CHAPITRE 13: Ascendance et Descendance.


Une pensine. Il aurait été ravi d'en avoir une sous la main. Voix externes, voix internes, tout se brouillait. Différents Harry se donnaient la réplique au coeur d'une véritable conférence mentale comme il n'en avait jamais eu dans sa vie. Une violente partie de ping-pong verbale cognait ses tympans. A cela s'ajoutaient les traces _qui ne faisaient qu'empirer d'ailleurs_ des derniers cauchemars et leurs maux. Ne partiraient-ils donc jamais?! Devait-il se faire à l'acceptation d'une vie entière rythmée par ces visions d'horreur?

Non. Impossible. En attendant, il faudrait éviter la folie. Il réprima un éclat de rire sans joie à cette pensée et se passa une main sur le front.

_ Ca va, Harry?, demanda Ron d'une voix parue comme lointaine.

_ Oui, oui...

De jeunes gens continuaient à passer, repasser devant lui, le contournant, gesticulant, parlant fort. Trop fort. Il avait l'impression de s'être réveillé après une soirée trop prononcée en alcool. Si seulement le problème résidait dans cette seule superficialité...

Ce bourdonnement ne cesserait-il jamais? Il avait besoin de réfléchir! Le schéma, les mots, les secrets... Il ne s'entendait même plus parler dans sa propre tête. Et ce n'était pas un coin bien tranquille qui l'aiderait certainement. Ses pensées étaient confuses, voilà tout. Hermine se serait sûrement portée volontaire pour l'aider s'il lui avait demandé. Classer, ranger, lier, ordonner... c'était son domaine. Mais l'avalanche d'informations qu'il avait reçu ces derniers jours... il voulait les comprendre lui-même. Tu as un orgueil et un goût de l'indépendance qui auraient pu tout gâcher... Croupton avait peut-être raison, oui.... Mais tous ses renseignements appartenaient à sa famille. Il les analyserait seul. Point barre, fin de discussion.

Harry passa auprès de deux jumeaux à l'air suppliant, presque coléreux et désespéré. Ils discutaient ("argumentaient") activement avec un professeur de métamorphoses qui paraissait au bord de l'éclatement "retenue!". Il s'assit à sa table, bien remplie en ce premier lundi matin de cours suivant les vacances.

Bon sang, ce qu'il avait mal à la tête. Même le pire devoir donné par Mac Gonagall n'avait jamais eu cet effet sur lui. Jamais de sa vie son esprit ne s'était autant efforcé à souder, coller les morceaux _page après page, pièce après pièce, entre lignes énigmatiques, schémas frustrants et irrévocablement attirants dans leur mystère_ des préoccupations de ses parents. C'était comme s'il essayait de comprendre en quelques jours ce qui les avait travaillé pendant plusieurs années. Une entreprise d'une complexité quasi inégalable. Mais cela en était devenu presque une obsession. Au-delà de la découverte de leurs pensées, il y recherchait une manière de réfléchir propre à son père, une façon d'aborder des problèmes typique à sa mère. En lisant, en tentant de saisir le sens de chaque signe runique, il avait l'impression de se rapprocher de ses parents et de, quelque part, mieux les connaître.

Fred s'affala sur le banc, à la gauche de Harry.

_ C'est pas possible, grogna-t-il en se servant malgré tout de goulasch.

_ C'est, c'est..., fit son frère en cherchant des mots assez forts pour exprimer ce qu'il ressentait. Comme si nous, nous étions visés!, éclata-t-il, l'air aussi grincheux que Fred.

_ Qu'est-ce qui se passe?, demanda Hermione en passant les petits pains à Ron.

_ Nous sommes interdits de sortie, marmonna George.

_ A Pré-au-lard, appuya Fred dans un sous-entendu qui éclaira Ron.

_ Oh, oh, mauvais pour les affaires, ça..., chuchota ce dernier.

_ Il fallait s'y attendre, dit Hermione d'un ton diplomatique. Ils ne vont pas nous laisser sortir... avec tout ça.

Mais aux mines de Fred et George, on pouvait dire qu'ils avaient placé malgré eux un peu trop d'espoir à ce qu'elles reprennent à la rentrée. Harry eut un soudain petit sentiment de culpabilité inévitable.

_ Mouaih... En attendant, on reste coincés dans un des seuls endroits où il est impossible de transplaner et donc impossible de s'amuser dignement...

_ ... et nous devrons attendre les prochaines vacances pour s'occuper de l'affaire "Zonko", ajouta George, déprimé.

_ Vous avez passé votre permis?, questionna Harry, se rappelant subitement des projets des jumeaux pour les vacances et voulant changer de sujet.

Fred et George perdirent leur air grognon pour un peu plus radieux.

_ Oh oui!, répondit joyeusement Fred. L'inspecteur a bien été obligé de nous les donner!

Hermione fronça les sourcils.

_ Comment ça, a bien été obligé?, souligna-t-elle.

Leurs sourires se fendirent un peu plus.

_ Eh bien l'un de nous l'a eu..., commença George.

_ Et l'autre pas..., continua Fred.

_ Mais à la fin...

_ Qui l'a vraiment eu?

Hermione leur jeta un regard perplexe tandis que Ron dissimulait un rire. Les jumeaux tentèrent de s'expliquer plus sérieusement.

_ L'inspecteur a euh... comment dire... eu du mal pour savoir à qui remettre le fameux permis après un petit tour de Gred et Forge...

_ Il a donc fini par abandonner devant notre baratin que je qualifierais de, euh...

_ Infernal.

_ Oui, c'est ça et, avec notre éternelle gratitude, il a consenti à nous le refaire passer tous les deux une fois...

_ Une seconde chance qui lui aura coûté un peu de son temps, il est vrai...

_ Mais qui en valait la chandelle puisque grâce à un magnifique coup du destin...

_ Nous y sommes, cette fois-là, parvenus...

_ Et tous les deux!, finirent-ils à l'unisson.

Harry et Ron sourirent devant le jeu des deux frères. Hermione ouvrit la bouche mais Ron la coupa aussitôt.

_ Ne pense même pas à leur demander qui l'a vraiment eu la première fois, c'est peine perdue.

La jeune fille, étonnée, voulut répondre, mais pour la seconde fois, n'y parvint pas: le courrier était arrivé. (Tiens, les professeurs ont été rapides à la vérification, ce matin, songea Harry). Avant d'ouvrir la gazette, son amie jeta un coup d'oeil vers Harry comme pour savoir à l'avance si le contenu l'informerait d'éventuels attentats. Celui-ci lisait cependant silencieusement un journal moldu. Il évitait en même temps et délibérément l'insistance des regards de la part de beaucoup d'élèves dont il avait fait l'objet depuis son arrivée dans la Grande Salle. Depuis les vacances, les jeunes gens avaient pu baigner pendant près d'une semaine dans les rumeurs d'un peuple extérieur à Poudlard qui ne cessait de discuter de son échappatoire à Azkaban. Bien sûr, les élèves s'y étaient habitués il y avait un petit bout de temps mais fréquenter et revoir de la famille qui ignorait tout de ce qui se produisait dans l'enceinte de l'école et les interrogeait les avait en quelque sorte... refait penser au degré de rareté des événements extraordinaires de la rentrée de Septembre. Sans compter les potins sur l'entretien qu'il avait eu avec Nott et qui n'avaient pris que davantage d'ampleur... Après quelques minutes, un éclatement de sanglots exagéré retentit chez les Serpentard. Quelques têtes se tournèrent.

Malefoy faisait semblant de s'essuyer quelques larmes alors que Parkinson portait sa main sur la poitrine en disant des "Oh mon dieu!" tragiques. Ils étaient secoués de sursauts théâtraux de tristesse tandis que le reste de la table s'esclaffait. Mais dès que le regard de Malefoy croisa celui de Harry et qu'il redoubla de pleurs imaginaires pour le plus grand plaisir de ses camarades, Harry se retourna vivement vers Hermione.

_ Qu'est-ce qu'ils disent dans la gazette aujourd'hui?, lui demanda-t-il avec appréhension.

Même en essayant d'ignorer ce qu'ils écrivaient habituellement sur lui, il était toujours difficile de rester stoïque face aux attaques journalistes, si attaque il y avait eu. Hermione feuilletait rapidement le journal et répétait, page après page, d'abord anxieusement puis avec un air un peu perdu:

_ Rien, rien,... rien... Je ne vois absolument pas...

_ Ce n'est pas dans la gazette, coupa une voix.

Le trio se retourna vers la source. Parvati Patil et Lavande Brown (aux côtés de Seamus) étaient penchées quelques secondes plus tôt sur un magazine... Sorcière-Hebdo.

_ Ah oui... Je l'avais oublié celui-là, dit Harry à voix basse.

_ Et qu'est-ce qu'ils disent qui puisse déclencher une telle euphorie chez nos chers Serpentard?, demanda Ron avec un dégoût non dissimulé, les yeux tournés vers Malefoy.

Hermione s'était placée derrière Parvati pour voir par dessus son épaule. Son expression s'assombrit aussitôt mais elle eut l'air de se reprendre rapidement avant de tenter en outre un sourire aux garçons. Un échec.

_ Absolument rien qui ne te porte préjudice, Harry, dit-elle en essayant d'adopter un ton léger et indifférent.

Elle avait encore échoué. Harry haussa les sourcils alors qu'elle empruntait poliment la revue de Parvati et la plaçait sous ses yeux. Il s'en saisit et en observa le contenu. Rien n'était en première page. Ni en seconde, ni en troisième d'ailleurs. Cela ne devait pas être bien grave. Il commença à l'analyser de plus près. Un ragot sur Glenda Chittock, présentatrice de "l'heure ensorcelante" sur la RITM... La théorie d'Aldabert Lasornette ne serait que pure illusion... Nuit bleue: la dernière robe enchantée de Gaichiffon, un bonheur pour les demoiselles... La transformation grotesque d'un soi-disant animagus non répertorié du groupe des Bizarr'Sisters en carpe muette... Un cimetière... minute!

Ses yeux s'agrandirent. Devant lui avait été publié une photographie amateur de lui, de dos, agenouillé devant la tombe de ses parents, à moitié dans la brume mouvante, la tête basse. Au-dessous, rien de plus qu'un simple titre (Harry Potter en recueil) et quelques informations sur la date et le lieu de "l'événement". Le tout dans la liste hebdomadaire de: ZOOMS grandissimo des lecteurs, reporters d'un jour, célébrités toujours où étaient répertoriés les trouvailles d'amateurs, souvent fidèles. C'en était presque navrant de manque d'attaques. Juste cela, une parenthèse sur un fait, un acte commun à la vie de la plupart des sorciers. Harry ne sut comment réagir. D'un côté, il n'avait à se défendre de rien, de l'autre... Pouvait-il exprimer de la colère à ce qu'on ait rendu public une partie plus que privée d'un moment de ses journées? Il aurait du donner à Patmol l'autorisation de mordre ce jour-là.

Mine de rien, Ron et Hermione le regardaient attentivement en l'attente d'une réaction, reniant la distribution du dernier Hibou Déchaîné. Finalement, il repoussa la revue de lui et déclara doucement.

_ Je ne vois pas ce que l'on a à me reprocher.

Il finit son jus de citrouille et dit, la tête tournée vers un Malefoy se mouchant bruyamment:

_ On y va?


Histoire de la magie, bien qu'il fut l'un des cours les plus ennuyants donnés à Poudlard, fut bien accueilli par le jeune sorcier. Dans l'atmosphère somnolente de la classe, son esprit semblait prendre quelque repos mérité. Aux côtés d'une Hermione toujours dynamique face à la prise de notes ("les BUSE approchent, les BUSE approchent"), il se reposait la tête sur sa main gauche et griffonnait lentement sur un parchemin pour passer le temps. Une suite d'initiales apparaissait sous sa plume, espacée de traits d'union. Une suite qu'il connaissait par coeur et réécrivait dès qu'il en arrivait à la fin. HP-JP-ML-TL-FK-...

Les initiales des noms de la lignée. Sa lignée. Harry avait pris l'habitude de la répéter dans des marges, tel son père dans ses dossiers de travail. Un brouillon qui le travaillait. Mais le jeune sorcier s'était rendu compte que, contrairement à ses propres recherches, la fin était différente. FB-GW? Qui était ce GW? Et pourquoi comportait-il un point d'interrogation? Ce nouveau renseignement (Harry avait terminé sur Flavius Belby uniquement) l'avait intrigué au plus haut point. Peut-être davantage que ses découvertes sur les incantations de sa mère. Car il voyait bien là, cachée, la véritable raison de l'obsession de Voldemort à vouloir le tuer. Ce qui avait poussé sa mère peut-être à approfondir les vieilles magies, parce que son père l'aurait informé de cette bizarrerie dans sa famille. Inévitablement.

Il pensa combien lui et son père avaient nombre de points communs: James, éduqué par son père seul, s'était retrouvé orphelin à quatorze ans. Il était alors devenu un adolescent plus pointilleux, dans ses devoirs de magie comme pour ses objectifs personnels, soit, de meilleures connaissances sur sa mère qu'il n'avait jamais connu. Peut-être avait-il lui aussi remarqué cette étrange couleur rouge qui teintait certains dossiers de leur famille, peut-être que le grand-père de Harry en ignorait l'existence, ou croyait que l'absence de connaissances à ce propos chez son fils préserverait un quelconque bonheur naïf, Harry n'en savait rien, il ne pouvait formuler que des hypothèses...

Ce GW, ou plutôt cette GW, Harry en avait finalement eu le nom entier: Glenda Withers. Il l'avait vu un jour où son père s'était mis à griffonner les noms complets de la lignée à la suite. Et cette fameuse Glenda Withers n'avait pas seulement apparu dans une marge. Dans les cahiers de James Potter, remplis de lettres, de morceaux de journaux, d'articles prélevés, ce nom avait été cité... dans un éditorial moldu.

