Chapitre Quatre : At Flourish and Blotts (23/08/2003)

– CHAPITRE QUATRE –

At Flourish and Blotts

La soirée se passa très joyeusement, à discuter avec Mr Zabini du curieux comportement de Dobby – lui aussi semblait penser à une mauvaise plaisanterie – et à commenter les nombreuses anecdotes qu'il rapportait de son travail. Au soir, dans son lit, aux côtés de Blaise déjà profondément endormi, Rook veilla un long moment. Que de choses s'étaient passées en si peu de temps, que de changements ! Les Zabini étaient vraiment une famille très agréable et chaleureuse. Il s'y sentait complètement intégré. La maison elle-même était un heureux changement. Tellement claire et aérée, comparée au sombre et vieux château. Il glissa sa main sur son torse, caressant sans l'ouvrir le pendentif accroché à son cou. Ariella… Elle aurait été tellement heureuse, tellement jolie dans une maison comme celle-là…
Le lendemain, au petit déjeuner, Pearl, la chouette blanche de Stéphanie, apporta la réponse de Marius. Un petit bolide noir la suivit de près, fonçant immédiatement sur Rook pour lui dérober un morceau d'omelette à même sa fourchette.
'JET !!' s'exclama Rook, alors que Stéphanie poussait un cri d'effroi. 'Désolé, c'est seulement ma corneille. Je croyais qu'elle s'était perdue…'
Et à la surprise de Blaise, qui se rappelait les mémorables batailles lors des petits-déjeuners à Hogwarts entre le brun et son oiseau, Rook glissa son assiette devant le volatile, qui entreprit d'en nettoyer soigneusement le contenu comme la corneille affamée qu'il était. Rook semblait s'être fait plus de soucis au sujet de son oiseau qu'il ne l'avait laissé paraître…
'Que raconte Marius ?' demanda le brun à Blaise, alors que celui-ci détachait la lettre de la patte de Pearl. Après avoir remercier la chouette d'une petite caresse, Blaise commença à lire à haute voix.

Salut les copains !
Vachement content d'avoir des nouvelles de Rook ! Je finissais par croire qu'il s'était fait dévorer par un dragon… Je plaignais déjà la pauvre bête, probablement en train d'agoniser dans quelque coin ha ha ha !!
– 'Ça c'est très drôle…' ricana Rook.
J'ai eu des nouvelles des jumeaux, ils seront à Londres pour acheter leurs nouveaux livres le samedi qui vient. Je croyais devoir tanner ma mère pour pouvoir y aller le même jour, mais figurez-vous qu'elle était folle de joie et qu'elle veut m'accompagner ! Mais j'ai trouvé pourquoi… Y'aura ce Gilderoy Lockmachin qui dédicacera sa biographie chez Fleurish and Blotts. C'est ce type dont on doit acheter plein de bouquins… – je suppose que vous avez déjà regardé votre liste de fourniture… Enfin peut être pas Rook, mais Blaise sûrement ha ha ha !! – 'Il commence déjà à m'énerver,' rouspéta Rook pour la forme, alors que Blaise laissait échapper un petit rire.
Bon, si on se voit pas samedi prochain, ce sera le premier septembre, sur le quai 9 ¾ ! Ça va être une année super, j'ai reçu plein d'argent de poche parce que je n'ai presque rien fait exploser ! Je sais ce que je vais faire avec : acheter tout plein de Dr Filibuster's Fabulous Wet-Start, No-Heat Fireworks !!!
Votre complètement timbré,
Marius.


'Gilderoy Lockmachin ??'
'Tu n'as donc effectivement pas encore regardé ta liste de fournitures,' fit Blaise, taquin.
Le petit brun alla chercher sa propre liste alors que Rook rétorquait d'un très mature "gna gna gna". Blaise déplia la feuille de parchemin répertoriant les ouvrages qu'ils auraient besoin pour leur seconde année :

The Standard Book of Spells, Grade 2 par Miranda Goshawk
Break with a Banshee par Gilderoy Lockhart
Gadding with Ghouls par Gilderoy Lockhart
Holidays with Hags par Gilderoy Lockhart
Travels with Trolls par Gilderoy Lockhart
Voyages with Vampires par Gilderoy Lockhart
Wanderings with Werewolves par Gilderoy Lockhart
Year with the Yeti par Gilderoy Lockhart

'Votre nouveau professeur de Défense contre les Forces du Mal doit être un fan de ce Gilderoy Lockhart,' fit Stéphanie avec une moue. 'Charlotte doit aussi acheter tous ses livres… et ils ne sont pas bon marché.'
'Charlotte rentre aussi cette année à Hogwarts ?' fit Rook en jetant un œil à la petite fille.
'Je vais avoir 11 ans,' fit la petite voix pointue de Charlotte, alors qu'elle le dévisageait avec défi.
Rook s'étonna. Il l'avait cru plus jeune, mais il était vrai que Blaise aussi était petit pour son âge. En fait, lui et sa sœur se suivaient de tellement près qu'ils auraient dû être dans la même année si le garçon n'avait été avancé d'une classe…
 'Et je vais enfin avoir ma baguette,' ajouta la fillette avec un fin sourire qui fit froid dans le dos à Rook. Comment cette gamine pouvait elle sembler aussi discrète et insignifiante qu'une souris, et l'instant d'après aussi menaçante et terrifiante qu'une vipère ? Mais l'impression avait déjà disparu, Charlotte semblant à nouveau absorbée par la tâche hautement primordiale de noyer complètement ses Kellogg's dans son bol de lait à l'aide de sa cuiller.
'Bien, nous nous rendrons à la Diagon Alley ce samedi, alors ?' fit Stéphanie. 'Vous y rencontrerez tous vos amis… Je suppose que Molly sera là, si Lockhart dédicace ses livres. Elle n'arrête pas de m'en parler à chaque fois qu'on se voit !'
