vous étiez parti, il a transplané. Avec votre baguette…"
Les yeux rétrécis en fentes, Voldemort le regarda de haut en bas. "Avec ma baguette, en effet. Et l'année dernière, Severus? Pettigrow m'a tout dit —"
"Pettigrow a dit… mais, Mon Seigneur, Peter Pettigrow est mort!" Nul besoin de feindre la surprise à cela; cette nouvelle l'avait véritablement pris par surprise. Si Pettigrow était vivant, cela signifiait qu'il avait feint sa mort, ce qui signifiait… que Black, ce bâtard, était innocent après tout.
Voldemort caqueta. "Je suis parfaitement conscient du fait que vous le préféreriez mort. Cependant, il a quelque mérite, même si c'est dans un sens purement technique. Il a donné sa main droite ce soir, pour que je puisse exécuter le sortilège—pas qu'il ait beaucoup eu le choix. Sa seule autre option aurait été de servir de dîner à Nagini "
Alors Potter n'avait pas été délirant. Voldemort avait utilisé son sang et la chair de Pettigrow… Mais qu'obtenait-on en additionnant toutes ces informations? Le Seigneur des Ténèbres serait-il mieux protégé ou moins bien, maintenant que l'essence de l'amour de Lily coulait dans ses veines? Et la chair d'un traître—double traître, plutôt, parce qu'à l'évidence il n'avait pas dit à Voldemort que Black était un Animagus. Seulement pourquoi? Etait-ce du remord, ou cette vile vermine voulait-elle garder un atout dans sa manche? Mais il était temps qu'il parle maintenant, pour reprendre la conversation, afin de rassembler autant d'informations que possible. "Pardonnez-moi encore, Mon Seigneur. Mais j'étais submergé "
"Et ce naturellement " Voldemort lui fit un sourire impénétrable. "Comment va Alastor Maugrey?"
Un autre abîme qu'il devait traverser, utilisant un pont qui pourrait effondrer à n'importe quel moment. "Maugrey, Mon Seigneur? J'ai peur de ne pas—"
"Répondez seulement à ma question, Severus. Comment va Alastor Maugrey?"
Devait-il jouer la carte ou la garder pour l'utiliser plus tard? Quelqu'un aurait-il pu déjà le dire à Voldemort? Non, pas très probable. Maintenant qu'il pouvait être sûr que Black n'était pas le traître… Et Karkaroff s'était échappé avant que quoi que ce soit ait transpiré. Trois semaines pour préparer une autre fournée de Polynectar… huit jours jusqu'à ce que les vacances commencent…ils devraient gagner deux semaines de temps. Et alors, ils pourraient rapporter 'Barty' … ce serait un risque terrible. S'ils l'estimaient trop grand, cependant, ils pourraient toujours laisser la vérité s'échapper… "La dernière fois que je l'ai vu, Mon Seigneur, il semblait aller bien. Devrais-je… Voulez-vous que je l'élimine?"
"Pas encore, non. Peut-être plus tard, quand il sera retourné chez lui "
Ah, alors on ne devait pas lui dire le Grand Secret. Comme c'était intéressant. Le sens de ceci n'était que trop clair: il était probablement prévu que Barty Croupton l'espionne pendant les derniers jours d'école, déguisé en Alastor Maugrey, attendant que Severus laisse tomber une allusion, qu'il révèle où allait sa loyauté. Très astucieux en effet. Avec un peu de chance, cette arme pourrait être retournée contre Voldemort. "Comme vous le souhaitez, Mon Seigneur " Le non-sequitur était intentionnel, bien sûr. Soit il allait être congédié, soit il pourrait entendre plus de nouvelles intéressantes.
"Vous pouvez partir maintenant, Severus. Je—" y avait-il une trace d'épuisement dans sa voix? "—j'ai besoin d'être seul. La première étape a échoué, alors il est essentiel que la seconde soit bien préparée. Je vous appellerai dans quelques jours"
"Permettez moi de poser une question de plus, Mon Seigneur…" Severus jeta un coup d'œil vers le haut pour jauger la réaction de Voldemort. Une inclinaison insignifiante et impatiente de la tête, rien de plus. Il continua. "Aurez-vous besoin que je prépare des potions pour vous, Mon Seigneur? Je devrais prendre les précautions nécessaires…" pour la première fois depuis presque quatorze ans, il rencontra directement le regard de l'autre. Ces yeux, qui autrefois il y a très longtemps avaient été envoûtants, avaient perdu leur profondeur, semblaient à deux dimensions, plats et sans vie. Les yeux d'un reptile.
