CHAPITRE 02
Il aurait troqué dix ans de sa vie contre douze heures de sommeil, mais Severus était bien conscient qu'il n'en aurait probablement pas du tout. Pas avant au moins seize heures de plus. Il devrait prendre quelque potion de vigilance, se dit-il sur le chemin de retour à ses quartiers. Peut-être qu'une douche et un changement de vêtements, combinés avec beaucoup de café et quelque petit déjeuner léger suffiraient à restaurer son énergie faiblissante.
Il marcha le long de couloirs tordus et d'escaliers montant, son esprit trop engourdi et trop sur-alerte pour qu'il puisse poursuivre ne serait-ce qu'une pensée claire. S'il avait connu l'expression Moldue, il aurait reconnu qu'il se déplaçait au pilote automatique. Finalement, il arriva à l'intersection où il devait tourner à droite, pour atteindre le cul de sac où une tapisserie cachait l'entrée de ses appartements dans la Tour Serpens. Pas pour la première fois, il regretta de ne pouvoir que traverser cette tapisserie et non y entrer, se coucher dans l'herbe succulente et lever les yeux vers le baldaquin de feuilles fantastiquement hypertrophiques, et s'endormir bercé par la chanson des dryades.
La chanson des… Il s'arrêta net et écouta.
Soit il était délirant de fatigue, pensa-t-il, secouant la tête dans une tentative d'éclaircir son esprit, soit les dryades chantaient vraiment. Ses yeux, qui avait perdu une partie de leur acuité avec les années, se rétrécirent quand il scruta le fond du couloir éclairé par des torches. Oui, il y avait quelque chose—quelqu'un? Il était difficile de le reconnaître de cette distance—par terre. Grâce au sortilège étouffant le son qu'il appliquait toujours à ses souliers, ses pas ne firent pas même de bruit quand il accéléra son allure, et ainsi il pouvait entendre la chanson devenir plus distincte comme il s'approchait. Les dryades chantaient, une mélodie sans mots, si différente de n'importe quel air que quelque compositeur humain que ce soit ait jamais créé. Cela ressemblait au son de gouttelettes épaisses et brillantes de pluie d'été frappant doucement le luxueux feuillage vert, et au bruit que faisait la brise du soir quand elle passait furtivement dans l'haute herbe. Calmant et doux, invitant au sommeil et au doux oubli…
Il trébucha et se rattrapa juste à temps. Personne ne venait jamais ici, ou ils auraient été étonnés de le voir sourire devant l'attraction irrésistible de la berceuse.
Les dryades le virent arriver et arrêtèrent de chanter. Le tas de tissu noir à leurs pieds commença à bouger, se déroula et grogna. Une tête blonde émergea.
"Drago?" Ce garçon avait le mot de passe pour entrer dans ses chambres, pourquoi n'était-il pas entré? "Drago? Que fais-tu ici dehors dans le couloir?"
Le garçon se leva maladroitement—probablement qu'il avait mal partout après son séjour prolongé sur le sol de pierre froide, pensa Severus —et il se frotta les yeux. "Oncle Severus … désolé, je… je n'étais pas sûr que tu veuilles que je rentre à l'intérieur—" Un bâillement énorme coupa quoi qu'il ait voulu ajouter.
Severus secoua la tête de désapprobation. "Tu vas attraper la mort, idiot. Viens—" à un geste de sa main, les dryades firent apparaître le sentier, et les deux sorciers passèrent la tapisserie et entrèrent dans la tour "—je n'ai pas beaucoup de temps, mais nous pouvons prendre le petit déjeuner et parler"
"Merci " Drago lui lança un timide coup d'œil de côté. "Est-ce que … tu vas bien?"
"Oui, et s'il te plaît ne me dis pas j'ai l'air horrible, parce que je le sais déjà " Il ouvrit l'entrée de ses appartements. "Maintenant, si tu veux bien m'excuser, je vais prendre une douche rapide. Tu peux appeler Peggy et commander le petit déjeuner entre-temps " Drago hocha la tête. "Je prendrai seulement quelques tranches de pain grillé et des fruits frais, de préférence des fraises et des pêches."
Avec un bref sourire et une tape sur l'épaule, il laissa le garçon dans le salon et se dirigea vers la salle de bains. Ah, le plaisir de se débarrasser de ces vêtements…
Il n'était d'habitude pas enclin à transpirer—la chaleur, qu'elle soit produite par le soleil ou un chaudron bouillant ne l'affectait pas beaucoup. Mais aujourd'hui, sa chemise s'accrochait à son corps, trempée de transpiration. Severus plissa son nez. La tension n'était pas favorable aux odeurs agréables, certainement pas. Une chiquenaude de sa baguette repoussa les objets offensant, tout depuis ses sous-vêtements au manteau de robe, dans le panier à lessive, et il entra dans la large baignoire. Un "Tempesta Frigida!" marmonné fit se rassembler les nuages qui dérivaient à travers le plafond animé et les fit virer à un léger gris. Une seconde plus tard, il s'étrangla et grimaça sous l'assaut d'eau froide, mais au moins cela le faisait se sentir légèrement plus éveillé. Il changea alors la température à un chaud bouillant et une fois de plus à un froid glacé, avant de quitter la baignoire et de se sécher avec une serviette. Après avoir mis des vêtements frais, desquels émanait un faible arôme de cèdre et de lavande, grâce à Peggy, il se sentait presque bien.
Drago avait déjà bien entamé le lard et les oeufs quand Severus émergea de la porte de la chambre à coucher. "Désolé," dit-il et il rougit légèrement, "mais je ne pouvais plus résister "
"Entièrement compréhensible "Severus se versa un café et, tout en mettant une petite quantité de beurre sur une tranche de pain grillé, il scruta le visage du garçon. "Alors, à quoi dois-je l'honneur de ta visite?"
