CHAPITRE 5: Le prix de la célébrité.

Harry demeura immobile, conscient que toutes les têtes s'étaient à présent tournées vers lui. Il était paralysé, estomaqué. Il cauchemardait, une fois de plus. Il avait été transporté dans une autre réalité. Aucune autre explication n'était possible.

Un lourd silence s'abattit sur l'assemblée. Le jeune sorcier, dans son choc, entendit le frottement de la robe d'un élève de quatrième année assis à sa droite qui tentait de prendre des distances. Deux aurors s'avancèrent vers lui, une fois qu'il l'eurent repéré. Mais la main levée de Dumbledore suffit à les arrêter dans leur initiative.

_ Pourrais-je connaître les raisons qui portent à croire à de telles aberrations?, continua le professeur, un contrôle absolu sur sa voix, neutre.

_ Mr Macnair, un agent brillant du ministère, nous a informé ce matin avec une grande précision comment Mr Potter et Mr Diggory avaient atterri près de chez lui à l'aide du portoloin, après la troisième tâche, comment un duel avait eu lieu, comment Mr Potter avait tué Mr Diggory et s'était ressaisi du trophée, informa Fudge, légèrement énervé de devoir rendre des comptes à un homme de plus bas grade que lui.

Des élèves, devant le rapport étalé, reculèrent instinctivement de quelques centimètres, dans une direction opposée à Harry. Des murmures se firent entendre, certains adoptant déjà un air haineux mêlé de crainte envers le jeune sorcier.

_ Mr Macnair est allé témoigner auprès de vous d'un fait s'étant déroulé il y a plus de deux mois?, reprit Dumbledore.

_ Mr Macnair est venu témoigner juste après sa totale guérison. Il avait été blessé par un animal lors de son travail et avait subi de graves dommages au niveau de la gorge en Juin dernier, peu avant le 24. Il a été en congé maladie jusqu'à récemment où il a pu enfin récupérer sa voix, la blessure ayant été empoisonnée par du venin de la créature.

Le ministre s'était décidé à faire taire le directeur. Plus qu'une affaire de meurtre, il s'agissait d'un duel verbal.

_ Mr Potter est en cinquième année. Il est incapable de fabriquer un portoloin, ou de jeter le sortilège de la mort à un de ses camarades, dit fermement Dumbledore.

_ On ne peut connaître le véritable niveau d'un élève, vous le savez.

_ Les chances d'avoir acquis une telle puissance magique en sont pourtant extrêmement réduites, renseigna le professeur, analysant Mr Fudge par dessus ses lunettes en demi lunes.

_ Vous n'êtes pas juge, Dumbledore. Ce garçon doit être amené à Azkaban dans les plus brefs délais. Un procès aura lieu dans trois jours.

Un grand tumulte d'exclamations s'éleva dans la salle. Des filles placèrent leurs mains devant la bouche. D'autres écarquillaient les yeux de stupeur. Par instinct de survie, Harry sortit de son état second. S'ils réussissaient à le prendre, il serait à la portée de Voldemort. Le ministère, aveuglé par une manipulation subtile des mangemorts, travaillait pour lui. Le jeune sorcier se mit sur ses gardes, donnant toute sa confiance en Dumbledore, pour tenter de les raisonner. Sous la table, des grognements s'intensifiaient.

_ Si Harry est amené à Azkaban, Voldemort le tuera, dit le professeur d'un ton catégorique.

Une nouvelle vague de peur mêlée de tressaillements retentit dans toute la pièce.

_ Ah! Vous n'allez pas recommencer avec ses inepties!, éclata brusquement le ministre. Je me suis rendu à Azkaban et rien, vous entendez, RIEN ne prédispose à croire que Vous-Savez-Qui est, non seulement revenu, et a, en outre, prit le contrôle de la prison!

Les élèves étaient abasourdis par les révélations données de Mr Fudge, bien que supposées inexactes.

_ Mondingus Fletcher et Malicia Campbell ont confirmé leur arrivée. Et ils n'ont absolument rien à gagner en créant des mensonges. Votre persévérance à rendre leurs propos incrédibles ne résulte que d'une crainte d'avoir à affronter un être immensément puissant. Votre aveuglement n'a eu aucune conséquence sur la vie de nos concitoyens jusqu'à ce soir si ce n'est le ralentissement dans une préparation à la guerre. En livrant Harry à Voldemort, notre monde sera de nouveau menacé de disparaître, répliqua Dumbledore dont le regard flamboyait.

_ Aucun assassinat n'a été commis depuis Juin dernier. La série de meurtres au sein des familles moldues ou opposées à son régime caractérisait pourtant son existence.

_ Karkaroff est mort.

C'était Harry qui avait parlé. Un brouhaha se fit sentir. Lucius Malefoy pâlit brusquement. Au courant de l'entrée de l'imposteur, (Voldemort l'avait renseigné malgré ses "précautions") il se demandait comment Harry savait cela et où était Nott, du moins, c'est ce que le jeune sorcier conclut de sa réaction. Fudge, qui en avait oublié la présence dans sa lutte contre Dumbledore regarda Harry d'un air incrédule.

_ Et quelles sont les preuves de ce que tu avances?, fit Fudge avec un étrange sourire apparaissant aux lèvres.

_ L'important est que Karkaroff était un traître à Voldemort. Il commence par se débarrasser des gens qui ont délibérément changé de camp pour ensuite en venir au garçon auquel il doit treize années de quasi inexistence, coupa Dumbledore.

_ Vous-Savez-Qui serez donc rancunier?, poursuivit-il sur un ton qui se voulait ironique. Il se priverait de massacrer la population pour rassembler ses forces et s'en prendre à... lui?

Le ministre pointa son index sur Harry. Il avait presque l'air de s'amuser maintenant. Les probabilités que le plus grand mage noir de tous les temps agence un stratagème de cette perfidie dans l'objectif unique de tuer un garçon de quinze ans, bien qu'il soit le "Survivant", étaient infimes. Il prenait des airs théâtraux pour souligner le ridicule des propos du directeur. Les mâchoires de Dumbledore se serrèrent. Son regard se fit davantage pénétrant.

_ En accentuant le risible inapproprié des plans de Voldemort, vous le sous-estimez, bien malgré vous. La séparation des forces adverses est une de ses principales visées. Vous l'aidez à accomplir cette tâche, dit-il d'un ton dur.

L'aura qui s'émanait du professeur se propageait à travers la salle. Au fur et à mesure que le ton montait, on en ressentait l'ampleur. Les élèves étaient comme hypnotisés.

_ Mr Macnair est un membre honorable du ministère, Mondingus Fletcher et son amie sont connus pour leurs escroqueries. Azkaban demeure la même! Mr Potter fait preuve, chaque année, d'une attitude plus que suspecte en racontant des histoires toutes aussi rocambolesques les unes que les autres! Quant à vous, je dois avouer qu'avoir employé un loup-garou et un demi géant ne joue pas en votre faveur!

Le ministre, de l'amusement, était passé à la colère, n'y tenant plus d'être dévalué par Dumbledore. Harry bouillait de colère devant le comportement inacceptable de Fudge.

_ Messieurs, je vous somme d'attacher ce garçon!, ordonna-t-il, impatient d'en finir.

Les deux aurors s'approchèrent de Harry. Dumbledore allait leur barrer le chemin quand Fudge l'avertit.

_ Une armée d'aurors entoure le château et je crains que votre puissance associée à celle de vos collègues soit insuffisante, malgré leurs hautes réputations. Je vous prierai donc de les laisser faire leur travail, menaça le ministre, le teint rouge.

Harry observa Dumbledore. Ses sourcils froncés se relâchèrent. La lueur de son regard sembla s'éteindre. Il ne pouvait rien faire. Impossible de réagir. Les forces menées contre lui étaient bien trop considérables pour lutter à leur encontre sans causer de dommage humain. Et Fudge ne démordrait pas. Il était véritablement obstiné et avait apparemment tout prévu à l'avance. Pour Harry, la perte de la lumière qui étincelait habituellement dans les yeux de son mentor fut synonyme d'arrêt de mort.

_ Les bataillons garderont par la suite Azkaban pour prévenir un éventuel assaut de vos... forces. Soyez satisfait que je ne vous traîne pas en justice pour complicité. Votre popularité est trop grande, finit Fudge d'un ton presque haineux.

Les aurors brandirent leurs baguettes, firent voler celle de Harry qui se réfugia dans les mains du ministre, et le ligotèrent, tel que Dumbledore l'avait fait pour Barty Croupton Junior. Harry se sentit piégé, emprisonné dans une horrible machination, un complot sans pareil. Il s'entendit murmurer "non, non,...non". Des bras lui saisirent les épaules pour le forcer à marcher.

_ NOOON!, hurla Hagrid, surgissant dans l'allée. Vous n'avez pas le droit! Harry est innocent!

Le garde-chasse marchait à grands pas vers eux, hystérique, des flots de larmes coulant sur ses joues, trempant sa barbe broussailleuse. Il se refusait à croire la scène qui se déroulait devant lui.

_ Monsieur, je vous prierai de bien vouloir laisser agir le ministère, dit Fudge, légèrement troublé par la réaction soudaine du demi géant.

Il tentait de garder sa contenance face à l'imposante masse qui semblait prête à se jeter sur lui.

_ Mais, vous ne pouvez pas faire ça! Le petit va se faire tuer!

Hagrid ne tenait plus en place, le corps tremblant de peur et de colère.

_ Hagrid..., intervint doucement Dumbledore.

_ Vous le jetez dans la gueule du loup! Il n'a aucune chance de s'en sortir vivant! On ne le reverra plus si vous l'amener là-bas, dans ce lieu abominable!

_ Hagrid!..., l'appela plus fort le professeur.

_ Vous le reverrez dans trois jours, au procès, dit fermement le ministre.

_ DANS TROIS JOURS, IL SERA DEJÂ MORT!, hurla Hagrid dans une voix tonitruante à en faire trembler les murs du château.

Dumbledore, voyant la situation s'envenimer et le garde-chasse perdre son sang-froid, se mit face à Hagrid et l'obligea à le regarder pour se calmer.

_ Maintenant, ça suffit!, s'écria Fudge, rageant d'être ainsi réprimandé par une "créature" qu'il considérait comme inférieure. Assez de balivernes! Nous emmenons ce garçon et rien ne l'empêchera! Surtout pas un..., une..., une brute assoiffée de sang!, balbutia-t-il.