"Non, cela ne sera pas nécessaire. Pettigrow—"
"Pettigrow, Mon Seigneur?" Ceci était si absurde qu'il ne prit conscience d'avoir interrompu Voldemort qu'après avoir exprimé son doute. Il semblait plus amusé qu'irrité, cependant.
"Lui-même. Nagini semble l'avoir pris…en affection. Et il a simplement besoin de mélanger son venin avec quelques autres ingrédients. Même Pettigrow est capable d'exécuter une telle tâche "
Du venin de serpent pur, non distillé… le sang de Potter… la chair de Pettigrow… un os de Moldu… l'esprit de Severus tournait à fond. Il devrait penser à ceci, longtemps et soigneusement. Mais la sensation qui montait en lui quand il pensa à ce mélange était un pressentiment sinistre. Il n'aimait pas du tout cette combinaison. "Je suis content de l'entendre, Mon Seigneur. Y a t'il quoi que ce soit que je doive, ou que les autres doivent, faire de Karkaroff?"
Avec lassitude, Voldemort secoua la tête. "Non…" Il laissa échapper un souffle, lent et sifflant, quelque part entre un soupir et un sifflement. "Non. Il ne peut pas m'échapper, et il le sait. Laissez le se faire dévorer par la crainte et l'incertitude quelque temps—les derniers jours de sa vie seront amers… il n'appréciera pas sa liberté…" Les paupières de serpent battirent brièvement. "Partez maintenant, enfant. Laissez-moi méditer "
Luttant contre sa révulsion, Severus embrassa d'abord l'ourlet des robes du Seigneur des Ténèbres, puis sa main squelettique, avant de se lever et de transplaner.
ßßßß*ßßßß
Ils étaient tous morts de fatigue—Dumbledore, McGonagall et Severus—quand ils se rencontrèrent dans le bureau du Directeur à l'aube.
"Azkaban…" marmonna Dumbledore, après que Severus eut fini son rapport. "Tout comme je l'ai dit à Fudge "
"Il veut libérer St.Jean et Tabitha. Et quelques autres aussi "
McGonagall, qui avait des difficultés à garder les yeux ouverts, hocha la tête. "Oui. Et autant que je puisse en juger, nous ne pouvons rien faire pour empêcher cela "
"Je n'en suis pas si sûr " Les deux autres tournèrent vivement la tête pour regarder Severus. "Nous devrions agir très bientôt. Et très vite "
"Que voulez-vous dire exactement?" la voix de McGonagall était légèrement enrouée—elle ne criait, et la scène avec Fudge dans l'Infirmerie avait à l'évidence fatigué ses cordes vocales.
"Je veux dire," Severus se laissa tomber dans son fauteuil et redressa ses épaules "qu'il est difficile, mais pas impossible, de faire en sorte que les Détraqueurs embrassent tous ceux qui sont emprisonnés là-bas actuellement"
"Mais cela ne résoudrait le problème qu'en partie," objecta Dumbledore. "Et pas la partie la plus importante. Je consens que ce serait très utile de se débarrasser des Lestranges et des autres Mangemorts, mais que fait-on des Détraqueurs eux-mêmes?"
"Hmm…" Severus médita ceci. "Oui, c'est bien sûr exact. Je—" il se sentit inondé par une vague de désespoir et de frustration "—je ne sais pas," termina-t-il de manière boiteuse, passant une main dans ses cheveux.
"Aucun de nous ne le sait, Severus. Ceci est une tâche en apparence impossible pour chacun d'entre nous, et je ne m'attends pas à ce que qui que ce soit trouve la panacée toute-puissante pour tout ce soir. Ou tout autre jour, à cela" Dumbledore lui fit un sourire fatigué. "Je pense qu'il serait mieux d'imaginer le pire scénario et d'essayer de trouver des façons faisables d'y faire face. Si l'imprévu arrive, et les choses vont mieux que nous ne le pensons—eh bien, nous ne nous plaindrons certainement pas. Quelqu'un veut du café ?"
Severus et McGonagall hochèrent la tête.
Ils restèrent assis en silence jusqu'à ce que Kitty, l'Elfe de Maison infatigable, soit partie. Alors, Dumbledore prit la plume d'oie et le parchemin. "Je suggère que nous fassions simplement une liste de… eh bien, des pires cas, et alors que nous essayions de chercher des solutions, point par point. Poudlard, je dirais " Il nota le premier point et leur jeta un coup d'oeil interrogatif.
"Azkaban," articula McGonagall avec des lèvres pincées. Dumbledore hocha la tête et écrivit.
"Les nouvelles recrues," fournit Severus. "Et Mademoiselle… euh, Granger "
McGonagall fronça les sourcils. "Quel est le problème avec Mademoiselle Granger?"