'Tes parents sont très amis avec les Weasley, on dirait,' fit Rook, quand Blaise et lui eurent regagné leur chambre.
'Oui, ils s'entendent très bien… Il ne se passe pas un mois sans que l'un invite l'autre à souper. Mais ça ne plait plus trop à Ron que je vienne, maintenant. Il fait toujours la tête… Heureusement qu'il y a les jumeaux.'
Alors Ron Weasley leur faisait toujours la tête ? Cela n'étonnait pas beaucoup Rook. Il savait le Gryffindor plutôt buté…
Le reste de la semaine passa très vite pour Rook. Il fit connaissance du vieux Muggle curieux qui occupait le petit cottage d'à côté et qui essayait toujours de regarder par-dessus le mur du jardin pour voir ce qui se tramait chez ses voisins. Mr Zabini avait dû fait venir un Obliviator pour lui quand le petit Blaise l'avait transformé en choux-fleur, ce qui avait probablement dû hâter la décision d'avancer l'enfant d'un an pour ses études à Hogwarts. Le parc étant à l'abri des regards indiscrets – même de ceux du vieux Muggles –, il put s'y entraîner un peu au Quidditch. Son cousin Karol, entre deux discussions sur les dragons, lui avait offert son vieux balai – un Cleansweep Six, pas très performant, mais nettement meilleur que celui qu'il avait à l'école. Blaise lui lançait au hasard des balles de ping-pong – c'était un jeu Muggle, lui avait-il expliqué – et il tentait de les rattraper en vol, ce qui était nettement moins difficile qu'avec le Golden Snitch, qui lui était susceptible de changer de trajectoire à chaque instant. Mais c'était surtout le fait de pouvoir voler qui le remplissait d'aise. Il ne s'était pas rendu compte à quel point cela lui avait manqué…

*
Le samedi les trouva tous debout de bonne heure dans la cuisine. Le petit déjeuner rapidement expédié, ils se pressèrent auprès de la cheminée. Mr Zabini – qui avait pris congé pour l'occasion – leur tendit la petite urne contenant la Floo powder. Chacun en prit une pincée et la jeta dans l'âtre, avant d'entrer dans les flammes en énonçant d'une haute voix : 'Diagon Alley'.
Leur première visite fut pour Gringotts. Remontant dans le hall de la banque après avoir tous été se remplir les poches de Knuts, de Sickles et de Galleons, une voix joyeuse les accueillit.
'Pietro !! Pietro ! Par ici !! On est là !!'
C'était Mr Weasley. Son épouse l'accompagnait – Rook reconnut la petite femme un peu boulotte qu'il avait entraperçue l'année dernière à la gare –, et Stéphanie et elle se firent l'accolade. Mr Weasley semblait très excité, et ils comprirent tous vite pourquoi. Un couple se tenait à l'écart, semblant un peu perdu et jurant dans leurs habits Muggles au milieu des robes de sorciers. Rook reconnu la jeune fille à leur côté et Blaise fit la grimace. Il n'avait pas oublié l'humiliation de l'année dernière, après qu'il se fut retrouvé à la seconde place derrière Hermione Granger. Celle-ci fit semblant de ne pas les voir. Elle discutait avec Ron Weasley, qui ne fit lui-même aucun effort d'amabilité. Rook et Blaise leur rendirent la politesse, en les ignorant tout aussi royalement.
Les adultes avaient engagé la conversation, Stéphanie s'étant offerte comme guide pour Mr et Mrs Granger, visiblement rassurés. L'enthousiasme d'Arthur Weasley pour les escapators et l'eckeltricité avait de quoi être effrayant pour quiconque n'y était pas habitué… Charlotte avait fait son chemin vers une fillette de son âge, que Rook reconnut comme étant la cadette des Weasley, et qui répondait au nom de Ginny. Ni les jumeaux ni Percy n'étaient visibles…
'Maman…,' fit Blaise, qui craignait que la discussion s'éternise. 'Je peux aller chercher moi-même des plumes et du parchemin ? J'y vais avec Rook…'
'Comme tu veux, chéri. On se retrouve tous chez Floorish and Blotts dans une heure… Attendez… vous ne prenez pas Hermione et Ron avec vous ?'
Mais les deux garçons avaient déjà filé, feignant de ne rien avoir entendu.
'Il me faut également renflouer ma liste d'ingrédients pour potion,' faisait Blaise, qui trottinait joyeusement à côté de son ami en relisant sa liste. 'Et je voudrais aussi aller chercher des bonbons… !'
'Ça t'ennuie d'y aller tout seul ?' demanda alors Rook, qui semblait avoir la tête ailleurs. 'J'ai… Enfin, je dois aller quelque part et… euh… Si tu pouvais me prendre de quoi renouveler mon stock d'ingrédients aussi. J'ai peur de ne pas avoir le temps de tout faire…'
Blaise jeta un regard aigu à son ami. Il était visible que pour lui tout ça sentait le prétexte à plein nez. Mais il ne dit rien et acquiesça silencieusement.
'On se retrouve chez Florian Fortescue. Je te payerais une glace, promis…' fit Rook, un peu ennuyé.
'Pas de problème,' fit Blaise, le sourire retrouvé. 'J'aime pistache, fraise, fruits de la passion et banane…' ajouta-t-il l'air mutin.
'Bien compris…' grimaça Rook, qui sentait que son argent de poche allait y passer. 'À tantôt…'
Ils se séparèrent, et le brun suivit un instant Blaise des yeux. Quand il fut sûr que celui-ci ne pouvait plus le voir, il rabattit le capuchon de sa cape noire pour dissimuler son visage et s'engagea dans une allée discrète et tortueuse entre deux boutiques. Une vieille pancarte en bois indiquait Knockturn Alley.
