CHAPITRE 8 : Adversaires.

Le lendemain, le temps pluvieux de l'Automne avait finalement pris le dessus sur les belles journées ensoleillées dont les élèves avaient pu profiter jusqu'ici. Hermione, Ron et Harry se hâtaient de rentrer au château, leurs capes sur la tête. Dans le hall, les élèves secouaient leurs vêtements mouillés, se recoiffaient et tentaient de se rendre présentables malgré la pluie battante qui avait inondé en grande partie leurs affaires; le clou du spectacle étant Patmol, trempé, éclaboussant soudainement des Deuxième année de Serpentard en se remuant énergiquement. Des grognements de protestations s'élevèrent parmi les victimes, ce qui ne paraissait nullement affecter la bonne humeur du chien, content de sa "petite plaisanterie". Rusard, plus loin, hurlait contre de pauvres Première année aussi coupables que les autres de laisser derrière eux des traces de boue inévitables.

Soudain, Emile Moon, trempé jusqu'aux os mais indifférent à son état, aborda Harry en lui criant presque "merci, merci, merci!" puis, emporté par le mouvement général de la foule vers la grande salle, repartit rapidement, laissant Ron et Hermione dans l'étonnement le plus complet.

_ Les autres joueurs ont du annoncer qu'il était pris comme gardien, mais gardez-le pour vous, expliqua Harry.

Ses amis acquiescèrent et s'installèrent enfin à leur table. A quelques pas d'eux, Ernie McMillan se dirigeait vers la sienne quand Neville attrapa brusquement son col par derrière pour s'éviter une chute spectaculaire sur le sol glissant et provoquant ainsi un étranglement léger du Poufsouffle. Les élèves qui avaient vu la scène, immanquablement attirés par ce coup de grâce en se demandant si, à la fin, oui ou non, Neville s'étalerait sur le sol, passèrent de la surprise pour applaudir ensuite bruyamment le garçon rond de son brillant "rattrapage".

_ Le premier succès de Neville face à sa maladresse, ça se fête!, s'anima Dean en frappant fortement ses mains.

Ron sourit et se mit à conter d'une voix importante:

_ Alors que l'élève le plus maladroit de Poudlard entrait courageusement dans la grande salle en quête d'un somptueux déjeuner qui mettrait fin aux grondements de son estomac, dit-il pris d'une soudaine inspiration, un obstacle redoutable lui fit face: une flaque. Il mit un pied devant l'autre, prudemment, mais la fatalité s'obstina à frapper une fois de plus sur le héros. Ses chaussures n'étant pas pourvues de crampons permettant un écoulement efficace de l'eau sous ses pieds, elles glissèrent, entraînant avec elles le corps du jeune homme à la bravoure sans égale...

Ses camarades, cessant peu à peu d'applaudir, écoutèrent en souriant la prestation improvisée du garçon roux qui ne manquait pas d'assurance.

_ ... Celui-ci, dans un dernier assaut rempli de détermination, poursuivait-il sur le ton d'un commentateur moldu télévisé, tendit la main à la recherche d'un support quelconque. Elle s'accrocha alors dans un ultime élan vers l'espoir au vêtement d'un camarade qui faillit mourir dans l'épreuve, étranglé. Le sacrifice ne fut pas vain. Le héros se rétablit non sans mal, luttant jusqu'à plus soif contre l'acharnement du mauvais sort.

Il marqua une pause, prit une nouvelle fois une grande inspiration et conclut théâtralement:

_ Il réussit. Sa volonté eut raison de sa malchance, faisant de lui le prochain sorcier le plus estimé de notre journal en s'inscrivant en première page, protagoniste d'un exploit pour le moins incroyable.

Des applaudissements enthousiastes saluèrent sa tirade, mêlés de sifflements joyeux à la table des Gryffondor.

_ Woaw, Ron, ton inspiration est incomparable!, le félicita Harry en frappant lui aussi des mains.

Son ami le remercia d'un sourire, apparemment assez content de lui.

_ Tu ne vas pas écrire un article sur lui, tout de même?!, s'indigna Hermione en fronçant les sourcils, mais sondant que les propos de son ami étaient loin de se concrétiser ultérieurement.

_ Bien sûr que non, Hermione!, répliqua Ron en s'assurant que Neville, maintenant assis, l'avait entendu.

Puis, s'adressant à ce dernier:

_ Tu ne m'en veux pas, j'espère? Ton improvisation était tout simplement trop belle pour passer inaperçue..., finit-il gentiment.

_ Pas du tout, assura Neville qui avait participé au rire général. Du moins, tant que tu ne rédiges rien..., dit-il d'un air qui se voulait menaçant.

Avec le temps, le garçon rond avait appris à ne pas se complexer de sa maladresse légendaire, du moins, quand ce n'était pas Rogue qui en faisait un commentaire...

_ Neville et toi devriez fonder la Société d'Entraide aux Victimes Empêtrés dans les Revues Empoisonnantes, suggéra Hermione en s'adressant à Harry.

_ S, E, V, E, R, E, épela Ron. Sévère... Mmmh, Hermione a toujours été très douée pour trouver des noms aux organisations. Après la SALE, venez portez les nouveaux badges sévères...

Tous rirent doucement devant la proposition ironique.

_ Au fait Hermione, coupa Harry, tu as abandonné la SALE?

Il avait posé sa question d'un air absent, en observant un garçon, assis à quatre places de Ron, les mains jointes et les yeux fermés, qui murmurait quelque prière avant de commencer son repas.

_ Oui, avoua-t-elle en lançant un regard féroce à Ron au cas où il aurait l'idée d'intervenir. J'ai abandonné car premièrement, personne d'autre ne voulait participer pleinement à ma campagne... Tais-toi Ron!

_ Mais je n'ai rien dit!, se défendit le concerné en levant les mains en signe de trêve.

_ Tes yeux... C'est tout comme!

Elle se retourna vers Harry et reprit sérieusement:

_ Et deuxièmement, j'ai rendu visite aux elfes et je suis allée m'excuser auprès de Winky pour l'année dernière. Elle aime beaucoup son dernier travail..., ajouta-t-elle dans un sourire.

Harry sourit à son tour tout en pensant que son amie ne finirait jamais sa justification en avouant publiquement que "troisièmement, les elfes aiment travailler" mais il fut surpris par Rose Skatlet. Le jeune homme crut le temps d'une seconde qu'elle allait se jeter à son cou.

_ Merci, merci, merci!, chantonna-t-elle.

Et elle repartit à sa place à reculons en continuant de le remercier, manquant de trébucher dans sa robe.

_ Je parie qu'elle occupe la place de poursuiveuse, dit Hermione sur un ton malicieux.

_ Harry, tu as sélectionné tes joueurs sur leur... tendance à t'être reconnaissant ou..., commença Ron.

_ Harry! Merci, merci et encore merci!, s'écria Milia Jalius, qui venait de s'installer à quelques places de lui.

_ Je croyais que tu n'avais que deux personnes à remplacer, s'étonna Hermione, le regard encore fixé sur Milia.

_ Milia est attrapeuse dans la seconde équipe, expliqua Harry qui commençait à se tasser sur sa chaise pour empêcher les nouvelles recrues de le voir.

Les remerciements allaient se faire repérer si ça continuait. Les joueurs n'étaient pas très discrets...

_ Harry!

Le jeune sorcier crut à un autre remerciement et tourna la tête sur sa gauche. Fred venait de l'interpeller. A côté de lui se tenait debout Krum.

_ Viktor veut savoir qui est le capitaine de l'équipe, dit-il, amusé.

_ C'est moi, déclara Harry, un sourire aux lèvres.

Fred fronça légèrement les sourcils.

_ On ne va pas recommencer! On s'était mis d'accord! Le capitaine de l'équipe, c'est moi!, répliqua-t-il sur un air offensé.

Viktor Krum ouvrit les yeux de surprise.

_ Hey!

Harry tourna la tête sur la droite. Alicia, debout, avait les poings sur les hanches.

_ Espèce de... Je suis le capitaine, on l'avait dit, point final!, dit-elle d'une voix forte, un visage faussement colérique.

_ Oh, oh, fit Ron. Krum va avoir droit à une démonstration de l'arme secrète de votre équipe...

Katie serra légèrement le cou de son amie par derrière.

_ Répète ça!, la défia-t-elle. Le poste est à moi! Je suis la plus méritante, la plus responsable, la plus...

_ ... incapable d'occuper ce poste!

George s'était à son tour relevé. Harry retourna sa tête sur la gauche. A la table des Gryffondor, quelques rires commençaient à prendre le dessus sur le brouhaha des conversations.

_ Nous avons tous voté à l'unanimité pour moi! Vous n'allez pas retourner votre veste maintenant!, s'insurgea-t-il avec des gestes théâtraux.

_ Je suis la plus ancienne et donc ce poste doit me..., s'emporta Alicia qui brandissait du poing.