A partir de là, Harry avait compris pourquoi son père n'avait pas remonté plus loin son arbre généalogique: il n'était pas certain du lien de parenté entre les deux personnes. James Potter avait en effet, au cours des dernières années de sa vie, fourni un incroyable travail de recherche. Se fondant sur le fait que sa famille subissait une sorte de tragédie héréditaire, il en avait conclu qu'il devait trouver un accident, un meurtre, la disparition d'une personne aux alentours de la date de déposition de l'enfant Flavius Belby devant son orphelinat et dans un périmètre raisonnable qui encerclait le lieu.

Fouillant les archives sorcières des gazettes, recherchant dans celles mordues _ centres des plus sécurisés _ (Harry avait béni les gens de conserver autant de journaux, souvent nécessaires aux enquêtes policières), James Potter avait eu finalement, semblait-il, une lueur d'espoir face à l'article intitulé: La découverte du corps de Glenda Withers, jeune femme âgée de vingt-six ans, au large de Bristol. La phrase avait en elle-même rien de spécial, mais en se penchant de plus près sur l'article, Harry avait pu lire: autopsie mystère... médecins légistes passablement déconcertés... mère d'un enfant d'un an, toujours introuvable... compagnon victime deux ans auparavant d'une mort semblable... une tragédie qui s'abat sur la famille... Après ça, le jeune sorcier, certainement comme son père, muni désormais de dates précises données par l'article, en avait déduit les années de fréquentations de Glenda Withers au collège Poudlard, si sorcière elle avait été.

L'excitation qu'avait procuré ces possibles explications avait malheureusement rapidement fait place à la déception en apercevant que son dossier... n'était pas rouge.

Il ne restait donc qu'une seule solution. Une solution pour laquelle son père n'avait peut-être pas eu assez de temps pour songer à l'envisager: la lignée se poursuivait en prenant le compagnon de Glenda Withers. Un compagnon dont la fatalité s'était arrangée pour qu'aucune information ne soit révélée, ni sur son nom, ni sur son âge (Quelle poisse!, avait éclaté Harry dans le dortoir sous les yeux surpris de Neville, revenu de la grande salle après souper). Et un compagnon sûrement sorcier. A Poudlard, peut-être dans la même promotion que Withers... Un compagnon à l'empreinte rouge.

Harry, après avoir juré intérieurement contre tous les obstacles qui s'obstinaient à lui barrer la route (Il y a une malédiction sur ça aussi, ou quoi?!), n'avait conclu qu'une seule manière de résolution à portée de mains à présent: ouvrir tous les dossiers masculins de ces années-là jusqu'à y apercevoir cette luminosité rouge flamboyante si particulière. Ses recherches aboutiraient... Avec espoir.

Ron lui fit passer un petit bout de parchemin, l'air préoccupé: "Dis, pour l'interro de Lyth demain, c'est quoi déjà les différents sorts de dissimulation?"

Harry prit sa plume: "celui du mirage, du brouillard, le maléfice de pointe (celeros) appliqué aux objets, les sortilèges d'éblouissement et d'endormissement (tsetse). Ce sont les seuls nouveaux". Son ami le lut et un "Ah oui" silencieux s'éclaira sur son visage. Ils se sourirent et Harry se retourna vers Hermione, toujours penchée sur ses notes. Décidément, elle semblait bien être la seule à penser au bannissement des farfadets...

_ Tu crois vraiment que le contrôle ne durera qu'une heure?, répéta Ron à Hermione avant le cours de métamorphoses, quelques heures plus tard dans les couloirs.

_ Bien sûr, fit la jeune fille d'un air exaspéré. Ce trimestre, nous allons commencer tout ce qui se rapporte à notre centre magique. Et puis d'abord, tu ne devrais pas te montrer aussi inquiet, tu as eu toutes les vacances pour réviser!, finit-elle en fronçant les sourcils.

_ Une heure de contrôle, une heure de pratique, se rassura Ron en ignorant la dernière remarque d'Hermione et entrant dans la classe.

Harry vint s'asseoir à sa place habituelle en observant au passage le feu ronflant au fond de la classe. Parmi les flammes, des salamandres paraissaient se réjouir des braises et de la chaleur qui leur léchaient le corps. Se faufilant sous les bûches à petits pas rapides, le jeune sorcier aurait juré les entendre couiner de plaisir.

Le feu fut bien accueilli par la majorité des élèves, d'autant plus que la température extérieure ne cessait de baisser. Les écharpes furent déposées, de même que les capes.

_ Prenez le panier de fleurs près de vous, Miss Brown, s'il vous plaît, et passez-le moi, commanda Mac Gonagall avant même que tous furent installés. Thomas, veuillez distribuer les chenilles, nous reprenons le cours là où nous l'avons laissé durant la dernière séance pratique.

Elle s'avança dans l'allée principale alors que les premiers élèves qui avaient reçu leur "matériel" s'affairaient.

_ Pour ceux maîtrisant complètement le processus de vieillissement sur la chenille en papillon (Neville rougit: il n'en était encore qu'au bouton à la fleur), je vous demanderai de vous munir chacun d'une salamandre Microcryptobranchas. Toujours relatif à la métamorphose animale, la difficulté résultera uniquement dans la taille, plus grande, dit-elle en en faisant sauter deux dans sa main gauche d'un coup de baguette.

Encore une fois, Harry les surprit à couiner, mais cette fois-ci de mécontentement.

_ Le vieillissement sera visible, dans ce cas, surtout par le rapide changement de couleur de leur peau. Ce sera la dernière étape à étudier avant de vous introduire au sortilège de rajeunissement.

Elle proposa une salamandre à Rose et Milia qui la refusèrent poliment et se repenchèrent promptement vers leur chenille respective. Hermione, elle, s'empressa de se retourner pour en prendre une. Mac Gonagall continua de s'avancer dans l'allée à la recherche d'éventuels élèves qui s'étaient assez avancés pendant les vacances pour tenter l'expérience. Harry, en petite discussion avec Ron, regarda la main tenant sa baguette en pensant "ne sois pas trop lourde aujourd'hui, d'accord?". Après tout, pas la peine de passer du processus de vieillissement à celui de décomposition pour lequel il avait soigneusement appris le contre sort en cours de Magie Noire...

_ Soyez attentifs à la distinction entre les maléfices de grossissement et de vieillissement, légèrement semblables, disait le professeur. Miss Lumman, plus souple le poignet, plus souple.

_ Et pour la formule du brouillard, c'est...?, continuait de chuchoter Ron qui n'avait pratiquement rien écouté depuis le début.

_ Turbidus, souffla Harry avant de faire comme si de rien n'était alors que Mac Gonagall leur jetait un regard soupçonneux.

Il fit rapidement détourner ses yeux sévères d'eux vers la salamandre qu'il prit dans ses mains.

_ Et maintenant calme-toi Ron, je ne t'ai jamais vu aussi nerveux pour un contrôle, dit Harry quand le professeur se rapprocha de Seamus pour le voir à l'oeuvre. A part pour les potions peut-être..., finit-il en y repensant de plus près.

_ Ben..., hésita son ami. Il faut reconnaître que j'ai pas vraiment vu les vacances passer...

_ Comme tout le monde, murmura Dean qui avait entendu la conversation, derrière eux, l'air résigné à voir sa chenille se transformer en une monstrueuse larve avec de minuscules ailes translucides.

_ Sans compter que cette prof..., continua Ron à voix basse. Enfin, on a plutôt envie de faire de notre mieux avec elle, c'est pas comme avec Rogue où...

_ Peur de la décevoir, Ron?, coupa Harry avec un petit sourire aux lèvres.

Afin d'éviter une réponse cinglante, il feignit une grande concentration sur la salamandre qui gigotait dans tous les sens dans sa main. Elle semblait rire et ses petits yeux globuleux étincelaient de joie. Murmurant une incantation, Harry vit ses couleurs vives (jaune et noir) se dégradant rapidement dans un arc-en-ciel de teintes différentes. Un joli et bien agréable petit spectacle. Le reptile, en même temps, grossissait uniformément avant de rester sous la forme d'une salamandre fatiguée et beaucoup moins énergétique qu'auparavant. Un chuchotement atteignit soudain ses oreilles. Il se tourna vers Ron.

_ Tu m'as dit quelque chose?

_ Moi? Non.

Et son ami revint à son travail. Harry fit de même, se secouant légèrement, quand un autre chuchotement se fit percevoir. Regardant autour de lui pour essayer d'en percevoir la source, il pencha ensuite légèrement la tête sous la table.

_ Ssssssssuis m-m-m-m al..., crut-il entendre.

_ Qu'est-ce que vous dîtes?, demanda-t-il spontanément.

Les sursauts soudains de ses camarades placés près de lui le fit sursauter à son tour et il faillit se cogner au bureau. Il crut qu'ils avaient été effrayés par l'éclatement de la chenille de Parvati qui avait des pattes plus gonflées que le reste du corps avant que le garçon roux ne prenne la parole.

_ Non mais ça va pas?!, le sermonna Ron avec une voix basse qu'il se forçait à contrôler, le visage très pale.

Dean avait l'air de quelqu'un qui ne supportait pas les crissements de la craie sur un tableau. Harry se retourna vers Ron.

_ Tu parleras Fourchelang un autre jour, ce n'est pas vraiment quelque chose qu'on apprécie, sans vouloir t'offenser, lui murmura ce dernier très vite.

Harry, une expression éclairée traversant son visage, reporta son attention vers... la salamandre.

_ Désolé Ron, j'avais oublié. C'est un reptile..., dit-il plus à lui-même qu'à son ami. Mais pas un serpent, c'est pour ça que je ne comprenais pas parfaitement ce qu'il disait...

Il tendit sa baguette vers l'animal et murmura une autre incantation. Il redevint un jeune turbulent jaune vif coupé de rayures noires.

_ Voilà. Maintenant, il se sentira beaucoup mieux.

Ron, qui avait reporté son attention sur sa chenille ailée, regarda curieusement sa salamandre.

_ On peut savoir ce que tu lui a fait, là? Parce que moi, je ne vois pas de différence avec son état initial...

Harry haussa simplement des épaules et Mac Gonagall passa derrière eux, un sourire aux lèvres.



_ Tu as compris ce qu'il fallait faire?

_ Pas tellement. Et toi?

_ J'ai plus de chance de parler le Rugilang que de voir ce centre, crois-moi...

_ Messieurs Finnigan et Thomas, restez silencieux je vous prie, coupa Lyth. Ou vous n'aurez aucune chance de mieux saisir le nouveau concept de la magie que je m'efforce de vous enseigner.

La salle retomba dans un silence de méditation. Les tables avaient été repoussées sur les côtés et les élèves étaient assis en tailleur sur le sol, tentant de percevoir le fameux centre sorcier magique qui existait en chacun d'eux.

_ Si ce devoir pouvait être qualifié de particulièrement incompréhensible, marmonnait Ron aux plus proches de lui, la suite du cours, elle, c'est carrément...

_ Chut Ron, coupa Hermione qui se voulait une concentration parfaite.

Il était vrai que, pour une fois, le cours manquait d'explications concrètes et visuelles. Tous les élèves étaient autorisés d'agir à leur guise du moment qu'ils se sentaient calmes, vidé de tout sentiment et conscients des minuscules sensations provoquées dans leurs corps. Ne souhaitant nullement se faire remarquer, ils s'étaient alors tous peu à peu installés confortablement dans une position identique, à la recherche d'une réponse. A ce stade, il leur avait été demandé de se focaliser uniquement sur une source chaude interne après avoir murmuré une incantation, la baguette pointée sur eux-même. La formule leur avait donné une sensation désagréable de tourni perpétuel. Puis, s'y habituant avec lenteur, ils s'étaient sentis totalement décontenancés devant le défaut... de magie qu'ils avaient éprouvé en eux.

Et qu'étaient-ils réellement supposés faire maintenant?

Harry, le dos appuyé contre un mur, gardait les yeux ouverts, au contraire de quelques-uns comme Hermione. Il observait attentivement les coeurs magiques de ses camarades, telles des petites boules de feu brûlant en chacun d'eux. Celle d'Hermione était de la taille d'un oeuf et flottait au niveau de son aisselle gauche, près du coeur. Celle de Ron était presque aussi grande qu'une balle de tennis et demeurait à l'arrière du crâne: il allait avoir quelques difficultés à la repérer...

Mais la plus intrigante était celle de Neville: de la taille d'un cognard, au creux de son estomac, elle semblait être en léger et continuel balancement de gauche à droite, une particularité que Harry n'avait remarqué chez aucun autre.

Le jeune homme, grâce aux cours de Sirius, pouvait en effet observer tranquillement ceux de ses camarades. Leurs coeurs se voyaient aisément pour la bonne raison qu'ils se trouvaient être de grands concentrés d'ondes magiques. Les autres ondes qui émanaient des sorciers étaient quant à elles beaucoup plus difficiles à percevoir (les cours de Sirius servaient!), mais la plupart du temps, elles comportaient des couleurs identiques à celles de leurs empreintes magiques...

Harry soupira. Il regardait les centres des autres Gryffondor alors qu'il était supposé voir le sien. Il posa ses yeux sur lui. Encore eut-il fallu qu'il le trouve. Pas de centre... une aberration! Comment pouvait-il survivre sans centre?! C'était impossible. Etait-il à l'arrière de son crâne, tout comme Ron? Non, il avait bien vérifié, à l'aide d'un miroir (les glaces reflétaient les ondes magiques, il s'en était assuré il y avait quelques semaines déjà). Il avait aussi posé, de façon tout à fait innocente bien sûr, la question de cette probabilité à Lyth.

_ Strictement impossible, Potter, avait-elle répondu. De même que tout être humain est pourvu d'un coeur, tout sorcier possède un centre.

Strictement impossible... Alors pourquoi ne réussissait-il donc pas à le voir?! Où était-il?!

