CHAPITRE 3: Double identité.
La savane. Une proie broutait à cinquante mètres de son repère. Il fléchit ses pattes, prêt à l'attaque, se positionna à même le sol et rampa, ondulant à travers les feuillages. Des petits rongeurs se précipitaient dans leurs terriers. Il accéléra, contournant troncs, branches et arbustes et réalisa un bond de plusieurs mètres avant de sortir ses griffes et...
Harry ouvrit les yeux. La respiration saccadée et le corps en sueur, il ne comptait plus le nombre de fois où il éprouvait ces étranges sensations. Une semaine s'était écoulée depuis son anniversaire. Aucun professeur n'était revenu. Le front ruisselant et le pouls rapide, Harry s'allongea sur le matelas moelleux. Il saisit sa baguette, la tourna vers son visage et murmura:
_ Aquaris.
Aussitôt, un long filet d'eau lui rafraîchit le visage, l'aidant à éclairer son esprit embrumé. Décidément, le sort qu'avait utilisé Fleur durant la première tâche alors que sa robe brûlait se révélait agréable. Il devrait attendre sa septième année avant de l'étudier en cours... Harry réfléchit à ce qu'il venait de ressentir. Quel animal était-il ?, se demanda-t-il pour la centième fois. Il n'avait cessé de rechercher une créature qui comportait des griffes et un corps d'une souplesse incomparable, prédateur aux moeurs paradoxaux. Parfois, il sentait un incroyable besoin de solitude comme il était susceptible d'éprouver un sentiment de bien-être auprès de semblables. Qu'était-il donc ? Car il s'agissait bien de lui. L'animal symbolisait ses aptitudes comme son caractère. Mais aucune créature ne comportait l'ensemble de ces caractéristiques. Ses expériences le mettaient à torture. Au commencement, il avait souhaité tenter de devenir un animagus par curiosité, pour connaître son animal, rien de plus. Il ne serait jamais aller jusqu'au bout de la métamorphose. Normalement, un apprenti devait rapidement deviner en quoi il était susceptible de se transformer. Harry voulait simplement parvenir à cette étape. Etre un animagus non-officiel était sévèrement puni par la loi. Or il ignorait complètement le nom de son animal. En continuant ses séances, il deviendrait un animagus avant même d'avoir la plus petite idée en tête! Il était en effet impossible de connaître son évolution durant ses entraînements. Ceux-ci nécessitaient une entrée en transe qui interdisait au sorcier d'ouvrir les yeux et constater ses progrès de lui-même. C'était rageant. Il stoppa le jet d'eau et se rassit. Harry sentit alors d'insupportables courbatures dans tout le corps. A chaque fois qu'il sortait de son état second, il éprouvait des douleurs toujours plus intenses au fur et à mesure de son rapprochement. Ce n'était que la preuve que ses os et muscles avaient momentanément pris une autre forme, une position différente. Prenant son courage à deux mains, il décida de se lever.
_ Aïe!, grogna-t-il.
Le jeune sorcier se surprit à penser qu'il comprenait pourquoi il y avait si peu d'animagi dans le monde des sorciers. Lentement, il prit le chemin de la sortie pour se rendre à la grande salle du château, la démarche claudicante. Parvenu au rez-de-chaussée, il rencontra Mme Pomfresh, qui elle, semblait au meilleur de sa forme.
_ Bonjour Mme Pomfresh, lui dit-il en lui souriant malgré ses crampes au visage.
_ Bonjour Mr Potter, lui sourit-elle en retour.
Mais sa mine joyeuse s'effaça bien vite quand elle vit l'état du jeune sorcier. Celui-ci la coupa avant qu'elle ne puisse dire un mot.
_ Je me suis rafraîchi. Je viens de m'entraîner. La chaleur est étouffante.
L'infirmière pensa de suite qu'il revenait du terrain de Quidditch.
_ Faîtes attention à ne pas prendre une insolation.
Elle lui sourit puis repartit rapidement, un paquet entre les mains. Mais alors qu'elle allait disparaître de son champ de vision, il la rappela:
_ Oui ?, le questionna-t-elle.
_ Je voulais vous remercier. Pour les lettres, expliqua-t-il.
_ Oh, ce n'était rien.
Et elle quitta le couloir.
Le polynectar s'était révélé bien utile. Si, au départ, Harry avait hésité d'en boire (Rogue aurait pu vouloir le tuer, vu la haine qu'il lui dévouait... Et puis, cette potion n'avait pas le meilleur des goûts...), il avait ensuite apprécié sa nouvelle identité. Non pas que son physique était ravageur, loin de là, mais il passait incognito au milieu de la foule. Il n'avait plus à se méfier de sa célébrité. Il s'était donc acheté ses nouvelles fournitures il y avait quelques temps déjà sans se soucier des gens et aujourd'hui, il appréciait simplement sa petite liberté. Ses promenades à travers les ruelles toutes aussi originales les unes que les autres lui remémoraient ses vacances avant la troisième année. Celles-ci lui resteraient inoubliables. Après s'être rendu chez Mme Guipure, le jeune sorcier décida d'aller chez Mr Ollivander. Sa visite dans le magasin des prêt-à-porter pour sorciers s'était avérée assez étrange. En contemplant les différents modèles de robes grises exposées, la marchande lui avait demandé si son achat était pour Poudlard. Harry avait acquiescé et aussitôt elle l'avait éloigné du rayonnage en lui certifiant qu'elles ne correspondaient pas à ce que Poudlard attendait de lui. Encore surpris, elle lui avait tendu une robe d'un vieux gris rappelant un haillon et lui avait affirmé qu'il s'agissait de cela. Harry avait voulu protesté mais la sorcière l'avait coupé en lui disant que tous ses camarades seraient vêtus ainsi. Quand il en eut demandé la raison, elle était restée sourde. Il l'avait donc payé, demeurant étonné.
Une sonnette retentit. Le jeune sorcier était à présent chez le marchand de baguettes. La porte se referma, les conversations actives des passants s'évanouirent. L'ambiance austère de la salle ramena aussitôt Harry à sa première visite.
_ Bonjour, fit Mr Ollivander d'une voix douce.
_ Bonjour Mr Ollivander.
_ Quel est le but de votre visite ?
Le vendeur contourna son comptoir d'où il examinait avec soin l'une de ses baguettes et se mit face à Harry.
_ Je viens apporter la baguette d'un ami, répondit Harry. Elle est dans un piètre état et il me faudrait aussi un nécessaire à baguettes.
Sur ce, il donna sa baguette à Mr Ollivander qu'il observa attentivement.
_ Vous connaissez le jeune Harry Potter ?
Cette question suffit à abattre les barrières du doute chez Harry. Il avait su qu'il reconnaîtrait sa baguette et donc découvrirait son identité s'il n'avait pas précisé qu'elle était celle d'un... ami. Harry hocha la tête. Mr Ollivander continua son examen. Il marmonna:
_ Quel état...
Il la remua et quelques étincelles orangées en sortirent.
_ Bon sang, quel sortilège a-t-elle enduré pour se retrouver comme ça ?!, grogna-t-il.
Harry, bien qu'il se sentait un peu coupable de son état, ne douta pas un instant de la réponse.
_ Le Priori Incantatum, souffla-t-il.
Mr Ollivander tourna brusquement la tête pour le fixer de ses yeux pâles.
_ Le Priori Incantatum ?, répéta-t-il, incrédule.
Une nouvelle fois, Harry hocha la tête. Mr Ollivander baissa la tête vers la baguette et la regarda comme s'il s'agissait de la plus grande merveille au monde.
_ Incroyable, murmura-t-il.
Il posa la baguette sur le comptoir avec une douceur extrême et partit dans l'arrière boutique. Harry s'installa et attendit. Il observa sa baguette en se remémorant tout ce qu'il avait pu produire grâce à elle: ses étincelles, son premier "Wingardium Leviosa", ses duels, son patronus, ses sortilèges d'attraction, ses maléfices d'entrave, ses "Expelliarmus"... Il jeta un coup d'oeil à l'horloge de la boutique. Mr Ollivander était parti il y avait plus de dix minutes. Que faisait-il ? Harry s'apprêtait à le rejoindre quand il revint, les bras chargés d'une monticule de petits pots. Il les déposa sur le comptoir et ouvrit le premier. De la poudre bleue y était entreposée. Ils restèrent silencieux. Le vendeur en prit une pincée qu'il jeta sur la baguette. Il souffla et la poudre s'écarta. Il recommença avec chaque pot et à chaque fois, la poudre était d'une couleur différente. Tout en répétant l'expérience, Mr Ollivander entreprit une explication:
_ Chaque poudre est un mélange d'éléments magiques qui visent à redonner à la baguette son identité propre.