_ ... passer sous le nez!, dit Fred en positionnant ses mains en porte-voix, ce qui effaçait la compréhension des paroles d'Alicia.

Les rires des Gryffondor étaient francs maintenant. Krum était trop surpris par la mise en scène pour se sentir offensé.

_ Temps mort!, cria Harry en se levant à sa tour, étonné par sa propre audace.

Il ne se mettait habituellement pas sous les feux des projecteurs volontairement, mais s'il n'y participait pas, les autres se douteraient qu'il avait eu la promotion.

_ Que diriez-vous de vous mettre tous au même niveau...

Les joueurs donnèrent l'air de réfléchir.

_ ... et je prends le poste?, finit-il.

Aussitôt, une vague d'insultes s'abattit sur lui de la part de tous les autres joueurs. Des Gryffondor étaient écroulés de rire devant l'expression de leurs visages, furieux. Harry, indifférent aux injures, se tourna vers Krum et lui dit gentiment:

_ Je suis désolé Viktor, mais contre un tel esprit d'équipe, que faire?

Viktor cligna des yeux et retourna à sa table, éberlué. Les joueurs s'étaient joints au fou rire de leurs camarades. Ils se rassirent, et bientôt, tous tentèrent de récupérer leur souffle après s'être fêlés plusieurs côtes. La table fut incroyablement plus calme. Les élèves étaient encore secoués de quelques petits rires quand Harry se remit à manger, un grand sourire aux lèvres. A ce moment-là, on perçut un grognement.

_ Désolé, mais le capitaine, c'est moi, dit Fred sur un ton boudeur.

Neville recracha l'eau qu'il venait de boire en explosant à nouveau de rire, dans l'hilarité générale. Quand ils furent véritablement calmés (ce qui prit un bon bout de temps), la table repartit vers les conversations habituelles par petits groupes. Cependant, le sourire de quelques élèves restait gravé sur leur visage au souvenir de la comédie.

Ron, d'un air malicieux, dit en observant les Poufsouffle:

_ Krum n'est pas habitué à ça. Chez les professionnels, ils savent tous qui est qui et qui joue avec qui, assura-t-il.

_ Il faut bien qu'on ait l'avantage quelque part, dit Hermione en haussant les épaules.

_ Ce qui est sûr, répondit aussitôt Ron en coupant ses légumes, c'est qu'il est plus méfiant que Malefoy. Cet idiot ne cesse de se pavaner en s'affirmant supérieur.

Harry approuva.

_ Krum est beaucoup plus réservé. Il n'aime pas se mettre en avant, commenta-t-il en se remémorant l'examen des baguettes où le champion international avait tenté de se dérober au moment des photos. Il n'est pas du genre à perdre du temps en se faisant de la publicité. Et il doit certainement préparer son équipe, lui aussi.

Il marqua une pause puis reprit, l'air songeur:

_ Je n'ai pas été un peu sec avec lui, non?, s'inquiéta-t-il.

Harry avait toujours eu des rapports amicaux avec Krum et il ne voulait pas que leur opposition en tant qu'attrapeurs ne les rendent rivaux pour autant.

_ Non, rassure-toi, Viktor comprendra très bien, dit la jeune fille avec sincérité.

_ Tu n'es pas encore allé le voir, Hermione?, demanda subitement Ron.

Harry essaya de percevoir un soupçon de jalousie dans sa phrase, en vain. Son ami était devenu soit un expert en maîtrise des sentiments, soit indifférent aux relations que pouvait entretenir Hermione avec d'autres garçons.

_ Si, hier à la bibliothèque, répondit-elle d'un ton neutre.

Le jeune sorcier observa tour à tour Hermione et Ron. Rien. Il se secoua la tête et se remit à manger. Il était peut-être capable de ressentir des choses, son don de sensibilité aidant, mais avec ces deux-là, c'était peine perdue d'essayer. Il ne les comprendrait jamais, du moins dans ce domaine...



L'après-midi, Harry s'était rendu à sa première séance de Quidditch en tant que dirigeant. Au départ, il avait timidement pris les commandes en copiant énormément sur les techniques de Dubois, puis, peu à peu, son propre style s'était imposé, inconsciemment. Fred et Georges, qui s'étaient entraînés sur une colline près de chez eux l'été dernier, n'avaient en rien perdu de leur talent et les cognards avaient été "domptés" d'une façon assez efficace et radicale. Katie et Alicia, quant à elles, avaient fréquenté le même club de Quidditch pendant deux mois. Leur cohésion n'en avait été que renforcée. Harry était on ne peut plus heureux d'appartenir à cette équipe. Sans compter que Rose et Emile s'intégraient à merveille.

Ce fut donc dans la bonne humeur qu'il se dirigea ensuite vers la salle de sa première option, après être passé au dortoir pour un petit rafraîchissement. Les membres déjà "échauffés", il se sentait d'attaque.

Arrivé devant la porte, entrouverte, Harry ne vit personne. Le jeune sorcier, après une brève hésitation, décida d'entrer, jetant un coup d'oeil rapide à sa montre. Il n'avait pas entendu la cloche sonner pourtant...

Son premier cours de Combat avec Armes Magiques allait se dérouler ici. Il ne fallait pas manquer ça.

Harry entrevit des Septième année discutant entre eux, enthousiastes, dans des coins de la pièce. Le jeune homme connaissait bien cet endroit: elle avait fait office de salle de duel en deuxième année. Mais à présent, les décors avaient beaucoup changé et des matelas lui rappelant ceux de sa pièce secrète, étaient accrochés aux murs.

Les options mélangeaient tous les niveaux. Il chercha des Cinquième année, en vain. Il était étonné de ne pas apercevoir Drago Malefoy ou quelques Serpentard. Ils appréciaient pourtant habituellement se battre... Cependant, il était loin de regretter leur absence...

Harry s'approcha timidement, n'osant pas se mêler aux plus grands (bien que par la taille, il leur était presque à égalité maintenant). En y réfléchissant, il n'y avait pas d'autre niveau que le Septième... Peut-être s'était-il trompé de salle... Les jumeaux étaient là. Harry décida de leur parler.

_ Fred! George!

_ Harry?, s'étonnèrent-ils en se retournant vers lui. Que fais-tu ici?

Le jeune sorcier commença sérieusement à douter. Oui, bonne question Harry, que fais-tu ici?...

_ C'est ici qu'a lieu Combat avec Armes Magiques?, questionna-t-il tout en se sentant déjà honteux de s'être probablement trompé de salle.

_ Oui, mais on n'aurait jamais cru que d'autres personnes de niveau inférieur s'y inscriraient!, répondit Fred.

_ Pourquoi?

_ Un, c'est assez dangereux, expliqua George.

_ Deux, vous êtes obligés de l'étudier en Septième année, c'est une nouvelle réforme de Dumbledore. Pas de quoi être pressé!, continua Fred.

_ Et trois, pour nous, ça compte pour notre ASPIC, ce qui signifie Accumulation de Sorcellerie Particulièrement Intensive et Contraignante, je te rappelle, donc...

_ ... une matière obligatoire à l'ASPIC ne peut être que difficile et même pénible parfois!

_ Et qui, pourtant, va vous demander de sérieux efforts de rigueur, Messieurs Weasley!

Les jumeaux blanchirent instantanément. Mr Infly venait de faire son apparition dans leur dos. Pour Harry, sa remarque lui fit observer que le professeur était sans doute beaucoup moins indulgent que Melle Lyth. Il allait devoir être sage... Les sourcils froncés, Infly repartit vers le devant de la salle, laissant Fred et George légèrement gênés de s'être fait ainsi prendre.

_ Rassemblez-vous, s'il vous plaît.

Les élèves s'approchèrent, Harry toujours mal à l'aise d'être le plus petit parmi tous ces grands. Une impression dont il avait le souvenir le soir où les quatre champions s'étaient réunis dans la petite salle du fond.

Il aperçut du coin de l'oeil Katie et Alicia qui chuchotaient activement et Krum, un peu plus loin.

_ Vous avez déjà tous eu Défense contre les forces du mal, commença le professeur. Vous savez donc ce qu'est ceci.

Et il montra un long bâton de deux mètres. Le professeur, malgré son approche des deux jumeaux, ne semblait pas s'être rendu compte de la présence de Harry qui se demandait bien ce qu'était "ceci".

_ Vous allez donc vous en servir, mais cette fois-ci, pas en prévention d'une rencontre avec les zombies.

Harry plissa les yeux sous la concentration. Les zombies? Aaah... Je vois... Soudain, il déglutit difficilement. Cette arme était atrocement dangereuse. Les zombies, créatures immortelles, ne pouvaient être neutralisés que momentanément, en les découpant un maximum, leurs membres putréfiés finissant toujours par se retrouver et se rattacher... Les bâtons, en cognant le zombi, lançaient dans son corps Couplis, ce qui détachait peu à peu ses mains, pieds, etc. Harry craignait maintenant de ressortir de ce cours, amputé des quatre membres...