Hagrid fut trop choqué pour répondre. Harry, qui avait été jusqu'ici incapable de se défendre lui-même, réagit violemment à l'insulte adressé à son ami.

_ Hagrid n'est pas une brute assoiffée de sang! Il est plus humain et ouvert sur le monde que vous! Vous vous faites manipuler comme une marionnette dont on tirerait les ficelles! Pendant que vous fermez les yeux, le meurtrier de mes parents rie et attend que vous lui livriez son "colis"!

_ ASSEZ!, cria Fudge, le teint virant au pourpre. TAISEZ-VOUS!

_ NON, JE NE ME TAIRAI PAS!, hurla Harry plus fort encore, s'étant contenu trop longtemps. Vous jugez Hagrid sur ses origines sans le connaître! Vous me condamnez sur mes aptitudes et non sur mes actes! Que l'on soit un géant, fourchelang ou loup-garou, on a le droit d'être entendu!

Sa rage explosait à la figure du ministre. Oubliant de se défendre, il protégeait Hagrid, trop souvent accusé à tort, il accourait au secours d'un Lupin rejeté par la société injustement, et vociférait contre l'attitude pitoyable de Fudge. Il n'avait que faire que plusieurs centaines de personnes le fixent, l'air sidéré, il dirait ses quatre vérités, quitte à se rebeller contre les représentants de la loi.

_ Je vous préviens, Mr Potter! Si vous continuez, votre situation va empi...

_ ELLE NE PEUT PAS ÊTRE PIRE!, lança le jeune sorcier, sa voix raisonnant jusqu'au plafond enchanté.

Hagrid et les autres semblaient trop surpris par la révolte du jeune homme pour oser dire un mot. Harry se débattait d'une telle force, celle du lion aidant, qu'un troisième auror tenta d'aider les deux premiers à le maîtriser.

_ Etes-vous aveugle?! Etes-vous soumis à un Imperium?! Si vous ne croyez personne, donnez-moi à boire du Veritaserum! Le professeur Rogue sera ravi de vous en fournir!, s'exclama-t-il d'un ton insolent.

La dernière phrase lui avait échappé, trop emporté dans sa fureur. Le ministre lui apparaissait comme abject, écoeurant. Harry méprisait sa lamentable petite personne, s'indignait devant un être aussi infâme.

_ Le Veritaserum ne vous fera révéler que ce dont vous croyez, vous-même, au plus profond de vous, avoir vu! A l'évidence, vous avez tué Mr Diggory sous effets hallucinogènes! L'expérimenter sur vous serait une perte de temps!

_ JE N'AI JAMAIS TUE CEDRIC!, s'écria Harry en faisant tomber un auror dans sa rébellion. Et je n'ai jamais eu d'hallucinations! Rita Skeeter a tout inventé pour faire sensation! Et on voit que son article n'a pas été écrit en vain! Des préjugés, voilà ce que c'est!

Harry fut brutalement jeté au sol par l'homme à qui il venait de donner un coup d'épaule au creux de la sienne. Des exclamations de frayeur retentirent. Le souffle coupé, il tenta de relever la tête, et ce ne fut que pour apercevoir Patmol, sous la table, les babines retroussées et les crocs menaçants, prêt à bondir sur le ministre. Le jeune sorcier articula un "non" sans timbre au chien en jetant un bref coup d'oeil significatif vers Lucius Malefoy. Sirius ne devait pas être vu. Si Drago Malefoy avait peu de chances de raconter à son père que Harry avait un chien noir, le mangemort ferait vite le lien avec Queudver, en supposant que Voldemort lui ait divulgué des informations sur les Animagi, et s'en servirait contre eux. On devinait dans le regard de l'animal la rage éprouvée face à son impuissance. Quelqu'un tira violemment le jeune homme par les cordes qui le ligotaient pour le remettre debout.

_ Je vous avais prévenu..., dit Fudge en serrant les dents et brandissant la baguette vers Harry.

Le jeune sorcier, conscient depuis longtemps que la bataille était perdue, ne fut pas le moins du monde intimidé. Il n'avait plus rien à perdre. Il allait être mené à la mort, avec la plus grande facilité. Administrativement parlant, il succomberait au pouvoir des Détraqueurs, comme bien d'autres prisonniers avant lui, rien d'autre.

_ Vous êtes un lâche, Mr Fudge, dit Harry dans un murmure audible dans toute la salle, se surprenant lui-même par ses propres paroles.

L'insulte eut l'effet d'une bombe. Ils étaient à quelques centimètres l'un de l'autre et Harry avait arrêté de se débattre. Les élèves étouffèrent des exclamations. Devant eux, un jeune homme venait de cracher une injure à l'homme le plus important de la communauté magique d'Angleterre.

Le ministre prit un teint écarlate, leva sa baguette et...

_ Arrêtez!, cria une petite voix remplie de peur.

Les têtes se tournèrent vers une Hermione levée, figée sur place. Le silence se fit à nouveau sentir. La jeune fille avait des traces de pleurs sur les joues et ses yeux étaient complètement embués. La respiration coupée de sursauts, elle semblait perdue devant l'attention soudaine qu'on lui portait. Ron, toujours assis de l'autre côté de la table, avait les traits du visage contractés par l'effort, les mains et bras dessous la table. Il retenait, non sans mal, le chien au caractère impulsif...

Mac Gonagall, qui jusque là, était restée immobile avec les Première année déconcertés, s'approcha de la jeune fille, le visage exprimant le chagrin, désemparé. Elle posa ses mains sur les épaules d'Hermione et la força doucement à se rasseoir en lui chuchotant des paroles douces à l'oreille. Malgré tout, on perçut de la bouche de l'adolescente, la voix enrayée:

_ Ne lui faîtes pas de mal...

Fudge, indifférent à son intervention, fit un signe de la tête à ses hommes. Ils commencèrent à prendre Harry, ligoté sur tout le corps à présent ou presque, et le traînèrent vers la sortie. Harry, comprenant du même coup ce à quoi il allait être affronté, sans baguette qui plus est, prit un teint livide.

_ Non, non, non...NON! NON! Pas là-bas! Pas lui! Ne m'emmenez pas! Pas ça! NOOON! Pas...

Mais la baguette de Fudge s'était levée. Pour Harry, ce fut le trou noir. La dernière chose qu'il vit fut tous les visages, affligés par la peine, de ceux que Harry considérait comme sa "famille", "la famille de Poudlard".



Des secousses. Une douleur à la tête. Pourquoi? La baguette de Fudge. Le sortilège? Non, cette douleur lui était familière. Plus centrée. Un bruit de roues roulant sur un chemin caillouteux. Une secousse plus forte provoqua un cognement de la tête contre une matière solide. La douleur s'intensifia. Elle se concentrait au niveau... de sa cicatrice. Harry ouvrit les yeux de terreur. Il se rappelait. Les retrouvailles, la rentrée, la cérémonie de répartition, l'entrée de Fudge et... son arrestation. Il regarda autour de lui, la panique le gagnant. Il était enfermé dans une sinistre calèche, des énormes barreaux remplaçant les vitres des portes, sombre et... ténébreuse. Il allait être livré au Seigneur des Ténèbres. Il fallait réagir. Se relevant non sans mal du sol du petit carrosse, essayant de rester debout malgré les secousses, Harry jeta des coups d'oeil à la volée dans toutes les directions. Le carrosse était vide. Rien. Il lui fallait trouver quelque chose. Sa baguette. Sa main entra instinctivement dans sa poche. Fudge l'avait. S'interdisant de relâcher ses efforts, il observa le décor extérieur, les mains aux barreaux: à part le chemin de pierre, des étendues d'herbe pauvre et sèche se joignaient à une plage de galets où les roches et la puissance des vagues obligeaient les éventuels touristes à faire demi-tour. Le paysage était désert, aucun être vivant ne semblait y être passé depuis longtemps. Azkaban était caché en un lieu abandonné et misérable. D'après Lupin, la forteresse était située sur un minuscule îlot au large des côtes, mais il n'y avait même pas besoin de mur ou d'eau pour garder les prisonniers, enfermés dans leurs propres têtes. Bientôt, il ferait sa connaissance... L'épouvante le saisit. Rien autour de lui ne pouvait permettre son évasion. Il se jeta contre les portes de toutes ses forces, espérant les faire céder, mais rien n'y fit. Il recommença plusieurs fois jusqu'à ressentir des souffrances trop pénibles dans ses épaules pour continuer. Une petite voix intérieure ne cessait pourtant de lui souffler que ce n'était rien à côté de ce qui l'attendait... A l'évidence, la calèche était d'une résistance magique à toute épreuve. Il lança quelques petits sorts selon l'interiorse mais, à chaque fois, un bouclier bleu apparut localement pour absorber le sort. Condamné, Harry sentit l'angoisse atteindre son paroxysme. Il allait revivre ses cauchemars. Il allait se retrouver face à Voldemort, une fois de plus. Sans arme, sans aucune échappatoire. Puis il se souvint: les bataillons garderont ensuite Azkaban pour prévenir un éventuel assaut de vos forces. Dumbledore, le regard éteint, l'impuissance de son parrain, Hagrid et Hermione... Harry se prit la tête entre les mains et glissa contre une des parois de la calèche. La situation était désespérée. En admettant qu'il puisse échapper à Voldemort, des centaines de Détraqueurs l'attendaient, et derrière, l'armée des hommes de Fudge. Que pouvait-il faire, lui, un adolescent de quinze ans? Les barreaux étaient trop rapprochés, une souris ne pourrait pas s'y faufiler, et le carrosse avait subi un traitement magique. Quant à l'arrivée, l'idée de s'évader était impensable. Il aurait du mieux se défendre, il aurait du sortir des arguments plus pertinents... Maintenant, avec du recul, la colère évanouie, il pensait à ce qu'il aurait fallu dire: "Macnair était absent pendant les deux derniers mois parce qu'il était aux côtés de Voldemort, préparant chaque détail du témoignage", "ils ont attendu la rentrée parce qu'il leur était impossible de m'atteindre avant sans causer de dommage humain et donc révéler le retour du Seigneur des Ténèbres", "Avery est connu pour être un médicomage dont beaucoup de patients, la plupart moldus, sont morts sous sa responsabilité: c'est lui qui a du s'occuper du dossier médical de Macnair, totalement faussé", (Ron l'avait renseigné sur le travail du mangemort dans le train, au départ des vacances), "les articles de Skeeter ne sont pas crédibles: vous le savez bien, vous, sa première victime", etc. La rage l'avait empêché de penser clairement. Mais peut-être, finalement, ces raisonnements auraient été insuffisants à convaincre Fudge... Harry ne le saurait jamais. Pourtant, l'heure n'était pas aux regrets. Il allait être mené au meurtrier de ses parents et aucune solution ne s'imposait à son esprit. Vérifiant s'il n'avait rien oublié, un détail, une bagatelle, en se répétant en permanence tout ce qui était autour de lui qui pourrait lui servir d'issue de secours, il fut bien obliger de se résoudre au fait que son combat à venir était inéluctable. La détresse s'empara de lui pour le plonger dans un découragement opprimant. Dans un dernier espoir, les mains aux barreaux, il fit ce que tout le monde faisait face au danger: il se mit à hurler.

