Chapitre Un : The Worst Birthday (19/07/2003 ; upd 25/07/2003)

– CHAPITRE UN –

The Worst Birthday

Tutung tutung tutung … VLOUSH
BANG !
Tutung tutung tutung…
Le garçon semblait indifférent à tout, son regard perdu au loin, vers cet horizon qui défilait tantôt lentement, tantôt à si vive allure qu'il en devenait presque indiscernable, juste un entremêlement de taches allongées et colorées. Il était seul dans son compartiment, dans un de ses anciens wagons au charme un peu désuet, aux parois recouvertes de bois laqués et aux vieilles banquettes de velours usé. Le reflet de son visage sur la vitre affichait une expression vaguement mélancolique, et accentuait la pâleur de l'original et le contraste de ses cheveux de jais mi-longs encadrant ses joues maigres, s'égarant jusqu'à ses épaules. Des yeux sombres, des lèvres minces, un nez fin et affilé… À part peut-être une expression un peu sévère pour un garçon qui venait somme toute à peine d'atteindre son douzième anniversaire, il n'avait rien de bien extraordinaire en soi. Encore que…
D'un geste sec, il ramena une mèche rebelle derrière une oreille, dévoilant un instant la légère marque rosée tranchant sur la blancheur de son front. Une cicatrice en forme de croissant de lune. Il était heureux que le compartiment fut vide, car s'il ne l'avait point été, il aurait dû subir aussitôt, à sa plus grande contrariété, le regard et l'enthousiasme des curieux. Car cette cicatrice avait fait instantanément de lui un être à part, et même célèbre chez tous les sorciers, bien qu'il ne se rappelât rien de ce qui avait entraîné cette célébrité. En effet, cette cicatrice n'était autre que les vestiges du sort mortel que lui avait lancé, alors qu'il n'avait qu'à peine un an, le Mage Noir le plus puissant depuis des siècles, Lord Voldemort, dont peu de sorcier osaient même encore maintenant prononcer le nom… Sort auquel il avait mystérieusement survécu, réduisant en un même temps à néant les pouvoirs du Seigneur des Ténèbres, sans que personne ne puisse seulement comprendre comment ni pourquoi. Seul survivant donc de l'attaque, le bambin avait été envoyé en Roumanie, au sein de la famille de sa marraine.
Tutung tutung tutung…
Bien qu'il fut courant, pour tous les jeunes sorciers d'Europe de l'Est, de faire ses études dans la célèbre école de Durmstrang, Romeus – ou Rook comme il avait choisi de se faire plutôt appeler et comme nous le désignerons dans la suite – avait choisi l'année dernière de partir pour l'Angleterre, et de s'inscrire à la Hogwart Shool of Witchcraft and Wizardry, dirigée par le célèbre professeur Dumbledore. Sa famille, malheureusement, en avait été profondément offensée, et c'était probablement la raison pour laquelle il se retrouvait maintenant, en cette belle journée de la fin août, seul, enfermé dans un des vieux wagons vert sapin et écaillé du Transilvania Express, en route vers l'Angleterre, au lieu de fêter son douzième anniversaire entouré de ceux qu'il aimait…
Tutung tutung tutung … VLOUSH
BANG !
Tutung tutung tutung…
Rook grimaça au choc du changement d'allure. Le train semblait passer instantanément d'un lieu à l'autre, parcourant en un éclair d'immenses régions désertiques, pour soudain ralentir aux abords des villes ou villages, et parfois s'arrêter pour prendre des passagers. Ainsi magiquement optimisé, le voyage de Roumanie à Londres ne prenait que quelques 18 heures… 18 heures à ne rien faire d'autre qu'à penser, ressasser et ressasser encore les mêmes idées déprimantes.
Tutung tutung tutung…
Pourtant, l'été avait semblé s'annoncer sous de beaux auspices. Son voyage de retour, d'abord, accompagné d'Ariella, sa marraine… Il avait parlé… beaucoup. Elle avait écouté, et rit aussi… Et il avait souri. Et comme si Ariella avait senti qu'elle n'en aurait plus l'occasion à aucun autre moment de tout l'été, elle s'était informée de tout ce qui avait rempli sa vie durant ces longs mois passés si loin d'elle. Des évènements les plus importants aux détails les plus futiles… Tout, et ces milliers de petits riens. Oh il avait gardé certaines choses sous silence, bien sûr. Et elle l'avait senti, mais s'était abstenue de poser toute question… Puis il lui avait montré l'album de Hagrid, rempli des photos de sa mère. Et ses beaux yeux azur s'étaient mouillés. Alors il s'était mis à ses côtés, et elle l'avait à nouveau serré dans ses bras.