Il chemina un moment le long de la rue sombre, sans prêter attention aux boutiques renfoncées d'aspects minables. Celles-ci semblaient toutes consacrées à l'exercice de la Magie Noire… et il était évident que Rook savait très bien où il allait. Il pressa le pas, resserrant sa cape autour de lui, indifférent aux regards furtifs que lui lançaient les quelques rares passants. Ici personne n'aimait vraiment se faire remarquer. Et ceux qui cherchaient les ennuis savaient toujours pouvoir les trouver à coup sûr. Enfin, Rook atteignit un des plus grands magasins, portant l'enseigne Borgin and Burkes. Une cloche sonna quand il entra. Un vieillard aux épaules voûtées apparut derrière le comptoir. Rook retira son capuchon.
'Par les cornes du Diable… Mais qui voilà donc !' fusa la voix railleuse et huileuse de l'homme. 'Et quel mauvais vent t'amène, Romeus ? Attends… dis-moi d'abord, comment va cette chère Anamaria… ?'
Rook eut une demi-grimace en pensant à la Grand-Mère et l'homme ricana.
'Elle ne change pas, la vieille chouette, hein ? Allez, dis moi ce qu'il te f…'
Mais le vieillard s'interrompit, fronçant les sourcils en regardant par dessus l'épaule de Rook. Le garçon se retourna et laissa échapper un grognement. À travers la vitrine poussiéreuse, il vit deux silhouettes s'approcher du magasin. Et l'une d'elle était bien la dernière qu'il eut voulu rencontrer ici, ou même dans Diagon Alley… Un coup d'œil au vieil homme et celui-ci comprit de suite.
'L'arrière-boutique…' chuchota-t-il, alors que Rook se faufilait derrière le comptoir et écartait une lourde tenture dissimulant un passage. À peine le tissu se fut-il rabattu que Draco Malfoy passait la porte.
De sa cachette, Rook pouvait voir la quasi-entièreté du magasin au travers des mailles de la tenture. Il détailla l'homme qui était entré tout de suite après Malfoy et qui ne pouvait être que son père : même teint pâle, même nez pointu, même assurance mêlée de nonchalance…
'Mr Borgin,' fit-il d'une voix suave, en saluant le vieillard.
Rook nota de suite que les manières de Borgin, qui avait semblé assez contrarié de voir les deux personnages arriver, étaient redevenues plus qu'aimables, presque onctueuses, quand il salua Lucius Malfoy et son fils.
'Mr Malfoy, quel honneur de vous recevoir dans ma modeste boutique !' Rook retint un sourire. La boutique de Mr Borgin était bien la moins modeste de tout Knockturn Alley… 'C'est une chance que vous passiez justement aujourd'hui,' continuait le vieillard d'un air faussement enjoué. 'Figurez-vous que je viens en effet à peine de recevoir…'
'Je ne viens pas acheter cette fois, Mr Borgin,' le coupa immédiatement Mr Malfoy. Et il lui présenta discrètement un bout de parchemin.
Rook vit les épaules de Mr Borgin se raidir un peu, bien qu'il ne changeât en rien ses manières onctueuses. Il lut attentivement le parchemin, Lucius Malfoy gardant discrètement un œil sur lui comme pour surveiller ses expressions. Cela ne sembla pas du goût de Borgin, qui renifla en se redressant.
'Puis-je emmener un instant cette liste à côté ? Il fait un peu trop sombre ici pour mes pauvres yeux fatigués… ' demanda-t-il presque mielleusement.
C'était évidemment un prétexte. Rook savait que Borgin n'aurait rien à gagner à insulter ouvertement ses clients – et encore moins de tels clients –, mais le garçon connaissait suffisamment le vieux grigou pour savoir que, même si rien dans son ton ou son attitude n'avait laissé deviner son irritation devant l'attitude de Malfoy, il y avait dû y avoir un quelque chose dans le regard qu'il avait posé sur son vis-à-vis. Et à voir le léger froncement de sourcil de Lucius Malfoy, le quelque chose n'était pas passé totalement inaperçu.
Pendant un court moment, Rook crut que l'homme allait reprendre à l'instant sa liste et s'en aller. Mais il semblait que Lucius Malfoy avait vraiment besoin de se débarrasser des objets figurant sur cette liste – et c'était sûrement ce que désirait savoir Borgin en agissant de cette manière. Car il n'y avait guère d'endroits, même à Knockturn Alley, où on pouvait se débarrasser aussi facilement de marchandises plus que douteuses, et où, surtout, on ne posait pas de questions embarrassantes – Borgin n'en posait d'ailleurs pas du tout. Aussi Mr Malfoy força-t-il son visage en un rictus qui se voulait un sourire, avant d'articuler un "Mais je vous en prie, Mr Borgin" à l'amabilité visiblement forcée.
'C'est moi qui vous en prie, Mr Malfoy,' rétorqua doucereusement Borgin, qui semblait prendre grand plaisir à cet échange de politesse teintée d'un fort relent d'hypocrisie. 'Faites donc le tour de la boutique en attendant. Peut être le jeune Maître Malfoy y trouvera-t-il quelque chose méritant son intérêt…'
Et Rook se renfonça dans son coin pour laisser passer le vieil homme.
Un instant il hésita à rejoindre Borgin pour jeter un œil à la liste, mais la tentation était trop grande d'épier un peu celui qui lui avait tant causé de problèmes l'année dernière. Connais tes ennemis… disait la Grand-Mère. Après tout, tout ce qu'il risquait ici était d'apprendre quelque chose qu'il put utiliser contre le blond, et ainsi pouvoir rabattre son insupportable caquet. Draco Malfoy était en train de fureter dans le magasin, observant les quelques masques hideux couvrant les murs et promenant son nez pointu au-dessus des étagères que Rook savait contenir toute sorte d'objets ensorcelés.
'Ne touche à rien, Draco !' claqua la voix sèche de son père.
'Mais tu avais promis que tu m'offrirais quelque chose pour mon anniversaire,' répondit d'une voix nonchalante le garçon.
'Je t'ai dis que tu aurais un nouveau balai de course…' rétorqua froidement Mr Malfoy, qui jeta un regard irrité vers la tenture. Ses doigts tambourinaient impatiemment sur le comptoir.