_ Son identité propre ?
Mr Ollivander acquiesça.
_ Celle de son maître. Le Priori Incantatum joint inévitablement les substances magiques contenues dans chacune des deux baguettes. Et elles s'en trouvent affectées. Elles comportent alors des éléments provenant des deux sources. Il faut ensuite leur rendre leur identité et donc leurs propres caractéristiques en les faisant réagir au contact de ces différentes poudres.
_ Et comment réagissent-elles ?
Mais il n'eut besoin d'aucune réponse. La poudre d'un rouge flamboyant que Mr Ollivander venait de jeter sembla aspirée par les rainures du bois pour être ensuite expulsée brutalement par le bout. Cependant le commerçant se s'interrompit pas. Harry comprit qu'il n'arrêterait que lorsque toutes les poudres auraient été versées. A la dernière _ elle était de couleur or, un or éclatant _, le même phénomène se produisit. Et comme si elle avait compris qu'il ne lui manquait plus rien, elle se mit à émettre une lueur rouge puis dorée avant de "s'éteindre".
Tous deux restèrent silencieux devant le "petit" spectacle. Puis, sans cesser de fixer la baguette, Mr Ollivander murmura:
_ Jamais je n'aurai pensé me servir un jour de ces poudres.
Harry l'observa attentivement. On aurait dit que cet homme venait de vivre un de ces moments d'intense émotion dans sa vie de miséricordieux.
_ Ce jeune homme est un prodige pour avoir survécu à une nouvelle rencontre avec le Seigneur des Ténèbres.
_ Il a eu beaucoup de chance, dit simplement Harry qui se refusait à se croire aussi exceptionnel que ces gens l'imaginaient.
Mr Ollivander tourna vivement la tête vers lui et lui lança un regard dur et sévère. C'est à ce moment-là que Harry réalisa qu'il valait mieux l'idolâtrer que de lui donner de plates excuses, du moins dans ce monde.
_ La chance ne l'aurait pas sauvé à elle seule, jeune homme. Soyez-en certain.
Harry déglutit difficilement. Mr Ollivander retourna alors derrière le comptoir et sortit plusieurs modèles de nécessaire à baguette.
_ Lequel voulez-vous ?
Harry passa encore une semaine sans nouvelle de personne. Il s'était résigné à ce que les professeurs ne rentrent pas pendant les vacances. Peut-être, après tout, étaient-ils avec leurs familles. Personnellement, Harry avait du mal à voir Rogue passer du temps auprès d'enfants, même liés par le sang...
Sa métamorphose en animagus avançait. Les courbatures se faisaient plus sévères. Et il n'avait toujours aucune idée de son animal, ce qui le plaçait au comble de l'exaspération. Il avait cherché parmi les animaux mythologiques, magiques... mais rien, absolument rien ne ressemblait à ce qu'il ressentait. Côté sortilèges, il était ravi de ses performances. Il approchait des maléfices appris en fin du deuxième trimestre de Septième année et n'en revenait toujours pas. Ce qui était le plus surprenant était le fait qu'il lui semblait avoir de plus en plus de facilité au fur et à mesure de sa progression. Harry ne pouvait se sentir plus soulagé. Face à Voldemort, il avait maintenant des sortilèges plus efficaces qu' "Expelliarmus".
Le jeune sorcier avait ouvert de grand yeux devant plusieurs charmes originaux. En effet, certains d'entre eux comportaient quelque "beauté visuelle": pour celui du brouillard, par exemple, (turbidus), le sorcier devait élever sa baguette au dessus de lui et tracer des cercles qui l'entouraient. Une fumée mauve, parsemée d'étoiles bleues nuit, l'enveloppait doucement avant de se disperser tout autour de lui. Elle permettait une possible évasion: elle piquait les yeux des adversaires et restait inoffensive au sorcier et ses amis. Un autre créait une diversion en donnant quelques détonations dignes des pétards du docteur Flibuste entre les jambes des adversaires: celles-ci ressemblaient à un mini feu d'artifice tout en couleurs. Mais ces deux charmes étaient sans comparaison devant une multiplication de sorts d'éblouissement apprise en dernière année: une lumière d'une intensité incroyable prenait naissance au niveau de l'estomac de Harry qui, après que celui-ci ait positionné sa baguette verticalement au-dessus de sa tête, les bras tendus, traversait son corps à la vitesse de son Eclair de Feu avant d'atteindre le bout de la baguette et d'exploser en une multitude de boules lumineuses, rendant le spectacle aveuglant. Elles flottaient alors dans les airs, dans une circonférence de plus de six mètres autour de Harry. L'ennemi ne voyait plus rien et était incapable de le viser. Ce sortilège rappelait étrangement celui d'éclair (exclarere): des milliers de gouttelettes d'or prenaient naissance au bas de sa robe et de ses jambes, remontaient lentement sur le jeune apprenti et ressortaient par la baguette en un unique éclair. Très spectaculaire, le maléfice ne lançait cependant à l'ennemi qu'une décharge d'une centaine de volts le temps de quelques secondes. L'adversaire se remettait rapidement de l'attaque.
Le jeune sorcier s'entraînait n'importe où: au dortoir, dans la salle de duel, dans les parcs, à l'intérieur de la bibliothèque de Rowena Serdaigle. Il se sentait plus confiant devant ses progrès fulgurants et gérait mieux ses peurs de ne pas pouvoir se défendre. Cependant, il eut une révélation qui l'anéantit presque: Neutermagia. Un sort d'envergure variable. En puissance, il pouvait être classé dans la même catégorie que Rictusempra comme il pouvait être égal à l'Avada Kedavra. Il ne s'agissait pas d'un sort offensif, du moins il ne créait aucune douleur chez l'adversaire. Son objectif était de le neutraliser complètement: après réception du sort, il était incapable de produire de la magie. Harry le craignait énormément. En effet, pour qu'il fonctionne, il devait être de puissance supérieure au niveau d'énergie de son ennemi. Autant dire qu'il était quasiment impossible qu'il soit efficace sur Voldemort, mais celui-ci n'aurait aucun mal avec Harry. Le seul conseil donné lors d'un duel à mort était la fuite. Et Harry doutait en ses rapides réflexes pour éviter les attaques suivantes. Il n'aurait pas toujours de pierre tombale près de lui pour servir de bouclier aux Doloris ou pire, l'Avada Kedavra. Sans compter le nombre indiscutable de mangemorts prêts à le tenir prisonnier pour rendre la tâche à Voldemort plus facile. Tout ce qu'il pouvait faire pour s'y préparer était du Quidditch, aussi incroyable que cela paraisse. Harry semblait quelque peu désarçonné: il n'acceptait pas qu'on puisse ne rien faire. Il décida donc de se rendre à Pré-Au-Lard pour poster des lettres à ses amis et de profiter des quelques gorgées restantes du Polynectar pour une dernière promenade au Chemin de Traverse. Il gèrerait mieux ses peurs sur Neutermagia plus tard...
Harry sortit de chez Florian Fortarôme, après avoir mangé une glace en compagnie du marchand qu'il connaissait bien (bien que lui ne le reconnut pas), pour se rendre ensuite à sa boutique préférée: le magasin d'accessoires de Quidditch. Il était déjà revenu lors de ses deux premières escapades au Chemin de Traverse et savait qu'il n'y avait pas de nouveau balai exposé cette année. Il avouait en éprouver une pleine satisfaction. Bien sûr, il adorait regarder les derniers modèles en se demandant quelles options avaient été ajoutées mais il savait qu'il devait économiser son argent pour ses études. Qu'aucun balai ne soit meilleur que l'Eclair de Feu était donc rassurant. Il était plus facile de résister à la tentation de dépenser ses gallions dans sa passion lorsqu'on possédait déjà le meilleur des ventes.
Dans l'allée, il lui semblait que les gens devenaient peu à peu méfiants, sortaient moins, ne restaient pas à parler inutilement aux coins des ruelles, étaient moins extravertis et conviviaux. Peut-être, finalement, le retour de Voldemort allait s'imposer à leur esprit. Le changement dans leur attitude était tel que Harry osait à peine imaginer comment ils se comportaient lorsque Lord Voldemort était au sommet de sa puissance. Après tout, ce n'était pour l'instant qu'une rumeur, rien de plus... Il mit de côté ses sombres pensées pour s'intéresser davantage à une manoeuvre redoutable réalisé par l'attrapeur italien photographié dans Les plus belles attaques des équipes méditerranéennes, un des livres publiés récemment. Il était trois heures de l'après-midi et les clients ne cessaient de faire retentir la sonnette d'entrée. Le magasin était plutôt bruyant _ car très populaire _, et Harry percevait de temps en temps des murmures d'admiration devant les balais exposés. Il allait tourner la page lorsqu'il entendit une voix traînante de derrière les étagères.
