CHAPITRE 10: Magie Noire.


Flavius Belby (1671-1691): parents inconnus, déposé à l'orphelinat de St Cromer dès son plus jeune âge où il vécut jusqu'à ses onze ans et poursuivit son éducation à Poudlard.

Harry posa sa plume. Il soupira. Aucun fichier des archives ne donnait le moindre indice sur l'identité de ses géniteurs. Et Flavius Belby était le dernier ascendant de sa famille que le jeune homme avait réussi à identifier. Harry avait passé en revue chaque page de données, en vain. Il était réellement bloqué. Mais il s'obstinait pourtant à poursuivre ses recherches. Remonter à une possible origine était la seule piste qu'il avait pour découvrir le "pourquoi" de cette tradition.

En face de lui, Neville lisait toujours, son visage passant constamment du mauve au orange, la tête reposée entre ses mains. Harry referma le dossier de Belby et s'interrogea. Tous les renseignements possibles sur cet homme se trouvaient dans cette salle, c'est-à-dire, pratiquement rien (il savait que Flavius Belby avait été connu à son époque pour être l'un des rares à avoir survécu à une attaque de yetis mais ce n'était pas cela qui lui avait été véritablement utile). L'orphelinat de St Cromer devait donc être le seul autre lieu où Harry était susceptible de découvrir de plus amples informations. Maintenant, en prenant compte des dates de naissance et de mort de son ancêtre et par conséquent, d'une approximation de l'ancienneté du bâtiment, était-il possible que l'orphelinat existe toujours? D'autre part, est-ce qu'un tel endroit conservait lui aussi des dossiers de chaque enfant ayant vécu là-bas?

Les improbabilités de remonter le temps se multipliaient. Si Flavius Belby n'avait (peut-être) pas identifié ses propres parents, comment espérer le faire à sa place, près de trois siècles plus tard?

Des pas précipités s'approchèrent de l'entrée de la pièce. Neville et Harry relevèrent la tête. Seamus apparut au tournant des étagères. Sans préambule, il s'adressa directement à Neville, les yeux pétillant d'impatience.

_ Neville! Il faut que tu viennes! Dean a fini sa bande dessinée! Elle est extra!, fit-il d'un ton enthousiaste. Mais il faut que tu te dépêches si tu veux toujours la voir avant sa publication. Le journal va bientôt fermer!, finit-il d'un seul trait.

Il ne semblait pas tenir en place. C'était tout juste s'il ne s'apprêtait pas à le tirer par la manche.

_ D'accord, répondit Neville. Attends-moi, je range mes affaires.

Seamus regarda les fichiers et leur dit en attendant, les mains sur les hanches et se tortillant sur place:

_ Alors? Déjà en train de commencer votre travail sur les animagi?

Harry, sentant qu'il allait devoir répondre à "C'est qui le tien?" jeta un rapide coup d'oeil au parchemin de Mac Gonagall.

_ Oui, dit le garçon rond, la tête dans son sac. J'étudiais la biographie de... Gulliver Pokeby, bredouilla-t-il.

Seamus cligna des yeux.

_ L'expert en oiseaux magiques? Celui qui a déchiffré en premier le chant de l'Augurey?

_ C'est ça.

_ Et ben, je ne croyais pas qu'il était animagus celui-là... Et toi, Harry?, fit-il en le regardant à son tour. Ouh, t'es dans le rouge, toi...

En effet, la lueur flamboyante des dossiers lui donnait un teint on peut plus vif.

_ Merlin, dit Harry.

Seamus fut aussi stupéfait que pour Gulliver Pokeby.

_ Mac Gonagall ne t'as pas raté, commenta Seamus en crispant la mâchoire. Déjà qu'avec Gryffondor, on a du mal... Alors, avec quelqu'un de plus ancien encore...

Harry ne dit rien. Il avait la Bibliothèque de Rowena Serdaigle pour l'aider...

_ Et toi, Seamus?, coupa-t-il.

_ Moi..., fit-il, perdu dans ses réflexions. Je crois qu'il s'agit de... d'Albéric Grounning ou quelque chose comme ça.

_ Albéric Grunnion, rectifia Harry. J'ai sa carte de Chocogrenouille.

_ Vraiment?, dit Seamus, soudainement intéressé. Dans les cartes de Chocogrenouilles alors..., fit-il d'un air pensif.

Apparemment, les recherches du Cinquième année ne débuteraient pas dans la salle des archives.

_ Je suis prêt, annonça Neville. On peut y aller. Bonne chance pour les recherches, Harry. A tout à l'heure...

Harry acquiesça et les deux amis quittèrent la pièce. Il écouta un instant le silence revenu avant de reposer à nouveau ses yeux sur les dossiers étalés. Il soupira une nouvelle fois. Peut-être devrait-il partir lui aussi, rien ne le prédisposait à avancer plus loin. Il rangea quelques classeurs parmi les étagères, ceux de ses parents toujours ouverts sur la table et traîna dans les rayonnages. Merlin... Ce sorcier avait vécu au Moyen Age. Chez les Dursley, Harry avait lu beaucoup de contes se rattachant à lui, tous dans des livres offerts à Dudley, ce dernier ne les ayant jamais ouvert lui-même. S'il avait su qu'un jour, on lui dirait qu'il avait vraiment existé, il... Non, il n'en aurait pas été étonné. Tout comme il n'avait pas été choqué d'avoir les cartes de Chocogrenouilles de Circé, de Morgane et autres figures mythologiques, la première fois qu'il était monté dans le Poudlard Express... Comme s'il avait toujours cru en leur existence...

Il continua à déambuler entre les étagères jusqu'à ce qu'une révélation lui frappe au visage. Il ne risquait pas trouver de renseignements sur le plus grand sorcier de tous les temps ici. Merlin était plus ancien que Gryffondor. Il n'avait pas été un élève dont on aurait conservé le dossier. Comment étudier sa biographie alors? Harry se secoua. Il était vraiment inutile de rester là. Il devrait rechercher des informations dans le reste de la bibliothèque mais certainement pas dans cette pièce... Harry retourna donc à sa place et regarda les dossiers de ses parents. Il pouvait toujours continuer à les lire un peu...

La porte grinça et s'entrouvrit.

_ Harry?, appela Mme Pince d'une voix douce. Harry, il est l'heure. La bibliothèque va fermer.

_ J'arrive, informa-t-il en pliant ses affaires et reposant malgré lui les fichiers de ses parents.

Il les regarda une dernière fois, comme pour leur dire "A bientôt", se dépêcha et ressortit de la pièce alors que Mme Pince portait une lourde pile de livres dans la salle voisine. Harry y jetait un coup d'oeil en passant devant quand il entendit un bruit rappelant des battements d'ailes et la documentaliste dire à l'intérieur:

_ Ça suffit! Allez, ouste! Non, toi, tu vas là!

_ Mme Pince?, hésita-t-il en entrant lentement.

La pénombre l'empêchait de voir correctement à l'intérieur. Une fois que ses yeux furent habitués, il aperçut un spectacle étonnant. Des livres battaient des "ailes" en pages et volaient à travers la pièce en se rebellant face à une bibliothécaire qui persévérait à les ranger dans un ordre qui avait l'air de ne pas convenir aux ouvrages lunatiques. Elle s'efforçait à faire rentrer l'un dans un emplacement spécial alors que d'autres se mélangeaient parmi les étagères, selon leur humeur. Harry, se rappelant que Mme Pince était une Cracmol, l'aida de quelques coups de baguette magique qui stoppèrent les volumes ensorcelés en plein vol. Le spectacle fut nettement plus silencieux et les bruits de froissements de feuilles cessèrent. Mme Pince sembla reprendre son souffle.

_ Merci Harry, haleta-t-elle en réussissant enfin à ranger son livre, devenu aussi docile qu'un agneau.

Harry articula un "de rien" et continua d'explorer la pièce en s'apercevant qu'il ne l'avait jamais vu. Elle était toute petite et également très sombre. Des chandelles étaient allumées par ci par là, mais on avait l'impression que leur lumière était comme atténuée par l'atmosphère sinistre. C'était l'obscurité qui avait raison d'elle et non le contraire. Les flammes vertes des bougies avaient l'air de lutter avec acharnement pour survivre. Les boiseries étaient d'un marron presque noir et les étagères semblaient ne tenir que par magie tant leurs supports étaient tordus.

De troublantes statuettes piquées d'aiguilles étaient pendues par le cou au plafond et leurs yeux fixaient Harry, où qu'il soit. L'atmosphère était on ne peut plus morbide. Le jeune homme sentit un mal-être l'envahir. Il avançait lentement. Des livres tremblaient toujours dans des frottements inquiétants et Harry perçut des petits souffles de vent glacial parcourir les interstices de la salle. Sans détacher son regard d'une poupée aux yeux exorbités, il coupa le silence en s'adressant à la documentaliste.

_ Qu'est-ce que c'est ici, Mme Pince?

De la buée sortit de sa bouche, comme par temps d'hiver, malgré une température ambiante parfaitement normale. Harry entendit la bibliothécaire lui répondre de l'autre bout de la pièce, derrière des étagères, alors qu'il contemplait des peintures vaudou dessinées au plafond.

_ La bibliothèque consacrée à la magie noire, répondit-elle, non sans un petit tremblement dans sa voix.

Harry revint lui faire face en lui jetant un regard interrogateur.

_ Le Directeur est assez mécontent de son ouverture mais il n'a pas le choix. Il faut bien que les élèves de Durmstrang poursuivent normalement leurs études..., soupira-t-elle en rangeant des piles de livres sur des étagères encore libres. Tu peux me tenir ça, mon garçon? Merci.

Harry prit le tas de parchemins qu'elle lui tendait et vit qu'il s'agissait des emplois du temps de tous ceux qui avaient cours avec Lord Rodard. Il les examina pendant que Mme Pince les prenait un par un pour les accrocher à un emplacement libre mural, à l'aide de quelques punaises. Krum avait trois heures de magie noire par semaine, comme les Cinquième année venant de Durmstrang. Harry regarda attentivement leurs heures et ne put s'empêcher de penser, malgré le sentiment de malaise qu'il éprouvait à être ici, ils ont de la chance...

En effet, eux au moins apprenaient les pratiques des mages noirs, savaient sûrement les contrer alors que lui... Eh bien lui, il était ce qu'on appelait une cible vivante et n'avait aucune connaissance en matière de sorts noirs si ce n'étaient les sortilèges impardonnables. Il n'avait en outre pas acquis assez de puissance pour s'en servir en cas de défense.

