Chapitre Deux : Dobby's Warning (20/07/2003 ; upd 25/07/2003)

– CHAPITRE DEUX –

Dobby's Warning

Rook arrêta son chariot à quelques centimètres de la créature. Il avait reconnu un House-Elf – il y en avait suffisamment à Twilight Castle pour qu'il sache à quoi ceux-ci ressemblaient. Assez petit, de grandes et larges oreilles de chauve-souris, et d'immenses yeux verts et globuleux. Guère de moyen de s'y tromper. Celui-ci avait un long nez, fin et étroit, et ne portait qu'une vieille taie d'oreiller usée et sale, percée de quelques trous pour laisser passer ses membres. Ces créatures étaient entièrement dévouées au Maître qu'elles servaient, et obéissaient scrupuleusement aux ordres de celui-ci. Rook ne savait pas combien exactement servaient au château, mais il y en avait au moins un qui lui avait été spécialement assigné et qui s'occupait de satisfaire à ses moindres caprices. Scroutch était assez dégourdi et d'une loyauté à toute épreuve, mais malheureusement il était désespérément imperméable à toute forme d'humour.
Rook regarda plus attentivement la créature qui n'avait pas bougé à son approche, comme pétrifiée. Qu'est-ce que ce House-Elf faisait seul par ici ? Il n'y avait plus personne d'autre sur le quai à part lui… il n'était donc pas venu chercher quelqu'un. Rook s'éclaircit la gorge.
'Pardon… ? Je peux passer ?' fit-il assez sèchement.
La créature sursauta, ses grands yeux fixés sur lui avec béatitude, et se déplaça de quelques pas sur le côté. Rook voulut avancer son chariot au travers du passage – on accédait au quai 6 ½ en passant au travers du pilier central – mais compris à l'instant pourquoi le House-Elf avait pu demeurer appuyé sur celui-ci : l'avant du chariot heurta bruyamment les briques. Le passage était bloqué.
'Qu'est-ce que… ?'
Le House-Elf était toujours là à le dévisager, mais il avait soudain pris un air très ennuyé… coupable, même, pensa immédiatement Rook. Le même air que Scroutch prenait quand il savait avoir fait quelque chose que Rook désapprouvait, comme ouvrir un de ses livres de Magie – Scroutch adorait les livres.
'C'est toi qui a fait ça ?!' fit Rook, apostrophant le House-Elf.
Comme il s'y attendait, la créature hocha tristement la tête, clignant ses grands yeux larmoyants. Ces House-Elves étaient en effet aussi incapable de mentir que d'abandonner leur Maître volontairement, aussi mal celui-ci put-il les traiter. Ils étaient destinés à servir la famille de leur Maître jusqu'à leur mort. Le seul moyen de se débarrasser d'un House-Elf était de lui offrir des vêtements. Ce qui signifiait la honte ultime pour eux. Ils préféraient encore souffrir mille morts plutôt que de se voir libérer de ce qui n'était après tout qu'une forme d'esclavage. Car aussi étrange que cela puisse paraître à des yeux non avertis, ils semblaient aimer cela… Ces créatures ne semblaient n'avoir d'autres buts dans la vie que de servir. Le House-Elf se prosterna soudain devant lui, son long nez touchant presque le sol.
'Oh Dobby est désolé, Monsieur !!' glapit-il d'une voix aiguë qui fit grincer des dents à Rook. 'Vraiment profondément extrêmement désolé et confus, Monsieur ! Cela faisait si longtemps, Monsieur… Si longtemps que Dobby souhaitait rencontrer Celui-Qui-A-Survécu, Monsieur !! C'est un si grand honneur pour le pauvre et insignifiant Dobby… !'
Rook eut un soupir un rien exaspéré. Si maintenant les créatures magiques se mettaient aussi à lui courir après…
'Ce n'était pas la peine de bloquer le passage pour cela, Dobby ! Voilà, tu m'as vu… Laisse-moi partir maintenant !'