_ ... refusé! Et pourtant, je suis sûr qu'il le hait autant que moi. Qu'importe, je trouverai un moyen de détruire le sien.
A sa plus grande horreur, il réalisa que Malefoy et ses deux acolytes étaient là, en pleine discussion. Discussion était un grand mot quand on savait que Crabbe et Goyle étaient à peine capables d'articuler deux mots à la suite. Malefoy animait à lui seul la conversation. Harry songea à partir discrètement du magasin pour éviter ses propos d'une bassesse monotone quand il se souvint que son apparence était inconnue de son ennemi. Il resta donc et contourna lentement les étagères, se rapprochant dangereusement d'eux, toujours le nez dans le livre.
_ Par contre, il va écrire au Directeur pour que je sois le nouveau capitaine de l'équipe, dit-il en se dressant orgueilleusement. Et Dumbledore a intérêt à ce que je le sois. Ce n'est pas ce vieux fou qui m'en empêchera.
Harry sentit la colère bouillir en lui mais s'efforça à rester calme. Il était maintenant à côté d'eux et feignait une totale concentration à sa lecture.
_ Il va falloir remplacer Flint. Je me demande qui prendra sa place. Peut-être un des nouveaux, un de Durmstrang. J'aimerais qu'ils reconstruisent totalement les équipes. Avec un peu de chance, Potter serait exclu par un autre!
Harry soupira. Ce garçon avait vraiment une vie ennuyante pour passer son temps à penser à lui et l'insulter. Il ressentit presque de la pitié envers Malefoy.
_ Ca serait bien qu'ils lui fassent cette petite plaisanterie avant son départ.
Crabbe et Goyle ricanèrent. Harry fronça les sourcils. De quel départ parlaient-ils ?
_ Moi, bien sûr, mon père ferait en sorte que je reste. Ou alors, ils feront davantage d'équipes...
Soudain, il s'interrompit. Harry était trop prêt à son goût.
_ Hey!
Harry se retourna et comprit son erreur.
_ Qui es-tu ? Tu n'es pas de Poudlard, toi.
_ Non.
_ Tu viens d'où ?
_ De Durmstrang.
Malefoy plissa les yeux et observa attentivement Harry. Ce dernier priait pour être un assez bon menteur.
_ Tu passes tes vacances ici ?
_ Oui.
Le jeune sorcier, quitte à mentir, se décida à jouer le jeu jusqu'au bout. Après tout, il était repéré maintenant...
_ Malgré les rumeurs...
Malefoy le testait. Harry n'eut pas besoin d'explications: il savait à quoi s'en tenir avec lui.
_ Surtout grâce aux rumeurs.
Et il fixa Malefoy avec intensité en souriant de manière machiavélique. L'expression du visage de Drago Malefoy devint méfiante puis un sourire mauvais se dessina à son tour sur son visage. Mon dieu, qu'est-ce que je suis en train de faire? Je fais ami-ami avec Malefoy...
_ Et tu comptes rester ?
_ Je vais rentrer en cinquième année à Poudlard en Septembre, répondit tranquillement Harry.
Malefoy ne risquerait cependant pas l'apercevoir à l'école, songea Harry. Le garçon blond continuait de l'étudier et jeta un rapide coup d'oeil à l'ouvrage que tenait le jeune sorcier. Il lui tendit la main.
_ Je suis Drago Malefoy, dit-il d'un ton arrogant en accentuant sur son nom.
Harry se retint de rire. Son orgueil le rendait follement ridicule. Et la scène avait une impression de déjà-vu. Il repoussa la révulsion qu'il ressentait à son égard et lui serra la main fortement.
_ Je suis... Fotts, Victor Fotts, dit-il précipitamment après s'être souvenu de quelques noms des joueurs cités dans l'ouvrage en mains. Puis il ajouta:
_ Malefoy... Une grande famille.
La flatterie. Harry était certain que Malefoy entrerait dans son jeu. Et il avait raison. Un sourire éclaira le visage pâle du garçon. Sans quitter des yeux Harry, ce dernier précisa de signes de tête:
_ Lui, c'est Vincent Crabbe et l'autre Gregory Goyle.
Les garçons se saluèrent brièvement. Harry posa son livre sur une étagère.
_ Tu joues au Quidditch ?, demanda le blondinet.
_ Oui.
_ A quel poste?
_ Attrapeur.
Mais là non plus, il ne risquerait pas de le voir...
_ Oh, c'est dommage, dit Malefoy qui n'avait pas l'air désolé du tout. L'attrapeur de l'équipe, c'est moi. Mais tu pourras toujours tenter un autre poste ou... tu deviendras suppléant.
_ Cela dépendra de ma maison.
_ Oui, j'allais oublier. Je suis à Serpentard, la meilleure des quatre.
_ Vraiment ? Y a-t-il des postes libres d'attrapeurs dans les autres maisons ?
Malefoy eut l'air mauvais.
_ A Serdaigle, le poste est pris par une fille, dit-il d'un air dégoûté.
Il était bien connu que les Serpentard estimaient que le Quidditch devait être uniquement réservé aux garçons.
_ A Poufsouffle, la place est libre. L'attrapeur a été tué lors du Tournoi l'an passé.
Malefoy attendit la réaction de Harry avant de poursuivre mais il resta impassible.
_ Quant à Gryffondor, c'est Potter qui détient le rôle.
Il venait de cracher son nom comme une insulte.
_ Il est bon?, demanda Harry le plus innocemment du monde.
Si Malefoy se disait inférieur, il graverait cet instant à tout jamais dans sa mémoire.
_ Je n'ai pas gagné une seule fois contre lui, maugréa le garçon.
Harry photographia ce moment intérieurement. Il se promit d'en faire part à Ron et Hermione.
_ J'espère jouer contre lui alors.
_ Pas si tu es à Serpentard, siffla Malefoy.
_ Si, si je suis à Poufsouffle, dit calmement Harry.
_ Les Poufsouffle ne valent rien, répondit Malefoy du tac au tac.
_ Et alors? Je peux me faire passer pour un Poufsouffle et je jouerai.
_ C'est le choixpeau qui décide, pas toi.
_ Le choixpeau donne la maison de ton choix, pas celles de tes aptitudes, si tu désapprouves.
_ Comment sait-tu cela ? Je l'ignorais moi-même, souffla Drago Malefoy avec méfiance.
Harry, conscient de son "léger dérapage", poursuivit:
_ Viktor Krum nous l'a dit.
_ Il sait cela, lui?
_ C'est... une de ses amies de Poudlard qui le lui a expliqué, hésita le jeune sorcier.
_ Sûrement cette Sang-de-Bourbe de Granger. Il était tout le temps après elle.
Harry, les mains dans ses poches, serra les poings. Le blondinet continua:
_ Elle a du prier pour aller à Gryffondor. Cette maison est réputée pour être la meilleure parce qu'un vieux fou y a fait ses études, cracha-t-il. Granger aurait du aller à Serdaigle. Toujours le nez fourré dans les bouquins, celle-là. Pathétique.
Harry serra plus fortement. Malefoy reprit:
_ Tu as... déjà joué contre Krum?
Harry, pris au dépourvu, mit son cerveau en mode accéléré avant de répondre.
_ Le poste d'une des équipes n'a été vacant que l'année dernière. Je joue depuis un an. Et Viktor Krum n'était pas à Durmstrang l'année dernière.
Harry souffla intérieurement. Il avait trouvé une réponse plausible sans impliquer qui que ce soit. S'il avait répondu oui, Malefoy lui aurait demandé un rapport détaillé de ses confrontations lors des matches avec Krum, chose impossible sans instaurer le doute sur sa véritable identité.
_ Ooh, murmura Malefoy.
Il regarda alors sa montre. Harry sourit intérieurement. Typique. Ses actions étaient décidément très prévisibles. Il agissait en montrant son indifférence envers le jeune sorcier pour appuyer sa supériorité. Qui disait que seuls les gens loyaux étaient facilement manipulables? Sans lui porter un regard, Malefoy lui demanda:
_ Tu dois rentrer chez toi à quelle heure?
_ N'importe quand. Je décide, dit Harry d'un ton ferme.
Le jeune sorcier l'intéressait donc. Il allait en profiter... Malefoy, quant à lui, sembla apprécier sa froideur.
_ Et tu te promènes... sans argent ?
_ J'en ai.