Ron n'avait pu réprimer un sourire à sa question. En réalité, il s'était littéralement effondré de rire le matin même, en cours de Divination. Le pendule de Harry s'était mis, en effet, à tourner à toute vitesse en décrivant un cercle vertical sans jamais s'arrêter. Il était supposé se pointer sur son centre, encore une fois...

_ Si certains cessaient de considérer de temps à autres les ustensiles de la voyance comme de grotesques... jouets, avait réprimandé Trelawney sur un ton pincé en croyant que Harry s'était amusé à lui faire délibérément prendre de la vitesse quand elle avait eu le dos tourné, ils se placeraient peut-être alors dans un climat plus favorable à la lecture correcte des signes que les pendules tentent de leur dévoiler.

Et sur ce, elle s'était éloignée, le menton haut.

_ J'ai toujours su que tu étais sans coeur, s'était ensuite empressé de dire Ron, pouffant de rire.

Après plusieurs tentatives de méditation en solitaire, Harry, résigné, était donc directement passé à la suite de ses cours: savoir cacher son centre aux autres. Et là, il était sûr d'y être parvenu: la lueur enveloppante, les sens décuplés de façon éphémère... tous les symptômes avaient traduit la réussite de son opération. S'il était incapable de voir son centre, il voulait au moins s'assurer que personne ne le verrait avant lui... Il devait certainement faire un blocage dessus, tout comme le sortilège d'attraction l'an passé. En attendant, il savait que les sorts offensifs étaient incroyablement plus efficaces en atteignant ce fameux coeur et il se rangeait tout à fait du côté d'Hermione en affirmant qu'il valait mieux que personne ne le connaisse...

Le professeur Lyth passa devant lui. Il garda le regard dans le vide, simulant une grande concentration. Elle s'éloigna sans un mot. Harry repensa à toutes les étrangetés qui lui arrivaient cette année. La lignée rouge, la magie moldue, les visions aussi diurnes que nocturnes, les incompréhensibles plans de Voldemort, les ondes imperceptibles en lui... Etait-il paranoïaque ou avait-il un don réel pour s'attirer les contrariétés?


Ron, au contraire de son ami, ne semblait pas avoir besoin de recherches extra-scolaires pour paraître agité et occupé cependant. En réalité, son cas était semblable à la majorité des Cinquième et Septième année, ciblés de toutes parts par des professeurs intransigeants à leur préparation aux futurs examens. Bien qu'ils ne fussent qu'en début de second trimestre, ils étaient plus que jamais chargés de devoirs et ceci, dès les premiers jours qui avaient suivi la rentrée.

_ Pourquoi apprendre la fabrication de la potion Aiguise-Méninges si ce n'est que pour être informé de son usage interdit en période d'examens?, s'était révolté un jour Dean en contemplant d'un air dramatique la liste des devoirs à rendre pour le lendemain.

Malheureusement pour eux, leur situation fut loin de s'améliorer le jeudi matin, quand Hagrid leur montra enfin en quoi consisterait leur rapport à rendre pour les BUSE en cours de Soins aux Créatures Magiques.

_ Mais... Mais qu'est-ce que c'est?, demanda Lavande, la tête penchée au-dessus d'une caisse que Hagrid venait d'ouvrir.

A l'intérieur reposaient sur de la paille ce qui auraient pu être assimilés à des oeufs, excepté qu'à la place d'une coquille, une sorte de peau gris pâle faisait office de protection.

_ Des Etrompards, informa joyeusement Hagrid en s'en saisissant doucement d'un.

La largeur de l'oeuf était égale à celle de son index. Il eut l'air de le chatouiller gentiment quand Harry s'aperçut avec stupéfaction que la "coquille" n'était en fait que la superposition de deux grandes oreilles frêles qui se dépliaient pour laisser apparaître la plus petite créature qu'il ait jamais étudié dans ce cours.

Haute de cinq centimètres, incapable de se tenir debout, la créature grisâtre et replète comportait quatre petites pattes dont la morphologie rappelait celles des kangourous, deux petits yeux noirs brillants qui avaient peine à s'ouvrir, comme au réveil d'un long sommeil, et une petite bouille bien sympathique au museau humide. Plusieurs filles eurent un "Oooh" d'adoration et Harry et Ron échangèrent un regard: c'était bien la première fois que Hagrid prenait plaisir à leur montrer des créatures inoffensives, qu'il considérait habituellement comme ennuyantes.

Ses oreilles finirent de se déplier complètement du corps et ils purent observer qu'elles faisaient chacune d'elles deux fois la longueur du corps lui-même. Elles retombèrent mollement de chaque côté de la main du professeur.

_ Ils sont nés vendredi dernier, annonça-t-il fièrement. Ils sont encore fragiles mais en restant doux et attentifs avec eux, il n'y a aucune raison pour que vous ayez du mal à vous en occuper.

Certains élèves commencèrent, avec hésitation, à les caresser et peu à peu, toutes leurs oreilles se déplièrent, comme des couvertures que les créatures poussaient sur le côté.

_ Les Etrompards sont omnivores et gardent leur taille initiale presque toute leur vie. Si, durant leur élevage, ils sont soumis à de bons traitements, il y a des chances pour que vous soyez témoins d'une petite transformation surprise chez eux vers la fin de l'année. (C'était donc ça, pensa Harry qui cherchait la faille de ces créatures trop inoffensives à son goût pour intéresser son ami...) Nous allons établir les points essentiels aux "Bons Soins" qu'il vous faudra respecter et à la fin de ce cours, vous en prendrez un chacun.

_ On va devoir s'occuper de ça, même en dehors des cours?, s'indigna Malefoy en regardant son Etrompard d'un oeil méprisant.

Il ne voyait devant lui qu'une surcharge de devoirs supplémentaires et Ron devait bien s'admettre qu'il comprenait un peu (mais alors vraiment un tout petit peu!) le comportement du Serpentard.

_ Exactement. Vous le garderez avec vous jusqu'au prochain cours pour que vous fassiez une meilleure connaissance avec lui et après cela, vous pourrez venir de temps en temps le reprendre dans ces différentes caisses que je laisserai à votre portée, près de l'enclos. Plus vous passerez de temps avec eux, mieux ils se porteront. Ce sont des animaux très sociables et... ils adorent les promenades, finit-il en souriant à l'un d'entre eux, l'air presque paternel.

Harry le regarda d'un air incertain: son ami avait l'air d'avoir oublié son cours et observait passionnément l'Etrompard bailler. Plusieurs élèves fixèrent le professeur en attendant la suite de la leçon qui ne venait pas.

_ Hum, fit Hermione dans un petit raclement de gorge qui rappela doucement Hagrid à l'ordre.

Celui-ci releva la tête et parut gêné alors que Malefoy hochait la tête avec dédain.

_ Euh... oui, bon. On va prendre quelques notes sur eux maintenant.

_ Ron! Pour le Hibou, tu te rappelles du graphique sur les pourcentages des élèves qui pensaient que...?, commença Astrarie à la fin du cours en rattrapant le garçon roux.

_ Oui, oui, oui, je m'en rappelle, la coupa-t-il brusquement.

Depuis le début de l'année, il était devenu une habitude chez lui à cacher auprès d'Hermione et de Harry tout ce qui se rapportait au Hibou Déchaîné, dans l'unique objectif de savourer leurs surprises et compliments chaque lundi matin. Hermione attrapa le bras de Harry et le força discrètement à ralentir tandis qu'Astrarie s'accaparait de Ron sur un "conseil de la plus haute importance" pour l'article qui devait être fini "dans les délais".

_ Et donc, tu dois absooolument m'aider, continuait-elle d'un air suppliant en lançant un discret clin d'oeil à Hermione par dessus l'épaule du garçon roux.

_ Maintenant..., chuchota Hermione à l'oreille de Harry qui hocha la tête en signe d'acquiescement.

Ils s'appliquèrent à ce que Ron ne remarque rien de leur séparation puis se redirigèrent dans le sens inverse... en direction de la cabane de Hagrid.

_ Ouaih, d'accord, je te suis, disait le garçon roux, plus loin.

_ Espérons que ça marche..., souffla Harry en jetant un dernier regard vers son ami qui disparaissait à l'intérieur du château.


_ Parfait! Vraiment parfait!, marmonna Ron en pénétrant la bibliothèque. Non seulement nous sommes plus ensevelis que jamais sous une montagne de devoirs, il faut encore qu'on perde deux heures à faire des recherches qui ne mènent à rien!

_ Qui ne mènent pas à rien, Ron, rectifia Hermione en le forçant à baisser la voix alors qu'ils passaient près de la documentaliste. D'après Harry, Gryffondor aurait été marié à le Reine Maëva. Nous n'avons plus qu'à rechercher sa descendance à elle maintenant... J'aurais aimé en savoir un peu plus sur ça. Tu es sûr de ne pas te rappeler dans quel ouvrage tu l'as vu, Harry?

_ Non, mais rassure-toi, je suis certain de ce renseignement, Hermione, s'empressa de dire Harry, les joues rouges de culpabilité.

La Bibliothèque de Rowena Serdaigle avait enfin été un peu revisité pendant les vacances. Et elle avait servi... Cependant, il en tirait le moins d'informations possible. Ses camarades deviendraient soupçonneux quant à ses sources invisibles et le questionneraient jusqu'à obtention de réponses, et donc la brisure d'une promesse faîte jadis à Dumbledore...

_ Tu as déjà regardé ce qu'il pourrait y avoir sur la Reine Maëva ici, rappela Ron en s'affalant sur une chaise. Souviens-toi, Hermione, dès que Harry te l'a dit...

La jeune fille simula n'avoir rien entendu.

_ Et tu n'avais rien trouvé, continua son ami en appuyant sur ses mots et cherchant à croiser son regard pour lui faire passer le message. Alors je ne vois pas pourquoi aujourd'hui, nous réus...

_ Je n'ai peut-être pas cherché au bon endroit, coupa-t-elle sèchement, et il y a encore des tas d'étagères à vérifier.

_ Quel soulagement, répondit Ron sur un ton sarcastique.

_ On ne trouvera jamais rien, dit Seamus qui venait les rejoindre en prenant place aux côtés du garçon roux, son sac tombant sur la table.

_ Tu es pessimiste, Seamus, ironisa Ron. Je disais justement à Hermione combien elle avait tort de vouloir abandonner les recherches aussi vite...

D'autres Cinquième année, l'air dépité, se résignaient à s'installer alors que Seamus reprenait:

_ J'ai demandé à ma mère si elle avait eu ce sujet pour sa BUSE d'Histoire de la Magie la semaine dernière, raconta-t-il au groupe. Et devinez quoi? Binns se répète même dans les thèmes à aborder chaque année pour les examens, apparemment. Elle m'a dit qu'à son époque, ils avaient à peine réussi à trouver deux descendants successifs et encore ils n'en avaient pas été certains..., poursuivit-il en sortant de son sac une feuille que les autres soupçonnaient être des informations tirées de Mme Finnigan. Et elle a eu sa BUSE rien qu'avec ça...

_ Harry m'a confirmée le mariage de Godric Gryffondor avec la Reine Maëva, dit Hermione en apportant un peu d'optimisme aux élèves.

Rose se redressa mais Seamus eut l'air davantage déprimé.

_ Et donc, je disais que ma mère et ses amis s'étaient complètement plantés cette année-là, fit-il en déchirant sa feuille misérablement. Binns est nul pour corriger les erreurs...

_ Il note nos démarches dans les recherches, dit rapidement Milia à Seamus.

_ De toute façon, même avec la Reine Maëva, dit Ron qui ne semblait pas avoir entendu Milia, les recherches restent toujours aussi infructueuses, fit-il à une Rose qui avait eu l'air de reprendre de l'espoir face à l'information d'Hermione et qui, maintenant, paraissait complètement abattue.

_ Qu'est-ce qu'on sait sur elle?, demanda néanmoins Astrarie avec le visage décidé de quelqu'un qui semblait dire "On sait bien quelque chose sur cette reine... quand même?!".

_ Elle était populaire pour avoir formé en secret de jeunes sorciers avant l'ouverture de Poudlard, en période de persécution, c'est tout ce que j'ai retenu d'important d'elle, dit Harry qui n'avait pas très envie d'ouvrir de nouveaux ouvrages barbants, entassés devant lui.

_ Alors c'est fichu, déclara Rose. On ne trouvera jamais rien. Seamus a raison.

_ Non..., commença Hermione.

_ Hermione, coupa Rose, si des élèves d'autres années ont échoué à découvrir quoi que ce soit sur lui, je ne vois pas pourquoi nous, nous réussirions, dit-elle calmement.

_ Nous nous y prenons peut-être mal, souffla Astrarie.

Pour une fois depuis le début de l'année, personne ne semblait résolu à ouvrir un livre en ce jeudi après-midi.

_ Je ne vois pas comment nous pourrions nous y prendre autrement, répondit Ron, accablé. Ca m'énerve de dire ça, mais les livres, ce sont pourtant le seul moyen que nous ayons pour en apprendre plus sur Gryffondor.

Plusieurs soupirèrent d'approbation.

_ Alors comment a-t-il fait?, murmura Harry pour lui-même au bout d'un moment.

_ Quoi?, dit Hermione.

_ L'héritier de Serpentard... Il lui a fallu cinq années entières pour réunir toutes les informations possibles sur la Chambre des Secrets et découvrir le passage secret qui permettait d'y accéder, dit-il en se remémorant sa conversation avec Jedusor.

Ses camarades l'observèrent avec curiosité.

_ On ne parvient pas à trouver la descendance de Gryffondor pour l'instant. Alors je me demandais s'il avait laissé quelque chose à ses héritiers, comme Salazar Serpentard, se défendit-il.

Le groupe demeura silencieux, replongé dans leur réflexion.

_ Une chambre cachée?, proposa Hermione sans conviction au bout d'un moment. Une à Gryffondor?

_ Non, aucune utilité, répondit platement Harry, les yeux fixés vers un point inexistant de la table. Et L'Histoire de Poudlard ne fait référence à aucune autre salle d'un des fondateurs.

