Legolas continuait sa route tout en observant Ounilam de près. Il voyait bien que la marche était de plus en plus douloureuse pour ses jambes. Il décida de l'aborder et de lui proposer de monter sur son cheval.

« Ounilam... »

La fille fit comme si elle n'avait rien entendu.

« Je ne m'étais pas présenté auparavant... Mon nom est Legolas de la Feuille Verte et... »

La fille accéléra le pas pour le semer, mais l'elfe persista; il la rattrapa.

« Vous savez, la route sera encore longue. Je peux vous prêter mon cheval si vous le désirez. »

Ounilam l'ignora encore une fois. Legolas insista. Il s'approcha, ouvrit la bouche pour s'adresser à elle de nouveau, mais il se fit couper la parole aussitôt.

« Ne me parlez pas. Cela se retournera contre vous. Allez rejoindre le seigneur Aragorn. »

Legolas la regarda un instant, attentif à ses paroles qui n'étaient que murmures légers; une voix douce et craintive. Déjà, son instinct lui révélait qu'elle ne pouvait pas être malveillante.

« Aragorn m'a fait promettre de veiller sur vous et je suis toujours fidèle à mes promesses. »

''Veiller sur vous.'' Ces mots sonnaient de manière étrange aux oreilles d'Ounilam. Personne ne s'était chargé de veiller sur elle depuis longtemps. Elle se demandait bien pourquoi on tenait à ce que rien ne lui arrive. Elle leva son regard vers celui de Legolas.

« Pourquoi un elfe et un chevalier chercheraient à protéger une simple paysanne? »

Legolas observa ses yeux profonds, tristes et presque sans vitalité. Il pouvait y lire beaucoup de souffrances et de douleurs. Il sentit davantage que cette jeune femme était sans défense et innocente.

« Parce qu'une jeune paysanne ne mérite pas tant de mépris de la part des siens, répondit-il en ne la quitta pas des yeux.»

Ounilam fut émue.

« Vous ignorez ce dans quoi vous vous impliquez. Partez. Il y a des causes à servir beaucoup plus nobles que la mienne.

-J'ai une tâche à accomplir. Je ne vous laisserai pas.

-Je vous aurai prévenu! dit-elle, exaspérée. Vous le regretterez. »

Legolas ne tint pas compte de son avertissement.

« Montez sur mon cheval, vous souffrez. »

Ounilam ne se sentait pas la force de s'objecter encore une fois. Elle obéit et grimpa sur la selle. Legolas prit les rênes et marcha à côté de son destrier. Ils avancèrent parmi la foule. Les gens les regardaient et les fusillaient du coin de l'œil. La présence d'un elfe était cependant trop impressionnante pour que les paysans manifestent de nouveau leur aversion.

 Ils arrivèrent aux côtés de Gimli qui trottinait sur son cheval parmi les Rohirims. Il remarqua la nouvelle compagne de l'elfe et s'exclama.

«Tiens, vous avez cueilli une jolie fleur sur votre passage mon ami!»

Legolas sourit, mais Ounilam ne semblait pas apprécier le compliment. Elle demeura le regard fixe, toujours mélancolique. Gimli se sentait quelque peu vexé.

« Qui est-elle, donc? demanda secrètement Gimli.

-Aragorn m'a demandé de garder un oeil sur elle.

-Pourquoi donc?

-Il vous expliquera plus tard. »

Le nain remarqua les paysans autour. Ils dévisageaient Ounilam et marmonnaient on ne sait quelle insulte tout en marchant.

« Pourquoi ces gens nous regardent-ils aussi furieusement? Est-ce cette jeune fille qui…?

-Ne tenez pas compte d'eux maître Nain, enchaîna Legolas. »

L'elfe continua à marcher d'un pas déterminé. La traversée continua silencieusement. À un moment, Legolas sortit de sa poche une petite miche de lembas. Il l'offrit sans dire un mot à sa compagne. Ounilam hésita, mais elle finit par prendre le bout de pain elfique. Elle mangea et dans un murmure Legolas entendit : « merci …». Quelques heures s'écoulèrent. Le temps devint de plus en plus noir. Le tonnerre retentit de nouveau. Ounilam avait repris des forces et elle ne voulait pas abuser davantage de la bonté de Legolas.

« Je voudrais descendre.

-En êtes-vous certaine? Nous ne sommes pas encore arrivés.

-Mes jambes ne me font plus mal. Je peux marcher.»