Sur ce, il sortit une bourse de sa poche qu'il montra à Malefoy sans le lâcher du regard et la rangea juste après. L'argent, la puissance... Est-ce que ces gens ne s'intéressaient donc à rien d'autre? Malefoy sourit. Harry lui devenait de plus en plus "sympathique".
_ Quel est ton nom déjà ?
Harry réfléchit en vitesse sur ce qu'il avait auparavant choisi.
_ Victor Fotts.
_ Eh bien... Victor, voudrais-tu te joindre à nous ? Nous allons au Chaudron Baveur.
Harry prit soin d'étudier la proposition en les toisant longuement. Il voulait leur donner l'impression qu'il n'était pas quelqu'un de facilement manipulable pour être assez intéressant à fréquenter tout en donnant l'assurance à Malefoy qu'il maîtrisait toute la conversation. Ce qui était hors de question. Le jeune sorcier acquiesça rapidement et ils dirigèrent au-dehors. Harry regarda l'heure sur l'un des cadrans exposés chez Tirius Tictac, l'horloger. Le Polynectar serait actif encore assez longtemps. Tout en longeant l'allée, Crabbe sembla vouloir lui parler.
_ Alors euh... Tes parents font quoi ?
Harry pensa à répondre qu'ils étaient morts quand une idée lui traversa l'esprit.
_ Mon père est directeur du service de régulation de la magie noire.
Harry fixa son regard droit devant pour se montrer important mais il devina leurs regards ébahis. Mr Weasley l'avait renseigné au cours d'un dîner l'an passé sur les différents services du ministère. Il avait souligné en outre la mauvaise réputation du service de régulation de magie noire, qui, selon lui, était dirigé par des mauvais sorciers.
_ Alors... C'est lui qui contrôle quels objets empreints de magie noire ont le droit de circuler, lança Malefoy.
_ Oui.
Puis Harry se tourna brusquement pour faire face à Malefoy qui dut s'arrêter en catastrophe. Le jeune sorcier commençait à aimer son jeu. Il était dans un théâtre et s'identifiait au protagoniste de la pièce.
_ Mais ton père doit savoir.
Et il repartit, sous l'oeil incrédule du garçon blond. Ce dernier reprit sa marche et tenta de rattraper "son nouvel ami".
_ Comment ça ?
_ Ne sois pas ridicule, Drago.
Harry s'efforça à prononcer son prénom sans dégoût. Il faisait à nouveau face aux trois Serpentard. A présent, c'était lui qui contrôlait la conversation tout en laissant aux autres la "liberté" de poser leurs questions. Le jeune sorcier se pencha lentement vers Malefoy et murmura:
_ Mon père interdit à des gens de posséder des objets maléfiques et... permet à d'autres d'en avoir à leur disposition. Entre autres... vos pères.
Il marqua une pause pour que ses paroles aient leur petit effet. Il savait que le père de Malefoy ne disait pratiquement rien à son fils au sujet de ses activités: il en avait pris conscience en deuxième année alors qu'il discutait avec le garçon blond au sujet de l'héritier de Salazar Serpentard. Il profiterait donc de son manque d'information. Au passage, il en avait conclu qu'il en était de même pour Crabbe et Goyle.
_ Bien sûr, ils rejoignent le camp de ses nombreux clients: Nott, Avery, Macnair, et j'en passe.
Leurs visages s'éclairèrent. Harry avait réussi à faire croire que le lien qui unissait "leurs pères" n'était autre que la marque des Ténèbres. Il continua, toujours en chuchotant.
_ Vous comprenez maintenant pourquoi il est indispensable que mon père et moi nous installions en Angleterre, là où tous... nos clients sont. Il serait dommage de laisser une occasion pareille passer. Je suis convaincu que les affaires seront excellentes cette année.
La balle était lancée. Harry priait maintenant pour qu'un retour d'informations ait lieu. Il en avait assez dévoilé. Son stratagème devait fonctionner. Malefoy le tira soudainement par la manche vers une ruelle sombre: l'allée des embrumes. Une vague de panique submergea Harry mais il tenta de ne rien en laisser paraître. Ils se mirent dans un coin et Malefoy prit la parole.
_ Ton père semble tout te dire, les nôtres non. Je ne savais même pas que le mien connaissait un Fotts! Pourquoi?
Harry éclata de rire, un rire mauvais. S'il avait tourné un film, il aurait obtenu l'oscar du meilleur acteur. En même temps, il ne put s'empêcher de penser à quel point son attitude le répugnait. Il lui tardait sincèrement de retrouver sa véritable nature de Gryffondor. Malefoy sembla désarçonné.
_ Peut-être que la confiance manque, dit-il enfin froidement.
Il marqua une pause.
_ Que veux-tu devenir Drago?
_ Tu le sais très bien, répondit-il en serrant les dents. Je veux suivre les traces de mon père et honorer mon nom auprès du Seigneur des Ténèbres, tout comme lui!
Le garçon blond était visiblement énervé que Harry le sous-estime. Pour ce dernier, la révélation fut digne d'un électrochoc. Il s'était douté des objectifs que Malefoy s'était fixé mais entendre la vérité de sa propre bouche était une toute autre affaire. Cherchait-il à l'impressionner? Le souhaitait-il vraiment ou s'était-il emporté dans sa colère? Avait-il menti pour faire le "poids" face à un adolescent dont le père confiait tout sur les activités des mangemorts? Ou le pensait-il vraiment? Harry ne sut quoi penser. Il tenta de se ressaisir pour ne pas perdre le fil de son raisonnement.
_ Et après?
_ Quoi après ?!, explosa le blondinet.
_ Tu vas le servir quand notre maître?
Harry dut s'efforcer mentalement à ne pas vomir en prononçant sa dernière phrase.
_ Quand j'aurai acquis toute ma puissance évidemment! Une fois mon ASPIC obtenu, j'aurai un poste au ministère grâce à mon père, je rentrerai dans ses rangs et je serai l'un de ses plus fidèles serviteurs!
Harry se demanda si Malefoy n'allait pas se jeter sur lui. Le Serpentard voulait démontrer qu'on ne doute pas des paroles d'un Malefoy! Il était emporté par sa colère et le jeune sorcier hésitait à savoir si c'était un bon ou mauvais signe. Malefoy continuait de parler le plus fort possible sans être entendu des rares passants qui marchaient derrière eux.
_ Et j'ai déjà commencé!
Harry retint son souffle. Malefoy allait de nouveau se trahir.
_ Moi, Crabbe et Goyle serviront d'espions, parfaitement, d'espions! On ne fait peut-être pas parti du plan de Tu-Sais-Qui qui vise Potter le jour de la rentrée mais on l'aidera contre les autres Sang-de-Bourbe et amoureux des Moldus qui polluent Poudlard!
Harry eut la respiration bloquée.
_ Que peux-tu dire, toi ? Pas autant, j'en suis sûr!
Le silence de Harry suffit à donner un air victorieux au blondinet.
_ Tu vois que mon père me fait confiance! Il m'a tout dit! Potter ne passera pas l'année! Pas même le premier mois! Et toi, que t'as dit ton père ?, le défia-t-il à nouveau.
Harry tenta de répondre, mais sa voix resta enrayée.
_ Rien de tout cela..., souffla-t-il dans un murmure à peine audible.
Heureusement, sa réponse ne fut rien d'autre qu'un synonyme de défaite pour Malefoy et il ne s'aperçut pas du teint pâle que prenait le visage du jeune homme. Malefoy le regardait maintenant de manière hautaine. Il avait pris le dessus, il en était convaincu. Il se pencha vers Harry pour lui murmurer froidement:
_ Le Seigneur des Ténèbres mettra fin au règne du petit Potter, sois sans crainte. Les prisonniers d'Azkaban se forment, reprennent des forces, et deviennent de redoutables mangemorts. Les Détraqueurs se préparent au festin... Personnellement, je préfèrerais que Potter soit embrassé par l'un d'eux plutôt que d'être tué par notre Seigneur, enfin...
Il fit dos à Harry pour poursuivre son discours d'un pas conquérant, les yeux de Crabbe et Goyle suivant le moindre de ses gestes, en adorateurs ou presque. Il découvrait une cruauté sans précédent, une personnalité inquiétante...
_ Ce vieux fou ne pourra rien faire pour son petit chouchou, même accompagné de partisans. Et puis, plus tard, les protections de Poudlard s'abattront comme des allumettes. Je suis certain que notre Seigneur trouvera un moyen de les comb...
Au moment où il se retourna, Malefoy cessa de parler pour faire face, lui et ses deux acolytes, à un espace vide.