Drago le regarda avec de grand yeux argentés. "Cela doit être évident, n'est-ce pas?" il était dur de ne pas sourire à cette vue—ce garçon ressemblait tellement à son père au même âge. "Qu'est-ce qui s'est passé? Personne ne sait quoi que ce soit, ce qui veut dire, bien sûr, que les rumeurs circulent à tout va "
"Je vois "Severus prit une première bouchée prudente. Nul besoin de trop charger son estomac déjà mal à l'aise. "Et que disent les rumeurs, je te prie?"
Le couteau de Drago exécuta quelque chose qui ressemblait à un huit en l'air, un geste de renvoi nonchalant. "Oh, les suppositions normales et sans cervelle. Nul besoin d'entrer en détail là-dedans " Il fronça les sourcils. "Ou bien est-ce que tu ne peux pas me le dire?"
"Je ne peux pas tout te dire, non " Il laissa son oeil balayer l'assortiment de fruits, accumulés dans un panier d'argent. "Mais—à condition que tu promettes de tenir cela secret…" les yeux noirs se lièrent aux yeux gris argenté.
"Bien sûr. Tu sais que je le ferai si tu me le demandes "
"Très bien " Une pêche, plutôt petite mais aromatique et succulente, trouva son chemin jusqu'à son assiette. Severus ramassa les couverts. "Voldemort est de retour "
Oui, pensa-t-il, surveillant la réaction du garçon, Drago avait beaucoup appris au sujet de garder contenance, surtout pendant cette année scolaire. Il était certainement étonné, mais avait réussi à maintenir son sang-froid, seul le bref rétrécissement de ses pupilles trahissant son émotion. "Alors c'est là qu'est allé père "
"Oui, et Owen aussi. Et moi, même si c'était un peu plus tard "
"Et Potter? Est-il—" un muscle se convulsa sur la tempe neigeuse "—mort?"
"Non. Non, il n'est même pas gravement blessé. Physiquement, du moins. Diggory est mort "
"Ah les Gryffondors, les Poufsouffles et leur stupide, stupide magnanimité!" siffla Drago. "Si notre plan brillant avec Skeeter avait marché…"
"Eh bien, il n'a pas marché. Les chances pour qu'on refuse la participation à la troisième tâche à Potter étaient minimes en tout cas. Bien que cette horrible femme ait fait un assez bon travail…"
Drago sourit. "En effet. Mais où est- il allé après avoir touché cette coupe? C'était un portoloin, n'est-ce pas?"
Il fit à Drago un bref résumé de ce qui s'était passé.
"Tu n'as pas encore parlé à père, n'est-ce pas?"
Severus secoua la tête. "Non, mais je suis sûr que Voldemort m'aurait dit si quoi que ce soit de sérieux lui était arrivé " Maintenant les mains du garçon tremblaient, remarqua-t-il. Il était toujours plus facile de garder le contrôle sous la tension qu'après son départ.
Après un petit moment, Drago continua son interrogatoire. "Des idées sur ce qui va se passer maintenant?"
"Des idées, oui, mais rien que je veuille te dévoiler à l'instant. En plus, je dois rencontrer le Directeur—" il jeta un coup d'oeil à sa montre "—dans une demi-heure. Avant cela, je dois parler à tes camarades de Maison " comme sur un signe, le Baron Sanglant entra en flottant à travers le mur à leur gauche. "Ah, Baron. Bonjour "
Le spectre inclina la tête. "Bonjour à vous, Professeur Rogue. M. Malfoy "
"Baron, auriez vous la gentillesse de dire aux Serpentards de se rassembler dans la Salle Commune dans dix minutes? J'ai besoin d'eux tous, alors peut-être que vous devrez les attraper dans les couloirs et au petit déjeuner "
"Bien sûr, Professeur. Je suppose que nous parlerons plus tard?"
"Certainement "
Le fantôme disparut, et Drago se leva de son siège. "Alors je ne te retiendrai pas plus longtemps. En plus, mon examen de Sortilèges commence à neuf heures trente."
"Bonne chance, Drago. Oh, et—" Drago, déjà à la porte, se retourna. "—Essaye de ne pas trop t'inquiéter. Si j'ai le temps, j'enverrai le Baron pour t'appeler ici ce soir "
Drago hocha la tête et quitta la pièce. Fronçant les sourcils à la cantonade, Severus se versa une dernière tasse de café. Ils avaient discuté de la stratégie qu'ils allaient utiliser avec Fudge; chacun savait quel rôle il devait jouer. Si le Ministre était son soi normal et prévisible, tout devrait se passer en douceur.
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Le mot de passe d'aujourd'hui était "Sundae Fraise", et Severus le prononça avec tant de venin que la gargouille lui lança un regard légèrement alarmé.
Contrairement à ses espérances, McGonagall n'était pas encore arrivée.
"Elle sera ici à temps," dit Dumbledore, qui avait l'air remarquablement plus gai, considérant son âge, le manque de sommeil et la tension sous laquelle il devait être. "Je voulais simplement avoir un mot avec vous en privé. Asseyez-vous, s'il vous plaît "
Les sourcils de Severus se haussèrent, mais il ne fit pas de commentaire. Quand Dumbledore souleva la théière en une question silencieuse, il hocha la tête et tendit sa tasse.
"Je suis sûr," commença Dumbledore, "que vous vous souvenez des événements d'il y a presque exactement un an?"
"J'espère que cette question est rhétorique," grogna Severus.
