CHAPITRE 08
Une sieste l'après-midi était un plaisir rare, même lors des meilleurs des temps. Mais le temps était beau, les enfants avaient décidé d'aller nager dans l'étang— accompagnés par Narcissa, bien sûr—Lucius, qui, quand il était privé de sommeil, était près d'être insupportable, avait disparu dans ses chambres immédiatement après le déjeuner et Yelena était partie pour un bref séjour en Bulgarie pour rendre visite à ses parents avant que toute la famille ne déménage à Poudlard. L'air de l'après-midi était sec et chaud, chatoyant et frémissant au-dessus des murs extérieurs noirs du bâtiment, et la maison était si calme et tranquille que Severus ne put pas résister à la tentation. Ses chambres faisaient face à l'Est et ainsi n'avaient pas de lumière directe à ce moment de la journée. Il déplaça le divan près d'une des fenêtres ouvertes et s'allongea avec un soupir luxuriant qui anticipait déjà le sommeil, aussi léger et calmant qu'ait coutume de l'être celui d'une sieste, sous la couverture immatérielle d'un courant d'air chaud.
Aussitôt que sa tête toucha le coussin, il tomba dans l'abîme du sommeil. Pour une fois, il était sans rêve et rafraîchissant. Il serait probablement resté endormi jusqu'au dîner, s'il n'avait pas été réveillé, à peu près deux heures plus tard, par un objet plutôt lourd qui atterrit sur sa poitrine avec un bruit sourd de choc. Il ouvrit un oeil rancunier, seulement pour se trouver oeil à oeil—tout à fait littéralement—avec un iris jaune énorme encadrant la fente d'une pupille noire. Alors quelque chose lui entra dans le nez, et il éternua. Un "Mrow!" qu'il pensa tout à fait content de lui, répondit au son.
Les deux yeux ouverts, il se rendit compte que l'intrus était le chat de Viviane… Boulenrond? Patt-quelque-chose? Il n'arrivait vraiment pas à se souvenir du nom. Pas que ce soit important, car la bête ne semblait pas avoir l'intention de quitter sa poitrine, qu'il l'appelle par son nom ou pas; au contraire, le large félin orange tourna de ci et de là, puis sembla avoir trouvé la position idéale, et se roula finalement en une boule qui donnait plus de chaleur que Severus n'en aurait désiré lors d'une journée aussi chaude que celle-ci.
Le restes de sommeil dérivaient encore dans son cerveau comme des toiles d'araignée mouillées, et il ferma donc simplement à nouveau les yeux, prêt à se rendormir. Cette intention, cependant, fut contrecarrée par un coup frappé à sa porte d'un air urgent. "Entrez!" appela-t-il. Toujours face à face avec la grande boule de fourrure qui se reposait actuellement sur sa poitrine, et étourdi par la chaleur et le sommeil interrompu, il tourna simplement la tête vers l'entrée.
Quelques heures passées dans la lumière du soleil et dans l'eau fraîche avaient teinté le teint habituellement clair de la fille de la plus faible nuance de bronzage, qui sur ses épaules et sur le dessus de son nez, était adoucie et embellie par une teinte rosée. Ses cheveux étaient toujours mouillés et accumulés sur sa tête en une masse désordonnée de boucles. Elle l'avait fixée en y enfonçant sa baguette, ce qui donnait à la coiffure—si cela pouvait être appelé ainsi—une touche vaguement Japonaise. Autant qu'il puisse en juger, elle portait simplement une robe d'été en coton, lavée tant de fois que ce qui avait probablement autrefois été d'un bleu léger avait pâli à un porcelaine tendre translucide. Et des sous-vêtements blancs ordinaires—le tissu de sa robe était si transparent qu'il pouvait tout à fait clairement les distinguer. Pas de soutien-gorge, pas de bustier. Pas de chaussures. Et elle avait à l'évidence mis la robe immédiatement après être sortie de l'eau, car il y avait toujours des endroits mouillés, qui rendaient le vêtement déjà léger encore plus transparent. Il s'accrochait à sa peau à quelques endroits, mais le plus remarquablement à ses seins. Dès que ses yeux commencèrent à errer vers ses mamelons, tendus et droits sous le tissu humide, il tourna à nouveau son regard vers le chat. Sans résultat, parce qu'elle s'approcha du divan et se pencha au-dessus de lui, pour pouvoir regarder directement dans les yeux de l'odieux félin.
"Vilain, vilain chat!" gonda-t-elle. "Tu sais que tu n'as pas le droit d'entrer dans les chambres des gens!"
Severus resta immobile, tout à fait comme l'occupant actuel de sa poitrine, qui ne semblait pas le moins du monde impressionné par le sermon de sa sorcière. Il avait détourné les yeux, mais il devait toujours respirer. Et ainsi inhaler l'odeur de peau réchauffée par le soleil et d'eau, soulignée par une faible trace de transpiration. L'essence- même de l'été. Il essaya de combattre la pensée qui lui disait que c'était tout sauf désagréable, surtout dans son état actuel de paresse relâchée.
"Je suis désolée, Professeur. D'habitude, il est vraiment sage. Mais je suppose qu'il jouait avec Elias et Mina dehors sur le balcon et… Il vous a réveillé, n'est-ce pas?"
"Oui, mais je pense que j'ai assez dormi. Quel heure est-il, au fait?"
"Cinq heures et demie " Des gouttelettes d'eau se rassemblaient tout au bout de ses boucles, en apparence suspendues à rien. L'une d'elle devint trop lourde, se détacha, et atterrit près du coin de bouche de Severus. "Oh," dit-elle, alarmée, "Désolée à nouveau, je n'avais pas l'intention de vous asperger d'eau. C'est seulement que Pattenrond n'était pas là quand je suis revenue, et—"
Severus leva une main paresseuse pour essuyer la goutte, qui courait le long de son menton et le chatouillait. Il aurait aimé tourner la tête vers la fenêtre, pour éviter de regarder les contours de son corps, visibles à travers le voile de coton qui flottait devant ses yeux; mais le mouvement ne lui était pas facile. Cela aurait aussi été très grossier. Mais ceci, bien qu'il essayât de se convaincre du contraire, n'était pas la raison pour laquelle il laissait simplement sa tête comme elle était. "Tant pis. J'ai dormi plus de deux heures, ce qui, je te l'assure, est tout à fait suffisant "
Il y eut une pause maladroite. Les mains de Viviane s'avancèrent pour ramasser Pattenrond de sa cage thoracique, mais elles hésitèrent alors et s'arrêtèrent en plein vol, planèrent une seconde puis se retirèrent à ses côtés. Si elle voulait ramasser le chat, elle ne pouvait absolument pas éviter de toucher Severus. "Je… euh, si vous voulez qu'il s'en aille, poussez-le simplement," réussit-elle finalement à dire.
