Tout le monde connaît le personnage de l'Inspecteur Harry Callahan campé par Clint Eastwood, caricature du flic macho, raciste, homophobe, violent et incontrôlable – mais assez amusant au second degré, et puis aussi, avouons-le, doté d'une belle gueule qui rachète tout. Imaginons cependant le même personnage quelques siècles plus tard, quelques années-lumière plus loin, et doté d'un physique nettement moins avenant. Et nous obtenons l'Inspecteur Harrius Kallaghian, un flic désabusé de la Division Criminelle du SSC, qui comme tout bon vétéran turien ne jure que par la Loi, l'Ordre... et les armes lourdes!

Usual disclaimer: Les technologies, les espèces, et les lieux exploités dans les lignes qui vont suivre sont issus de l'univers existant dans les jeux vidéo développés par Bioware. Les événements qui vont suivre se dérouleraient dans les années pénibles de l'après-Guerre et de la Reconstruction de la Citadelle. Le héros principal est largement inspiré du personnage de l'Inspecteur Harry Callahan, tel qu'il apparaît dans la série de films produits par Warner et Malpaso. Le caractère brut de décoffrage du personnage, et ses liens ténus avec le reste des espèces organiques, sont néanmoins surtout inspirés des tous premiers films non-édulcorés de la série (ambiance années 70).

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-–- Deux malfrats tués, et un troisième dans un état critique! Plus des dégâts matériels considérables, et une population locale terrorisée! Hah, on peut dire que vous vous êtes encore dépassé aujourd'hui, Kallaghian!

Le vocalisateur synthétique de l'exo-combinaison du petit Volus semblait soumis à rude épreuve, tandis qu'il assénait ses reproches au grand Turien assis devant lui. Ce dernier demeurait quant à lui aussi impassible que s'il était attablé au Café Apollo, en train de profiter paisiblement du panorama sur le Présidium. Après tout, ce n'était pas la première fois que le capitaine Dak Annlee, responsable de la Division Criminelle pour le Secteur Zakéra, recevait ainsi l'Inspecteur Harrius Kallaghian dans son bureau personnel pour ce genre de débriefing orageux à huis clos.

Les enquêteurs de la Division Criminelle du SSC sont censés se vêtir en civil, mais Harrius avait quant à lui pris pour habitude d'arborer l'armure légère noire rehaussée de chevrons de bronze qu'il portait encore aujourd'hui dans le bureau du capitaine. Cette panoplie lui donnait l'aspect redoutablement ambigu de quelque mercenaire ou gros bras d'un patron du crime, ce dont il aimait à jouer dans les bas-fonds les plus glauques de Zakéra. L'aura naturellement menaçante du détective turien, ainsi que le pistolet lourd Carnifex en permanence accroché à sa hanche, ne pouvaient que renforcer la prudence respectueuse qu'inspirait son accoutrement de voyou. Cette fantaisie vestimentaire de la part de l'Inspecteur faisait en tout cas partie des innombrables traits de son caractère indépendant que le capitaine Annlee n'était jamais parvenu à supporter.

-–- Et arrêtez de me toiser avec cet air supérieur! poursuivit d'ailleurs le petit Volus. Vous croyez peut-être que je ne vous vois pas, tout au fond de vos grandes orbites?

Le Turien haussa les épaules sans rien dire. De fait, le capitaine estimait souvent que Kallaghian ne le considérait pas avec tout le respect dû à son rang. Harrius, tout au contraire, avait le sentiment de respecter très exactement à sa juste mesure ce petit arriviste arrivé de nulle part. Il était notoire que le capitaine Annlee n'avait mené aucune véritable carrière au SSC, en dehors des bureaux bien sécurisés du Présidium. Pour la plupart des flics de terrain, l'idée même d'un Volus effectuant les patrouilles en uniforme dans les bas-fonds des Secteurs était tout simplement risible. Il n'en était que plus évident que ce gratte-IV rondouillard n'avait été parachuté à son poste actuel par le Conseil que pour satisfaire les quotas ethniques. C'est en tout cas ce que pensait Harrius Kallaghian; et l'Inspecteur ne se privait jamais de faire connaître à la ronde ses opinions personnelles.

