CHAPITRE 07
Sirius Black se renfonça dans son fauteuil, bâilla, et ferma les yeux. "Cela fait trois jours que je suis ici, et je sens toujours que je n'en sais pas assez sur ce Croupton. Je veux dire—" il bâilla à nouveau "—je me souviens de lui à l'école, bien sûr. Mais le souvenir est tellement… sans vie, vous voyez ce que je veux dire?"
Owen défit les premiers boutons de sa robe et de sa chemise. "Bien trop chaud," marmonna-t-il, et ôta entièrement ses robes. Les autres firent de même. "Tu as dit sans vie? Eh bien, cela signifie que tu as compris le tableau. Barty était une non-personne. Pratiquement un abrégé de règles marchant sur deux jambes, et carburant au fanatisme. Souviens toi de cela, et tu vas faire du bon travail "
"En plus," interrompit Lucius, "lui et Voldemort ne se sont vu qu'une ou deux fois pendant l'année dernière. Ce n'ont pas non plus été des réunions longues. Barty a d'abord été à Azkaban, puis sous le sortilège d'Imperius de son père. Pendant des années! Alors je dirais que tu es presque libre d'improviser, à condition que tu colles aux bases "
"Mais…" Black se tourna vers Severus. "Mais Barty ne lui aurait-il pas dit des choses? Des choses que vous ne savez pas?"
Severus, qui avait été physiquement présent durant toute leur séance d'après-midi mais n'avait pas vraiment participé beaucoup, arrêta de triturer son médaillon. "Penses-tu pouvoir te mettre dans ton crâne épais que Voldemort n'est pas un Journaliste Responsable du Courrier du Coeur? Il ne parlait presque jamais à qui que ce soit en privé—" A toi, si , dit la petite voix dans sa tête, à toi, il te parlait en privé. Et cela te manque toujours, n'est ce pas? Il soupira. "Ou du moins," continua-t-il, s'asseyant un peu plus droit sur son siège, "il ne le faisait certainement pas avec Barty "
Lucius hocha la tête. "Certainement pas. Tu vois, Barty n'a jamais été l'un de ses favoris. Ils sont parents de sang, c'est pourquoi Barty a reçu une si haute position en premier lieu. Mais alors, il a raté mission après mission, et est finalement tombé en disgrâce devant Voldemort, pour être remplacé par Owen " Il étendit le bras pour attraper son verre—ils avaient tous opté pour la limonade aujourd'hui, car il faisait chaud à étouffer, avec un ciel obscurci menaçant l'orage—et appela une autre chaise, sur laquelle il posa ses jambes, les croisant aux chevilles. "Ce dont tu devrais vraiment te préoccuper est Pettigrow.
L'expression assombrissant le visage de Black était celui d'une haine intense. "Oui,"dit-il, sa voix rauque. "Ca, et ce que Voldemort pourrait m'ordonner de faire. Je ne suis pas sûr…" Il passa une main dans ses cheveux.
Haussant les épaules, Owen ré-emplit son verre et remarqua, "Ce n'est pas difficile. Il faut se mettre dans le bon état d'esprit, c'est tout "
"Je n'étais pas conscient du fait," grogna Black, avec un venin considérable, "qu'il y ait un bon état d'esprit pour tuer "
"Tu n'es pas un saint, Black, que tu croies ou non l'être. Si ce que j'ai entendu est exact, tu aurais bien tué Pettigrow, il y a un an "
Les yeux de Black se rétrécirent. "C'était un traître, et un méchant. Il a causé la mort de mon meilleur ami—pourquoi je le tuerai-je pas?"
"Un traître, dis-tu? Ah, mais Black, que seras-tu une fois que tu auras pris le Polynectar et que tu te seras présenté à Voldemort en tant que Barty?"
"Vous ne pouvez pas me comparer à Pettigrow!"
Voyant le rouge malsain teignant le visage et la gorge de Black, Severus enroula prudemment ses doigts autour de sa baguette. "Intéressant," dit-il calmement, "Et pourquoi pas?"
"Parce que je fais ceci pour une bonne cause—"
"Pettigrow pensait certainement que ses propres rêves de pouvoir et de gloire étaient une cause suffisamment bonne pour trahir ses amis," interrompit Lucius. "En parlant de traîtres, que t'imagines-tu exactement que nous soyons?" Son sourire mince n'appelait pas vraiment une honnêteté flagrante.
"Je n'en ai aucune idée," dit Black d'un ton bourru. "Je me demandais à quel jeu vous pouviez jouer. Ce n'est pas comme si on pouvait vous lire à livre ouvert, vous savez?"
Owen rit tout bas. "J'espère que non. Si c'était le cas, nous durerions exactement dix secondes en présence de Voldemort "
Sur le front et la lèvre supérieure de Black, de minuscules gouttes de transpiration se formaient, et il les essuya du dos de sa main avant de prendre une grande gorgée de limonade. "Au moins, j'aimerais en savoir plus sur vos intentions en ce qui concerne Hermione "
Peut-être, pensa Severus, qu'il était plus sage de laisser Lucius ou Owen répondre à cette question. Sa distraction d'aujourd'hui était surtout due à l'inondation véritable de pensées et d'émotions contradictoires au sujet de Viviane. Et particulièrement à ses intentions à son sujet, bien que Black ait certainement à l'esprit un sens très différent de ce terme. Il avait à peine dormi hier soir, et, pendant les courts intervalles où le sommeil s'était finalement emparé de lui, des rêves dérangeant s'étaient immédiatement installés, des images étranges où Viviane se transformait en Voldemort, le tenant et chuchotant des mots de réconfort. La mention des conversations privées de Voldemort avec ses partisans avait frappé un endroit douloureux. Severus savait—bien qu'il essayât la plupart du temps de le nier, même à lui-même—qu'il désirait ardemment ce genre d'acceptation qu'il avait cru que le Seigneur des Ténèbres lui offrait. Plus tard, quand il avait reconnu que c'était simplement une des nombreuses méthodes subtiles que son maître d'alors employait pour lier les gens à lui, il avait réprimé cette envie de tout son pouvoir. Seulement pour finalement la projeter dans l'idée fantomatique d'une femme. Maintenant il connaissait son identité, et il était assez dur pour lui de venir à bout de ses propres sentiments enchevêtrés. La révélation de Yelena, qui lui était dégringolée dessus l'autre matin comme un tas des briques, lui avait donné assez de difficultés à affronter. L'avenir de Viviane, tant qu'il impliquait Voldemort, avait pali à presque rien, en comparaison avec son propre bouleversement émotif. La question de Black, cependant, lui avait rappelé que c'était loin d'être sans importance, surtout car cet avenir—quoi qu'il puisse donner par la suite—allait probablement être lourdement influencé par le Seigneur des Ténèbres.