"En fait, c'est très agréable, même si c'est un peu chaud " Esméralda avait adoré dormir sur sa poitrine, ronronnant d'abord sous les mouvements légers de ses mains, donnant des coups de tête contre sa paume de main, puis se relâchant graduellement jusqu'à devenir un tas sans os d'extase ronronnante… A quelque point, le ronronnement s'arrêterait. Elle était profondément endormie, une poignée de vie respirant contre lui, si pleine de confiance qu'il ne lui ferait jamais de mal…
"Professeur?" Plus de piqûres d'épingles par l'eau froide sur son visage, sa gorge et la petite surface de peau exposée là où il avait défait les premiers boutons de sa chemise. "Est-ce que tout—"
"Oui, je vais bien " Il réussit finalement à séparer le souvenir de la réalité, et à repousser la douleur toujours vive loin de son coeur et de ses tripes, à se libérer de cette image horrible du corps noir et lisse duquel la tête avait été coupée. "Mais je pourrais boire quelque chose. Aurais-tu la gentillesse…" Il fit un geste vers la cloche d'argent.
Elle hocha la tête, douchant lui et Pattenrond, qui battit simplement d'une oreille avec désapprobation. "Bien sûr " Elle sonna Peggy, qui apparut instantanément.
"Voudrais-tu aussi quelque chose?" demanda-t-il.
"Oui, j'ai très soif. Et faim," ajouta-t-elle, mettant une main sur son estomac grognant. "Désolée, mais la natation me donne toujours très faim "
Peggy hocha la tête, toute sa posture exprimant le bonheur. "J'ai fait du thé vert glacé avec des feuilles de menthe et du citron!"
Severus sourit. "Cela semble merveilleux, Peggy. Juste ce dont j'ai besoin "
"J'apporte une cruche alors, et des sandwichs aussi!"
Elle disparut avant que la fille ait pu dire quoi que ce soit. "Je ne voulais vraiment pas… je sais que je demande pardon tout le temps, mais je suis désolée, je ne voulais pas m'imposer. Devrais-je lui dire d'amener cela dans ma chambre?"
"Non," s'entendit-il dire, "tu peux rester si tu veux "
"Oh…" Elle semblait étonnée. "Oui, merci, si vous n'y voyez vraiment pas d'inconvénient…"
"Si j'y voyais un inconvénient, je ne t'aurais pas dit que tu pouvais rester. Mais tu devras conjurer une paille pour moi, car je suis un peu immobilisé " Il fit un geste vers le chat.
Elle fit un sourire rayonnant, hocha la tête, et tira la baguette de ses cheveux. La masse mouillée tomba en cascade sur son cou et ses épaules. Severus inhala brusquement quand une mèche épaisse tomba vers l'avant et en travers de son sein gauche, où l'eau rendit le matériel de gaze complètement diaphane. Un instant, leurs yeux se rencontrèrent et de la tension étincela entre eux. Viviane rougit, laissa presque tomber sa baguette et réussit finalement à exécuter un sortilège de séchage sur ses cheveux et sa robe.
Pendant que Peggy préparait la table de leur thé, il écouta son pouls qui ralentissait graduellement. Il avait accéléré considérablement, et Severus ne savait pas tout à fait qu'en penser.
Viviane métamorphosa une plume en une paille et lui tendit son verre. "Je peux vous poser une question?"
"Est-ce que c'est embarrassant?" contra-t-il.
"Embarrassant—je ne vois pas tout à fait—"
"D'habitude tu demandes simplement quoi que ce soit que tu veuilles savoir, sans préparer ta victime. Considérant le fait que tu viens de le faire, la question doit être d'un embarras dévastateur "
"Non!" Elle s'empara d'un autre sandwich. "J'essayais seulement d'être polie "
Un "Ah!" sec fut tout ce qu'il réussit à dire sans éclater de rire. Il avait—comme Owen l'avait si sagement remarqué—assez d'expérience avec les filles de son âge pour savoir qu'elles oscillaient entre un comportement d'adulte et d'enfant d'une façon très stupéfiante. Il y était habitué et, quand il exerçait ses devoirs d'enseignant ou de Directeur de Serpentard, il utilisait simplement son soi sévère et habillé de noir pour refroidir automatiquement les explosions d'enfantillage et de maturité précoce les plus répugnantes. Quand il s'agissait de Drago, il ajoutait un sourire indulgent, la plupart du temps. Mais—et il était vraiment étonné de la manière avec laquelle son subconscient l'influençait à l'évidence—avec elle, cette stratégie ne semblait plus marcher. C'est à dire pas pour lui, puisque cela servait aussi à se protéger de pensées malheureuses au sujet de ses élèves filles. Ou peut-être qu'il ne voulait pas que cela marche en ce qui la concernait. Cette possibilité était si dérangeante qu'il la rejeta immédiatement. "Eh bien?" dit-il après quelques secondes, brisant ainsi efficacement ses efforts pour lui faire baisser les yeux.
"J'étais seulement en train de me demander… pas que je veuille sembler ingrate ou quoi… Mais Harry et Ron me manquent vraiment…" Ses épaules montèrent un peu, et elle inclina légèrement la tête, comme si elle attendait un coup et se préparait à se protéger.
Il s'était attendu à cela, et ainsi, il n'était pas trop surpris. "Considérant combien vous êtes proches, je soupçonnais que cela puisse être le cas "
"Vous dites 'proches' comme si c'était une mauvaise chose!"
"Le mot 'projection' te rappelle-t-il quelque chose, Viviane?"
Son ancienne timidité complètement oubliée, elle s'assit tout droit. Son visage prit une expression belliqueuse. "Si vous êtes en train de suggérer que je ne suis pas heureuse d'être l'amie de Ron et Harry—"
"Oui," l'interrompit-il calmement, "c'est exactement ce que je suggérais. Que ressors-tu de cette amitié, Viviane? Il n'est que trop évident qu'ils ont certains avantages. Mais toi?"
"L'amitié n'est pas là pour que qui que ce soit en ressorte quelque chose !" cracha-t-elle.
"Penses-tu vraiment cela? Les amitiés sont faites pour enrichir sa vie, n'est-ce pas?"
