Après que l'on ait annoncé l'évacuation immédiate d'Edoras, capitale du Rohan, les Rohirims eurent tôt fait de rassembler ce qui leur était indispensable à un long voyage et tous quittèrent la cité. Les enfants tenaient bien fermement la main de leur mère, les vieillards étaient aidés par leur famille pour marcher et les hommes transportaient quelques bagages ainsi que des vivres. Ils étaient quelques centaines d'habitants à marcher ou à chevaucher à travers les plaines, se suivant de très près, se soutenant les uns les autres. La mélancolie et l'inquiétude régnaient entre eux. Par contre, ils avaient tous une confiance totale en leur souverain, le Roi Théoden. Cela les rassurait d'avoir un homme aussi dévoué et téméraire envers eux. Ils avaient également des alliés qui les protégeraient: le Rôdeur Aragorn, le robuste nain Gimli ainsi que le très loyal elfe Legolas. Leur aide allait être indispensable.
La traversée vers le Gouffre de Helm s'annonçait aride. À cheval, le Roi et ses meilleurs cavaliers devançaient le groupe de paysans. De cette façon, ils guidaient le chemin tout en observant les alentours. Il fallait demeurer alerte, car les orques pouvaient se manifester à tout moment. Eowyn, nièce du roi, accompagnait une famille et transportait un sac de provision. Le nain Gimli et son compagnon Legolas chevauchaient leur monture parmi les habitants. Quant à Aragorn, il fermait la marche. Les trois compagnons ne se doutaient pas qu'ils rencontreraient sur leur chemin un individu qui allait totalement bouleverser l'avenir des Hommes...
Aragorn marchait donc derrière tout le groupe et observait les Montagnes Blanches qui longeaient la route non loin. Celui-ci entendit bientôt des pas derrière lui. Il se retourna et il vit une jeune femme qui marchait seule, éloignée de tous les autres villageois. Il s'arrêta et la scruta du regard. Elle semblait être infortunée et encore plus pauvre que tous les autres paysans. Elle était maigre et ses cheveux sombres et longs cachaient son visage. Aragorn put toutefois distinguer une certaine tristesse à travers son expression. Elle marchait lentement, les yeux rivés au sol. Le Rôdeur s'approcha d'elle.
« Jeune demoiselle… »
La fille sursauta. Elle recula en voyant l'homme se diriger vers elle. Aragorn s'arrêta, il devina que sa présence l'effrayait quelque peu. Il se demandait bien pourquoi…
« N'ayez craintes, je ne vous veux pas de mal. Nous sommes tous du même côté ici, non? »
La jeune femme fuyait du regard celui qui s'adressait à elle. Aragorn n'eut aucune réponse de sa part.
« Vous êtes discrète, dit-il à travers un sourire qui se voulait rassurant. Je croyais être seul derrière le groupe. Vous feriez mieux de rejoindre les femmes et les enfants au centre. Il n'est pas prudent de demeurer éloignée, la menace gronde tout près. »
La jeune femme fit non de la tête.
« Pourquoi? Ne craignez-vous donc pas une possible attaque? »
Aucune réponse.
« Auriez-vous perdu votre langue? »
La fille refit non de la tête. Aragorn la trouvait intrigante, mais il ne tenait pas à la forcer à quoi que ce soit. Elle semblait troublée pour une raison qu'il ignorait, mais il n'était pas suffisamment indiscret pour poser des questions.
« Très bien jeune muette, je marcherai à vos côtés. Si vous ne redoutez pas nos ennemis, nous fermerons la marche ensemble. »
La jeune fille ne s'opposa pas. Ils continuèrent à suivre la troupe en silence. Midi approchait. Aucun incident s'était produit jusque là. Il n'y avait pas encore d'ennemis en vue et la moitié du chemin était parcourue. Aragorn continuait à observer discrètement sa compagne. Il remarqua qu'elle avait des lésions aux bras, comme si on l'avait fouetté. Puis, son visage avait quelques cicatrices, certaines encore récentes et gorgées de sang. Impossible que toutes ces blessures aient été causées par simple accident. Le chevalier trouvait la situation de cette jeune femme de plus en plus étrange. À mesure que le temps passait, elle éprouvait de la difficulté à marcher. Aragorn commençait à éprouver de la pitié. Il voulut en savoir plus sur cette malheureuse paysanne sans qu'elle se sente épiée ou menacée.
« Je suis Aragorn, fils d'Arathorn. Et vous? Puis-je savoir votre nom? »
La jeune femme regarda le chevalier d'un air étonné. Son nom lui était familier. Il avait du sang royal, c'était l'héritier du Gondor. Son statut de noble la rassura. Il n'était donc pas qu'un simple rôdeur dont il fallait toujours se méfier. Sa crainte diminua légèrement. Elle demeura un peu méfiante, mais elle jugea bon de lui révéler à son tour son nom.
« Ounilam, dit-elle sur un ton faible, à peine perceptible. »
Aragorn sourit.
« Très heureux de vous entendre enfin. Vous restez toujours seule ainsi?
Oui.
Vous n'avez aucune famille, aucune relation?
Aucune. »
Cette petite devenait encore plus mystérieuse aux yeux d'Aragorn. Le ciel s'obscurcit soudainement. De son côté, Legolas sentit une ombre envahir son esprit, mais cela n'avait aucun lien avec le climat qui s'assombrissait.
« Quelque chose se prépare… Il faut rester vigilants, Gimli. »
À SUIVRE