C'était Lucius, en fait, qui avait répondu à la question de Black. "Pour l'instant, nous n'avons rien décidé. Sa famille adoptive est officiellement morte et ainsi en sécurité. Et nous avons consenti sur le fait qu'il pourrait être préférable de ne pas la mentionner jusqu'à ce que Voldemort se souvienne de son existence. Heureusement, elle est encore trop jeune pour lui être d'une quelconque utilité. Il ne recrute pas les sorciers mineurs "
"Trop jeune?" Black émit un reniflement de dérision. "Même si Voldemort n'entend jamais parler du retourneur de temps, il pourra calculer qu'elle va avoir quinze ans dans un peu plus de deux mois. Je suppose qu'il est assez prudent pour respecter ce genre de seuil magique, surtout quand il ne perd pas plus de deux mois en ce faisant. Je dois reconnaître que mes connaissances en Magie Noire sont tout à fait limitées, mais même moi, je sais que le sang d'une vierge est un ingrédient puissant et précieux "
"Et l'histoire se répète," marmonna Lucius. "Aussi réticent que je sois à l'admettre, tu as raison. Nous n'avions pas pensé à cette possibilité "
"Et Lucius est un homme honorable…" commenta Black, à l'évidence étonné par le rire bas de Severus. "En tout cas, maintenant vous êtes conscients du problème. Qu'allez-vous faire à ce sujet?"
Owen soupira. "Etant donné notre expérience avec le courroux de Voldemort quand il ne reçoit pas ce qu'il veut… Surtout si c'est du sang de quelque sorte que ce soit…" Il lissa sa moustache et s'éventa de son autre main. "Ne fais pas attention," dit-il à Black, qui paraissait confus, "C'est une sorte de plaisanterie privée "
"Même si je n'appellerais pas cela une plaisanterie—" le ton de Lucius était devenu très tranchant "—nous avons certainement nos expériences. A cela, je consens. En supposant que Voldemort n'a pas renoncé à ses plans pour atteindre l'immortalité—"
"Je pense que c'est une donnée," lança Severus.
"En effet. Quoi que ses autres plans puissent être, je suppose que nous pouvons être assez sûrs que l'immortalité est toujours son but ultime. Pour rassembler la force suffisante pour l'exécuter, un peu de sang de vierge pourrait devenir tout à fait utile. Surtout si la vierge en question est une puissante petite sorcière comme Vivane " Il regarda les autres. "Nous pourrions en effet devoir recourir à… des méthodes passées "
"Et que serait-ce exactement ?" demanda Black avec méfiance.
"La déflorer, espèce d'idiot," fut la réponse crue d'Owen.
Pendant quelques secondes, Black ne dit rien et resta simplement assis là, bouche bée et très évidemment choqué. "Vous… Vous…" bégaya-t-il, et il jeta un coup d'oeil de l'un à l'autre. "Vous ne pouvez pas simplement… je veux dire, qui vous donne ou qu'est-ce qui vous donne le droit de prendre une telle décision? Hermione est une enfant! Elle sera traumatisée à jamais—"
"Aimerais-tu que je te fasse une description détaillée du rite de Virgo Incubus?" Lucius ricana, "A ce moment là, tu te rendras peut-être compte que 'traumatisme' ne couvre que très insuffisamment ce qui lui arriverait, si elle était soumise à cette procédure. Voldemort devrait l'exécuter lui-même, déjà, et cela implique, entre beaucoup d'autres articles intéressants, l'utilisation d'une aiguille de fer incandescente, pour brûler certaines runes dans—"
"Assez!" Black était devenu légèrement vert. "Je n'ai vraiment pas besoin d'entendre plus de ce truc écoeurant. Vous êtes—" il couvrit brièvement ses yeux de ses mains "—vous devez être de complets pervers, Malfoy. Qui d'autre voudrait même savoir qu'une telle chose existe?"
Severus secoua la tête d'incrédulité. "En dehors du fait que toutes les Magies Noires ne sont pas dégoûtantes, même toi, tu devrais pouvoir te rendre compte que, si nous ne savions pas exactement ce que le rite impliquait, tu aurais laissé cette décision à la fille. Devinez en trois ce qu'elle aurait choisi—ou abritais-tu le souhait secret de pouvoir faire les honneurs?"
"Espèce de bâtard dégoûtant!" rugit Black, et il sauta de sa chaise, prêt à étrangler l'autre sorcier. Owen, assis le plus proche de lui, fut plus rapide cependant. Quelles que soient ses méthodes pour augmenter sa force musculaire—Severus avait décidé il y a longtemps de ne pas trop penser à cette question—elle était considérable, et Black fut à nouveau brusquement tiré vers sa chaise, où il atterrit avec un glapissement.
"Calme-toi, Black," dit Owen et il lui sourit. "Nul besoin de passer en sur-régime. Surtout puisque ceci est une question pour laquelle Viviane devrait décider par elle-même. Laisse-la choisir, si tu respectes vraiment tant sa dignité"
Frottant son bras droit, Black lui lança un regard diabolique. "La dignité," cracha-t-il, "n'a rien à voir avec cette… cette affaire sordide. Je me souviens de comment vous—" il pointa un doigt accusateur vers Owen et Lucius "—traitiez les filles à l'école. Même les deuxième année n'étaient pas en sûreté!"
"Tu devrais être le dernier à lancer des calomnies," dit Lucius, "Après tout, tu ne visais pas seulement les élèves filles. Ou bien est-ce que tu te plains parce que nous n'avons pas laissé assez de vierges pour que tu les inities aux plaisirs douteux que tu puisses leur avoir donnés?"
La main d'Owen planait près du bras droit de Black, prêt à saisir—et probablement casser cette fois, pensa Severus—et donc il resta assis, respirant lourdement. "Je jure," coassa-t-il finalement, "je jure par toutes les divinités et par toutes les puissances que je vous tuerai une fois que tout ceci sera terminé "
"Excellent," dit Lucius, et il se versa un autre verre de limonade, "parce que c'est exactement ce qu'une partie d'entre nous avait l'intention de faire. Pour le moment, cependant, nous devrions décider qui va annoncer l'heureuse nouvelle à Viviane. Tous ensemble pourrait être un peu trop écrasant " Il lança un regard aux autres, les sourcils levés. "Eh bien?"
Severus, qui pendant la dernière partie de cette discussion avait eu l'impression de dériver à travers un rêve très étrange, se racla la gorge. "Je pense," dit-il, " que nous pourrions laisser cela jusqu'à ce que nous sachions avec certitude que Voldemort est intéressé par elle. Quelle serait l'utilité de la bouleverser, s'il y a absolument pas de quoi s'inquiéter?"