Mme Pince accrocha un dernier emploi du temps et invita Harry à l'accompagner hors de la pièce.

_ Morgane, souffla-t-elle alors que le jeune homme passait derrière elle.

Un cliquetis eut lieu, bloquant l'accès, et elle retourna vers son comptoir. Le jeune sorcier fronça les sourcils.

_ Mme Pince, appela poliment Harry, tous les élèves peuvent entrer ici?, demanda-t-il, étonné qu'elle n'ait pas pris la précaution de lui cacher le mot de passe.

_ Non, seulement ceux de Durmstrang, lui sourit-elle avant de reprendre le charmeur charmé.

Harry eut un sourire qui ressemblait plutôt à une grimace. C'était bien ce qu'il avait pensé. Mme Pince lui faisait assez confiance pour être certaine qu'il ne violerait pas de règles en pénétrant clandestinement dans la salle, même en sachant le mot de passe. Il se sentait mal à l'aise. Elle lui accordait trop de confiance. Et lui n'en était pas digne. Car la seule pensée qui lui traversait l'esprit désormais était "Et si j'apprenais les bases de cette magie, je pourrais peut-être mieux me défendre...".

Or il savait qu'il lui était interdit de se plonger dans ce savoir occulte. Il n'avait aucun droit. Il essaya d'imaginer le degré de fureur si jamais Dumbledore découvrait qu'un de ses passe-temps favoris était de travailler la magie noire. Dans la bibliothèque comme... pendant les cours de Lord Rodard. Sa cape d'invisibilité et il passait incognito... Harry se secoua la tête. Non, il ne pouvait pas. Être animagus, c'était peut-être puni par la loi mais il n'avait aucun risque à être inévitablement attiré par la puissance.

Pourtant, il savait depuis longtemps qu'il ne serait jamais submergé par cette envie de régner par la force. Et puis, d'un autre côté, il était quand même la cible numéro un des mangemorts et leur maître. Ce n'était pas comme s'il ne risquait rien et qu'il voulait l'étudier en tant que loisir... Ses pas créaient un rythme semblable à un métronome qui aurait du mal à prendre une décision: à gauche ou à droite...

Perdu dans ses pensées, il bouscula inconsciemment une personne dans le hall principal. Une sphère de verre vola dans les airs. Harry ne réfléchit pas. Il plongea en avant, s'écrasa sur le parterre et la rattrapa à quelques centimètres du sol. Allongé, les bras tendus, il souffla de soulagement et la contempla.

_ Ça va?, dit une voix rocailleuse, derrière lui.

Harry n'entendit pas. La boule de cristal était intacte mais elle diffusait une lueur étrange, non, pas une lueur... des ombres. Le jeune homme fronça les sourcils. Ce n'était pas la boule qui les diffusait.

_ Merci, mon garçon, reprit la voix, apparemment pressée de reprendre l'objet.

Harry, reprenant conscience de sa position, se releva précipitamment. Melle Grée le fixait, de son seul oeil de cyclope. Elle semblait l'analyser. Harry voulut s'excuser de lui être rentré dedans mais il resta silencieux. L'oeil lui rappelait étrangement celui de Maugrey. Aussi pénétrant et troublant. Il tendit machinalement la sphère à la femme, sa voix refusant d'émettre le moindre son. Celle-ci, après un hochement de remerciement, la refixa au bout de sa canne et sortit sa baguette pour en renforcer la soudure à coups de sorts. Harry regarda la boule et ses volutes internes de fumée grise. Grée s'éloigna dans le couloir après un étrange sourire de salut faisant ressortir une affreuse verrue cachée dans le coin des lèvres. Le jeune homme la suivit du regard.

Il en était certain maintenant. Ce n'était pas la boule qui laissait échapper des ombres informes mais bien un solide, à l'intérieur de la boule. Il récupéra sa chemise, tombée un peu plus loin dans sa chute et prit la direction inverse. Décidément, le noir avait une curieuse façon de faire valoir son omniprésence en ce dimanche...


_ Qui... est... ce?... Dis... le... moi...

Harry, en ce lundi matin, se massait encore les tempes. La voix glaciale résonnait encore dans son crâne comme des coups de marteau sur la forge. Malgré les heures qui s'étaient écoulées depuis son réveil, des paroles indistinctes, confuses, sans aucun sens, ne cessaient de resurgir, comme si elles espéraient se faire entendre et comprendre du jeune sorcier. Des cris de bêtes s'attardaient toujours à ses tympans bien que les infirmières, après de longues supplications de la part de Harry, eurent finalement consenties à lui donner des mixtures qui s'étaient révélées totalement inefficaces, et ce, à leur plus grand étonnement. A présent, le jeune homme se contentait de gérer au mieux son mal de tête.

_ Ah! Le courrier!, s'exclama Ron en tournant les yeux vers l'arrivée bruyante de dizaines de hiboux dans la grande salle. Tu as écrit à ma mère, Harry?

A l'évidence, le garçon roux n'avait aucune envie de recevoir une autre lettre de sa mère, constamment affolée.

_ Oui, une confiante, précisa le jeune sorcier. Je pense qu'elle devrait se sentir rassurée maintenant...

Ron eut un grand sourire. Une chouette laponne apporta la Gazette du Sorcier à Hermione tandis qu'un second journal atterrissait entre les mains de Harry.

_ Merci Hedwige, dit Harry en lui donnant un petit bout de viande.

La chouette hulula de contentement et mordilla affectueusement la main de son maître.

_ Tu t'es abonné à la Gazette?, s'étonna Hermione.

La déception se fit sentir dans le ton de sa voix, comme si elle pensait que Harry ne lui accordait plus sa confiance concernant les informations urgentes à lui dire depuis l'incident avec Malefoy.

_ Non, à un journal moldu, répondit-il au soulagement de la jeune fille.

_ Pourquoi?, questionna Ron.

Le garçon roux n'était pas tout à fait convaincu de son initiative.

_ Pour savoir si Voldemort les a aussi choisis pour cible, expliqua Harry alors que ses amis tressaillaient à l'entente du nom. Dumbledore m'a dit qu'il lisait leur presse et je crois que c'est une bonne idée. Sans lui, jamais je n'aurais pu faire le rapprochement entre Frank Bryce et l'homme que j'ai vu se faire... enfin bref.

Il se mit à en regarder le contenu. A ce moment-là, une hulotte fit tomber une lettre devant Harry. Hedwige lui lança un regard mauvais et se rapprocha de Harry, possessive, les serres repliées sur son bras gauche. Celui-ci, non sans curiosité, l'ouvrit. A sa lecture, il découvrit que l'enveloppe provenait d'un service administratif moldu.

_ Qu'est-ce que c'est?, demanda Hermione.

_ Euh... rien apparemment, répondit Harry sur un ton neutre en finissant de lire son courrier. J'avais demandé à obtenir des précisions sur les fiches d'état civil, entre autres, des parents de ma mère et de ses propres grands-parents. Histoire d'en savoir plus sur eux...

Sa lettre lui avait montré que contrairement aux ascendants de son père, ceux de sa mère étaient bien décédés naturellement. Il se doutait qu'il recevrait cette réponse mais il avait préféré être certain de son raisonnement quant à l'existence d'une cruelle tradition poursuivant une lignée spécifique de son père. Hermione resta silencieuse, compréhensive.

_ Oh oui!, s'écrièrent Fred et Georges d'une seule vive voix, à quelques places d'eux.

Des regards se tournèrent vers eux, alors qu'ils se rendaient compte de leur manque de retenue.

_ Qu'est-ce que vous avez, tous les deux?, questionna curieusement Ron.

_ On vient de recevoir notre confirmation, informa Fred dans un grand sourire.

Ron sourit à son tour, content pour ses frères apparemment.

_ Quelle confirmation?, demanda Harry.

_ Nous allons passer notre permis de transplaner aux prochaines vacances, dit Georges, tout joyeux.

_ Et tu vas pouvoir hériter de notre cher et précieux manuel du parfait petit transplaneur, Ron, poursuivit Fred en faisant apparaître l'ouvrage dans les mains de son petit frère par un sortilège d'apparition.

Ron regarda le livre et soupira.

_ Il me reste encore trois ans avant de pouvoir le passer. Je pense que vous en avez plus besoin que moi. Et sans vouloir jouer les Hermione (regard furieux de cette dernière), vous devriez le réviser un peu plus, tant que vous avez du temps, finit-il en leur tendant le manuel.

_ Oh non! Nous l'avons assez travaillé comme ça, crois-moi!, certifia Georges. Garde-le pour plus tard.

_ Oui, ajouta Fred, il est temps pour nous de passer à la pratique, continua-t-il, enthousiaste.

_ Je peux y jeter un coup d'oeil?, demanda poliment Harry à Ron.

Son ami le lui tendit, bien qu'il ne soit pas convaincu que les jumeaux, qui repartaient vers leur classe, l'aient assez "potassé". Harry parcourut les pages en diagonale, rapidement, et lui redonna.

_ Tiens, fit Hermione en lisant la gazette. Le professeur Lupin a été pris en photo.

Les trois amis se rassemblèrent autour du journal posé au centre de la table.

_ Il est en train de serrer la main à l'inventeur du nouveau dôme de protection, décrivit Hermione. C'est de lui dont parle l'article: Mr Moustein. Il travaille pour la Confrérie des Enchanteurs dirigée par le fameux sorcier Praegrande.

En effet, sur la photographie apparaissait un petit homme chauve à l'allure d'un bon vivant, qui serrait la main à plusieurs personnes venues le féliciter pour son invention. Au dessous étaient inscrits les noms des personnes prises. Ils se déplaçaient en suivant le mouvement des sorciers correspondants.

_ C'est Malicia Campbell qui accompagne Rémus, remarqua Harry. Dumbledore avait mentionné son nom le soir du banquet.

_ Pourquoi sont-ils allés là-bas?, s'interrogea Ron en observant Lupin tentant de parler en tête à tête avec Mr Moustein.

_ Parce qu'il veut probablement faire l'acquisition de dômes, expliqua Hermione en leur montrant quelques lignes de l'article. Il est noté que ces dômes se démarquent de par leur résistance à l'interiorse et garantissent un emprisonnement sans faille.

_ Espérons qu'Alkilan en sera largement pourvu, murmura Harry.