'Et à quoi ça me servira, si je ne puis pas faire partie de l'équipe ?' répondit Draco d'un ton aigre. 'Tout ça à cause du célèbre Rook Sharp et de sa cicatrice… Non content de me faire coller le jour des sélections, il arrive encore à se faire engager ! Quand je pense que même ce crétin de Ronald Weasley a obtenu une pl…'
'Tu m'as répété cela déjà suffisamment de fois !' le coupa son père, le dévisageant d'un œil noir. 'Et prend donc garde à la façon dont tu parles de Rook Sharp. Il n'est guère prudent de ne pas montrer la moindre sympathie envers celui que la plupart des nôtres considère comme le héros qui a fait disparaître le Seigneur des Ténèbres…'
'C'est du favoritisme…' maugréa Draco, alors que Rook faisait la grimace. Il n'avait jamais eu lui-même l'impression que le professeur Snape le favorisait… 'Pareil avec les Weasley, ces amoureux des Muggles, et cette Hermione Granger est la favorite des professeurs… sans oublier cette tête de singe de Blaise Zabini.'
'J'aurais cru que tu aurais eu suffisamment de fierté et d'honneur envers ton propre sang pour ne pas te faire battre au point par ces gamins issus de familles plus que douteuses…'
Draco, piqué au vif, rougit de colère, alors que Rook serrait les poings, outré par les paroles insultantes de l'homme. Mais il sentit une main apaisante sur son épaule et laissa à nouveau passer le vieillard.
'Ah Borgin, enfin !' s'exclama Malfoy d'un ton cassant. 'Je ne voudrais pas vous bousculer, mais j'ai encore de nombreuses autres affaires à mener à bien…'
Les deux hommes commencèrent alors à marchander et Rook se désintéressa de la suite, plongé dans ses pensées. Il savait exactement ce que reprochait Lucius Malfoy à Hermione Granger et à Blaise Zabini. C'était une chose dont aucun des deux n'étaient responsables : un de leurs parents, les deux dans le cas de Granger, était Muggle. Ce qui, selon Malfoy – et il n'était pas le seul à le penser –, faisait de leur sang un sang impur. Des Mudbloods.
Rook n'avait jamais vraiment réfléchi à l'injure que pouvait représenter ce surnom de Mudblood. Sa famille, comme nombre de vieilles familles de sorciers, s'enorgueillait de son sang pur, méprisant toute mésalliance, n'hésitant pas à couper les branches pourries de l'arbre généalogique… Durmstrang elle-même n'acceptait comme élèves que des enfants au sang-pur. Mais Rook ne s'était encore jamais interrogé sur le bien fondé de ce mépris.
S'il avait été à Durmstrang, probablement ne se serait-il jamais posé la question… Il n'aurait jamais rencontré d'étudiant semblable à Blaise Zabini, encore moins Muggle-born comme Hermione Granger. Et pourtant, il devait bien se rendre à l'évidence : Blaise était doué, très doué… Même plus que lui-même en certain domaine, devait-il bien reconnaître. Et Hermione Granger n'étaient pas en reste non plus… Rook ne croyait pas qu'ignorer de tels talents fut bon pour la communauté magique. Comparé à eux deux, Marius, qui était pourtant de sang-pur lui aussi, ne leur arrivait pas à la cheville : il n'arrivait même que rarement à lancer un sort sans provoquer une catastrophe.
Et Rook savait aussi que les sorciers n'étaient pas assez nombreux pour pouvoir se passer d'alliance avec des Muggles. Sans cela, la communauté magique aurait depuis longtemps périclité, son sang peut-être pur, mais affaibli et dégénéré par la consanguinité.
La voix de Borgin le ramena à la réalité. Rook s'aperçut que les Malfoy étaient partis et le magasin était de nouveau vide. Le vieil homme le regardait d'un air ironique.
'Alors on rêve éveillé ?'
'Hn… je réfléchissais.'
'Prend garde à la surchauffe, alors, gamin… C'est ce qui arrive quand on n'est pas habitué,' ricana Borgin. 'Alors, tu n'aimes pas les Malfoy ?'
'Et vous-même ? Qu'en pensez-vous ?' répliqua Rook, qui se garda bien de répondre.
'Un nid de vipères !' cracha le vieillard en s'enfonçant à nouveau dans l'arrière boutique, suivit cette fois par le garçon. 'Une vieille famille du sang pur, soit, et tu sais comme je respecte cela… Et aussi beaucoup d'influence… autant que l'argent puisse en donner, et crois moi, Lucius Malfoy en a, de l'argent… Mais un nid de vipères tout de même !! Regarde-moi ça, mon garçon…'
Rook jeta un coup d'œil sur le parchemin que Borgin avait gardé. Il haussa un sourcil surpris, avant de suivre la liste d'un œil visiblement non dénué d'intérêt.
'Quelque chose t'intéresse là-dedans ?' ricana à nouveau le vieillard. 'Je dois aller enlever la marchandise demain à Malfoy Mansion …'
'Pas immédiatement, non…' murmura Rook, qui parcourut une seconde fois la liste, doutant visiblement de ce qu'il y lisait. 'Est-ce que… Est-ce que Lucius Malfoy garde vraiment tout ça chez lui… ?!'
'Oh ! Et je parie que ça n'en est pas la moitié !' rétorqua Borgin, avec un sourire en coin. 'En tout cas, il semblait bien pressé de s'en débarrasser…'
'J'avais remarqué aussi… Pourquoi, à votre avis ?'
'Weasley,' fit sans hésiter le vieil homme. 'On parle beaucoup d'un nouveau…'
'Muggle Protection Act…. ' termina sans même y penser Rook, l'évidence le frappant à l'instant.
'Si tu le sais, pourquoi me le demandes-tu, chenapan ?'
'Il est certain que la possession de tels poisons pourrait lui apporter des ennuis, mais le Ministère oserait-il vraiment s'en prendre à lui ?'