_ A l'aide! Est-ce que quelqu'un m'entend? Aidez-moi! Je suis prisonnier, au secours!

Et ses appels se firent plus suppliants, plus désespérés. Il implorait quiconque de le sortir de là, de ne pas le laisser seul. Aucun mangemort ne lui ordonna de se taire. Le carrosse était enchanté, tout comme les calèches de Poudlard qui n'avaient ni cocher, ni chevaux. Il était véritablement seul. Rien ne répondait à ses prières, pas même un écho. Il continua de plus belle, resserrant ses mains sur les barreaux, criant, gémissant, appelant arbres, plantes, rochers et vagues, dans un ultime secours. Le vent qui lui siffla dans les oreilles fut pourtant le seul retour de son qu'il perçut.

_ A l'aide..., murmura-t-il dans une dernière plainte, le paysage lui devenant flou.

Et il poussa un rugissement gigantesque qui se répercuta en écho à des centaines de mètres dans une suprême révolte face à l'injustice de sa condamnation. Personne ne méritait une telle sanction. Il retomba dans son accablement, le visage enfoui dans ses mains, la douleur à la cicatrice s'accentuant.

Azkaban devait être prêt maintenant. S'il voyageait ainsi, c'était certainement pour que Voldemort est le plaisir de voir l'adolescent sombrer dans le désespoir, le temps passant. Il n'aurait, dans le cas contraire, pas hésité à le confier à un mangemort muni d'un portoloin... Bientôt, le jeune sorcier sentirait sa cicatrice chauffer à blanc...

Ce dont il ne s'était pas attendu, c'est que, loin de ressentir les effets néfastes de l'approche de Voldemort, il se mit à sentir un froid intense l'engourdir. Les Détraqueurs. Il n'était pas encore arrivé que leur présence paralysait le jeune sorcier. Il se leva, trébuchant légèrement lors d'une secousse, et jeta un coup d'Sil au-dehors. Il ne vit rien de spécial. Azkaban était dans un angle mort peut-être. Il s'écrasa le front contre les barreaux en espérant apercevoir quelque chose vers l'avant du carrosse mais aucun détail insolite ne lui donna d'idée sur la distance qui le séparait de la prison. Le froid s'intensifiait. On eut dit que les sensations habituellement ressenties par le jeune homme prenaient un malin plaisir à languir. Il se replia sur lui-même, sachant pertinemment que ce réflexe était inutile. Il ne se réchaufferait pas. Le froid s'insinuerait en lui, inévitablement. L'effet conjugué de centaines de Détraqueurs à Voldemort serait terrible. Bientôt, il s'évanouirait. Et ce ne serait que pour ne jamais se réveiller. Harry allait mourir. Il savait que c'était la fin, il n'y avait plus d'espoir. Comment pourrait-il se défendre en étant inconscient? Le brouillard attendu apparut enfin, blanchâtre, aux allures fantomatiques. Il se mit à l'envelopper, entrant dans sa chair, sa bouche. Harry, dans un ultime effort, tendit la main et scanda:

_ SPERO PATRONUM! SPERO PATRONUM! SPERO PATRONUM!

La calèche était invisible à présent, des formes précipitées et floues se déplaçaient, la brume s'infiltrant toujours en lui comme un venin lent.

_ Spero... Patronum! Spero... Patronum... Sper, spero patro... num..., balbutia-t-il, ses forces l'abandonnant.

Le patronus était d'un niveau supérieur aux sortilèges de Septième année. Et si Harry avait réussi à en produire en troisième année seulement, à l'aide de sa baguette, il lui était impossible d'en réaliser un sans... Il entendit des cris lointains mais s'efforça de les repousser, il ne devait pas s'évanouir... Les formes floues se firent plus nettes, le brouillard lui dérobant progressivement toute puissance, les hurlements semblèrent se répéter, comme un disque enrayé.

_ Sper... patro... num... spe..., murmura-t-il.

Harry se sentit noyé par la substance maléfique. Il était incapable de dire s'il était toujours conscient. Son esprit se débattait, chercher à faire surface, à se libérer de l'emprise de la brume blanchâtre, en vain. Un étrange décor aux couleurs pâles apparut alors dans la matière impalpable. Des contours se dessinaient, des corps prenaient formes. L'une d'elle se fit plus précise. Les cris avaient cessé. Mais la sensation d'angoisse se faisait pourtant pressante. Une femme, telle une vision spectrale, avait l'air... d'écrire. Elle écrivait précipitamment, de manière brouillonne, sur un papier déchiré. Vêtue de façon moldue _ un jean et un petit haut avec un gilet _, elle était debout, penchée sur un buffet, les cheveux cachant son visage. A côté d'elle, une sorte de couffin était posé ainsi qu'une chouette, d'un calme qui n'aurait pu davantage contraster avec le niveau de nervosité de la jeune femme. Elle enroula le parchemin, les mains tremblantes, et l'attacha à la patte de l'oiseau qui partit à toute vitesse.

_ Vite, vas-t-en, murmura-t-elle.

_ Il faut se dépêcher! On s'en va!

La voix provenait de la salle voisine. James, pâle, entra dans la pièce.

_ Il est dans la rue!

Lily prit le bébé du couffin. James se rendit d'un pas rapide à la fenêtre. On pouvait deviner que son teint devenait livide en regardant au-dehors.

_ Lily! Prends Harry et vas-t'en! C'est lui! Va-t'en! Cours! Je vais le retenir..., s'affola James tandis que sa femme hésitait à abandonner son mari.

James lui lança un regard sévère mêlé de peur pour sa famille qui la décida à partir vers l'arrière de la maison. Dans sa course, elle trébucha légèrement. Au moment où elle atteignit la cuisine, la porte d'entrée s'ouvrait à la volée. Une silhouette sombre, malgré le blanc du brouillard, entra. James s'avança, cachant sa famille de la vue de Voldemort. Ce dernier gloussa d'un rire suraigu et brandit son arme magique vers l'homme qui tendit seulement les mains face à lui en retour. Il se préparait à l'attaquer sans baguette. Aucun des Potter n'en avait. Mais l'esprit de Harry sembla quitter la scène. Il était comme lié étroitement au bébé, tenu dans les bras de sa mère, qui avait quitté la pièce. Sans cesser de rire, Voldemort leva la sienne et... seule la lumière verte se vit, répandue dans presque toute la maison, tandis que l'esprit de Harry, horrifié, suivait malgré lui sa mère qui venait de reprendre la fuite, en larmes. Le hurlement de James se fit entendre et Lily explosa en sanglots, serrant fort le bébé contre elle. Harry aurait hurlé de frayeur. Elle ouvrit la porte de sortie arrière et fut terrorisée par ce qui s'offrait à elle. Une dizaine de mangemorts étaient dans le jardin. Elle referma brutalement la porte et courut vers l'escalier. En montant les marches, elle prononçait des incantations au creux de l'oreille de l'enfant, tenant sa tête dans sa main droite.

_ In hoc signo... vinces...Hoc volo, sic jubeo..., murmurait-elle, la respiration haletante et la voix secouée de sanglots.

Elle montait l'escalier quatre à quatre, se dirigeant vers une chambre de petit garçon.

_ Sit... pro ratione... voluntas, réussit à entendre le jeune sorcier.

Elle souleva un tapis, puis un trappe, et plaça l'enfant calme à l'intérieur. Elle continuait de formuler des phrases incompréhensibles en fixant les yeux du petit. Des pas lents raisonnaient dans l'escalier.

_ Mors... ultima racio, Omnia vincit amor... Vae soli!, finit-elle, apparemment exténuée par l'effet des paroles.

Une lueur dorée enveloppa alors l'enfant. Pendant quelques secondes, le temps sembla s'arrêter. La mère, oubliant presque la menace, faisait un beau sourire, les lèvres tremblantes, au bébé qui le lui rendit. La lumière disparut et la peine de Lily revint. Elle ferma rapidement la trappe et remit le tapis en place d'un coup de pied mais pas assez tôt pour que Voldemort ne le voie pas. Saisie de pure terreur, la jeune femme, à l'approche du monstre, se mit à crier:

_ Non, pas Harry! Je vous en supplie... Je ferai ce que vous voudrez...

Voldemort tenta de soulever la carpette mais Lily lui barrait le chemin.

_ Pousse-toi, idiote, pousse-toi...

Voyant qu'elle n'en démordait pas, il leva la main et elle fut projetée contre le mur, à moitié assommée. Voldemort ouvrit la trappe, sortit vivement le bébé de sa cachette mais Lily se jeta sur lui, attrapant l'enfant, et l'éloignant du meurtrier. Elle le déposa doucement dans son berceau et se mit devant, faisant face à Voldemort, le visage décidé. Le Seigneur des Ténèbres eut une sorte de rictus aux lèvres et pointa sa baguette vers le berceau, mais la mère ne cessait de se mettre devant malgré les changements de direction.

_ Pas Harry, pas Harry, je vous en supplie, pas lui!

_ Pousse-toi, espèce d'idiote... Allez, pousse-toi..., ordonna-il, impatient.

_ Non, pas Harry, je vous en supplie, tuez-moi si vous voulez, tuez-moi à sa place..., implora-t-elle, les yeux embués de larmes.

Voldemort commençait à perdre son sang-froid. En même temps, il se délectait de la peur et de la détermination de la jeune femme.

_ Non, pas Harry, je vous en supplie!, répéta-t-elle. Ayez pitié... Ayez pitié...