Mais la créature secoua tellement fort la tête qu'on entendit battre ses oreilles comme un gros oiseau qui tenterait de prendre son envol.
'Oh Dobby ne peut pas faire ça, Monsieur, vous comprenez ? Dobby est tellement désolé… affligé… effondré ! Mais Dobby ne peut pas laisser passer Celui-Qui-A-Survécu ! Dobby se doit d'avertir Celui-Qui-A-Survécu, Monsieur ! Il se doit de l'avertir… Celui-Qui-A-Survécu doit retourner chez lui, Monsieur !!'
Interloqué, Rook resta un instant sans trouver ses mots. Ce House-Elf refusait de le laisser passer. Il lui bloquait le passage et refusait de le laisser passer… Mais qu'est-ce que c'était encore que cette histoire ?!
'Nom d'un serpent ! Où est ton Maître, Dobby ? J'aurai comme deux mots à lui dire…'
'Oh non non non, Monsieur… Dobby ne peut pas appeler son Maître, Monsieur ! Mon Maître ne sait pas que Dobby est ici, Monsieur… S'il vous plait, Celui-Qui-A-Survécu doit écouter Dobby !! '
Abasourdi, Rook vint s'asseoir prudemment sur le bord de son chariot. Cet House-Elf était stupéfiant… sidérant, même. Comment avait-il pu quitter ainsi la demeure de son Maître sans que celui-ci le lui ait ordonné ? Comment avait-il pu oser bloquer le passage vers les autres quais sans ordre express de celui-ci ?! Et pourquoi est-ce que ça tombait encore sur lui ??!
'Alors ton Maître n'est pas au courant… ?' fit-il, tentant désespérément de comprendre.
La créature soupira tristement.
'Oh non, Monsieur… Dobby devra se punir très sévèrement même pour cela, il devra se coincer les oreilles très fort dans la porte du four, et même deux fois… Mais ce n'est pas grave, Monsieur… Dobby à l'habitude… Et Dobby devait prévenir Celui-Qui-…'
'Mais si tu te coince les oreilles, ton Maître va le voir… il voudra savoir pourquoi tu te punis, non ?'
'Oh non, Monsieur…. Dobby doit toujours se punir pour quelque chose, Monsieur… Le Maître de Dobby se moque de savoir pourquoi Dobby doit être puni… Il laisse ce soin à Dobby… Parfois il dit même à Dobby de se punir encore. Il dit que de toute façon Dobby sait pourquoi, Monsieur…'
'Et bien, voilà une charmante famille…' ricana Rook avec un reniflement de mépris.
'Hélas, pas vraiment, Monsieur. En fait, ce serait plutôt…'
Mais la créature s'interrompit aussitôt, les yeux écarquillés, semblant horrifiée de ce qu'elle avait failli dire. Le House-Elf commença alors à consciencieusement se cogner la tête contre le pilier en hurlant : 'Méchant Dobby… Méchant Dobby !!'
Rook grimaça et lui attrapa le bras, le tirant vers lui. Dobby resta un instant à tituber, les yeux troubles, en balbutiant 'V… vilain Dobby…'
Rook avait rarement vu comportement aussi extrême chez un House-Elf. Bien sûr, lui-même s'amusait fréquemment à mettre à l'épreuve la loyauté de Scroutch, le plaçant devant le dilemme quasi insoluble pour son espèce de choisir entre sa loyauté envers son jeune Maître et celle due envers tout membre de la maisonnée… Il était très amusant de voir la pauvre créature tiraillée, tentant de retenir de la main gauche le geste de la main droite, marmonnant excuses et suppliques jusqu'à ce que, apitoyé, Rook lui ordonne de fermer les yeux, le temps d'exécuter lui-même le délit – par exemple la pose d'un Amplification Spell sur le réveil-matin de Luca –, assuré ainsi de ne point être trahit par le House-Elf puisque celui-ci n'avait rien vu.