"Eh bien, oui, c'en est une. Nous… n'avons jamais vraiment parlé de ce malentendu lamentable, cependant "
"Malentendu? Directeur, votre choix de mots ne semble pas être très fortuné ce matin, je dois le dire. Cependant—" il prit une petite gorgée de son thé et garda ses yeux rivés sur l'autre sorcier par-dessus le bord de sa tasse "—je suis maintenant convaincu que Black était innocent. Quant au reste…" Il laissa le fil de la conversation pendiller entre eux. Dumbledore devait le prendre et dire ce qu'il y avait à dire. Il ne commencerait certainement pas à se lamenter ou à se plaindre.
"Le reste, oui. C'est exactement ce dont je voulais vous parler. Je vous dois des excuses, Severus "
"Ah bon?"
"Oui, je vous en dois, et je suis bien conscient qu'elles viennent de manière tardive—en espérant que ce n'est pas trop tard "
Eh bien, il n'allait sans aucun doute pas absoudre le vieil homme avant même qu'il ait avoué. "Je suis très curieux de l'entendre, Directeur "
Dumbledore inclina la tête et lui fit un petit sourire. "Pour permettre à Mademoiselle Granger de suivre tous les sujets supplémentaires pendant sa troisième année, elle a reçu un retourneur de temps "
"Excusez-moi, mais—" Il s'arrêta à mi-phrase. Granger. Elle aussi avait été à l'Infirmerie avec ce Potter infernal. "Etes-vous en train de suggérer que cette fille l'a utilisé pour—"
"Suivant mon ordre explicite, oui. Elle et Harry sont remonté dans le temps, de trois heures si je me souviens bien, ont sauvé l'hippogriffe et l'ont utilisé pour voler jusqu'à la Tour Ouest et faire sortir Sirius de cette salle. C'était la seule chose que je pouvais faire à ce moment là—Fudge n'aurait jamais—"
"Vous avez envoyé deux enfants pour aider Black à s'évader? Après tout ce qu'ils avaient traversé ?"
Dumbledore haussa les épaules. Il avait l'air… défait, pensa Severus. "Qui d'autre aurais-je pu envoyer? Remus était absolument hors de question, voyant qu'il errait en tant que loup-garou dans la Forêt Interdite. Et personne d'autre ne croyait que Sirius était innocent. Le retourneur de temps fournissait un alibi parfait…"
Severus renifla. "Oui, certainement. Un alibi parfait, et une autre occasion pour Potter et Granger de faire éclater leurs égos. Comme s'ils en avaient besoin!"
"Même vous ne pouvez pas nier qu'ils ont été courageux—"
"Bêtise, Directeur!" c'était une interruption grossière, mais Severus ne s'en souciait pas vraiment. "À cet âge, et surtout quand on est un Gryffondor, on n'est pas courageux! On ne connaît pas les risques, c'est tout. Cependant, j'accepte vos excuses "
Le silence qui s'ensuivit fut rompu par un coup frappé à la porte du bureau, et Minerva McGonagall entra. "Fudge vient d'émerger de son attelage," annonça-t-elle, "je l'ai vu par la fenêtre du couloir" Les deux hommes hochèrent la tête. "Y a-t-il… euh, un problème?"
"Pas vraiment, Minerva," répondit Severus, de manière plutôt sinistre. "Je viens d'avoir l'honneur d'être mis dans le secret de l'évasion de Black l'année dernière" les lèvres de McGonagall se pincèrent encore plus qu'à la normale, et elle parut sans aucun doute gênée. "Je ne comprends absolument pas comment vous avez pu donner un retourneur de temps à cette petite bosseuse voulant trop en faire, franchement," continua-t-il. "Je veux dire, vous devriez avoir su qu'elle se surmènerait. A la fin de l'année dernière, elle était à moitié folle de fatigue. Seulement je n'avais aucune idée de la raison. "
"Eh bien, je n'ai certainement," McGonagall commença ce qui se serait probablement transformé en une tirade de self-défense, si un frappement bruyant à l'entrée ne l'avait pas interrompue.
Tous trois échangèrent un dernier coup d'oeil de compréhension avant que Dumbledore aille ouvrir la porte.
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Cornelius Fudge transpirait abondamment, et Severus vit cela avec satisfaction.
"Maintenant écoutez là, Albus," dit-il, essuyant son front et regardant inconfortablement de l'un à l'autre, "je ne demande vraiment pas tant. Il vous suffit d'arrêter de protéger Harry Potter—après tout, ce garçon semble avoir un problème sérieux et il serait mieux soigné à Ste. Mangouste…" Il s'arrêta, attendant évidemment un commentaire, qui ne vint pas. Les trois restèrent silencieux, écoutant avec une politesse glacée. "Comme je le disais," Fudge reprit son discours, " il y a Potter et… eh bien, je suppose que vous devriez accorder une interview à la Gazette des Sorciers, seulement pour répondre à quelques questions… les gens auront, bien sûr, envie de savoir…" Maintenant il paraissait tout à fait désespéré.
"Cornelius…" Dumbledore ôta ses lunettes et se pencha légèrement en avant. Le Ministre essaya à l'évidence d'éviter son regard, échoua, recula, et commença à trifouiller son chapeau melon. Severus et McGonagall échangèrent un regard de sadisme silencieux. "Depuis combien de temps nous connaissons-nous, Cornelius?"
"Je… eh bien, ce n'est pas… depuis assez longtemps, je suppose "
"Un temps long, en effet. Et vous devriez savoir maintenant que je ne vous donnerai jamais, ni à qui que ce soit d'autre, un coup de main pour obscurcir la vérité, s'il est forcé que l'ignorance soit nuisible "
Le visage du Ministre passa de rouge à pâle. "Comment osez-vous…"
Il n'alla pas plus loin, parce que Dumbledore se leva. "Comment j'ose? Mon cher Cornelius, ceci est complètement hors de propos. Il n'y a qu'une seule question, et vous pouvez seulement y répondre par oui ou par non: me croyez-vous?"