Être animagus ne ferait pas le poids face à ce nouveau système. En contre partie, le jeune sorcier pensa qu'il ne valait mieux pas qu'ils tombent entre les mains de Voldemort. Ses futurs prisonniers seraient alors condamnés, à moins qu'il n'en fasse aucun...

_ Je me demande ce qu'est l'interiorse. Mon père en avait vaguement parlé un jour, une autre sorte de magie, je crois, dit Ron en s'écartant de l'article après un dernier coup d'oeil.

_ La magie pensée et sans baguette, résuma Harry tout en repoussant doucement le journal vers Hermione.

Ron le regarda en haussant les sourcils et Harry réexamina son emploi du temps avec résignation. Histoire de la magie... Il pouvait se préparer de la lecture... Puis il se rappela l'heure destinée aux cours de magie noire aux Cinquième année.

Le dilemme avait resurgi à plusieurs reprises le week-end précédent, tellement qu'il avait fini par s'avouer qu'il y était trop attiré pour laisser filer l'occasion. A croire qu'il avait le goût de dépasser les limites dans le sang...

Des cris perçants de volatiles le firent sortir de ses pensées. Il releva la tête. Les hiboux étaient revenus, plus nombreux que jamais.

_ Mais... Le courrier est déjà passé?!, s'étonna Hermione en regardant vers le plafond enchanté.

Ron eut un grand sourire mystérieux. Une multitude de journaux tombaient sur toutes les tables.

_ Première édition du Hibou Déchaîné, informa-t-il d'un ton joyeux alors qu'un des colis tombait sur la tête d'Hermione.

Après la petite surprise, Harry attrapa le sien au vol et s'empressa de le lire. En première page étaient commentés les sélections de Quidditch de Samedi dernier.

_ Malefoy n'apparaît pas en photo, fit-il avec un sourire, faussement déçu.

_ Tu imagines bien que ses camarades du journal n'ont pas retenu l'image, répondit Ron, qui attendait avec impatience l'avis de ses amis sur le travail réalisé sous sa direction.

Harry tourna les pages, vit la bande dessinée de Dean où le héros se déplaçait de bulle en bulle, rapportant les impressions diverses des cours, puis les interviews d'Astrarie.

_ Eh, Harry!, appela justement cette dernière. Où aviez-vous cours de Sports Moldus samedi dernier? Je vous ai cherché partout!

_ Dans le parc, derrière la tour nord, expliqua-t-il au souvenir de ses tentatives misérables au saut à la perche.

_ Dommage..., soupira-t-elle. Je n'ai pas pu compléter mon article sur cette option.

Elle haussa les épaules, un peu avec indifférence, et repartit voir un groupe de filles ("Alors? Qu'est-ce que vous en dîtes?"). Harry reposa son regard sur le journal. L'explosion du cours de magie noire avait également fait l'objet d'un sujet en expliquant que, malgré la peur qu'elle avait produite, les risques avaient été infimes.

_ Woaw, Ron! Vous avez travaillé! Le journal est vraiment réussi, le félicita Hermione.

_ Oui, tu es sans aucun doute bien meilleur que Rita Skeeter, poursuivit Harry en relevant les yeux vers son ami.

Mais le jeune sorcier ne fut pas certain que son ami l'eut entendu car, de partout, des élèves s'étaient levés pour venir à leur tour féliciter Ron, les joues écarlates. Harry sourit et posa sa revue. Son ami sortait de l'ombre de sa famille et se construisait son propre chemin. Ce journal était vraiment tombé à pic...

Ce fut avec le teint toujours très rouge qu'il rejoignit Hermione et Harry pour le cours d'histoire de la magie.



La cape d'invisibilité sur le dos, Harry se reprochait de moins en moins chaque pas qui l'amenait vers la salle de Lord Rodard. Ses amis avaient rejoint leurs options respectives et lui, à défaut d'être occupé par ses devoirs et les sélections de Quidditch, finies depuis longtemps, tentait de pénétrer clandestinement un cours interdit. L'excitation montait proportionnellement au rythme de ses battements de coeur. Il était à présent trop près du but pour renoncer. Le jeune sorcier allait être fautif jusqu'au bout...

Harry contourna un groupe d'élèves qui déambulait dans les couloirs et s'approcha lentement de sa salle. Il vira dans une dernière allée et ce qu'il vit le prit par surprise: Malefoy et sa bande de Serpentard discutaient avec Lord Rodard devant l'entrée. Harry fronça les sourcils. S'ils étaient là, ce n'était certainement pas un hasard. Et les connaissant, le jeune homme ne mit pas longtemps à deviner qu'ils essayaient de suivre les cours, eux aussi. Et si Lord Rodard acceptait...

_ Mais nous sommes volontaires!, poursuivait Malefoy d'un ton presque suppliant.

_ Le Directeur m'interdit de vous enseigner ce domaine, messieurs, dit Lord Rodard d'une voix qui ne souffrait aucune réplique. Je vous demande de bien vouloir regagner votre salle commune à présent.

Le professeur leur fit dos, un peu énervé, sa cape noire volant légèrement, et se dirigea vers la salle. Harry, soulagé, marcha vers eux en silence. Des Cinquième année qu'il fréquentait rarement entrèrent également. Malefoy eut une expression claire de colère avant de s'éloigner, frôlant Harry en sens inverse.

_ Toujours prisonniers de ce vieux fou..., maugréa-t-il au tournant du couloir.

_ Ce n'est pas grave, murmura Nott d'un ton comploteur. Avec ou sans magie noire, ce n'est pas ça qui nous empêchera de continuer. Elle sera bientôt prête, je te fais confiance..., dit-il d'une voix lointaine.

Harry, caché sous sa cape, se retourna vers la porte et vit qu'elle était prête de se refermer. Il courut le plus silencieusement possible et se faufila rapidement dans la pièce, retenant sa respiration. Elle sera bientôt prête... De quoi parlait-il? Harry n'eut pas le temps de se pencher sur le cas des Serpentard, sa situation actuelle étant extrêmement risquée. Des élèves qui prenaient place, discutant de tout et de rien, le contournaient de justesse, sans le savoir. Harry, n'osant plus faire un geste tant que le retour au calme ne serait pas établi, aperçut de sa position une salle aux allures étrangement semblables à celle des cachots. Il attendit de trouver une place libre où s'installer en silence. Son coeur battait si fort qu'il se demandait comment personne ne l'avait encore repéré. Les Cinquième année discutaient, sortaient leurs affaires des sacs et s'asseyaient peu à peu.

_ Ouvrez votre livre page quarante-quatre. En silence.

Les murmures disparurent et bientôt, seuls les raclements des chaises, les frottements des feuilles et le grattage des plumes s'entendirent. Harry ne perçut ses battements que davantage. Une table du fond restait vide. Discrètement, il recula une chaise, pendant que les Cinquième année s'occupaient d'ouvrir leurs livres, et s'y assit. Il pria pour que les plus proches élèves n'entendent pas les glissements de sa cape sur le sol. Je ne suis pas là, je ne suis pas là...

_ Le Mauvais Oeil, commença Lord Rodard de sa voix ténébreuse.

Harry se pencha vers la table voisine pour en contempler les images. Il ne savait pas s'il comprendrait un cours de cinquième année en magie noire, aussi focalisa-t-il toute son attention sur la leçon.

_ A la différence des poupées ensorcelées, le Mauvais Oeil a la même forme pour chaque cible. Seules les runes qui entourent le dessin les distinguent les uns des autres. La plupart du temps, ils sont créés sous des lits. Pour avoir un résultat concret, le Mauvais Oeil doit être placé en un lieu où la personne visée demeure fréquemment et pendant longtemps. La malédiction souhaitée est précisée dans les runes. Les inscriptions sont ce qui est le plus important dans la réalisation du Mauvais Oeil. Nous nous contenterons seulement, durant cette heure, de savoir comment dessiner l'oeil lui-même, en n'oubliant aucune de ses caractéristiques significatives. Pour cela, vous prendrez une poignée de sel de la Mer Morte (Appelée communément Mer Noire, comme c'est étrange..., songea Harry ironiquement) et le tracerez sur votre table. Allez-y. Andriu, vous viendrez me voir après le cours.

Le concerné blanchit. Il était en train de regarder un magazine de Quidditch, caché sous sa table. Le garçon brun à la gauche de Harry posa son ouvrage ouvert sur la table voisine pour avoir plus de place libre sur la sienne. Harry le remercia intérieurement. Il put lire tout à loisir des informations sur le chapitre étudié. Le jeune sorcier était calme à présent. L'envie d'apprendre avait pris le dessus sur la peur de se faire prendre. Pendant ce temps, les autres s'étaient levés pour se servir de sel dans un petit chaudron placé sur le bureau.

Puis l'heure se déroula normalement. Ils rectifiaient le nombre de cils qui variaient selon le degré de puissance de la malédiction jetée, la quantité de sel dans la pupille, précédemment pesée dans leurs petites balances, les cercles entourant l'oeil, le tout sous le regard sévère du professeur. Harry pensa que Lord Rodard était un Rogue plus contenu et poussant moins au favoritisme. Il devait certainement avoir fait ses preuves avant d'être totalement accepté par Dumbledore à Poudlard. Aussi Harry songea-t-il qu'il était sûrement un personnage extrêmement ambigu pour être respecté du corps professoral et, en même temps, enseigner les sciences occultes.

_ Prononcer l'incantation, Soulavski.

Harry releva la tête et les observa. Soulavski siffla presque la formule alors que le dessin fait de sel se fondait dans la table, telle une peinture indélébile.

_ Bien.

L'élève dit alors une autre formule et le sel se redétacha de la table. L'incantation annulative, songea Harry. Voilà ce qui l'intéressait: les défenses aux mauvais sorts. Il ne sortirait pas de ce cours avec l'intention de s'entraîner à dessiner le Mauvais Oeil mais avec le ferme objectif de savoir le contrer. J'ai trouvé ma voie..., pensa-t-il dans un sourire, la cape lui chatouillant le bout du nez.

Quand la sonnerie retentit, les élèves sortirent bruyamment. Harry attendit un peu puis se faufila vers la sortie silencieusement, alors qu'Andriu avançait d'un pas hésitant vers le bureau du professeur. La leçon avait été assez simple, les dangers, limités, et la conclusion, plutôt satisfaisante. Allons-y en douceur..., se dit mentalement Harry en prenant le chemin de la bibliothèque, sa cape dissimulant à peine ses pieds. Bientôt, elle ne le couvrirait plus entièrement...