Mais jamais il n'aurait poussé le jeu au point d'obliger Scroutch à s'infliger des coups en punitions d'actes déloyaux réels ou imaginaires. Ce n'était guère une façon bien digne de traiter un être tenu en un rang inférieur, qui n'avait de toute façon pas d'autres choix que de subir votre suprématie.
Rook savait qu'il n'avait guère besoin de le bien traiter pour s'attirer la loyauté de Scroutch. Mais il savait surtout que cela était une chose sage, car en plus de sa loyauté, il s'assurait ainsi aussi de son affection. Scroutch n'aurait jamais osé quitter, lui, le château sans ordre express de son jeune Maître… Dobby l'avait fait. Il suffirait à Dobby de se punir, sans même avoir à informer son Maître de sa faute, et toute culpabilité lui serait ôtée. Si Scroutch avait osé pareille chose, il serait instantanément mort de honte. Et pas seulement au figuré…
La mansuétude envers ses serviteurs n'est pas un signe de faiblesse, mais est un moyen bien plus fort de se les assujettir que les menaces ou le chantage. Les paroles de la Grand-Mère étaient sages et justes, il en avait l'exemple vivant sous les yeux. Il était toujours plus difficile de trahir quelqu'un qui vous avait toujours bien traité.
'Bon alors, Dobby, je t'écoute…' fit Rook en soupirant. 'Pourquoi selon toi ne dois-je pas retourner à Hogwarts ? Tu sembles oublier que c'est mon école…'
'Celui-Qui-A-Survécu ne doit pas retourner à Hogwarts, Monsieur !' s'exclama de suite la créature de sa petite voix criarde. 'De très mauvaises choses se préparent là-bas… Un complot, Monsieur !! Il y a un terrible complot qui se trame, Dobby sait, Monsieur ! Un danger mortel !!'
'Tu retardes, Dobby !' fit Rook avec un rictus. 'Le complot et le danger mortel, c'était l'année dernière…'
'Oh non non, Monsieur !! Dobby sait qu'il y a plusieurs semaines Celui-Qui-A-Survécu a encore une fois de plus échappé au Seigneur des Ténèbres. Mais il s'agit de cette année, cette année !! Celui-Qui-A-Survécu ne doit pas retourner à Hogwarts !'
'Je dois retourner à l'école, je n'ai pas le choix…'
'Celui-Qui-A-Survécu doit rentrer chez lui !! Il doit écouter Dobby !! Celui-Qui-A-Survécu doit aller à Durmstrang… Pas de danger à Durmstrang… Bonne école… Celui-Qui-A-Survécu doit écouter Dobby !!'
'Je. N'irai. Pas. À. Durmstrang,' articula sombrement Rook, les mâchoires serrées. 'Il n'en est absolument pas question…'
Mais Dobby à nouveau, en proie à une détresse sans nom, se tordait les mains et secouait la tête, ses grandes oreilles battant faiblement l'air comme de grotesques ailes de chauve-souris. Un léger sourire échappa à Rook qui se remémorait Shadow, l'amusante pipistrelle de Marius… Mais le sourire s'évanouit. Il ne voulait pas penser à Marius. Celui-ci ne s'était pas même rappelé son anniversaire…
'Que sais-tu de ce complot, Dobby ? Comment es-tu au courant ? Est-ce que ton Maître est impliqué ?'
Stupide question, se morigéna immédiatement le garçon. Dobby à nouveau avait essayé de parler. Mais à peine avait-il ouvert la bouche qu'il avait secoué violemment la tête, s'accrochant au chaudron de Rook pour s'y cogner le crâne en poussant de grands cris.
'Okay, okay !!' fit hâtivement Rook en lui retirant le chaudron des mains. 'Tu ne peux pas me le dire, je comprends… Mais pourquoi me préviens-tu, moi ? Je ne suis pas le seul élève étudiant à Hogwarts… À moins que…'
Rook s'interrompit un instant, se mordillant la lèvre inférieure, une idée venant subitement de le frapper. Dobby avait cessé de geindre et le regardait de ses grands yeux exorbités semblant chargés d'espoir.