De sa position assise, Fudge devait regarder vers le haut à moins de vouloir donner l'impression d'être un première année soumis. Lentement sa tête se leva, jusqu' à ce que ses yeux rencontrent ceux du Directeur. "Croire… il n'y a pas besoin d'exprimer cela si brusquement, vraiment Albus, je—"
"Me croyez-vous, Cornelius?"
"Non!" Le poing potelé du Ministre frappa l'accoudoir de son siège. "Non, je ne vous crois pas!" Il se leva, si brusquement que sa chaise se renversa et cliqueta sur le sol. "Et si ceci est votre dernier mot, je n'ai pas d'autre choix que de vous ôter de ce poste! Comprenez-vous?"
"Vous étiez très peu ambigu "
"Très bien " Fudge s'empara de son chapeau et de son manteau. "Il ne reste plus rien à dire, alors "
Avec un petit clin d'oeil aux deux enseignants, Dumbledore prépara le dernier coup. "Juste un mot, Cornelius. Ne confiez pas cette école à de mauvaises mains. Pas dans des temps comme ceux-ci…"
"Qu'il y ait une telle chose que 'des temps comme ceux-ci'," claqua Fudge, "n'est rien qu'un produit de votre imagination paranoïaque. Alors vous m'excuserez maintenant," il hocha courtement la tête vers les autres "j'ai des obligations pressantes. Bonjour à vous!" Et sortit de la salle en coup de vent.
"Eh bien," dit Dumbledore, caressant sa barbe, "je pense que cela s'est plutôt bien passé, n'est-ce pas?"
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Après le coucher du soleil glorieux et rouge sang de la veille au soir, le temps d'aujourd'hui était aussi bon qu'il avait promis de l'être, et ainsi Severus décida de penser dehors, sur les terrains . Sur son chemin, il rencontra Sibylle en traversant le couloir d'entrée.
"As-tu déjà parlé à Owen?"
"Oui," dit-elle, essayant de démêler ses cheveux d'une boucle d'oreille particulièrement voyante. "Il m'a parlé de la réunion d'hier soir —merci "Severus, tout en roulant des yeux, avait donné une tape pour éloigner sa main et faisait un travail bien plus efficace pour défaire le noeud. "Es-tu occupé, ou pourrions-nous parler un moment?" au lieu de répondre, il lui offrit son bras.
Ils tracèrent leur chemin dans l'herbe haute qui leur arrivait au genou, descendan la pente et passant devant les serres, jusqu'à ce qu'ils arrivent au bord de la Forêt Interdite. Il faisait beaucoup plus frais ici, et après que Severus eut conjuré une couverture, ils s'assirent à l'ombre. Il lança un coup d'oeil prudent alentour et, ne voyant aucun élève à proximité, ôta ses robes d'enseignant. Réflexion faite, il ôta aussi son manteau-robe. L'examen de fin d'année en Sortilèges allait durer au moins encore une heure, alors il n'y avait pas de danger d'être espionné par des élèves curieux.
"Des nouvelles?" demanda-t-il à Sibylle, qui lui lança un regard confus. "Sur le plan de la Divination, je veux dire"
Elle secoua la tête, attrapant ainsi à nouveau ses cheveux dans le filigrane de métal de sa boucle d'oreille. "Oh, merde…"
"Eh bien, pourquoi est-ce que tu n'attaches—" il se pencha pour l'aider à nouveau "— pas cette tignasse? Ou la remontes?"
Sibylle lui sourit. "Je te ferai mon conseiller d'honneur** pour mes cheveux." Une chiquenaude de sa baguette s'occupa du problème, et son expression redevint sérieuse. "Pour répondre à ta question, non, je n'ai rien vu de clair. Peut-être que j'étais trop tendue et excitée "
"Hmm…" Severus s'allongea sur la couverture et regarda vers le haut dans les feuilles dansant doucement . "Si tu avais un peu plus d'informations, penses-tu que cela pourrait aider?"
"Cela ne ferait certainement pas de mal " Elle imita son mouvement et s' étendit à côté de lui. "A quel genre d'information pensais-tu?"
Il étouffa un bâillement. "Au sujet de Voldemort, bien sûr. Tu vois, j'ai quelques petits morceaux, seulement je n'arrive pas à voir comment qu'ils s'assemblent "
"Alors tu ferais mieux de m'en parler "
"D'accord " Il étendit le bras pour attraper ses robes et les plia pour former un coussin qu'il mit sous sa tête. "Il semble que Voldemort ait exécuté le rite de Mortus Redivivus hier soir "
"Le—" Elle se souleva sur son coude droit. "C'est la plus sombre des Magies Noires, n'est-ce pas?"
"Oh oui, ce l'est. Je me souviens d'avoir lu quelque chose à ce sujet il y a quelques années, et ce que Potter a dit à Dumbledore hier a confirmé mes souvenirs. D'habitude, il est exécuté immédiatement après la mort de la personne en question, pour attraper l'esprit avant qu'il ne parte. En tout cas," il ajusta l'oreiller de fortune "il faut les ingrédients suivants: les os d'un parent de sang, un morceau de chair d'un serviteur—ceci est bien sûr voulu dans un sens très vague, car un ami loyal fera tout aussi bien l'affaire "
"Et Voldemort en a beaucoup," remarqua sardoniquement Sibylle.
"Il semble qu'il l'ait pris plus littéralement. Et puis, il faut le sang d'un ennemi "
"Ah," dit-elle, "C'est là que Potter entre en jeu "
"Exactement. Mais c'est un jeu du sort à résoudre—pardonne le jeu de mots. Parce qu'il a dû utiliser les os de son père, et cet homme était un Moldu. Plus un morceau de Peter Pettigrow, et le sang de Potter. Ce qui veut dire que les ingrédients sont fondamentalement les bons, mais d'une manière ou d'une autre ils ne vont pas ensemble "
Le front plissé de profonde pensée, Sibylle tira sa baguette et conjura deux verres de limonade. "Laisse moi formuler cela clairement," dit-elle. "La mère de Potter lui donnait cette potion, exact?" Il hocha la tête. "Uh-huh. Et tu penses qu'il pourrait y en avoir des résidus dans son sang?"