'Je ne pense pas, le nom de Malfoy impose encore un certain respect… Et il a de nombreux amis au Ministère, dont cet imbécile de Fudge.'
Cornelius Fudge était l'actuel Ministre de la Magie de Grande-Bretagne. Rook en avait déjà entendu parler, et à chaque fois, les propos tenus à son égard ne semblaient être guère obligeants. Selon certains, il était même incapable de prendre la moindre décision sans envoyer au préalable un hibou à Dumbledore pour lui demander son avis. D'aucuns regrettaient que l'actuel directeur de Hogwarts ait toujours refusé de quitter sa chère école pour la tête du Ministère…
'Quoiqu'il en soit,' avait continué Borgin, 'ce vieux serpent de Malfoy reste prudent, et il a bien raison… Au fait, tu ne m'as pas dit ce que tu étais venu chercher cette fois ?' 
Rook ressortit quelques instants plus tard, un paquet soigneusement dissimulé dans une des poches de sa cape. Il remontait ainsi la ruelle sombre, pressé de retourner dans la Diagon Alley probablement maintenant baignée de soleil, quand une voix le fit soudain sursauter.
'ROOK ! Kes'tu fiches ici ?'
C'était Hagrid. Rook se morigéna intérieurement de ne pas avoir remis le capuchon de sa cape. Que ce bavard impénitent de Hagrid l'ait surpris ici n'était pas pour lui plaire… Il allait devoir inventer quelque chose pour expliquer sa présence ici. Mais le géant ne lui laissa pas même le temps de dire un mot, il lui avait saisi le bras et l'entraînait déjà. Rook cligna des yeux sous la lumière vive quand ils émergèrent sur la Diagon Alley.
'Keski t'as prit d'aller te prom'ner dans Knockturn Alley ?!' s'exclama le géant. 'Y'a pas plus mal famé !!'
'Je suis désolé, Hagrid,' répondit calmement Rook, qui dégagea son bras de son étreinte. 'Je me suis perdu, c'est tout… Je ne connais pas encore bien l'endroit, vous savez…'
C'était un bien gros mensonge, car Rook avait déjà eu toute l'opportunité de découvrir les lieux l'année dernière, les quelques jours qu'il était resté à attendre après la visite de Hagrid jusqu'au premier septembre. Et la Knockturn Alley avait été la première place qu'il avait exploré, Mr Borgin étant une vieille connaissance de la Grand-Mère. Mais bien sûr, le géant ne se doutait de rien de tout cela… Et donc la réponse de Rook sembla le satisfaire, bien qu'il continua à marmonner sur les dangers que pouvait représenter un tel endroit pour un garçon de l'âge de Rook.
'Et vous-même ?' demanda alors le brun, l'air faussement innocent. 'Qu'y faisiez-vous, si c'est si mal fréquenté ?'
Le géant grogna.
'Je v'nais chercher du Flesh-Eatin' Slug-Repellent. Ces sal'té d'limaces dévorent tous les choux du potager… Je n'savais pas qu't'étais d'jà rev'nu. Pourquoi t'as répondu à aucune d'mes lettres ?'
Rook lui raconta alors rapidement sa rencontre avec Dobby, tout en occultant soigneusement l'histoire du complot. Tout en marchant, ils avaient atteint la terrasse du glacier Florian Fortescue. Blaise y était déjà installé, attendant son ami, mais il n'était pas seul…
'Youhou !! Hagrid !! Rook !' fit la voix joyeuse de Marius, alors qu'il faisait des grands signes pour attirer leur attention.
Les jumeaux Weasley étaient là aussi, qui les accueillirent avec un grand sourire.
'Où traînais-tu, Rook ?' dit Fred.
'Ça fais une éternité qu'on t'attend…' ajouta George.
'Il paraît que tu dois nous offrir une glace…' finirent les deux en même temps avec un large sourire alors que Rook répliquait d'une grimace.
'Je m'étais perdu…' répondit le brun, priant pour que Hagrid n'en rajoute pas. Bien inutilement cependant…
'J'l'ai r'trouvé dans Knockturn Alley !!' s'exclama le géant d'un air sombre.
'Fabuleux !!' s'exclamèrent les jumeaux d'une même voix.
'Maman n'a jamais voulu que j'y aille…' ajouta Marius avec un air d'envie, alors que Hagrid roulait des yeux.
Blaise, lui, ne dit rien, et Rook s'efforça de ne pas croiser son regard soupçonneux. Le petit garçon était suffisamment futé pour se douter que si Rook s'était retrouvé dans Knockturn Alley, ce ne devait pas être par hasard… sinon pourquoi aurait-il pris la peine de lui demander de le laisser seul ?
'Bon, main'nant que t'as r'trouvé les aut', j'peux y'aller… Les enfants, on s'revoit à Hogwarts, hé !'
'Au revoir, Hagrid !'
Le géant s'en fut de son pas lourd, et les garçons suivirent un instant sa haute silhouette surplombant aisément la foule.
'Devinez qui j'ai vu chez Borgin and Burkes tout à l'heure… ?' fit Rook d'un air mystérieux quand ils se furent tous retrouvé devant leur glace. 'Draco Malfoy et son père…'
Blaise écarquilla les yeux et Marius fit la moue – la rancune de l'albinos envers Draco Malfoy ne semblait pas avoir disparue. Les jumeaux eurent une réaction toute différente. Ils ne semblèrent d'ailleurs pas étonnés par la nouvelle…
'Est-ce que Lucius Malfoy a acheté quelque chose ?' questionna Fred.
'Non il venait vendre…'
Les jumeaux s'échangèrent un sourire narquois.