Peut-être en le brûlant comme le dernier...

Dans la salle commune, pour l'instant vide, Harry réfléchissait à l'énigme du livre qu'il tenait en mains. Hurlements mortels perdus au treizième siècle refusait en effet de révéler le contenu de ses pages sans crier à s'en percer les tympans. Mais si je l'entoure d'un bâillon, je ne pourrais plus l'ouvrir...

Inutilement, Harry le tapota de sa baguette magique à coups de sortilèges susceptibles d'annuler cette réaction. Cependant, il n'osait en vérifier la réussite. Des élèves surgiraient aussitôt dans la pièce pour connaître la raison de ses bruits tonitruants... Et le cri suraigu que l'ouvrage avait produit lors de son entrée clandestine dans la réserve en première année lui était toujours encré dans la mémoire.

Pattenrond vint se pelotonner contre lui alors que Harry plissait le front de concentration. Ce n'était pas la première fois qu'un volume s'obstinait à dissimuler ses connaissances. En réalité, parvenu à un certain niveau de difficulté, beaucoup proposaient charades, défis ou restaient comme un bloc de papier collé en l'attente d'une solution originale, d'une idée saugrenue en rapport avec le thème traité.

Le tome consacré aux poupées ensorcelées, "emprunté" un peu plus tôt dans la bibliothèque "noire", après le cours de Lord Rodard, s'était finalement laissé lire une fois lancé dans l'âtre de la cheminée. Harry avait vu dans un ouvrage moins complexe que l'incinération des poupées était l'unique manière de contrer l'envoûtement à distance. Or la majorité des livres acceptaient de s'ouvrir seulement après avoir reçu l'ultime maléfice annulatif de leur sujet principal.

Et après une longue hésitation, il avait joué le tout pour le tout en sacrifiant peut-être un grimoire dans sa tentative hasardeuse. Stupidement aurait-on pu penser, il avait la conviction que le livre réagirait au feu et ne se laisserait pas brûler comme le premier de ses congénères moldus. L'ouvrage, à son plus grand soulagement, avait en effet rebondi sur les flammes. Une détonation s'en était suivie, il lui était sauté à la figure mais le résultat avait été là: les pages s'étaient ouvertes et une écriture de feu avait jailli de leur blancheur, révélant tout des moindres ensorcellements "noirs"...

Mais pour Hurlements mortels perdus au treizième siècle, c'était une autre affaire. Comment pouvait-on arrêter un cri? Il avait bien tenté de le faire taire en y versant quelques gouttes de novox mais la potion n'avait eu aucun effet. La réussite d'une initiative était normalement marquée par un phénomène magique et dans ce cas, les pages avaient tout simplement été humidifiées. Quant au feu, il avait de grandes chances de rendre le cri plus agonisant encore...

Sur le tapis placé devant la cheminée, caché derrière les gros fauteuils, Harry faisait à présent léviter l'ouvrage à un mètre du sol alors que lui était allongé sur le dos, les mains sous la tête. Il le regardait tournoyer lentement au-dessus de lui, à la recherche d'une solution. Pattenrond se mit à ronronner avec force en s'étalant de tout son long contre Harry.

Peut-être en unissant le Charme du Bouclier sphérique, avec un Sourdinam accentué...

Harry tendit sa baguette vers le plafond et une volute de fumée blanche s'en échappa, enveloppant lentement l'ouvrage et se solidifiant peu à peu en une sphère opaque. Maintenant que sa création était achevée, Harry la contemplait. On aurait dit qu'un gros nuage étrangement géométrique et pluvieux s'était formé au milieu de la salle et allait déverser toute son eau sur lui dans la seconde. L'adolescent doutait. Il ne savait pas s'il devait être satisfait de lui ou non. Il fit ouvrir le livre à distance et pria pour ne rien entendre. Fermant les yeux avec force, il s'attendait à sentir les griffes de Pattenrond se planter dans sa chair et le chat crachant de frayeur dans le terrible accompagnement du cri maudit.

La pièce demeura silencieuse. Seuls les ronronnements de plaisir continuèrent de croître en volume. Harry ouvrit prudemment les yeux. Le livre lévitait toujours dans sa boule protectrice insonorisée et était ouvert... Un mince sourire de victoire apparut sur les lèvres du jeune sorcier. Encore fallait-il faire disparaître l'opacité de sa création. Sans quoi, l'écriture resterait floue, illisible... Pourquoi ai-je pensé à un bâillon blanc en formant cette sphère?!

De toute évidence, le bâillon était la seule idée qui lui était venue à l'esprit pour étouffer le cri d'une personne... Il faudrait demander à Hermione. D'après elle, Euterpe avait créé dans sa salle de musique plusieurs petits dômes bleus transparents et insonorisés pour séparer les différents styles de musique et éviter le charivari.

Un brusque éclat de rire dans le passage de la Grosse Dame le fit sursauter. Son chef-d'oeuvre s'évanouit dans les airs et l'ouvrage lui retomba soudainement droit sur sa figure, heureusement fermé. Ouche! Il n'avait entendu personne arriver, perdu dans ses réflexions et à présent, il payait les frais de sa surprise.

Le jeune homme se releva en se massant le nez et récupéra le lourd livre noir et argenté qu'il plaça rapidement dans sa chemise. Il dut s'y reprendre à deux fois avant que le cadeau de Rémus ne l'accepte. Il commençait à être largement rempli de livres d'école ainsi que ceux traitant d'incantations de vieille magie (il avait cherché en vain des formules s'assimilant à celles de sa mère avant sa mort...).

Pattenrond ne fut aucunement dérangé par l'absence du jeune sorcier sur le tapis. Assoupi, il s'étira pour se positionner ensuite en boule et garder toute sa chaleur. Les yeux pleurant un peu sous la douleur, Harry regarda en face la raison qui avait troublé sa concentration.

_ Je te dis que c'est la stricte vérité, Ron, parole de sorcier!, certifia Dean alors que les petits rires de Ron redoublaient. La potion de Ratatinage n'entre pas en conflit avec les êtres humains, enfin... pas vraiment...

Le garçon roux étouffa un nouvelle vague de rire et aperçut joyeusement Harry qui venait à leur rencontre.

_ Un article sur les effets secondaires de la potion?, suggéra Harry en recherchant la cause de leur humeur euphorique.

_ Non, répondit son ami qui avait le plus grand mal à garder son sérieux. Les malheurs d'Eloïse Midgen ont encore frappé, à ce qu'il paraît!

_ Elle a bu une variante de la potion de Ratatinage en espérant que ses cheveux trop épais perdraient du volume, expliqua Dean. Apparemment, elle les avaient fins quand elle était petite. Mais elle en a trop abusé. Résultat, ils sont devenus comme ils étaient quand elle était un bébé.

_ Eloïse serait chauve!, éclata le garçon roux qui, décidément, ne parvenait pas à montrer un peu de compassion pour la jeune fille.

_ Elle est chauve!, rectifia Dean. C'est vrai!

Ron éclata à nouveau d'un petit rire et reprit, les mains sur les côtes:

_ Je crois qu'il nous faudrait une nouvelle rubrique intitulée "les malheurs d'Eloïse Midgen". Cette pauvre fille a le don de s'attirer le ridicule sur elle une fois par mois!

_ Je ne pense pas qu'Hermione apprécierait que tu t'en prennes à elle à cause de son physique, rappela Harry au souvenir de la période avant-bal de l'année passée.

_ Sûrement, admit Ron. Mais la pauvre..., ajouta-t-il, enfin compatissant à son sort, elle va encore avoir du mal à se trouver un cavalier, cette année!

_ Qui te dit qu'il y aura un bal cette année?, répondit Dean qui, à l'évidence, n'était pas pressé de partir à la recherche d'une nouvelle partenaire. Enfin, si tu parles d'un bal où l'on ne portera pas ses affreuses tuniques grises...

_ Oh, les journalistes savent toujours tout, dit mystérieusement Ron.

Puis il se tourna vers Harry et lui lança un regard narquois.

_ Mais cette fois, en l'honneur du tournoi, ce ne sera pas aux champions d'ouvrir le bal...


Le samedi suivant, le tournoi de Quidditch fut dans l'esprit de tous les élèves. On racontait que les matches comporteraient quatre équipes, que presque tous les élèves de l'école occuperaient un poste de remplaçant, ce qui était absolument impossible, qu'on ferait appel à un arbitre professionnel ou encore que les coéquipiers habituels de Krum viendraient recruter de nouveaux joueurs. Harry avait même entendu Stebbins dire à sa petite-amie Annie Faucett que le fameux attrapeur lui avait promis une place d'avenir dans le monde du Quidditch... Les rumeurs s'étaient accrues de jour en jour, leur invraisemblance autant. Hermione se faisait bien de rappeler aux deux garçons que la majorité d'entre elles ne resteraient qu'illusion. Harry et Ron, eux, rêvaient toujours...

Conformément à ce qu'il était prévu, le Directeur donnerait des explications concernant l'organisation du tournoi juste avant le banquet. Et en cette soirée, l'excitation montait peu à peu, chacun essayant de faire passer le temps du mieux qu'il pouvait en attendant le discours de Dumbledore. Milia tapait ses doigts contre la table impatiemment depuis plus d'un quart d'heure et Seamus parlait d'une voix forte et incessante à tous ses camarades. Les grandes tables étaient plus que bruyantes: le dynamisme des jeunes gens en débordait. Les amis de Harry, quant à eux, parlaient de tout et de rien. Ils avaient largement fait le tour des suppositions sur le tournoi durant la journée...

_ Tu te fais du mal, Hermione, déclara Ron tout en essayant de se faire entendre malgré la portée des propos de Seamus.

Ce dernier établissait les derniers scores mondiaux de l'équipe suisse face aux équipes outre-atlantique.

_ Rogue ne te notera jamais à ta juste valeur, reprit-il. Tu n'as qu'à voir ma note...

_ C'est différent, rétorqua celle-ci, les yeux fixés sur sa copie. Tu la mérites.

Ron lui jeta un regard féroce. Hermione baissa son devoir.

_ Avoue t'y être pris à la fin des vacances ou ose seulement me contredire, le défia-t-elle.