'Est-ce que… Est-ce que ça a un lien avec Lord Vol…' Rook s'interrompit de suite en voyant le rictus du House-Elf. 'Je veux dire… Tu-Sais-Qui… ?'
Dobby soupira et secoua la tête.
'Cela… Cela ne concerne pas… Celui-Dont-On-Ne-Doit-Pas-Prononcer-Le-Nom,' insista alors curieusement la créature, ses yeux semblant vouloir lui monter qu'il y avait là un indice…
Rook se sentait complètement largué. Il se rappelait n'être pas extrêmement doué pour les questions de logique, c'était là un des atouts de Blaise… Mais il chassa vite Blaise de ses pensées. Blaise, le petit Blaise, n'avait même pas daigné lui écrire…
'Je ne vois pas qui d'autre pourrait tenter quoi que ce soit à Hogwarts… Après tout, il y a Dumbledore, non ?'
'Dobby sait, Monsieur… Dobby a entendu parler du professeur Dumbledore. Mais il y a des pouvoirs, Monsieur, que même le professeur Dumbledore… Des pouvoirs… qu'aucun sorcier digne de ce nom ne…'
Avant même que Rook ait pu l'en empêcher, Dobby avait saisi un gros grimoire de ses bagages et s'en servait à nouveau pour s'en frapper, ses glapissements aigus se mêlant aux bruyantes protestations du livre.
Avec agacement, Rook reprit le volume et le remit dans ses affaires. Il s'était levé et marcha quelques pas, faisant des aller et retour le long du quai, réfléchissant. Dobby ne le quittait pas des yeux, attentif.
À la fin, Rook revint se planter devant le House-Elf.
'Bon, je te suis très reconnaissant de m'avertir, mais ma décision est irrévocable. Il est hors de question que je rentre au château. De toute façon, on n'y désire pas trop ma présence…' ajouta-t-il avec un rictus sans joie.
Peu après l'arrivée du hibou, il avait à nouveau eu une discussion avec la Grand-Mère. Elle avait encore cherché à le faire changer d'avis… lui assurant que son année en Angleterre ne serait pas un trop gros handicap pour pouvoir entrer en deuxième à Durmstrang. Mais il avait encore refusé, et avait dû se retenir pour ne pas se mettre en colère. Quelques jours plus tard elle lui avait apporté le billet de train, lui disant qu'il pouvait tout aussi bien partir maintenant afin de compléter ses fournitures à Londres et rester là-bas jusqu'à la rentrée.
'Mais peut être qu'ici aussi personne ne désire la présence de Celui-Qui-A-Survécu ?' l'interrompit alors Dobby d'une petite voix sournoise.
Rook resta un instant silencieux, les sourcils froncés. Oui, en effet, il semblait à l'évidence que ni Blaise ni Marius ne voulaient le revoir, et que c'était pour cela qu'ils…
'Et attends une minute ! Qu'est-ce que tu veux dire par là ?' fit-il brusquement, un doute l'assaillant.
Soudain paniqué, Dobby balbutia avant de lâcher précipitamment : 'Dobby disait juste… Dobby disait que peut-être les amis de Celui-Qui-A-Survécu ne voulaient pas qu'il revienne… Que c'était peut être pour cela que les amis de Celui-Qui-A-Survécu ne lui avaient pas écrit… ?'
'Et comment sais-tu, vile créature, que mes amis ne m'ont pas écrit ?' s'exclama alors Rook, ses yeux gris acier étincelants. Il saisit à l'instant Dobby par ce qui tenait lieu de col sur l'absurde taie d'oreiller le vêtant et le fusilla du regard.
POP !
Le House-Elf disparut soudainement pour réapparaître quelques mètres plus loin, geignant et tenant dans ses mains un petit paquet de lettres.