Et la salle des duellistes professionnels, et la bibliothèque de Serdaigle, tu en fais quoi?

Harry ignora cette voix dans sa tête.

_ Si vous étiez un sorcier aussi puissant que Godric Gryffondor, est-ce que vous laisseriez un quelconque héritage?, demanda Astrarie à personne en particulier, tentant de s'identifier au fondateur qui leur était attribué.

_ Oui, répondirent-ils tous à l'unisson.

Mme Pince tourna furieusement la tête vers leur table en les défiant de refaire du bruit. Ils l'ignorèrent. Astrarie fronçait les sourcils de concentration. Le regard de Harry se perdit dans le vide.

A la mort d'un proche, ils se produit différents sortilèges de conservation. Tu connais les sorts d'appartenance? Eh bien, dès l'enterrement d'une personne, ces maléfices attirent inévitablement tous les biens qu'elle possédaient en un seul lieu repère: le tombeau. Elles restent là, invisibles jusqu'au temps où le digne héritier décide de les récupérer.

_ Vous savez où Gryffondor a été enterré?, demanda soudainement Harry.

Ce fut Neville qui répondit à sa question.

_ Ses cendres ont été dispersées dans le lac, tout comme celles des autres fondateurs.

Harry se raffala dans sa chaise. Il n'avait même pas envie de savoir comment son ami l'avait appris.

_ Et s'il avait organisé un testament au préalable..., reprit-il cependant après quelques secondes. On m'a dit que parfois, des personnes pouvaient peut-être se retrouver face à des énigmes, dans le but de pouvoir faire passer l'héritage à ses descendants en sautant des générations... Gryffondor était un puissant sorcier. Ce n'est pas impossible qu'il ait laissé des indices, comme Serpentard.

Personne ne l'interrompit, certains dans leur propre raisonnement, d'autres attentifs au sien.

_ Et s'il en avait laissé... des indices, je veux dire... C'est à Poudlard qu'ils seraient, non?

Hermione acquiesça silencieusement, le regard elle-aussi fixé vers un point inexistant, comme la plupart d'entre eux.

_ Un Poudlard neuf, n'ayant subi aucune modification..., chuchota-t-elle.

_ Alors restaurons-le!

Tout le monde sursauta en se tournant vers Parvati, les sourcils relevés, un "Quoi?!" flagrant inscrit sur eux.

_ Ben quoi?, leur fit-elle, pas le moins du monde démontée par la subite focalisation peu élogieuse des autres.

Devant l'instance des regards perplexes et incrédules qui, de toute évidence, étaient en train de juger de son degré de folie, (on oublie les soupirs exaspérés) elle expira profondément et dit:

_ Nous savons tous que nous n'aboutirons strictement à rien en restant ici. Gryffondor a peut-être laissé quelque chose à son arrière-arrière-arrière-arrière petite fille (Dean haussa les sourcils: fille?) à Poudlard qui était, je le rappelle, sûrement un peu différent de celui que nous connaissons, il y a mille ans. D'autre part, nous avons beaucoup plus de livres sur l'histoire de l'école elle-même que sur les fondateurs. Donc, nous pourrions à partir de ces ouvrages euh... redécorer l'école à l'ancienne pour avoir une plus nette idée du bâtiment de l'époque et peut-être alors que les idées fuseront! Qu'est-ce que j'en sais moi?! L'inspiration viendra peut-être en s'activant! Refaisons vivre le Moyen-Age! En tout cas, ce n'est pas en restant endormi ici et en simulant une grande concentration sur des phrases complexes avec aucun rapport sur Gryffondor que nous obtiendrons une bonne note à notre BUSE! Et même si tout ça n'arrive à rien, je suis certaine que Binns nous félicitera de notre initiative... Et nous prendrons peut-être du plaisir à travailler pour une fois, en évitant, pour commencer, ce lieu sordide!, finit-elle dans un souffle, à la fois exaspérée et emportée devant des mines d'abord indulgentes (elle est dingue, elle n'a plus toute sa tête...) puis ébahies de ses camarades.

Hermione fronça les sourcils devant la définition qu'avait Parvati de la bibliothèque. Personne ne dit rien pendant un moment. A l'évidence, aucun ne souhaitait la contredire (ses yeux brillaient trop d'excitation, il fallait être sans coeur pour éteindre cette flamme avec des "Ooooui Parvati, mais...") et puis, ils devaient bien s'admettre que...

_ C'est vrai que vu sous cet angle..., commenta finalement Ron.

Il était désespéré de sortir de l'endroit poussiéreux. Dean cligna des yeux au garçon roux. A l'expression de son visage, Harry aurait pu facilement dire qu'il avait eu effectivement et de façon éphémère envie de suivre l'idée de Parvati qu'il voyait comme une échappatoire aux longues heures de recherches infructueuses mais qu'il n'avait pas réellement envisagé de le faire. Elle était ridicule, grotesque, relevait du délire... L'attitude de Ron lui faisait cependant revoir ses propres opinions et désirs. Et en premier lieu, le désir d'en finir et de prendre l'air...

Parvati attendait patiemment une réponse à sa suggestion. Quelques têtes se tournaient parfois vers Hermione comme s'ils cherchaient à savoir de quel degré serait sa fureur si jamais ils décidaient de prendre parti avec Parvati dans le seul objectif d'éviter les rayonnages...

Ce fut donc dans l'abasourdissement complet des Cinquième année de Gryffondor qu'Hermione dit après quelques minutes:

_ Je suis d'accord. Qui nous suit?

Harry ne comprit jamais comment ils s'étaient débrouillés pour parvenir à cette solution farfelue, absurde, avec aucune garantie de réussite et complètement... libératrice. Malgré la folie de l'entreprise, tous s'étaient rapidement rangés du côté des deux jeunes filles et avaient ainsi commencé un travail de "rénovation ancienne" qui redonna sourire et courage à tous les participants. Après le commun accord, Hermione avait affiché un air radieux sous la stupéfaction de ses amis qui en comprirent rapidement la raison quand elle annonça: "De toute façon, il faut d'abord rassembler tous les volumes possibles sur Poudlard il y a mille ans".

A partir de là, ils débutèrent l'oeuvre d'un véritable chantier et ce, chaque jeudi. Sous les yeux étonnés des plus jeunes et seniors de l'école, les Cinquième année placèrent des pancartes un peu partout dans l'établissement (après l'autorisation du Directeur et le soutien de leur professeur) qui indiquaient l'emplacement révolu de statues ou armures détruites et on pouvait lire sur un écriteau en bois précipitamment installé sous l'inscription "salle de Métamorphose", "salle d'Etude des Runes", ce qui prêtait un peu à confusion. Harry, comme tous les autres, n'avait aucune idée de là où cela les mènerait et, comme tous les autres, n'y accordait guère d'importante. Ils s'amusaient et, aussi incroyable que cela paraissait, avec l'humble permission du professeur Binns. Ils modelaient des illusions semi-transparentes d'ornements disparus et réfléchissaient (en vain et c'était normal) s'il pouvait y avoir un lien entre ce qu'ils venaient de créer et un possible indice laissé par Gryffondor. Les filles s'étaient même un jour acharnées contre des tapis muraux qui refusaient de quitter leur emplacement, collés aux pierres, rien que pour obtenir un Poudlard plus moyenâgeux encore et dont les décorations du seizième siècle n'avaient rien à y faire.

Ils rencontrèrent également plusieurs obstacles à leur soi-disante rénovation dont le plus difficile fut sans aucun doute Rusard, le concierge.

_ Reposez ça tout de suite!, leur avait-il un jour hurlé, les bajoues frémissantes et l'air furieux.

Ron et Harry venaient de se saisir d'un petit aigle de bronze très lourd et haut de soixante-dix centimètres d'une des vitrines d'un salle accolée à la salle des trophées. Sous l'effet de la peur, le garçon roux l'avait instantanément lâché.

_ Vos doigts sales! Un symbole qui n'a pas de prix! Voyous!

Contrairement à ce que l'on aurait pu pensé, les deux garçons avaient eu bien le droit de prendre l'objet pour le placer ultérieurement sur une petite colonne de pierre, devant la tour des Serdaigle. Mais c'était justement le consentement des professeurs qui avait rendu Busard horripilé à ce qu'on puisse si facilement accepter qu'ils s'emparent de telles oeuvres. Il se vengeait donc à chaque occasion qui lui était offerte pour leur sauter dessus et leur faire reposer les objets dans leurs vitrines avant de leur ordonner de les astiquer encore une fois pour ensuite pouvoir réellement les prendre et s'en servir.

Mais le concierge était loin d'être suffisant pour les arrêter dans leur initiative. Heureux de passer deux heures dans les parcs, les principales salles et halls, les Gryffondor étonnaient les Cinquième année de Serdaigle, Poufsouffle et Serpentard qui ne voyaient pas du tout où ils espéraient en venir avec toutes ces transformations architecturales. Ce n'était pas comme si les principaux concernés le savaient eux-même...

La tâche devint cependant un peu moins plaisante à l'arrivée du mois de Décembre. Le froid se faisait plus rude et c'était emmitouflés dans des grosses écharpes rouges et jaunes qu'ils sortaient des décorations dans les parcs. Ils n'envisageaient bien sûr aucunement de rénover Poudlard entièrement (tâche impossible) mais tenaient à revoir les majeurs lieux, pour eux "significatifs".

_ Un peu plus à gauche, un peu plus vers là, un peu plus vers la droite, encore un peu...

_ Hermione, dépêche-toi! Je ne vais pas tenir très longtemps, moi!, haletait Ron, la baguette tremblante.

Il avait, en ce jour de neige, du créer une illusion de fontaine gelée immense avec l'aide de Dean au milieu du cloître, et il suivait les instructions de la jeune fille, le nez dans un parchemin, pour déposer leur oeuvre au bon endroit.

_ On arrive!, alerta Harry en courant et levant aussitôt sa baguette vers la fontaine, au plus grand soulagement de Dean et Ron.

Astrarie et son Etrompard (le sien courrait maintenant, bondissant légèrement, ses oreilles laissant deux grandes traces dans la neige) le suivaient de près et elle vint à son tour apporter son aide.

_ Vous en avez pris du temps!, ne put s'empêcher de dire Ron en s'appliquant néanmoins à suivre le dernier conseil d'Hermione ("un peu plus sur la gauche...").

_ On était avec le Chevalier du Catogan, expliqua de suite Astrarie, de la buée sortant de la bouche.

_ Et crois-moi, Ron, lui retirez des informations sur Poudlard à la date où son tableau a été entreposé n'a pas été une partie de plaisir, ajouta Harry, les yeux rivés sur l'illusion.

_ Vils Marauds! Pliez devant un Chevalier et renoncez aux questions ou en garde!, imita superbement Astrarie tout en les aidant. Diable bleu, l'obéissance est une vertu que je vais devoir vous enseigner!...

Tous rirent, excepté Harry qui eut un sourire avec quelque chose de forcé. Un mauvais souvenir l'en empêchait...

_ Ici!, s'exclama soudainement Hermione.

Ils baissèrent tous instantanément leurs baguettes et soufflèrent. Le mini calmar semi-transparent fut reposé, des semblants de jets d'eau glacée sortant de chacune de ses tentacules.

_ Voilà!, sourit la jeune fille. On attaque quoi, maintenant?

Malgré son nez rouge et ses lèvres gercées, elle semblait tenir une forme olympienne.

_ Les écussons, annonça Astrarie. Milia et Neville étaient encore aux prises de Rusard quand on est partis. Mais ils devraient les avoir récupérés maintenant.

_ Et on les place où?, demanda Dean en reniflant.

Astrarie tourna sur elle-même, le regard sur les différentes tours du château.

_ Au-dessus des entrées principales, pointa-t-elle en montrant de petits emplacements vides creusés dans les pierres. Et là, ici, et puis encore là..., fit-elle en cherchant d'autres trous, la plupart sous des fenêtres.

Les yeux de ses camarades suivirent les différentes directions de son index.

_ Bon, eh bien, allons les chercher, déclara Ron, satisfait de sa récupération.

Aussitôt dit, aussitôt fait. Sous les mines curieuses des élèves déambulant dans les couloirs alors que la sonnerie annonçait la deuxième heure d'Histoire de la Magie, ils allèrent s'armer d'écussons exposés dans la vitrine de la salle des trophées. Harry prit les trois assez lourdes, larges de trente centimètres, que lui tendait maladroitement Neville. Elles représentaient les quatre animaux fétiches à Poudlard entourant la lettre P. Lavande, elle, ne paraissait pas pour le moins du monde soucieuse à l'idée de les aider à en transporter quelques uns. Elle regardait tranquillement les coupes et médailles exposées.

_ Oooh..., fit-elle doucement. J'ignorais que toi et Harry aviez reçu deux médailles il y trois ans, dit-elle à Ron qui était plus près d'elle, le regard sur les récompenses.

_ Dumbledore nous avait fait choisir entre des médailles ou des coupes comme Tu-S... euh, Tom Jedusor, là, fit-il en montrant un trophée exposé au centre de la salle.

Puis il reprit en marmonnant:

_ il devrait être enlever celui-là, d'ailleurs...

_ Et pourquoi avez-vous préféré les médailles?, demanda Neville.

_ Rogue adore nous faire astiquer tout ce qui se trouve exposé dans cette pièce quand on a des retenues avec lui, informa cette fois-ci Harry. Des médailles, ça prend moins de temps...

Une fois sortis de la salle, les Cinquième année décidèrent de se diriger dans différentes parties du château pour réfléchir à la meilleure méthode envisagée pour placer les écussons. Mais au détour d'un couloir, ils eurent une surprise... Pansy Parkinson, après avoir poussé un gloussement suraigu _sans aucune raison, très certainement_ se jetait presque sur un Malefoy étonné pour ensuite l'embrasser possessivement, avec ou sans son approbation. Pris par surprise, il se détacha d'elle à grands gestes comme il put et devint instantanément rouge de gêne puis de colère en voyant le groupe des Gryffondor effondré de rire qui poursuivait son chemin. Pansy avait simplement plissé vers eux ses paupières d'un air mauvais.