Le corps plié en deux, Harry tentait de dissiper la sensation de nausée qui l'envahissait. Il inspira longuement l'air frais du parc de Poudlard et se détendit les muscles. Pour la première fois, Harry était passé à l'offensive. Il n'avait pas attendu que les événements se produisent, il était allé puiser des informations à la source. Et maintenant, il ignorait s'il en était heureux. La voix menaçante de Malefoy résonnait encore dans sa tête. Potter ne passera pas l'année! Son regard glacial présageait le pire. Le blondinet avait cru que Harry avait pris peur de lui mais la vérité était qu'il ne voulait plus revivre des événements aussi tragiques que ceux de Juin dernier. Plus jamais. Pourtant , l'assurance de ses propos n'en indiquait que la fatalité. Voldemort l'avait choisi. Il n'allait plus vivre un jour sans qu'il ne s'acharne sur lui. Pourquoi ? Nous l'ignorons, avait avoué Mac Gonagall. Il était sa cible, un point final. Et tant qu'il vivrait, il devrait s'attendre à être attaqué. A tout instant. Il ne pourrait plus parler des horribles cours de Potions avec ses amis sans redouter qu'une baguette ne soit pointée sur sa nuque. Il ne pourrait plus vivre dans l'insouciance d'un adolescent de quinze ans. Il ne pourrait plus sourire sincèrement sans appréhender les prochaines heures. Mais vivre dans la peur n'était que mort de l'esprit. En se refusant le plaisir de rire pour mieux être sur ses gardes, il devenait un adulte trop précocement. En s'interdisant de goûter à tous les plaisirs qui s'offraient à lui pour la garantie d'une vie plus longue, il devenait un vieillard trop prématurément. Et Harry ne pouvait vivre selon ce mode d'existence. Il n'était pas une personne qui pouvait changer sa façon de se comporter parce qu'un "homme" l'obligeait à se cacher. Harry était impuissant. Voldemort était le plus grand mage noir de tous les temps. Alors allait-il cesser de vivre tel un adolescent normal pour assurer son avenir? Harry en était incapable. S'il pouvait apprendre à maîtriser des sortilèges où les Septième année avaient des difficultés, s'il parvenait à vaincre un basilic, s'il pouvait se jeter sur un homme armé présumé coupable de la mort de ses parents alors que lui-même était dépourvu de baguette magique, Harry était incapable de changer. Changer de nature reviendrait à se trahir lui-même. Et il ne le ferait pas, même si cela en devenait un ultimatum.
Il ne savait combien de temps il avait couru, profitant du bref instant où les trois Serpentard regardaient ailleurs. Il avait voulu expulser cet excès de haine, de révolte et de peine dans sa course effrénée, sans jamais y parvenir réellement. Aucun effort physique n'avait semblé suffisant à la tâche. Il avait continué de courir dans le passage secret, le dos voûté, les poumons brûlants et la gorge blanche, avec pour toute pensée, oublier. Oublier ce qu'il venait d'entendre, oublier Voldemort, oublier qui il était, oublier à quelle destinée les gens l'associaient. Ce n'était qu'à Poudlard qu'il avait du se rappeler pourquoi il voulait oublier, lorsqu'il n'eut plus aucun but après un dernier sprint vers l'espoir.
Harry finit sa lettre. Il avait écrit à Dumbledore et lui avait tout avoué: son mensonge sur le fait qu'il était élève à Durmstrang, ses "nouveaux amis", la révélation... Tout. Faute de ne plus avoir de Polynectar, il enverrait l'enveloppe par l'intermédiaire de Mme Pomfresh. Cette initiative l'avait rassuré. Il ignorait le plan établi par Voldemort mais si son professeur savait quelque chose, toutes les informations possibles sur l'attaque devait lui revenir, même les plus petites. Quant à lui, il allait devoir se préparer. Il avait remis ses idées en ordres. Harry ne s'était pas laissé sous l'emprise des émotions. Il allait devoir s'entraîner plus durement. Bien sûr, c'était ce qu'il entreprenait de faire depuis le début des vacances. Mais maintenant, c'était différent. Maintenant, il avait une date d'attaque. Il devait se tenir prêt.
Il ne restait plus que quatre jours avant la reprise des cours et le jeune sorcier se trouvait en pleine transe, au milieu du dortoir des garçons. Il sentait les changement s'opérer, les muscles s'étirer, sa peau devenir épaisse, son poids augmenter considérablement. Les instincts de prédateur l'envahissaient. Il entendait les petits pas précipités des elfes quelques étages au-dessous de lui et sentait l'odeur de la viande grillée dans les cuisines. Harry restait les yeux fermés, ses perceptions auditives incroyablement améliorées quand il ressentit un blocage. Il était revenu à son état d'esprit normal. Cependant, il lui semblait n'avoir fait que la moitié du chemin au cours de sa transe. Pas de sueur, ni de battements cardiaques rapides. Il avait la sensation de tâche inachevée. Harry décida donc d'ouvrir les yeux pour voir ce qu'il en était. Il eut alors un sursaut de surprise en tentant d'assimiler toutes les informations qui se bousculaient en lui. Il remarquait des détails complètement insolites qu'un humain n'aurait jamais pu entrevoir. C'était comme si des millions de loupes jonchaient les surfaces du dortoir. Son cerveau travaillait à la vitesse maximale mais Harry n'avait cependant pas mal à la tête. Son pouls s'accéléra. L'expérience était très excitante. Des interstices, trous ou poussières, étaient aussi nettes que s'il s'était approché de ceux-ci à moins de trente centimètres. Harry comprit alors qu'il avait réussi. Il osa à peine porter un regard sur son nouveau corps. Il allait se faire lui-même une surprise. Le miroir de la salle de bain. Il voulut s'y diriger et sauta du lit d'un bond si prodigieux qu'il rentra presque dans le lit de Neville. Waw, souffla-t-il intérieurement. Il allait devoir maîtriser sa nouvelle force s'il ne souhaitait pas causer d'accidents. En bondissant, il avait écrasé quelque chose, semblait-il, avec ses pattes. Il se retourna. Ses lunettes, qu'il avait mis de côté sur le lit étaient dans un piètre état. Il soupira. Décidément, elles subissaient bien des dommages. Il changea de trajectoire pour se rendre devant la glace. Il eut alors une merveilleuse sensation de puissance et de rapidité. Quoiqu'il soit, ses caractéristiques pourraient lui être utiles... Il continua jusqu'au bout à se demander en quel animal il s'était métamorphosé. Apercevant le miroir au-dessus du lavabo, il fléchit ses deux pattes de devant, prit un minuscule élan, les posa sur les rebords et... Aaaaaaaargh!
Harry tomba à la renverse, une expression d'horreur sur le visage, si tenté qu'il ait put l'exprimer. La créature qu'il venait d'apercevoir était l'une des plus repoussantes qu'il ait jamais vu. Hagrid l'aurait trouvé magnifique. Aucun livre ne lui avait montré quelque chose d'aussi hideux. Au premier abord, on aurait pu dire qu'il s'agissait d'un lion... si sa fourrure et son épaisse crinière n'avaient pas été remplacé par une horrible peau visqueuse et verte recouverte d'écailles dignes de celles d'un serpent. Harry ferma fortement les yeux. Il ne voulait plus voir, ne voulait pas y croire. Repoussant l'image de son apparence, il pensa avec conviction:
_ Lion! Je suis un lion! Un lion, rien d'autre, un lion!
Il sentit alors un chaud liquide l'envahir et une douceur l'envelopper. Malgré sa panique, il risqua un coup d'oeil sur une de ses pattes et constata avec étonnement que des poils blonds foncés poussaient sur les écailles qui, elles, semblaient se fondre en lui peu à peu. De l'étonnement, il passa au ravissement en constatant l'aspect final de sa patte: elle était celle d'un véritable lion. Soudain, il se souvint d'une phrase de Dumbledore: Ce sont nos choix, Harry, qui montrent ce que nous sommes vraiment, beaucoup plus que nos aptitudes. Harry avait choisi l'animal. Le serpent... Voyons, le serpent devait représenter celui de Voldemort, ce dernier lui ayant transmis un peu de lui-même malgré lui. Harry regarda une fois de plus le miroir et reposa ses pattes sur le lavabo. Devant lui, la tête d'un magnifique lion se dressait dans la glace. Un lion adulte. En y repensant, pourquoi était-il adulte sous sa forme animagus ? Harry songea que l'âge n'avait aucune influence sur l'animal. Après tout, c'était possible... Il faudrait vérifier cette hypothèse ultérieurement... Harry s'observait attentivement, ayant peine à y croire. Ce museau, ces pupilles... Tout était lui. Etre animagus était indescriptible. Il fallait le devenir pour ressentir les effets réels. Après avoir passer quinze années sous forme humaine, on ne pensait pas se retrouver plus à l'aise à quatre pattes que sur deux! Sa crinière était majestueuse bien que très ébouriffée. Harry la remua gaiement pour dégager de grosses mèches de son front. Derrière, un détail insolite attira son attention. Quelques poils rouges avaient poussé pour dessiner... sa cicatrice! Harry soupira intérieurement. Elle me suit partout...