"Bien sûr que oui!"
"Je suis content que nous voyions tous les deux cela de cette façon. Alors dis-moi, de quelle manière est-tu enrichie par l'amitié de Potter et Weasley?"
Longtemps, elle le dévisagea avec des yeux rétrécis. "Ma vie a certainement été beaucoup plus amusante depuis que nous sommes devenus amis," répondit-elle finalement.
"Penses-tu pouvoir définir 'amusant'?"
Elle poussa un soupir exagéré et roula des yeux. "Je pensais que vous auriez besoin d'une définition de l'amusement. Je suppose que c'est quelque chose que vous ne connaissez que par ouï-dire!"
Sa bouche se boucla en un sourire mince. "Bien paré. Tout de même, je renouvelle mon défi. Quel est exactement l'amusement qu'ils apportent dans ta vie?"
"Eh bien, cela veut dire que je fais d'autres choses que de lire et d'étudier…" Maintenant elle commençait à sembler incertaine.
"J'ai toujours eu l'impression que lire et étudier était ce que tu aimais le plus. Ton idée d'amusement, pour ainsi dire. Cependant, je vais laisser passer cela " Il lui tendit son verre vide, et elle le ré-emplit avant de le lui rendre. "Tu as dit d'autres choses?" Elle hocha la tête. "Et que serait-ce, précisément?"
Viviane bougea de manière inquiète sur sa chaise. "Je ne suis pas sure que je doive vraiment vous dire cela…"
Pattenrond se leva, bâilla et transféra sa masse considérable sur les genoux de sa sorcière. Finalement libre de se déplacer, Severus mit quelques coussins debout contre le mur et le rebord de la fenêtre et s'assit. Ses yeux étaient maintenant à niveau des siens, puisque le divan était beaucoup plus bas que sa chaise. "Dans ce cas particulier, je pense que je peux promettre de tomber victime d'une attaque imprévue d'amnésie "
Tandis que ses mains glissaient sur la fourrure du chat, elle lui lança un sourire timide. "Eh bien, alors… C'est toutes les choses passionnantes dans lesquelles Harry se fait impliquer... lui et Ron ont toujours besoin de mon aide—autrement ils seraient probablement déjà morts…" Ses yeux revinrent à son animal familier. "Comme dans notre première année, quand nous avons découvert pour la pierre. Ou cette année, quand j'ai déterré toutes sortes de sortilèges pour la dernière tâche …"
Severus hocha la tête. "Je vois. Puis-je poser une question plutôt personnelle?"
Immédiatement, son regard devint gardé. "O-oui, bien que je ne sois pas obligée d'y répondre, n'est-ce pas?"
"Pas si tu sens que c'est trop privé, bien sûr que non. Mais ce problème m'intrigue en quelque sorte. As-tu une explication pour le fait que tu n'aies pas d'amies filles?"
Elle haussa les épaules. "Non, pas vraiment. Mais vous connaissez Lavande et Parvati…"
"En effet. Et Mesdemoiselles Brown et Patil semblent être des filles parfaitement ordinaires. Vous avez partagé un dortoir pendant quatre ans, alors pourquoi n'y a-t-il pas d'amitié ou de haine intense?"
"Parce que… parce qu'elles sont stupides!" rétorqua-t-elle. "Stupides et superficielles et simplement ennuyeuses!"
"Stupides?" Sa tête était courbée, donc il ne pouvait pas examiner ses yeux. Mais l'intense rougeur rampant de ses joues jusqu'à sa gorge et augmentant lentement sur sa poitrine ne devait rien au soleil d'été, de cela il était sûr. "Viviane, tu sais quel genre d'enseignant je suis " Elle renifla, sans élever la tête. "Exactement. Je suis très, très exigeant. Et bien que ni Mademoiselle Brown ni Mademoiselle Patil n'aient atteint la plus haute note à leur examen de fin d'année en Potions, elles ont toutes les deux fait un travail très décent, certainement au-dessus de la moyenne. Les élèves stupides n'ont pas quatre-vingt deux pour cent "
Cela fut suffisant pour qu'elle relève brusquement la tête de surprise. "Quatre-vingt deux? Je n'en avais aucune idée…"
"Cela, c'était évident," remarqua-t-il sèchement. "Ce que j'essaie de dire est qu'aucune de tes camarades de chambre n'est stupide. Quant à être superficielles… ne dirais-tu pas que c'est un trait de caractère assez commun chez la plupart des êtres humains? Particulièrement à quatorze ans?"
"Eh bien, moi, je ne le suis pas!" le contra-t-elle avec passion.
"Cette affirmation a, bien sûr, été contredite par ton jugement plutôt dur et complètement erroné sur leur intelligence "
Maintenant elle était sans aucun doute furieuse. Mais, pensa-t-il, prête pour le combat. Cette fois, elle n'allait pas sortir en ouragan devant lui, et d'une manière ou d'une autre cela le satisfaisait extrêmement. "C'était méchant et retors!" siffla-t-elle. "Vous savez exactement ce que je voulais dire! Et tout de même, vous faites exprès de mal comprendre et de m'offenser!"
"Au contraire, ma chère. Tout ce que j'essaye de faire est de te montrer que ta logique est défectueuse. Par exemple, décrirais-tu Potter ou Weasley comme des penseurs particulièrement profonds?"
Elle mordit sa lèvre inférieure et lui lança un regard plein de reproches. "Ceci n'a rien à voir avec—"
"Bien sûr que si! Tu blâmes Brown et Patil, qui, je pourrais le mentionner, ont obtenu de meilleures notes que Potter ou Weasley dans presque tous les sujets, d'être stupides et superficielles. Mais tes deux amis réussissent moins dans leurs études et ne sont pas exactement ce que l'on pourrait appeler des philosophes. Et tu as dit que les deux filles sont ennuyeuses. Qu'est-ce qui les rend comme cela, si je peux poser la question?"
"Elles…" Elle le regarda, insécurité et reproche écrits clairement sur son visage. "Elles ne parlent pas de… de choses…" Les larmes, scintillant déjà avec éclat dans ses yeux, débordèrent et coulèrent le long de ses joues, laissant des sentiers mouillés dans leur sillage, qui luisaient dans la lumière indirecte du soleil. "Pourquoi me faites vous cela?" s'étouffa-t-elle entre deux sanglots, "Pourquoi? Me détestez-vous tant que cela? Qu'est-ce que je vous ai fait, bon Dieu?"