Le bâton, à la différence de la baguette, nécessitait un contact avec la créature pour agir. Cependant, le zombi, malgré son apparence, résistait très bien aux sortilèges lancés à distance. Et avec une bonne manipulation de cette arme, il recevait Couplis coup sur coup sans besoin d'incantations.

_ Mettez-vous deux par deux et commencer le duel avec Tchocus.

Les élèves se positionnèrent, Harry n'ayant aucune idée de ce qu'il fallait faire. Il observa les Septième année autour de lui. Ils sortaient leur baguette, la posaient sur le long du bâton, murmuraient Tchocus, et elle se fondaient dans l'arme nouvelle. Stupéfait, Harry entreprit de les imiter en se munissant de l'un d'eux, placés en pagaille contre un mur. Le même phénomène se produisit. Quant à Tchocus, ce sort était purement inoffensif et ne provoquait qu'une toute petite sensation désagréable de tremblements. Le coup propre au bâton, lui, était presque indolore, même lors d'un rude choc. Il ne s'inquiéta donc plus pour ça.

Un Septième année, grand, mince et blond, ne trouvait pas de partenaire. Il s'avança vers Infly qui discutait avec Rogue, venu assister au cours. Le jeune sorcier plissa les yeux: Pourquoi fallait-il qu'il vienne ici? Le professeur en Enchantements montra Harry du doigt, ce dernier s'étant approché malgré lui, pour faire part du même problème.

_ Mais..., s'écria l'élève en l'apercevant, c'est un Cinquième année!

Le jeune sorcier continua de s'avancer, un peu vexé par le ton du Septième année. Et là, Harry se rendit compte qu'il avait commis une grave faute en s'inscrivant à ce cours:

_ Professeur Infly, proposa Rogue de sa voix doucereuse en plissant à son tour les yeux vers Harry, je suis sûr que Omski est impatient de faire ses preuves. Pourquoi ne pas l'aider en devenant son adversaire? Je peux, si vous le souhaitez, être celui de Potter, et lui montrer ainsi... les bases de cet art. Omski les a déjà pratiqués en Cours de Défense contre les Forces du Mal, Potter non. Il serait dommage de faire perdre un temps précieux à cet élève.

Harry se tourna vivement vers Infly, des sueurs froides lui parcourant le dos, et crut mourir lorsqu'il approuva sa suggestion. Pas Rogue, non!

_ Mais..., dit-il sur un ton désespéré.

Le professeur en Enchantements ne lui prêta aucune attention, il leur avait déjà tourné le dos pour parler avec Omski.

_ Vous venez, Potter?, fit impatiemment Rogue qui s'était rendu au centre de la salle se munir d'un bâton.

Sa question fit passer le jeune sorcier de la panique à l'agacement et il grogna imperceptiblement. Oui, je viens!

Infly salua son nouvel adversaire pour un combat au coin de la pièce. Omski commençait à reprendre des couleurs: il les avait perdu en entendant Rogue prononcer "Potter" (l'idiot ne l'avait pas reconnu! Il avait bien eu le temps de le voir, pourtant, lors de son arrestation...) et était on ne peut plus soulagé d'affronter Infly. Qui sait quelles ressources avait un évadé d'Azkaban... En attendant, c'était Harry qui aurait aimé ressentir ce sentiment en cet instant précis...

Il revint au centre de la salle avec autant d'entrain que si on le conduisait à l'échafaud, le bâton traînant derrière lui sur le sol. Combattre Rogue dans un duel n'avait nullement été signalé dans le contrat. Et il était clair qu'il allait avoir un grand avantage sur lui: le jeune homme, à la vue de l'assurance que dégageait son professeur, était sûr que ce dernier connaissait très bien le maniement des armes. Rogue allait avoir sa revanche sur le coup du balai!

Quel rancunier!..., songea-t-il avec une mine résignée. Quoi qu'il n'ait pas besoin de ce prétexte pour vouloir me démolir...

_ Alors Potter, ça vient?

_ Oui, oui...

Ils se mirent enfin face à face, à deux mètres l'un de l'autre, et se saluèrent brièvement. Le rictus aux lèvres de Rogue présageait le pire... Comme si ma retenue et ses cours de Potions ne suffisaient pas...

Harry jeta quelques coups d'oeil autour de lui pour savoir comment les élèves tenaient leurs armes et se défendaient. Mais au même moment, il eut comme une secousse qui le fit trembler dans tout le corps: Rogue venait de lui cogner le bras gauche. Harry tenta de riposter mais son professeur ne lui en laissa pas le temps, ses minces lèvres se retroussant dans un sourire mauvais, dévoilant ainsi toute l'étendue de ses dents jaunes. Un autre coup à la cuisse provoqua en lui la même sensation.

Légèrement énervé par ses attaques plutôt lâches (Il ne lui enseignait aucune base! Rogue ne gagnait aucun honneur à battre ainsi un ignorant débutant!), Harry se redressa d'un air décidé. Le regard du professeur flamboyait, comme s'il réalisait finalement un fantasme qui l'avait démangé ces cinq dernières années. Il le visa à nouveau, mais cette fois-ci, le jeune homme eut le temps de se baisser pour éviter le bâton. Cependant, il n'osait pas prendre l'offensive. Rogue était tout de même un professeur (bien que largement détesté) et il lui ferait sûrement payer au millième chaque coup porté contre lui pendant ses cours. Harry réévita un autre coup.

_ Nous allons enfin savoir ce que le célèbre Potter a dans le ventre...

Harry brandit son bâton, à la fois hésitant (Rogue est un professeur, Rogue est un professeur...) et résistant à l'envie de se défouler. Rogue n'eut pas la même pitié. Il enchaîna deux coups, cherchant à le faire réagir plus violemment pour un vrai duel. Les mouvements de défense du jeune sorcier se firent plus rapides, prévoyants les attaques. En revanche, il ne tentait pas de l'atteindre, au plus grand bonheur de son adversaire.

Je peux, si vous le souhaitez, être celui de Potter, et lui montrer ainsi... les bases de cet art. Les bases de cet art..., se répéta-t-il mentalement en serrant les dents. Rogue ne lui apprenait rien, il l'attaquait purement et simplement. Les armes s'entrechoquèrent mais la force du professeur l'emporta, repoussant brutalement le jeune homme qui manqua de tomber. Rogue visa droit sur l'estomac, le bâton pointant vers l'avant. Harry le fit dévier d'un coup brutal et esquiva le prompt retour vers la tête.

Le jeune sorcier était ébahi de voir à quel point il était égal à Rogue que des lois interdisent qu'un professeur batte physiquement un élève: il ne se freinait nullement dans ses actes. Ses coups étaient secs, remplis de revanche et de haine. Rogue tenta de le frapper aux jambes et le jeune sorcier sauta vivement sur place pour ensuite se reconstruire une défense.

Le rythme des chocs était moyen quand on le comparait à ceux des Septième année. L'adolescent commença à s'y habituer: il eut tort. Rogue accéléra soudainement, à la grande surprise de Harry qui fut propulsé au sol dès la troisième tentative d'attaque. Le souffle coupé, il essaya de se relever quand il vit le bâton s'abattre vers sa tête. Il roula sur lui-même, l'évita et se leva brusquement pour une nouvelle rencontre des armes. Son adversaire ne lui laisserait-il donc aucune seconde de répit?!

Harry remarquait à peine le sourire sadique qui s'affichait clairement sur le visage de son professeur. Ses yeux suivaient le moindre mouvement du bâton, tournant, virant de tout côté, s'élevant, pointant, fendant l'air d'une telle vitesse pour lui qui lui était impossible de se focaliser sur autre chose. Nonnonnonnon... Il ne voyait que ce morceau de bois, redoutable, menaçant et... mauvais. Mais Harry n'attaquait pas. L'idée ne l'effleurait même plus, tant il était périlleux d'assurer sa protection seule.

_ Vous vous effondrerez vite, Potter! On n'échappe pas aux coups en volant ailleurs!

Harry, la respiration qui s'accélérait, ne songea pas à lui répondre. Mais les regards furieux, bien que dirigés vers l'arme, n'en disaient pas moins. Ils se plia, la sentit passer à ras au-dessus de lui puis lui refit face, elle, revenant à quelques centimètres de son visage. Le temps n'était plus aux surprises. Il évitait coup sur coup, en recevait d'autres, n'en comprenant pas l'origine, reculait, s'avançait et rentra inconsciemment, sans prévenir, dans George qui se battait à l'arrière.

_ Pardon!, s'excusa Harry en continuant à brandir son bâton comme un bouclier de la pluie incessante des secousses.

Il n'entendit que d'une oreille la réponse de son camarade, si réponse il avait donné. Il para un nouveau coup, en détourna un autre, contra un troisième, manqua de contourner un quatrième...

Les Tchocus, reçus fréquemment, faisaient à présent trembler son corps en permanence. Harry percevait en outre très bien sa respiration saccadée. N'y avait-il que lui qui semblait s'essouffler?