Sa supplication fit rire Voldemort. Il brandit sa baguette, décidant qu'il allait en finir, et le sortilège de la mort fut jeté, un hurlement de Lily l'accompagnant. Son corps s'effondra sur le sol, inerte. L'esprit de Harry était saisi de terreur. Le meurtrier enjamba le corps de la femme d'un air indifférent et se posta devant le berceau. A l'intérieur, le bébé gazouillait, inconscient du malheur répandu autour de lui.

_ Tu me comprends, Harry, je me dois de suivre la tradition..., fit-il d'un ton machiavélique.

Et il leva sa baguette pour lancer le sortilège mortel. La lumière verte réapparut, éblouissant la scène, mais cette fois-ci, ce fut les cris de Voldemort qui s'entendirent.

Le jeune sorcier fut terrassé par une douleur incroyable au niveau de la cicatrice, comme si son crâne se fendait en deux, le vert l'éblouissant. Chaque parcelle du petit éclair lui infligeait un supplice unique. Les yeux se contractant au maximum, il sentait peu à peu d'autres souffrances, celle du front diminuant. Un filet de liquide semblait couler sur son visage, provenant de la fameuse marque. Une blessure au sommet du crâne se faisait également sentir. La lumière s'estompa assez pour tenter d'ouvrir les paupières, du moins le quart d'une seconde. Harry retrouvait ses esprits. Encore incapable de regarder correctement autour de lui, il devina qu'il se trouvait adossé contre le mur d'une salle, les secousses à présent inexistantes. Ses mains prenaient appui sur un sol poussiéreux et il sentait en ce lieu une odeur de putréfaction. Des couinements se percevaient à quelques mètres de lui. Le jeune sorcier reconnut les créatures qui produisaient ce bruit. Des Chaporouges, qui ressemblaient à d'horribles gobelins, aimaient s'embusquer dans tous les lieux où le sang avait coulé, les cachots des châteaux ou les champs de bataille désertés. Le jeune sorcier tenta de se redresser, le dos complètement voûté, et un élancement se fit sentir sur toute sa colonne vertébrale. On devait, à l'évidence, l'avoir jeté contre le mur pendant qu'il était inconscient, ce qui expliquait aussi le fait que des touffes de cheveux aient les racines qui baignaient dans du sang. En bougeant, il frissonna. Son corps était gelé. Les Détraqueurs étaient proches. Réussissant finalement à entrouvrir les yeux malgré des gouttes rouges, séchées, qui "soudaient" quelque peu ses paupières, Harry put voir où il était. Il était assis dans une cellule. Une cellule comme celle où son parrain avait passé douze années de son existence. A sa droite, un matelas miteux était installé sur des ressorts cassés, formant ce qui ressemblait de loin à un lit de misérable. A côté, se trouvait un lavabo penché, ne tenant plus au mur que par quelques clous, la rouille ayant considérablement altéré son état. En dessous, une flaque d'eau se traînait jusqu'à lui, donnant lieu à de la boue, une fois mélangée à la poussière. Des trous de souris étaient creusés dans la cloison, le plâtre s'affaissant parfois, les pierres de la forteresse visibles derrière. Deux Chaporouges se disputaient des petits os d'animaux à l'extérieur de la cellule, à environ trois mètres des barreaux. Harry tentait de temps en temps quelques mouvements pour mesurer sa forme physique, plutôt pathétique, en vérité.

Il était à Azkaban. Il s'était évanoui, avait été témoin de l'intégralité des événements tragiques s'étant déroulés il y avait un peu plus de quinze années, révélant au jeune sorcier la cruauté avec laquelle Voldemort avait tué son père et sa mère. Le monstre avait été lâche. Ses parents avaient été désarmés, et il ne les avait pas épargné. Omnia vincit amor... C'était du latin. Sa mère avait prononcé des incantations à son intention et s'était sacrifiée pour lui. Des larmes se joignirent aux coulées interminables et lentes du sang. Elle avait été si brave, si courageuse... Soudain, des pas lents résonnèrent dans le couloir menant aux cellules. Un homme s'approchait. Harry le reconnut à sa démarche. Il s'agissait de la même qu'il avait entendu dans l'escalier de sa maison... L'adolescent se replia contre le mur, tel un animal piégé dans une impasse. Les pas s'arrêtèrent. Harry releva la tête. Devant lui se dressait, derrière les barreaux, la silhouette squelettique de Lord Voldemort.

_ Harry, quel plaisir de te revoir.





L'homme avait toujours cet aspect macabre, les yeux écarlates et deux fentes en guise de nez. Une expression cruelle et satisfaite se dessina sur son visage de serpent. A la différence de la dernière fois, il était vêtu d'une robe gris foncé aux contours vert émeraude. Calme, il commença à faire les cent pas devant la cellule, ses doigts d'une longueur surnaturelle frôlant légèrement les barreaux, les ongles les heurtant doucement, créant ainsi une musique inquiétante.

_ Nous n'avons pas eu le temps de finir notre entrevue la dernière fois. Comprends qu'il me fallait obtenir un rendez-vous, dit-il de sa voix suraiguë. J'avoue avoir pensé mettre en oeuvre des plans assez complexes pour t'amener ici. Mais les informations de ma famille m'ont été d'un grand secours. Je ne m'attendais pas à ce qu'il soit possible que le ministère ne t'envoie à moi sur un plateau.

Il s'arrêta, regarda Harry, un rictus aux lèvres, puis reprit:

_ J'aurai aimé être à la place de ce cher Lucius pour contempler Dumbledore mis en échec... Ce n'est pas grave. L'important... C'est que tu sois là.

Il se mit face au jeune sorcier, continuant incessamment le tintement sinistre de ses ongles.

_ Alors je vois que tu n'apprécies pas tellement la compagnie de mes amis. Les Détraqueurs m'apparaissent pourtant d'une valeur inestimable... J'ai été déçu de te retrouver inconscient à ton arrivée. C'est dommage. J'aurais voulu que tu admires... mon chef d'oeuvre, dit-il en présentant le couloir et donc, l'ensemble de la forteresse.

Le jeune sorcier, tentant d'ignorer le froid qui le parcourait et la souffrance insoutenable infligée par sa cicatrice, s'efforçait de rester conscient. Malgré ses douleurs, il éprouvait par dessus tout de la répulsion mêlée d'effroi: il avait en face de lui le visage qui riait en voyant tomber les corps de ses parents sur le sol. Et pour lui, cela s'était déroulé il y avait à peine quelques minutes.

_ Au départ, je t'avais préparé un accueil chaleureux au centre de la cour principale, entouré de mon armée de créatures et fidèles. Mais un simple tête-à-tête n'est pas pour me déplaire, du moins pour l'instant... Alors comme ça... Tu as une baguette avec une plume du même Phénix que la mienne?

Il sortit de sa poche la sienne qu'il caressa lentement.

_ Encore une ressemblance. C'est étonnant. En plus d'un sang spécial qui court dans nos veines, le même sang... Il a fallu que l'élément magique de nos baguettes soit identique... J'aurai voulu les comparer. Mais le sort veut que le ministre la remette à une personne connue de lui seul, un être qui détiendrait les armes de tous les prisonniers d'Azkaban... Il faudra lui rendre une petite visite...

Il haussa les épaules comme si la tentative future d'assassinat du gardien des baguettes n'était qu'une simple tâche à accomplir dont il faudrait disconvenir d'un temps libre pour la mettre à exécution.

_ Je t'aurai bien laissé une deuxième chance de te battre en duel avec moi, mais les circonstances l'interdisent. Aussi mes amis te préparent-t-ils une petite mise à mort en public... Les Détraqueurs ne pourront pas y assister bien entendu, du moins à proximité. Je n'aimerais pas avoir attendu aussi longtemps pour que tu meures dans l'inconscience... Les pauvres créatures sont désappointées, cela va sans dire, déjà qu'elles ont dû s'éloigner de cette partie de la prison pour permettre ton réveil. Vois ce que tu nous fais faire, Harry, pour les préparatifs de ta mort...

D'autres pas résonnèrent dans le couloir, plus précipités. La démarche était gouvernée par la peur. Voldemort s'interrompit et se tourna vers la source du bruit. Avant que le mangemort, à présent visible, ne dise un mot, Voldemort prit la parole.

_ J'avais demandé à ce que l'on ne me dérange pas, Augustus, dit-il de sa voix glaciale.

_ Oui, Maître... Mais un message vous est adressé... Dans le ciel, un message de Dumb... Dumbledore, Maître, balbutia Rookwood.

_ Un message de cet amoureux des Moldus? Tiens donc, il faut que je vois ça. Ce vieux fou doit certainement implorer la libération de notre jeune ami, souffla Voldemort en partant dans un rire suraigu. Poursuis tes occupations, Augustus, je m'en occupe. Si Dumbledore souhaite un échange avec sa propre personne, il sera singulièrement déçu. Harry Potter m'est bien plus intéressant...

Il se retourna vers Harry.

_ Je te dis à tout de suite Harry. Ne gèle pas en mon absence, je ne voudrais pas manquer de te voir mourir... Bien, allons nous délecter de l'impuissance de ce vieux fou...

Et les deux mages noirs disparurent, le mangemort suivant Voldemort, le dos voûté en signe de soumission.

Harry tenta tant bien que mal de se lever. Il sortit de sa poche l'oeil de faucon de Ron, un bref sourire de victoire sur le visage, et le rangea aussitôt. Les douleurs qui se répandaient dans tout son corps étaient insupportables, bien que celle de sa cicatrice diminuait au fur et à mesure que Voldemort s'éloignait de lui. Il regarda autour de lui. Dumbledore allait occuper le mage noir durant quelques minutes. Il lui fallait en profiter. A son retour, il le traînerait certainement vers une estrade pour une mise à mort digne d'un grand spectacle selon ses fidèles... Il testa la solidité des barreaux. Plus gros que ceux de la calèche, ils étaient cependant plus espacés. Harry eut une pensée pour son parrain: il devait être un chien vraiment maigre pour pouvoir passer entre... Mais Harry avait un animagus plus mince encore. Sans attendre, il se métamorphosa en serpent. Dans son rapprochement vers l'animal, il sentit le froid le quitter, lui procurant une grande sensation de soulagement. Mais ce sentiment agréable s'effaça bien vite en sentant l'esprit de l'animal le côtoyer. Il allait devoir le supporter... Harry se glissa entre les barres et se mit à longer le couloir obscur. Il ressentait en permanence des vibrations dans le sol, lui indiquant où se situaient les mangemorts. Voldemort avait commis une erreur en écartant les Détraqueurs de lui, ils ne sentiraient pas sa fuite... Après quelques tournants, il trouva la sortie sur une des cours de la prison. Hésitant, il rampa jusqu'à la limite du couloir. Un spectacle effroyable s'offrit alors à lui.