Ce n'était pas la première adolescente à qui il devait fournir un mouchoir, et ce n'était pas la première fois non plus qu'elle en avait besoin. Selon son expérience, elles n'en avaient jamais aucun quand elles en avaient vraiment besoin. Alors il pêcha le rectangle blanc immaculé dans sa poche et le lui tendit. Elle le prit, bien que sans le regarder, et se moucha. Il attendit qu'elle se soit calmée un peu puis dit, aussi doucement que possible, "Crois-moi, je n'avais pas l'intention de te faire pleurer. Au contraire, je suis tout à fait étonné par ta réaction. Voudrais-tu t'expliquer?"
"Je ne suis pas—" un autre sanglot l'interrompit, et elle inspira à fond avant de continuer. "Je ne suis pas si sûre que vous vouliez l'entendre "
"Ma chère Viviane, si je ne voulais pas l'entendre, je ne te l'aurais pas demandé. Mon temps est trop précieux pour être gaspillé avec des conversations par lesquelles je ne suis pas intéressé "
"O.K. " Elle mit le mouchoir dans sa poche et se versa un peu plus de thé glacé. "Je dois avoir un air épouvantable," dit-elle, soudain gênée.
"Eh bien…" Il la regarda du coin de l'oeil, faisant semblant de lui lancer un regard critique. "Rien que ceci—" il conjura un autre mouchoir, mais celui-ci était mouillé "—ne puisse pas réparer en quelques minutes " De plus, le mettre sur ses yeux avait le profit supplémentaire qu'elle ne devait pas le regarder pendant qu'elle parlait. Il avait le soupçon que ce qu'il allait entendre puisse être tout à fait sérieux.
Pattenrond le chat contribua à calmer sa sorcière en léchant sa main droite. Elle sourit. "Vous voyez," commença-t-elle, cherchant à l'évidence ses mots, "fondamentalement, tout cela a à voir avec être… différente "
"Différente dans quel sens?"
"J'allais l'expliquer. J'ai toujours été différente, vous savez? Que ce soit au jardin d'enfant, à l'école maternelle, à l'école primaire… toujours. J'ai fait arriver des choses étranges, et j'en ai toujours su plus que les autres "
"Comme tu étais sans aucun doute rapide à les en informer," fut son commentaire laconique.
"Eh bien, oui. Mais—" elle souleva la compresse froide de son oeil gauche et lui lança un regard intense "—ce n'était pas seulement pour parader. Je pense que ce que j'espérais vraiment était de trouver quelqu'un qui serait pareil. Ou peut-être pas pareil. Quelqu'un qui comprendrait et m'accepterait, comme j'étais, dans mon entier. Stupide, n'est-ce pas?"
Severus sentit sa gorge se contracter. Ceci n'était sans aucun doute pas ce à quoi il s'était attendu, et cela le perturba énormément. De trouver des sentiments si similaires aux siens chez cette petite je-sais-tout de Gryffondor, qui était aussi par hasard… Il coupa sauvagement cette ligne de pensée. "Je ne dirais pas que c'est stupide. C'est un désir humain très basique, je dirais. Etre vu au lieu d'être regardé. Etre écouté au lieu d'être entendu. Ce que je ne comprends pas tout à fait, honnêtement, est comment Potter et Weasley rentrent dans l'image. Est-ce qu'ils te voient?"
Le sourire qu'elle envoya dans sa direction était un peu forcé. "Eh bien… oui et non. C'est quelque chose d'autre, du moins je le pense. Ils sont différents aussi, vous savez? Aucun d'eux n'est entièrement à son aise avec ce qu'il est. Harry ne veut pas être une célébrité, et Ron ne veut pas être le plus jeune fils d'une famille aussi pauvre que Job. Je suppose… je suppose que c'est cela qui rend le lien si fort. Il est plus facile de porter un fardeau quand vous savez que la personne à côté de vous en porte un similaire. Comme avoir la lèpre et habiter avec d'autres lépreux "
A cela, il renifla. "Cela semble un tantinet exagérée. Mais je pense que je comprends " Il s'arrêta, ne sachant pas s'il devait poursuivre ce fil, mais il décida alors de ne pas le faire. "Alors, je suppose que tu aimerais rester en contact avec eux pendant les vacances?"
"Oui, c'est ce que je voulais demander "
Severus soupira. "Je n'ai pas l'intention de te décevoir, mais je ne pense pas que ce soit possible. Cependant, je promets de discuter de ce problème avec Lucius. Et je devrai aller à Poudlard, probablement demain. Peut-être que Dumbledore a quelque conseil utile "
"Eh bien, il en a toujours," dit-elle, ôtant la compresse de ses yeux.
Etait-ce une minuscule trace de venin dans sa voix? Severus n'en était pas tout à fait sûr mais choisit de ne pas chercher plus loin. "En effet. Je te le ferai savoir en tout cas " Il avait mis exactement la bonne note de finalité dans sa voix, et elle l'avait immédiatement saisie.
"Je pense que je vais prendre congé de vous maintenant " Elle ramassa Pattenrond dans se bras et se leva. "Merci, et… eh bien, désolée pour l'explosion "
"De rien vraiment "
Il avait beaucoup de choses à l'esprit en la regardant quitter la pièce.
ßßßß*ßßßß
Après le dîner, Viviane était engagée dans un débat échauffé de Métamorphose avec Narcissa, attentivement regardées par Drago, et ainsi Severus suggéra que lui et Lucius aillent faire une courte promenade dans le parc et sur les terres. Ils avaient peut-être parcouru cinquante mètres et aucun d'entre eux n'avait encore prononcé un mot, quand un grand hibou plana vers eux et atterrit, manquant un peu de grâce, sur le sol. Lucius s'accroupit et délia le parchemin qu'il avait porté sur sa jambe. L'oiseau émit un court hululement et partit dans la nuit.
"De la part de Sibylle?" dit Lucius, fronçant des sourcils devant la lettre. "Ces jours-ci, recevoir des lettres de la part de voyants m'inquiète légèrement " Mais il l'ouvrit néanmoins et lut tout haut, "Cher Lucius, ce soir pendant le dîner j'ai eu une vision (je t'assure que c'est vraiment embarrassant, surtout si Lester McNair est assis à la même table. Il a probablement pensé que j'avais un orgasme) en tout cas, c'était court mais tout de même perturbant. Parce que j'ai vu Voldemort exécuter le rite de Mortuus Redivivus, avec plus de détails que je ne l'aurais voulu. C'est étrange, parce que je ne vois pas d'habitude quoi que ce soit qui appartienne au passé. Mais Owen m'a dit que Severus va rendre visite à Dumbledore, et donc j'ai pensé que cette information pourrait être utile. A toi, Sibylle. "
Les deux hommes se dévisagèrent l'un l'autre en silence. Severus fut le premier à le rompre. "C'est sans aucun doute étrange. Je regrette qu'elle n'en ait pas écrit plus "
Remettant la lettre dans sa poche, Lucius recommença à marcher. "Plus dans quel sens?"