Il prévint un abattement direct de l'arme sur sa nuque et tourna sur la gauche pour se trouver subitement face à Rogue d'une vingtaine de centimètres tout au plus. Eurk... Son visage, vu de près, était plus repoussant que jamais. Une fois de plus, sa surprise fut punie par un envoi terrible au tapis. Au-dessus de lui, il aperçut l'espace d'une seconde le visage compatissant d'un des deux jumeaux, impuissant face à son sort.

_ Vous avez cherché à fuir, Potter!

Ce-n'est-pas-vrai!..., pensa Harry avec force.

_ Ne seriez-vous donc capable que de cela?, le provoqua Rogue.

Le sous-entendu de son évasion d'Azkaban eut l'effet d'une bombe sur Harry. Ces phrases vibrèrent durement à ses oreilles. Je ne suis pas un lâche..., se convint-il en serrant les dents.

Il se releva vivement, braqua son arme et visa l'estomac de Rogue. Celui-ci l'évita, non après un léger étonnement mêlé de satisfaction quant à la réaction agressive du jeune sorcier, et lui donna un coup imprévisible qui fit tomber brutalement Harry au sol dans un bruit sourd. Ce dernier se sentit alors profondément humilié.

_ Debout, Potter! Et recommencez!

La haine croissant peu à peu en lui, Harry réprima un rugissement de lion qui s'efforcer de surgir hors de sa bouche, et se remit debout, encore et toujours.

Les chocs bâton contre bâton devinrent franchement violents, et Harry eut quelques audaces qui lui valurent un rapprochement intime avec les matelas. Il cherchait des stratégies, des solutions, des coups originaux qui pourraient prendre Rogue au dépourvu, mais rien ne semblait avoir raison du professeur... Il n'entendait plus que les bruits que provoquaient leurs propres frappements, ceux des autres élèves lui apparaissaient comme infiniment lointains, et tellement moins agressifs...

Le manche de son adversaire tapa brusquement les doigts du jeune sorcier qui refermaient la sienne. Sa mâchoire se crispa, plus sous le coup de la colère que de la douleur.

_ Les coups fatals visent parfois les parties les plus inattendues... (Harry ouvrit sa main droite juste avant que les deux bâtons ne s'écrasent encore l'un contre l'autre, là où ses doigts étaient...) Et ne sont pas toujours ceux que nous pensons (Harry reçut un coup dans le creux de l'épaule alors que Rogue avait seulement relevé son arme). Il serait temps de fournir plus d'ardeur et de vigilance dans vos gestes, Potter! Une peau de banane vous mettrait au tapis...

Le regard du jeune sorcier lança des éclairs au professeur et bloqua sa nouvelle attaque, ses yeux dardant les siens avec rage. Au fond de la salle, il perçut avec envie "Baissez, attention... Bloquez... Maintenant reprenez": Pourquoi... pourquoi... fallait-il que Rogue soit venu? L'aimait-il vraiment (Ah!, pensa-t-il sarcastiquement) au point de passer quelques heures supplémentaires avec lui?

Une voix intérieure répondit: il n'accorde d'importance qu'à sa vengeance...

_ Réfléchissez, Potter! Vos mouvements sont trop impulsifs!, reprit son professeur. Ah, vous êtes bien une copie conforme de votre père! Sur un balai, on fait le fier, mais sur terre, le cerveau ne commande plus rien!

Là, c'en était trop. Dans un élan féroce, Harry fonça sans attendre, enchaîna quatre mouvements offensifs, la colère décuplant ses forces et accélérant le rythme en crescendo. Il atteignit le ventre de Rogue au cinquième qui en eut le souffle coupé. Le jeune sorcier ne s'arrêta pas. La copie conforme de James Potter voulait remettre en place le type aux cheveux gras. Harry visa le torse avec pour objectif seul de transformer son adversaire en brochette mais Rogue récupéra vite et répondit des initiatives de l'adolescent en ne tardant pas à le balancer de nouveau au tapis.

Le nez aplati contre le matelas, un cri de fureur s'efforçant de surgir, Harry ferma les yeux pour se reprendre. Son souffle, répercuté au sol, lui chauffait son visage déjà rouge, et un battement rapide et continu percutait incessamment ses tempes. Sa poitrine, s'obligeant à se gonfler régulièrement d'une grande arrivée d'air, était comprimée sous son corps, abandonné momentanément de forces.

Terrassé, Harry comprit. Il ne remporterait pas de victoire aujourd'hui. Peut-être pas à la prochaine séance, ni même un jour lointain.

Sa détermination, sa rage et son envie de rabattre le caquet de Rogue ne suffiraient pas. Malgré tout, il serait incessamment rabaissé et probablement vaincu, encore et encore. Il accepterait donc cette fatalité.

En revanche, il n'abandonnerait pas pour autant sa lutte acharnée dans le combat perdu d'avance. Non. Il donnerait le meilleur de lui-même, quitte à y laisser sa peau (façon de parler).

C'est dans cet esprit qu'il reprit le duel, avec pour seul objectif: le défoulement.





_ Harry!, s'exclama Hermione à l'entrée du jeune sorcier dans la salle commune.

Ron ouvrit de grands yeux à la vue de son ami qui, la démarche claudicante, s'avançait vers un fauteuil pour s'y écrouler, exténué.

_ Mais... Mais qu'est-ce que vous avez fait pour être dans un état pareil?!

Le jeune sorcier tenta de reprendre un peu de son souffle (il était parti le plus vite possible du cours, à moitié mort), se laissant aller à la douceur du dossier et reposant ses membres douloureux. Ses pieds, à défaut d'avoir combattu Rogue durant deux heures, étaient en feu. C'était sûr, des ampoules étaient en vue...

Ses deux amis s'inquiétèrent. Mon dieu que ce fauteuil est agréable...

_ Rogue m'a organisé un petit duel improvisé avec des bâtons, souffla-t-il en fermant les yeux, appréciant son confort, la tête contre un coussin.

Hermione plaqua sa main devant la bouche, imaginant le pire. Seamus, qui était également là, s'approcha, l'air ébahi.

_ Rogue... t'a affronté?, demanda-t-il, effaré.

Le jeune sorcier acquiesça silencieusement.

_ Et... Qui a gagné?, continua Seamus.

Harry ouvrit des yeux ronds comme des soucoupes, stupéfait par ses paroles. Il redressa vivement la tête.

_ Qui a gagn... Rogue, bien sûr! Quelle question!, s'insurgea-t-il. Il m'a envoyé au tapis une bonne quarantaine de fois! Et pourtant, c'est pas faute d'avoir essayé de lui rendre la pareille!

Ses camarades furent muets de surprise. Hermione en oublia de tenir son livre sur Les créatures maléfiques qui tomba sur le sol dans un bruit sourd. Puis, Ron osa parler.

_ Tu... Tu lui en as donné, toi, des coups?, demanda-t-il, un petit sourire sadique naissant.

_ Quelques-uns..., grogna Harry, mais c'était rien à côté de ce qu'il m'a mis!

Ron fut totalement indifférent à la mauvaise humeur de son ami. Son visage semblait aux anges. Hermione semblait inquiète.

_ Rogue a reçu des coups..., murmura-t-il, émerveillé.

Harry fut tellement étonné par sa réaction qu'il en oublia sa colère. Seamus avait l'air de partager les sentiments de Ron.

_ Et, où ça?, questionna-t-il d'une voix timide.

_ Ben euh..., fit Harry pris au dépourvu, un à l'estomac...

_ Ouh! Ca a du faire mal!, dit Ron, enchanté.

_ ... un à la tête...

_ Ouh là là!, continua son ami, faussement compatissant.

_ ... un dans la nuque, je crois...

_ Aïe!, fit Ron en mimant d'en avoir reçu un.

_ ... dans le creux des genoux..., continuait Harry qui ne voyait tout de même que ses propres coups.

_ Oh, ça, c'est bien!, poursuivit le garçon roux.

_ ... et puis... Mais c'est moi qui ait été battu!, s'emporta soudainement Harry qui voulait faire comprendre à Ron que la victoire n'était pas à celui qu'il croyait.

_ Oui, et tu vas être torturé en douceur pour les quelques coups qu'il a reçu, assura Seamus, en hochant lentement la tête.

_ Merci Seamus, ton soutien m'aide énormément, dit Harry, l'air résigné.

_ Rogue devait être impitoyable avec toi, commenta Hermione, imaginant le duel passé.

Le jeune sorcier expira profondément.

_ Je ne souhaite qu'une chose, déclara fermement Harry. Qu'il ne prenne pas ces visites à Infly pour des habitudes!

_ S'il reste, il va te massacrer, soutint Ron.

Les Gryffondor se turent soudainement. Une pensée commune leur avait traversé l'esprit: Rogue se ferait une joie de démolir Harry au moins une fois par semaine: le professeur reviendrait.

_ Je suis mort, murmura Harry.