'Dobby est désolé, Monsieur…' couinait-il. 'Mais Dobby croyait que peut être Celui-Qui-A-Survécu ne retournerait pas à Hogwarts, si Celui-Qui-A-Survécu pensait que ses amis l'avaient oubliés… '
Il était prudent que Dobby se soit éloigné, car Rook bouillonnait tellement de rage qu'il aurait pu l'étrangler de ses propres mains…
'Donne. Moi. Mes. Lettre,' siffla-t-il, contenant difficilement sa colère.
'Celui-Qui-A-Survécu doit promettre, Monsieur…' fit doucement Dobby en reculant prudemment d'un pas. 'Il doit promettre qu'il rentrera chez lui, qu'il n'ira pas à Hogwarts…'
Mais Rook avait saisi sa baguette et en menaça le House-Elf.
'Tu me donnes ces lettres tout de suite, ou sinon… !'
'Celui-Qui-A-Survécu ne peut pas faire la Magie en dehors de l'école, Monsieur… !!' glapit Dobby qui avait fait un bond en arrière. 'Celui-Qui-A-Survécu doit promettre à Dobby et Dobby lui remettra les lettres… !!'
Rook serra les poings. Il avait oublié ce stupide décret interdisant aux sorciers mineurs d'user de la Magie… Il ne s'en était pas préoccupé chez lui, le château étant suffisamment protégé de toute inquisition – fut-ce même du Ministère roumain – pour que rien qui puisse s'y passer n'en transpire. Et le nom de Krásnyi était encore suffisamment craint pour qu'aucun officiel n'ose s'en inquiéter. Mais il était de retour en Angleterre, ici… Rook serra les dents et articula lentement : 'Pour la dernière fois, Dobby, je ne retournerais pas en Roumanie… Donne-moi mes lettres…'
La créature prit alors un air profondément désolé et accablé, secouant tristement la tête.
'Celui-Qui-A-Survécu ne donne pas le choix à Dobby, alors… Dobby ne voulait pas en arriver là… Mais Celui-Qui-A-Survécu doit savoir que Dobby ne fait cela que pour son bien…'
Et avant que Rook ait pu commencer sérieusement à s'inquiéter, le House-Elf avait claqué des doigts, et l'entièreté de ses bagages s'était soudain élevée en l'air. Un autre claquement de doigts, et le tout fut projeté au travers du pilier central – le passage soudainement réouvert – et Rook entendit le fracas de son chaudron heurtant le sol du quai côté Muggle. Avec un CLAC, Dobby disparut instantanément.
'Oh le con…'
Horrifié, le cœur battant, Rook se dirigea vers le pilier, et après un instant d'hésitation, se décida à le franchir. Si jamais il y avait eu des Muggles de l'autre côté au moment où tout ses bagages avaient surgit du pilier, il allait pouvoir s'attendre à d'énormes problèmes… Mais après un rapide coup d'œil alentours, Rook put constater que le quai était aussi désert que celui qu'il venait de quitter. Il n'y avait eu aucun témoin. Lentement, il se laissa glisser au sol, avec un profond soupir de soulagement. Mais à peine toucha-t-il terre qu'un hibou surgit, lâchant une lettre sur ses genoux et disparut. La lettre était cachetée du Ministère.
'Ça c'est le bouquet…'
Le cœur serré, Rook ouvrit la lettre, dépliant la feuille de parchemin.