"Dans le sens où elle pourrait avoir expliqué exactement pourquoi elle a envoyé cette lettre. Si ce qu'elle a vu n'était qu'une répétition de ce qui est déjà arrivé, nous écrire était inutile. D'autre part, je ne vois vraiment pas ce que cela pourrait être d'autre "
"Hmm…" Lucius leva les yeux vers le ciel où de petits nuages plumeux jouaient à cache-cache avec la lune. "Mais à l'évidence elle a pensé que c'était assez important pour envoyer cette lettre. Je ne me souviens pas qu'elle ait jamais eu une vision du passé. Et toi?"
"Non, pas vraiment. Mais cela ne peut pas être l'avenir, non plus "
Ils continuèrent à marcher, le gravier craquant sous leurs souliers. Ce son noyait presque le bruissement doux de leurs robes contre l'herbe. "Quoi que ceci signifie," dit Lucius un peu plus tard, "je suis très inquiet au sujet de Sibylle "
Severus tourna à moitié la tête et le regarda avec des sourcils haussés. "Depuis quand te préoccupes-tu de Sibylle ne serait-ce que d'un ongle d'orteil d'Elfe de Maison?"
"Eh bien…" Ils avaient atteint un taillis d'arbres, et dans l'ombre jetée par leurs branches énormes, leurs deux visages apparaissaient comme des flous blancs. Aucun détail n'était visible, mais Severus n'avait pas besoin de voir Lucius pour savoir qu'il était véritablement perturbé. "Je ne me soucie pas beaucoup d'elle, mais… d'une certaine façon, elle est devenue très… proche "
"Oui, bien, c'est à peu près ce que je ressens à son sujet. Mais pourquoi devrais-tu être inquiet?"
Lucius soupira. "Tu sais, peut-être que je deviens seulement paranoïaque. C'est ces… motifs récurrents. Cela me rend fou. Je n'arrête pas de penser, et si ceci ou cela arrivait à nouveau, exactement de la même façon qu'avant?"
"Cela est difficilement de la paranoïa, je dirais " Ils avaient quitté l'ombre des arbres, et dans le clair de lune fugace et souvent interrompu, Severus pouvait clairement distinguer les rides d'inquiétude sur le visage de Lucius. Il supposait qu'il n'avait pas l'air beaucoup mieux. "Après tout, la ressemblance entre ce qui serait presque arrivé à Narcissa, et ce qui pourrait arriver à Viviane est tout à fait évident " Lucius hocha simplement la tête, sans le regarder. "As-tu peur de pouvoir partager le destin de ton père?"
Dans le calme de la nuit, l'accroc dans le soupir de Lucius était clairement audible. "Cela aussi, oui. Depuis que Clarissa a tué son père, mon opinion au sujet des prédictions de Sibylle a changé plutôt radicalement. Quand Owen a commencé à travailler pour le Ministère… tuer des bêtes dangereuses…" Il émit un rire court et rauque. "Tu comprendras que je n'espère pas particulièrement que sa prédiction sur mon avenir se réalise "
Severus sourit dans l'obscurité. "Oui, je peux imaginer cela. Surtout que j'ai compris, il y a assez longtemps maintenant, que la prédiction en elle-même peut être précise, mais que son… eh bien, interprétation de ce qu'elle voit pourrait être défectueuse. Comme avec Clarissa…"
"Comme avec Clarissa. Exactement. Ce pourrait être toi, ou Narcissa… Drago… même Selene, avec le temps " Ses yeux étaient vides dans la lumière incertaine, deux étoiles plates et mortes.
"Lucius… tu ne penses pas vraiment que l'un d'entre nous—"
"Pourquoi pas? Cela ne doit pas être intentionnel, un accident serait parfaitement suffisant " Lucius s'arrêta brusquement et se tourna vers Severus. "Et toi?" demanda-t-il d'une voix rauque. "Je me souviens qu'elle ne t'a rien dit ce jour-là "
"Eh bien, elle l'a fait, d'une certaine façon. Mais je préférerais… je préférerais garder cela pour moi, du moins pour le moment. Sois sûr que c'est simplement privé "
"L'amour?" La question était à moitié incrédule, à moitié dans l'expectative.
"Quel romantique sans espoir tu es, Lucius. Mais oui, c'est au sujet de l'amour. Pas mon sujet préféré de discussion, comme tu le sais bien "
Lucius rit tout bas. "Eh bien, tant que tu ne te fiances pas à Black…" Ils reniflèrent tous les deux d'un air moqueur.
"D'une certaine manière tordue, c'est encore plus bizarre. Mais retournons à Sibylle. Penses-tu que Voldemort se souvienne d'elle?"
Elevant ses mains d'exaspération, Lucius répondit, "Je n'en ai aucune idée. 'Oui' et 'non' sont des réponses également plausibles. Mais s'il s'en souvient—"
"Sibylle est en grand danger," termina Severus. "Lucius," continua-t-il après une brève hésitation, "je veux que ceci reste strictement entre nous deux, mais penses-tu qu'Owen puisse… eh bien…"
"La sacrifier pour sauver sa propre peau?" Severus hocha la tête. "Bien sûr qu'il le ferait. Parfois, je me demande bien pourquoi j'ai inclus Owen dans ceci. A l'époque, cela semblait parfaitement logique, cependant. Nous, je veux dire toi et moi, étions moins certain chacun au sujet de l'autre "
"Je suis honoré d'entendre que tu es certain maintenant," remarqua sèchement Severus.
