Auteur : kitsu34
Origine : Saint Seiya (série d'origine)
Couples : un certain nombre, mais essentiellement ceux des jumeaux : Aiolos x Saga donc et Rhadamanthe x Kanon.
On aura aussi du Milo x Camus, du Shion x Dohko, du Marine x Aiolia, du Shura x Aphrodite et du Deathmask x Mû
Disclaimers : Rien à moi dans l'univers de Saint Seiya, par contre, vu l'inscription du Sanctuaire dans notre monde, des personnages originaux et m'appartenant apparaîtront de ci de là. Le nom des îles du Sanctuaire, Iéranissia, est à moi. Il signifie « les îles sacrées ».
Note : Bonjour à tous, me revoilà, après pas mal d'hésitations partagées avec des fidèles qui m'ont encouragé à poursuivre Iéranissia. Après I Kato Volta, fic qui retrace l'histoire du Sanctuaire de Shion jusqu'à la prise de pouvoir de Saga, voici I Pano Volta, fic post Hadès, qui raconte la pénible et difficile reconstruction de ce même Sanctuaire après la dévastation de la Guerre Sainte.
Je préfère prévenir, cette fic va relater la reconstruction des jumeaux détruits (ravagés) après Kato Volta. Le plus atteint des deux est Saga, sous l'emprise de l'Autre pendant treize ans. Il y aura de régulières incursions dans ses souvenirs et elles seront douloureuses (atroces). Le rating sera donc rapidement classé M pour la torture psychologique (et physique…) des personnages et leur dégradation.
Je m'attache à la cohérence à la fois du récit, mais également à l'évolution des personnages : si l'on réfléchit bien sur les faits décrits par le manga/animé original, les jumeaux ont beaucoup souffert. Ils ont été séparés par une trahison, une mise à mort (manquée, mais réelle dans l'intention, du point de vue de Kanon), beaucoup de rancœurs et de non-dits et un abandon, sinon réel, du moins ressenti comme tel. Ils ne peuvent pas, malgré leur lien gémellaire, être encore fusionnels après tout cela. Pano Volta va donc raconter la reconstruction d'une part de Saga et Kanon, d'autre part de leur lien fraternel et gémellaire. Ce ne sera pas joyeux, mais ça se finira bien, à la différence de Kato Volta puisque I Pano Volta signifie littéralement « la boucle vers le haut » et désigne la marche la plus haute d'une échelle, d'un podium ou d'un escalier que je préfère traduire par Ascension.
Les choses étant bien définies et posées, bonne lecture à vous.
I Pano Volta / Ascension
Prologue – Succession
La voiture, puissante et racée, tourna presque silencieusement dans l'allée de gravier devant l'impressionnante résidence Kido. Le moteur s'éteignit et la silhouette noire du chauffeur, immobile au volant, se fondit dans la pénombre du début de la soirée. Un calme irréel régnait dans cette enclave étrange, hors du temps, presque hors du monde, de la ville de Tokyo. Comme si les bruits et l'agitation du monde moderne et affairé se suspendaient autour de ce bâtiment d'un autre âge.
Les imposantes portes du porche encadré de colonnes s'ouvrirent silencieusement et apparut une haute silhouette, vêtue à l'occidentale d'un costume sombre avec chemise blanche, mais porteuse d'une incroyable chevelure châtain doré descendant en vagues souples dans le dos jusqu'à la taille. La silhouette se détacha du rectangle de lumière provenant de l'intérieur de la bâtisse et se retourna pour s'incliner avec déférence devant une jeune femme à l'étrange chevelure châtain clair, parcourue de reflets acajou rosé. Dans la lumière de l'entrée, elle semblait presque avoir de longs cheveux mauves. Le chauffeur, toujours en silence et en discrétion, alluma doucement le moteur qui vrombit à peine dans le crépuscule. Puis il sortit lentement de l'habitacle et contourna le véhicule pour venir ouvrir la portière arrière à l'homme qui descendait à présent souplement les marches du perron. Celui-ci s'engouffra dans la voiture et le chauffeur en referma la lourde portière sur lui avant de regagner son siège et de démarrer. Le tout sans un mot, sans un geste de trop, tête baissée.
A l'intérieur de l'habitacle racé et élégant, se trouvait une silhouette, immobile, à côté de laquelle l'homme à la chevelure étonnante s'était assis. Le visage tourné vers l'extérieur, elle ne donnait pas signe de vie. Un soupir lassé s'éleva dans l'intérieur luxueux et silencieux.
« Tu vas continuer longtemps comme ça, Mû ? »
Aucun son ne répondit, aucun geste n'indiqua que le second homme avait entendu le premier.