"Tu as seulement peur de pouvoir être celui qui devra lui parler," dit Owen. "En plus, j'allais suggérer que tu le fasses. Après tout, tu as quinze ans d'expérience avec des adolescents, y compris des filles "
Bien trop conscient de l'absurdité d'une telle situation, s'il fallait vraiment en venir à cela, Severus répondit, "Je le ferais certainement si vous voulez que je le fasse. Mais je répète: ne nous précipitons pas. Nous avons identifié un problème potentiel, et nous avons assez de temps pour nous en occuper s'il se pose vraiment. Et maintenant, je propose que nous revenions au problème bien plus pressant de Barty Croupton"
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Black quitta le Manoir Malfoy deux jours plus tard, avec la promesse—ou, comme le dit Lucius, la menace—de revenir dans une semaine, quand le Polynectar serait prêt. Il avait consenti à prendre la première dose à ce moment là et sur place, pour une dernière répétition avant que Barty Croupton ne retourne à son Maître.
C'était ce retour qui leur donnait un mal de tête à tous, parce qu'il était impossible d'être sûr que la Marque Sombre de Barty—même si la potion la reproduisait aussi fidèlement que tous les autres traits physiques—allait marcher de la manière dont elle le devait. Après deux heures de débat, aussi inutile qu'il était énervant, ils décidèrent que, si elle ne marchait pas, un des Phoénix devrait lancer un Sortilège d'Invisibilité sur lui et transporter Black à la maison des Jedusors. Bien que ce soit loin d'être irréprochable, c'était la seule méthode d'assurer sa sécurité. Une fois là-bas, il était extrêmement peu probable que Voldemort l'envoie très souvent en course—Pettigrow était le garçon de course, après tout, et Barty, si qui que ce soit le reconnaissait, serait immédiatement capturé et livré aux détraqueurs. De plus, Voldemort ne semblait pas prévoir de déménager bientôt de la maison des Jedusors. Si Black devait vraiment quitter les lieux, il pourrait facilement revenir en transplanant sans l'aide de la Marque Sombre. Il n'aurait besoin d'être guidé que la première fois.
Après le départ de l'Animagus, la normalité revint lentement dans la maisonnée Malfoy. Ou plutôt, elle sembla revenir. Severus, complètement épuisé par cinq jours de sang-froid férocement gardé, pour éviter d'entrer en conflit avec Black, et par des nuits infestées de rêves qui le laissaient épuisé et avec des paupières lourdes et démangeant, était peut-être plus conscient de tous les courants de fond; subtils et presque inexistants, ils permettaient aux gens de s'accrocher à l'illusion que tout allait comme cela le devrait, une tentation rendue d'autant plus séduisante par la très réelle différence entre devoir cohabiter avec un Gryffondor bruyant et être, de nouveau, en famille**. Plus ou moins en tout cas.
Severus, cependant, était sûr que tout le monde le sentait. Pendant presque une semaine, il n'y avait pas eu d'appel de Voldemort, et plus le Seigneur des Ténèbres restait longtemps silencieux, plus lui et Lucius devenaient inquiets . Loin d'être omniprésente—ils étaient revenus au programme d'enseignement établi au début des vacances, et ces leçons fournissaient quelque degré de distraction même pour les adultes—la tension se manifestait de temps en temps, quand la patience de Severus avec ses disciples se terminait soudain, ou quand les mouvements de Lucius prenaient une certaine brusquerie saccadée au lieu de leur élégance lisse et coutumière.
Mais Severus devait aussi faire face à ses propres problèmes, qui étaient loin d'être résolus. Avec un accord tacite, lui et Narcissa essayaient de se comporter aussi naturellement que possible, mais l'aise amicale qui avait toujours caractérisé leurs relations avait cédé la place à une politesse forcée. Ce n'était que maintenant que Severus reconnaissait combien son bien-être au Manoir Malfoy avait toujours dépendu de l'affection qu'ils avaient l'un pour l'autre. En son absence, sa vie chez les Malfoys avait perdu une bonne partie de son ancien charme. Lucius sentait évidemment que quelque chose n'allait pas mais se limitait à un occasionnel sourcil haussé. Et bien qu'il n'y ait pas de conflit ouvert entre Yelena et lui, Severus se sentait aussi mal à l'aise en sa présence.
Viviane avait fait deux tentatives de plus pour se faire admettre dans ses appartements, mais il avait verrouillé et protégé sa porte de sortilèges, lui refusant ainsi l'entrée. Si elle était blessée par son comportement, elle était très bonne à ne pas le montrer. Pas qu'elle en eût eu beaucoup d'occasions, car il évitait studieusement d'être seul avec elle et il ne lui parlait presque pas du tout, sauf pendant les leçons et quand ils travaillaient sur la défense contre les Détraqueurs. Le seul aspect véritablement positif de ces jours de fausse harmonie était que Viviane semblait beaucoup mieux s'entendre avec Drago. Ceci, supposait Severus, était principalement dû à Selene, en présence de laquelle Drago essayait toujours d'avoir son meilleur comportement. Plus que les deux adolescents, le bébé semblait sentir l'atmosphère un peu tordue et passait une bonne partie de son temps avec son frère et Viviane.
Il y avait eu une seule exception à l'esquive prudente de Severus des rencontres possibles avec la fille: le matin du départ de Black, il lui avait ordonné plutôt que demandé de l'accompagner à la salle de travail, où le Polynectar mijotait toujours.
"J'expérimente une nouvelle formule de légère potion de guérison," expliqua-t-il comme ils s'avançaient à grands pas dans le couloir. "Et j'aimerais que tu l'essayes "
"Pourquoi moi?" demanda-t-elle d'un ton boudeur.
"As-tu peur que je puisses t'empoisonner?"
"Non, je voulais simplement savoir pourquoi je devais jouer le rat de laboratoire "
"Parce que la potion est destinée à Selene. Les potions normales que l'on peut acheter chez l'apothicaire sont beaucoup trop fortes pour les enfants, et cela ne marche pas à plein effet si c'est dilué " Ceci était vrai, mais il avait déjà préparé et essayé une telle potion, qui attendait, prête et embouteillée, dans un des placards. Peut-être que la donner à Narcissa pourrait servir d'une première étape vers le rétablissement de la paix.
"J'ai peur de ne pas tout à fait comprendre—"
"Viviane," l'interrompit-il, roulant des yeux. "Essaye d'utiliser ce cerveau. Tu es actuellement l'individu le plus petit et le plus léger sur qui je puisse mettre la main, et donc l'objet le plus pratique sur lequel essayer la potion "
"Oh!" fut tout ce qu'elle dit.