Elle ne l'avait plus refait de tout l'été. Même pas hier soir, quand il avait quitté, seul, Twilight Castle – le château ancestral –, et que les chevaux emportaient son carrosse. De telles effusions n'étaient pas de mise dans la vieille et majestueuse famille Krásnyi.
Encore maintenant, Rook se demandait quel effet cela aurait été d'être ainsi enlacé par sa propre mère… si elle avait vécu.
Tutung tutung tutung … VLOUSH
BANG !
Tutung tutung tutung…
Oui, l'été avait semblé bien commencer, mais de suite, Rook avait senti que la rancune était toujours là. Ses cousins et cousines étaient eux-mêmes progressivement rentrés de Durmstrang, et là, Rook avait perçu la différence. Personne ne l'avait questionné sur son année… Alors que l'on félicitait Ecatarina et Ioana, Luca, Matei et Mikhail, et que l'on célébrait la dernière année réussie de Petru, personne ne s'était inquiété des résultats de Rook.
Mais cela lui avait semblé peu important, après tout, il avait tout raconté dans le train à Ariella… L'opinion de ses oncles et tantes lui importait peu.
Tutung tutung tutung…
La famille Krásnyi était une grande et vieille famille de sorcier de sang-pur. Et fière d'être une grande et vieille famille de sang-pur. Aucun mariage douteux n'avait jamais été consenti, à moins de terribles représailles, et on pouvait faire confiance aux plus vieux membres du clan pour leur sordide et terrible imagination. Si vraiment vous teniez à épouser un ou une sorcière Muggle-born, il valait encore mieux vous faire passer pour mort et changer de nom… Ce qui arrangeait tout le monde. Votre nom disparaissait de l'arbre généalogique familial enfonçant ses racines profondément dans l'Histoire et plus personne ne parlait de vous. Vous aviez disparu, vous n'aviez même jamais existé… Tout le monde vous avait oublié.
Tutung tutung tutung
La tradition ancestrale imposait aussi entre autre aux épouses des fils – celles-ci étant de sang-pur bien évidemment – d'incorporer la vie familiale à Twilight Castle, alors que les filles mariées – bien mariées, cela allait de soi – le quittait pour suivre leur mari, leur descendance n'étant plus annotée à l'arbre des Krásnyi, mais à celui de leur époux. Ainsi avait fait Ileana Krásnyi, la grand-mère de Rook – seule fille de sa génération –, qui avait gagné l'Angleterre, et dont aucun des enfants, et encore moins son petit-fils, ne figuraient sur l'immense tapisserie représentant les descendants de l'illustre famille Krásnyi trônant dans l'immense hall d'entrée. La génération suivante des Krásnyi n'avait comporté que deux filles, Mariana et Ariella. Cette dernière ne s'était pas mariée, ayant ainsi pleinement assumé la charge de l'éducation de Rook, autant qu'elle put le faire sous l'ingérence matriarcale de la Grand-Mère. Mariana, elle, avait épousé un sorcier russe de haut rang, Fiodor Karkaroff. Le frère de celui-ci était l'actuel directeur de Durmstrang. Il était devenu une habitude, cependant, que le couple passât les vacances avec leurs deux fils, Aleksander et Mikhail, au château, qui était assez vaste pour abriter une dizaine de famille et même plus si nécessaire. Rook avait parfois bien du mal à masquer le dédain qu'il éprouvait à l'entente du nom de Karkaroff.
Tutung tutung tutung … VLOUSH
BANG !
Tutung tutung tutung…
Rook était le plus jeune de sa génération et, n'étant pas techniquement un Krásnyi, ne figurait donc pas sur l'arbre, tout comme ses cousins Aleksander et Mikhail. Ecatarina et sa cousine Ioana étaient les seules filles du groupe, et avaient respectivement 14 et 16 ans… Des âges assez énervants chez les représentantes féminines du genre sorcier, remarquait Rook, les demoiselles semblant le trouver tout à fait à leur goût. Il avait passé les semaines suivantes à essayer de les éviter, alors qu'elles le suivaient partout de leur regard mutin et aguichant. Il les soupçonnait fort de vouloir tester sur lui leurs nouvelles formules de Love Potion.