« Il est temps. Il faut accepter ses limites et savoir quand se retirer. Et mon temps est venu. Enfin. »
Les mains blanches et fines, croisées sur la poitrine du jeune homme, se serrèrent brièvement sur la chemise blanche qui le recouvrait, mais il ne fit pas un mouvement, ne tourna pas la tête.
« Je ne t'abandonne pas, ni toi, ni les autres. Et je ne vais pas quitter le Sanctuaire dans l'immédiat. Mon… successeur doit être formé convenablement et je m'acquitterai de ma tache, comme je l'ai toujours fait. »
Cette fois-ci, Mû tourna la tête vers l'intérieur du véhicule et arrêta fixement son regard noisette, lourd de sentiments mêlés divers, sur le visage qui le déroutait toujours autant, à la fois familier et étranger, de son maître. Son maître, à présent sensiblement du même âge que lui… Et comme à chaque fois depuis plus de deux ans, un pincement serra le cœur du jeune homme. Shion avait toujours été ce qui s'approchait le plus d'un père pour lui. En tout cas, aussi loin que remontait la mémoire du jeune Bélier, il l'avait aimé comme tel. Avec force, admiration, fierté… Et confiance. A sa mort, lors de cette nuit atroce où Ariès l'avait revêtu pour la première fois, accompagné de ce testament cosmique que l'armure lui avait transmis, il avait cru perdre toute une partie de son être. Ses racines. Ses fondations. Seul, exilé à Jamir durant de trop nombreuses années, il s'était construit comme il avait pu, sur les souvenirs et les rancoeurs, incomplet. Et étaient venues les batailles, les guerres, qui avaient repoussé ses états d'âme dans les profondeurs de son esprit : pas le temps pour les atermoiements, on verrait plus tard. Et dans l'esprit de tous les combattants, de bronze, d'argent ou d'or, il ne devait pas y avoir de plus tard.
Mais voilà… Dans cette ère, le plus tard était venu. Et avec lui, le moment de régler les comptes, d'affronter ses désirs, ses peines, ses questions et ses regrets… Et Mû n'était pas prêt à ça. Il n'y avait jamais été préparé. Il n'y arrivait pas.
Face à ce visage du même âge que le sien qui avait remplacé le visage vénérable de son maître. Face au retour de tous, y compris de ceux qui étaient responsables de tant de souffrances. Face au Sanctuaire de son enfance détruit, exsangue, à genoux. Face à la paix et à la vie. Il n'y arrivait plus du tout...
Il ne savait pas quoi faire. Il était perdu. Et son seul repère avait décidé de l'abandonner dans cette période si difficile de son existence. Encore… Les mains fines se crispèrent à nouveau et la bouche douce et délicate se serra à ne plus former qu'une mince ligne blanche. Le regard noisette brilla d'un éclat dur et hostile et Mû, totalement fermé, se tourna à nouveau vers l'extérieur.
Shion soupira encore et son regard de crépuscule se perdit sur les gratte-ciel gigantesques et illuminés qui les encerclaient à présent.
« Je ne doute pas que vous ferez votre devoir, Majesté. Je suis témoin que vous l'avez toujours fait. »
Shion tressaillit. La voix de Mû, qui ne s'était pas retourné pour lui parler, avait accentué avec une emphase mauvaise le titre. Son cœur se serra dans sa poitrine, comme souvent désormais, depuis leur retour à tous, deux ans plus tôt. La voix de son ancien disciple était amère. Et par-delà l'amertume, ce qui peinait le plus le Grand Pope était cette note indéfinie de rancoeur, de souffrance, de reproche et de détresse mêlés. Il ferma les yeux avec douleur.
C'était trop difficile… Ce retour, cette reconstruction des lieux et des êtres… Encore une fois… Dans un écho déchirant, une situation identique et ancienne s'imposa dans son esprit. Il avait déjà connu cela… Et c'est ce qui avait été le plus dur dans ses plus de deux siècles au service de sa déesse : devoir faire face aux ravages et aux conséquences des actes et des décisions prises sur les êtres qui lui avaient été confiés…
Le vide et la fatigue s'étendirent en lui. Il ne pouvait plus, il n'avait plus la force de la jeunesse qui l'avait soutenu à cette époque. Aujourd'hui il était vieux, malgré ce corps anachronique qui lui avait été octroyé. Son esprit, son être avaient plus de deux cent cinquante ans… Mû devait comprendre. Ils devaient tous comprendre et prendre la suite. Eux pouvaient encore accomplir ce miracle de la vie. C'était leur temps à présent, plus le sien. Il rouvrit les yeux.