_ Ahhh..., murmura quelques minutes après Ron en essuyant des larmes de ses yeux, petite fouine avec le pékinois coupé de bouledogue... La salle commune des Serpentard va devenir une véritable ménagerie animale d'ici le printemps...

Il fit part du regret qu'il éprouvait à ne pas avoir pu enregistrer ce moment grâce à l'oeil de faucon de Harry avant de commencer, dans un humeur excellente, leur nouvelle tâche.

_ Un Wingardium Leviosa fera l'affaire pour celui-ci..., décidait Seamus près d'un quart d'heure plus tard à son coéquipier alors que tous étaient éparpillés et faisaient face à des problèmes identiques.

Harry, les yeux à la recherche de quelqu'un, le dépassa.

_ Ron, où es-tu?, criait-il presque dans les couloirs extérieurs.

La majorité d'entre eux, au plus grand malheur des professeurs enseignant à proximité, étaient obligés de communiquer à voix forte la plupart du temps.

_ Là!, répondit quelqu'un à la fenêtre de la tour Est qui donnait sur le dortoir des Deuxième année.

Harry, heureux d'en avoir fini avec ses propres écussons, se hâta de le rejoindre. En chemin, il rencontra un Mr Duckeens à l'air toujours étourdi, en admiration devant la fausse fontaine nouvellement installée.

Parvenu à destination, il vit son ami penché à la fenêtre et entouré de Dean et Neville.

_ Plus haut, Hermione!, criait-il vers le bas de la tour. Encore... c'est bon, merci!

Harry le vit attraper quelque chose et s'éloigner de l'ouverture en soufflant, un écusson entre les mains.

_ Vous avez du mal à en placer un?, demanda Harry.

Le garçon roux releva les yeux vers lui. Dans la chambre, quelques Deuxième année étaient revenus de cours et regardaient avec un air intrigué les Cinquième année.

_ Oui, répondit Ron. Regarde.

Et il incita Harry à se pencher à la fenêtre la plus à gauche du dortoir. Dehors, un espace réduit séparait une partie de la tour Est du mur tangent d'une autre parcelle du château. Les pierres se frôlaient quasiment et à quelques mètres, le jeune homme put apercevoir vaguement un bout de l'emplacement réservé à l'écusson décoratif. En bas, Hermione et d'autres filles attendaient patiemment.

_ Ca fait trois tentatives, expliqua Ron alors que son ami revenait vers le centre de la chambre. Il est impossible de le placer avec un sortilège de lévitation ou de répulsion uniquement, on n'a pas une vision très précise du trou. Les filles le récupèrent avant qu'il ne s'abîme en tombant au sol et nous le renvoient à chaque fois, fit-il en lui montrant l'écusson. L'espace est trop réduit, on ne peut même pas passer en balai volant.

Dean se repenchait, en quête d'idées.

_ Hermione ne veut pas abandonner, dit-il alors. Elle a l'air certaine qu'en les posant tous, on déclenchera peut-être un mécanisme, comme une clef à plusieurs serrures...

Il hocha la tête d'un air désespéré. Harry savait que son amie, comme à chaque fois qu'ils entamaient un nouveau chantier, voyaient des codes partout, se montrait excitée à l'idée de l'apparition de quelque chose d'inattendu. La formule Aparecium avait déjà maintes et maintes fois été lancée sur divers objets et son Révélateur (une grosse gomme rouge) était à présent réduit à la taille d'une tête d'épingle. Le jeune sorcier n'écoutait plus que d'une demi-oreille ce que Dean continuait de dire.

_ On ne peut pas passer en balai mais en escaladant peut-être, si on reste bien collé contre la façade...

_ Harry..., souffla Ron, en proie à une subite illumination, tu m'as bien dit que tu avais appris à escalader en cours de Sports Moldus...

Neville tourna la tête vers eux, intéressé. Harry cligna des yeux.

_ Ah non, non Ron, s'empressa-t-il de dire en voyant le regard de son ami briller. Non, je n'escaladerai pas la tour... Et surtout pas pour un simple écusson.

_ Hermione serait contente si on y parvenait..., murmura Neville, entrant dans le complot du garçon roux.

Harry fut surpris par son intervention. Il se reprit cependant.

_ Vous oubliez Mac Gonagall, souligna-t-il. Ca m'étonnerait beaucoup qu'elle nous permette d'escalader les murs de l'école sans rien dire.

_ Elle a cours, sûrement, fit Ron en lui plaçant l'écusson au creux de la main. Elle n'en saura rien.

Son geste relevait plus de l'ordre que d'une demande. Harry chercha du support auprès de Dean, toujours penché, mais qui avait les yeux tournés vers lui.

_ Juste quelques mètres..., le supplia-t-il à son tour avec des airs de chien battu qui rappelaient vaguement Sirius.

Harry le fixa un instant, incrédule, jeta un dernier regard à ses camarades dont les yeux laissaient passer des "s'il te plaît" implorants puis s'approcha de l'ouverture.

_ Et si je tombe?, murmura-t-il alors misérablement en prenant une plus grande conscience du vide sous lui et de la petite taille des filles, en bas, qui haussaient les sourcils alors qu'il posait un pied sur le rebord.

_ Tu atterriras directement dans les bras de ces demoiselles... chanceux, finit Dean d'un ton léger.

Harry le regarda comme s'il avait peur que son ami ait perdu la raison. Il ne tomberait certainement pas dans leurs bras indemne et il ne pourrait en aucun cas être qualifié de chanceux si jamais il dérapait. Une fois complètement sur la bordure, l'écusson placé sous sa ceinture, il se demanda s'il n'était pas lui-même atteint de folie passagère pour continuer son chemin périlleux. Avec la magie, je ne risque rien..., se convainquit-il.

Les doigts entre les pierres et la peau gelée par le vent glacial, Harry commença son ascension. L'espace était réellement réduit. Son dos se frottait parfois contre le mur de derrière auquel il s'était rapproché après quelques pas prudents et il pouvait même, à la limite, se reposer dessus. Il devait s'admettre que c'était beaucoup moins dangereux qu'il ne l'avait pensé au premier abord. Les pierres le retenant à l'arrière, les interstices dans lesquelles il glissait mains et pieds étaient assez creusées pour permettre une meilleure prise. En bas, il crut entendre quelques paroles d'Hermione qui jurait sur leur démence. A la fenêtre, des têtes de Deuxième année étaient également penchées à présent.

Harry atteint finalement l'emplacement réservé sans encombre. Il avait veillé à assurer ses accroches à l'aide des conseils de son mentor, à savoir concentrer son flux dans ses doigts pour faire réagir les ondes parcourant les murs du château et celles de son corps telles de véritables aimants (il n'aurait pas été assez fou pour tenter l'expérience sans cela...). Avec la magie, tout devenait accessible... Il se mit le dos contre le mur à l'arrière et attrapa l'écusson qu'il plaça soigneusement dans le trou érodé. Il y entra parfaitement. Avec un coup de baguette magique pour garantir la soudure, Harry tourna la tête vers ses amis, en bas comme en haut, et leur sourit devant la réussite de la manoeuvre. Tous avaient l'air cependant de retenir leur souffle: peut-être que les idées d'Hermione sur le déclenchement d'un quelconque mécanisme avaient, finalement, gagné les esprits. L'adolescent se surprit alors à apprécier un petit moment la vue qu'il avait d'ici, fantastique. Il aperçut soudain un aigle, un vrai, d'un plumage magnifique, se tenant majestueusement sur le sommet de la tour Ouest. Harry se perdit malgré lui dans sa contemplation quelques secondes avant qu'un brusque coup de vent glacial ne lui fouette le visage et ne le ramène sur terre (ou presque). Ses amis avaient maintenant la déception qui marquait légèrement leurs visages.

Harry jeta un dernier coup d'oeil à l'écusson avant de reprendre le trajet du retour. Les animaux sculptés en relief ressortaient merveilleusement les couleurs de leurs maisons respectives et brillaient sous la lumière du jour, pourtant peu forte en ce temps d'hiver. Harry commença à placer son pied un peu sur le côté quand il crut apercevoir quelque chose: le lion. Ou plutôt l'ombre du lion. D'une forme incertaine, elle se trouvait cependant du côté opposé à celui auquel elle aurait du être en ce moment de la journée, tout comme les ombres des autres animaux. Harry se pencha. Ron cria quelque chose mais le vent sifflant dans ses oreilles l'empêcha de comprendre ses paroles. Les paroles d'Infly revinrent en lui...

Symboliquement, les ombres évoquent le passé, parfois, le rappel aux origines, du fait qu'elles se situent derrière les gens dans la plupart de nos représentations d'elles...

Harry passa un doigt bleui pas le froid sur le contour du lion: l'ombre demeurait invariante. Il le passa alors en suivant les délimitations de l'ombre elle-même, qui empiétait sur les autres animaux. Elle était informe, rappelait vaguement... Harry se secoua mentalement. Non, c'était le fruit de son imagination, rien d'autre. Hermione, à force de voir des indices partout, lui avait maintenant communiqué sa manie. Pourtant, les contours n'étaient pas si flous qu'ils n'y paraissaient au premier abord, ils étaient peut-être voulus, précisément dessinés dans le but d'être remarqués... Harry s'obligea à détacher son regard de l'écusson. Il en avait presque oublié où il se trouvait. L'aigle avait tourné ses yeux scrutateurs vers lui et pendant quelques secondes ils échangèrent un regard. Harry n'aimait pas trop qu'un rapace l'observe, en particulier lorsqu'il était aussi grand et que lui se trouvait aussi haut. L'oiseau prit son envol.

_ Potter!

La voix perçante du professeur Mac Gonagall s'entendit clairement, au contraire de celle de Ron, dans le cloître. La démarche gouvernée par la colère, elle arrivait à grandes enjambées au niveau d'Hermione, écrasant la neige boueuse sous ses pieds.

_ Potter, j'exige que vous descendiez immédiatement!

Harry se demanda s'il voulait descendre. Déjà, la deuxième heure d'Histoire de la Magie avait pris fin. La sonnerie retentit et des élèves mi-étonnés, mi-amusés, regardaient une Mac Gonagall furieuse, brandissant le poing après un adolescent parti se réfugier dans les hauteurs. Les jambes de Harry le portèrent malgré lui jusqu'à la fenêtre sans incident. Mais la tornade qu'était le professeur de Métamorphose allait bientôt lui faire regretter de ne pas s'être fracassé le cou.

_ Se provoquer dans des duels, dépasser les horaires de sorties autorisées, c'est une chose, hurlait-elle encore un quart d'heure plus tard dans son bureau, Harry profondément enfoncé dans une chaise, mais grimper, grimper les tours du château!..., bafouillait-elle, toujours sous le choc, incrédule. Les jumeaux Weasley n'auraient pas osé!

Harry resta les yeux fixés sur ses chaussures. Mac Gonagall cessa de faire les cent pas pour lui faire face, sa main tenant d'une manière menaçante ses lunettes rectangulaires vers lui.

_ Le jour où je vous permettrais de vous donner ainsi en spectacle ou jouer les singes, Potter, reprit-elle d'une voix dangereusement calme, ce sera en cours de métamorphose humaine! Mais je n'accepterai plus de votre part le moindre écart dans votre attitude dorénavant. J'exige de vous un meilleur comportement à l'avenir, ou il vous en coûtera plus qu'une simple retenue, croyez-moi! Et tous vos prétextes quant à une recherche approfondie sur Gryffondor... (elle hocha la tête, dubitative, reprit les cents pas, profondément scandalisée et interloquée) ce ne sont... ce ne sont... que purement inconscientes! Irresponsables! Complètement... irréfléchies!...

Harry pensa que ses chaussures auraient bien besoin d'un petit nettoyage. Mac Gonagall souffla par le nez _aucune fumée rouge n'en sortit, aussi incroyable que cela eut paru_ et se força à se calmer, pourtant toujours tremblante de colère. Elle ferma les yeux, les rouvrit puis dit, lentement et fermement, ses yeux vrillant ceux de Harry.

_ Nous sommes dans une école, ici, Potter, fit-elle en prenant soin de détacher chacun de ses mots, où les règles se doivent d'être respectées, continua-t-elle de même,... mais-pas-dans-un-ZOO!

_ Eh ben dis donc, qu'est-ce qu'elle t'a mis..., murmurait Dean sur le chemin du retour vers la salle commune un peu plus tard.

Il avait, comme la plupart de ses camarades, prit soin d'écouter à la porte le temps de l'entrevue. Les autres ne dirent rien, la tête baissée, pensant aux trente points perdus de Gryffondor. Harry, lui, songeait à sa médaille de deuxième année qu'il allait revoir plus tôt qu'il ne l'avait prévu...

Ce soir-là, aucun des Gryffondor ne se retourna contre Harry malgré la perte de points. Si les Cinquième année n'avaient en effet pas pu en placer une pour défendre Harry à l'arrivée de Mac Gonagall, ils avaient rapidement raconté à tous qu'il s'agissait là d'une décision commune, d'un faute collective...

_ Ou presque, avait rajouté Hermione, également en colère que son ami ait accepté de prendre de tels risques, avant de monter se coucher.

Fred et George, eux, avaient voulu fêter l'événement. En réalité, ils applaudissaient encore Harry pour son joli tour (faire tourner la tête à Mac Gonagall avait toujours été une de leurs spécialités) quand l'adolescent décida de rejoindre un coin davantage tranquille du dortoir avec le sentiment d'être, en fin de compte, ni fier, ni honteux. Ce qui n'empêchait pas les phrases sentencieuses du professeur de continuer à résonner violemment dans son crâne... Quand il entra dans la chambre des Cinquième année, Neville, Dean et Seamus y étaient déjà et parlaient entre eux.