"Nous avons risqué nos vie et nos membres l'un pour l'autre plus d'une fois, alors je pense que nous pouvons tous les deux l'être. Et je suis assez sûr qu'Owen ne trahira aucun de nous. Nous pouvons être immunisés au Veritaserum, mais cela ne veux pas dire que nous ne pouvons pas cracher tous nos secrets si nous le voulons. Avec Sibylle, c'est un peu différent "
"N'oublie pas qu'elle connaît autant de secrets que nous "
"Je n'ai pas dit qu'il l'apporterait à Voldemort. La tuer serait plus qu'assez "
"Oui. Oui, c'est vrai " Une vision brève de Sibylle, intacte mais dépourvue de vie, passa dans l'esprit de Severus. "Traite moi d'idiot sentimental, mais je détesterais qu'il la tue "
"Moi aussi, Sev. Moi aussi. A bien y penser, peut-être qu'elle a aussi ce genre de doutes, et c'est pourquoi elle en a écrit si peu "
"Ne voulant pas attirer l'attention, tu veux dire?"
"Pas plus, en tout cas, qu'elle ne l'a déjà fait "
Leur attention s'était concentrée sur leur discussion et leurs inquiétudes, si bien que ce qui avait été prévu comme une simple promenade à la fin d'un dîner devenait maintenant une promenade très longue. Avec une compréhension silencieuse, ils se tournèrent et commencèrent à revenir en direction de la maison. La lune était maintenant plus haute dans le ciel, et puisqu'ils avaient quitté les sentiers de gravier il y a longtemps, le doux bruissement de leurs pieds et de leurs robes sur l'herbe était léger et faible, presque aussi argenté que le clair de lune. Il était difficile de ne pas sentir la paix de cette nuit d'été, mais les deux hommes étaient perdus dans leurs propres pensées et faisaient peu attention à la beauté de leurs environs.
Quelques minutes passèrent, puis Severus dit, "Penses-tu que nous gagnerons cette fois? Pour de bon, je veux dire?"
"Je souhaiterais pouvoir dire oui. Mais je n'ai pas plus d'informations que toi, alors je suis aussi loin d'en être sûr que toi. Mes tripes me disent que oui, cependant. Si nous pouvons concevoir un moyen de vraiment le tuer "
"Si c'est même possible. Comment juges-tu sa condition physique?"
Lucius secoua lentement la tête. "C'est exactement le point. Je n'en ai aucune idée. Il est si changé qu'il faudra probablement quelque temps pour que nous puissions être sûrs de quoi que ce soit à son sujet. Et même si son corps se révèle être moins fort qu'il n'en avait l'intention, cela ne dit absolument rien au sujet de son esprit. J'espère seulement—" il poussa un soupir énorme "—j'espère que Black ne fera pas tout rater. Ce tempérament irréfléchi… et s'il se mettait dans la tête que Voldemort est assez faible pour être tué par un simple Avada Kedavra ? Alors nous en serions exactement au même point qu'il y a quatorze ans. Et je suis sûr que Voldemort a appris de ses erreurs passées. S'il cherche un autre hôte, celui-là sera beaucoup mieux adapté à ses buts que Quirrell "
"Ce n'est que trop vrai. Je parlerai de ceci à Dumbledore, en allant à Poudlard demain. Au moins nous pouvons être sûrs que Black suivra ses conseils à lui "
"Oui " Ils avaient à nouveau atteint le sentier de gravier, et le bruit de leur semelles crissant contre les petits morceaux de pierres était rassurant, d'une manière ou d'une autre. Cela semblait rendre les choses plus concrètes. "Ce n'est pas du tout comme la première fois, Sev," dit Lucius . "Au moins nous savions ce que nous faisions, à l'époque"
"Le savions-nous vraiment? Je dirais que nous savions à qui obéir. Au moins au départ. Maintenant…" Il laissa la phrase inachevée.
"Je n'arrive pas à croire que je dis ceci, mais une conscience serait très utile maintenant "
Ils riaient encore en entrant dans la maison.
ßßßß*ßßßß
Pour la première fois depuis qu'il avait commencé à enseigner à Poudlard, Severus sentait vraiment son humeur s'alléger à la vue des tours et des tourelles s'élevant au-dessus des collines environnantes comme il s'approchait du château. Cela pouvait ne pas être l'endroit le plus sûr de la terre, comme Dumbledore essayait de le faire croire à tout le monde, mais c'était un endroit de certitudes. Des règles pour les élèves et des règles pour les enseignants, des protections et des murs de pierre si épais qu'aucun son, aussi bruyant qu'il soit, ne les pénétrerait jamais. C'était une forteresse; et si Severus n'approuvait pas entièrement les valeurs qu'elle représentait, il était certainement reconnaissant du confort que fournissait sa masse vieille de milliers d'années.
Il avait envoyé une note à Dumbledore hier soir avant de se coucher, faisant semblant de répondre à une convocation du Directeur et lui faisant part de son intention d'arriver en fin de matinée, pour discuter de quoi que ce soit que son supérieur estime assez important pour interrompre les vacances de Severus. Si le vieil homme était au château, il aurait certainement compris que ceci était aussi urgent que secret.
Quand Severus eut contourné un groupe de pommiers à environ deux cent mètres de distance des portes principales, qui avaient jusqu'ici encombré sa vue de l'entrée du château, il vit Dumbledore assis sur les escaliers du devant. Le vieux sorcier portait ses magnifiques robes habituelles—et bien que la simple pensée d'être vêtu de ces couches de velours fasse transpirer Severus, il présumait qu'à l'âge de 145 ans, on pouvait avoir besoin d'un peu plus de chaleur qu'au printemps de sa vie—et il fumait la pipe. Dumbledore étant Dumbledore, il produisait bien sûr une ménagerie magique opaque et flottante, ajoutant une nouvelle bête à chaque bouffée de fumée qu'il exhalait. Cela fit sourire Severus malgré lui.
Il avait couvert environ cent autres mètres, quand le Directeur le remarqua, lui fit signe de la main, se leva et vint à sa rencontre.
"Severus,"dit-il, tendant sa main pour que le plus jeune sorcier la serre. "Quel plaisir de vous voir. Pas de mauvaises nouvelles, j'espère?"
La main était osseuse, chaude et sèche. Dans l'air encore frais, l'odeur de fumée—Dumbledore semblait préférer une marque douce de tabac, sentant vaguement la prune séchée— se mélangeait agréablement avec l'aura de bonbon toujours présente autour du Directeur et l'arôme traînant d'herbe fraîchement coupée. "Pas de mauvaises nouvelles, Directeur. Mais quelques problèmes importants dont il faut discuter d'urgence "
Le vieux sorcier hocha la tête. "Il fallait seulement s'y attendre. Préféreriez-vous rester dehors, ou plutôt rentrer?"