Les articulations toujours un peu sensibles, Harry se rendit le jeudi matin en cours de Soins aux Créatures Magiques. Hagrid, contrairement à son habitude, ne les attendait pas devant sa cabane mais à quelques mètres du lac. Le jeune sorcier espéra que la leçon ne consisterait pas à prendre soin de Strangulots ou autres créatures répugnantes qu'on aurait plutôt tendance à classer parmi les animaux maléfiques à combattre en cours de Défense contre les Forces du Mal. Cependant, avec Hagrid, le pire était à craindre...

_ Il n'y a aucune caisse grouillante de bestioles en vue, c'est toujours ça, dit Ron d'un air toutefois méfiant.

_ Bonjour Hagrid, fit Hermione, joyeuse, en approchant le garde-chasse.

_ Bonjour à tous!, répondit-il, heureux de leur offrir une surprise prochaine. Placez-vous à quelques mètres du bord, vous allez voir!

La majorité des élèves, contrairement aux recommandations, eut un pas de recul, les yeux plissés sous la méfiance. Hagrid souffla dans un sifflet d'où retentit une note suraiguë semblable au bruit d'une craie grinçant sur un tableau d'école. Le jeune sorcier se couvrit aussitôt les oreilles des deux mains en serrant les dents, de même que tous ses autres camarades. Hagrid s'arrêta et les élèves furent témoins d'un grand remous au milieu du lac. Le spectacle s'avérait flou, le brouillard matinal le cachant.

_ Dissipo, murmura Hermione, imitée par les autres.

Le paysage se dégagea, laissant découvrir une eau de plus en plus agitée. Des petites vagues se formèrent et s'écrasèrent près de la classe. Ron, qui s'était approché, emporté par sa curiosité, sauta subitement en arrière, une vague plus forte que les autres trempant ses pieds.

_ Oh non..., maugréa-t-il dans une grimace.

Puis, surgirent brusquement hors du lac, droits et gigantesques, d'immenses tentacules roses gris, sous les exclamations de surprise des Cinquième année. Les yeux levés vers le ciel, ils les virent tomber entre eux dans un grand fracas, couvrant les cris aigus de frayeur de Parvati et Lavande.

Harry aurait juré que le sol avait tremblé jusqu'au château. Les "pattes" du calmar géant s'étaient posés à côté d'eux, sans révéler pour autant entièrement la créature marine, dont la tête demeurait sous l'eau. Le jeune sorcier s'approcha prudemment de l'une d'elle: elle semblait respirer et était réellement impressionnante. D'une hauteur égale à Harry, les parties émergées faisaient près de cinq mètres de longueur. Jamais il n'aurait cru qu'elles étaient aussi imposantes (l'an passé, elles sortaient parfois un peu pour s'approprier des restes de nourriture que les élèves lançaient dans le lac). Les ventouses émirent de petits couinements sonores en épousant les aspérités du sol.

Lavande recula encore en fronçant du nez, gênée par l'odeur de poisson envahissante que dégageait la créature.

_ Prenez ceci sur vous, ça protégera vos vêtements, commanda Hagrid de sa grosse voix en leur tendant des sortes de sacs poubelles troués aux niveaux des têtes et des bras.

Les Serpentard les regardèrent avec dégoût. Des sacs poubelles!

Tout en s'exécutant à la tâche, le garde-chasse reprit sur un ton professoral:

_ L'an passé, vous avez rédigé une dissertation de Mme Gobe-Planche sur les capacités et caractéristiques de ce magnifique animal. Aujourd'hui, nous les rappellerons et verrons plus particulièrement comment le rendre euh... en forme en cas d'attaque. Quelqu'un aurait-il une idée de la manière dont nous nous y prendrons?

Hermione, fidèle à son habitude, leva la main, à la plus grande exaspération des Serpentard.

_ Hermione?

_ Nous recueillerons la substance sécrétée massivement par les pores ("pores?", pensa Harry, "Un calmar a des pores?") des tentacules qui sert d'engrais aux bubobulbs.

_ Voilà pourquoi ces plantes sont si visqueuses, chuchota Ron à Harry.

_ De plus, poursuivit la jeune fille, elle agit comme de la colle: débarrassé d'elle, le calmar est plus libre de ses mouvements et récupère ainsi la totalité de ses capacités d'attaque, finit-elle, rayonnante.

_ Une colle qui le gênerait dans l'eau?!, murmura Ron en ne lâchant pas des yeux le tentacule le plus proche.

Celui-ci eut l'air de soupirer en se gonflant. Décidément, ils semblaient être dotés d'une personnalité individuelle bien qu'ils soient tous reliés à une même tête.

_ Très bien, cinq points pour Gryffondor, continua Hagrid sous les grognements des Serpentard.

Malefoy s'approcha enfin d'un tentacule.

_ Vous voulez dire qu'on va devoir gratter cette répugnante bestiole?, s'indigna-t-il en regardant le professeur de travers.

_ Oui, Mr Malefoy, répondit fermement Hagrid. Et ce "grattage" nécessitera une méthode des plus subtiles. Emparez-vous de ce matériel (il désigna des sortes de brosses et des gros seaux) et placez-vous près du calmar que je vous explique.

Harry se munit d'une brosse et d'un seau et revint près de l'eau, écoutant les conseils du professeur. Lavande avait toujours beaucoup de mal à s'approcher de la créature à moins de deux mètres mais Seamus semblait vouloir l'aider à vaincre ses craintes. Astrarie et Rose essayaient d'apercevoir la tête de l'animal, le cou tendu, penchées au-dessus du lac.

_ Attention, prévint Hagrid, le calmar est très chatouilleux. Il risque de vous effrayer avec de brusques agissements mais il ne vous fera aucun mal.

En effet, les élèves constatèrent avec surprise des tremblements du mollusque dès les premiers frottements accompagnés de "Hi, hi, hi!" dont on ignorait l'origine, sinon qu'ils semblaient provenir de l'intérieur de la peau.

Lavande fut alors vite convaincue par la tâche, d'un premier abord ennuyant, mais qui se révélait plaisante. Les petits rires du calmar étaient communicatifs. Bientôt, la plupart des Gryffondor riaient à leur tour en réponse à l'animal.

Harry frottait tranquillement, se défiant de faire éclater de rire l'animal en cherchant ses points sensibles, quand il se sentit soudainement élevé dans les airs, son corps prisonnier d'un deuxième tentacule qui l'amenait au-dessus du premier. Les ventouses de l'animal lui collaient la peau, lui interdisant ainsi la moindre chance de glisser hors de lui.

_ Harry..., murmura Ron, deux mètres en dessous de lui.

_ Ne paniquez pas, c'est normal!, rassura Hagrid en efforçant Parvati à rester calme.

Celle-ci poussait des petits cris de frayeur et avait le visage livide de peur et de répulsion. Lavande plaquait sa main devant la bouche en voyant son amie emportée elle aussi.

Soudain, le calmar lâcha brusquement Harry sur le premier tentacule, qui retomba comme sur un matelas mou rempli d'eau. Ses mains, dans la chute, s'étaient enfoncées dans le liquide collant de la peau. Il les dégagea, la substance dégoulinant lentement de ses doigts. Il tenta de se redresser tant bien que mal et garder l'équilibre.

_ Bien, fit Hagrid en essayant d'avoir la situation sous contrôle. Parvati, Harry et Vincent, restez calme. Le calmar veut simplement que vous lui frottiez le dessus des tentacules, vous avez du lui plaire, expliqua-t-il, un sourire en coin. Les autres, tendez-leur une grande brosse et reprenez.

Sur ce, les Cinquième année obéirent. Crabbe versa maladroitement du liquide sur le sac de Malefoy. Pour ce dernier, cela sembla comme la goutte d'eau qui faisait déborder le vase.

_ Je ne vois vraiment pas ce que cette bestiole peut nous apporter! En plus de sentir mauvais, elle nous commande de la chatouiller! C'est vraiment... inutile et c'est, c'est le travail des moins que rien!, s'insurgea-t-il en balançant sa brosse contre le calmar, révolté.

Harry se tourna vers Hagrid pour voir sa réaction et fut étonné: il souriait. Il n'eut pas le temps de comprendre pourquoi que les remous du lac reprirent, les tentacules remuant légèrement. Le jeune sorcier s'accrocha autant qu'il put pour ne pas glisser.

De l'eau, une immense forme surgit, semblable à un ballon de montgolfière usé et couvert de végétaux marins. Avant même qu'elle ne soit entièrement visible (on n'observait seulement comme une sorte de poche géante flottant à la surface, l'oeil globuleux de la créature encore dissimulé par les vagues), un énorme jet d'encre noire fut propulsé de ce qui était probablement la tête du calmar et se dirigea droit sur Malefoy qui en fut totalement aspergé. Presque aussitôt, la créature revint sous le lac. Les Gryffondor, d'abord surpris, éclatèrent de rire face à la punition originale du Serpentard. Le calmar avait une bonne dose d'humour! Ceux de sa maison, exceptée Pansy Parkinson qui courut vers la "victime" dans un ultime secours, furent trop éberlués pour réagir.