Un peu plus tôt dans la matinée, un petit groupe de trois criminels, deux Drells menés par un Hanari, avait tenté d'enlever en pleine rue du Secteur Zakéra un homme d'affaires galarien très en vue – probablement en vue d'une extorsion, ou d'une demande de rançon auprès de la dalatrace de son clan. Mais la présence fortuite de l'Inspecteur sur place avait fait capoter ce plan. L'échange de tirs qui s'en était suivi avait été nourri, et avait semé la panique dans tout le quartier. Se débarrasser des deux Drells n'avait pas été une mince affaire: non seulement ces petits fumiers écailleux bougeaient rudement vite, mais en plus ils savaient lever des Barrières biotiques! Ces deux-là avaient d'ailleurs été identifiés après coup comme d'anciens agents de terrain de la Primauté Éclairée de Kahjé, raison pour laquelle sans doute ils avaient continué à suivre les ordres d'un foutu Hanari.

Une fois privé de sa main-d'œuvre, ce dernier avait trouvé refuge dans une station de transit inter-Secteurs, où il avait pris en otage toute une classe de petites Asari en sortie scolaire. Le criminel amphibien avait alors brandi quatre armes en même temps au bout de ses tentacules: deux mitraillettes légères Shuriken, et deux pistolets Prédateur! À première vue, cela pouvait sembler très impressionnant... Mais il était toutefois prouvé que les Hanari, comme bien d'autres espèces, éprouvent de grandes difficultés à coordonner le tir simultané de deux armes – alors de quatre! Cette andouille de grosse méduse avait probablement dû regarder trop de films de Blasto...

Au final, cette prise d'otages pathétique avait eu le dénouement que l'on était en droit d'en attendre, dès lors que l'Inspecteur Kallaghian et son Carnifex s'y étaient trouvés mêlés. La Morgue du SSC avait dû retourner ses fonds de tiroirs pour parvenir à remettre la main sur un sac mortuaire pour Hanari. Le Comité de Défense des Minorités était monté au créneau, pour usage disproportionné de la force létale par un officier de police issu d'un peuple représenté au Conseil, envers un membre d'une espèce notoirement connue pour sa faiblesse physique en dehors du milieu aquatique. Et le capitaine Dak Annlee se retrouvait une fois encore obligé de gérer toute la merde que l'Inspecteur Kallaghian laissait régulièrement dans son sillage.

Et justement, le Volus souhaitait revenir sur le dénouement fatal de cette fusillade infernale:

-–- Alors, qu'est-ce qui s'est passé avec le Hanari, Kallaghian? Donnez-moi votre version des faits: comment en est-on arrivés à un pareil carnage?

Toujours assis, le Turien étendit bras et jambes pour faire craquer ses articulations, puis répondit sur le ton de la conversation la plus banale:

-–- Tout est dans le rapport, Chef. J'ai dit à cette putain de grosse méduse...

-–- Hanari, Kallaghian, l'interrompit le capitaine. Dites: Hanari.

-–- Vous voulez la jouer politiquement correct, Chef? Le Comité écoute pas, vous savez...

-–- Kallaghian, expira bruyamment le petit Volus, j'en ai ma claque de vous reprendre systématiquement sur vos dérapages verbaux inacceptables! Vous dites: Hanari. Est-ce que c'est clair pour vous?

-–- Okay, c'est vous le chef, Chef. Donc, j'ai promis au Hanari que s'il lâchait pas ses putains de flingues, je lui percerai un deuxième trou du cul...

-–- Et alors? demanda encore Annlee.

-–- Et alors quoi? Ben il a pas lâché ses flingues, voilà tout...

Le capitaine volus émit un long, très long soupir de découragement qui fit vibrer les joues de son exo-combinaison. Puis il poursuivit d'une voix chargée d'une extrême lassitude:

-–- Kallaghian, vous avez littéralement explosé cette grosse médu... ce Hanari! Et sous les yeux de toute une classe de gamines asari, qui plus est! La plupart de ces malheureuses sont encore traumatisées et sous assistance psychologique! Par le Livre de Plénix, Kallaghian! vous aviez surement déjà une petite idée des dégâts que peuvent causer les munitions d'un Carnifex sur la gelée molle qui tient lieu de chair aux Hanari... Alors enfin, qu'est-ce qui vous a pris de l'avoir truffé de plomb comme vous l'avez fait?!