_ Je te parie dix gallions que c'est comme ça qu'il s'en est sorti, disait Dean en rajustant ses posters au-dessus de son lit. Il avait trop de facilité.

_ D'accord, mais une fois qu'il serait parvenu de l'autre côté de la forteresse, comment expliques-tu qu'il soit passé inaperçu aux yeux de l'armée du ministre?, intervint Seamus, allongé sur son lit, les bras sous la tête.

_ Les Aurors n'étaient peut-être pas tournés vers la prison, suggéra Neville. Ils ne l'ont pas vu escalader la prison...

La porte grinça en se refermant. D'un même mouvement, tous trois se retournèrent vers le nouvel arrivant.

_ Hum... Ron n'est pas là?, demanda Harry aux visages nerveux, tout en connaissant très bien la réponse.

_ Il finit quelque chose pour le journal, je crois, répondit Dean, un peu agité.

_ Ah, très bien...

Le jeune sorcier se dirigea vers son lit en adoptant l'attitude la plus dégagée possible. Ses camarades en conclurent qu'il n'avait rien entendu et reprirent leur discussion sur des sujets plus futiles, maintenant décontractés. Harry referma ainsi les rideaux de son lit, prétextant de la fatigue, et souffla. A présent, il n'avait plus qu'à se trouver une occupation jusqu'à ce qu'ils s'endorment...

Beaucoup plus tard, Harry avait donc imité ses amis, bercé encore par la "douce musique" des paroles antérieures de Mac Gonagall et ses habituelles préoccupations qui revenaient envers et contre tout. L'armée de Voldemort, ses recherches personnelles, Voldemort, ses devoirs et Voldemort, en avaient constitué les principaux sujets. En plus d'une nouvelle idée naissante...

Une semaine plus tard, la retenue accomplie, ce fut par conséquent avec le visage radieux que Harry rejoignit ses camarades à la bibliothèque, leur point de rendez-vous.

_ Mais enfin Parvati, arrête avec tes histoires d'héritière!, s'exaspérait Dean. Dis "héritier", comme tout le monde, ça ne te tuera pas!

_ Je suis certaine d'avoir raison, alors je parlerai d'héritière aussi longtemps que nous traiterons le thème des héritières, rétorqua la féministe _à tort ou à raison_.

Ron soupira et releva les yeux vers son ami qui s'installait, tout sourire.

_ C'est le combat avec Rogue qui te rend si joyeux aujourd'hui?

_ Je n'ai pas de combat avec lui le jeudi Ron, tu le sais, répondit diplomatiquement son ami en déposant sur la table ce qui ressemblait à une boule de chiffon.

_ C'est quoi?, dit le garçon roux en pointant la boule crasseuse.

_ Le Choixpeau magique, informa Harry en éveillant la curiosité de tous. La semaine dernière, quand j'ai placé l'écusson de la tour Est, commença-t-il en dépliant le chapeau usé (personne ne lui demanda de quel écusson il parlait), j'ai eu une idée. Je sais que ça peut paraître dingue mais quand je l'ai regardé, j'ai vu que l'ombre du lion représenté était euh... illogique.

_ Illogique?, répéta Hermione en se redressant.

_ Pas du bon côté, du côté naturel, ajouta-t-il en hochant la tête, hésitant dans le choix des termes appropriés. Bref... elle avait la forme du Choixpeau.

Devant leurs mines déconcertées, étonnées ou sceptiques, il poursuivit cependant:

_ Je sais, peut-être que ce n'était que le fruit de mon imagination mais... Cela ne vous paraît pas logique, à vous?

Il fit doucement balancer le choixpeau entre ses mains, observant son état, la pointe retombant mollement.

_ C'est Gryffondor qui l'avait délogé de sa tête d'après la chanson, l'année dernière, expliquait-il d'un air pensif. Si quoi que ce soit sait quelque chose sur lui, c'est bien le Choixpeau, non?

Il marqua une pause, plongé dans sa réflexion.

_ Et il m'a fourni l'épée de Godric Gryffondor, rappela-t-il à Ron et Hermione. Il a peut-être d'autres biens lui appartenant à nous donner. Enfin..., fit-il en haussant les épaules, Dumbledore a accepté de nous le prêter, il me l'a remis en cours de Sports Moldus.

Personne ne dit rien, se contentant de fixer le Choixpeau. Ron approuva d'un signe de tête l'idée de son ami. Rose, elle, hésitait à se raccrocher à un nouvel espoir: elle avait déjà eu trop de déceptions... Finalement, Seamus enleva son bras de la taille de Lavande pour s'en saisir.

_ Je vais lui poser des questions..., souffla-t-il avant de disparaître dessous.

Harry s'adossa contre sa chaise, patientant comme tous les autres et observant le garçon blond à la tête dissimulée. Seamus demeura longtemps caché, les mains à plat sur la table devant lui, et certains Cinquième année se jetèrent parfois des regards interrogateurs, voir inquiets, se demandant bien quel dialogue s'était instauré à l'intérieur. On va peut-être savoir... Une vague d'excitation se mêla aux autres sentiments. Quelques minutes s'écoulèrent avant que Seamus ne retire le chapeau sous les "Alors?" muets de ses camarades. Harry se redressa. Les sourcils froncés, le garçon blond continua à regarder le Choixpeau magique, puis répondit:

_ Je n'ai strictement rien compris de ce qu'il m'a dit.

Stupéfaction et déconcentration générale.

_ Pardon?, fit Rose, persuadé d'avoir mal entendu.

_ Il déraille, il n'a plus toute sa tête, enfin façon de parler. Je l'ai interrogé, je lui ai demandé s'il savait quelque chose sur Gryffondor et là, il a commencé à bagayer, à parler en rimes pour changer.

Ils fixèrent tous le Choixpeau, posé au centre de la table. Hermione fronça les sourcils. Harry jugea de par son expression qu'elle n'était pas satisfaite du compte-rendu. Elle prit son sac, en sortit plume et parchemin et posa à son tour le Choixpeau sur la tête. Ce fut la même scène que pour Seamus, exceptée que la jeune fille prenait d'aveugles notes en même temps. Astrarie se penchait au-dessus de l'écriture pour tenter de lire. Ils attendirent jusqu'à obtention d'un verdict.

_ C'est une énigme, déclara à la fin Hermione en relisant ses notes. Mais je ne suis pas certaine de mes phrases, il faudrait que quelqu'un d'autre le reécoute. Il bafouille vraiment beaucoup.

Milia s'était penchée à son tour vers elle pour lire ce qu'elle venait d'écrire. Tous se rassemblaient peu à peu autour d'Hermione en espérant en comprendre le sens. Harry se chargea du Choixpeau, la plume en main.

Dès qu'il fut plongé dans l'obscurité, une petite voix chuchota à son oreille:

_ Mmmh, il va me falloir faire prendre des rendez-vous pour autant de consultations en temps de repos... Alors que veux-tu me dire, toi? La même chose que tes deux prédécesseurs?

_ Euh, oui, s'il vous plaît, répondit timidement Harry.

Le Choixpeau l'avait toujours un peu impressionné malgré son aspect miteux. Celui-ci eut l'air de se racler la gorge puis fit:

_ Gag-gga... G-g-g...

Le bruit n'était pas plaisant. On aurait dit un disque rayé qui coinçait sur un mot.

_ Euh... ça v...?

_ Gagne à traverr-rr-r-rs...

Harry commença à noter, espérant qu'il se débloquerait bientôt.

_ ... les âges les secrets de ton (Harry pensa qu'il refonctionnait pour de bon) héri-iii-iiii-...

C'est pas gagné, pensa-t-il.

_ ... tage. Crois en ta...

Tout fut ainsi. Pendant ce qui lui parut une éternité, il prit notes et attendit, attendit qu'il redémarre, attendit qu'il reparte, telle une vieille automobile au moteur prêt à rendre l'âme. Il se surprit même à ressentir de la compassion pour le Choixpeau.

_ C'est gentil, lui dit-il soudainement à ce propos après avoir fini (enfin!), et ayant un peu lu dans ses pensées.

_ Bon, eh bien... merci... Est-ce que c'est vraiment tout?

_ Oui.

Harry songea à préciser s'il n'avait aucun bien à lui prêter mais...

_ C'est vraiment tout.

_ Alors merci encore..., fit Harry en attrapant le bout du chapeau et l'enlevant par la pointe.

Alors qu'il répondait "de rien, contin...", Harry eut la vision d'une dizaine de paires d'yeux le fixant avidement. Hermione lui arracha son parchemin de la main. Elle haussa les sourcils.

_ C'est différent! Quelques phrases sont différentes des tiennes. Là, il me parle d'elfes oubliés et toi de lacunes... Qu'est-ce que ça peut bien signifier?!

Harry récupéra son papier et le relut, des camarades faisant de même par dessus son épaule.


Gagne à travers les âges les secrets de ton héritage

Crois en ta propre loi et les lacunes t'indiqueront la voie

Aide-toi de la fétiche protection de Poudlard, farouche à Serpentard

Alors l'oracle immuable le rendra vulnérable


_ La fétiche protection de Poudlard?, fit Neville dans son dos. Quelle protection de Poudlard?

_ Aucune idée, répondit Lavande, déconcertée. Et puis c'est quoi cet oracle immuable?

_ Des lacunes? Tu as des lacunes?, fit Parvati à Harry, les sourcils relevés.

_ Les lacunes, Parvati, rectifia Milia. Pas ses lacunes...

Les Cinquième année avaient, apparemment, trouvé sujet à recherche approfondie.

_ Il nous donne une énigme différente à chaque fois, annonça Astrarie qui enlevait à son tour le Choixpeau de sa tête.

Elle le reposa au centre de la table et tout le monde le regarda.

_ Il crée certainement une énigme adaptée à chacun, supposa Hermione, penchée sur son parchemin. Mais je n'ai aucune idée de ce qu'il veut dire en me parlant d'elfes oubliés...

_ Moi, je veux mon énigme, déclara Ron en se saisissant du Choixpeau d'un air résolu. Je veux voir ce qu'il est capable de sortir que mon esprit puisse comprendre. Hermione se chargera de la résoudre, ce ne sera pas trop difficile pour elle...

Le groupe éclata de rire et Mme Pince eut la mine d'un bouledogue menaçant qui rappelait étrangement Pansy Parkinson. Bientôt, chacun eut sa propre énigme à travailler (Qui aurait cru que notre travail de rénovation nous aurait donné des idées, en fin de compte?, fit Rose, le regard brillant face à cette légère avancée) et les Cinquième année réfléchissaient tout en discutant à voix basse de l'éternel problème: Qui était l'héritier de Gryffondor?

Après avoir passé en revue les sorciers les plus connus (du groupe des Bizarr'Sisters à Fudge), toutes les catégories possibles (des bébés aux filles _fortement supportées par Parvati_ en passant par les étrangers), Dean voulut clore le sujet par:

_ Nous sommes tous ses héritiers! Il a eu beaucoup d'enfants et nous sommes tous parents les uns aux autres!

_ Je n'ai aucun lien du sang avec toi, j'en suis sûre, rétorqua cependant Lavande, dégoûtée, dans une vague de rires continus.

_ Ou aucun de nous l'est, suggéra alors Neville. Il n'a peut-être pas eu d'enfants.

_ Avec la Reine Maëva?, fit une Astrarie sceptique.

Neville rougit.

_ Alors pourquoi ne le dirait-il pas haut et fort qui il est, s'il existe?, intervint Seamus. Ca nous faciliterait la tâche...

_ Peut-être qu'il ne le sait pas, suggéra lentement Hermione, penchée sur son énigme. Ou peut-être qu'il souhaite garder l'anonymat...

Seamus cligna des yeux, mais ce fut sa petite-amie qui dit tout haut ce qu'il pensait:

_ Et pourquoi ferait-il ça? Il n'a rien à perdre et, de toute évidence, tout à gagner. Plus de célébrité, de rencontres avec les plus grands sorciers, des interviews...

Ron réprima un rire.

_ Harry te dirait que c'est peut-être exactement ce que l'héritier espère éviter...

Hermione, souriante, aperçut cependant Harry plongé encore en grande concentration. En fait, depuis qu'il avait eu son énigme entre les mains, elle avait remarqué qu'il était resté dans sa lecture répétitive et n'avait guère participé aux échanges.

_ ... le Choixpeau ne veut pas nous donner son identité, continuait la voix de Dean parue comme lointaine à la jeune fille qui reporta son attention à la conversation, ou alors, il ne le connaît pas... Mais dans tous les cas, il est passé par Gryffondor, c'est obligé, non?

_ Oui, acquiesça Milia. Le Choixpeau n'a pas du hésiter une seconde où l'envoyer... s'il est passé par Poudlard, bien sûr.

_ Tu crois?, intervint Astrarie sans vraiment attendre de réponse. Le caractère n'est pas un critère génétique.

_ Imaginez que ce soit Malefoy..., sourit Ron. Là, c'est sûr, il voudrait garder l'anonymat. Quelle honte... Eux, les fidèles Serpentard...

Dean et Seamus pouffèrent de rire.

_ Il est peut-être parmi nous.

Tout le monde se tourna vers Lavande, Dean et Seamus s'étant brusquement arrêtés de rire. Puis, soudain, on entendit:

_ Ah..., fit un Dean de manière théâtrale, désolé de vous avoir laissé dans le brouillard aussi longtemps mais c'est...

_ Ce n'est pas toi, coupa Lavande qui avait lu dans ses pensées. Impossible.

Dean fit mine de se sentir offensé. Seamus rit à leur jeu.

_ Harry?

Il releva la tête. Hermione le sortait de ses réflexions.

_ Ca ne va pas?, murmura-t-elle.

_ Si, bien sûr, dit-il d'un air pensif.