_ Ceci était une brillante démonstration de ce qui arrive quand nous... l'attaquons légèrement. Imaginez donc ce qui pourrait se produire en cas de véritable offensive, Mr Malefoy, dit Hagrid d'un ton triomphal.

Malefoy arracha rageusement son sac poubelle couvert d'une matière semblable à du pétrole et se mit à se nettoyer en lançant des regards féroces au garde-chasse. Pansy ne manquait pas de lui demander "Ca va, Drago?" sans pour autant toucher l'encre noire. Le Serpentard ne répondait pas.

_ En rentrant, prenez une bonne douche et tout partira pour le mieux, finit Hagrid en revenant aider d'autres élèves, plus loin.

Harry reprit sa brosse et entreprit de nettoyer le calmar. Cependant, son sourire ne s'effaçait pas de son visage. La scène avait réellement été appréciable...

_ Décidément, Malefoy n'a pas de chances avec les animaux susceptibles, déclara Ron d'en bas, avec lui aussi un grand sourire sur le visage.

_ S'il veut travailler au ministère, il remplacera certainement Macnair, commenta Harry en l'imaginant prendre sa revanche sur des créatures maléfiques. Ils emploient beaucoup de mages noirs, là-bas. Et, à la tenue de Malefoy, je ne doute pas un seul instant qu'il sera pris. Plus noir que lui, ils ne trouveront personne...

Ses amis éclatèrent de rire et Harry sentit un morceau semblable à du pétrole lui frôler la joue.

_ Le mage noir n'est pas celui qu'on croit, lança subitement Malefoy d'un regard mauvais.

Il venait de rater Harry d'une belle bouse arrachée à son sac. Sa phrase attira soudainement quelques regards de tout côté. Harry tenta de cacher son étonnement, ignorant totalement le sous-entendu du propos mais comprenant très bien qu'elle faisait office d'une rumeur, à en croire la réaction de ses camarades qui tendaient l'oreille pour obtenir peut-être quelque scoop. Malefoy, devant l'air perdu du jeune Gryffondor, sourit enfin, reprenant de l'assurance malgré son état.

_ L'évadé d'Azkaban l'ignorait donc, constata-t-il.

Harry se tourna vers ses amis, à la recherche d'un indice quelconque. Le visage d'Hermione indiquait qu'elle ne savait rien mais elle semblait aussi se frapper mentalement. C'était elle qui les informait habituellement des articles de la Gazette, si les problèmes venaient de là. Elle devait avoir fait une impasse sur celle du jour...

_ Tu pourrais nous dire, Potter, comment un sorcier aussi pitoyable que toi a échappé de cette prison?, reprit Malefoy avec mépris. Parce qu'à l'heure qu'il est, tous les gens du pays pensent qu'il est très probable que le Survivant, fit-il sur un ton ironique, a utilisé des anciennes méthodes de magie noire pour s'évader, termina-t-il en savourant l'effet de ses paroles sur le jeune sorcier.

Harry ouvrit des yeux ronds. Lui, un mage noir? Goyle, derrière Malefoy, ricanait. Le Gryffondor se tourna une fois de plus vers ses amis, abasourdis. Bien qu'il ne leur ai pas dit comment il s'y était pris pour s'échapper d'Azkaban, ils étaient convaincus de l'absurdité de ces propos. A la grande déception du garçon blond, Harry ne s'énerva pas et répondit:

_ Non, tu ne le sauras pas, dit-il fermement.

Maintenant, beaucoup d'élèves écoutaient attentivement l'échange. Parvati ne semblait pas se rendre compte que la peau du calmar se pelait légèrement à force de frotter machinalement au même endroit, ses yeux fixés vers eux. Pourvu que le mollusque ne réagisse pas brutalement...

Le sourire de Malefoy s'élargit.

_ Ton silence équivaut à une affirmation, Potter. Tu ne dis rien, les gens interprètent facilement. Tu t'expliques, personne ne peut te soupçonner.

_ Me soupçonner de quoi?!, s'agaça Harry. D'avoir survécu?!

Les paroles du Serpentard ressemblaient à du chantage. Des Gryffondor ne purent réprimer un sourire à la réplique de Harry.

_ Te soupçonner de nous mener en bateau, Potter! Tu pourrais utiliser la magie noire dans notre dos à tous et personne ne le saurait! Comment veux-tu que nous nous défendions contre ces pratiques!

_ Comme si tu étais menacé..., grogna Harry.

_ Et puis si ça se trouve..., continua Malefoy sans prêter attention à la remarque du jeune sorcier, tu pourrais très bien être de SON côté que je sache!

Harry manqua de s'étrangler sous le coup de la surprise. Les élèves, témoins de la scène, réagirent de même. Malefoy inventait n'importe quoi, surtout quand on savait que son propre père connaissait assez Harry pour lui dire que ce dernier n'avait rien à voir avec les forces obscures.

_ Du côté de qui?! Voldemort?!

Une vague de frissons parcourut la classe. Malefoy eut une grimace à l'entente du nom. La colère bouillait dans le corps du jeune sorcier.

_ Malefoy!, éclata le jeune sorcier en crachant son nom comme une insulte. Mes parents sont morts à cause de lui!

Un soudain silence s'abattit sur les élèves. L'évidence de sa justification frappait au visage et effaçait tout doute quant à une possibilité de ralliement: la haine du jeune sorcier envers Voldemort était trop flagrante.

_ Je ne sais pas à quoi tu joues, Malefoy, reprit férocement Harry. Tu sais très bien que je ne serai jamais un mage noir, lui lança-t-il d'un regard significatif (il avait des connaissances...). Si tu souhaites quelques rumeurs sur moi dans l'école, libre à toi. Je connais la vérité et c'est tout ce qui m'importe.

Il reprit fermement sa brosse et s'activa rageusement sur le tentacule.

_ Mais je te rappelle que dans le cas où tu déciderais de continuer à t'en prendre à moi, il se pourrait très bien que des rumeurs concernant ta famille _ véritablement fondées cette fois-ci _ échappent malencontreusement de ma bouche, le menaça-t-il en lui faisant comprendre que la relation Malefoy Senior-mangemort était prêt de faire le tour de l'école.

Malefoy eut le teint encore plus pâle que d'habitude pour ensuite rosir de rage contenue. Les autres élèves suivaient attentivement l'échange du duel des regards et comprenaient que quelque chose d'important et secret venait d'entrer en jeu. Les "hi, hi, hi!" du calmar contrastaient très étrangement avec l'atmosphère pesante.

Le visage de Harry ne se déridait pas. Un an plus tôt, il ne serait jamais allé jusqu'à le menacer aussi sérieusement mais aujourd'hui, il savait que Malefoy avait pour objectif de devenir un mangemort dont la principale cible était lui. Il ne lui accordait donc plus aucune pitié. Si avant, leurs histoires pouvaient être assimilées à des batailles puériles et enfantines, elles devenaient au fil du temps mortellement dangereuses.

Finalement, Malefoy poursuivit, les regards de ses camarades posés sur lui (il se devait de répondre, il était un Serpentard...):

_ Tu ne pourras pas toujours t'en sortir, Potter. Maintenant que Tu-Sais-Qui est revenu, il ne te lâchera pas, dit-il en simple constatation.

_ Alors autant profiter du temps qu'il me reste pour fréquenter des gens respectables, dit Harry pour toute réponse.

Le silence de leurs camarades se fit extrêmement lourd. Rares étaient les rires des tentacules. La plupart avaient arrêté de travailler. Malefoy dévisagea Harry d'un air incrédule: ce dernier venait de répondre à l'insulte sur la "racaille" dans le train, en Juin dernier, et lui avait fait sévèrement comprendre qu'il ne poursuivrait plus la discussion avec lui. Le garçon blond ne revenait pas de la philosophie de vie qu'avait adopté Harry, semblait-il. Ahuri par le mode de penser du jeune sorcier, Malefoy retourna du côté des Serpentard, non après lui avoir murmuré:

_ Tu es fou.





_ Harry?, fit Hermione d'une toute petite voix.

Harry sortit subitement de ses songes. Il observait un groupe de Septième année de Serdaigle, assis à une autre table ronde de la bibliothèque. Ceux-ci lui avaient jeté quelques regards à la dérobée. Le jeune sorcier n'y aurait jamais fait attention, ne serait-ce que la veille, seulement, maintenant, il en comprenait toutes les émotions qui s'y lisaient: la crainte n'était pas le seul sentiment qu'ils éprouvaient; un grand dégoût envers lui se faisait également pleinement ressentir.

Ainsi donc un article était paru, certainement rédigé par la petite soeur ou le petit frère de Rita Skeeter, qui traçait de lui le portrait d'un mage noir. Les journalistes n'avaient pas mis longtemps pour se rendre compte où était leur véritable intérêt dans cette histoire d'incarcération. Heureusement pour lui, tous les élèves de Poudlard ne réagissaient pas de manière aussi extrême avec lui. Et dire qu'il pensait que le fait qu'il se soit évadé d'Azkaban suffirait à alimenter les ragots...