Des garçons, Luca était le plus jeune après Rook, qu'il dépassait quand même de 3 ans. Puis venaient le frère de celui-ci Matei et son cousin Mikhail, qui allaient entamer leur dernière année à Durmstrang. Les années précédentes, tous trois avaient partagé leurs jeux avec leur cadet, heureux de lui montrer leur tout nouveau savoir-faire… Rook avait beaucoup appris, surtout les plus mauvais sorts et maléfices, et quelques potions à effets plus que comique. Mais l'année dernière, il en avait été très différemment. La première partie de l'été s'était déroulée comme les autres années, et quand les goélands attitrés de Durmstrang avaient apporté les lettres, il y en avait eu une de plus pour Rook. Il avait refusé de l'ouvrir. Quand il était revenu de son voyage éclair en Angleterre et leur avait annoncé à tous qu'il ferait ses études à Hogwarts, ses cousins ne l'avaient plus mêlé à leurs jeux.
Tutung tutung tutung…
Durant sa petite enfance, Rook avait sensiblement eu moins de contact avec ses cousins plus âgés. Petru venait maintenant de terminer brillamment ses 7 années à Durmstrang et hésitait entre embrasser une glorieuse profession de Vampire Hunter ou entrer dans quelque célèbre université. Aleksander, le frère aîné de Mikhail, l'encourageait dans cette dernière voie. Il avait entamé l'année dernière de longues et difficiles études pour obtenir le titre honoré et honorable de Healer. Karol, l'aîné de Petru et de Ioana,  assurait pourtant lui-même avec insolence qu'il était tout à fait satisfait d'avoir tout arrêter et d'être entré directement dans la vie active. Sa participation au projet d'études des dragons dans la réserve toute proche le comblait. Petru s'était soudain senti très mal à l'aise et la Grand-Mère avait froncé les sourcils. La profession embrassée par Karol était un sujet délicat à discuter…
Tutung tutung tutung…
Le fait de que Petru veuille chasser les vampires avait étonné Rook, surtout que les Krásnyi avait adopté une autre longue tradition transylvanienne consistant à abriter un de ceux-ci dans la plus haute tour de Twilight Castle. En échange le vampire garantissait la sécurité de tous les membres de la famille. Durant ces longues périodes de solitudes, Rook était souvent monté la nuit dans la tour, attendant le retour d'Eridanus. Il savait qu'il aurait été folie de le déranger à son réveil. Une promesse avait beau être une promesse, on ne pouvait se fier à un vampire affamé. Il avait vite appris également à reconnaître les signes qui lui indiquaient si, à son retour, le vampire avait pu se nourrir à sa faim. Dans tel cas, il devenait un très agréable compagnon, et Rook ressentait avec un frisson étrange l'attraction un peu trouble, mélange de danger et de sensualité, que chacun éprouvait devant un tel être d'une jeunesse si éthérée et immortelle et pourtant hautement sanguinaire.
Tutung tutung tutung…
On n'eut guère l'occasion de goûter à l'aimable compagnie d'Aleksander de tout l'été, celui-ci se retirant souvent dans l'immense bibliothèque familiale pour y étudier. Le seul à discuter parfois avec Rook – mais toujours à l'extérieur, hors de vue de quiconque – était Karol. Rook aimait beaucoup Karol. Celui-ci était grand et mince, avec de courts cheveux châtains foncés et légèrement bouclés. Un visage allongé et pâle, et des yeux verts et brillants pouvant passer instantanément du désintérêt le plus profond, frisant même l'insolence, à l'amusement le plus total, empreint de malignité et de malice. Il n'était pas bon être la cible de son courroux, mais Rook savait que lui ne le méprisait pas comme les autres. Au contraire, Karol l'approuvait d'ainsi assumer ses choix – même s'il avait dû lui-même avoir à l'évidence du mal à avaler son refus d'aller à Durmstrang. Mais Rook savait que celui-ci avait dû également subir – dans une moindre mesure cependant – le désaccord familial. L'immense réserve des Romanian Longhorns, les dragons indigènes, était sous la responsabilité du Ministry of Magic de Roumanie. Les Krásnyi n'avait jamais eu aucune objection à travailler pour le Ministère, pour peu que le poste convoité ait comporté un minimum d'influence et de reconnaissance. Et un salaire plus qu'honorable. Que Karol se contente d'un poste subalterne d'assistant avait été très mal vu.