'Il est inquiet…' lâcha George avec une évidente satisfaction. 'Papa aimerait tant le coincer…'
Ils durent se hâter de finir leur glace, car il était maintenant grand temps qu'ils retournent retrouver leurs familles chez Flourish and Blotts. Malheureusement, il semblait que tout Diagon Alley s'y soit donner rendez-vous… Une foule immense se pressait contre les portes. Une grande banderole était accrochée à la façade :

GILDEROY LOCKHART
dédicacera son autobiographie
MAGICAL ME
aujourd'hui de 12.30 à 16.30

'Je l'avais oublié, celui-là,' grommela Marius.
Rook n'avait encore jamais entendu parler de Gilderoy Lockhart. Il en était même très étonné, car au vu des livres qu'il avait écris, ce devait être un célèbre aventurier… Pourtant il était surpris du public qui se pressait ici. Très peu d'hommes ou de jeunes gens… mais principalement des sorcières, et de tous les âges … et nombres d'entre elles étaient atteintes d'un étrange tic : elles ne cessaient de se recoiffer nerveusement tout en essayant de se frayer un chemin – parfois même de force ! – parmi les autres. La foule était telle qu'il leur était impossible de voir si les Weasley et les Zabini étaient déjà là. Les jumeaux s'éloignèrent de leur côté, ayant cru apercevoir leur frère aîné Percy.
Marius se faufila adroitement, ses amis derrière lui, pour rejoindre une femme que Rook devina être sa mère. Celle-ci avait de longs cheveux noirs parcourus de quelques mèches argentées, et des yeux aussi pâles que ceux de son fils. Elle était habillée de façon très élégante et accueillit les trois garçons avec un sourire charmant.
'J'ai déjà prit tous tes livres, mon Bichon,' fit la sorcière d'une voix un peu grave dont les accents distingués trahissait une excellente éducation.
Et elle lui montra fièrement la pile dans ses bras. Marius fit la grimace, soudain très gêné de s'entendre appeler mon Bichon juste devant ses amis. Blaise et Rook détournèrent à l'instant les yeux, et l'albinos eut la furieuse et désagréable impression que c'était pour dissimuler un sourire. Et pour rajouter à son inconfort, Mrs Nott passa une main dans les nuages capillaires mouvants (© Cryss) couvrant la tête de son fils, tentant d'y apporter le semblant d'ordre qu'il y manquait continuellement.
'Essaye donc un peu d'arranger ça, Bichon,' fit-elle d'un air ennuyé devant l'absence de résultat. 'On va bientôt le voir…'
Et elle reporta vite son attention devant, car la file avançait. Rook ne pouvait encore clairement discerner Gilderoy Lockhart qui signait ses livres, mais les photographies qui entouraient le sorcier était bien visible, elles. On y voyait Lockhart lui-même qui lançait des clins d'œil à la foule en prenant des poses, semblant hésiter constamment à déterminer lequel de ses profils étaient le plus avantageux.
'Cabotin…' murmura le brun entre ses dents, alors que la mère de Marius vérifiait soudain son maquillage dans un minuscule miroir de poche.
Il avancèrent encore un peu et enfin les garçons purent voir le célèbre auteur. Rook écarquilla les yeux, alors que Blaise et Marius se retenaient soudain d'éclater de rire.
Gilderoy Lockhart était vêtu d'une robe de sorcier bleue. Bleue myosotis pour être exact, et ce, probablement, pour s'assortir parfaitement à la couleur de ses yeux. Son chapeau pointu était négligemment posé sur ses cheveux délicatement ondulés et il avait noué autour de son cou une énorme cravate bouffante. Son visage semblait perpétuellement figé en un immense sourire découvrant largement ses dents qu'il avait blanches et étincelantes et il parlait d'une voix très affectée. Ses façons maniérées semblaient particulièrement plaire aux sorcières présentes qui ne cessaient de se trémousser bizarrement devant lui en gloussant, mais pour les trois garçons, tout cela leur semblait du dernier ridicule. Que les femmes étaient donc étranges…
Un petit homme tournait nerveusement autour de Lockhart en prenant des photos avec un gros appareil. Celui-ci laissait échapper une lourde fumée violette à chaque fois qu'était déclenché le flash aveuglant. Il était tellement affairé qu'il bouscula Marius en reculant.
'Dégagez !' aboya-t-il hargneusement. 'Vous voyez pas qu'je travaille ? Allons ! C'est pour le Daily Prophet !'
Marius allait répondre plus que vertement quand Lockhart releva la tête pour les dévisager, et son regard, passant indifférent sur Marius et Blaise, s'écarquilla soudain alors qu'il s'arrêtait sur Rook.
'Par tous les sangs !' s'exclama-t-il en se levant brusquement de sa chaise. 'Mais est-ce que ce n'est pas… Le-Garçon-Qui-A-Survécu ??!'
Et alors que des chuchotements excités parcourait soudain la foule, Rook grimaça, souhaitant à l'instant pouvoir se transformer en taupe et ainsi s'enfuir le plus profondément sous terre… Lockhart s'était précipité et lui avait agrippé le bras, l'entraînant malgré lui vers sa table sous les applaudissements alors que le photographe les mitraillait sans pitié.
'Ça, ça va faire la une !!' ne cessait de marmonner l'homme, au plaisir visible de Lockhart et au grand désespoir de Rook qui pensait être en train de se payer la honte de sa vie.
Quand le photographe eut cessé de leur tourner autour, il tenta à nouveau de se dégager, mais il était dit que sa torture ne cesserait pas encore. Lockhart, en effet, le retenait d'une poigne ferme et ne semblait pour rien au monde vouloir le laisser s'échapper… Celui-ci leva une main impeccablement manucurée et le silence se fit immédiatement.
'Mesdames, Mesdemoiselles et Messieurs,' s'exclama-t-il, visiblement tout à son affaire. 'Que voilà un moment extraordinaire !!'