"J'en suis assez sûr, oui "
"Pettigrow a-t-il quoi que ce soit de spécial?"
Severus s'assit et s'empara du verre, qui planait dans l'air devant lui. "Eh bien… oui, je pense. Tu vois, Pettigrow semble être une sorte de joker. Il est parfaitement clair qu'il a trahi les Potters. Je t'ai déjà dit que Black est un Animagus?"
"Oh," dit Sibylle, "Eh bien, ceci explique cela "
"Qu'est ce que cela explique?"
"Pourquoi j'ai vu des animaux quand j'ai lu leur avenir "
"Tu as lu leur avenir? Pour ces idiots?"
Elle haussa les épaules. "Eh bien, oui, ils ont payé pour, après tout "
Severus renifla. "Je vois. Non olet— le vieux Tibère était un homme très sage. Quels animaux as-tu vu, alors?"
"Un cerf pour Potter, un Sinistros—tu sais, c'est probablement ce qui m'a mis sur une fausse piste. J'ai pensé que ce que je voyais pour Black était un Sinistros, alors que c'était à l'évidence sa forme d'Animagus "
"Oui, ce l'est. Je l'ai vu moi-même hier soir. Un grand chien noir hirsute. Facile de le confondre avec un Sinistros "
"En effet. Et pour Pettigrow j'ai vu un rat "
"Eh bien, si cela n'est pas…" Il donna une chiquenaude de sa baguette au verre vide, qui disparut. "Penses-tu que cela signifie que lui aussi est un Animagus?"
"Il l'est probablement. Quoi qu'il en soit, tu voulais me dire autre chose "
"Oui, bien sûr. Ce que je voulais dire était que Pettigrow est certainement un traître et un lâche, mais il n'a pas dit à Voldemort que Black est un Animagus "
"Remords? Mauvaise conscience?" suggéra Sibylle.
Severus lui rit au nez. "Pas du tout probable, je dirais. En tout cas, il n'est pas exactement loyal. Et tout cela me fait me demander…" Il regarda dans l'espace, sentant ses paupières devenir de plus en plus lourdes.
"Intéressant… Alors la question est de savoir si ces pièces d'une manière ou d'une autre défectueuses pourraient avoir influencé l'effet du rite, et au cas où elles l'aient fait, si c'était à l'avantage de Voldemort ou à son désavantage "
Pas qu'il le lui aurait dit, mais Severus était reconnaissant de cette formulation concise. "Oui. C'est la question brûlante. Sa chair le trahira-t-elle, ses os seront-ils trop faibles et son sang le détruira-t-il lentement? Ou pourra-t-il transformer l'élément d'antagonisme en quelque chose d'encore plus fort, qui marche en sa faveur?"
Elle remua la tête. "Je suppose que c'est difficile à déterminer. Plus mon champ d'expertise qu'une question purement scientifique, je dirais. Mais ce ne sera pas facile, considérant le fait qu'il n'est pas exactement ce que l'on pourrait appeler une personne. Je me demande si je peux établir une connexion. Potter serait extrêmement utile…"
"Devine en trois fois s'il consentirait. J'ai peur que tu doives te débrouiller sans lui "
Rien n'était plus clair, ni bien défini. Ils devraient se fier à une voyante pour obtenir quelque chose ressemblant à une indication. Trop de questions restées sans réponse, trop d'incertitudes devant eux… Et ils ne s'étaient pas même encore occupés du problème avec Croupton.
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Les réunions au bureau de Dumbledore devenaient une sorte de mauvaise habitude maintenant. Seulement sept heures après la rencontre avec Fudge, Severus y était à nouveau, buvant plus de café et essayant de rester éveillé. Lucius et Owen s'étaient aussi joint à eux, ayant tous les deux l'air tout sauf heureux.
Lucius avait l'air d'être particulièrement fâché— et de manière peu surprenante, car Fudge lui avait déjà proposé le poste de Dumbledore. Maintenant, il regardait le Directeur avec colère, Directeur qui avait pris possession d'une assiettée d'éclairs** à la fraise. "En supposant que j'accepte cette offre absurde," dit-il lentement, "Qu'est ce que cela vous rapporte?"
"Eh bien, je crois que c'est assez évident, n'est-ce pas?" répondit Dumbledore, lui faisant un sourire indignement joyeux. "Je serais libre d'agir comme je l'estime approprié, sans aucune contrainte politique et sans être obligé de craindre quelque répercussion que ce soit pour Poudlard "
"Je vois " Lucius fit léviter un des éclairs, transforma la crème de fraise en mousse au chocolat et le dirigea vers sa propre assiette. "Ce qui m'inquiète est que Voldemort pourrait vouloir que j'exécute quelques changements radicaux, surtout à propos des demi sangs et des Sang-de—euh, Nés de Moldus."
"Bien sûr, il faut seulement s'y attendre. Mais je suis sûr que vous serez plus que capable de vous occuper de cela "
La fourchette de Lucius s'arrêta net deux centimètres au dessus de son éclair**. "M'occuper de cela? Il me donnera l'ordre de les tuer, et vous n'avez rien d'autre à dire?"
"Vous pourriez le convaincre que les enlever est la meilleure solution au problème "
"Vous voulez dire les repousser vers une autre école?"