Comme il le craignait, le Ministère avait été informé de l'usage d'un Hover Charm, ce soir, quai 6 ½ gare de King's Cross à 1 heures 13 minutes, et semblait croire qu'il s'agissait de lui… Aussi, on lui rappelait aimablement qu'aucun sorcier mineur n'était en aucun cas autorisé à faire usage de la Magie en dehors de son école (Decree for the Reasonable Restriction of Underage sorcery, 1875, Paragraph C) et on l'assurait que la prochaine incartade serait immédiatement et sévèrement punie par l'expulsion pure et simple de la-dite école. Le tout était suivi d'un non moins aimable deuxième rappel que l'usage de Magie en un lieu où cela pouvait être remarqué par des membres de la communauté non-magique (délicieuse métaphore pour le terme de Muggles) était gravement délictueux selon la section 13 de l'International Confederation of Warlocks' Statute for Secrecy. Yours sincerely et blablabla…
Rook soupira à nouveau de soulagement. Il s'en tirait somme toute assez bien… Après tout, c'était le jour de son anniversaire, et il était là, seul, en pleine nuit, épuisé après un voyage de plus de 18 heures, avec ses bagages éparpillés tout alentour, interdit de faire usage de Magie, avec un premier avertissement du Ministère qui le menaçait de renvoi à la prochaine erreur, et complètement abandonné par ses amis
Non, ses amis ne l'avaient pas abandonné. Il avait au moins cette certitude, puisque Dobby avait avoué avoir intercepté les lettres. Mais qui pouvait dire maintenant si ceux-ci n'allaient pas être offensés de son silence ? Après tout, n'était-ce pas ce qu'il avait ressenti lui-même ? Peut-être qu'ils ne voudraient même plus lui adresser la parole… Mais il lui était impossible de les contacter… pas ici. Il ne pouvait utiliser de Magie, et Jet ne serait pas là avant deux jours… Elle détestait les longs voyages. Avant de partir, il avait toujours envoyé un message par hibou – sans grand espoir – à Blaise et Marius, les informant de son retour, mais ceux-ci ne l'avaient jamais reçu : il avait reconnu les enveloppes dans la main de Dobby.
Rook se releva péniblement et commença à lentement entasser ses bagages sur le chariot. Puis il gagna le hall de la gare, et sortit sur la grande avenue. À part quelques rares voitures passant rapidement tous phares allumés, la rue était déserte. Rook leva sa baguette et l'agita doucement.
BANG
Un immense autobus à double impériale d'un violet vif venait d'apparaître soudainement de nulle part. Sur le pare-brise on pouvait lire The Knight Bus. Un jeune homme en descendit automatiquement. Il portait un uniforme violet, des oreilles décollées et pas mal de boutons sur la figure.
'Bienvenue dans le Knight Bus, transport d'urgence pour sorciers ou sorcières en perdition, ânonna-t-il d'un air blasé. 'Faites juste un signe avec votre baguette magique, montez et nous vous emmènerons où vous voulez. Mon nom est Stan Shunpike et je serai votre contrôleur ce s…'
'Je veux aller au Leaky Cauldron, à Londres,' le coupa Rook. 'Combien ?'
'Heu…11 Sickles… Mais pour 13 vous avez droit à un chocolat chaud et pour 15…'
Mais Rook avait déjà payé sa place et était monté, hissant péniblement ses affaires dans le bus. Stan vint lui donner un coup de main quand il s'immobilisa soudain, ses yeux fixés sur le front de Rook. Irrité, le brun ramena ses cheveux devant sa figure pour masque la cicatrice.
'Ça… ça alors…,' balbutiait Stan. 'Mais mais… tu es…'
'Pressé et fatigué…' lâcha sèchement Rook. 'Vous m'aidez ou vous regardez ?'
Stan, peut-être un peu vexé, ferma sa bouche et aida Rook à transporter tous ses bagages au fond du bus. Celui-ci ne comportait pas de banquettes mais des lits en cuivre, et les fenêtres étaient masquées par des rideaux. Le bus étaient quasi désert. Stan lui désigna sa place.
'On refait un rapide saut en Écosse – c'était là qu'on était avant que tu fasses signe. On doit y déposer ce bonhomme…' Stan fit un signe du menton vers un bonnet de nuit dépassant des couvertures du lit en face. 'Après on repassera à Londres pour te déposer…'
Rook s'était simplement assis sur les couvertures. Il n'avait pas plus envie de dormir ici que dans le Transilvania Express. Il jeta un regard interrogateur à Stan qui était toujours là…
'Euh… Excuse-moi mais… Est-ce que tu es vraiment….'