Mais pourquoi n'était-il pas resté à manger des glaces chez Florian Fortescue, gémit intérieurement Rook, hésitant entre se fracasser le crâne sur le bureau, ou y fracasser celui de Lockhart. Celui-ci était lâché, et il était évident que rien ne pourrait le retenir… Il commença par lui offrir une copie dédicacée de son dernier livre Magical Me – et la foule à nouveau applaudit, alors que Rook rongeait son frein. Lockhart enchaîna ensuite sur une nouvelle sensationnelle, époustouflante, et qui selon lui allait enchanter des générations d'heureux jeunes sorciers… et Rook commença à avoir sérieusement peur. Mais rien n'aurait pu le préparer à une telle catastrophe…
'En effet, Mesdames et Messieurs…' continuait Lockhart, sa voix vibrante d'excitation, 'J'ai le plaisir et l'infime fierté de vous annoncer qu'à partie de la rentrée de septembre, moi, Magical Me,' – et il fait un clin d'œil qui fit grimacer de dégoût Rook et se pâmer d'aise les sorcières au premier rang – 'j'assurerai les cours de Défense contre les Forces du Mal à la Hogwarts School of Witchcraft and Wizardry !'
Un juron particulièrement ignoble s'échappa des lèvres de Rook. Il était heureux qu'ici tout le monde ignorât le roumain…

*
'Je le déteste, je le hais, je l'exècre, je l'abomine, je… je…'
'On dirait qu'il commence à manquer de vocabulaire,' lâcha négligemment Marius que la vision de son ami hors de lui amusait visiblement beaucoup.
'Je l'abhorre, je le honnis, je le VOMIS !!'
'Tu crois que je devrais prendre des notes ? J'ai peur de pas pouvoir me souvenir de tout…'
Blaise lui jeta un regard noir qui fit taire l'albinos pour de bon.
Dès qu'il avait pu s'échapper de l'emprise de Lockhart, Rook s'était réfugié dans un coin de la boutique, suivi de ses amis, et avait commencé à y déverser toute la rage et la honte qu'il ressentait. Il avait laissé tombé la pile de livre qu'il portait – la collection entière des œuvres de Lockhart, que celui-ci lui avait gracieusement offert – et avait entreprit de gracieusement les piétiner.
'Écoute, Rook, ce n'est pas si grave…' commença Blaise, avant d'être interrompu par la dernière personne que le brun eut voulu être au courant de cette déshonorante exhibition.
'Alors c'était bon, Sharp ?' susurra voluptueusement Draco Malfoy. 'Tu as aimé… ? Ah la célébrité… Même plus moyen d'entrer dans une simple librairie sans faire la une des journaux…'
'Ferme-là, Malfoy' cracha Marius, alors que Rook pinçait les lèvres, pâle de rage contenue.
'Qu'est-ce qu'il y a, Nott ?' s'exclama Draco, changeant instantanément de ton. 'T'es son impresario, c'est ça ? Je dois prendre un rendez-vous, maintenant, pour parler à Famous Sharp ?'
Blaise retint de justesse l'albinos avant qu'il ne se jette sur son ennemi attitré qui n'avait pas quitté son sourire narquois.
'Ça a du t'étonner de voir Rook ici, pas vrai, Malfoy ?' lui fit alors le petit brun d'un ton froid. Blaise n'avait pas oublié la détestable plaisanterie de Dobby.
'C'est de voir Nott dans une librairie qui m'a stupéfié,' rétorqua le blond avec un rictus carnassier. 'J'ignorais qu'il savait aussi lire… Mais il vrai que c'est bien la seule chose qui ne requiert point l'usage de la magie.'
Cette fois, Rook dû venir aider Blaise à retenir un Marius écarlate, qui semblait visiblement déterminé à se faire une descente de lit en peau de Malfoy. Heureusement pour eux, surgit Mr Zabini, qui les cherchait.
'Ah vous voilà ! Mais qu'est-ce que vous fichez ici ? Allez, on s'en va… Quelle foule, ici… !'
'Tiens, tiens, tiens… Quelle coïncidence. Pietro Zabini…' fit alors une voix nonchalante, aux accents doucereusement condescendant.
'Lucius…' salua Mr Zabini d'un bref signe de tête, sa bonne humeur habituelle fondant instantanément.
C'était tout comme si la température dans le magasin venait de faire une chute instantanée d'au moins dix degrés. Lucius Malfoy venait de rejoindre son fils et toisait de toute sa hauteur le petit Mr Zabini, une main posée sur l'épaule de Draco. Tous deux présentaient la même attitude dédaigneuse, affichaient le même air méprisant. Mr Malfoy haussa un sourcil indubitablement aristocratique quand le reste des familles Weasley et Zabini les rejoignirent, les Granger sur leurs talons. Hermione et Ron se tinrent à l'écart, le nez froncé. Ils n'aimaient pas plus Draco que la bande de Rook.
'Cher Arthur…' minauda Mr Malfoy, et l'air se chargea soudain d'électricité. 'Quel plaisir… Avec tout ce travail au Ministère, toutes ces perquisitions, je n'osais espérer vous voir vous libérer…'
Et parcourant d'un regard critique les robes élimées et les livres de seconde main des enfants Weasley, de Percy qui avait les sourcils légèrement froncés, à la cadette qui se tenait craintivement derrière son chaudron, il soupira d'un  air affecté.
'Il est visiblement évident qu'ils refusent de vous payer toutes ses heures supplémentaires… C'est assez navrant. À quoi bon déshonorer ainsi le nom de sorcier si vous n'en recevez rien de plus… ?'
Mr Weasley devint soudain aussi rouge que ses cheveux. Apparemment, le colérique Ron avait de qui tenir. Rook ne perdait aucune miette du spectacle… Si ces deux-là en venaient aux mains – ce qu'il était prêt à parier – cela promettait d'être du plus haut comique. Percy regardait d'un air assez nerveux derrière lui, cherchant Mrs Weasley qui s'était attardée auprès de Lockhart. La petite femme replète était sûrement la seule à pouvoir désamorcer la bombe…
'Nous n'avons pas la même vision de ce qu'est l'honneur d'un sorcier !' s'était exclamé Mr Weasley, bouillonnant de colère contenue.