Une fois qu'ils eurent atteint la salle de travail, il prit un petit couteau mais un couteau aigu, un peu comme un scalpel. "Ceci est la partie qui a besoin de ton courage de Gryffondor," dit-il avec un sourire moqueur, lui tendant l'instrument. Elle lui lança un regard offensé. "Fais une petite coupure, sur un bout de doigt ou le dos de ta main. Sois sûre de tirer du sang, cependant " Elle fit silencieusement ce qu'il lui avait dit. Une minuscule gouttelette rouge jaillit sur le dos de sa main gauche. Hochant la tête de satisfaction, il lui tendit la fiole contenant le Falsitaserum. "Maintenant bois cela "
L'expression incrédule sur son visage, qui suivit la grimace de dégoût quand elle avala la préparation le fit presque rire. "Il ne s'est rien… rien passé!"
"Étrange…" marmonna-t-il, fronçant des sourcils devant le récipient vide. "J'aurais pu jurer… Eh bien, il semble que je sois obligé de ré-examiner la formule " Il sortit sa baguette en un éclair et prononça un sortilège de guérison. "Merci quand même. Si nous étions à Poudlard, j'accorderais un demi point à Gryffondor "
"Je n'étais pas consciente que l'avarice fasse aussi partie de vos nombreux vices," cracha-t-elle, et elle quitta la pièce, claquant la porte derrière elle.
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Ce jour particulièrement suffocant au milieu du séjour de Black au Manoir Malfoy avait apporté une nuit et un jour d'orages violents et, dans leur suite, quarante-huit heures de pluie ininterrompue. Mais aujourd'hui, ils s'étaient tous réveillés pour trouver un matin d'été tiède, et par les fenêtres et la porte-fenêtre grand ouvertes entrait une brise légère et veloutée sentant la terre humide et les fruits mûrs.
Pour quelque raison inconnue, tout le monde semblait s'être levé approximativement en même temps, et donc ceci fut la première journée qui trouva les quatre Malfoys, Severus et Viviane ensemble au petit déjeuner. Même Drago, qui avait été maussade et morose durant les deux derniers jours—il était vraiment une personne d'extérieur et haïssait le fait de devoir rester dans la maison toute la journée—semblait être retourné à sa bonne humeur.
Bien que d'une humeur bonne et ensoleillée, Drago savait qu'il ne valait mieux pas demander de faveur à son père avant que Lucius ait pris sa deuxième tasse de café. Severus observa le garçon, dont le regard fixe semblait cloué aux mains de Lucius. "Père," dit-il, aussitôt que Lucius eut posé sa tasse, "penses-tu que nous pourrions sauter les leçons de ce matin? Nous avons été confinés dans la maison pendant trois jours…" Il envoya à Lucius son sourire le plus charmant et essaya même de faire des yeux de chiot. Severus se sentit tout à fait hilare à cette vue.
"Un peu d'entraînement d'Attrapeur serait recommandable," dit Lucius. "Et considérant le fait que personne d'autre dans cette maison ne puisse convenablement te surveiller…"
Pour la première fois depuis leur dernière conversation qui s'était terminée si désagréablement, Severus échangea un coup d'oeil de gaieté conspiratrice avec Narcissa. Ils trouvaient tous les deux ce comportement, si typique de Lucius, extrêmement drôle. Il se serait mordu la langue jusqu'à l'enlever plutôt que de reconnaître que cela le démangeait de monter sur un balai et de faire lui-même quelques Feintes de Wronski . 'Comme son père,' articula Yelena en direction de Severus, qui hocha la tête et sourit. Il semblait que la glace soit finalement rompue.
Comme la matinée était vraiment trop belle pour être passée à l'intérieur, tout le groupe sortit sur les terres après le petit déjeuner. Lucius et Drago lâchèrent immédiatement le Vif d'Or et s'envolèrent à toute vitesse, et Viviane offrit de surveiller Selene, qui, les yeux débordant de larmes parce que son père avait refusé de la prendre avec lui, voulait au moins voler sur son propre balai jouet. Il ne s'élevait pas plus haut que peut-être quatre-vingt dix centimètres ou un mètre vingt, et il n'allait pas non plus très vite, mais Viviane resta tout de même proche d'elle, baguette en main et prête à exécuter un sortilège d'amortissement ou de lévitation au cas où la petite fille tombe.
Narcissa, Yelena et Severus restèrent dans l'ombre d'un groupe de chênes anciens, confortablement installés dans des chaises-longues et lisant. Environ quinze minutes passèrent en silence, puis Narcissa ferma son livre avec un claquement sec. "Il semble que vous fassiez des progrès considérables avec le projet des Détraqueurs?" moitié déclara, moitié demanda-t-elle.
"En effet" Severus posa son volume toujours ouvert sur ses genoux et, avec plus de soin qu'il ne l'était vraiment nécessaire, inséra un signet dans la fente entre les pages. "Nous avons dû faire beaucoup de recherches au sujet de la Pensine—heureusement qu'ils enseignent les Runes Anciennes de nos jours à Poudlard " du coin de l'oeil, il vit que Yelena les regardait par-dessus le bord de son livre.
"Lucius m'a dit que l'idée de base était de Viviane?"
"Oui," consentit-il, pas tout à fait content de la tournure que prenait cette conversation, bien qu'il l'eût prévu. "C'était son idée, mais Drago y avait aussi sa part. Il est, comme je vous l'ai souvent dit, à toi et à Lucius, un sorcier très doué, pour ne pas mentionner intelligent "
"Il aurait eu beaucoup de difficultés s'il ne l'était pas." Narcissa étendit un bras vers le bas pour poser le livre sur l'herbe à côté de sa chaise. "J'espère que Selene aussi, deviendra une sorcière douée. Elle n'a pas encore montré de signe de magie"
"Ni Drago, à cet âge. Des phénomènes tels que l'apparition si tôt de magie accidentelle, par Viviane, sont tout à fait rares, ou c'est ce qu'on m'a dit "
"Ah," fit Yelena, incapable de rester hors de la conversation plus longtemps mais toujours cachée derrière son livre, "alors tu te souviens de cela?"