Tutung tutung tutung…
Il était difficile de dire si Karol souffrait du désintéressement des siens pour son travail. Toujours était-il qu'il semblait très heureux de pouvoir en discuter avec Rook et Rook était non moins satisfait d'avoir quelqu'un à qui parler. Karol avait ainsi raconté nombre d'anecdote, et entre autre l'arrivée inopinée d'un jeune Norwegian Ridgeback orphelin  au cœur de la colonie des Longhorns il y avait quelques mois. Son collègue Charlie Weasley – Rook avait réprimé un sursaut à l'entente de ce nom – s'était empressé de séparer le jeune dragon des autres pour éviter tout accident : les Ridgebacks étaient plutôt agressifs avec leurs congénaires.
'Et comment va Norbert, maintenant ?' avait alors innocemment demandé Rook.
Karol avait semblé un instant suffoqué, puis un sourire sardonique avait éclairé fugacement ses traits.
'Je ne sais pas comment tu es au courant du nom de ce dragon, et je ne tiens absolument pas à le savoir… Tu n'en dirais rien d'ailleurs, un esprit avisé garde toujours ses secrets. Sache cependant, cher cousin, que Norbert va très bien, et qu'il devrait bientôt être apte à être réintroduit dans sa colonie d'origine en Norvège.'
Tutung tutung tutung … VLOUSH
BANG !
Tutung tutung tutung…
En dehors des discussions avec Karol, se limitant surtout aux dragons, et des bavardages à tendance philosophique avec Eridanus pendant la nuit, Rook passait son temps seul dans sa chambre, triste répétition de l'année précédente. Il avait déjà revu tous ses cours, terminés ses devoirs de vacances, et fouillait régulièrement les archives familiales à la recherche de fragments d'arbres généalogiques pouvant le renseigner plus amplement sur la famille de sa mère, où sur celle des camarades de celle-ci, apparaissant sur les vieilles photos de ses années passées à Hogwarts. Cela avait été une surprise pour lui d'apprendre que sa mère avait passé ses trois dernières années d'études en Angleterre. Il avait toujours cru qu'elle avait été diplômée de Durmstrang, et personne ne l'avait jamais détrompé, même Ariella, et cela semblait lui faire même plus de mal. Même si la raison pour laquelle on lui avait tu ce détail était évidente – il avait suffi de voir leur réaction quand il avait annoncé vouloir étudier à Hogwarts –, il ignorait pourquoi ce changement d'établissement avait eu lieu. Pourquoi les trois dernières années ? Et pourquoi pas avant ? Questions auxquelles il cherchait à répondre en fouillant dans les vieux registres, mais sans aucun succès jusqu'à présent. Aucune référence même à son grand-père, cet homme dont la famille avait été jugée suffisamment digne pour pouvoir accueillir Ileana Krásnyi en son sein et dont il ne connaissait même pas le nom.
Tutung tutung tutung…
Vers la mi-août, les goélands de Durmstrang avaient à nouveau apporté leurs lettres, suivis de peu par un hibou Grand-Duc de Hogwarts. Le rapace avait jeté un froid à la table du petit-déjeuner, et Rook lui avait hâtivement donné un petit pain avant de le renvoyer, allant ouvrir sa lettre dans sa chambre. Il s'était senti encore plus isolé. C'était le premier signe qu'il recevait d'Angleterre. Malgré leur promesse de lui écrire, il n'avait reçu aucune lettre de Marius… aucune invitation de Blaise à venir passer quelques jours chez lui. Et quand lassé, lui-même avait fait le premier pas et envoyé un hibou – Jet, sa corneille, n'était pas spécialement taillée pour les longs voyages –, il n'avait reçu aucune réponse. Il s'était senti trahi… ce qu'ils avaient tous vécus ensemble l'année précédente n'avait-il donc été rien ?