Des centaines de personnes, vêtues de robes à cagoules, s'entraînaient et se préparaient à la guerre. Des mangemorts domptaient d'affreuses créatures presque aussi hautes que les Détraqueurs et aux crocs acérés, pendant que d'autres nourrissaient une multitude de serpents tout aussi énormes les uns que les autres. Harry n'en était qu'un parmi tant d'autres. Il se roula sur le sol poussiéreux, espérant se salir assez pour cacher sa cicatrice. Il serait ainsi semblable aux autres en tout point. Cependant, aucun ne semblait vouloir grimper après les murs pour se faufiler hors du château. Ils obéissaient à Voldemort, le maître mot étant la discrétion absolue. Des hommes du ministère ne devaient pas apercevoir ces animaux se promener tranquillement sur les murs extérieurs du château. Au centre de la cours, une estrade, sur laquelle des mangemorts fixaient une chaise identique à celle que le jeune sorcier avait aperçu dans la pensine et qui était installée. Avec ses bras dotés de chaînes, elle était normalement destinée aux condamnés. Celle-là lui était réservée. Harry refusa de se laisser hypnotisé par cette vision cauchemardesque. Il n'avait pas le temps. Il se mit à la recherche du pont-levis et dès qu'il le vit, s'y dirigea. Personne ne fit attention à lui, habitué à croiser les reptiles ambulants. Son coeur battait incroyablement fort, au milieu du monde qui ne voulait de lui qu'une chose: sa mort.

Le pont était ouvert, des gardiens, qui s'étaient retournés du côté du mage noir, surveillant l'entrée. Harry passa silencieusement derrière eux et plongea dans la mer, dessous la passerelle. L'anaconda était habitué à l'eau, bien que les grands remous lui soient un inconvénient. Malgré sa concentration à devoir s'évader le plus rapidement possible, le jeune sorcier ne put réprimait un hurlement intérieur de joie. Il était sorti d'Azkaban! Il avait une chance de vivre plus longtemps! La détermination et la confiance reprenant le dessus, Harry lutta contre les courants défavorables, croisant presque d'étranges créatures marines, lointaines, et arriva bientôt aux larges des côtes. L'îlot était proche des plages. Dès que son corps retomba sur le sol, il aperçut avec horreur l'armée d'aurors qui s'étendait à perte de vue. Les hommes lui tournaient le dos. Au dessus, loin dans le ciel, un message de fumée magique était en train de disparaître, les lettres devenues suffisamment déformées pour rendre l'écriture illisible. Le jeune sorcier se réfugia vite dans les hautes herbes abandonnées, se cachant des hommes, et prit la vitesse maximale. Voldemort devait être en route vers les cachots, il déclencherait bientôt les recherches... L'allure du serpent était phénoménale. Harry se félicita mentalement de ses initiatives estivales. S'il ne s'était pas entraîné autant les derniers jours avant la rentrée, il ne serait peut-être toujours pas un animagus. Il faudrait remercier Malefoy. Après tout, c'est lui qui l'avait motivé...

Disparaissant bientôt du champ de vision des aurors, Harry reprit forme humaine. L'esprit de l'anaconda partit. Le jeune sorcier se sentit complètement euphorique. L'allégresse l'envahissait. Il n'arrivait toujours pas à croire qu'il avait réussi. S'il ne se trouvait pas dans une situation encore dangereuse, il aurait crié de joie. Mais avant, il devait retourner à Poudlard. Se rendre auprès du ministre, une preuve de son innocence à la main. Ron aussi devrait être grandement remercié, et cette fois-ci, il le ferait véritablement, au contraire de Malefoy... Pour un bonheur total, il se transforma en lion. Sa vitesse lui permettrait d'atteindre rapidement la première ville moldue venue et de se repérer enfin. Il ignorait complètement où il était susceptible de se situer... L'esprit de l'animal suffit à le combler de joie. Il sautait, bondissait et courait à toute allure, le paysage désert, lui permettant ainsi de se déplacer en toute liberté. Il traversa des champs de céréales, des prairies et des bois, toujours avec une forme exceptionnelle. Son débordement de vie le motivait et repoussait les limites de la force physique du lion au maximum. Peu à peu, les maisons se faisaient plus nombreuses, le réseau routier plus dense et Harry eut de plus en plus de mal à rester inaperçu. Il était un fugitif. Pour les moldus, il était un adolescent habillé étrangement, sale, au visage ensanglanté, qu'il valait mieux éviter. Pour les sorciers, s'ils le reconnaissaient, il était un évadé d'Azkaban particulièrement dangereux qu'il fallait à tout prix signaler aux autorités pour un retour à la prison. Et cette fois-ci, il n'y survivrait pas. La presse, certainement au courant de son arrestation, devait encore ignorer qu'il s'était échappé. Comment Voldemort amorcerait-il les recherches? Ferait-il avertir la population, risquant ainsi que Dumbledore retrouve Harry avant, ou ne dirait-il rien et opterait-il pour une enquête personnelle? Le jeune sorcier pensa à la seconde possibilité, plus probable, à son goût. Il devait donc être très prudent et côtoyer le minimum d'inconnus.

Mais pour l'instant, il ne risquait pas de leur parler, il était un lion, un lion qui venait d'apercevoir un plan de la ville qu'il allait bientôt traverser ou éviter, comme ceux exposés à toutes les entrées des communautés moldues. La carte s'étalait sur un grand support situé sur le bord d'une route à grande circulation. Harry, caché dans le champ de blé qui longeait la voie, redevint un jeune homme. Il s'approcha du plan, cachant sa tête aux automobilistes et l'analysa. St Austell! St Austell, une ville à l'autre bout du pays ou presque! Il était à quoi... Près de quatre cents kilomètres de Londres! Et il n'y avait que là-bas qu'il connaissait une entrée dans le monde des sorciers pour obtenir de plus amples informations! Après de rapides calculs, il en conclut qu'il lui faudrait deux jours de bonne course dans sa forme de lion (des jours qui empiéteraient sur les nuits) pour atteindre sa destination première! Son moral en prit un coup. Il n'avait ni argent ni baguette et Londres lui paraissait inaccessible. Résigné, il se mit à réfléchir sur ses modes de survie. En commençant à partir de maintenant ( la carte avait une étoile indiquant le nord, l'est, le sud et l'ouest; le soleil était bien à l'est), il arriverait cette après-midi vers... Harry regarda la minuscule carte de l'Angleterre située en bas à droite du support... Vers Trowbridge! Une cité voisine du Privet Drive... Le jeune sorcier, entrevoyant une solution, mit son cerveau en mode accéléré. S'il parvenait là-bas, il pourrait peut-être leur soutirer un peu d'argent, de gré ou de force... Après tout, sa "famille" devait bien l'aider et s'il devait voler, il valait mieux que ce soit aux Dursley... Voldemort ne le chercherait pas là-bas, il ignorait qu'il était un rapide animagus... Harry se recacha dans le champ, prit l'apparence du lion et entreprit sa course, l'esprit soulagé. Il avait un espoir...

Vers dix-sept heures (du moins, c'est ce qu'il pensait), Harry parvint, sous forme humaine, à approcher son quartier, toujours en passant inaperçu. Sur son chemin, il avait pu se nourrir de quelques grappes de raisin, caché dans des vignes. Au coin d'une ruelle, il aperçut son cousin Dudley et son ami Piers Polkiss qui, de toute évidence, prenaient un malin plaisir à poursuivre deux enfants, probablement âgés de onze ans, qui venaient de se cacher derrière un mur, pas loin de lui. Dudley fit signe à Piers de prendre l'avenue de gauche pendant que lui prenait le chemin qui le menait, sans le savoir, droit vers les deux victimes. Le jeune sorcier, après avoir vérifié que sa cicatrice était bien cachée, s'approcha des enfants silencieusement. Ceux-ci, en le voyant, sursautèrent de peur. Harry se dit que son aspect physique n'était pas des meilleures approches. Il leur fit signe de ne pas faire de bruit, leur souriant gentiment. Malgré son attitude bienveillante, le petit garçon et la petite fille demeuraient sceptiques des avis du jeune sorcier. Ce n'était pas tous les jours qu'un adolescent vêtu d'une robe noire poussiéreuse et dont le visage était ensanglanté approchait amicalement des enfants. Il se plaça devant eux et, à leur plus grand étonnement, attendit.

Quand Dudley arriva à leur hauteur, son sourire de victoire s'effaça rapidement à la vue de Harry. Le toisant d'un air éberlué, il avait du mal à croire que son cousin, dans un état pitoyable, se tenait devant lui.

_ Il faut que je te parle, dit simplement Harry.

Les deux enfants regardaient la scène en se demandant bien si Dudley allait les oublier. Le jeune homme à la corpulence volumineuse sembla surpris au premier abord, puis prit un air détaché.

_ Et pourquoi?

_ Il faut que tu me prêtes de l'argent, expliqua Harry doucement pour que les enfants n'entendent pas leur conversation.

Son cousin lui adressa un horrible sourire.

_ Pas question. Et puis, qu'est-ce que tu fais là, toi? Papa a dit qu'il avait eu une lettre qui disait que tu étais parti chez tes zigotos pour l'été. Ils n'ont pas voulu te garder?

_ Si. Seulement, il me faut de l'argent pour y retourner, répéta le jeune sorcier, perdant patience.

_ Qu'est-ce qui s'est passé pour que tu te retrouves dans cet état?, demanda Dudley sans porter d'intérêt à ce qu'il venait de dire.

_ Ecoute, tu me prêtes de l'argent, oui ou non?, s'énerva Harry.

_ Non.

_ Très bien, fit le jeune sorcier.

Il tendit la main vers l'avant et le portefeuille du gros garçon fila vers Harry qui s'en saisit. Pétunia lui donnait toutes les semaines assez d'argent de poche pour que son fils adoré puisse acheter tous les bonbons de la confiserie la plus proche. Harry regarda à l'intérieur sous le regard pétrifié de son cousin.

_ Tu... Tu n'as pas le droit... Tu vas te faire renvoyer..., balbutia-t-il, figé sur place.

_ Si, j'ai le droit, répondit calmement Harry, les yeux à la recherche de billets.