« Tu te trompes, Mû. Je ne l'ai pas toujours fait, mon devoir. J'ai failli, moi aussi, comme ont failli tous ceux qui m'ont précédé et accompagné, comme tous les être humains faillissent un jour. J'ai failli le jour où je t'ai recueilli bien avant l'âge supposé d'un apprenti. J'ai failli le jour où j'ai décidé, au mépris de toutes les règles, de t'élever moi-même, comme un fils. J'ai failli le jour où malgré sa noirceur à l'époque, j'ai accepté Aiolos comme chevalier. J'ai failli en ne décelant pas les troubles de Saga. J'ai failli en laissant Bias opprimer et détruire Kanon dans le secret du temple des Gémeaux. Et plus que tout, j'ai failli en accordant en moi plus de place à un autre être humain qu'à ma propre déesse… Malgré toutes ces failles et ces erreurs, j'ai essayé de faire mon devoir au mieux. J'ai essayé. Cela ne signifie pas que j'ai réussi. Ni que j'ai aimé le faire... »
La voix de Shion s'était assourdie sur les derniers mots. Mû se retourna vivement vers l'intérieur de la voiture et interrogea son maître du regard sur cette souffrance sourde qui suintait de ses dernières paroles. Mais dans la pénombre de l'habitacle, seulement tranchée par moment par les lumières artificielles de la ville, il ne distingua que la chevelure du Grand Pope. Celui-ci s'était détourné à son tour et s'abîmait dans la contemplation extérieure.
« Mais de là à abdiquer…
- Pourtant, c'est ce que je m'apprêtais à faire il y a dix-huit ans. Je ne vois pas ce que cela a de si surprenant.
- Nous avons besoin de vous. Vous ne pouvez pas nous laisser comme… ça… Dans cet état.
- Mû, cela fait deux ans à présent que nous sommes de retour. Deux ans que j'ai repris la tête du Sanctuaire et que la reconstruction a commencé. Les lieux ont quasiment repris leur visage d'origine, c'est vrai. Mais les êtres ? Tu as l'impression que les choses avancent vers le positif ? Allons, il faut regarder les choses en face. Je n'y arrive pas. Pas du tout. Je n'ai plus la force…
- Il ne s'agit pas de force, vous le savez bien. C'est d'autre chose dont il est question. »
Le disciple et le maître s'affrontèrent un instant tandis que la voiture prenait en souplesse la bretelle de sortie conduisant à l'aéroport de Narita. Le regard noisette était chargé de reproches brûlants et Mû semblait prêt à en découdre. Mais Shion refusa la semonce et son énergie s'éveilla. Le regard pourpre s'illumina et s'affermit.
« Oui, en effet, je n'ai plus envie de continuer.
- Je le savais !
- Et j'en ai le droit, Mû. Trop de choses ont vécu et sont mortes. Trop de temps a passé. Tout ne peut pas se réparer. Certaines choses resteront brisées, quoiqu'on fasse. Et la roue tourne. Il faut savoir l'accepter. Ce que tu traverses en ce moment, je l'ai connu et vécu autrefois comme souverain d'un Sanctuaire détruit, déjà. Ça a été un moment de souffrance et d'isolement que je ne pourrais sans doute jamais évoquer pleinement avec les mots des langues humaines. Je ne veux pas revivre cela, encore. Je ne peux pas. Ma force vitale a été dévorée à cette époque. Il ne m'en reste plus assez pour recommencer.
- Mais maître, la déesse vous a rendu la jeunesse pourtant.
- Je ne te parle pas de cette jeunesse illusoire qui me déstabilise autant que toi. Je te parle de force vitale, de cet élan qui pousse l'humain vers la vie et qui décroît à mesure que passe le temps. Le mien est plus qu'écoulé et mon élan vital avec lui. Et cela, même les dieux ne peuvent me le rendre. C'est ainsi et cela doit être ainsi. C'est une loi immuable, fixée par le Destin. Vous avez besoin de cet élan vital à votre tête. Vous avez besoin d'une envie dévorante de vivre. Vous avez besoin d'un nouveau Grand Pope.
- Votre décision est donc prise... »
Shion soupira à nouveau, de soulagement cette fois. La compréhension et une certaine forme de résignation venaient adoucir le ton virulent de Mû. L'acceptation avait commencé. Elle s'étendrait sans doute aux autres, à présent qu'elle avait gagné son élève.
« Oui. La déesse m'a accordé ma requête et m'autorise à me retirer. Dans un mois aura lieu la cérémonie au Sanctuaire. Je nommerai alors mon successeur et une nouvel ère, porteuse d'un nouveau souffle, commencera. L'ère de la reconstruction et du renouveau pour la chevalerie d'Athéna.