Ravi de sa transformation, il sortit de la salle de bain pour mesurer les talents physiques de son cher animal. Aussitôt, il s'élança à toute vitesse dans les escaliers menant au rez-de-chaussée, savourant la rapidité de sa descente et l'endurance de ses efforts. Malgré son poids, il avait l'impression de retomber comme une plume, les coussinets se compressant sur les marches. De par sa vitesse, il sentait le vent courber les poils de son corps et les moustaches de sa gueule. Harry jeta quelques coups d'oeil à la volée pour vérifier que personne n'était là, et s'élança au-dehors du château ( note: il était assez cocasse de voir un lion ouvrir la porte, la patte appuyant sur la poignée). Il passa ainsi près d'une heure à courir, bondir et rugir dans les jardins de l'école. Etre un lion était une sensation merveilleuse. Il était en parfaite harmonie avec l'esprit de l'animal, un esprit absent lorsqu'il était cette chose hideuse. Une chose qui avait des caractéristiques de serpent. Harry prit note d'élucider quelques mystères le concernant dans l'après-midi. Mais avant, il voulait s'habituer à son nouveau corps. En vérité, il n'avait pas encore envie de le quitter.
Dans la soirée, il se rendit à l'infirmerie. L'après-midi, eh bien... Harry ne l'avait pas vu passer. Contrairement à ce qu'il s'était fixé dans son emploi du temps, il n'était revenu au dortoir que vers dix-sept heures. Il n'avait pu se résoudre à redevenir humain avant. Et quand il était enfin arrivé dans la chambre, ce n'était que pour y découvrir ses lunettes cassées. Cet oubli passager (il avait oublié de reprendre sa vue humaine, ses yeux comportaient encore des pupilles de félin) lui donna une idée. Après les avoir réparées, il avait décidé de rendre visite à Mme Pomfresh. Porter des lunettes était un inconvénient. Il ne cessait de se rappeler tous les moments face à Voldemort où une de ses principales préoccupations étaient de les garder intacts. Sans elles, la bataille était perdue d'avance. Elles étaient une faiblesse au jeune sorcier. Et il ne pouvait plus se permettre d'en avoir. Si Mme Pomfresh était capable de faire repousser des os, elle pouvait lui réparer sa vue. Il cogna donc à la porte de la salle. Il entendit un "Entrez" et obéit. L'infirmerie était maintenant beaucoup plus spacieuse qu'avant et de nombreuses caisses où était entreposé du matériel médical bloquaient des passages et attendaient d'être rangées. Une petite infirmière replète vint à sa rencontre et lui adressa un chaleureux sourire.
_ Bonjour! Vous êtes le jeune Potter, n'est-ce-pas ?
Harry acquiesça.
_ Où est Mme...
_ Mme Pomfresh est là, dans la pièce à côté. Je suis sa nouvelle collègue, Mme Vivebien.
_ Enchanté Mme Vivebien. Vous venez prêter main forte à Mme Pomfresh ?
L'infirmière rit doucement. La nouvelle recrue semblait conviviale.
_ Oui, elle en a bien besoin, avec tous ces futurs élèves de Poudlard. Alors, dîtes-moi, pourquoi cette visite ?
Elle l'incita à s'asseoir sur le rebord d'un lit avant qu'il ne s'explique.
_ Eh bien, je me demandais si c'était possible de se passer de lunettes...
_ Avez-vous tenté un sortilège quelconque de réparation oculaire ?
_ Non, répondit le jeune sorcier.
Maintenant qu'elle le disait, cela semblait évident. Harry se sentit un tantinet ridicule de ne pas y avoir pensé.
_ Vous avez bien fait. La plupart de ceux qui essaient sur eux-mêmes s'y prennent mal, soupira-t-elle, désespérée. Enlevez vos lunettes.
Harry s'exécuta. Mme Vivebien prit un tabouret qu'elle plaça devant lui et ouvrit une commode pour en retirer un flacon. Mme Pomfresh entra dans la pièce, une caisse de fioles entre les mains.
_ Bonjour Mr Potter.
_ Bonjour Mme Pomfresh.
_ Buvez, ordonna gentiment Mme Vivebien.
Harry ne prit pas la peine de se demander si la nouvelle infirmière était aussi compétente que Mme Pomfresh. Elle débordait d'une assurance qui effaçait tous les doutes.
_ Bien, maintenant regardez-moi et ne bougez pas.
Harry obéit et la sorcière s'assit face à lui. Mme Pomfresh, à l'arrière, rangeait les différentes fioles dans un placard. Mme Vivebien brandit sa baguette, murmura quelques incantations latines et Harry se sentit pris de vertiges. Il sentait que son cerveau, réduit à l'état de liquide, allait couler de sa tête malgré la présence du crâne. Mme Vivebien le saisit par les épaules et l'aida à s'allonger sur le lit.
_ Je ne peux rien vous garantir, Mr Potter. Certaines personnes rejettent le sortilège et ils doivent se contenter de lunettes. En particulier les personnes âgées. Attendez cinq minutes que le mal de tête se dissipe. Nous verrons ensuite l'état de vos yeux.
Harry fut dans l'obligation de l'écouter, les vertiges ne cessaient pas. Pour lui, il était maintenant évident qu'il préférait Mme Pomfresh dans l'art de prévenir les gens des symptômes à venir. Mais Mme Vivebien lui était plus sympathique et moins nerveuse de nature. Cette dernière, pendant ce temps, aidait sa collègue à mettre un peu d'ordre dans la salle. Peu à peu, Harry se sentit mieux. Enfin, au bout de quelques minutes, il se rassit et Mme Vivebien revint vers lui.
_ Ca va mieux ?
_ Oui, merci.
_ Bien. Effectuons quelques tests.
Des lettres et des chiffres sortirent de sa baguette et volèrent vers le mur d'en face. Elle fit des petits cercles et les inscriptions se mélangèrent. Harry dut les lire et il réussit l'examen, un sourire aux lèvres. Il était étrange de se passer de lunettes.
_ Je pense que l'opération a fonctionné. Il n'y aura pas de rejet.
_ Merci madame, dit Harry dans un grand sourire.
_ De rien. Bonne soirée, Mr Potter.
En remontant au dortoir, Harry savoura avec une joie infantile tous les petits détails des tableaux de l'école. Il avait l'impression de revoir le monde sous un aspect différent. Certes, ce n'était pas aussi spectaculaire qu'avec une vue de lion mais c'était une vue normale. Normale et humaine. Les lunettes dans les mains, il se dirigea à nouveau vers la salle de bain pour finir ce qu'il avait entreprit de faire aujourd'hui: étudier la métamorphose sous tous ces angles. Les entraînements avaient été éprouvants, mais curieusement, il ne ressentait plus de réels efforts physiques dans ses transformations. Devant la glace, le jeune sorcier se reconcentra. Seulement, cette fois-ci, c'était différent: il voulait devenir un serpent. Il savait qu'il était théoriquement impossible d'avoir deux formes animagi mais il voulait tenter l'expérience. Après tout, il en existait trop peu pour réfuter véritablement cette hypothèse. Et sa première métamorphose était sans aucun doute un animal coupé des deux espèces. Pourquoi être seulement un lion à la suite d'un tel phénomène ? Le processus débuta: son corps s'allongea, ses muscles s'étirèrent, ses canines grandirent, sa tête s'aplatit, ses jambes se fondirent l'une dans l'autre, tout comme ses bras dans ses côtes. Harry eut peur de tomber par manque d'équilibre mais une incroyable musculature lui permit de se ressaisir. Il rouvrit les yeux et comme la première fois, il fut submergé par les informations qu'il devait ingurgiter grâce à ses nouvelles perceptions. Les moindres vibrations que provoquaient les elfes en marchant se ressentaient à travers tout le corps. L'ouïe était exceptionnelle, elle aussi. La vue était cependant moins spectaculaire que celle du lion. Harry se sentit... bizarre. Etre dans la peau de cet animal lui procurait une sensation dérangeante. Il comprit très vite qu'il s'agissait en fait de l'esprit de l'animal qui le perturbait. Il était... primitif. Tous les reptiles l'étaient. Le jeune sorcier ne se sentait pas en communion avec le serpent. Il n'y avait pas l'osmose qui l'unissait au lion. Harry décida de jeter quelques coups d'oeil à son physique dans le miroir avant de redevenir humain. Il n'aimait vraiment pas rester ainsi. Il se redressa et vit, tout comme la première fois, la trace de sa cicatrice rouge. Si les vipères avaient un V sur la tête, lui avait un éclair. Et il n'était pas une vipère. Non, l'animal qu'il observait dans la glace ressemblait à une autre espèce dont il ne se souvenait que trop bien. Il en avait aperçu au vivarium, le jour des onze ans de Dudley. Imposant et terrifiant, il était un anaconda. Un anaconda qui dépassait les dix mètres. Encore une fois, l'animal n'avait pas la taille d'un jeune serpent mais celui d'un adulte. Harry reprit forme humaine. La disparition de l'esprit primitif le soulagea. Il se sentit tout de suite bien mieux. Harry décida qu'à l'avenir, il ne se métamorphoserait ainsi uniquement par besoin. Le jeune sorcier se regarda dans le miroir, les cheveux en bataille, ses yeux verts ressortant comme jamais. Aujourd'hui, il était devenu un double animagus.