Les deux enfants ouvraient des yeux ronds devant la scène. Le jeune sorcier prit une liasse d'argent et tendit le portefeuille à Dudley.

_ Ne compte pas sur moi pour te rembourser. Ceci représente largement ce que j'aurai du recevoir de tes parents, normalement. Dis ce que tu veux à Tante Pétunia et Oncle Vernon, je m'en fiche. Je ne reviendrai sûrement pas chez vous. Et de toute façon, en admettant que cela se produise, j'aurai le droit de faire de la magie.

Il marqua une pause, observant son cousin pour savoir s'il n'avait pas l'esprit trop paralysé par la peur pour comprendre ses paroles. Il reprit:

_ Maintenant, je suis libre de mes actes. Alors, si jamais tu recommences à pourchasser des enfants sans protection comme tu m'as pourchassé pendant des années, tu peux être certain que je réapparaîtrais pour te donner la leçon que tu mérites, dit-il fermement en lui montrant la paume de ses mains.

Dudley fit un tremblement qui ressemblait à un "oui", les yeux ne quittant pas les mains de Harry, saisi de terreur, puis courut, son énorme corps se dandinant, dans la direction opposée. Harry soupira. Il ne surveillerait sûrement pas son cousin pour savoir si celui-ci ennuyait des enfants, mais il doutait qu'il recommence après ça. La liasse de billets en poche, il se tourna vers le petit garçon et la petite fille, qui le regardaient avec un mélange de stupéfaction, de crainte, de reconnaissance et d'admiration. Il leur sourit:

_ Juste quelques tours de magie, comme à la télé...

Et il s'éloigna, les laissant dans leur ébahissement.

La nuit était tombée depuis longtemps maintenant. Son estomac réclamait famine et lui donnait des crampes. Il aurait pu rester chez les Dursley, prendre un bon bain et allait dans un lit bien douillé pour un repos mérité. Il avait préféré cependant continuer. Il ignorait comment Voldemort menait ses recherches et peut-être s'était-il rendu chez ses tuteurs pour obtenir des informations, il ne savait pas. Ce qui était sûr, c'était qu'il enquêterait dans les alentours d'Azkaban, fouillant toutes les cachettes possibles, la prison elle-même _ce qui prendrait moins de temps_, et les lieux où Harry pouvait se réfugier. Le jeune sorcier ne devait donc pas passer la nuit chez les Dursley. Il aurait été, de plus, incapable de dormir en pensant aux cauchemars qui l'attendaient, la fureur de Voldemort en augmentant les affres. Il s'était donc métamorphosé et avait poursuivit sa route. L'endurance du lion s'était révélé incroyable. Harry ne revenait pas du trajet qu'il avait parcouru en une journée. Car, devant lui se tenait, sous la lueur des lampadaires, le Chaudron Baveur. Le jeune sorcier avait rapidement trouvé ses marques dans la ville, sous forme humaine, le visage flou dans l'obscurité croissante. Les lumières de la ville avaient déformé les traits du jeune homme, la tête basse. Il était passé ainsi pour un mendiant trop précoce au goût des gens. Ses plusieurs voyages au Chemin de Traverse l'avaient amené à repérer des avenues de Londres et donc, se rendre directement au Chaudron Baveur. Il hésita à tourner la poignée, se demandant s'il était possible que le fameux "pub" soit ouvert à cette heure-ci. Il pria intérieurement et... la porte s'ouvrit. Contrairement à ce qu'il avait cru, la salle n'était pas déserte mais remplie de monde, comme en pleine journée. Elle était cependant aussi sombre et misérable qu'à l'accoutumée. Dans le brouhaha des conversations, Harry passa discrètement vers un côté de la pièce moins fréquenté, la main sur le front, faisant semblant de se gratter la tête. Il allait rejoindre la petite cour entourée de murs quand une main se posa sur son épaule. Harry sursauta légèrement avant de se retourner et faire face à un vieillard.

Les traits de son visage étaient flous, l'obscurité régnant dans cette partie du bar. Le jeune sorcier devina par conséquent qu'il en était de même pour lui et s'efforça de se calmer: l'homme ne pouvait pas voir son état calamiteux, ni ses traces de sang, ni sa cicatrice.

_ Qu'est-ce que tu fais là ? Tu es tout jeune, toi, tu devrais être à l'école..., lui demanda-t-il avec une voix sans timbre.

Pendant qu'il lui parlait, il essuyait un verre. Le vieillard remplaçait Tom la nuit.

_ Non, je... je..., bafouilla Harry, ne trouvant pas d'explication plausible.

L'homme se ravisa.

_ Bah, c'est pas grave. Tu dois sûrement être un de ses pauv'malheureux dont les parents cachent l'existence pour qu'ils aillent pas à l'école de Dumbledore, pas vrai?

_ Euh... oui, répondit Harry en s'interrogeant sur les paroles du barman.

_ Tu veux que je fasse quelque chose pour toi?, le questionna-t-il.

_ Euh... Oui. Est-ce que vous savez comment on peut se rendre à Pré-au-lard?, profita le jeune sorcier.

_ Pré-au-lard? Milles gorgones, tu m'en poses de ses questions, toi!

Il le fixa dans les yeux, l'air étonné (du moins, c'est ce que pensa Harry), et lui dit:

_ Pré-au-lard est accessible uniquement par voie de Magicobus, par poudre de cheminette ou par transplanage, mais toi, tu ne sais pas... Tu n'as qu'à agiter ta baguette et...

_ On me l'a volé, expliqua Harry précipitamment.

_ Volé? Quelle drôle d'idée! Voler une baguette! Si elle ne lui correspond pas, il va avoir quelques petits soucis avec, ton voleur! Il pourra juste maîtriser des sorts de premier cycle et encore...

Conscient qu'il s'écartait du sujet, il reprit:

_ Dans ce cas, tu n'as qu'à aller chez Ollivander t'en acheter une autre, c'est tout ce que je peux te proposer!

Harry se demanda si Mr Ollivander lisait les journaux puis décida que ce n'était vraiment pas la peine d'encourir un tel risque.

_ Et vous ne pouvez pas agiter votre baguette pour moi?, supplia presque Harry.

_ T'es fou! C'est interdit par la loi! J'aurais de gros ennuis si j'faisais ça!, cria-t-il presque.

_ Euh... Pourquoi?, demanda Harry le plus innocemment du monde.

_ Ben... C'que j'sais, c'est qu'en agitant la baguette, on donne notre empreinte magique avant que le Magicobus apparaisse. Et, si t'es un criminel recherché... Il vient pas! Imagine que je l'fasse pour quelqu'un qui a une identité cachée!

_ Ahh..., comprit le jeune sorcier en soupirant.

Par malheur, Poudlard était relié au seul lieu qui se trouvait être "totalement sorcier" et, par conséquent, inaccessible par voie moldue.

_ Et par poudre de cheminette?, reprit Harry.

_ T'es pas victime de prises de nausée? T'as d'la chance...Moi, j'supporte pas...

_ Je peux? Vous en avez?, coupa le jeune sorcier, voyant que le vieillard s'égarait une fois de plus.

_ Ben nous... on est relié aux Trois Balais, si tu veux...

_ Vous pouvez? Vraiment? Ca ne vous gêne pas?, fit Harry, le cSur battant à tout rompre, devant la solution exposée.

_ Non, mais la poudre de cheminette, c'est pas donné!, dit-il en frottant son pouce contre les autres doigts de la même main.

_ J'ai de l'argent moldu!, s'exclama-t-il, à la fois impatient de partir et peureux que son offre soit rejetée.

_ Vraiment???, fit-il d'un air intéressé. De l'argent moldu? Je n'en ai pas vu depuis des années...

_ Tenez.

Harry tendit quelques billets avec empressement, se demandant combien la poudre de cheminette valait exactement. Le vieillard les prit, les yeux fixant l'argent avec curiosité.

_ On peut y aller?, questionna d'un air enthousiaste le jeune sorcier.

_ Oui, vas-y. La cheminée se trouve dans la petite pièce sur la gauche, renseigna-t-il en ne lâchant pas les billets du regard.

_ Merci monsieur, dit Harry en s'éloignant du vieillard.

_ De rien, petit.

Harry traversa discrètement la salle principale du Chaudron Baveur et arriva dans la pièce indiquée. Déserte, elle comportait le strict nécessaire d'un petit salon. Le jeune sorcier s'avança vers la cheminée. En passant devant la table, il aperçut un journal où était écrit en gros titre: LE SURVIVANT NOIR. Harry se demanda s'il avait une réelle envie d'en connaître le contenu. Il lut en diagonale, retenant l'essentiel: "un ministre prompt à réagir", "une réputation de l'enfant toute faîte", "un tartuffe meurtrier", "la légende meure", "condamnation juste", "adorateurs n'ont plus qu'à oublier leurs illusions", "Fudge grandement estimé". Une haine envers le ministre et la presse, trop facilement manipulée, s'empara du jeune sorcier.

_ Ah, te voilà!, s'exclama le vieillard entrant dans la pièce, coupant court aux pensées de Harry. Excuse-moi, j'avais oublié que tu n'avais pas de baguette!

Harry fronça les sourcils, puis comprit ce qu'il voulait dire quand il prononça Incendio!. L'homme prit une pincée de poudre étincelante dans un pot de fleurs et la jeta dans les flammes, devenant vertes.

_ Vas-y, mon garçon!

_ Merci.

Harry prit de la poudre de cheminette, s'avança et cria: "Aux Trois Balais!". Il fut alors aspiré dans un immense tourbillon géant. Harry ferma les yeux, attendant d'être arrivé pour les rouvrir. Il détestait ce moyen de transport. Atterrissant dans un âtre légèrement étourdi, il regarda autour de lui. Les Trois Balais étaient comme le Chaudron Baveur: rempli de monde. Les sorciers vivaient le jour, comme la nuit... Son apparition soudaine ne sembla pas attirer l'attention des clients, ayant certainement l'habitude d'entendre ces sortes de fracas. Il s'assura que sa cicatrice était bien cachée, et, la main au visage, faisant semblant de se gratter la tête une fois de plus, il sortit précipitamment de l'auberge. Dehors, il faisait nuit noire. S'il n'y avait pas eu les lampadaires, il se serait retrouvé dans l'obscurité la plus totale. Il regarda sa montre et lut cinq heures trente. Le jeune sorcier avait faim, sommeil, mal aux jambes d'avoir trop couru et souffrant au niveau du sommet du crâne, sa blessure nécessitant certainement des points de suture. Il se mit cependant en route, dans un dernier élan de courage. Dans un peu plus de deux heures, il serait à Poudlard... Normalement, le temps mis pour atteindre le château était très inférieur, mais Harry se traînait, marchait lentement, ses forces presque anéanties. Lorsque les lampadaires n'éclairèrent plus son chemin, il souffla un Lumos et sa main créa une petite boule de lumière. Il reprit son chemin, en pleine campagne, trébuchant parfois sur des mottes de terre. Il était un peu difficile de se diriger malgré la lueur diffusée. Harry pensa s'être perdu plus d'une fois. Autour de lui, les bruits de la nature étaient quelque peu inquiétants à côté de ceux de la ville.