Ron se renfrogna, vaincu. A la table des Serpentard, Malefoy éclata d'un grand rire à la suite d'une de ses plaisanteries et aussitôt, ses acolytes l'imitèrent. Ce soir, en tant que capitaine, il était une des vedettes de la compétition et tenait à le faire savoir.

_ Non vraiment, je ne comprends pas, fit Hermione en relisant une fois de plus son devoir.

Depuis le début du week-end, elle ne cessait de le regarder d'un air incrédule.

_ Il faut t'y faire, Hermione, soupira Ron. Regarde Harry, sa note est pire que la tienne et pourtant...

La jeune fille se tourna vers Harry.

_ C'est vrai, au fait. Rogue ne t'as pas raté, toi non plus.

Pour toute réponse, elle eut un haussement d'épaules.

_ Cette année, il a l'air de t'aimer encore moins, commenta Ron à l'adresse de son ami.

_ Ah? Tu as remarqué?, fit Harry avec une mine dépitée.

_ Je n'arrive toujours pas à croire qu'il te place devant son bureau définitivement, dit Hermione en hochant lentement la tête.

_ Il m'aime trop pour me laisser loin de lui, ironisa Harry.

_ Ce doit être à cause des combats avec armes magiques, dit malicieusement le garçon roux. Qu'est-ce que je ne donnerais pas pour pouvoir assister à vos cours...

_ En musique, tu peux, fit Hermione avec une petite pointe d'espérance dans la voix.

Au-dessus de l'épaule de son amie, Harry aperçut le Directeur entrant dans la salle, en pleine conversation avec un inconnu. Ce dernier portait une longue robe noire avec une collerette blanche rappelant celles des avocats moldus. Il avait une moustache aussi bien taillée que celle de Mr Croupton Senior. Mais la sévérité lui faisait défaut. Il avait l'air réellement impressionné par le professeur et se tortillait comme s'il s'apprêtait à faire quelque chose qui demandait un grand courage. Il ne devait pas avoir trente ans.

Les deux sorciers s'avancèrent dans une allée prolongeant le mur. Harry les suivit du regard.

_ Tant que Padma ne chante pas près de moi..., poursuivait Ron en parlant d'une éventuelle visite au cours d'Hermione.

_ Vous connaissez cet homme?, coupa Harry à l'adresse de ses amis.

Ils regardèrent dans sa direction. Le garçon roux hocha la tête.

_ Aucune idée, dit Hermione.

_ Tu crois que c'est un spécialiste de Quidditch?, proposa Ron.

Harry haussa les épaules mais son attention fut soudainement attirée par une enveloppe qui venait d'apparaître sur ses couverts. Surpris, il l'ouvrit. Qui cela pouvait-il bien être? Dobby? Alertés par la déchirure, ses amis se retournèrent.

_ Qu'est-ce que c'est?, questionna Ron.

Harry ne répondit pas, focalisé sur sa courte lecture.


Mr Potter, votre retenue aura lieu mercredi soir à dix-neuf heures dans la salle de Potions du vendredi.

Professeur Rogue.


_ Une retenue?! Quelle retenue?, répéta Harry d'un air incrédule en se tournant vers la table des professeurs.

Comme beaucoup d'autres de ses collègues, Rogue n'était pas encore à sa place. Harry le chercha des yeux, au cas où il serait dans la grande salle. Habituellement, on ne donnait pas de parchemin à l'improviste avertissant d'une retenue à accomplir.

_ Tu as une retenue?, répondit Hermione en lui prenant vivement le papier des mains. Mais... Pourquoi?!

_ Bonne question, dit sombrement Harry en apercevant l'auteur du mot parler en tête-à-tête avec Lord Rodard, près de la table des Serdaigle.

_ C'est une blague, dit Ron, incrédule à son tour, les yeux posés également sur le parchemin. Rogue veut te casser le moral avant le début du tournoi pour que tu ne profites pas de la soirée, c'est tout!

_ Le professeur Rogue n'aurait jamais fait une chose aussi puérile, répliqua Hermione, indifférente au regard sceptique que lui lançait le garçon roux.

Celui-ci mourrait d'envie de lui rappeler le comportement du maître des potions face à elle alors qu'elle était victime du sort Dentesaugmento mais se retint, ne voulant pas ramener en surface de mauvais souvenirs. Harry se leva.

_ Tu vas le voir?, demanda Ron dont le teint avait brusquement blanchi.

_ Il faut bien que je connaisse la raison de ma punition, même si elle est probablement injuste, dit Harry en s'éloignant de ses amis.

Il entendit vaguement Ron murmurer à Hermione "je ne sais pas si c'est une bonne idée qu'il le revoie après la façon dont Rogue lui a ordonné de s'installer devant lui...".

Prenant un semblant de contenance, le jeune sorcier s'approcha prudemment des deux "mages noirs", le papier volant dans sa main gauche. Il se posta tout près d'eux. Rodard coupa net son début de phrase. Un silence entre le trio se fit, les deux adultes tournés vers Harry.

_ Eh bien Potter, grogna aussitôt Rogue, pourquoi cette interruption?

Les yeux de Lord Rodard allèrent de l'un à l'autre, étudiant leur échange silencieux.

_ Je vais m'asseoir, avertit-il alors d'un ton neutre à l'intention de son collègue, les quittant poliment.

Rogue ne quitta pas Harry du regard et le jeune sorcier salua brièvement le professeur de magie noire d'un hochement de tête.

_ Je viens pour une retenue, expliqua-t-il ensuite en montrant sa feuille.

_ Et alors?, reprit le professeur, visiblement énervé que l'adolescent ait interrompu leur discussion.

_ Pourquoi est-ce que je suis convoqué?, poursuivit Harry.

_ Corne de bicorne en poudre vous semble-t-il une raison suffisante?, dit Rogue d'un ton quelque peu irrité.

Il voulait manifestement prendre sa place auprès de Rodard. Harry fouilla dans sa mémoire en essayant de comprendre les paroles de son professeur.

_ Je n'en ai pas utilisé cette semaine et je n'ai renversé aucun pot, dit-il calmement.

Rogue plissa les yeux, comme s'il le soupçonnait d'essayer de jouer avec lui.

_ Vous ne l'utilisez peut-être pas mais le pot manquait à l'une de mes préparations, répliqua-t-il lentement.

Ce dernier eut envie de dire "Et alors?" mais, en son fort intérieur, il était certain que ce n'était pas une bonne idée. Il avait bien une raison qui expliquerait les paroles du professeur, mais elle était totalement extravagante.

_ Potter!, éclata Rogue d'une voix qui fit sursauter Harry, agacé par le regard de ce dernier où se mêlaient innocence et incompréhension. Des éléments ne disparaissent pas de mon armoire personnelle de leur propre initiative!

Il le fixa de façon à lui faire comprendre un message évident comme s'il le prenait pour le premier des idiots. La situation aurait paru révoltante si elle n'avait pas eu cette impression de déjà-vu.

_ Vous m'accusez encore de vol?, dit alors le jeune sorcier avec un mélange de lassitude, d'incrédulité et d'agacement.

Son professeur le regarda en le défiant de nier. Ses yeux étaient empreints d'une profonde certitude. Harry le dévisagea, dubitatif. Il posa son regard dans le vide.

_ C'est... C'est ridicule...

Rogue eut l'air de se pencher légèrement comme s'il n'avait pas entendu les murmures. En ce tête-à-tête, il espérait obtenir, ne serait-ce qu'une fois en cinq ans, un aveu peut-être. Harry releva la tête, la perplexité disparue de son visage. Il avait tiré des leçons de sa défense concernant le vol de la branchiflore et était prêt à s'en servir.

_ Avez-vous des preuves de ce que vous avancez?, demanda-t-il, une audace involontairement exprimée dans le regard.

_ Des preuves?!, répéta lentement Rogue avec l'air habituel qu'il arborait quand il flairait les points en moins à Gryffondor.

_ Oui, dit cette fois-ci froidement Harry. Je suppose que je dois en venir là pour me défendre puisque ma parole quant à mon innocence n'aura pour vous aucune valeur.

Un silence s'instaura entre les deux sorciers durant lequel ils se lancèrent des éclairs du regard. Le ras-le-bol était clairement inscrit sur le visage de l'adolescent. Pour lui, il était hors de question qu'il accepte une simple retenue en laissant à son professeur la liberté de l'accuser dès qu'un de ses objets aurait disparu.

_ Insolence, murmura le professeur, la voix très basse, ses yeux plus pénétrants que jamais alors qu'il hochait lentement la tête.

Il était complètement horripilé par le suprême culot de son élève. Le jeune homme perdit un instant son assurance.

_ Vous pensez que j'ai besoin de preuves pour vous accuser de ce vol alors que jamais, depuis le début de ma carrière en tant qu'enseignant, je n'ai eu ce genre de problèmes, dit-il dans un chuchotement terrible. La disparition d'objets m'appartenant m'a été une découverte fort déplaisante qui n'a surgi que lors de votre deuxième année et qui se perpétue depuis. Il semble... que cela soit devenu une sorte de tradition.

Harry grinça des dents à l'entente du dernier mot mais le mit rapidement de côté, résolu à se défendre efficacement.

_ Vous avez très bien entendu les révélations de Croupton en Juin dernier, répliqua-t-il en prenant inconsciemment soin de détacher chacun de ses mots.

La colère le libérait de l'emprise "professeur sur élève". Et il n'arrivait toujours pas à s'admettre l'entêtement irrationnel du maître en Potions.

_ Ce qui ne vous disculpe pas du vol de la peau de serpent d'arbre, riposta Rogue du tac au tac, adoptant sa manière de parler.

_ Ce n'était pas moi, dit Harry, la mâchoire crispée.

Il lui paraissait incroyable qu'il ait à se justifier d'actes datant de plus de trois années. L'obstination de Rogue lui paraissait démentielle. Cependant, l'expression d'un tourment sur le jeune homme était visible. Il ne voulait en aucun cas trahir Hermione, la véritable responsable de ce premier vol, et Rogue prenait cette réaction pour de la gêne. Harry ne renforça involontairement que davantage l'image d'un vaurien attaché aux mensonges.

_ Je vous avez averti Potter, l'an dernier, reprit le professeur d'une voix sifflante. Il me reste toujours des fioles remplies de Veritaserum en ma possession. Vous auriez du prendre également soin de leurs disparitions en prenant la poudre, ajouta-t-il en dévoilant un abominable rictus. Je vous suggère donc de veiller, à partir de maintenant, à ce que votre jus de citrouille ne se transforme pas en un révélateur extrêmement embarrassant et qui vous placerait dans des situations compromettantes pour votre avenir.