_ Quoi?, fit-il d'un air absent.

Ron et Hermione se regardèrent, inquiets.

_ Nous venons de le lire... l'article, fit Ron dans un murmure.

_ Tu veux?, proposa Hermione en lui tendant aimablement le journal, bien qu'elle ne fut pas certaine que ce soit une bonne idée que Harry y jette un coup d'oeil.

Dans sa lecture, la jeune fille s'était maudite à voix basse de ne pas y avoir porté d'attention plus tôt. Apparemment, de jeunes Serpentard l'avait occupé le matin même: la préfète avait enlevé quelques points à leur maison pour espionnage de la Grosse Dame. Ils voulaient obtenir le mot de passe...

_ Non, je ne préfère pas, répondit gentiment Harry en reportant son regard sur son ouvrage, relisant certains passages, par ci par là. Je pense que Malefoy me l'a assez bien résumé comme ça.

Dean, assis à côté d'eux, releva la tête. Il tentait d'introduire une maquette miniature de balai volant à l'intérieur d'une photo pour le journal, à coups de sortilèges.

_ Ca va continuer, dit Ron, pessimiste. Rita Skeeter n'était qu'un scarabée au milieu d'une véritable colonie...

_ Ils ne seront jamais aussi blessants qu'elle, soutint Hermione, en rangeant quelques affaires dans son sac.

Son devoir de Potions était enfin terminé. Le jeune sorcier, quant à lui, évitait les leçons de cette matière pour l'instant. Il venait de sortir de sa retenue avec Rogue et oubliait tout ce qui avait attrait à lui. Etonnamment, il ne s'était pas acharné sur lui, contrairement à ses habitudes, et lui avait commandé d'astiquer les écussons de la salle des trophées, faute de chaudrons à récurer à cette heure-là. Harry s'était dit que peut-être, il s'était assez défoulé sur lui en cours de Combat avec Armes Magiques.

Ron plia la gazette en soupirant, presque lassé, et la rangea. Il jeta un regard discret vers Harry, comme s'il tentait de l'analyser. Harry, lui, simula une lecture attentive. Il savait que ses amis mouraient d'envie de tout connaître sur ses rencontres avec Voldemort, mais contrairement à ses problèmes liés aux tâches des Trois Sorciers, sa réaction aux Détraqueurs en troisième année, le rejet des autres auquel il avait du faire face en deuxième année, cette fois-ci, il ne souhaitait pas se confier. Ses "entretiens" avec Voldemort étaient bien trop personnels pour leur être dévoilés. Tout comme il ne leur avait jamais dit que Voldemort et lui se ressemblaient étrangement, il tenait à garder jalousement les secrets de sa famille, ce qu'il avait appris sur elle "grâce" à leur meurtrier, car leur histoire était aussi et surtout son histoire. Heureusement pour lui, Hermione et Ron avaient appris à garder un silence respectueux depuis Juin dernier...

_ Oh, oh, fit Parvati, à quelques places d'eux. Rangez tout, Binns est là.

Ils étaient tous en train d'étudier à la même table ronde en attendant que le professeur arrive, donnant les directives pour les recherches sur les fondateurs de Poudlard. Les élèves sortirent donc leurs affaires d'histoire pendant que le professeur leur dictait des conseils de sa voix assommante.

_ Et moi qui croyait qu'il ne connaissait pas d'autre chemin que celui de ses appartements à ses classes, grogna Ron qui avait espéré que Binns ne viendrait pas.

Les Cinquième année avaient en effet pour la première fois cours d'histoire dans une salle de la bibliothèque. Harry ferma son ouvrage, à la fois frustré et satisfait. Il l'avait emprunté pour effectuer quelques recherches sur les étranges créatures d'Azkaban et avait finalement découvert ce qu'elles étaient: inoffensives. Malgré leur aspect féroce et leurs crocs acérés, le livre avait expliqué qu'elles se nourrissaient exclusivement de petits animaux. Elles n'attaquaient jamais d'êtres humains. Ce fait avait fait froncer les sourcils de Harry. Pourquoi Voldemort se serait-il encombré de bestioles de toute évidence inutiles dans des projets meurtriers?

Il partit dans les rayonnages de la bibliothèque, songeant qu'il ne trouverait pas de réponse à ses interrogations aujourd'hui et se pencha sur le thème du cours. Ses camarades et lui devaient ramener le plus de livres concernant Godric Gryffondor sur la table. Une fois qu'ils auraient une idée de la quantité d'informations qu'ils pouvaient retirer des étagères, ils s'organiseraient certainement en plusieurs groupes, chacun fixé sur un sujet plus spécifique.

Harry, le dos cambré sous le poids de grimoires anciens, revint enfin vers sa table après un quart d'heure d'intenses investigations et y laissa tomber une pile de livres dans un nuage de poussière. Hermione relisait L'Histoire de Poudlard pour être certaine de ne pas avoir manqué quelque chose concernant Gryffondor et Ron fronçait les sourcils de concentration devant un texte écrit en minuscules caractères. Parvati et Lavande étaient toujours entre les étagères, mais le jeune homme savait qu'elles demeureraient là-bas pour le reste du cours: elles essayaient de rentrer en transe, selon les conseils de Trelawney, bien cachées de Binns.

Dean, lui, cachait sa photo sous la table et continuait de l'arranger, le balai, pas assez penché à son goût.

_ Tu devrais le dessiner, Dean, lui conseilla Harry dans un murmure en regagnant sa place. Ca te prendrait moins de temps.

_ Non..., répondit le garçon. Un balai miniature, c'est beaucoup plus réel, bien que ça reste encore un trucage de photographie.

_ Pourquoi tu fais ça?, demanda curieusement le jeune homme.

_ Je m'exerce pour le Hibou Déchaîné, dit-il en guise d'explication. Samedi, Colin Crivey doit prendre des photos pour les sélections de Quidditch. Mais je préfère prévenir, au cas où elles seraient ratées...

_ Tu veux dire que tu fabriques des images truquées à partir de véritables objets que tu insères à l'intérieur?

Dean hocha la tête en signe d'acquiescement.

_ Ma mère m'a appris à le faire. Elle est très douée pour ça. Tous les ans, elle s'invente de nouvelles vacances dans des pays étrangers en montrant aux voisins des photos où elle a ajouté des tas de petits artifices miniatures rappelant le bord de mer... Elle le fait aussi pour les cadres.

Le fantôme passa près d'eux et Dean cacha son "travail". Harry fit semblant de lire les titres de ses ouvrages en choisissant l'un d'eux. Astrarie prit place à droite d'Hermione.

_ C'est pas gagné, soupira-t-elle. Tous les livres que j'ai pu prendre ont un très léger rapport avec Godric Gryffondor.

_ Pareil pour moi, répondit Ron.

Harry approuva de la tête. Tout comme les autres, il se mit à feuilleter des pages en les lisant en diagonale. De temps en temps, il percevait un soupir désespéré de l'un d'entre eux. Il était vrai que trouver des renseignements sur leur époque et plus particulièrement sur les fondateurs s'avérait un tâche laborieuse. Les documents vraiment utiles étaient rares.

Vingt minutes plus tard...

_ J'ai quelque chose sur les quatre fondateurs, annonça Seamus dont le regard explicitait clairement un "enfin!".

Tous les regards se tournèrent brusquement vers lui, éveillés. Le jeune homme se relut silencieusement les quelques lignes où il pensait obtenir une information intéressante, pour être sûr de lui, quand ses yeux semblèrent s'éteindre.

_ Ah non..., fit-il tout penaud.

Ses camarades se raffaissèrent dans leurs sièges, comme abattus, et Milia eut un gros soupir. Harry se pencha de nouveau sur un ouvrage où rien ne semblait avoir un lien sérieux avec leur sujet.

_ C'est quand même incroyable qu'on n'ait presque rien sur eux!, se révolta Rose en claquant un deuxième livre alors qu'elle se saisissait d'un troisième. On est à Poudlard, quand même!

Mais sa rébellion passagère ne fit rien pour faire avancer leur études. Le groupe retomba dans le silence, résigné. Les minutes qui suivirent furent interminables pour Harry. Rien _absolument rien_ ne semblait les renseigner. Il pensait sérieusement perdre son temps en lisant des sondages effectués dans le monde sorcier durant le dernier siècle: la presse interviewait les gens pour savoir, d'après eux, qui était l'héritier. Aucun fondement sérieux ne l'éclairait donc sur la question. Et il songea l'espace de quelques secondes à partir en douce vers la bibliothèque de Serdaigle.