Enfin, il aperçut la cabane hurlante. Il baissa l'intensité de la petite boule par prudence. Voldemort avait peut-être bloqué les entrées de Poudlard, condamnant le jeune sorcier à rester au-dehors. D'un autre côté, il était impensable que Harry ait pu arriver jusqu'ici, sans savoir qu'il était animagus. Il s'avança donc silencieusement de l'entrée. La porte avait été déverrouillée pour permettre au jeune sorcier ses escapades estivales. Dans un grincement sinistre, il l'ouvrit. La main tendue vers l'avant, il marcha avec méfiance. A l'intérieur, rien de suspect. Il continua de jeter des coups d'Sil tout autour de lui, guettant chaque mouvement anormal. Il atteignit pourtant le passage sans encombre. Le dos voûté, il prolongea le tunnel, exténué. Il songea à son arrivée. Que ferait-il? S'il croisait des Serpentard, ils le menaceraient sûrement de leurs baguettes. Ils pourraient leur prendre bien sûr, grâce au sortilège d'attraction. Mais il valait mieux éviter de faire un étalage de ses capacités aux éventuels futurs mangemorts... Harry pensa à Dumbledore. Où serait-il? A cette heure-là, dans la grande salle, assurément. A moins qu'il ne tente toujours de communiquer avec Voldemort... Non, aujourd'hui, il devait être convaincu de sa mort. Voldemort ne l'aurait pas laissé vivre aussi longtemps. Ses amis devaient être persuadés que le jeune sorcier était décédé. Ils devaient... Harry se secoua mentalement en s'obligeant à penser à autre chose, comme sa future entrevue avec Fudge. L'homme allait être surpris...



Poudlard. La tête légèrement au-dessus du sol, Harry attira à lui une grosse pierre du parc qu'il posa sur une racine du Saule Cogneur. Rendu inoffensif, l'arbre cessa de s'agiter. Le jeune sorcier sortit du tunnel et se rendit au château. Le soleil brillait en ce début prometteur de journée. Personne, pourtant, ne se promenait encore dehors. D'une démarche claudicante, il atteignit les portes de l'école. Il entra. Toujours personne. Traînant derrière lui des traces de terre, il jeta un regard désapprobateur sur son accoutrement où se mêlait poussière, suie et sang. La coulée de liquide rouge se dessinant de sa cicatrice au menton, était entièrement sèche, preuve des souffrances endurées. Peu à peu, il percevait les échos des conversations de la grande salle: les élèves déjeunaient. Il hésita à dévier sa trajectoire vers la direction du bureau de Dumbledore. Arrivé à une vingtaine de mètres de l'immense pièce, il vit les portes à demi ouvertes, laissant ainsi entrevoir l'assemblée bruyante et, au fond, deux hommes discutant en tête-à-tête: Fudge et Dumbledore. Que faisait encore le ministre ici? La répulsion que le jeune homme éprouvait envers Cornelius Fudge revint à la charge, le souvenir de sa confrontation en ce même lieu trop récent. Il s'efforça cependant à rester calme. S'il entrait ainsi, il le renverrait aussitôt d'où il venait. Il fallait à tout prix l'éviter. Puis il se demanda comment neutraliser ses forces... L'armée d'aurors étant absente, son seul avantage était sa baguette. Avec une concentration extrême, il tendit le bras et pensa "Accio baguette de Fudge". Un objet sortit de la poche du ministre, doucement. Harry se baissa, forçant l'arme à se poser silencieusement sur le sol avant de glisser vers lui. Aucun élève ou professeur n'aperçut l'étrange spectacle. Le jeune sorcier se saisit de la baguette, un sourire fatigué aux lèvres. Maintenant, il pouvait entrer.

Il reprit sa démarche incertaine. Deux jeunes filles de quatrième année à Poufsouffle couraient dans l'escalier pour rejoindre leurs camarades. A la vue de Harry, elles se figèrent sur place un instant, le regard exprimant une peur démesurée, et repartirent vers leur destination, aussi vite qu'elles en furent capables. Harry, indifférent à leur attitude, poursuivit sa marche. Il entra dans la grande salle, s'avançant dans l'allée principale. Peu à peu, des regards se fixèrent sur lui, des conversations s'interrompirent, des raclements de chaises et de bancs se firent. Harry ne cessa nullement d'aller droit devant lui. Fudge et Dumbledore, l'attention attirée par le silence soudain, tournèrent la tête. Aussitôt, deux expressions complètement opposées naquirent sur leurs visages: après la stupéfaction commune, sur l'un le soulagement, sur l'autre la peur. A présent, le mutisme de la salle se faisait exceptionnel. Jamais de sa vie Harry n'avait connu un tel silence. Même lors des plus grands, il y avait toujours le bruit d'une étoffe, d'une brise, d'un frôlement qui s'entendait. Mais aujourd'hui, il était d'une oppression suprême.

Le ministre eut le réflexe d'enfouir sa main dans la poche de sa robe, à la recherche de sa baguette. Harry la leva vers lui. Fudge prit un teint livide. En face de lui, un jeune homme de quinze ans, qui avait réussi, on ne sait par quel miracle, à s'échapper de la plus grande prison des sorciers, brandissait sa propre arme magique vers lui. Dumbledore demeurait immobile dans sa patience. Il semblait croire que le comportement du ministre méritait bien une petite frayeur. Les autres professeurs étaient, quant à eux, estomaqués. Harry, lui, ne savait plus. Il pouvait attaquer le responsable de sa condamnation injuste. Il était armé, lui non. Il pouvait lui faire regretter chaque parole et menace qu'il avait proféré à son encontre. Il pouvait le punir, le faire atrocement souffrir. Pourtant, une petite voix l'en empêchait. En lui affligeant des souffrances, il devenait un véritable bourreau. En prononçant des sorts offensifs, il se rangeait au même titre que Voldemort: un lâche profitant de l'impuissance de ses ennemis pour attaquer. Et ça, il ne voulait pas. Ses traits se contractaient sous l'indécision de ses actions à venir. Finalement, il céda à la petite voix, difficilement. Il baissa la baguette. Mac Gonagall sembla relâcher une inspiration contenue trop longtemps. Dumbledore eut un petit sourire. D'une voix enrayée, amplifiée en écho par le mutisme général, Harry dit dans un murmure:

_ J'aimerais vous parler, Mr Fudge.

L'intéressé, le teint ayant dangereusement tourné au blanc, sembla prit dans un dilemme. D'un côté, il pouvait refuser de se rendre avec le jeune homme dans une pièce à part, évitant peut-être un duel mortel _car, de toute évidence, il le serait: le jeune sorcier devait avoir acquis énormément de puissance pour avoir réussi une évasion_, et d'un autre, il pouvait accepter, risquant sa vie, ou s'accordant une simple discussion. Mais la baguette était toujours dans la main de Harry, bien qu'elle ne soit plus pointée sur lui, il pouvait encore le menacer. Il hocha maladroitement la tête en signe d'acquiescement et tenta de se donner une contenance pour répondre, se raclant la gorge:

_ Oui... bien sûr.

Harry montra du regard la porte du fond et le ministre s'y dirigea. Le jeune sorcier reprit une fois de plus sa marche, la démarche plus claudicante que jamais. Il allait à une vitesse incroyablement plus lente que Fudge, pourtant loin d'être pressé. Dumbledore se leva, vint à la rencontre du jeune sorcier, et lui offrit son aide.

_ Merci, murmura Harry.

Le Directeur le regarda, les yeux pétillants, et lui sourit. Dans un moment qui sembla interminable, les deux sorciers rejoignirent le ministre à l'entrée de la petite pièce. Seuls les pas boiteux accompagnés de ceux réguliers de Dumbledore, s'entendaient dans la salle. En passant derrière la table des professeurs, Harry adressa un petit sourire rassurant à Hagrid, qui le lui rendit. On pouvait sentir une profonde tristesse et angoisse qui s'efforçait de resurgir du demi géant, des pleurs contenus, ceux qu'il avait ressentit au cours des dernières heures en pensant ne plus jamais revoir son jeune ami. Le garde-chasse ne quittait pas Harry des yeux, comme s'il craignait, en les fermant, qu'il ne disparaisse. Fudge ouvrit la porte, et Harry reconnut la petite pièce où les quatre champions s'étaient retrouvés ensemble pour la première fois. Dès que les trois hommes furent entrés, Fudge referma la pièce.

Dans son coin, il prit silencieusement une grande inspiration. Il allait être confronté, bien qu'il soit la personne, administrativement parlant, la plus importante de la communauté magique anglaise, à deux quasi légendes vivantes. Dumbledore aida Harry à s'appuyer contre le rebord d'un fauteuil. Harry ne s'assit pas. Il voulait prouver son innocence au plus vite.

_ Bien, dit tranquillement Dumbledore. Harry, voudrais-tu nous faire part de ce que tu as à nous dire?

Le ministre était mal à l'aise. Il tripotait nerveusement son chapeau. Il ne supportait pas être enfermé dans la même pièce que Dumbledore et Harry. Le jeune sorcier acquiesça silencieusement.

_ J'ai une preuve de mon innocence, dit-il sur un ton direct, s'adressant à Fudge.

Il y eut un silence pesant. Fudge avait la tête de quelqu'un qui pensait avoir été envoyé dans une autre galaxie. Harry sortit l'oeil de faucon ensorcelé de sa poche.

_ Ceci, renseigna-t-il sur un ton dur qui ne cachait pas son ressentiment, a enregistré tout ce qui se passait autour de moi, et non pas ce que je croyais, moi-même, au plus profond de moi, voir.

Son regard pénétrant et ses paroles, répétées mot pour mot de celles sentencieuses de Fudge, firent blanchir dangereusement le ministre.