"Exactement. Je préparerais, bien sûr, le terrain pour une telle manoeuvre, je parlerais à leurs parents pour essayer de les convaincre que quitter le pays serait mieux pour eux "
"Vous devriez faire plus de travail préliminaire, Directeur," intervint Owen. "N'oubliez pas les Ministres de la Magie de ces pays où ils pourraient chercher asile "
"Bien sûr, Owen, bien sûr. Incidemment, beaucoup d'entre eux ont passé par mes mains ici à Poudlard. Et ils sont pour la plupart bien plus intelligents que Fudge "
"Ma botte droite est plus intelligente que Fudge," marmonna Lucius. "J'ai pensé qu'il était fou quand il m'a appelé ce matin. Heureusement, j'étais encore trop abasourdi à cause d'hier soir pour simplement lui dire de me laisser tranquille " Il répéta la manoeuvre éclair**—certaines choses ne changeaient véritablement jamais, pensa Severus, la prédilection de Lucius pour le chocolat, surtout en des moments de tension, était l'une d'entre elles. "J'ai besoin d'être sûr, cependant," continua-t-il, "que McGonagall est prête à rester ma sous-directrice. Elle devra faire la plupart du travail administratif. Je peux remplacer une partie de ses cours de Métamorphose, pour alléger son fardeau "
"Oh, ce qu'elle va adorer ça!" commenta Severus.
Lucius lui lança un regard vicieux. "Tu ferais mieux de la fermer, sinon je te nommerai Directeur de Gryffondor!"
Dumbledore rit tout bas. "Eh bien, messieurs, ceci semble être réglé, du moins pour le moment. Maintenant passons au sujet moins excitant, mais également urgent, du jeune Barty Croupton: quelles sont vos pensées sur la question?"
"Le remplacer est fichument risqué," dit Owen et il lissa sa moustache étroite avec son pouce et son index droits. "Pas à cause du Polynectar—après tout, la formule améliorée de Severus dure assez longtemps. Mais nous devons considérer le fait que Barty est officiellement mort, et que Voldemort pense à lui comme à son serviteur le plus loyal. Ajoutez ces deux faits ensemble, et vous obtiendrez la proche certitude que quiconque l'imite devra rester avec Voldemort presque vingt-quatre heures sur vingt-quatre. En compagnie de Pettigrow, pas moins "
"Et cela ne peut être aucun d'entre nous," ajouta Severus. "Je ne connais pas beaucoup de personnes—en fait, je ne peux penser à personne qui pourrait le faire de manière convaincante "
"Oui, vous avez raison, vous tous," consentit Dumbledore. "Cependant, ce serait dommage de laisser une telle occasion nous glisser entre les doigts " Il les regarda chacun, tour à tour, longtemps et intensément. "Nous sommes tous d'accord, n'est-ce pas, que dans ces temps-ci, rien n'est plus important que de se débarrasser de Voldemort, pour de bon cette fois?" Les trois sorciers hochèrent la tête. "Je suis content que vous le voyiez de la même façon. Et je veux que vous considériez sérieusement ce que je vais suggérer maintenant " Severus éleva la tête et dévisagea le Directeur, incrédule mais assez sûr de ce qu'il allait dire. "Sirius Black pourrait le faire "
Le silence était de plomb. Fumseck le phoenix, qui sentait à l'évidence la tension soudaine, commença à s'agiter nerveusement sur son perchoir, ébouriffant ses plumes. Le bruit de froissement éveilla ses trois homonymes de leur stupeur.
"Eh bien," dit lentement Lucius, "en dehors du fait que cette idée est une véritable folie, je vois un problème majeur. Si Voldemort réussit à faire des Détraqueurs ses alliés, il serait embrassé avant de pouvoir dire Patronus. Qu'ils le prennent pour Croupton ou pour lui-même "
"Il pourrait se mettre sous sa forme de chien," suggéra Dumbledore.
"Oui, mais alors Pettigrow saurait qui il est," dit Severus. "En tout cas, ceci ne semble pas être un argument rigoureux. Voldemort sait que les Détraqueurs essayeraient de s'attaquer à Barty, alors il les tiendrait loin de lui, bien sûr. Je suis plus concerné par le manque de connaissance de Black. Nous pourrions lui donner un cours accéléré de Crouptitude, mais…"
Owen se racla la gorge. "N'oubliez pas qu'il n'a pas vu Barty de près et de manière personnelle depuis plus de quinze ans. Et ce gars a passé une partie de ces années à Azkaban. Sans mentionner qu'il était à demi fou, selon ce que vous nous avez dit. Black aurait besoin d'apprendre par coeur beaucoup de détails, mais ce serait faisable "
"Je vais le contacter alors," dit Dumbledore, "et voir s'il veut prendre ce risque. Severus, pourriez vous préparer—"
"J'ai déjà commencé le Polynectar, Directeur. Nous devrons tromper Voldemort pendant à peu près deux semaines après le début de vacances, jusqu'à ce que ce soit prêt. Peut-être—ne serait-il pas possible que vous gardiez Maugrey ici sous quelque prétexte? Pour renforcer les protections, ou quelque chose comme cela? Comme cela il pourrait rapporter à Voldemort qu'il préférerait ne pas vous rendre suspicieux et préférerait plutôt rester?"
"Excellente idée " Dumbledore lui sourit, et Severus fit un réponse un air maussade. "Alors nous pouvons nous attaquer au point suivant: Azkaban "
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Même le Baron Sanglant sourit à la pensée que Lucius devienne le prochain Directeur de Poudlard "Il est véritablement chanceux qu'il dût être marié," remarqua-t-il. "Des équipées comme celles auxquelles il avait l'habitude de s'adonner avec M. McNair seraient un peu gênantes et extrêmement inappropriées "
"En effet," dit Severus, levant son verre. "A votre santé, Baron. Vous n'auriez pas une idée à propos des Détraqueurs par hasard? Il semble qu'aucun d'entre nous ne puisse proposer une solution au problème "
"À propos des Détraqueurs dans quel sens?" s'enquit le fantôme. Il s'abaissa un peu, jusqu'à ce qu'il semble être assis dans le fauteuil en face de Severus.