Harry redoutait la mise à exécution des promesses du professeur. Il était également furieux que Rogue le place dans un tel état d'oppression constante.

_ Votre situation actuelle ne permettant pas un renvoi extérieur de l'école, et ce, grâce à votre chance inouïe de vous faire apprécier des autres, ce dont vous êtes indiscutablement indigne, je suis certain que vous aimeriez très moyennement vous retrouver prisonnier d'un lieu où le savoir magique vous serait désormais inaccessible.

_ Vous n'avez aucun droit, objecta Harry, les poings se contractant, froissant dangereusement sa feuille.

Ils n'étaient plus en cours et leurs réponses respectives se faisaient de moins en moins "courtoises". Leur habitude récente à déverser en outre leur haine dans leurs combats leur faisaient perdre à présent plus rapidement leur sang-froid d'entant. La confrontation physique menaçait la verbale, même si elle ne prendrait jamais le dessus en de pareilles circonstances.

_ Le Seigneur des Ténèbres est revenu. Ce n'est pas en outrepassant les règles de l'école que vous assurerez dorénavant votre sécurité et surtout celles des autres.

Ce changement radical de sujet prit Harry au dépourvu. Le professeur poursuivit, la voix basse:

_ Vos stupides initiatives d'apprenti sorciers sont susceptibles d'avoir d'énormes répercussions sur notre monde, cette année plus que les autres. Vous croyez tout maîtriser et vous voyez ensuite récompensé mais maintenant, faîtes un pas en dehors de l'enceinte grâce à votre parchemin (il avait craché ce dernier mot avec mépris) et votre inconscience vous coûtera la vie, pas une médaille, dit-il au souvenir de ce qu'avait reçu le jeune homme en fin de deuxième année. Je n'attache guère d'importance à un petit voyou qui décide de jouer avec le feu. Cependant, il semblerait que Le Seigneur des Ténèbres soit centré sur vous et tant que vous resterez vivant, qu'aucune déclaration ouverte n'aura lieue, il ne jettera pas son envie meurtrière sur des gens plus innocents. Et si pour assurer leur avenir, il me faut vous condamner à passer votre scolarité entre les cours et les retenues et ainsi vous enlever de la tête toute idée saugrenue qui vous ferait tuer, je le ferai avec ravissement.

Harry croyait rêver: Rogue liait ses petits «dépassements de limites» avec Lord Voldemort, le dernier rapprochement qui lui serait venu à l'esprit. Il articulait sans cesse des «Je n'ai rien fait» mais les paroles du professeur les noyaient.

_ Que l'existence de notre monde repose indirectement sur votre insouciance est loin de m'enchanter, aussi m'appliquerai-je à vous faire respecter l'ordre, des règles les plus futiles aux plus sérieuses, continuait-il avec la même détermination. Vous irez en retenue, quelque soit votre obstination à nier votre faute. Sachez que pour moi, si Le Seigneur des Ténèbres s'attaque à quelqu'un d'autre, vous en serez l'unique responsable, parce que cela sera du à la suite d'un simple détournement de règles comme il est toujours apparu depuis votre entrée dans cette école.

Le rire de Cho Chang éclata tout près d'eux. Harry ne pouvait détacher son regard de l'homme qui le tenait pour coupable de tous les malheurs qui pourraient s'abattre sur n'importe lequel d'entre eux. Quelque chose allait de travers dans son discours, il ne savait pas quoi, mais quelque chose clochait... Le rire de la Serdaigle ne le quittait pas non plus, aussi léger fut-il. Son esprit était englouti par un océan de pensées. Il songeait Je n'ai rien fait, une voix lui répondait, dans un contexte tout à fait différent C'est bien ça le problème, liant lui-aussi inconsciemment le retour du terrible mage noir à cette futile punition. Aurait-elle été plus heureuse avec la présence de Cedric à ses côtés?... C'était quoi cette dernière question?! Que venait-elle faire là?! Rogue a raison: tu es responsable, Harry..., Non! Il cherche à me déstabiliser, pour une simple feuille de papier... Ses paroles... Quelque chose n'allait pas... C'est de la démence... Non, la vérité... Je n'ai rien fait... Rien du tout...

Rogue semblait essayer de lire en lui, le visage impassible, visiblement satisfait de l'effet de ses paroles mais aussi un peu troublé par le regard du jeune homme qui était comme perdu. Finalement, Harry reporta son attention au papier réduit en une boule compacte et se tourna vers son professeur, lâchant le parchemin qui tomba faiblement sur le sol. Ses yeux vides rencontrèrent ceux du maître en potions. Les cris joyeux et les rires envahissaient toujours la grande salle, n'emportant malheureusement pas avec eux les sentiments fautifs du jeune homme. Dans ce tapage de gaieté et d'allégresse, Harry se sentait immensément loin de ses camarades, les yeux plus scrutateurs que sentencieux de Rogue toujours sur lui. Le jeune sorcier ne souhaita alors plus qu'une seule chose, bien qu'elle soit très confuse: que tout s'arrête.

_ Cherchez un autre coupable, lui dit-il alors au milieu de leur silence, d'un ton à la fois impavide et fatigué.

Il fixa une dernière fois le visage jaunâtre indéchiffrable de son professeur et repartit vers sa place, ne cherchant même pas à voir quelle expression Rogue arborait maintenant. Il savait qu'il venait de refuser une punition, il savait qu'il venait de montrer une attitude plus qu'irrespectueuse envers un professeur et il ne doutait pas qu'il aurait des répercutions, des retours. Pourtant, il était comme déconnecté de cette société cadrée et était entièrement indifférent aux conséquences de son acte. Il s'assit, ses amis déjà tournés vers la table des professeurs, comme tous les autres qui parlaient d'un air enthousiaste, les yeux, malgré tout, en direction du Directeur.

Dumbledore était là, debout, prêt pour son annonce. Il fit tinter son verre et attendit un retour au calme avant de commencer. Patmol sortit légèrement la tête de dessous la table, le visage joyeux, et Harry posa sa main sur sa tête dans un sourire. Cette tête amicale, qui ne lui portait aucun jugement, lui fit du bien.

_ Un peu de silence, s'il vous plaît, demanda Mac Gonagall.

La salle obéit.

_ Merci, dit le Directeur. Comme toute l'école, j'ai eu vent des sélections qui se sont déroulées Samedi dernier et ce, grâce à l'article explicatif du Hibou Déchaîné dont je félicite par ailleurs les auteurs pour leur excellent travail.

Ron rougit, rendant ses tâches de rousseur moins visibles que d'habitude.

_ Maintenant, nous pouvons procéder au choix des alternatives proposées. Bien entendu, vous vous rendez tous compte que huit équipes ne peuvent se confronter à moins d'organiser un match par semaine à partir du samedi suivant jusqu'en fin Juin (Harry but de l'eau fraîche, chassant avec elle autant d'impuretés internes que de pensées blessantes qui persistaient à vouloir se faire entendre. Il écouta un peu mieux.). Ce qui est impossible à moins d'un relâchement scolaire de chacun des joueurs et je pense que les professeurs ici présents ne toléreront pas de telles mesures.

Quelques petits rires ponctuèrent son discours à la vue des expressions intransigeantes de Mac Gonagall et Rogue. Le jeune sorcier affronta le regard de ce dernier. Il ne sut ce que le maître en Potions pensait de sa réaction récente, son expression trop ambiguë. Il ne chercha pas à le comprendre davantage, de peur de ressentir une fois de plus le poids énorme de la culpabilité qu'il lui imposait. En revanche, il était maintenant certain que son discours était décalé avec la personnalité qu'il s'était construite de lui, et pas dans le sens dans lequel il voulait bien l'admettre... Pendant ce temps, dans une autre partie de son esprit, sa carapace se fortifiait...

_ Quoi qu'il en soit, voici nos suggestions. La première est la suivante: les huit équipes s'affronteront par éliminatoires. En d'autres termes, les perdantes ne feront plus parties de la compétition. Cela ramènerait le nombre de matches prévus à sept. En compensation, nous accepterons que celles ayant subi des défaites jouent entre elles, par le même procédé d'élimination. Ce qui ajouterait trois matches au nombre total. Et donc, un tournoi en dix matches, soit un par mois, ce qui est tout à fait correct. L'autre solution consiste à établir des éliminations directes au sein des quatre maisons. Le capitaine des anciens joueurs aurait le droit de choisir, entre les deux équipes, ceux qu'il juge comme ses meilleurs batteurs, son meilleur attrapeur, son meilleur gardien et, pour finir, ses meilleurs poursuiveurs. Il en découlerait un tournoi en quatre équipes, comme Poudlard est habitué à organiser chaque année. A présent, je demanderais aux capitaines de se lever et de nous faire part de leurs opinions. Je suis conscient que ce choix ne doit pas se faire à la légère, aussi prenez votre temps avant de vous décider. Mr Davies, si vous voulez bien prendre la parole...

Le Septième année de Serdaigle se leva, timidement.

_ Euh... Je pense que les deux alternatives sont fiables, dit-il en avalant sa salive. Pour ce qui concerne nos équipes, elles s'équivalent assez. Il me serait difficile et peut-être injuste de préférer certains joueurs à d'autres, alors que tous possèdent des techniques diversifiées et qui ne peuvent être comparées. J'opterai donc pour la première solution.

Quelques applaudissements le saluèrent et Harry sentit un noeud presque imperceptible se former au creux de son estomac. Il n'avait aucune idée de son comportement à venir. Et sa confrontation avec Rogue l'empêchait de voir clair dans ses idées. Davies s'assit, partagé entre la timidité et la fierté d'avoir été choisi, en quelque sorte, pour représenter Serdaigle.

_ Merci Mr Davies, poursuivit Dumbledore. Mr Malefoy, à vous.

Il ne fallut pas longtemps au Serpentard pour se lever, droit et bombant le torse.

_ Je choisis la deuxième solution. Il est clair que, selon moi, une équipe a toutes ses chances de gagner si elle est composée de ses meilleurs éléments.

_ Eh ben, au moins son choix est vite fait à celui-là..., murmura Ron alors que quelques applaudissements tièdes accompagnaient son avis.

_ Merci Mr Malefoy. Puis-je demander au capitaine des Poufsouffle de se lever?