Legolas arrêta son cheval et tendit la main à Ounilam afin de l'aider à descendre. En empoignant sa main, il eut un étrange sentiment. Durant un court instant, l'image de Galadriel, la dame de Lorien, apparut dans son esprit. Puis, Ounilam descendit de la selle, lâcha sa main et se mit à marcher. Legolas demeura saisit. Il secoua la tête, perplexe…

Ounilam marchait d'un pas ferme. Elle essayait d'ignorer les gens autour d'elle. Ceux-ci passaient tout près et la poussaient délibérément. Elle recevait des coups de coudes et d'épaules et personne ne faisait voir de rien. Ounilam ne fit pas attention à eux et continua à marcher la tête haute. La pluie commença à tomber. Gimli remarqua l'attitude sordide des paysans envers Ounilam.

« Hey! cria le nain. Quelles sont ces manières? »

Le cri de Gimli alerta Legolas qui était confus dans ses pensées. Il reprit ses esprits et se dirigea vers Ounilam d'un air contrarié. Il suffit d'un seul regard aigri pour faire fuir les gens hypocrites qui prenaient plaisir à pousser la jeune fille. Tous dégagèrent le passage. Legolas resta près d'Ounilam. Gimli continua à trotter tout en grognant après les villageois; il comprit un peu pourquoi Aragorn avait chargé l'elfe de la protéger. Legolas se rendit bien compte qu'il ne pouvait s'éloigner sans que les Rohirims n'en profitent pour l'agresser. Il ne comprenait rien au comportement de tous ces gens.

 Son intérêt envers Ounilam grandissait, tout comme celui d'Aragorn. Il ne saisissait pas cet attrait qu'il éprouvait envers elle. Il espérait que le Rôdeur allait apporter quelque lumière à ses questions.

 « Restez près de nous. Ne vous éloignez pas, dit Legolas.

-Vous voyez maintenant? Ils finiront par vous mépriser vous aussi…

-Cela m'importe peu ce que ces hommes et ces femmes pensent de moi. »

Un énorme coup de tonnerre retentit. Il pleuvait de plus en plus en fort. Legolas rabattit le capuchon de sa cape elfique sur sa tête afin de se protéger. Ounilam n'avait que aillons sur le dos et elle grelottait sous la pluie. Legolas souleva un côté de sa cape et entoura de son bras les épaules de la fille. De sa main incertaine, il la maintint contre lui. Ounilam était mal à l'aise.

« Vous avez promis de me protéger de ces gens et non de me protéger de cette pluie.

-Faux. J'ai promis que rien ne vous arriverait. Hors, si cette pluie vous rendait malade, j'aurais failli à ma tâche, dit Legolas en souriant. »

Le sourire humble de l'elfe ne put que pousser Ounilam à lui rendre la pareille, timidement.

« C'est la première fois que je vous vois sourire…dit l'elfe. »

Gimli, qui se tenait tout près, répliqua.

« Vous devriez sourire plus souvent, jeune dame. Cela accentue votre beauté! »

Ounilam sourit davantage. La pluie diminua un peu. Gimli commença à chanter une comptine dans sa langue natale. Celle-ci était joyeuse et parlait de la pluie bienfaitrice pour les plantes. Gimli la chantait drôlement et Ounilam se mit à rire sous la cape de Legolas. Voyant qu'il avait réussi à égayer la jeune fille, le nain continua sa chanson de plus bel. Les nuages dans le ciel se dispersèrent légèrement et quelques rayons du soleil apparurent. Un arc-en-ciel se forma. Legolas se moqua des fausses notes de Gimli tout en gardant son bras autour de sa protégée. Puis, la pluie cessa brusquement de tomber. Ce qui au début paraissait un grand orage ne fut qu'une averse. Il n'y avait plus un seul nuage dans le ciel.

« Étrange, se dit Théoden. Le temps a changé subitement... C'est étonnant de constater à quel point le climat est si imprévisible ces temps-ci...»

Aragorn et Eowyn rejoignirent le Roi en tête du groupe.

« Mon oncle...

-Oui Eowyn?

-En sauriez-vous davantage que moi sur le passé de la protégée de feux Femléi?

-Ounilam?

-Oui, votre majesté, continua Aragorn. La jeune fille sur qui les paysans se sont rués ce midi.

-Ses origines nous sont étrangères, d'où la méfiance du peuple.

-Pourquoi n'avez-vous jamais tenté d'en savoir plus sur elle puisqu'elle semait la controverse entre les gens de votre pays?