Le lendemain, il rencontra Mme Pomfresh qui lui donna à sa plus grande surprise une lettre. Harry s'était rendu dans le parc pour s'asseoir sur un banc avant de la lire.
Harry,
merci de m'avoir confié tes découvertes au sujet de tes trois camarades.
Harry grimaça devant le terme "camarades".
Cependant, sans preuve, aucune mesure ne peut être prise contre eux. En revanche, nous nous occupons des règles de sécurité à instaurer afin d'éviter le maximum de problèmes le premier jour des classes. Reste vigilant. Ta rencontre avec Messieurs Malefoy, Crabbe et Goyle aurait pu tourner mal. Sois-en conscient. De notre côté, (je préfère t'en informer, de toute façon, tu te serais débrouillé pour le découvrir tôt ou tard) des amis à Mr Weasley s'occupent de la protection du ministre malgré lui (il n'est pas au courant), ceci pour la prévention d'un éventuel imperium lancé par un des mangemorts du ministère sur Mr Fudge qui leur garantirait ainsi l'accès à Poudlard. Hagrid et Madame Maxime m'ont contacté. Ils reviennent de leur mission. Madame Maxime est en route vers Beauxbâtons et Hagrid vers Poudlard. Il devait s'occuper de quelques affaires avant mais il ne devrait plus tarder. Merci encore de tes confidences. J'espère qu'à l'avenir, tu n'hésiteras plus à me parler. Mets tes tracas de côté et profite du merveilleux temps estival. Les devoirs scolaires ne devraient plus tarder, eux non plus...
Albus Dumbledore.
Harry posa la lettre et vit Hedwige voler vers la volière. Hagrid serait bientôt là...
Le dortoir était d'un calme religieux. Le nombre de lits, plus grand que lors des rentrées précédentes, annonçait l'arrivée imminente des élèves de toute origine. Les fenêtres fermées, la pièce renfermait une fraîcheur que seuls les bâtiments de pierre peuvent offrir en ces chaudes journées d'été. Hedwige passait régulièrement devant les vitres, à la recherche de son maître, mais restait la majorité du temps à la volière. La chouette au caractère précieux s'était habituée au vacarme de ses congénères et semblait presque s'en réjouir au jour d'aujourd'hui. En effet, elle était une fois de plus, absente du dortoir des Gryffondor, et la chambre des Cinquième année était l'unique salle de la tour qui n'était pas totalement silencieuse malgré tout. Une respiration impatiente trahissait la présence d'une personne sur les nerfs. Le bras tendu vers une baguette posée sur le lit situé à l'autre bout de la pièce, Harry commençait à ressentir quelques crampes dans la main et l'épaule droites. Il ne relâchait cependant pas ses muscles. Il fixait son regard sur l'objet magique en espérant que se produise un phénomène. Mais pour l'instant, rien ne prédisposait à croire qu'il se réaliserait. Il redoubla de concentration, les paupières ouvertes et immobiles. Accio. Une formule activant le sortilège d'attraction. Le jeune sorcier l'avait apprise en quatrième année et l'incantation s'en était révélée bien utile. En dehors de la première tâche où il avait amené son Eclair de Feu à se positionner près de lui et donc réussi l'épreuve grâce à ce sortilège, il lui avait aussi sauvé la vie en permettant en outre au portoloin de voler jusqu'à Harry, rescapé d'une éventuelle mise à mort dans les minutes suivantes, s'il n'avait pas réussi à le maîtriser. Accio! La baguette resta telle quelle. Harry grogna de frustration. Insatisfait de son niveau, il se refusait d'abandonner, de se contenter de ce qu'il savait déjà réaliser pour une détente largement méritée. Depuis la veille, il s'efforçait de réussir ce maléfice en mode "silencieux" et sans baguette. La magie créée selon ce principe, nommé l'interiorse, était du plus difficile niveau des quatre officiellement institués.
Si, au départ, un sorcier s'initiait à la magie basique jusqu'en sixième année excluse, il apprenait par la suite une forme nouvelle de la sorcellerie, à savoir le pensare. Les maléfices trompeurs en exigeaient l'enseignement. Le pensare consistait à réaliser des charmes par la pensée, avec un recours à la baguette. Il était nécessaire dans le domaine de l'espionnage: on ne pouvait se permettre d'être entendu en prononçant fortement des incantations. Mais loin des services spécialisés dans la Défense contre les Forces du Mal, les sorciers devaient s'approprier cette technique pour une amélioration de leur quotidien. En effet, tous lançaient sans cesse des sorts pour leur travail, leur ménage, leurs déplacements... Le monde serait alors une véritable cacophonie sans cet usage. Les conversations seraient constamment entrecoupées: "Comment allez-vous ? Couplis!", "Oui, Salione!, j'en ai entendu parler...". Le maîtriser était donc indispensable. Il était la première étape _ la plus importante_ à l'accomplissement des maléfices trompeurs. Il suffisait après de prononcer une incantation différente.
Le vox était d'un niveau largement supérieur en difficulté, et donc en puissance. Contrairement au pensare, le sorcier avait le droit de chuchoter ou hurler le nom d'un charme à sa guise. Néanmoins, il était dépourvu de son arme magique. Enlever à un apprenti sa baguette le rendait incontestablement plus vulnérable. Dans le monde de la magie, il était extrêmement rare d'apercevoir un sorcier séparé d'elle. C'est pourquoi l'Expelliarmus _ un sort de deuxième année_ était, malgré son faible niveau, particulièrement redouté. Harry était incapable de lancer un sortilège de sixième année sous le principe du vox. Il s'en était arrêté à l'année précédente.
Un élève passant son ASPIC devait réussir un Wingardium Leviosa selon l'interiorse, les capacités requises étant déjà remarquables. Harry dodelina de la tête. Les crampes le gagnaient. Il avait imaginé qu'un mangemort tenait sa baguette, qu'un Détraqueur arrivait près de lui, mais rien ne se produisait. Les sorts de quatrième année étaient d'une redoutable ténacité à passer en mode interiorse. Qu'importe, il prendrait le temps qu'il faudrait. Mais la rentrée n'aurait pas lieue sans qu'il ne sache le contrôler. Accio contrait Expelliarmus. Harry récupérerait sa baguette, où qu'elle soit. Il se refusait à rester aussi fragile que l'année dernière, une fois désarmé. Accio! La baguette trembla légèrement. Harry hurla intérieurement: ACCIO! L'objet magique s'éleva lentement et vola d'une vitesse progressive vers la main du jeune sorcier qui la saisit en tremblant, le corps encore tendu d'avoir été immobile si longtemps. Harry regarda d'un air incrédule son arme.
_ Oui, souffla-t-il.
Et il s'effondra sur le sol, vidé d'énergie. Les jambes du jeune homme avaient cédé sous son poids. Harry reprit une respiration calme, posée. Il avait déjà dépassé ses limites durant ses entraînements, il savait comment récupérer. Son effondrement n'avait rien d'inhabituel. Les professeurs, lors des cours, interdisaient aux élèves de se vider autant. Il était normal qu'ils ne souhaitaient pas que leur classe soit exténuée au bout de quelques minutes de cours. Ils devaient leur faire prendre des notes sur les leçons. L'apprentissage de la magie devenait par conséquent considérablement plus long. D'autant plus que Harry n'osait imaginer le nombre de beuglantes que le corps professoral recevrait si jamais ils obligeaient les élèves à travailler autant. Le jeune sorcier entrevoyait déjà le contenu des lettres: "Une honte! Mon fils dépense toute son énergie dans vos cours! [...] Exténué qu'il est! [...] Le programme est-il aussi important pour en menacer la santé de mes enfants ?!", etc, etc. Harry, de son statut d'orphelin, prenait des risques mais en était le seul responsable. Personne ne témoignerait des quelques folies qu'il entreprenait de faire de temps en temps. Personne ne se plaindrait de son audace, ne le freinerait. Il tendit la main vers une poche située non loin de lui et y retira un chocolat. Les elfes se questionnaient sur les provisions énormes en sucreries que Harry demandait en cuisine et en avaient déduit qu'il était incroyablement gourmand. Harry, se sentant de nouveau d'attaque, se releva et entreprit de recommencer. Certes, il avait réussi la manoeuvre mais s'il était près de s'évanouir juste après, le jeune sorcier avait peu de chances de s'en sortir vivant lors d'un duel à mort.