Sa première année à Hogwarts avait en effet été pleine de rebondissement. Rien de moins que cela : Rook s'était retrouvé à nouveau en face de Lord Voldemort ! Ou plutôt, du spectre immatériel du Seigneur des Ténèbres, celui-ci ayant perdu toute consistance depuis leur toute première rencontre, alors que Rook n'avait encore qu'un an, et qu'il avait résisté à son sort mortel. Aidé de ses amis, Rook, cette fois encore, avait réduit à néant les espérances de Voldemort. Le Lord avait tenté sans succès de voler la Philosopher's Stone, afin d'en tirer l'Elixir of Life qui lui aurait apporté une vie éternelle, et ainsi la possibilité de retrouver un nouveau corps solide. Maintenant, il avait de nouveau disparu, et Rook le soupçonnait fort d'être retourné dans ces sombres forêts d'Albanie. Pas trop près de lui, mais pas trop éloigné non plus… Probablement Dumbledore avait-il mis sa famille au courant, ou alors Ariella, car il avait reçu l'interdiction formelle d'encore sortir seul dans les bois, qu'il soit ou non sur un balai. Le fait qu'il ait besoin de s'entraîner pour garder sa place d'Attrapeur au Quidditch ne comptait pas – qui s'en souciait à part lui ? Et comme personne, à part Karol, ne cherchait sa compagnie, il restait le plus souvent cloîtré à l'intérieur. Seul. Abandonné par ceux qu'il avait, par une incroyable faiblesse, cru être ses amis. Ce qui lui était d'autant plus dur, car si on ne choisissait pas sa famille, c'était le contraire en amitié…
Tutung tutung tutung … VLOUSH
BANG !
Tutung tutung tutung…
La nuit était tombée depuis quelques heures, et rien n'était plus discernable au dehors, mais Rook ne semblait pas s'en être rendu compte, perdu dans ses pensées. La banquette en face de lui s'était changée en un lit confortable garni de nombreux coussins à dentelle, mais Rook n'avait pas envie de se coucher. Il avait eu douze ans aujourd'hui, et il avait passé la journée entièrement seul dans son compartiment. Pas un seul cadeau, pas même un "Joyeux anniversaire" de qui que ce soit, rien… Comme l'année dernière. À peine un rapide "Je t'aime" murmuré au creux de l'oreille par Ariella quand elle l'avait aidé à transporter ses affaires dans le carrosse. Ses beaux yeux azur tellement désolés… Le poids des traditions et le regard de la Grand-Mère pesant tant sur sa triste existence… Il ne pouvait lui en vouloir. Lui-même avait fait son choix et en subissait les conséquences. Que sa chère Ariella dut en supporter une partie lui était odieux. Mais elle avait balayé en un instant son inquiétude par un doux sourire, et c'est le cœur – un peu – moins lourd qu'il avait vu disparaître les tours sombres de Twilight Castle au loin.
Tutung tutung … tung… tung…
Le train ralentissait imperceptiblement. Droit devant on devinait une immense masse sombre, contrastant avec les lumières des Muggles emplissant la nuit. La Manche. Le train entra silencieusement en gare, zigzaguant entre les convois immobiles des Muggles, gagnant progressivement l'entrée du tunnel qu'il finit par prendre. Encore quelques minutes et il serait à Londres.
Tutung… VLOUSH
BANG !
Tutung tutung tutung…
Le train ressortit à vive allure du côté anglais, plongeant à nouveau dans les campagnes désertes. Bientôt Londres fut en vue, quelques instants encore… et le Transilvania Express vint doucement s'arrêter le long de la voie 6 ½ en gare de King's Cross, en poussant un long soupir.
Rook rassembla ses affaires et sorti du compartiment, gagnant l'arrière du wagon, d'où il descendit à quai. Laissant un instant ses affaires sans surveillance – il y avait peu de voyageurs autre que lui après tout – il revint en poussant un chariot. Le temps d'entasser ses bagages dessus, les quelques autres rares passagers étaient déjà partis. Le quai était désert, à peine éclairé par quelques rares étoiles perçant la couverture nuageuse. Rook resserra en frissonnant sa cape de voyage sur ses épaules et se dirigea vers le pilier central. Mais quelqu'un y était appuyé…