-Parce que j'avais confiance en Femlei. Il l'avait questionnée sur sa provenance et d'aussi loin qu'elle se souvenait, elle avait toujours vécu parmi les hommes sauvages. Cependant, elle était soumise à eux. Jamais elle a été des leurs. Femlei maintenait fermement qu'elle n'était pas responsable de tout le mal qui affligeait la cité. Je le cru et je le crois encore. Toutefois, il est vrai que sa façon d'être et d'agir sont étranges. Elle est morne et sans vie, dirait-on.

-Après avoir été esclave et subi la hargne de ma propre race, je serais également sombre et accablée à tout jamais… dit Eowyn.

-Non, rejetée ou pas, elle aurait toujours été aussi…mystérieuse. Je la sens différente. Esclave ou non, elle aurait toujours été à part des siens.

-Que voulez-vous dire, seigneur Aragorn?questionna la princesse.

-Je ne sais que penser…mais je suis certain d'une seule chose : le peuple est dans l'erreur. Elle n'est pas ce qu'il croit.

-Vous n'avez passé que très peu de temps auprès de cette jeune fille. Comment pouvez-vous être sûr de ce que vous avancez? dit Théoden

-Une intuition. »

Le soleil brillait maintenant haut dans le ciel. Ounilam se dégagea de sous la cape de Legolas.

« Merci, le ciel est clair à présent, dit elle, toujours souriante.

-Votre situation ne l'est guère par contre..., dit l'elfe »

 Legolas espérait une explication.

« Ces gens, ces espions ailés... Pourquoi vous veut- on autant de mal? »

Ounilam regarda au sol. Elle ne savait que répondre. Elle cessa de sourire et les nuages réapparurent dans le ciel. Legolas regretta ses paroles.

« Pardonnez-moi. Je suis indiscret… »

La jeune fille leva les yeux vers l'elfe. Elle se pensait ingrate. Il était dévoué à sa promesse alors qu'il avait des soucis assurément plus importants en tête : comme se préoccuper de l'avenir entier de la Terre du Milieu.  

« Vous n'avez rien à vous faire pardonner. Je vous dois déjà beaucoup… Ce serait la moindre des choses que j'éclaircisse les circonstances dans lesquelles je me trouve.

-Non. Je suis là pour veiller sur vous et non pour poser des questions. Je ne vous forcerai pas à vous justifier… »

Ounilam sourit de nouveau. Elle appréciait la discrétion de Legolas. Le soleil revint rayonner dans le ciel.

« Je vous suis reconnaissante de respecter mes réserves, dit-elle en lui prenant la main. »

Elle lui sourit davantage. Elle serra sa main en guise de reconnaissance. Au contact de sa paume, Legolas eut encore une fois une impression étrange. Tourmenté, il regarda les yeux d'Ounilam. Puis, il eut une seconde vision. Il ne vit plus le regard de la jeune fille, mais celui de Galadriel. Il entendit la voix de la Dame des Galadhrim dans son esprit.

« Gare au Mal, Prince de la Forêt Noire. Il trouvera la Porteuse de Lumière sous peu.

-Quoi? dit Legolas. »

Ounilam vit les yeux de Legolas regarder dans le vide. Elle était intriguée, car il semblait ailleurs, en transe. Celui-ci serra de plus bel sa main, inconsciemment. Galadriel parla de nouveau.

« Dès le premier instant où vous l'avez aperçue, vous saviez que vous protégiez plus qu'une simple paysanne. En elle se cache une arme puissante, capable de servir le Bien. Faites en sorte qu'elle ne tombe jamais entre de mauvaise main. »

Ounilam trouvait l'étreinte de Legolas douloureuse. Elle retira sa main de la sienne, effrayée. Aussitôt, Galadriel disparut. L'elfe secoua la tête, étourdi.

« Qu'avez-vous? s'inquiéta Ounilam. Durant un moment, je vous ai cru possédé…

- Je… »

Legolas ne trouvait pas de mots pour expliquer. Les paroles de Galadriel résonnaient comme un écho dans sa conscience.

« Vous êtes pâle. Vous sentez-vous mal? Vous ai-je offensé en prenant votre main?

-Non. Je me suis égaré un instant dans mes pensées. Mille excuses, je vous ai effrayée...»

« Je commence à comprendre pourquoi les Crébains l'ont attaquée..., pensa l'elfe. »