Le mandibule gauche du flic turien s'agita brièvement d'un tic nerveux, qu'on aurait pu comparer à un tressaillement de paupière chez un Humain, par exemple. Puis il entreprit de répondre avec un calme olympien:

-–- Chef, j'avais fait une promesse au Hanari. Mais pour être honnête, j'ai foutre jamais su si ces saloperies de grosses méduses lumineuses ont même seulement un putain de trou du cul, ou pas... Alors dans le doute, je lui en ai percé deux!

-–- Kallaghian! explosa le Volus. Vous êtes un enfoiré de psychopathe, on vous l'a déjà dit, ça?!

-–- Ouais ouais, on me l'a déjà dit, admit Harrius d'un ton blasé. Mes instructeurs à l'armée; mon ex-femme qui veut plus me voir; mes anciens équipiers, avant qu'ils se fassent buter; la psy du SSC; pis vous, plus d'une fois; pis en fait, à peu près tout le monde, c'est pas faux...

Dak Annlee se dirigea à courtes enjambées vers son bureau, pour s'y saisir d'un datapad. Puis en brandissant celui-ci devant l'Inspecteur, il poursuivit d'une voix fatiguée:

-–- Kallaghian, j'ai reçu une lettre de félicitations de la part du directeur galarien que vous avez secouru, pour le courage et l'efficacité dont vous avez fait preuve lors de cette prise d'otages. Une-seule-lettre... Et en regard, j'ai reçu pas moins de trente-quatre pétitions, requêtes officielles, et autres courriers incendiaires, de la part entre autres des autorités du Secteur Zakéra et du Comité de Défense des Minorités, qui exigent une fois encore votre révocation immédiate. Vous devinez ce qui va bien finir par se passer, à force...?

-–- Ouais, Chef, je devine même très bien: vous allez recevoir une fois encore l'ordre d'en haut de vous asseoir sur ces plaintes; et une fois encore, en bon cadre bien discipliné, vous allez le faire. Et à force, vous allez finir par vous retrouver assis sur une pile assez haute pour pouvoir littéralement aller lécher le cul des Hanari du Comité, acheva le Turien en toisant de haut en bas la taille modeste de son rond-de-cuir de supérieur hiérarchique, plus petit debout que lui-même assis.

La respiration du Volus s'accéléra brutalement de manière violente et saccadée: choqué par une telle audace, le capitaine semblait tout bonnement au bord de l'apoplexie! Mais même si son cerveau s'était trouvé correctement approvisionné en ammoniac, il n'aurait probablement rien trouvé à répondre. Car après tout, le fait était – et le capitaine Dak Annlee le savait pertinemment – qu'il n'y avait tout simplement rien à dire...

Il était notoire dans toute la Division Criminelle qu'en dépit de ses frasques à répétition, Harrius Kallaghian était absolument indéboulonnable. Depuis des mois en effet, le conseiller turien faisait le forcing pour qu'il soit promu au rang de Spectre, en mettant en avant son indépendance d'esprit et sa terrifiante efficacité. Et depuis tout autant de temps, les trois autres conseillers freinaient des quatre fers en arguant des aspects incontrôlables et irresponsables de sa personnalité. Aussi, à chaque dérapage sanglant de la part de Kallaghian, le conseiller turien intervenait-il personnellement pour lui épargner le placard ou la porte – dans l'espoir qu'un jour, ses collègues du Conseil jugeraient préférable pour la sécurité de la Citadelle de lui accorder le statut de Spectre, et de l'envoyer en mission dans l'espace lointain, le plus lointain possible. Tant que ce bras de fer durerait, l'Inspecteur Harrius Kallaghian continuerait donc à sévir à la Division Criminelle du SSC, pour le meilleur comme pour le pire.

La respiration haletante du capitaine Annlee se calma petit à petit, et il fut bientôt en état de reprendre d'un ton résigné:

-–- Vous me faites chier, Kallaghian. Du fond du cœur: Vous-me-faites-chier! Vous avez déjà perdu votre dernier équipier humain il y a moins d'une semaine...