_ Tu devrais arrêter un moment, conseilla Ron qui avait lui aussi observé le retrait de son ami, tandis que les Dean et Lavande se donnaient la réplique (Et pourquoi ne serait-ce pas moi?). L'énigme est résolvable pour l'héritier uniquement, tu ne devrais pas y mettre trop de coeur.

_ La Chambre des Secrets était supposée être ouverte par l'héritier de Serpentard uniquement, fit-il doucement remarqué.

Et il ajouta à voix basse, les yeux à nouveau rivés sur son parchemin.

_ Je veux savoir.

Son ton était déterminé et il dérangea quelque peu ses amis.

_ Mais... pourquoi?, demanda Hermione en relisant pour la énième fois son énigme. Ce n'est pas comme s'il promettait de nous faire savoir l'identité de l'héritier ou des informations utiles aux BUSE. Non, tout ce que nous savons, c'est qu'il parle d'elfes oubliés..., finit-elle avec une pointe d'irritation en lançant un regard noir au Choixpeau.

Ron eut l'air étonné: il était rare de voir son amie se sentir non totalement impliquée dans un projet. Harry ne semblait pas avoir entendu. La cloche sonna. Les Cinquième année rangèrent joyeusement leurs affaires (les rires continuaient de fuser autour de Lavande et Dean) et ils se préparèrent à partir.

_ Harry, dit subitement la jeune fille en faisant sursauter son ami. Tu ne m'as pas répondu. Qu'est-ce que tu as enf...?

_ Lis ça, fit-il pour toute réponse, l'air soudain très éveillé. Les deux dernières lignes, lis!

Ron se pencha par dessus l'épaule d'Hermione. Pendant qu'ils lisaient, Harry ne put s'empêcher de dire ce qui le rongeait depuis le début de l'heure et qu'il n'avait pu sortir en la présence des autres.

_ Il parle de Voldemort!, s'exclama-t-il en les faisant violemment trembler. Ou du moins, d'un sorcier aux pouvoirs aussi grands que ceux de Voldemort. On se fiche de l'identité de l'héritier de Gryffondor, ou ses pouvoirs, ou son héritage... Il dit qu'en suivant... ce qu'il recommande de faire... Serpentard, donc Voldemort... sera vulnérable!

_ Arrête-de-prononcer-son-nom, siffla Ron qui ne cessait de frissonner.

Harry n'en tint pas compte et fixa Hermione en l'attente d'une réponse. Celle-ci fronçait les sourcils.

_ La fétiche protection de Poudlard farouche à Serpentard..., murmura-t-elle, en pleine réflexion. Je ne vois pas ce que cela peut être et l'Histoire de Poudlard...

_ ... n'indique rien à ce propos, acheva Harry à sa place. Je sais. J'ai réfléchi dessus pendant toute l'heure et je tourne en rond mais... c'est un début, non? Si on pouvait obtenir... ne serait-ce qu'un point faible de lui...

Il soupira.

_ Harry, oublie ça, coupa fermement Hermione en l'observant.

Son débordement soudain d'énergie dans ses propos _alors qu'il était resté excessivement calme au cours de la dernière heure_ l'inquiétait.

_ Les Aurors se chargent de lui. Dumbledore aussi. Mais toi, tu restes ici, en sécurité.

Son ton sec et catégorique coupa toute discussion.


_ L'histamine de Ouaska est contrée par une infusion de feuilles de thé rouge et non la théophylline, Potter! La gorge du crapaud de Londubat éclaterait dans l'instant avec un anti-histaminique pareil!

Je hais les Ouaska, pensa Harry en neutralisant sa potion par des grains de Lomudal. Elle prit une couleur de lait cailleux.

_ L'histamine est une substance libérée lors du contact entre l'allergène et les cellules sensibilisées du Ouaska. C'est elle qui est responsable des manifestations de l'allergie, c'est elle dont vous devez vous préoccuper, appuyait froidement le professeur de Potions, le doigt pointé sur la préparation de Harry.

Le jeune sorcier continua de couper finement ses pattes de chrysopes et Rogue, après un dernier coup d'oeil exaspéré vers sa potion, s'éloigna. Il devait à peine rester quelques minutes avant la fin du cours.

_ Je veux un rapport sur les propriétés du zaditen dans les philtres d'épuisement de quatre rouleaux de parchemin, adressa directement Rogue à la classe entière, revenant vers le tableau noir dissimulé pour la plupart des élèves sous les vapeurs qui s'échappaient des chaudrons. A rendre à votre retour des... festivités, finit-il dans une drôle de grimace. Pensez également à poursuivre votre compte-rendu sur la maturation de votre potion caricaturale (les élèves firent la moue en regardant d'un mauvais oeil les fioles jaunes alignées sur une étagère à côté d'une verte) et notez... (Rogue eut un abominable rictus aux lèvres) ceci à faire.

Et sous les mines horrifiées des élèves, le tableau se remplit d'instructions à n'en plus finir. Joyeux Noël en perspective..., songea Harry en déposant ses ustensiles dans un évier et s'armant d'une plume. Il en était encore aux exemples à donner des effets secondaires d'une mixture de récupération physique à base de venin de Ouaska (encore eux...) quand la sonnerie retentit. Il y eut comme une vague de soulagement retenu pourtant palpable qui traversa la classe malgré le silence que gardaient les élèves en finissant de recopier les consignes. C'était leur dernier cours de Potions de Décembre. Et le dernier mot noté, les agendas furent pliés aussi vite que s'ils avaient été frappés du maléfice de pointe celeros _pourtant contre-indiqué sur les sorciers_et les Serpentard, autant que les Gryffondor, s'enfuirent des cachots sans demander leur reste (si peu que Rogue décide de les retenir finalement pour un devoir oublié...).

_ Potter, un instant, siffla Rogue alors que Harry, la chemise sous le bras, imitait ses camarades.

L'adolescent, pris de vitesse, ferma les yeux (non!...), les rouvrit en priant pour plus de patience, et lança malgré lui un regard à Ron et Hermione pour qu'il ne l'attendent pas. Résigné, il fit demi-tour en se demandant bien ce que Rogue lui voulait, lui qui, en l'espace de cinq ans, s'était toujours débrouillé pour éviter de lui parler en fin de cours.

Son professeur, rangeant ses feuilles, en posa une sur celui de Harry, juste devant le sien. L'adolescent s'approcha en évitant soigneusement la flaque d'acide près du bureau de Neville et la prit.

_ Ceci, établit Rogue sans y jeter un coup d'oeil, est le sujet que vous devrez me remettre à la même date que les autres.

Harry cligna des yeux et lut sa fiche.

_ Les effets produits par les racines de Datura? Pour la création de symptômes trompeurs? Mais... vous m'avez interrogé dessus quand...

_ Seulement concernant votre potion d'emprisonnement des sens, Potter, coupa-t-il sèchement. Et à moins que je ne me trompe (ses lèvres s'étirèrent alors qu'il jetait un coup d'oeil vers une étagère où la fiole d'un vert profond était entreposée à côté de plusieurs jaunes), votre maîtrise de sa manipulation n'est pas des meilleures.

_ Mais...

_ Ce sera votre devoir supplémentaire. Espérons que la théorie améliorera votre pathétique niveau pratique. Sortez maintenant.

L'expression "devoir supplémentaire" mit Harry dans un tel état de choc qu'il ne sut jamais très bien comment il s'était débrouillé pour sortir de la classe sans causer de dommages. La main refermée sur le sujet et marchant le long du château, l'adolescent se demandait toujours s'il ne devrait pas, là et maintenant, revenir et placer sa feuille de papier dans son chaudron avant d'abattre ce dernier sur la tête de Rogue et l'interroger pour savoir comment il prenait les effets confusants _hallucinogènes_ de la Datura, une fois expérimentée sur lui-même.

Il était navrant de savoir cependant que cette idée qui générait en lui une envie croissante et démangeante était imperceptiblement effacée par la garantie conséquente de coups d'épée inoubliables en futurs cours de duel.

Harry referma sa cape sur lui, un coup de froid plus violent que les autres passant, et froissa davantage son devoir. Un peu plus loin, sur le lac presque entièrement gelé (les vagues sur la petites plage persistaient), des élèves patinaient tout en regardant à travers la glace, plus translucide que la "normale", et observaient les petites créatures marines nager sous eux. Deux d'entre eux en oublièrent de regarder dans leurs directions respectives et se rentrèrent dedans dans un bruit sourd.

Votre maîtrise de sa manipulation n'est pas des meilleures... La voix de Rogue se répercutait encore en écho dans l'esprit du jeune homme qui entrait à présent dans une autre partie du château menant à la Grande Salle. De suite, il sentit une vague de douce chaleur régnant à l'intérieur et il se mit à ôter gants et écharpe. Normale verte... pas la même que celles des autres... normale, différente..., marmonnait-il pour lui-même. Son devoir était très froissé maintenant.

Il croisa Milia, suivie de son équipe, tous vêtus en tenues de Quidditch, les balais en mains. Les joueurs semblaient assez réticents à l'idée de partir s'entraîner par ce temps. Mais leur match contre Perks était prévu le lendemain.

_ Bonne chance, dit Harry à Milia.

_ Merci, fit-elle dans un sourire qui ressemblait plutôt à une grimace d'appréhension.

Harry réchauffa ses joues encore frigorifiées de ses mains et pénétra dans la Grande Salle. Elle était splendide. Des guirlandes de gui et de houx étaient suspendues aux murs par les professeurs Strikken et Lyth tandis que Melle Tambouille se perdait au milieu des grands arbres de Noël dressés tout autour de la salle pour placer les décorations. Elle ressortit de dessous l'un d'eux avec quelques brindilles prises dans son chignon.

Dès que Harry fut entré, Malefoy, assis à sa table, le repéra et agita sa baguette vers le jeune sorcier qui poursuivit indifféremment son chemin. Le manège du Serpentard s'était beaucoup répété cette dernière semaine... Mais après tout, en essayant de repérer le centre magique de Harry, c'était son temps qu'il perdait, pas celui des autres...

_ Elle m'a mis la moitié des points sur le sortilège du mirage, s'indignait Ron à Hermione qui avait posé flûte et yltrauscults sur un côté de la table pour jeter un coup d'oeil au parchemin du garçon roux.

Harry, bien qu'il ne l'ait jamais entendu jouer ("ça servirait à quoi? Je ne suis qu'une débutante!"), savait que son amie avait réussi à lancer un sortilège d'union sur les trois objets afin d'être la seule, une fois munie du présent que Harry lui avait prêté, à entendre sa musique. Elle jouait donc librement à présent... et beaucoup.

_ C'est pourtant bien de cette manière qu'on le lance, continuait Ron qui soupira. Et dire que je pensais décrocher un peu plus de points à ce devoir récapitulatif des deux derniers mois...

_ Ce sont les circonstances durant lesquelles tu peux le jeter que tu as oublié, Ron, pointa Hermione sur son devoir.

Une détonation eut lieu au fond de la salle. Toutes les têtes se tournèrent vivement pour apercevoir de la fumée noire se dégager des interstices de la porte avant qu'elle ne s'ouvre et ne laisse apparaître au milieu d'un épais nuage sombre un Flitwick à la démarche chancelante, les habits et visage couverts de suie.

_ Qu'est-ce que..., commença Ron.

Strikken ainsi que Tambouille et Lyth réagirent aussitôt au contraire de Duckeens, qui corrigeait des copies à la table des professeurs et à l'esprit un peu lent. Ils s'avancèrent d'un pas vif pour offrir leur aide au professeur d'Enchantements.

_ Y'a pas de mal, y'a pas de mal..., rassura Flitwick de sa petite voix, louchant toujours et acceptant néanmoins le support de Strikken.

_ Qu'est-ce qu'il a fait?, s'étonna Ron, les sourcils levés.

_ On va vous emmener à l'infirmerie, professeur Flitwick, dit Strikken alors que le minuscule sorcier tanguait toujours.

_ Non, non, ce n'est rien...

_ Ne dîtes pas de bêtises, intervint Tambouille qui le soutenait aussi. Venez et accrochez-vous.

Lyth se dirigea vers Duckeens avant de lui murmurer quelque chose à l'oreille et qu'il n'acquiesce silencieusement. Il la suivit de sa démarche de canard et tous deux entrèrent dans la salle du fond, la main sur le nez, d'où un peu de fumée s'échappait toujours. Un léger brouhaha naquit dès l'instant où tous les professeurs furent partis.

_ Ils font quoi là-dedans?, réagit aussitôt Ron en se tournant vers ses amis, résumant ainsi les principaux sujets de conversations chez les élèves. Des boules de Noël explosives?

_ Aucune idée, fit Hermione, pensive. Et je les vois mal expérimenter quelque chose de dangereux juste à côté, surtout Flitwick...

_ Tut, tut! Du calme!, dit Nick Quasi-Sans-Tête, imité des autres fantômes qui tenaient maintenant le rôle de pions, faute de professeurs.

Il s'éloigna en volant et rentra malencontreusement dans un Première année gelé sur place. Le silence s'instaura malgré quelques chuchotements qui se poursuivirent (on ne pouvait pas exiger une concentration totale de la part des élèves au premier soir des vacances...). Harry, lui, sentit sa propre concentration s'échapper à mesure qu'il essayait de l'attraper. Ses amis, alors qu'il regardait d'un air absent les décorations, paraissaient davantage dans leur travail.

_ Il me fait penser au transplanage, celui-là, commentait Hermione à propos du fameux sort du mirage, toujours penchée sur le devoir de Ron. On croit te voir à gauche et hop, tu t'en vas à droite, sauf qu'on te voit toujours à gauche...

Ron ouvrit la bouche mais Harry répondit à sa question sur les circonstances avant qu'il n'ait eu le temps de la poser.

_ On ne doit pas te voir le lancer, dit-il en réprimant un bâillement de fatigue. Sinon, il ne fonctionne pas. On sait très bien où est le vrai...

Il ne put contenir plus longtemps son baillement. Rempli de semblant de bonne volonté, il se mit à regarder les titres des livres étalés sur la table en se demandant bien ce qu'il allait être capable d'étudier maintenant. Jamais la fatigue ressentie des suites de ses cauchemars ne s'était montrée aussi présente.