Rook poussa un soupir, et hocha la tête, tournant ensuite ostensiblement son regard vers la fenêtre dont il tira les rideaux pour jeter un œil à l'extérieur. Stan laissa échapper un gloussement horripilant et rejoignit le conducteur à l'avant du bus. Il y eut un BANG, et Rook dut se retenir à la paroi pour ne pas basculer en arrière, déséquilibré par le démarrage.
À l'extérieur, le décor avait changé, et lui rappelait vaguement le paysage de Hogwarts. Le Knight Bus se déplaçait de la même façon que le Transilvania Express au plus fort de sa vitesse, à cet exception près que le bus ne devait pas rester dans des rails. Il ne semblait pas considérer devoir rester sur les routes non plus, car il montait régulièrement sur les trottoirs, où les réverbères, les boîtes aux lettres et les poubelles devaient faire un bond pour l'éviter. Rook essayait de se concentrer sur le trajet afin d'éviter de penser à l'avertissement de Dobby.
Stan se leva et vint réveiller le sorcier en face, alors que le Knight Bus s'arrêtait dans un crissement de frein. Encore tout ensommeillé, l'homme descendit en baillant, n'ayant même pas pensé à ôter son bonnet de nuit. Un autre BANG et Rook vit qu'on était de retour à Londres. Il suivit vaguement de l'œil les immeubles et les bancs publics s'écarter du chemin du bus, puis le conducteur écrasa à nouveau la pédale de frein. Le Knight Bus vint s'arrêter en un long dérapage juste devant un pub d'aspect miteux. C'était le Leaky Cauldron, au fond duquel se trouvait le passage magique vers la Diagon Alley.
Stan aida Rook à descendre ses affaires. Le jeune homme resta un moment immobile à contempler Rook, semblant hésiter à lui poser les questions qui lui tournaient dans la tête, mais heureusement, le conducteur l'appela soudain. Un nouvel appel de Manchester. Stan regagna hâtivement le bus et celui-ci disparut dans un dernier BANG.
Rook était harassé… Il avait dû se lever à l'aube pour prendre son train, et depuis n'avait pas fermé l'œil. Il traîna misérablement ses affaires jusqu'à la porte, et dut y frapper à plusieurs reprises avant de parvenir à réveiller le vieux Tom. Celui-ci, en robe de nuit, le regarda bouche-bée (cette fois, il l'avait reconnu du premier coup d'œil) et l'invita prestement à rentrer.
'Vous avez l'air épuisé, mon jeune Monsieur… Non, non laissez cela, les House-Elfves vous apporterons tous ça… Montez, montez… La même chambre que l'année dernière, cela vous convient, Monsieur ? Vous voulez boire quelque chose avant de vous coucher ?… Je préviendrais qu'on ne vous réveille pas trop tôt. Vous n'avez rien de prévu pour demain, n'est-ce pas ? Attendez, je vais vous aider à vous débarrasser…'
Rook se laissa guider et ne réagit même pas quand Tom lui retira sa cape de voyage. Trop épuisé, il se laissa tomber sur le lit, et ne se rendit même pas compte qu'il s'endormait. Tom lui retira doucement ses chaussures, le couvrit et quitta silencieusement la chambre…
'Bonsoir et bonne nuit !' lâcha d'une voix endormie le miroir quand le vieil aubergiste passa devant lui.
Mais si la nuit fut bonne, elle fut malheureusement bien courte. Malgré la promesse du vieux Tom, Rook fut réveillé vers 8 heures à peine par une cavalcade dans les escaliers. Sa porte s'ouvrit en grand et une voix bien connue cria son nom. Il fallut quelques instant à Rook pour reconnaître, à travers ses yeux clignotants, la petite silhouette inquiète de Blaise.