Une fille de cinquième année se présenta, rougissante de la tête aux pieds.

_ Melle Perks, je vous en prie.

Harry admira intérieurement l'espace de quelques secondes Dumbledore pour sa mémoire. Connaissait-il vraiment le nom de tous les élèves de son école? En même temps qu'il s'interrogeait, sa préoccupation liée à Rogue s'éloignait peu à peu.

_ Eh bien, je crois que nos joueurs occupant le même poste ont des niveaux assez différents. Aussi, j'opterai également pour la deuxième solution, dit-elle de sa voix flûtée.

Elle fut à son tour applaudie. Malefoy étira un sourire vainqueur. Harry songea que la jeune fille avait eu le cerveau paralysé par l'attention qu'on lui avait porté. Comment avait-elle pu choisir cette proposition? Sachant pertinemment qu'elle n'allait pas s'éliminer, elle ôtait Krum de l'équation et privait ainsi sa maison de lui... Des Poufsouffle la regardaient avec un drôle d'air.

_ Merci Melle Perks. Le capitaine des Gryffondor pourrait-il se faire connaître?

Instinctivement, Harry regarda vers ses camarades. C'était à eux de choisir entre révéler son identité ou... Fred articula silencieusement "tous". Le Cinquième année aperçut, tout comme les autres joueurs de sa table, les doigts du second jumeau se refermer discrètement un à un sur la table et quand le dernier se replia, Harry se leva, imité de ses partenaires, exceptés Emile et Rose.

Des murmures retentirent dans toute la salle. Le jeune homme se sentait nerveux mais les autres semblaient très à l'aise de ce qui aurait pu faire l'objet d'une "blague". Malefoy grimaça et des rires étouffés résonnèrent un peu partout. Dumbledore afficha un air malicieux. Il avait enfin l'air de bien s'amuser.

_ J'ignorais que les Gryffondor s'étaient formés cinq équipes parmi les anciens, constata-t-il d'un ton joyeux.

Les élèves qui s'étaient retenus pouffèrent soudainement de rire. Du coin de l'oeil, Harry vit Mac Gonagall avec un sourire grandissant. Fred, Georges, Katie et Alicia se dressaient fièrement devant leur plaisanterie. Rogue était retourné à un affichage clair de mépris envers leur table.

_ Je suis désolé, fit Dumbledore pas le moins désolé du monde, mais il nous faut un avis. Je doute que les autres maisons acceptent de rencontrer autant d'équipes de Gryffondor.

_ C'est pour mettre toutes les chances de notre côté, professeur, intervint gaiement George.

Les rires redoublèrent, sauf du côté des Serpentard. Le Directeur pouffa légèrement. Morphéos eut un semblant de réveil. Harry sourit enfin d'aise.

_ S'il vous plaît, interrompit malgré elle Mac Gonagall. Nous attendons votre jugement. Il est capital. Si vous choisissez la deuxième proposition, c'est elle qui sera exécutée. En cas contraire, le choix sera porté sur celle dont les arguments seront les plus pertinents et un débat aura lieu entre les différents capitaines... de toute maison, je précise, dit-elle un peu embrouillée.

_ J'opte pour la première, déclara Katie. Qui me suit?, demanda-t-elle en s'adressant au reste de l'équipe.

Tous levèrent la main, Harry n'hésitant pas.

_ Dans ce cas, expliquez-vous tous, continua Dumbledore. Messieurs Davies et Malefoy, mademoiselle Perks...

Il leur fit signe de se lever une deuxième fois. Les murmures qui s'élevaient de chaque table s'intensifièrent à la vue de ce qui allait suivre. Avant même d'avoir reçu la permission de parler, Malefoy prit la parole:

_ Il est évident qu'il faut sélectionner les meilleurs éléments, soutint-il, rageur que les Gryffondor se fassent ainsi remarquer. Sinon, comment espérer garantir des matches soutenus?

Harry vit Alicia se mordre les lèvres. Elle se tourna alors vers la table des professeurs.

_ Je pense que les techniques sont trop diversifiées pour être comparées, comme l'a justement souligné Roger Davies, appuya-t-elle durement.

Les poings de Malefoy se contractèrent légèrement sous la table et Mac Gonagall sembla s'inquiéter de duels verbaux éventuels entre Serpentard et Gryffondor.

_ Les deux alternatives ramènent au même nombre de matches, dit Fred en haussant les épaules. Il vaut mieux choisir la plus équitable. On ne devrait pas éliminer des joueurs presque arbitrairement avant le commencement du tournoi. Chacun a droit à sa chance.

Des élèves approuvèrent de la tête. Harry remarqua que Sally-Anne Perks était trop timide pour défendre ses intérêts et se retenait de ne pas se rasseoir.

_ Soit, reprit fermement Mac Gonagall. Entre la diversité des techniques et la sélections des meilleurs éléments, résuma-t-elle, n'avez-vous, que ce soit de n'importe quel côté, aucun autre argument qui ferait pencher la balance?

Les tables restèrent silencieuses, à court d'idées. Malefoy était prêt à écouter n'importe quelle suggestion de la part de ses camarades.

_ L'esprit d'équipe?, dit d'une petite voix Harry.

Les yeux se posèrent sur lui. Le jeune homme ne sut comment réagir à cette focalisation soudaine.

_ Expliquez-vous, Mr Potter, continua Mac Gonagall.

Harry fit un gros effort pour se remémorer ce qu'il avait remarqué durant les élections tout en ne prêtant pas attention aux regards tournés vers lui, surtout celui de Rogue qu'il évitait à présent désespérément.

_ Chacune des équipes formées d'une même maison s'est créée une cohésion, dit-il, plongé dans son raisonnement. Tous les anciens ont l'habitude de jouer entre eux mais pas seulement eux. Dans la deuxième équipe de Gryffondor (il plissa les yeux au souvenir de leurs démonstrations de vol), les poursuiveuses, dans notre cas, ont déjà participé à plusieurs matches ensemble, dans leur pays d'origine. Elles se connaissent et savent comment réagir à telle réaction de leurs partenaires. Samedi dernier, j'ai vu également qu'il en était de même chez les Serdaigle et les Poufsouffle (Fred faisait inconsciemment "oui" de la tête en le regardant, les yeux brillants). En sélectionnant les "meilleurs éléments", on prend le risque de casser un ensemble qui se révélerait probablement plus efficace que de meilleurs joueurs qui se considèrent comme de parfaits inconnus (l'espace d'une seconde, Harry pensa Mais qu'est-ce que je fais...). Pour recréer cette cohésion, il faudrait alors énormément de temps et de travail, ce qui ne nous ait pas permis en raison de l'arrivée précipitée des matches.

Il s'arrêta, gêné par sa longue tirade improvisée. Il regarda autour de lui et vit tous les visages silencieux. Harry eut alors une étrange sensation. Les dernières fois qu'il avait été dévisagé était lors de son départ et de son retour à Azkaban. il était troublant de les voir le regarder alors qu'il ne risquait plus rien. Il eut comme un stress passager, une nervosité sans raison.

_ C'est tout, s'entendit-il murmurer alors qu'il attendait impatiemment qu'on lui demande de se rasseoir.

Les quelques secondes de silence qui suivirent lui parurent interminables. Euterpe le fixait intensément.

_ Merci, Mr Potter, coupa Dumbledore en s'adressant à l'assemblée. Quelqu'un voudrait-il ajouter quelque chose?

Malefoy ouvrit la bouche pour protester mais rien ne lui vint à l'esprit, aussi la referma-t-il, les joues rosissantes.

_ Dans ce cas, en raison de deux contre un, nous opterons pour la première solution, déclara-t-il. Vous pouvez vous rasseoir, fit-il aux "capitaines".

Des chuchotements enthousiastes retentirent à l'annonce du verdict. Les Gryffondor jetèrent un regard rempli de gratitude à Harry qui sourit légèrement. Fred lui fit signe d'observer Malefoy: il était on ne peut plus heureux d'avoir réussi à rabattre son caquet. Le Serpentard semblait prêt à mordre.

_ Huit équipes s'affronteront donc à partir de fin Septembre et oui..., c'est ça, fit-il en reportant son regard à quelques feuilles posées sur la table des professeurs, le premier match opposera "Les Rapaces" de Serdaigle contre "Les Tsunami" de Poufsouffle. J'aimerais aussi préciser l'annonce d'un bal, un bal, répétait-il alors que des murmures essentiellement féminins s'élevaient, qui aura lieu en l'honneur de la finale et donc dans le courant de la fin Mai. Ce sera tout pour l'instant. Je souhaite à tous les participants bonne chance aux matches à venir en espérant que vous fassiez éloge de vos talents, le tout dans des rencontres fair-play. Bon appétit.

Des applaudissements mêlés de sifflements joyeux saluèrent le discours du Directeur alors que les élèves commençaient à se faire passer les plats.

_ C'est un recruteur, j'en suis sûr.

_ Tu penses?

_ Oui, un bonhomme pour repérer d'éventuels professionnels.

Déjà, les conversations s'activaient sur le Quidditch et déjà, des élèves émettaient des hypothèses quant à la présence de l'inconnu.

_ Bon sang, qu'est-ce que j'aimerais qu'il me remarque...

Harry se servit d'un petit poivron farci en observant les Serpentard. Malefoy mourrait d'envie de se lever pour se jeter sur lui. Le Gryffondor détourna le regard avec indifférence et but un peu d'eau fraîche.

_ Comment tu as fait pour savoir?!, répétait Seamus à Ron au sujet du bal.

_ L'expérience, mon cher, l'expérience..., répondit le garçon roux avec une voix suffisante, quoique teintée d'amusement, alors que son camarade levait les yeux au ciel.

_ Il s'est levé!, en disait-un.

_ Ah oui... Alleeez, viens vers nous..., priait un autre.

_ Harry?, l'interpella Georges. Tu es courant pour les changements du terrain?

_ Oui, je les ai vu ce matin, répondit Harry au souvenir des dédoublements de gradins qu'il avait aperçu.

De nouvelles rangées de spectateurs surplombaient les anciennes, rendant le terrain plus impressionnant encore. Le jeune homme avait particulièrement admiré le travail de Rogue et Flitwick qui avaient fait surgir peu à peu de leurs baguettes un enchevêtrement de poutres nécessaires à la construction de quatre tours supplémentaires, chacune symbolisant une équipe de l'école. Tous les professeurs leur avaient ensuite prêté main forte alors que Harry voltigeait en hauteur. Le professeur de Potions avait eu l'air de prendre son entraînement comme une intrusion parasitaire...