- Un mois seulement… Cela va si vite…
- Il ne faut plus perdre de temps. Les choses se dégradent très vite. Le point de non-retour approche pour beaucoup d'entre vous. Aiolia est en pleine dépression, Aphrodite se détache du monde des humains, Milo et Camus ont failli s'entretuer, Kanon boit plus que de raison, Saga ne sort quasiment plus de son temple, Shura est en pleine crise mystique, Angelo s'assombrit et devient de plus en plus violent…
- Oui, vous avez raison. Nous sommes en mauvais état... »
La voiture amorça un virage silencieux en épingle et s'arrêta doucement. Le moteur s'éteignit et la vitre de séparation s'abaissa légèrement.
« Nous sommes arrivés, Votre Majesté, Seigneur du Bélier. Dois-je demander aux pilotes de patienter ?
- Non, ce ne sera pas nécessaire. Nous allons décoller sans perdre de temps. »
A ces mots, le Grand Pope se leva avec décision et, sortant de la voiture, révéla sa taille imposante et son énergie impérieuse. Et comme à chaque fois que Shion déployait son cosmos profond, Mû se sentit gagné par l'admiration. Celle de son enfance. Celle qui courbait les nuques sur le passage du souverain. Celle qui entraînait l'adhésion et la fidélité des troupes du Sanctuaire et de ses habitants depuis plus de deux siècles. Brièvement, une pointe douloureuse le traversa. Son maître, Grand Pope aimé et respecté, s'effacerait bientôt. C'était la fin d'une ère. Un regain d'énergie et de résolution succéda à la douleur. Shion avait raison. Le temps de leur génération était venu. Ils étaient prêts, ils devaient le faire. A leur tour.
Le chevalier du Bélier sortit lui aussi, calme, plus assuré et apaisé qu'il ne l'avait été depuis longtemps. Relevant la tête avec fierté, il emboîta le pas de son Pope, pour la dernière fois sans doute, salué profondément par les têtes inclinées des hommes et femmes présents sur le tarmac, qui les accompagnaient jusqu'au jet un peu plus loin.
Au moment où le Grand Pope s'apprêtait à monter dans l'avion, un homme obséquieux, en costume, s'approcha et s'inclina à plusieurs reprises, main tendue. Aussitôt, à la vitesse de la lumière, Mû s'interposa entre son souverain et cet inconnu, qui poussa un cri et fit un bond en arrière en le voyant avec une profonde stupéfaction se matérialiser d'un seul coup sous ses yeux, comme par magie. Shion, d'une légère poussée de cosmos, intima à Mû de s'écarter et tendit la main avec bienveillance vers l'homme ébahi et tremblant. Celui-ci se reprit et lui remit une lettre. Le Pope s'en saisit, l'ouvrit et la parcourut. Son visage s'éclaira et se rasséréna, à l'étonnement de Mû. Que pouvait-il y avoir dans cette missive qui puisse procurer un tel réconfort au Grand Pope soucieux et fatigué ? Avisant le regard curieux posé sur lui, Shion sourit et tendit la feuille de papier à Mû. La saisissant, celui-ci hésita, puis sur un encouragement, la lut.
« Aiolos revient au Sanctuaire ? Vraiment ?
- Oui. Je lui ai demandé de me faire part de sa décision finale, il y a quelques semaines. Je suis très heureux de son choix. Vraiment très heureux.
- J'avoue que son départ m'avait surpris et peiné. Je ne pensais pas qu'il reviendrait.
- Moi non plus, je ne le pensais pas et j'aurais compris qu'il veuille partir définitivement et rendre l'armure d'or du Sagittaire. Mais je suis très heureux de le voir reprendre le flambeau. C'est exactement de ce genre d'élan vital dont a besoin le Sanctuaire. »
Mû étouffa une exclamation et un éclair de compréhension traversa ses yeux noisette. Le maître et le disciple échangèrent un regard complice et pour la première fois de la soirée et depuis longtemps d'ailleurs, Mû sourit.
« Une nouvelle ère. Je comprends, Maître…
- J'en suis soulagé et infiniment heureux… Mon… Fils... »
D'un geste maladroit, le Pope caressa doucement la longue chevelure châtaine nouée en catogan, puis se détourna avec gêne et pénétra dans la carlingue, suivi du chevalier d'or du Bélier chargé de sa sécurité. Le souverain du Sanctuaire et l'un de ses gardes dorés rentraient à Iéranissia.
Pour la dernière fois.
oOoOo
Le prologue est court, mais les chapitres qui suivent seront un peu plus longs. Il s'est écoulé deux ans après la résurrection post-Hadès, durant lesquels ont pris place les fics Réminiscence et A fleur de toi et trois années se sont déroulées entre la guerre du Sanctuaire et la bataille finale contre Hadès. se rajoutent donc cinq années aux treize ans du premier volet de Iéranissia. Mû a donc 25 ans (comme Milo, Camus, Shaka, Aldébaran, Aiolia) Angelo et Shura ont 28 ans, Aphrodite 27 ans, Aiolos 32 ans, Saga et Kanon 33 ans.