_ On joue beaucoup sur l'illusion cette année, fit remarquer Hermione en jetant un coup d'oeil global à ses cours. Lyth m'a l'air d'être une spécialiste dans ce domaine... Le problème, c'est que beaucoup de sortilèges peuvent être détournés...

_ Le problème?, répéta Ron, les sourcils levés. Ca dépend du point de vue où l'on se place. Moi, ça me paraît plutôt être un avantage. Et tu dis que beaucoup ont leurs contre-sorts... Et celui du mirage?

_ Non, pas celui-ci et tant mieux, répondit cette fois-ci Harry. Hermione, tu as la gazette?, demanda-t-il avant que Ron ne réplique sur "son point de vue".

_ Non, le courrier n'est toujours pas...

Elle n'eut cependant pas le temps de terminer sa phrase qu'un tourbillon de hiboux déplumés par le vent froid de dehors entra dans la Grande Salle. Harry entendit un Gryffondor marmonner: "C'est vraiment n'importe quoi le courrier, cette année!". Les hiboux venaient en effet à des heures de plus en plus imprévisibles et par groupes, ce trimestre. Il pensa avec un sourire à la réaction qu'aurait eu Fleur DeLacour en voyant ce désordre: "Enfin, voyons, c'est insensé, qu'est-ce que c'est que cette organisation?".

Les yeux tournés vers le plafond enchanté, il ne vit pas Ron regarder rapidement la gazette pendant qu'Hermione plaçait cinq Noises dans la petite bourse attachée à la patte de la chouette lapone. Elle reçut également une lettre que le jeune sorcier, le regard retourné vers elle, supposait être de ses parents moldus. Ron éclata alors de rire.

_ Tiens Harry, fit-il en pouffant et lui tendant la gazette. Il y a quelque chose pour toi là-dedans.

Harry lut la publicité qu'il lui pointait du doigt, située juste en dessous d'un commentaire sur le dernier scandale de «Salut les Sorciers», une émission de la radio animée par la célèbre chanteuse Célestina Moldubec.


Le Geldor


Vos cheveux n'en font qu'à leur tête? Le sort du Fixtout les rend gras et sans vie? La Bombacolle devient poudreuse, ne dure pas? Nous avons la solution! Facile à appliquer et sans risque de corrosion, le Geldor donne à vos cheveux l'allure que VOUS leur choisissez. Une fois par semaine, passez-en dans votre coiffure et murmurait l'incantation correspondante à vos souhaits (voir notice d'utilisation offerte). Ils respireront la santé et seront enfin tels que vous les imaginiez! En vente actuellement chez Mme Coifftiff, n°23, Chemin de Traverse.


Avant même qu'il n'ait eu le temps de finir, son ami continua:

_ Peut-être qu'après ça, notre miroir cessera de te harceler chaque matin avec ces... comment c'est déjà? Ah oui, Arrière, fripon épineux! Arrière, maraud carabiné! Ne vois-tu pas toute cette touffe, qu'il te faut abattre, maroufle!

_ Non, il fait ça?!, s'exclama Hermione, tourné vers Ron qui approuva avec vigueur.

_ Un reflet à la Catogan, ça réveille, dit Harry en feuilletant la gazette, souriant et oubliant complètement le Geldor qui, de toute façon, se serait probablement révélé aussi inefficace que les autres gels. Heureusement que nous n'avons pas le même miroir chaque année, je n'ai plus que six mois à le supporter...

_ Quoi que si ce n'est que pour récupérer l'année prochaine celui de notre quatrième année..., sourit Ron à son ami avec une pointe de fausse nostalgie dans la voix. Mon garçon, c'est un combat perdu d'avance, vos cheveux resteront tels qu'ils sont, il faut vous y résoudre..., imita-t-il à la perfection. Inutile de te dire qu'après le premier jour de cours et donc, le double cours de Divination, Harry avait failli se condamner à sept années de grands malheurs, finit-il à l'adresse d'Hermione.

Celle-ci eut un petit rire puis dit en ouvrant son enveloppe:

_ Dans notre salle de bain, celle des préfets, nous n'avons pas de miroir grotesque. Et heureusement. Le nôtre ne nous fait que des compliments, sourit-elle en se redressant, une pointe narquoise.

_ Mais dans notre salle de bain à nous, répliqua Harry qui ne put résister, nous n'avons pas Mimi Geignarde qui y passe son temps à se rincer l'oeil sur nos chers préfets.

Ron et Hermione restèrent un moment stupéfaits. Il fallut qu'un hibou complètement frigorifié et en retard fasse tomber un lourd paquet devant Ron pourqu'ils sortent finalement de leur stupeur.

_ Ah, enfin!, dit Ron en payant le volatile. Il était temps.

Il voulut se saisir ensuite de l'oiseau, mais celui-ci, terrifié à l'idée de repartir par ce temps, avait déjà repris son envol.

_ Oh, c'est pas vrai, maugréa-t-il, il va falloir que je me rende à la volière.

_ Pourquoi?, demanda Hermione qui tentait de se reprendre après avoir fait un note mentale sur un avertissement prochain aux préfets.

_ C'est demain l'anniversaire de mon père, expliqua le garçon roux. Et le livre que je lui ai commandé chez les moldus a mis un temps fou à arriver. La prochaine fois, je lui ferai parvenir directement son cadeau. Charlie organise une petite fête pour lui, il rassemble à la maison tous ses amis pour l'occasion. Je ne sais pas ce que Bill et les autres ont prévu par contre...

Une deuxième détonation eut lieu au fond de la salle. Cette fois, tout le monde s'attendit à voir Lyth et Duckeens en piteux états, mais après quelques secondes d'attente, rien ni personne ne sortit de la pièce.

_ Je me demande vraiment ce qu'ils fabriquent, fit Ron, songeur.

Une exclamation provenant d'Hermione leur fit, pour la troisième fois de la soirée, tourner la tête si vivement qu'ils en firent craquer les os du cou. Celle-ci hochait la tête d'un air incrédule en lisant sa lettre.

_ Oh, c'est pas vrai...

_ Quoi?, dirent simultanément Ron et Harry.

Hermione parut soudain comme blasée. Elle fit remuer le parchemin entre ses mains et dit:

_ Rita Skeeter, expliqua-t-elle. Elle me raconte pour la centième fois combien sa nombreuse famille a besoin de son argent pour survivre et combien il est vital qu'elle reprenne sa place au sein de la presse au plus vite... Avant, c'étaient des dettes qu'elle avait accumulé... Je me devais de la libérer du chantage pour lui faire éviter la prison...

Elle soupira, faussement compatissante.

_ Elle commence à radoter et être à court d'excuses, notre chère Rita. Pas de chance... A la prochaine lettre.

Et elle froissa le parchemin qu'elle mit en boule. Harry sourit et se repencha sur le journal. Ron, lui, fixait Hermione avec inquiétude.

_ Hermione..., fit-il lentement. Et si... si jamais c'était la vérité? Pour une fois?

Alors que la jeune fille éclatait de rire devant cette hypothèse, un titre attira l'attention de Harry: Un Langue-de-plomb parle! Les "Allons, Ron, ne sois pas stupide: Rita Skeeter, dire la vérité?" d'Hermione et les "Oui, mais si jamais..." de Ron commencèrent à se renvoyer la balle tandis que Harry lisait.


C'est dans la stupéfaction générale que Funestar Broidunoir, employé de trente et un ans au Ministère de la Magie et Langue-de-plomb reconnu, a libéré sa langue à l'embauche du matin 18 Décembre, écrit notre envoyé spécial Roddy LaPlume. Gardien de secrets hautement précieux au sein du Département des Mystères, il serait sorti des laboratoires en courant et déclarant _de lui-même_ à des collègues ébahis, le vol d'une pierre énigmatique. Sujet au maléfice du silence sans fin pour la garantie de la non-divulgation de ses activités, il aurait cependant réussi à lutter quelques secondes contre le sortilège _la volonté dépassant le stade d'affolement_, un temps suffisant pour nous de saisir l'essentiel de ses propos, malgré son bégaiement incontrôlable.

Sur cette fameuse pierre énigmatique, Funestar Broidunoir a pu donc nous livrer de plus amples informations qui, malheureusement, ne sont guère assez approfondies pour en cerner ses propriétés. "Multiplis Eblouissimo n'est rien comparé à sa luminosité, nous confie Gilbert Fripemine, membre de la Commission des Sortilèges expérimentaux et témoin de la "libération verbale" de Mr Broidunoir. "Il nous a également dit qu'il était d'une puissance temporelle _je ne sais absolument ce que cela peut signifier_ assez importante pour juger de la gravité de sa perte, en particulier, bien sûr, si elle tombait au creux de "mains noires"...", avait-il fini, perplexe.

Ces renseignements, s'ils demeurent vagues à la plupart d'entre nous, ont néanmoins déclenché un véritable débarquement d'enquêteurs, de politiciens (notons l'apparition du Ministre de la Magie lui-même, Mr Cornelius Fudge) et de mages renommés (soulignons également la présence du Manitou suprême de la Confédération des Mages et Sorciers, Mr Albus Dumbledore) au sein du Ministère.

La raison de ce remue-ménage sur la disparition d'une pierre dont le nom a précieusement été gardé dans l'anonymat nous reste inconnu à ce jour. Il paraît cependant indéniable _aux vues des comportements des sorciers présents_ de la gravité du vol et donc, peut-être, de la dangerosité du fait. Ne serait-il alors pas plus sage d'avertir la communauté magique des véritables risques éventuels dont elle pourrait être sujette? " Pour votre propre intérêt, rien ne sera révélé et nous vous conseillons de laisser agir le Ministère", déclarait leur porte-parole aux personnes présentes. Espérons que Mr Le Ministre donnera cependant au plus vite une déclaration claire sur le pourquoi de ce rassemblement affolé et prévenir ainsi de mauvaises surprises.


_ A Sniffle, au moins!, rétorquait toujours Ron devant une Hermione décidée à ne parler de ce chantage à personne, pas même Dumbledore, quand Harry eut fini de lire l'article.

Le jeune sorcier releva les yeux vers ses amis.

_ Harry, aide-moi!, supplia presque le garçon roux qui cherchait du soutien.

_ Il y a du grabuge au ministère, dit pour toute réponse son ami avant de placer l'article sous leurs yeux. Leur dispute cessa net. A la fin de leur lecture, une lueur de tristesse passa dans le regard de Ron.

_ On dirait qu'il va y a voir du travail, là-bas.

Harry savait que son ami pensait à son père en cet instant, sûrement plus débordé que jamais. Il l'était pourtant déjà bien assez depuis le retour de Voldemort... A cette pensée, Harry se demanda si le vol de la pierre et le mage noir étaient liés. Hermione le surprit les doigts caressant machinalement sa cicatrice.

_ Elle te fait mal?

_ Hein?, fit Harry pris au dépourvu. Oh! Non, je réfléchissais, c'est tout.

Puis, les regardant directement:

_ Entre les porte-paroles qui refusent de parler et le vol d'une certaine pierre, apparemment assez puissante, j'ai tendance à rapprocher cette... affaire à celle de la pierre philosophale...

_ Oui, mais elle a été détruite, rappela Hermione. C'est bien Dumbledore lui-même qui te l'as assuré, non?

_ Et puis, une pierre lumineuse..., ajouta Ron. Tu... tu crois que Tu-Sais-Qui serait encore à l'origine du vol? Je veux dire, hésita-t-il, c'était bien lui la dernière fois, à Gringotts, même indirectement...

_ C'est possible, bien sûr, acquiesça Hermione, mais...

Elle semblait déranger par un détail.

_ Pourquoi le Département des Mystères? Pourquoi pas Gringotts? C'est bien l'endroit le plus sûr, non, après Poudlard? Alors... Ils réalisaient des recherches dessus ou... ou ils n'en connaissaient peut-être pas toutes les caractéristiques et faisaient des tests...

_ Si on a quelque chose qui peut nous renseigner dessus, c'est la Réserve, intervint Harry.

Hermione hocha la tête en signe affirmatif.

_ Les livres qu'elle contient pourraient nous être utiles. Sans compter le fait qu'ils ne sont pas à la portée des journalistes et je parie qu'ils ont déjà cherché dans tous les ouvrages communs des bibliothèques sorcières. S'ils avaient trouvé quelque chose, ils l'auraient dit dans l'article, c'est certain, surtout des journalistes comme Rita Skeeter..., ajouta-t-elle dans un coup d'oeil dédaigneux vers la boule de papier froissé.

_ Vous oubliez une chose, rappela Ron. Cette année Hermione, nous n'avons aucun professeur à la Lockhart sur lequel tu pourrais laisser agir ton charme studieux..., dit-il alors que la jeune fille lui adressait un regard noir.

_ Non, reprit-il, ce qu'il nous faudrait, c'est...

_ La cape d'invisibilité, acheva Harry à sa place après un regard entendu avec son ami.

_ D'accord, dit fermement la jeune fille. D'accord. Demain, pendant le match de Quidditch.

_ Quoi?!, firent les deux garçons.

_ Pas question, s'indigna Ron en regardant Hermione comme si elle était devenue folle.

Harry hocha la tête avec vigueur.

_ Mais... Ce sera un des seuls moments où quasiment l'école toute entière sera absente du château!, répliqua-t-elle. On pourra y accéder sans risque!

_ Et rater le match?, ajouta Ron. Non, pendant les vacances, beaucoup retournent chez eux... On a deux bonnes semaines de tranquillité pour enfreindre les règles de l'école en toute impunité. Ce sera largement suffisant.

Hermione regarda en direction de Harry pour un quelconque soutien mais le jeune homme eut l'air en parfait accord avec son ami. Finalement, elle soupira exagérément, relâcha ses épaules et souffla imperceptiblement:

_ Ah, les garçons...