Il soupira. "Il serait dur d'oublier ce soir particulier. En dehors de vanter les capacités magiques précoces de sa fille, St. Jean a aussi exigé qu'elle soit fiancée à Drago, à moins que ma mémoire ne me trompe. Et les conséquences ont été plutôt… désagréables "
Narcissa ferma brièvement les yeux. "Tu ne m'as jamais dit à quel point Lucius a été mutilé cette nuit-là par Voldemort "
"J'ai pensé que c'était inutile. En plus, les cicatrices qu'il a toujours en disent beaucoup sur l'état dans lequel il était. "
"Je pense," dit Yelena un peu plus tard, bien que sans lever les yeux de la page, "que, si Lucius avait su comment elle allait tourner, il n'aurait pas été contre de telles fiançailles "
"N'oublie pas qu'elle n'a pas été élevée par St. Jean et Tabitha. Je suppose que le résultat aurait été différent, et pas d'une façon agréable"
"Alors," dit Narcissa, ré-ouvrant les yeux et lui souriant, "tu penses qu'elle a plutôt bien tourné ?"
"Quelle manière très compliquée et détournée de me faire reconnaître que, oui, ses parents adoptifs ont fait du bon travail "
Yelena arrêta finalement de faire semblant de lire et posa son livre. Severus se renforça mentalement pour un examen croisé. "Est-ce que tu l'apprécies, Severus?"
"L'apprécier… je sais exactement ce que vous visez toutes les deux," dit-il, fronçant des sourcils vers chacune tout à tour. "Cependant, quelle différence cela ferait-il si je l'appréciais? Il y a très loin de l'affection à…" Il se racla la gorge. "En tout cas, je dirais plutôt que je ne la déteste pas, bien que cela soit probablement ce qu'elle pense. Mais, sans tenir compte de la manière avec laquelle je traite vraiment mes élèves, je ne me permets pas même de les apprécier ou de les détester. Quelques uns ont besoin d'un peu plus de discipline et d'autres moins. C'est à peu près tout "
"Es-tu en train de dire qu'elle en a besoin de plus?" Narcissa semblait faiblement amusée.
"Bien sûr," dit-il, sur la défensive. "Je vous accorderai que, en dehors de Drago, c'est l'une des élèves les plus intelligentes à Poudlard. Intelligence créative, attention, pas ce genre d'intelligence tenace et sans imagination que possèdent beaucoup de Serdaigles. Je veux dire, elle a été la seule à trouver que Lupin était un loup-garou. Et cette énigme logique que j'ai créée pour protéger la pierre était voulue pour confondre un sorcier entièrement entraîné, pas pour être résolue par une première année. Sans oublier qu'elle a logiquement conclu le fait que Rita Skeeter était une Animagus " Les deux femmes rirent, et il lança ses mains en l'air d'exaspération. "Quoi?"
"Eh bien," dit Narcissa, "nous parlions du fait que Viviane ait besoin d'être disciplinée. Et tu commences à chanter ses louanges—si ce n'est pas légèrement drôle…"
"Je n'avais pas encore fini. Ce que je voulais dire était que, oui, elle est brillante et disposée à apprendre et tout cela. Mais dans une salle de classe, avec d'autres qui sont moins doués qu'elle, cette fille est un cauchemar. Et donc," termina-t-il, soulignant ses mots avec un geste théâtral de sa main, "elle a vraiment très besoin d'une douche froide de temps en temps "
"Et tout de même," observa Yelena, lui lançant un regard perspicace, "elle semble être plus à son aise avec toi qu'avec Lucius ou Owen "
"Si cela était censé être un compliment," répliqua-t-il, "je te prie de ne jamais m'offenser intentionnellement . Bien sûr qu'elle est plus à l'aise avec moi! Tout d'abord—" il s'empara de son index gauche étendu avec sa main droite "—elle me connait depuis quatre ans. Je ne suis certainement pas sa personne préférée, mais au moins elle peut être sûre de mes réactions. Lucius—" le médium rejoignit son voisin "—bouleverse complètement ses croyances et ses convictions. Peut-être qu'elle commence à comprendre que sa vue des Serpentards était loin d'être exacte, mais je suppose que cela est plus dérangeant que rassurant. Et Owen…" Il haussa les épaules. "A mon avis, Owen est trop… eh bien, mâle pour qu'elle soit à l'aise avec lui. A cet âge, la plupart des filles—du moins celles sans expérience—s'éloigne plutôt timidement des hommes qui suintent pratiquement la sexualité. Alors, voila votre explication, bien que je craigne que cela soit loin d'être romantique "
"Severus—" Yelena se pencha en avant et fixa son regard au sien "—croyais-tu honnêtement que l'une ou l'autre d'entre nous te voie comme de type romantique?"
"Je suis content d'entendre que ce n'est pas le cas."
"Cette… prédiction," continua-t-elle, tenant toujours fermement son regard dans le sien, "est tout sauf une bagatelle. Et cela n'a rien à voir avec de la romance, non plus. Si deux personnes, sans tenir compte de leur âge, leur provenance ni de leurs désirs momentanés, sont destinés l'un à l'autre, il y a quelque chose de très élémentaire d'impliqué. Quelque chose qui va bien plus profondément que des dîners romantiques à la lumière de chandelles ou bien au même genre de poésie. Et cela va certainement bien au delà des restrictions traditionnelles à propos des enseignants et des élèves "
A cela, il se hérissa légèrement. "Vous ne pouvez certainement pas m'accuser de prendre ceci à la légère! Tout à fait le contraire, je dirais! Je—"
"Severus!" l'interrompit Narcissa, et son ton de voix était si intense qu'il sursauta légèrement. "Severus, en dehors de ta réaction à Viviane, je voulais simplement... eh bien, éliminer ce malentendu. Tu sais combien je t'apprécie, n'est-ce pas?" Ses yeux se rétrécirent, et il émit un court hochement de tête. Si ceci allait devenir trop sentimental, il ne voulait définitivement pas que cela continue de cette façon. "Je comprends combien ma réaction t'a blessé, mais je veux que tu comprennes que tu l'as mal interprétée. Entièrement "
Soudain conscient que sa main droite avait couvert le médaillon comme pour le protéger, il le lâcha et frotta le dessus de son nez. "Vraiment, Narcissa, ceci n'est pas nécessaire. Oui, j'ai été blessé, mais je m'en suis remis —"
" C'est nécessaire. Peut-être seulement pour moi, mais je sens que c'est important, alors tu vas avoir la gentillesse de m'écouter jusqu'au bout " Ses mains empoignèrent les accoudoirs de sa chaise-longue. "Ce qui m'a si profondément choqué quand je pensais que c'était Selene—après tout, je ne savais pas que tu avais déjà rencontré Viviane—ce qui a causé ma réaction était la réalisation que tu devrais attendre au moins douze ans jusqu'à ce qu'une relation devienne possible. Tu as été solitaire toute ta vie, Severus. J'étais simplement terrifiée que cette solitude doive durer une autre décade " Son visage était rougi d'émotion.