'Visiblement,' railla en retour Mr Malfoy. 'Et vous n'êtes pas le seul…' Et son regard, qui avait fusillé Mr Zabini, passa lentement à sa femme, puis au Granger, qui semblait de plus en plus mal à l'aise. Mr Zabini, lui, s'était empourpré, ainsi que Blaise, et Rook lui-même avait senti une colère sourde s'emparer de lui quand il avait vu l'étincelle de dédain dans les yeux gris quand ceux-ci s'étaient posés sur Stéphanie… La jeune femme, quant à elle,  se retenait visiblement à grand peine de gifler l'impudent.
'Je n'aurais pas cru que votre famille puisse tomber aussi bas…' ajouta encore Mr Malfoy d'une voix teintée d'un soupçon évident de mépris.
C'était une parole de trop.
Les chaudrons de Charlotte et Ginny se renversèrent soudain, balayés par Mr Weasley qui venait de se jeter sur Mr Malfoy. Rook dut s'écarter vivement afin de ne pas se faire écraser mais bouscula Blaise, qui en lâcha ses livres. Les deux hommes se retrouvèrent à se battre dans un nuage de poussières, au milieu des œuvres de Lockhart appartenant aux quatre jeunes gens, alors que Mrs Weasley accourait en criant 'Arthur !! Arthur !!' suivie par quelques vendeurs.
Il fallut la poigne puissante de Hagrid qui passait justement par là pour les séparer.
'Ah ça suffit !! Voyons, Gentlemen !!' fit-il de sa voix puissante, alors qu'il redressait d'un coup un Mr Weasley aux cheveux tous ébouriffés. Mr Malfoy, lui, s'arracha vivement à sa poigne, les yeux étincelant de colère et se releva seul. Il avait ramassé un des livres qui jonchaient le sol – un vieil exemplaire de A Beginers' Guide to Transfiguration – et le lança rageusement dans le chaudron renversé devant Ginny.
'Reprend donc ça, jeune fille…,' lâcha-t-il d'un ton cinglant. 'C'est le mieux que ton père puisse t'offrir !'
'M'sieur Malfoy, j'vous prie d'rester correct ! Arthur !! Bon sang, restez ici !! Pietro, v'nez m'aider…'
Pendant que Hagrid et Mr Zabini essayait d'empêcher les deux hommes d'à nouveau s'écharper tout vif, Marius aidait Blaise, Rook, Charlotte et Ginny à ramasser et sauver leurs livres épars… Marius tendit la main pour saisir un exemplaire de Break with a Banshee quand il laissa échapper un cri de douleur.
'Oh désolé, Nott,' ricana Draco alors que l'albinos massait ses doigts maltraités. 'Je n'ai pas fait attention, j'ai cru que c'était une limace…'
'Toi je vais te…' bondit Marius, mais personne ne devait jamais savoir ce qu'il comptait faire à Malfoy, car une voix claqua soudain qui le stoppa net.
'MARIUS !!'
C'était sa mère. Elle était plus pâle encore qu'une morte, et attira vivement à elle son fils, l'entourant d'un bras protecteur. Ses yeux effrayés étaient fixés sur Mr Malfoy. Les sourcils de celui-ci s'arquèrent légèrement, comme s'il venait de la reconnaître, après l'avoir déjà rencontrée en un autre lieu et en un autre temps. Ses lèvres s'étirèrent en un sourire mauvais et il la salua d'un onctueux signe de tête, ne la quittant pas de son regard perçant. Marius sentit sa mère frémir et l'entraîner.
'On s'en va…' fit-elle dans un souffle.
'Mais, m'man…'
'Dépêche-toi !'
Effrayé par son ton, le garçon saluant hâtivement ses amis avant de suivre la jeune femme, qui fit un détour afin de ne pas passer trop près de Malfoy.
Malfoy la suivit un instant des yeux, avant de se draper dans sa cape d'un geste altier.
'Vous comprendrez que mon temps est trop précieux pour ainsi être gaspillé avec des personnes de tempérament aussi… instable.'
Son regard s'était vrillé à celui d'Arthur Weasley qui s'empourpra à nouveau, mais l'homme avait déjà fait demi-tour. Il intima sèchement à son fils de le suivre et sortit d'un pas raide du magasin. Draco lança un regard venimeux à Rook et à Blaise avant de lui emboîter le pas.
Mrs Weasley commença à sermonner sévèrement son mari, aidée de Hagrid et de Mr Zabini, Stéphanie, elle, prenant la défense d'Arthur Weasley. Les Granger s'excusèrent hâtivement, et s'enfuirent presque de la boutique, visiblement très effrayés. Hermione était très pâle et semblait assez secouée.
Rook acheva d'aider Blaise, Charlotte et Ginny à trier les livres. Il réussit à échanger sa série dédicacée avec les filles, aussi ravies que lui de l'aubaine. Quand chacun eut récupéré ce qu'il lui fallait de livres, ils quittèrent à leur tour le magasin, alors que les vendeurs leur jetaient un sale œil, retenus cependant par la présence inquiétante du géant.
'C'est vraiment une honte…' continuait à marmonner Mrs Weasley à un Mr Weasley assez penaud, sur le chemin du Leaky Cauldron d'où tous devaient rentrer chez eux par Floo powder. 'Qu'est-ce que Gilderoy Lockhart a dû penser de nous !!'
'Il semblait assez ravi,' fit Fred à Rook et Blaise, en leur faisant un clin d'œil.
'Il a même demandé au type du Daily Prophet si cela allait figurer dans son reportage…' continua George.
'Il a dit que cela ferait une excellente publicité…' gloussa à nouveau Fred.
'Ce type est complètement idiot…' grogna alors Ron, de façon à ce que sa mère ne l'entende pas.
Pour une fois, Rook devait bien reconnaître qu'il était complètement d'accord avec le Gryffindor. Mais bien sûr, il se serait laissé arracher la langue plutôt que de l'admettre.