"La défense contre eux. En dehors du fait de jeter un Patronus, bien sûr. C'est trop compliqué, et seuls très peu de sorciers maîtrisent ce sortilège. Si Voldemort les gagne à son côté—ce qu'il fera sans aucun doute—et qu'il les lâche, une catastrophe arrivera forcément " Il prit une gorgée de son whisky et regarda dans la cheminée avec humeur. Il était fatigué, et frustré. Ils avaient passé des heures dans le bureau de Dumbledore, mais aucun d'entre eux n'avait trouvé de réponse à cette question brûlante.
Longtemps, le Baron ne répondit pas, et Severus s'assoupit deux fois, seulement pour se réveiller à nouveau en sursaut quand sa tête roulait de côté.
"Il y avait peu de Détraqueurs de mon temps," dit finalement le fantôme. "Et ce que je suis sur le point de dire n'est qu'une simple supposition. Corrigez moi si j'ai tort, mais les Détraqueurs sont essentiellement une matérialisation d'énergie négative, autant que je puisse en juger "
"Vous avez absolument raison, Baron. Tandis que les démons, zombies ou fantômes ont autrefois été humains, les Détraqueurs sont artificiels, pour ainsi dire. Ils ont pris une forme vaguement humaine, mais fondamentalement ils sont un agglomérat d'énergie destructrice, oui "
"Tout comme je le pensais " un autre silence s'ensuivit, pendant lequel Severus scruta attentivement le spectre. "Ce que je ne comprends pas, cependant," continua le Baron, "est que la prise d'énergie positive, comme le bonheur et les souvenirs heureux, ne leur fait pas de mal mais les nourrit "
"Je suppose qu'ils… eh bien, qu'ils la transforment d'une manière ou d'une autre," offrit Severus, conscient de la faiblesse de son argument.
"Peut-être. Ce que je trouve très fascinant est le problème de savoir s'ils peuvent n'en transformer qu'une quantité finie " Severus fronça des sourcils vers lui, ne comprenant pas tout à fait. "Vous pourriez comparer cela à manger," expliqua le Baron. "Une certaine quantité de nourriture est nécessaire, un peu plus vous rendra malade, et encore plus vous rendra sérieusement malade. Qu'arrive-t-il si un Détraqueur fait une indigestion?"
"Je… je n'en ai vraiment aucune idée," admit Severus. "Cela semble tentant, seulement je ne suis pas tout à fait sûr de connaître un endroit d'où nous pourrions prendre toute cette énergie positive. Après tout, nous ne pouvons pas leur donner une quantité démesurée d'âmes. Et même alors, ce serait très imprudent de le faire à moins de savoir exactement ce que cela fait "
"Vrai" Le Baron donna distraitement une chiquenaude d'un doigt de nacre à l'une des tâches de sang sur sa manche gauche. "Je vais en parler aux autres fantômes, alors. Ils sont plus jeunes que moi et ils pourraient avoir des suggestions intéressantes. Pour le moment—" il lança à Severus, qui était sur le point de recommencer à somnoler, un regard sévère "—vous devriez aller dormir, Professeur. Vous penserez et travaillerez plus efficacement si vous êtes bien reposé."
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Les jours suivants passèrent sans plus d'évènements sensationnels. Voldemort avait à l'évidence besoin de plus de temps pour retrouver sa force que qui que ce soit l'ait prévu, et ainsi Severus ne fut pas appelé à ses côtés. Et 'Maugrey' ne reçut pas non plus une seule communication de la part du Seigneur des Ténèbres. Le vrai Alastor Maugrey était toujours cantonné à son lit dans l'infirmerie —pas que Severus ait souhaité qu'il soit ailleurs. Moins il voyait son ennemi juré, mieux c'était. Il avait certainement des choses plus importantes à faire, entre autre corriger la partie écrite des examens de fin d'année.
Des hiboux firent des allers retours entre le Manoir Malfoy et Poudlard, et Lucius rendit une fois de plus visite au Directeur pour discuter des détails de son futur poste. Il était évident que, pour plus d'une raison, il n'y aurait pas de vacances en France cette année. Une de ces raisons, aux yeux bruns et aux cheveux broussailleux, était tout juste en train de monter dans un attelage sans chevaux comme Severus regardait par la fenêtre.
"Eh bien," dit-il à Elias qui était perché sur son épaule, "Mademoiselle Granger est bonne pour une surprise ce soir "
Il retourna à son établi, où le chaudron contenant la Potion futur-Polynectar mijotait paisiblement. Dumbledore s'était porté volontaire pour la terminer, une offre que Severus avait poliment refusé. La préparation n'avait pas encore passé l'étape critique, car elle devait être régulièrement remuée, et peu avant son achèvement, il fallait ajouter les chrysopes.
La procédure de faire ses valises—quelque chose que Severus trouvait extrêmement ennuyeux, malgré l'utilisation de magie—était pratiquement terminée, et quand son maître redescendit, Elias était perché sur le haut du couvercle encore-ouvert du coffre, paraissant excité. Il était presque midi maintenant. Temps de partir, pensa Severus. Il déjeunerait au Manoir Malfoy, déballerait ses valises et passerait, espérons-le, un après-midi agréable avant la visite de ce soir, qui promettait d'être tout sauf agréable.