"J'apprécie cela, Narcissa. Vraiment " Dans un soudain accès d'affection, il étendit le bras pour lui presser la main. Les yeux de Yelena s'éclairèrent à cette vue. "Mais s'il vous plaît, rendez moi un service, vous deux. Ne le dites à personne. Cela compliquerait simplement la situation. Et, surtout, ne le lui dites pas. Quand le temps viendra… Ou plutôt, si le temps vient du tout, ce sera suffisamment difficile pour elle."
Yelena secoua la tête et roula des yeux. "Bien sûr que nous ne le dirons personne. Nous ne sommes pas des femmes moyennes et commérant. Je ai simplement dit la vérité à Narcissa parce qu'elle était si désespérée "
Severus poussa un soupir profond. "Je semble exceller à conduire les femmes au désespoir "
"Oui," dit Narcissa d'un ton léger, "c'est un de tes traits les plus attendrissants. A propos, as-tu déjà réussi à lui donner le sérum?"
"Il y a deux jours, oui " Il leur parla de sa manoeuvre.
"Il semble," dit Yelena, pointant du doigt vers sa droite, "que nous pourrions avoir besoin de ta potion plus tôt que nous ne le pensions "
Et en effet, Viviane approchait d'eux, portant Selene, qui, bien que les traces de larmes sur ses joues soient toujours humides, tenait fièrement en l'air son avant-bras droit, qui était salement écorché. "Lene plonge!" cria-t-elle, leur faisant signe de la main.
"Désolée," dit Viviane, "je ne m'attendais pas à ce qu'elle essaye une Pente Grosski pile dans un arbre. Tout ce que j'ai pu faire était de la détourner un peu, si bien qu'elle s'est simplement éraflée contre l'écorce "
"Comme il est heureux," fit remarquer Severus —un peu tard, car il n'avait pas immédiatement compris la déformation du terme de Quidditch, "que j'aie trouvé l'erreur dans ma formule " Il se leva et alla vers elle, pour examiner le bras de Selene. "C'est une assez grosse égratignure que tu as là, jeune dame. Prendras-tu une potion que j'ai faite spécialement pour toi, pour qu'elle s'en aille?"
Selene fronça les sourcils en levant les yeux vers lui. "Lene veut taplame "
"Mais la potion agit beaucoup plus vite qu'un cataplasme. Tu pourrais immédiatement remonter sur ton balai "
"Et cela a si bon goût," roucoula Viviane, lui lançant un regard de pure méchanceté.
Finalement, Selene consentit à au moins jeter un coup d'oeil à la potion—qui avait en fait un goût de fraise, bien meilleur que le Falsitaserum—et tous quatre se dirigèrent lentement vers la maison, Severus et Yelena à la traîne.
"Cela," chuchota Yelena, "était un scène extrêmement idyllique" Le scintillement malicieux dans ses yeux lui rappela Dumbledore.
"Arrête cela. Immédiatement," dit-il, lui lançant un regard sévère. Elle leva un sourcil et sourit. "J'essaierai," dit-il, se sentant totalement battu. "Je ne promets rien, mais j'essaierai "
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Pendant les dix jours depuis qu'ils avaient été appelés pour la dernière fois par Voldemort, la maison des Jedusor s'était définitivement améliorée. Comme Pettigrow, qui les avait attendu dans le couloir, le leur dit fièrement sur leur chemin vers l'étage, il avait lancé des Protections de Confundus. La question sarcastique de Lucius sur comment diable il avait réussi à faire cela—ériger des protections était, en effet, un genre de magie qui exigeait non seulement un grand pouvoir mais aussi des compétences considérables—avait apporté des informations très utiles. La main en argent que Pettigrow avait reçue en retour pour le membre qu'il avait sacrifié était, en dehors de posséder une force énorme, aussi conçue pour augmenter le pouvoir de ses sortilèges. Tous trois se regardèrent par les fentes des yeux de leurs masques de Mangemorts et classèrent silencieusement cette connaissance pour usage ultérieur.
Mais les protections n'étaient pas les seuls changements qui avaient eu lieu. Une fois bien cachés de la curiosité non-invitée des Moldus, il avait été possible de restaurer la maison à son état ancien. La poussière et les toiles d'araignée étaient partis, les sols avaient été encaustiqués et les chaises avaient perdu leur air pauvre et usé jusqu'à la corde. Et, comme Severus le vit avec surprise, il y avait maintenant des étagères à livres dans le salon du rez-de-chaussée. Ceci était étrange, se dit-il, car quand lui et Lucius avaient vérifié la maison en Albanie il y a sept ans, après la lettre de Lupin à Dumbledore, il n'y avait pas eu de livres. Il essaya en vain de se souvenir de l'état de la maison la nuit du 31 octobre 1981—son manque de mémoire l'irritait, mais il était aussi conscient du fait qu'à ce moment là, son esprit avait été occupé par des inquiétudes beaucoup plus pressantes. Cependant, Voldemort était apparemment à nouveau en possession de sa bibliothèque.
Le Seigneur des Ténèbres était assis dans son fauteuil habituel près de la cheminée. Pas pour la première fois, Severus se demanda si le venin de serpent qu'il ingérait, quotidiennement et en grandes quantités, ne pouvait pas le transformer en un ectotherme. Si c'était vraiment le cas, Voldemort était extrêmement vulnérable. Et à des tactiques relativement simples, ce qui rendait l'information d'autant plus précieuse. Pour l'instant, ce n'était rien de plus qu'une hypothèse de laquelle il devrait discuter avec les autres à leur retour chez eux.
Le trois tombèrent à genoux pour saluer leur Maître; Pettigrow resta debout. L'air sur son visage, comme il observait les trois puissants sorciers se prosterner devant le Seigneur de Ténèbres, était un air de méchanceté torve—Severus le vit bien et n'aimait pas cela le moins du monde. Comme beaucoup de faibles, Pettigrow avait choisi de servir Voldemort, non par dévouement ou par conviction, mais simplement parce qu'il se sentait en sécurité, se cachant derrière une figure de pouvoir et d'autorité; évidemment il hébergeait l'illusion qu'une partie de la vénération rendue à Voldemort était reflétée sur lui, comme la lumière du soleil sur un miroir. Cette illusion devrait être brisée en temps voulu.
"Mes fidèles partisans…" La satisfaction était tangible dans la voix de Voldemort, comme ils embrassaient l'ourlet de ses robes. "Levez-vous, levez-vous et asseyez-vous avec moi " Tous trois inclinèrent la tête et appelèrent des chaises, pour les grouper en un demi cercle autour du Maître. Bien que sans invitation explicite, Pettigrow se joignit à eux. Puisque l'action resta impunie, Severus supposa qu'il lui avait été précédemment dit de le faire. Pour quelque raison, cela le rendit mal à l'aise.