Découvrant ses dents en une tentative de sourire, qui n'était pas tout à fait réussie, Severus se tourna vers elle. "L'heure d'une petite poussée d'adrénaline, n'est-ce pas?" du coin de l'oeil, il vit Dumbledore secouer la tête négativement. "Eh bien," dit-il, s'adressant au Directeur, "j'en ai déjà eu assez pour ce soir " Puis, s'adressant de nouveau à McGonagall, "C'est la fille de St Jean et Tabitha Lestrange "
"Cela—" McGonagall avala convulsivement et pâlit. Avec des mains tremblantes, elle ôta ses lunettes. "Cela explique… oh Dieux," marmonna-t-elle faiblement, "ils voudront la ravoir, n'est-ce pas?"
"Cela n'est pas mon principal souci. Ce qui m'inquiète vraiment est que Voldemort sera très intéressé par elle "
"Bien sûr…" McGonagall inspira à fond. "Mais que pouvons-nous—"
"Je pense qu'il serait mieux que nous terminions d'abord la liste," l'interrompit Dumbledore. "Alors nous essaierons de penser à des mesures possibles, point par point "
La liste s'allongea de plus en plus. Plus de café fut commandé, et à six heures les premiers rayons horizontaux du soleil du matin illuminèrent trois visages tirés, blêmes.
"Bien alors," commença Dumbledore, "et Poudlard?"
"Fudge vous fera renvoyer," déclara simplement Severus.
"Oui, il le fera probablement. Les Gouverneurs—"
Il y avait un bord d'irritation à la voix de Severus quand il l'interrompit, "Voyant comment Lucius a été vidé il y a deux ans, nous ne pouvons rien faire pour les influencer"
Dumbledore hocha la tête. "En effet. Consentirait-il si je lui demandais d'être mon successeur?"
Severus et McGonagall le regardèrent tous les deux bouche bée. "Malfoy?" McGonagall se pencha en avant, les coudes posés sur le bureau du Directeur. "Albus, vous devez avoir perdu la tête! Après tout ce qu'il a fait—"
"Je pense que le Directeur et Lucius ont détendu l'atmosphère il y a quelque temps," l'interrompit Severus, se gagnant facilement un regard incrédule de la part de sa confrère. "Fudge serait heureux, bien sûr," marmonna-t-il, plus pour lui-même que pour les deux autres, "Et Narcissa et Sélène pourraient habiter ici, en sécurité à Poudlard. Mais et Potter? Il n'y a pas moyen que Voldemort n'exige pas qu'il soit mené à lui immédiatement "
"Harry restera ici jusqu' au début des vacances. Comme vous l'avez dit, il n'y a pas de danger immédiat pour lui. Je dois contacter quelques amis ces jours-ci, et je pense que nous pouvons l'amener après cela dans un endroit sûr où il pourra continuer son entraînement "
Severus hocha la tête. "Cela semble raisonnable, oui. Et vous?"
"Hmm…" Dumbledore regarda les deux professeurs avec des yeux à moitié fermés.
"Considérant le fait que Poudlard va être bien protégé…"
En effet, pensa Severus. Faites confiance à l'astucieux vieux renard pour trouver la manière la moins orthodoxe mais aussi la plus efficace de sortir d'un dilemme. Avec Narcissa et une Sélène de deux ans et demi vivant ici au château, il pourrait être sûr que Lucius ferait n'importe quoi en son pouvoir, non négligeable, pour assurer leur sécurité, et ainsi celle des élèves et du personnel. Bien planifié en effet. McGonagall, semblait elle aussi avoir compris. "Raisonnement très impressionnant," dit Severus, "mais—" il pencha la tête vers sa confrère "—et nous deux ?"
Le Directeur leva les sourcils. "Oh, je suis sûr que Lucius trouvera un moyen de convaincre Fudge de vous garder " Il ôta ses lunettes, ses yeux flamboyant maintenant de pouvoir. "J'ai appris de mes erreurs passées, Severus. Pendant la première montée au pouvoir de Voldemort, j'hésitais à recourir aux mesures les plus désespérées. Je ne répéterai certainement pas cette erreur. Si Fudge doit être mis sous Imperius, pour ne pas sortir du droit chemin, ce sera Imperius. Nous devons protéger cette école, et nous devons être unis contre les Ténèbres. C'est ce qui compte, et rien d'autre "
"Surtout s'il y en a d'autres pour faire le sale travail pour vous "
"Je n'ai jamais dit que Lucius devra lancer la malédiction "
Quelque temps, il y eut le silence, comme chacun d'entre eux luttait pour s'accommoder d'une nouvelle situation qui allait probablement mettre leur monde à l'envers. "Très bien," dit lentement Severus, "Alors je suggère que nous discutions du point suivant. Mademoiselle Granger "