Dean avait repris son "travail" de journaliste sous le regard réprobateur d'Hermione qui pensait qu'il fallait consacrer les deux heures à approfondir les recherches; sinon, comment espérer obtenir des informations? Rose avait sorti ses devoirs de Potion pour s'avancer et Harry commençait à se demander s'il n'allait pas passer à autre chose lui aussi. Ron, lui, ne tentait même plus de lire les minuscules caractères de son livre. Caché derrière la couverture, Harry le soupçonnait de s'être endormi (il percevait la respiration lente et régulière qu'il connaissait si bien pour l'avoir entendu chaque nuit, au dortoir...). Astrarie, l'air aussi studieux qu'Hermione, faisait de temps en temps part à voix haute de ses découvertes futiles ou intéressantes, histoire de rompre le silence endormant.

_ Tiens, vous saviez que Gryffondor était l'auteur du sort bloque-transplanage de Poudlard? Il l'a lancé sur l'école après le départ de Serpentard...

Finalement, Harry abandonna: il restait à présent une demi-heure d'histoire, et il décida de se replonger dans l'ouvrage consacré aux créatures maléfiques qu'il lisait avant ce cours. Binns passait et repassait derrière eux mais il ne se rendait compte de rien, toujours coupé de la réalité.

Le jeune homme s'intéressait à présent au passage centré sur les Illusionnistes. Tout comme les Epouvantards, ils prenaient plusieurs formes. Cependant, ils ne dépendaient pas des sorciers qui leur faisaient face mais d'eux uniquement. Ils étaient capables d'en adopter jusqu'à dix au maximum dans leur vie, de l'apparence des êtres humains à celle de petits animaux. Pas très intelligentes et parfois cruelles, elles se nourrissaient en outre de tout: de véritables charognards. Mais leur plus importante particularité était qu'elles maîtrisaient totalement les ondes magiques qui les entouraient. C'était grâce à cela qu'elles repéraient les particularités de chaque espèce magique et les poussaient à préférer se transformer en certaines plutôt qu'en d'autres.

Harry lisait les moyens de défense à employer contre elles en cas d'attaques (plutôt improbables cependant) quand il sentit sa robe se tendre. Il se pencha et vit Patmol la tirer doucement avec ses crocs pour lui demander de le suivre. Le jeune homme lut l'heure (il ne pouvait pas se permettre de s'enfuir en plein cours!) mais au même moment la sonnerie retentit. Neville poussa un grand soupir de soulagement et Ron eut un sursaut: le bruit l'avait réveillé.

Tandis que certains se dirigeaient hors de la salle, reprenant enfin le dynamisme habituel des adolescents, Hermione resta pour entreprendre le reste de ses devoirs. Ron était si bien parti dans sa sieste qu'il referma les yeux.

_ Hermione, je reviens, d'accord?, avertit Harry en laissant ses affaires à sa place.

Son amie acquiesça et le jeune homme suivit discrètement son parrain pour aller... dans un placard. Apparemment, c'était le moyen le plus rapide qu'avait trouvé Sirius pour lui parler à l'abri de tous les regards. Harry pria pour que personne ne les ait vu entrer. Ses agissements pourraient paraître très étranges: on n'apercevait pas tous les jours un adolescent et son chien s'enfermer volontairement dans un placard de la bibliothèque.

Après avoir éclairé leur refuge et s'être assuré que la porte était bien fermée à clef, Sirius reprit forme humaine. Harry ouvrit la bouche pour parler mais son parrain le précéda en tendant une baguette devant lui.

_ Je l'ai, dit-il les yeux étincelants.

Le jeune sorcier lui jeta un regard interrogateur, puis comprit.

_ Tu as récupéré ta baguette?, souffla-t-il dans un murmure.

Sirius acquiesça silencieusement. Il semblait aux anges.

_ Dumbledore me l'a rendue, chuchota-t-il, toujours avec une grande expression de bonheur sur le visage.

C'était la première fois qu'il la tenait depuis quatorze ans. Il la manipulait très précautionneusement, comme s'il avait peur qu'en la serrant davantage, elle ne se réduise en cendres. Harry comprenait son attitude: lui aussi était attaché à la sienne, inexplicablement.

_ Il se trouve que Fudge, l'informa-t-il, par un heureux hasard, a choisi Dumbledore comme nouveau gardien de ma baguette...

Harry ouvrit les yeux de surprise. Fudge n'avait aucune idée de ce qu'il venait de faire.

_ Je vais donc pouvoir te faire quelques petites démonstrations, à partir de demain matin, dit-il avec un grand sourire aux lèvres.

Le jeune sorcier sourit à son tour. Cela lui réchauffait le coeur de voir son parrain aussi heureux. Il méritait plus que quiconque de recevoir un cadeau de temps en temps, aussi futile soit-il.

_ Et il y a autre chose, poursuivit-il. Dumbledore m'a appris qu'il était le destinataire du message de ta mère.

_ Ah?, fit Harry, la curiosité piquée au vif.

Tiens donc... Il n'aurait, en fin de compte, pas besoin d'aller le voir. Mais pourquoi le professeur ne lui avait-il jamais dit?

_ Il t'en parlera demain, renseigna son parrain. Il m'a expliqué ses raisons quant à son silence sur le mot et je t'assure qu'il vaut mieux qu'il te le dise lui-même. Sans parler de ses projets. Si tu n'en avais pas découvert l'existence, il t'en aurait parlé pendant les prochaines vacances.

_ Pendant les prochaines vacances?

_ Oui, tu verras. Il te racontera tout.

Le jeune homme se résigna à attendre bien qu'il eut la brusque envie d'obliger Sirius à tout avouer en le saisissant par le col.

_ Dumbledore me le dira demain..., répéta-t-il en se forçant à rester patient. Quand?

Sirius eut un nouveau sourire, ouvrit la bouche mais resta muet. Des rires proches s'entendaient à l'extérieur du placard. Des filles passaient devant eux. Il attendit que le groupe d'élèves s'éloigne pour reprendre.

_ Ca, je ne te le dirai pas. Dumbledore vient d'apprendre quelque chose qui m'a aussi surpris, j'avoue..., dit-il mystérieusement.

Harry fronça les sourcils. Il ne comprenait absolument rien aux propos de son parrain.

_ Enfin bref, continua Sirius en haussant les épaules. Il te donnera le message de ta mère pendant les prochaines vacances.

Harry commençait vraiment à se demander le pourquoi de cette date et pas une autre, quand il prit conscience, une fraction de seconde plus tard...

_ Il l'a gardé?, demanda-t-il, stupéfait.

Sirius hocha la tête en signe affirmatif. Harry fut franchement étonné: après tout, il s'agissait d'un bout de papier griffonné rapidement... Le jeune sorcier se secoua la tête: toutes ses interrogations commençaient sérieusement à se bousculer.

_ J'ai encore quelques petits détails à te dire, poursuivit son parrain. Je t'ai commandé des habits pour les Sports Moldus au début de la semaine. Tu seras plus à l'aise. Ils sont arrivés et je te les ai posés sur ton lit. Non, ne me remercie pas! C'est normal, s'empressa-t-il de dire en voyant Harry ouvrir la bouche de gratitude. Deuxièmement, continua-t-il afin d'éviter toute gêne de son filleul, je suis désolé, mais ton courrier, ou le peu que tu recevras de l'extérieur, te sera détourné pour passer entre les mains des professeurs avant que tu ne le reçoives toi-même. Cet été, c'était facile d'établir un barrage postier à Poudlard _tu étais le seul élève_, mais maintenant, on ne peut plus bloquer les hiboux. Les élèves doivent continuer à communiquer avec leurs familles. Donc... Hedwige ou toute autre chouette qui te portera une lettre viendra d'abord auprès de nous. Il s'agit d'un sortilège assez complexe, en fait, un détournement d'identité qui embrouille les volatiles. Flitwick a enfin terminé et s'occupera de vérifier ton courrier. Si quelqu'un a tenté de t'écrire cette semaine, sa lettre lui est revenue. On ne veut pas risquer que l'une d'entre elles soit un portoloin ou piégée d'une quelconque manière, finit-il d'un ton grave.

_ D'accord, dit simplement Harry.

Sirius regarda un moment Harry. Cette semaine avait été plus que chargée pour lui. Reprenant un air paternel, il lui dit:

_ Alors, comment ça s'est passé aujourd'hui?

_ Oh, je te raconterai tout demain matin. Il y a bien trop de choses..., sourit mystérieusement Harry.

_ Vraiment?, fit Sirius, sceptique.

_ Entre le calmar géant, Malefoy déguisé en mag...

_ D'accord, d'accord!, rit doucement son parrain. Je préfère me garder ses surprises pour le matin. Ca me réveillera...

_ Je doute trouver un jour une anecdote assez exceptionnelle pour te sortir de ton sommeil, le taquina Harry.

Sirius sourit en annulant le sortilège de blocage sur la porte. Mieux valait rester ici le moins longtemps possible...

_ Tu te risques au jeu, Harry. J'ai ma baguette à présent. Nous verrons lequel d'entre nous sera le plus vif, demain, finit-il dans un clin d'oeil.

Il poussa légèrement la porte.

_ Tu passes devant et je te suis?