Le Seigneur des Ténèbres fit un clin d'oeil conspirateur—un geste bizarrement incongru, et non seulement parce que ses paupières manquaient de cils—avant de continuer, "Mon serviteur le plus dévoué—" les yeux aqueux de Pettigrow prirent un air boudeur "—est toujours retenu à Poudlard. Pas beaucoup plus longtemps, cependant. Et alors," dit-il, se renversant en arrière mais déplaçant sa tête vers l'avant en même temps, d'une façon qui rappelait étrangement un serpent, "alors nous serons prêts pour notre première action. Avez-vous fait un plan?"
"Oui, Mon Seigneur," répondit Lucius. "Puis-je vous le montrer?" au signe de tête de Voldemort, il produisit le parchemin qu'ils avaient préparé et le lui tendit.
"Un de mes contacts au Ministère," expliqua Owen, "nous a donné les coordonnées de l'Ile d'Azkaban. Nous pouvons transplaner là-bas sans difficulté, à condition de créer une brèche dans les protections avant "
"Je vois " Voldemort lut attentivement le parchemin. "Vous proposez une mission préparatoire? Pourquoi?"
"J'espère véritablement que vous approuvez l'idée, Mon Seigneur, car c'était la mienne," dit Severus, inclinant la tête. "Mais j'ai pensé qu'il serait préférable de scanner les protections à l'avance. Comme vous le voyez, le succès de notre plan dépend beaucoup d'un chronométrage précis. Ce serait gênant, si des retards étaient simplement créés parce que ceux qui doivent désactiver le bouclier magique ont besoin de plus de temps qu'il n'en est vraiment nécessaire "
Le Seigneur des Ténèbres hocha la tête et continua à lire en silence. "Bien," dit-il finalement. "Bien en effet. Je vois que vous n'avez perdu aucune de vos capacités. Qui doit participer à la mission de reconnaissance?"
"À moins que vous n'ayez quelque objection, Mon Seigneur," fut la réponse modeste de Lucius, "nous avons pensé que l'un de nous pourrait être plus que suffisant. Moins nous serons, mieux ce sera "
"Eh bien…" Les yeux rouges, aux mystérieuses pupilles comme des fentes, les scrutèrent un à un. "Vous—" un geste théâtral et balayant de sa main droite découvrit quelques centimètres d'une peau écaillée de reptile, avant que les robes soient à nouveau rapidement tirées sur son poignet"—avez toujours accompli mes ordres à ma très grande satisfaction. Cependant, vous êtes coupables de n'avoir rien fait, rien," répéta-t-il, et le venin dans sa voix les fit tous reculer, "pour me trouver ou m'aider à retrouver un corps humain. Un tel comportement, même s'il n'était pas activement dirigé contre moi, n'est certainement pas digne de louange ou de récompense. Je pourrais même peut-être vous pardonner, si votre conduite future est immaculée. Pour le moment, aucun de vous n'est entièrement digne de mes faveurs ou de ma confiance " Severus sentit son coeur commencer à battre à nouveau—pendant quelques secondes terribles il avait pensé que ceci pourrait être leur fin.
"Une fois que mon plus fidèle serviteur sera revenu à mon côté, il deviendra mon bras droit. Vous garderez de plus hauts honneurs que le reste de mes serviteurs, mais vous devrez entièrement répondre de vos actes devant lui. Appelez cela une leçon d'humilité si vous voulez " Il rit tout bas. "C'est une vertu que vous devez tous apprendre. C'est pourquoi, vous pouvez décider lequel d'entre vous devra aller à Azkaban, mais qui que vous choisissiez sera accompagné par son supérieur "
"Quelque rang que vous daigniez nous accorder, Mon Seigneur," dit Severus, glissant de sa chaise jusqu'aux pieds du Maître, "nous serons très heureux de vous servir et de servir l'homme qui a montré plus de loyauté que nous " Les deux autres firent de même, murmurant leur assentiment.
"Nous verrons," dit Voldemort de manière nonchalante. "Pour le moment, vous pouvez aller. Je vous rappellerai une fois que mon loyal second sera de retour "
Après des courbettes répétés et des humbles expressions de reconnaissance, tous trois descendirent silencieusement les escaliers et quittèrent la maison. Après une marche de peut-être cent mètres, ils eurent atteint les barrières de protections, les traversèrent et transplanèrent.
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"Pensez-vous que nous aurions dû parler d'elle?" demanda Owen, pendant qu'ils partageaient boissons et opinions dans le bureau de Lucius après leur retour au Manoir Malfoy. Personne ne les avait attendu aujourd'hui, car ils avaient été appelés à trois heures du matin.
"Si Barty était vraiment Barty," dit Severus, "cela aurait été la meilleure option. Dans l'état des choses…" Il soupira et se renfonça dans le coin formé par le dossier et l'accoudoir du large divan. "Pour vous dire la vérité, je ne sais pas si je dois me réjouir ou désespérer. Avoir Black dans la position de seul confident est certainement plus que nous l'avions espéré dans nos rêves les plus fous, mais..."
"Essaye de voir le côté positif," dit Owen. "S'il survit à la première semaine, il s'habituera encore plus vite au rôle qu'il doit jouer "
"S' il le fait," marmonna Lucius, dévisageant son verre. "Cependant—" il leva les yeux vers eux "—je ne vois pas tout à fait l'utilité de se soucier de cela maintenant " Il soupira et fit tourbillonner le verre entre ses doigts. "Vous savez ce que j'ai trouvé très perturbant?"
"Tu veux dire en dehors de nous préparer à tromper le Sorcier Sombre le plus puissant du siècle?"
Lucius renifla. "Très drôle, Owen. Mais la réponse est oui. Je me demande pourquoi il n'a rien dit au sujet de Poudlard? Je vais être le nouveau Directeur, mais il ne me donne pas d'ordres—c'est étrange, n'est-ce pas?"
"Je suppose qu'il le fera après le retour de Barty," dit Severus. "En plus, tu ne peux pas faire grand chose maintenant "
"Et," ajouta Owen, "il attendra certainement jusqu'à ce que tu en saches plus. Maintenant, tu ne pourrais pas même lui dire quels postes tu dois remplir "
Avec un gémissement, Lucius ré-emplit son verre. "Ne parlez même pas de cela! Vous pouvez imaginer la pression? Dumbledore va essayer de m'influencer, Fudge, cet idiot, voudra certainement avoir son mot à dire à ce sujet, puis il y a les membres du Conseil d'Administration, et, en dernier mais pas le moindre, Voldemort sera diablement résolu à infiltrer l'école "
"Pour éviter cela," remarqua Severus, "je pense que nous devrions immédiatement envoyer un hibou à Dumbledore. Il n'a pas encore été officiellement enlevé du poste, n'est-ce pas?"