"Pourquoi pas rester dehors? Si vous êtes sûr que nous ne serons pas entendus"
Ils quittèrent le sentier et marchèrent le long de la pente herbeuse en direction de la hutte de Hagrid, mais dévièrent à gauche vers les serres. Entre les serres numéro quatre et cinq--- Severus partageait cette dernière avec Demeter Chourave pour faire pousser les plantes les plus délicates et dangereuses--- il y avait un endroit isolé, ombragé par des acacias, dont les branches les plus basses étaient envahies de lierre et formaient ainsi une tonnelle naturelle. Il y avait une petite table circulaire avec des pieds de fer ouvragé, et quelques chaises aux coussins rayés. Severus savait que cet endroit était l'un des repaires extérieurs préférés de Dumbledore.
Le Directeur tira une cloche d'argent de ses robes—bien que sa recherche ait premièrement abouti à un petit sac de papier, qui, à en juger par les taches dessus, contenait des chocogrenouilles, et à un Rapeltout—appela son elfe personnel et commanda un second petit déjeuner un peu plus léger. Severus prit lui-aussi une tasse de thé.
"Comment vont les choses au Manoir Malfoy?" demanda Dumbledore.
"Aussi bien qu'on pouvait s'y attendre. La fille semble très bien faire face à la situation "
"Je suis content de l'entendre. Même si c'est une très maligne jeune sorcière, j'admets que j'avais quelques doutes sur le fait qu'elle puisse s'adapter "
"Oh, je dirais qu'elle s'adapte très bien. Quant à être maligne, je pense qu'elle a peut-être eu une inspiration brillante qui pourrait nous aider à repousser les Détraqueurs. Peut-être même à les détruire "
Dumbledore écouta attentivement pendant que Severus expliquait la théorie des pensines de Viviane. "Oui, cela pourrait même marcher," dit-il finalement. "Bien que je ne puisse pas dire que je ne sois pas inquiet au sujet du test que vous projetez d'effectuer "
"Croyez-moi—" Severus se pencha en avant pour ré-emplir sa tasse "—Je n'en suis pas non plus enchanté. Mais cela doit être essayé. Au cas où cela ne marche pas, nous aurons au moins le temps de penser à autre chose. Pensez-vous que vous et votre groupe pourrez recueillir assez de souvenirs?"
Se caressant la barbe, le Directeur sembla faire quelques calculs rapides. "Avec suffisamment de temps, oui, nous pourrons. Mais nous ne pouvons prendre les souvenirs que de personnes auxquelles nous faisions absolument confiance. Le secret est d'une suprême importance, et nous ne voulons pas que l'arme soit sabotée par les cauchemars de quelqu'un "
"Oui," acquiesça Severus, "cela pourrait être fatal. Alors je vous ferai savoir le résultat de notre premier expérience " Il prit une petite gorgée de thé. "Sujet suivant sur ma liste: et les postes vacants du personnel? Lucius est naturellement préoccupé par le fait que, s'il devait engager de nouveaux enseignants, il y aurait de la pression de tous côtés "
"Bien sûr " Le Directeur hocha la tête. "Mais je me suis déjà occupé du problème. Autant que je puisse juger de la situation—et espérons qu'elle restera comme cela—il n'y a que deux postes à remplir: la Défense Contre les Forces du Mal, et le Soin aux Créatures Magiques. Voldemort sera extrêmement content qu'Owen ait été choisi pour ce dernier. Mais c'est, bien sûr, par le premier que tout le monde sera intéressé " Il ouvrit le sac de papier qui était toujours posé sur la table, en sortit une chocogrenouille et en mordit la tête avec délectation. "Rien de tel qu'une chocogrenouille pour onzième plat…" Severus hocha poliment la tête et attendit patiemment que Dumbledore ait fini son régal. "Mon intention originale était de demander à Solange Delacour. Elle a cessé d'enseigner à Beauxbatons il y a six ans, et j'étais sûr qu'elle accepterait mon offre. Mais Maxime a été plus rapide—pas que je lui en porte rancune, bien sûr. Solange remplira la position de Directrice tant que Maxime sera à l'étranger avec Hagrid. Mon choix suivant aurait été Arabella Figg "
"Une Auror? Avec tout le respect dû, Directeur, si vous l'engagez, vous signez l'arrêt de mort de Lucius, et probablement aussi celui d'Owen et le mien. C'est à dire à moins que nous ne suivons les ordres de Voldemort et que nous l'éliminons "
"Exactement ce que je pensais. Donc—" Dumbledore lui fit un sourire malin "—j'ai pensé à autre chose. Une idée très brillante, si je le dis moi-même "
"Je suis curieux de l'entendre "
"Maribel Bulstrode, bien sûr " Le Directeur rayonnait.
"Maribel… Vous avez raison, l'idée est brillante " Severus rit tout bas. "La femme du Chef de l'Application de la loi Magique. Et ainsi pratiquement intouchable, à moins que Voldemort ne veuille que Lucius ne soit chassé de son poste. Ce qu'il ne fera pas."
"Je suppose que non," acquiesça Dumbledore, et il se servit une autre chocogrenouille. "Parce que, qui d'autre a-t-il? Pettigrow et Barty sont absolument hors de question, et votre réputation est aussi entachée que celle de Lucius ou d'Owen, seulement vous avez moins d'argent et vous ne pouvez ainsi pas complètement couvrir les taches avec de l'or. Mais Owen n'a pas de diplôme d'enseignement supérieur, et donc il ne serait probablement pas accepté. Je pense—" il lécha les restes de chocolat de ses doigts "—que cette question a été résolue de manière tout à fait satisfaisante "Il se renversa en arrière dans sa chaise. "De quoi d'autre vouliez-vous discuter, Severus?"
"Black"
Le nom de l'Animagus, prononcé d'un ton moins qu'amical, fut assez pour faire apparaître un regard inquiet dans les yeux de Dumbledore. Bien que Severus se soit maintenant habitué à l'affection un peu exagérée que le Directeur portait à son ennemi juré de Gryffondor, cela lui donnait toujours envie d'émettre un grognement profond et fâché. "Sirius? Quelque chose s'est il mal passé pendant son séjour au Manoir Malfoy?"