Le milieu de l'après-midi arriva sans qu'il ne s'en rende compte. En ce jour, il s'était exercé depuis dix heures du matin, après avoir perfectionné ses feintes sur le terrain de Quidditch et avait oublié de déjeuner. Son enthousiasme débordait pourtant. Accio! Rien ne bougea. Le jeune sorcier attendit patiemment. Soudain, la baguette sortit de l'escalier, fila à la vitesse de son Eclair de Feu et vint tout droit se poser dans la main droite de Harry, qu'il avait gardé dans le dos. Harry se sentait apaisé. Un autre barrière venait de s'abattre. L'Expelliarmus ne représentait plus aucun danger. Il se pencha à une fenêtre de la chambre et inspira profondément. La rentrée pouvait se déroulait. Dehors, la journée était magnifique, une fois de plus. Harry observa l'école. Le parc était désert, le cloître silencieux. Quelques feuilles jaunies tombaient parfois des arbres, annonçant l'arrière saison. Un léger vent les transportait à travers la cour. Les oiseaux gazouillaient gaiement et volaient à proximité de la volière où des chouettes et hiboux entraient et sortaient en continu. Au loin, la cabane du garde-chasse était isolée du château. De grosses marmites posées à côté du potager contenaient un liquide apparemment poisseux qui bouillait. Bouillait ?! Harry réagit sans attendre. Il appela intérieurement son balai ( le sortilège d'attraction était une bénédiction!) et s'élança de la fenêtre vers la maison de son ami. C'est alors qu'il aperçut une personne imposante sortir de la forêt interdite, des bûches sous les bras, de quoi alimenter le feu des chaudrons.
_ Harry!, s'exclama Hagrid de joie dès qu'il le vit.
Harry n'eut pas le temps de descendre totalement de son balai qu'Hagrid l'étreignit de toutes ses forces ou presque. A moitié étouffé, le jeune sorcier répondit:
_ Bonjour... Hagrid. Co...Comment allez-vous ?
_ Bien. Et toi ?
_ Je vais bien, assura Harry.
On sentait toujours de l'inquiétude dans la voix du garde-chasse quand il s'agissait du bien-être du jeune sorcier.
_ Alors... Cette mission avec les géants ?, poursuivit-il.
Le garde-chasse le regarda, étonné.
_ Comment tu...
_ Je m'en doutais, expliqua-t-il précipitamment.
_ Aah..., fit Hagrid, incapable de réagir de façon plus pertinente. Eh bien, Olympe et moi avons eu quelques petits soucis avec certains d'entre eux. Des communautés sont vraiment épouvantables. Ils aiment la violence même si cela m'attriste de le dire...
Il marqua une pause, cherchant les mots justes. Harry voyait que Hagrid n'avait pas fait un voyage des plus agréables.
_ ... Ils préfèrent se rattacher à Tu-Sais-Qui. Il leur offre bien plus de victimes...
Le garde-chasse soupira.
_ Mais d'autres communautés de géants, notamment dans les pays du sud-est, sont beaucoup plus réceptifs à notre appel.
Hagrid avait redressé la tête, la note de son compte-rendu devenant plus optimiste.
_ Ils ont accepté de nous rejoindre et rassemblent leurs troupes. Ils sont... humains. Et... certains partent en chasse aux créatures sauvages vivant là-bas qui pourraient, une fois domestiquées, être d'un grand secours dans les batailles à venir. En gros, la moitié des peuples visités sont d'accord.
Harry ne se sentit ni joyeux, ni triste. Le rapport avait été moyen finalement.
_ C'est bien. Au moins, il y a un équilibre des forces qui s'installe.
_ Oui, si Fudge accepte d'ouvrir les yeux, grogna Hagrid. Quelle brute celui-là!
_ Vous préparez quoi ?, demanda le jeune sorcier en changeant de sujet.
Le liquide poisseux bouillait toujours.
_ De la mixture à donner aux Ouaska.
_ La forêt en contient ?, s'étonna Harry, frissonnant légèrement.
_ Oui. Rusard devait les nourrir avec les provisions que je lui ai laissées cet été, ainsi que d'autres créatures... Mais je crains qu'elles n'aient du faire un petit régime ces derniers jours, à cause de ma mission. C'est pour ça que je ne t'ai pas rendu visite tout de suite.
_ Et Madame Maxime, comment va-t-elle ?, enchaîna Harry.
Le visage de son ami s'éclaira.
_ Elle est en excellente forme. Elle va venir à Poudlard représenter Beauxbâtons cette année. Elle sera accompagnée de quelques professeurs. Son école devra trouver des remplaçants... Mais Dumbledore veut un rassemblement des forces. Alors, c'est mieux si elle est là. Le nouveau directeur de Durmstrang sera absent: il faut d'abord qu'il apprenne à gérer son école de près avant de le faire en étant ici... Mais des professeurs de là-bas viendront également. Les élèves d'origine différente gardent leurs matières... Ca sera un sacré problème à gérer!
_ Je croyais que les nouveaux étaient répartis dans les quatre maisons.
_ Oui, mais comme leur enseignement est différent du nôtre, ils seront séparés de vous pendant certains cours, expliqua Hagrid.
_ Cette année sera définitivement différente des autres. Plus d'élèves, plus de protections, plus de professeurs, un journal..., énuméra Harry d'une voix monotone.
_ Sans compter les options, continua Hagrid.
_ Les options ? Quelles options ?, dit l'adolescent avant de se souvenir l'allusion à celles-ci dans la lettre de Mac Gonagall.
_ Les élèves, pour être mieux encadrés _vu leur nombre_ vont avoir droit à différentes activités. Certaines auront lieu le week-end, pour la détente.
_ Mais c'est super, ça! , s'exclama d'un ton enthousiaste le jeune sorcier. En quoi consisteront-elles ?
_ Ah, ça, c'est une surprise! Et ne compte pas sur moi pour te le dire, ajouta Hagrid en faisant comprendre du regard au jeune homme qu'il ne se laisserait pas avoir cette fois-ci.
Harry sourit mais n'insista pas. La surprise serait intéressante...
_ On le saura quand ?
_ Sûrement pendant le week-end. C'est bien que la rentrée se déroule un vendredi, ça laisse du temps aux nouveaux de s'habituer aux lieux et de choisir leurs options. En plus, il faut une répartition pour des élèves de tout âge cette année. Ca sera long. Le professeur Mac Gonagall s'en occupera après le banquet. En attendant, les élèves seront libres de choisir leur table.
_ La rentrée promet d'être... spéciale.
Harry repensait aux menaces de Malefoy. La journée s'annonçait pleine de surprises, des bonnes comme des mauvaises...
_ Nous serons là, Harry. Cette fois-ci, personne ne te lâchera, assura le garde-chasse.
Hagrid avait lu dans les pensées du jeune homme.
_ Dumbledore vous a mis au courant ?
_ Oui. Et je peux te dire qu'on se tient prêt. Tu n'auras rien à craindre. Tu auras des dizaines d'yeux fixés sur toi.
_ Finalement, ça ne changera pas tellement de d'habitude..., dit Harry en pensant aux regards rivés en permanence sur sa cicatrice.
Hagrid rit bruyamment.
_ Ah! Sacré Harry!
Il lui donna une tape dans le dos qui manqua de le renverser puis le dirigea vers sa cabane.
_ Ah! Au fait!, fit-il en se frappant le front.
Le garde-chasse se tourna vers Harry.
_ Tu auras ton cadeau d'anniversaire le dimanche soir... Je dois demander une faveur à Dumbledore avant, histoire de le peaufiner...
_ Il ne fallait pas Hagrid, souffla Harry, la voix pleine d'émotions, tout en se demandant de quelle faveur il parlait.
_ Oublie ça, Harry. Tu le mérites largement. Allez, rentre avec moi. Deux mois à Poudlard... Ca doit faire une dizaine de tasses de thé à rattraper...