_ Vous allez donc voir devant vous la preuve irréfutable que Voldemort existe et m'a détenu à Azkaban.

_ Qu'avez-vous euh... enregistré?, demanda timidement Cornelius Fudge, qui avait l'impression d'étouffer. La peur de la réponse donnée lui coupait tout accès d'air.

_ Voldemort lui-même.

Fudge fut le seul à tressaillir. Harry, indifférent au comportement du ministre, posa la petite boule sur le sol, à un mètre d'eux. Il voulut lancer le sort de révélation mais hésita. Il n'avait pas tellement envie de le jeter avec une baguette différente de la sienne. Ce fut Dumbledore, remarquant son doute, qui déclencha l'apparition d'hologrammes. Mais à peine eurent-ils le temps d'apercevoir la totalité de la silhouette squelettique de Voldemort et un commencement de phrase à la voix suraiguë que le ministre se jeta sur l'oeil en tentant de stopper le défilement des images.

_ D'accord, d'accord, d'accord!..., hurla Fudge d'un ton affolé.

_ Har...

_ Arrêtez...

_... ry, quel...

_... cette cho...

_... plais...

_... se!

Dumbledore leva sa baguette et l'oeil cessa de fonctionner. Fudge essaya de reprendre sa respiration et son calme, le visage plus livide que la mort. Il sortit un mouchoir de sa robe et s'en tamponna le front et les joues. Harry et le professeur restèrent silencieux, attendant patiemment que Fudge reprenne son contrôle. Sentant leurs regards posés sur lui et la gêne l'envahir _ il était si faible à côté d'eux: il ne supportait même pas un hologramme représentant le Seigneur des Ténèbres..._, il balbutia:

_ Bi... Bien, je, je vous crois...

Harry aurait du en ressentir un grand soulagement, mais après ce qu'il avait vécu, il voulait plus. Dumbledore prit calmement la parole:

_ Ce qu'il faut, maintenant Cornelius, c'est unir nos forces.

Il recommençait à le nommer par son prénom. Un rapprochement se réalisait. Harry observait attentivement Dumbledore. Il admirait sa prise en mains. Il ne perdait pas de temps à lui demander comment il s'était échappé, il allait droit au but.

_ Oui... Oui, bi... bien sûr.

Dumbledore se tourna vers Harry, voyant que Fudge était incapable de réagir pour le moment.

_ Harry, peux-tu nous dire quelles sont celles de Voldemort?, demanda-t-il d'une voix douce.

_ J'ai aperçu plusieurs centaines de mangemorts qui s'entraînaient et domptaient des bestioles hautes de trois mètres, qui avaient de grands crocs...

Le jeune sorcier mimait ses explications pour les rendre davantage intelligibles. Dumbledore acquiesça la tête en signe de compréhension.

_ Il y avait également des centaines de serpents, boas constrictors, vipères, cobras ou anacondas pour la plupart... pas de basilic... Et des Détraqueurs, mais eux, je ne les ai pas vus...

Le Directeur hocha de nouveau la tête puis reprit la parole:

_ Est-ce que je peux garder ton oeil de faucon? J'aimerais le consulter, plus tard...

Dumbledore voulait dire après son entretien avec Fudge. Harry sut que sa demande n'était que par pure politesse, il s'en serait emparé malgré une réponse négative, mais il approuva silencieusement.

_ Merci Harry, je crois que tu peux nous laisser nous entretenir seul à seul maintenant. Tu n'as qu'à passer à l'infirmerie par la porte de gauche. Cela t'évitera la grande salle avant que nous annoncions ton innocence officiellement. Tu es libre, ajouta-t-il avec un sourire.

Harry ne s'y était pas attendu. Son professeur ne lui demandait ni compte-rendu détaillé ni quoi que ce soit de sa détention à Azkaban. C'était comme s'il lui vouait une confiance absolue. Si le jeune sorcier savait quelque chose d'utile, il le dirait... De plus, il ne restait pas à lui affirmer qu'il avait agi comme les plus grands sorciers, etc, etc. Dumbledore était convaincu que Harry ne passerait jamais du côté de Voldemort, point final. Et il ne lui disait aucune parole douce pour le redonner le moral, lui redonner l'envie de vivre. Soudain, la vérité frappa Harry de plein fouet: il n'avait plus besoin ni de paroles douces, ni de raconter absolument ce qu'il lui était arrivé. Il s'était déjà remis de sa rencontre avec le mage noir avant même de pénétrer dans la grande salle. Le jeune homme s'était construit une carapace infranchissable. Et Dumbledore avait été le premier à s'en apercevoir.

Harry se dirigea vers la petite porte, perdu dans ses pensées, quand une autre l'assaillit.

_ Professeur?, demanda-t-il timidement.

_ Oui, Harry?

_ Comment dois-je... me comporter?, dit-il en cherchant ses mots. Vous savez, pour Drago Malefoy et les autres...

Dumbledore esquissa un sourire.

_ Ils étaient au courant, poursuivit-il. Si je reviens content, ils vont comprendre que Mr Fudge est passé à l'offensive... et ils l'écriront à leurs pères, non? Je pourrais faire croire que j'ai réussi à prouver mon innocence sans convaincre Mr Fudge de l'existence de Voldemort, c'est possible, vous ne croyez pas? Ca pourrait nous laisser du temps... Ca pourrait permettre de ralentir leurs préparations à l'attaque, ça retarderait la guerre ouverte...

_ Effectivement, l'entreprise est judicieuse, s'accorda à dire le professeur.

_ Alors... Je dis quoi? Je dis que j'ai enregistré une conversation entre deux hommes, euh... Macnair et un dont le visage est caché... On entend uniquement Macnair dire qu'il m'a bien eu, ou quelque chose dans ce style, c'est tout... Après tout, ils parlent tout le temps de ça entre eux, c'est possible... Ca vous permet de ne plus le croire..., dit Harry en faisant fonctionner son cerveau à la recherche d'un mensonge plausible.

_ Oui, le témoignage de Macnair serait discrédité, une enquête serait menée pour savoir le pourquoi de sa présence à Azkaban. Nous pouvons faire confiance à Voldemort pour lui trouver une excuse. Les autres mangemorts du ministère se chargeront de dire que Macnair est sujet à quelques... crises de démence passagères depuis sa soi-disante attaque en Juin, probablement traumatisante, et qu'il s'en est pris à Harry Potter comme il s'en serait pris à n'importe qui d'autre... Bref, leur préparation à la guerre demeurerait invisible aux yeux du ministère...

Le professeur s'était mis à faire les cent pas, plongé dans ses réflexions, caressant sa barbe.

_ Mr Fudge et toi devraient rester en conflit malgré ta disculpation. Il serait plus sage cependant que ce soit Cornelius qui annonce ton innocence aux élèves..., continuait-il.

_ Je n'aurai aucun mal à paraître haineux pour ma part..., dit lentement Harry.

Le ministre qui avait peu à peu oublié sa peur pour mieux écouter leur conversation haussa les sourcils de surprise pour les froncer presque aussitôt. Harry reprit:

_ Et Mr Fudge non plus, je crois..., finit le jeune sorcier.

Harry avait réussi l'espace de quelques secondes à faire ressortir la colère du ministre. Celui-ci fut stupéfait d'être tombé dans le piège de l'adolescent. Dumbledore eut, cette fois-ci, un grand sourire.

_ Ooh, dit soudainement Harry, j'allais oublier...

Il tendit la baguette de Fudge à son propriétaire qui la reprit en le remerciant silencieusement, hébété devant la tournure qu'avait pris la situation. Au lieu de souffrir mille tortures comme il le méritait pour avoir envoyé un innocent, mineur qui plus est, dans le lieu le plus abominable qui puisse exister, il récupérait son arme et se préparait à jouer un rôle.

_ Il ne faudrait pas que je l'ai entre les mains à l'annonce officielle de mon innocence, ou on croirait que vous êtes soumis à un Imperium..., expliqua Harry dans un petit rire.

Fudge tenta de rire aussi, mais son exclamation lui resta coincé dans la gorge. Dumbledore avait le regard plus pétillant que jamais. Le jeune sorcier faisait de l'humour, complètement remis de ses émotions, ce qui tenait du miracle.

_ Mais j'aimerais bien récupérer la mienne..., ajouta-t-il sérieusement.

_ Oui, j'irai voir le gardien..., promit Fudge.

_ Le gardien!, fit Harry en se frappant le front. Il faut le protéger! Voldemort a prévu d'aller lui rendre une petite "visite" pour récupérer les baguettes de tous les prisonniers!

Le jeune sorcier se réprimandait intérieurement de ne pas leur en avoir fait part plus tôt.

_ Alors, il faut les détruire Cornelius. Et protéger cette homme, dit fermement Dumbledore, redevenant l'homme d'action.

_ Oui, je vais m'en occuper, confirma le ministre qui commençait à transpirer devant la tonne de travail qui s'amoncelait.

_ Mais..., commença Harry.

Il allait dire quelque chose mais se ravisa pour se reprendre:

_ Monsieur Fudge, est-ce que vous me croyez maintenant pour ce que je vous ai raconté il y a deux ans?

_ A propos de Black?

_ Oui.

_ Eh bien, j'avoue que c'est une histoire assez...

_ Mais me croyez-vous assez pour garder sa baguette intacte?, coupa le jeune sorcier, plein d'espoir.

_ Je pourrai la mettre dans un autre lieu secret, je n'y vois aucun inconvénient, en effet..., approuva le ministre. Quant aux autres, il faudrait que je connaisse le nom de ceux qui ne se sont pas ralliés à...

_ Il n'y en a aucun. Ils se sont tous tournés de son côté, à part Sirius Black.

_ Bien, dans ce cas..., dit Fudge, transpirant de plus en plus.

Il ne revenait pas de tout ce que savait le jeune sorcier. Harry soupira de soulagement devant les mesures prises. Dumbledore s'avança vers la petite porte.

_ Bien, si tu n'as plus rien à nous révéler Harry, allons dans la grande salle. Je suis sûr que tous les élèves sont toujours là en l'attente d'une délibération..., dit Dumbledore en souriant.

L'estomac du jeune sorcier émit un grondement sonore. Ce dernier rougit.

_ Et tu pourras te rassasier..., finit-il, l'air malicieux.

Il tourna alors la poignée. Des murmures se turent, Dumbledore fit signe à Harry de sortir le premier, et ce dernier obéit.