-–- Vous avez lu le rapport, Chef. Qu'est-ce que vous voulez que je vous dise? Ce con s'était planqué derrière un conteneur à déchets pendant la fusillade en pleine rue. Et il a fallu qu'un civil elcor paniqué choisisse de venir se tapir exactement derrière la même cachette! Ben forcément, ça a fini en bouillie... Esprits, c'était vraiment pas joli à voir! sembla jubiler le Turien.

-–- Bref, même sans équipier, vous arrivez à faire ressembler les rues de Zakéra à celle d'Oméga! Les gens vont commencer à avoir plus peur du SSC que des gangs! Ça ne peut plus durer, Kallaghian! Alors je viens de vous assigner un nouvel équipier. Il vous attend dans la...

Le détective turien se leva comme un ressort:

-–- Un nouvel équipier, Chef?! Qu'est-ce que vous m'avez encore dégoté comme...?

-–- ...Dans la salle de repos C, intervint le capitaine, paume levée pour couper court aux discussions. Je me suis arrangé pour que vous y soyez seuls pour faire rapidement connaissance. Je doute qu'il puisse vous remettre sur les rails, mais au moins, peut-être pourra-t-il vous ralentir un peu... Ce sera tout, Kallaghian; et surtout, que je ne vous revoie plus de la journée! Bon sang, j'ai vraiment besoin d'une nouvelle bombonne d'ammoniac, moi... Avec un bina volus bien tassé!

Harrius sortit sans un mot du bureau du capitaine Annlee, pendant que le Volus peinait encore à reprendre sa respiration. Il remonta ensuite une paire de couloirs, en répondant ou non aux saluts craintifs ou respectueux que lui adressèrent les quelques collègues qu'il fut amené à croiser. Une fois parvenu devant la porte de la petite salle de détente que lui avait indiquée le capitaine, il en activa l'ouverture et entra aussitôt en coup de vent. Le local était chichement meublée d'un petit ensemble de cuisine, d'un sofa, d'une table, et de quelques chaises; l'endroit respirait le tabac froid, la malbouffe, la morosité, et la lassitude du boulot de flic. En découvrant là qui allait être son nouvel équipier, le détective turien manifesta le même tic de mandibule qui l'avait déjà agité un peu plus tôt.

Le seul autre occupant organique du local était en effet un Humain, de sexe masculin – Encore un! songea l'Inspecteur avec accablement. Le spécimen avait l'air plutôt juvénile, pour ce que le Turien connaissait des stades de vieillissement de la peau tendre des Humains. En dehors de cela, l'homme avait le teint sombre et le cheveu crépu noir, avec une courte barbiche sculptée. Le regard vif, il semblait également en bonne forme physique, pour ce qu'on pouvait en tout cas en juger d'après sa silhouette moulée dans une armure bleue du SSC – une armure visiblement neuve, tout juste sortie d'usine. Une véritable affiche de recrutement sur pied, songea Harrius avec mépris. Lorsqu'il le vit pénétrer dans la pièce, le jeune homme se dirigea vers lui en souriant, et lui tendit sa main largement ouverte:

-–- Inspecteur Kallaghian, je suppose? C'est un honneur de servir sous les ordres d'une légende telle que vous, Monsieur. Officier Jordan Washington, ex-Police de San Francisco. Sur Terre, crut bon de préciser le bleu.

Le Turien sembla un moment considérer avec dégoût la main à cinq doigts que lui tendait l'Humain. Et c'est sans avoir ôté ses propres serres de ses hanches qu'il répondit d'une voix rude:

-–- Tout l'honneur est pour toi, officier-Jordan-Washington-de-la-Police-de-San-Francisco-sur-Terre. En ce qui me concerne, je me serais bien passé de devoir faire équipe avec un primitif tout juste arraché à sa planète natale... Autre chose: à la Criminelle, on circule, on enquête, et on opère en civil. Alors tu vas me faire le plaisir d'aller échanger cette jolie armure bleu flic toute neuve pour un ensemble plus adapté: combi tactique anodine, ou une armure légère tout au plus si tu veux davantage de protection. Un peu dans le genre de la mienne, mais je t'interdis de l'imiter, couleur ou motif. Est-ce que c'est bien compris, officier-Machin-Bidule, ou est-ce qu'il faut que j'emploie des mots plus simples et plus adaptés à un abruti de Terrien?

La froideur de l'accueil figea sur place l'officier Washington. Un moment désarçonné, il finit cependant par demander:

-–- Euh, vous avez un problème personnel avec moi, Monsieur?