"Bons dieux," s'écria Owen, "Tu ne lis vraiment pas les journaux!"
"Je n'en vois vraiment pas la nécessité. C'est un gaspillage de—"
"Epargne-nous ta philosophie, Sev," le coupa Lucius. "Non, Fudge n'a pas encore trouvé le courage de rendre cela officiel. Imaginez le tumulte! Voyant que Skeeter n'a pas pu couvrir la finale du tournoi des Trois Sorciers, seuls très peu de gens savent ce qui est vraiment arrivé. En tout cas, tu as probablement raison. Je dois lui écrire et lui demander de remplir immédiatement tous les postes vides s'il ne l'a pas déjà fait. Je préfèrerais devoir faire face à des idiots complets pendant un an que d'avoir un personnel auquel je ne puisse pas faire confiance "
"Alors tu devras seulement faire face à un personnel qui ne te fera pas confiance," dit Owen, souriant.
"Ne pensez-vous pas qu'écrire pourrait être un peu risqué?" demanda Severus. "Les hiboux peuvent être interceptés…"
"Je sais que les hiboux peuvent être interceptés, je ne suis pas idiot, Sev. Alors que proposes-tu? Dois-je lui parler via Cheminette? Etant donné l'empressement du contact d'Owen à lui cracher l'emplacement d'Azkaban, je ne suis pas si sûr des loyautés du Tableau de Contrôle de Cheminette "
"Hmm… Il semble que l'un d'entre nous doive y aller, alors. Et ce serait mieux si j'y allais. Ce serait très facile de trouver une excuse. Au moins plus facile que d'expliquer pourquoi toi ou Owen, vous rendriez visite à Dumbledore "
"Super idée " Owen croisa ses bras. "Et que vas-tu dire? Que tu as oublié ta brosse à dents?"
"Au cas où Voldemort apprenne même ma visite, je dirai simplement que je suis allé là-bas pour soutirer des informations à Dumbledore "
"Pourquoi devrais-tu faire cela? Il a son propre espion à Poudlard—Merlin, j'en ai si marre de ce jeu du chat et de la souris!" siffla Lucius; son face était rougi et il claqua son verre sur la table.
"Nous en avons tous marre, Lucius. Pour répondre à ta question, je le ferais parce que je ne connais pas même l'identité de l'espion. Dois-je lui faire confiance? Officiellement, je ne dois pas même être sûr qu'il existe!"
Lucius le dévisagea avec incrédulité. "Tu dois avoir perdu la tête! Es-tu conscient des conséquences? Tu ne peux pas simplement entrer en valsant et dire à Voldemort que tu pensais qu'il avait tout inventé et que tu étais allé à Poudlard pour vérifier! N'as-tu pas fait attention quand Pettigrow s'est vanté de sa prothèse? Voudrais-tu vraiment être mis sous Doloris par lui?"
"Aussi flattant que soit sans aucun doute ton inquiétude, Lucius, je pense que c'est toi qui néglige deux faits importants. Premièrement, que Voldemort semble être devenu encore plus vain et susceptible à la flatterie qu'il ne l'était avant "
"Peu étonnant ," remarqua Owen, "après avoir été battu par ce garçon, il va avoir un besoin terrible de toutes les flatteries qu'il puisse avoir "
Severus lui lança un sourire rapide. "Exactement mes pensées. Et, deuxièmement, toi—" il pencha son menton vers Lucius "—tu sous-estimes douloureusement ma capacité à transformer ce qui semble être de l'insubordination en un acte d'admiration débridée"
"Je pense que tu es seulement complètement et totalement fou à lier," dit Lucius, le caractère légèrement indistinct des mots trahissant le fait que son esprit n'était plus très clair, non plus.
"Et si nous continuions cette discussion ce matin?" Owen fit rouler ses épaules et étouffa un bâillement énorme. "Moi, en tout cas, je suis absolument crevé "
Les deux autres hochèrent la tête, et, après un court 'bonne nuit', Owen partit par Cheminette. Lucius et Severus longèrent lentement le couloir. Une fois que Lucius fut rentré dans ses propres chambres, Severus sentit la fatigue l'envelopper comme une couverture de plomb. De manière peu surprenante, pensa-t-il avec une ironie désabusée, car dehors, la première lueur de l'aube attirait déjà les oiseaux à faire ce qu'il estimait être un boucan infernal, bien que des natures plus poétiques l'eussent probablement décrit en d'autres termes. A moitié endormi comme il l'était déjà, Severus trébucha presque sur un objet solide devant sa porte. Les murs du Manoir Malfoy faisaient à peu près un mètre de large, et ainsi, les portes, qui étaient à fleur des murs dans les chambres, étaient incrustées dans des niches profondes qui interrompaient les murs du couloir à larges intervalles.
L'objet solide émit un glapissement et se remit précipitamment sur ses pieds avec une confusion sauvage de cheveux et de tissu.
"Viviane? Que diable fais-tu ici?"
Elle le regarda avec des yeux plutôt bouffis. "Je… je ne pouvais pas dormir et donc je vous ai entendu partir avec Lucius. Cela pouvait seulement être à cause de Voldemort, et donc j'ai décidé de vous attendre. Seulement pour voir si vous alliez bien…" Ses doigts triturèrent la ceinture de sa robe de chambre. "Vous… allez bien, n'est-ce pas?"
"Oui, et Lucius aussi. Retourne dans ton lit, Viviane. Il n'est que quatre heures et demie du matin, et moi aussi, j'ai besoin de sommeil "
Son visage prit une expression têtue. "Ne vous inquiétez pas. Je ne vous aurais pas ennuyé. Pas que votre méthode de me le faire savoir ait été subtile, mais je comprends quand on ne veut pas de moi "
Severus baissa les yeux vers elle et soupira. "Je ne suis vraiment pas d'humeur à discuter maintenant, Viviane. Mais si tu voulais me parler ou si tu avais besoin de me parler, tu trouveras ma porte sans protection. Pourrais-tu maintenant s'il te plaît retourner dans ton lit, pour que je puisse revenir au mien?"
"Oui, Monsieur," dit-elle, levant la tête vers lui et souriant.
Il resta dans le couloir, suivant des yeux sa silhouette se retirant jusqu'à ce qu'il entende le doux déclic de la fermeture de sa porte. Secouant alors sa tête d'étonnement envers lui-même, il défit les sortilèges protégeant sa porte. Une fois à l'intérieur, il ne les remit pas.