"En dehors du fait que, s'il était resté quelques jours de plus, nous aurions tous souffert d'ulcères d'estomac, non. Mais je pense—et Lucius et Owen aussi —qu'il serait mieux que vous lui parliez avant qu'il prenne la potion et n'aille voir Voldemort "
Dumbledore hocha la tête mais sembla légèrement pris au dépourvu. "Je l'aurais fait en tout cas…"
"Bien sûr. Cependant, il y a quelque chose que vous devez inculquer dans ce cerveau lent qui est le sien, et il ne suivrait certainement pas les conseils de n'importe lequel d'entre nous. Ou plutôt, il les prendrait de la mauvaise manière. Il ne doit pas, sous aucun prétexte, essayer quoi que ce soit d'idiot avec Voldemort "
"Idiot—vous voulez dire, essayer de le tuer à lui seul?"
"Exactement. Il est possible, bien que ce ne soit rien de plus qu'une supposition pour le moment, que Voldemort soit physiquement faible. Nous avons…" Il s'arrêta et essaya de choisir soigneusement ses mots. "Il y a certains signes," continua-t-il finalement. "Mais qu'il soit faible ou non, simplement tuer son corps ne nous achèterait qu'un peu de temps. Il pourrait sans aucun doute revenir à nouveau, et les choses seraient infiniment pires. Alors essayez s'il vous plaît de le convaincre que son héroïsme morveux de Gryffondor serait nuisible non seulement pour lui mais aussi pour le monde des sorciers tout entier. Pensez-vous qu'il vous écoutera?"
"J'espère certainement qu'il le fera" Dumbledore se caressa pensivement la barbe. "Je connais les faiblesses de Sirius aussi bien que vous. Vous marquez certainement un point là, et je ferai tout ce que je peux pour m'assurer qu'il ne fasse rien de sot. Considérant le fait qu'il a un certaine côté sentimental, je suppose que jouer la carte Harry pourrait être la meilleure garantie de succès "
Severus renifla. "Qu'avez-vous l'intention de lui dire? 'Laisse Voldemort tranquille, pour que Potter puisse prouver qu'il est le superhéros du monde des sorciers'? Nous savons tous les deux comment est né le Mythe Potter, Directeur "
Bien qu'il n'élevât pas la voix, la colère était tout à fait perceptible dans le ton de Dumbledore quand il répondit, "Comme vous le savez bien, je ne dirai rien du genre. Il sera suffisant de rappeler à Sirius qu'il est la seule vraie famille qui reste à Harry, et qu'il serait donc imprudent de risquer de priver le garçon de son dernier soutien. Et quant au mythe—" il ôta ses lunettes et lança à Severus un regard de puissant reproche "—je consens sur le fait que l'histoire que le public a créé—"
"Nous l'avons créé, Directeur. Il n'y a aucune utilité à nier cela "
"Nous avons simplement présenté quelques faits, et les gens ont tiré leurs propres conclusions "
"Et nous n'avons rien fait pour les éclairer. Allons maintenant, Directeur, depuis quand esquivez-vous vos responsabilités? Fudge, Croutpon et les journalistes ont gobé cette histoire, et vous êtes resté silencieux à les regarder. Quis tacet consentire videtur, disaient les Romains "
"Quoi qu'il en soit. Mais Harry n'est aucunement un sorcier de talent moyen "
"Oh, bien sûr que non!" la voix de Severus dégouttait de sarcasme. "Il vole certainement mieux que la plupart des autres "
"Il peut résister au Sortilège d'Imperius, Severus. Pouvez-vous faire cela?"
"Je ferais assez attention pour ne pas me faire frapper par lui en premier lieu," cracha Severus.
"La discrétion est toujours la meilleure partie de la valeur, et je suis le premier à être d'accord sur ce point. Néanmoins, ce garçon a pu résister au sortilège—ni Voldemort ni Barty Croupton ne sont ce que j'appellerais des sorciers peu puissants "
"D'accord, je vous accorde cela. Mais quelle utilité cela a-t-il pour nous dans notre situation actuelle?"
"Une question indigne de votre intelligence et de votre astuce, mon cher garçon. Voldemort croit ce… appelons cela un mythe, n'est-ce pas? Et même lui ne peut pas se persuader que sa dernière rencontre avec Harry s'est particulièrement bien passée"
Severus sentit ses sourcils presque fusionner avec ses cheveux. "Alors vous avez l'intention de garder le garçon comme faux atout?"
"Bien sûr. Pas même si faux que cela, à bien y penser. Si nous réussissons un jour à concevoir une méthode pour vraiment tuer Voldemort, corps, âme et esprit, le tenir confus et hésitant pourrait très bien décider de l'issue de la confrontation "
"Une autre raison pour envoyer le garçon aussi loin que possible, je suppose "
"En effet. Cela, et nous devrons soigneusement répandre des rumeurs, de temps en temps. Pour garder Voldemort sur la pointe des pieds "
"Et mettre en danger ceux qui sont près de lui "
Dumbledore ferma les yeux et soupira. "Severus. Aussi commun que cela puisse sembler, on ne peut pas avoir le beurre et l'argent du beurre. Soit nous voulons détruire ce monstre, une fois pour toutes, et alors nous devrons tous sacrifier quelque chose. Soit nous voulons garder tout le monde heureux. Mais, franchement, vous n'avez jamais semblé être un grand admirateur de Fudge et de ses convictions politiques "
"Vous faites exprès de mal me comprendre, Directeur," contre-attaqua Severus avec passion. "Vous savez exactement ce que je veux dire. Beaucoup d'entre nous devront faire des sacrifices—étant l'un d'eux, je sais certainement de quoi je parle. Mais il y a une différence entre faire un sacrifice et être sacrifié, ne pensez-vous pas? Donnez au moins le choix aux gens!"
Emettant un rire court et forcé, Dumbledore dit, "Pensez-vous vraiment que je doive faire cela? Vous, avec votre opinion moins que charitable sur la plupart de nos camarades sorciers? Que pensez-vous qu'ils choisiraient? Leur donner le choix veut dire donner à Voldemort la chance qu'il attend. Ne faites pas semblant de ne pas savoir cela "
Severus sentit son estomac se soulever d'anxiété soudaine. Si Dumbledore décidait de devenir un dirigeant impitoyable—et maintenant, puisqu'il n'était plus le Directeur de Poudlard, il pouvait le faire sans mettre en danger le futur de son école—les enjeux de leur jeu augmenteraient de façon spectaculaire. Il ne poursuivit plus le sujet; mais quand il prit congé de Dumbledore, pour une brève visite à ses quartiers avant de retourner au Manoir Malfoy, il sentit soudain la chaleur du jour d'été l'écraser comme un poids lourd. Traînant ses pieds de plomb, il erra vers l'entrée du château, dont la masse semblait maintenant plus menaçante que réconfortante.