Harrius détourna le regard en ignorant ostensiblement le bleu, semblant se perdre dans la contemplation d'un écran au mur. Plus exactement, il s'agissait là d'une affiche holographique de recrutement du SSC, représentant deux flics de la Division Intervention ôtant leurs casques après une opération coup-de-poing: un Turien et un Humain, aux armures bleues marquées par les combats. Sans prêter la moindre attention à son nouveau collègue humain présent dans la pièce, l'Inspecteur soupira comme pour lui-même:

-–- Pourquoi le capitaine s'obstine à me coller des équipiers ethniques dans les pattes, je comprendrai jamais ça... Y a donc réellement des quotas, ou quoi?!

-–- Qu'est-ce que vous entendez au juste par "ethniques", Monsieur? s'enquit Washington.

Le ton légèrement hérissé de la question laissait entendre que l'Humain avait pu se sentir personnellement offensé par le terme employé par l'Inspecteur. C'est pourtant de manière totalement décomplexée que ce dernier répondit:

-–- Ben, des comme toi, quoi... Je veux dire: des non-Turiens, avec qui je peux même pas partager un bon vieux steak dextro-aminé, sans qu'ils s'effondrent comme des lopes en vomissant partout! Y a déjà eu un lézard; une danseuse; et deux chimpanzés dans ton genre...

Washington traduisit mentalement l'argot raciste en usage dans certains milieux de la Citadelle: "lézard" pour Galarien; "danseuse" pour Asari; et "chimpanzé", bien sur, pour Humain. Ayant désormais bien cerné la personnalité détestable de son nouveau supérieur, le bleu demanda encore:

-–- Vous avez donc déjà eu quatre équipiers, hum, "ethniques" avant moi... Et juste par curiosité, combien d'entre eux ont déjà été tués en service sous votre commandement?

-–- Oh, ben les quatre... Mais bon, tu te doutais déjà un peu de la réponse, fils, pas vrai?

Un signal sur son Omnitech avertit tout à coup l'Inspecteur qu'il avait une communication entrante. Gantelet activé, Kallaghian porta la serre à son oreille pour en prendre connaissance, ne lâchant de temps à autre que les confirmations et réponses aussi brèves que précises qui le définissaient sans le moindre doute possible comme un vétéran des forces armées turiennes. L'Inspecteur finit par mettre fin à la communication en désactivant son Omnitech; mais ce n'est qu'au moment de quitter la pièce qu'il sembla se souvenir de la présence de son nouvel équipier humain. Il ordonna donc brièvement à ce dernier:

-–- Allez, amène-toi, Chimpo: on a déjà une affaire à résoudre tous les deux...

-–- Euh, mon nom, c'est Washington, Monsieur! se récria l'Humain.

-–- M'en fous de ton nom, soupira Harrius. Pour le temps que tu vas encore me durer de toute façon... Je t'appellerai juste Chimpo, comme les deux autres chimpanzés que j'ai déjà eus avant toi. Point barre. Si ça te pose un problème, tu peux toujours retourner à San Francisco. Sur Terre, appuya le Turien, sur le même ton qu'avait employé Jordan Washington lorsqu'il s'était présenté.

Les deux flics s'affrontèrent du regard un long moment, sans échanger un mot. Il était difficile pour la plupart des gens, et tout spécialement pour les non-Turiens, de soutenir bien longtemps le regard d'acier de l'Inspecteur. Le bleu semblait pourtant y parvenir, ce qui était tout à son crédit. Et c'est sans encore détourner les yeux que l'Humain finit par lâcher d'un ton cinglant:

-–- Non, Monsieur. Tout va très bien, Monsieur. C'est un réel plaisir de servir la Justice sous vos ordres, Monsieur.

Harrius Kallaghian continua à scruter un moment le visage tendu de l'Humain. Son tic nerveux avait recommencé à agiter son mandibule gauche de spasmes épisodiques, rompant le stoïcisme du reste de son visage de pierre. Au final, l'Inspecteur fut le premier à détourner le regard, en hochant la tête d'incompréhension. Tout juste laissa-t-il échapper dans un marmonnement, tandis qu'il quittait la pièce à grandes enjambées:

-–- Oh, par les putains d'Esprits...!

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