Avec un coassement aigu, le corbeau s'envola du couvercle et vint atterrir sur l'épaule de Severus, d'où il regarda attentivement Severus commencer à choisir des tomes de son étagère de bibliothèque. Il allait avoir besoin de quelques volumes sur les Forces du Mal, en plus du matériel qu'il prenait d'habitude. D'autre part, la bibliothèque Malfoy ne manquait certainement pas de livres sur les potions et les malédictions interdites, alors peut-être qu'il pourrait simplement les laisser ici. Faisant moins attention à son choix de livres qu'à son habitude, Severus se perdit dans ses pensées. D'une manière ou d'une autre, le silence de Voldemort était moins rassurant que ce à quoi il se serait attendu. Avec la seule compagnie de Pettigrow, que pouvait préparer le Seigneur des Ténèbres? Il y avait beaucoup de planification à faire, de loyautés à jauger, de partisans à recruter…
Pas un seul élève, dans quelque maison qu'ils soient, n'avait reçu d'invitation pour rejoindre les rangs de Voldemort, Severus était sûr de cela. En dépit du rapport un peu exagéré de Potter—pas que l'on puisse en blâmer ce garçon, compter les Mangemorts avait probablement été en dernier sur sa liste de priorités—il restait peu d'entre eux. Si leur Maître projetait d'utiliser la même stratégie qu'il y a vingt ans, il avait un terrible besoin de partisans. Mais peut-être avait-il d'autres projets… Et s'il avait les Détraqueurs, les alliés humains seraient moins importants, cela au moins était clair.
Le Baron Sanglant n'avait pas pu lui donner de réponse plus satisfaisante au sujet d'une méthode possible pour les combattre. Cependant, le problème de l'énergie positive contre négative n'arrêtait pas de l'agacer. Peut-être qu'il y avait plus de choses derrière cette idée… peut-être que l'esprit stupéfiant de la fille Granger produirait une solution également stupéfiante… Severus roula des yeux, exaspéré par ses propres pensées. Granger était sans aucun doute rude morceau, mais elle n'était pas un génie. Peut-être un génie en formation. Peut-être.
Les livres s'empilaient, il retourna à son coffre et, un à un, les mit soigneusement à l'intérieur. Une fois qu'il eût fermé le couvercle, il rétrécit le bagage jusqu'à ce qu'il soit assez petit pour sa poche. Un dernier coup d'oeil alentour—non, il n'avait rien oublié.
"File, Elias," dit-il au corbeau, après avoir brièvement appuyé sa joue contre les plumes noires, " Rendez-vous au Manoir Malfoy "
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Quand les Grangers arrivèrent chez eux, Severus, Lucius et Owen les attendaient déjà. Sur le visage de Lucius traînait encore le fantôme d'un sourire diabolique, car ils avaient essayé de deviner quel sortilège la fille allait utiliser pour défendre ses parents contre trois puissants sorciers. Aucun d'eux n'avait un seul doute quant à sa réaction.
Ils avaient eu raison. Et, étonnamment, Owen avait eu raison. Quand elle vit les trois hommes, qui pour elle étaient la Trinité Impie du Mal Incarné, assis dans le salon de ses parents, elle avait sa baguette sortie en moins d'une seconde—les séances d'entraînement avec Potter lui avaient aussi fait quelque bien, pensa Severus —et lança "Soporificus Multiplex", un des quelques sortilèges qui permettait qu'un nombre plus grand de cibles soit frappé en même temps. Il était facilement paré. Ce fut seulement alors que cette fille perdit son sang-froid, et avec lui sa présence d'esprit.
Peter Granger, qui, depuis la première rencontre de Severus avec lui et sa femme, semblait avoir vieilli de dix ans, attrapa Hermione quand elle se retourna frénétiquement, essayant de les repousser de la salle, loin de la triade diabolique. "Chut, ma chérie. Non… Ils ne sont pas nos ennemis, et ils ne veulent pas faire de mal ni à toi ni à nous. Pas physiquement, au moins," ajouta-t-il, avec un sourire qui était plus une grimace.
Toujours entourée par les bras de son père, elle tourna lentement la tête vers les trois sorciers, qui regardaient la scène avec un calme apparent. Son visage avait viré au blanc. "Imperius?" coassa-t-elle, "vous avez lancé le Sortilège d'Imperius sur mes parents, espèces de—"
Lucius, dont l'humeur était devenue perceptiblement plus irritable pendant la dernière semaine, se leva. "Non, Mademoiselle… Granger " Il pointa sa baguette vers M. Granger. "Finite Incantatem! Auriez-vous s'il vous plaît la gentillesse de répéter ce que vous avez dit?"
M. Granger répéta ce qu'il avait dit. "Devrions-nous… peut-être vous laisser seuls?"
"Oui," consentit Severus, "je pense que cela serait mieux "
Les mains qui avaient été posées sur le dos de Hermione se retirèrent et, avec un effort visible, M Granger s'empara de ses épaules, la retourna pour qu'elle fasse face aux trois hommes et lui donna une légère poussée dans leur direction. "Vas-y, ma chérie. Assieds-toi et écoute. Appelle-nous si tu as besoin de nous " D'un geste de défaite totale, il prit la main de sa femme et la tira hors de la pièce.
"Asseyez-vous, Mademoiselle Granger " Severus essaya de sembler le plus amical possible. Cela n'eut pas l'effet désiré.
"Mangemorts," chuchota-t-elle, "Vous trois… Mangemorts… et Dumbledore… et mes parents…"
Lucius se leva. Comme l'aiguille d'un compas, sa baguette suivit son mouvement, comme il s'avançait vers elle. Dans la pièce silencieuse, sa respiration déchiquetée, irrégulière et peu profonde, formait un contre-rythme bizarre à ses pas. Quand il fut arrivé à une distance de un mètre vingt d'elle, elle s'étrangla, "Ava—"
"Un peu rapide avec le Sortilège de Mort, n'est-ce pas?" dit Lucius, s'emparant de sa baguette. "Et maintenant assieds-toi, jeune dame, nous n'avons pas toute la nuit "
** en français dans le texte