_ Ils ont fait du beau travail, ajouta-t-il en portant une cuillerée à sa bouche.

_ Oui... Il s'approche...

_ Oh non! Il nous a dépassé!...

_ Alors? Qu'a dit le professeur Rogue à propos de ta retenue?, rappela Hermione à son ami en se servant à son tour.

Le jeune homme eut l'air soudainement triste quand...

_ Mr Harry Potter?

Harry se retourna, surpris. Hermione observa de même l'inconnu qui leur faisait face. Celui-ci tendit vivement la main au jeune sorcier comme lors d'un entretien pour l'obtention d'un emploi. Ron regardait son ami avec envie (un futur professionnel?).

_ Maître Thomas Parker, je suis chargé de vous faire remplir quelques formulaires administratifs du ministère.

Harry lui serra la main, surpris, et Parker s'installa en face de lui sans autre préambule, sortant de sa mallette des dossiers qu'il étala rapidement sur la table. Le jeune sorcier se sentait pris au dépourvu et quelques têtes regardaient également Parker avec curiosité. Harry lança à ses amis un regard intrigué. Tout en consultant d'une manière prodigieusement efficace ses fichiers, l'homme s'expliqua:

_ Je suis avocat, dirigeant du service de l'APPÂT, Abus des Personnes Particulièrement Appréciées du Tribunal. Je suis ici pour déposer un bilan de votre opinion concernant les injustices que Mr Macnair vous a causé, voir dresser une plainte contre cet homme, et négocier les correspondances entre ses fautes et votre faire-valoir. Votre libération officielle, qui a eu lieue le dimanche 3 Septembre, par Monsieur le Ministre, a été suivie d'examens sur l'accusé durant une semaine puis le rassemblement de dossiers médicaux visant à atténuer la pénitence de Mr Macnair, récemment classé comme victime de crises de démence passagères (Dumbledore avait vu juste alors..., songea Harry l'espace d'une seconde avant d'écouter la suite). Vous signerez ses formulaires (il faillit lui mettre un parchemin dans son assiette, emporté dans sa précipitation injustifiée) ainsi que ceci et... ah! Vous devez lire avant tout la lettre suivante qui m'a été remise en main propre dernièrement.

Il avait dit tout ça dans un unique souffle, le stress du travail débordant dans son comportement. Des camarades de Harry clignaient des yeux devant la présentation fulgurante de l'avocat et le jeune sorcier prit maladroitement la lettre qu'il lui tendait d'un geste sec. Il la déplia et lut:


Harry,


Toutes les propositions de Mr Thomas Parker entrent dans la réalisation de ta couverture. Elles ont pour objectif de parfaire une illusion de ton échec face à ta tentative de persuasion sur Mr Fudge concernant l'existence de Lord Voldemort. Si véritablement tu n'avais pas réussi, ce Maître serait présent pour te permettre de déposer une plainte contre Mr Macnair. Obéit-lui, la signature de tes décharges n'aura aucune conséquence quant à ta position actuelle. Les frais financiers de ta défense te seront détournés. Accepte de payer, tu ne verseras rien. Réagis exactement comme tu l'aurais fait si Mr Fudge avait fermé les yeux. Tu n'assisteras à aucune représentation en justice et le plan mis en place à ton retour d'Azkaban sera sauf. Aie confiance.


N.B: Lors d'une très récente entrevue que j'ai eue avec Mr Fudge, le ministre m'a fait part de son admiration concernant le travail remarquable de Arthur Weasley alors qu'il se refusait de croire au retour de Lord Voldemort. Il va de soi que cette impression ne sera pas inconséquent sur le coffre du père de ton ami. Les fonds financiers employés surtout pour la formation de nos armées, son augmentation n'atteindra pas le plafond fixé en temps de paix mais sa récompense ne sera tout de même pas négligeable...


Albus Dumbledore.


Le jeune homme releva la tête vers le Directeur qui discutait avec Melle Tambouille. Celui-ci sentit le regard de Harry posé sur lui et se tourna vers lui en lui adressant un sourire accompagné d'un hochement de tête significatif. L'adolescent sourit, plia le parchemin et fit face à l'avocat qui l'attendait patiemment. N'ayant rien à faire pour quelques secondes, il croisait ses mains qui tremblaient légèrement.

_ Je vous écoute, dit Harry.

Parker eut l'air ravi et recommença à s'élancer dans de complexes explications concernant les procédures de la justice magique. On aurait dit qu'il avait plaisir à prouver son efficacité, à montrer qu'il était bien à la hauteur de son emploi et qu'on pouvait facilement le qualifier de "sorcier d'avenir". Un Percy moins grognon, sans aucun doute...

Un Serpentard fit accidentellement tomber un petit accessoire près de la place de l'avocat et vint le ramasser. Harry eut plus l'impression qu'il venait pour écouter les raisons de son entretien avec Parker que pour récupérer son objet (un encrier étanche, peut-être...).

_ Mais avant tout, reprit Parker dans sa poursuite d'analyse de ses dossiers, souhaitez-vous déposer une plainte contre Mr Macnair?

_ Oui, dit fermement Harry.

Il l'aurait fait sans aucun délai si les événements avaient été autres. Ron et Hermione le fixèrent avec une expression d'incrédulité, se demandant dans quoi leur ami se lançait. Quand on s'engageait dans pareille affaire, cela pouvait avoir de sérieuses conséquences... Harry donna la lettre de Dumbledore à Hermione en jetant deux ou trois regards à la volée de façon à lui faire comprendre combien il était important que le contenu reste confidentiel. Entre eux trois seulement. Ron se pencha vers son amie et entama sa lecture.

A côté d'eux, Neville arborait la même expression d'incrédulité que Ron et Hermione avaient un instant plus tôt.

_ Vous êtes conscient du montant des frais dont vous vous portez garant?, répéta Parker.

_ Oui, dit Harry.

Il vit l'avocat griffonner à nouveau dans des cases de parchemin et lui tendre la feuille pour une énième signature.

_ Nous aurions pu nous entretenir seul à seul dans une autre pièce un peu plus tard, si vous aviez voulu, monsieur, dit subitement Harry.

Les coups d'oeil interrogateurs finissaient par le rendre mal à l'aise. Il avait été un centre d'attention suffisamment longtemps pour la soirée.

_ Le ministère est surchargé, se justifia Parker. Je fais juste un aller-retour. Je n'ai pas choisi le meilleur moment, c'est vrai, mais je n'ai pas eu le choix. Je suis désolé de vous perturber à cette heure-ci...

_ Oh, non, ce n'est pas ça, s'empressa d'ajouter le jeune sorcier, gêné à son tour. C'était juste une remarque.

Ron et Hermione avaient fini de lire la lettre et la rendirent à Harry. Ron paraissait aux anges.

_ Deux semaines sont passées depuis sa libération, fit remarquer Hermione. Vous n'avez pas pu venir plus tôt?

Le ton qu'elle avait employé était très diplomate et pas le moins du monde offensant. Elle recherchait uniquement une explication.

_ Beaucoup de mes collègues ont reçu des convocations urgentes du Haut ministère, justifia-t-il en vérifiant la signature du jeune homme alors que Harry remarquait que ses mains s'étaient arrêtés de trembler en s'adressant à Hermione. Il est certain qu'il est très rare de voir un pareil remue-ménage en ce lieu, ajouta-t-il, pensif. Et cela dure depuis un peu plus d'une semaine maintenant...

Ses cernes témoignaient de sa fatigue.

_ Toujours est-il que je dois me charger de certains dossiers de mes collègues qui traînaient depuis un petit moment... Et que je n'ai par conséquent pas pu venir vous rencontrer avant.

Harry se demanda s'il connaissait la véritable cause de ce remue-ménage.

_ Vous savez pourquoi vos collègues ont été rappelés?, poursuivit la jeune fille qui semblait avoir lu dans ses pensées et qui paraissait prise de pitié par la tonne de travail qui se déversait sur le jeune avocat.

Elle savait ce qu'était de passer des nuits à écrire, luttant contre le sommeil, notamment depuis sa troisième année.

_ Non, je l'ignore, répondit Parker en tendant un nouveau formulaire à Harry. En bas, à droite, lu et approuvé.

Le jeune sorcier obéit après en avoir lu rapidement les inscriptions. Il comprit dans le comportement de l'avocat que ses gestes étaient très rapides pour cacher ses petits tremblements.

_ Quelle peine Mr Macnair a-t-il de grandes chances de se voir attribuer?, questionna-t-il à nouveau en lui rendant le papier.

_ Détention dans un asile psychiatrique, probablement. Et surveillance permanente, dit l'avocat d'un ton neutre, probablement habitué à ce genre d'affaires.

_ Il n'ira pas à Azkaban?, essaya de se rassurer le jeune homme.

_ Non, je suis désolé, fit l'avocat en rangeant de nouveaux parchemins remplis.

_ Oh, il ne faut pas..., murmura Harry.

Ron se pencha à son tour pour interroger Parker, enfin descendu de ses nuages.

_ Et cet asile... C'est celui qui est près de l'hôpital de Sainte Mangouste?, demanda-t-il sans vraiment attendre de réponse. Les malades mentaux y subissent quel genre de traitement? Enfin, je veux dire, ils sont enfermés dans quoi? Ils ne risquent pas de s'échapper, n'est-ce pas?, bafouilla-t-il.

_ Non, leurs cellules sont aussi performantes que celles d'Az..., commença-t-il à répondre mais cessa aussitôt en croisant le regard de Harry.

Ses mains s'étaient remises à trembler subrepticement. Le jeune sorcier eut un regard indulgent.

_ Alors, il ne s'en ira pas, finit-il pour couper court à la discussion. Je signe où?

_ Euh... ici.

Pendant un court instant, Ron, Hermione et Parker le fixèrent avec le même regard qu'ils avaient eu le jour de son retour de la fameuse prison. Une réputation s'était établie, à l'intérieur comme à l'extérieur de l'école...

Les formulaires continuèrent de se succéder et Harry se demanda si l'administration moldue était aussi compliquée que celle du ministère de la magie. L'entretien prit fin près d'un quart d'heure plus tard et le jeune homme put enfin avoir droit à un banquet normal ou presque... Il ne but pas de jus de citrouille de la soirée.