Chapitre Cinq : The Whomping Willow (27/09/2003)
– CHAPITRE CINQ –
The Whomping Willow
Toutes les bonnes choses avaient cependant une fin, et
à peine Rook commençait-il à s'habituer à la vie au Cosy Little Nest que les
vacances étaient terminées. Le matin du grand départ, le petit-déjeuner eut
un air un rien plus morose que celui des jours précédents, mais quand il fallut
descendre les valises et les bagages de l'étage dans le salon d'où ils devaient
tous prendre la Floo powder, les sourires étaient de retour. Rook et Blaise
devaient bien reconnaître que Hogwarts leur avait manqué et ils avaient hâte
de retrouver leur petit coin de dortoir, les fauteuils profonds de la salle
commune de Slytherin, la Grande Salle avec ses longues tables et ses festins…
Charlotte n'avait quasiment pas une seule fois adressé la
parole à Rook de tout son séjour, chose que le garçon commençait à trouver
assez bizarre – et pouvant même se révéler assez inquiétante du point de vue
de Blaise. Mais le brun eut pourtant l'occasion ce jour-là de voir la petite
fille faire une démonstration de son vilain caractère et de ses talents de
manipulatrice. Alors qu'elle apportait un dernier sac à dos à ses affaires,
Charlotte voulut y glisser son Puffskein.
'Non, ma chérie,' fit doucement Stéphanie qui vérifiait
pour la vingtième fois au moins la valise de Blaise. 'Je ne crois pas que
tu puisses prendre ton Fur-Fur avec toi…'
Les yeux de Charlotte s'étrécirent instantanément.
'Si je peux !' lâcha-t-elle d'un ton qui ne souffrait
aucune réplique.
'Oh non, tu ne peux pas,' répliqua non moins péremptoirement
sa mère, dont les sourcils se froncèrent à l'image de ceux de sa fille.
Les deux regards bruns se croisèrent, se jaugèrent, s'affrontèrent
sans qu'aucun ne se résigne à jeter bas les armes. Arriva heureusement à point
nommé Mr Zabini, médiateur attitré, et apparemment plus qu'accoutumé à ce
genre de scène.
'Et bien et bien… mes jolies princesses se disputent ?'
fit-il de son air le plus jovial, comme si les regards meurtriers que s'échangeaient
sa moitié et la chair de sa chair n'était rien d'autres qu'une gentille plaisanterie.
Rook apprécia son sang froid. Il se demanda comment réagirait la Grand-Mère
si lui-même se présentait ainsi, le sourire aux lèvres, tout son être empli
de cette délicieuse bonhomie, totalement décontracté, pour interrompre ainsi
une de ces trop fréquentes joutes oculaires opposant celle-ci à ses tantes,
en claironnant un 'Et bien et bien… mes jolies princesses se disputent ?'
lancé d'une voix chantante…
À proscrire, conclut instantanément le brun. À
moins de vouloir terminer ma vie sous l'aspect de quelque bête rampante ou
gluante à souhait. Heureusement, Stéphanie n'était pas la Grand-Mère…
Ce fut elle qui baissa le premier le regard, retournant s'occuper des bagages
de Blaise avec un soupir et grommelant quelque chose ressemblant à "vois ça
avec ton père…". Que Charlotte pris immédiatement comme une totale et absolue
abdication. N'était-elle La-Petite-Princesse-Chérie-Et-Adorée de son Pôpa ?
Blaise eut une grimace.
'Observe bien cette rusée petite vipère…' souffla-t-il à
l'oreille de Rook.
Celui-ci observa, en effet, la petite vipère se transformer
instantanément en une Adorable-Et-Pourtant-Immensément-Malheureuse petit souris.
Rook ignorait qu'il fut possible d'exprimer autant de désolation et d'affliction
dans un seul petit visage aux yeux larmoyants… Encore qu'il se rappelât un
certain regard de chiot abandonné d'un autre non moins certain petit Blaise,
l'implorant de le laisser l'accompagner à un dangereux duel de sorcier… Bien
que la sœur semblât à l'évidence exceller en l'exercice, l'aîné n'était pas
en reste. Rook se promit d'être plus ferme la prochaine fois, bien qu'il sut
le risque bien grand de se laisser encore prendre au piège.
Piège dans lequel Mr Zabini se jeta tête la première, et
avec tant d'enthousiasme qu'il s'y trouva englué jusqu'au cou, à l'évident
amusement – et peut-être léger agacement – de Stéphanie, qui ne quittait pas
du coin de l'œil sa fille en train d'embobiner soigneusement son cher petit
papa dans sa toile.
'Môman dit que je ne peux pas prendre mon Fur-Fuuuuuuuuur…'
geignit la pauvre pauvre petite souris d'une voix dont l'accent désespéré
devait être soigneusement et précisément calculé pour faire fondre le cœur
d'artichaut de Petit-Papa-Chéri.
Et Petit-Papa-Chéri de renchérir : 'Mais pourquoi elle
ne pourrait pas prendre son Fur-Fur avec elle, ma toute petite douceur ?
Voyons, Stéphanie, si elle…'
'Il ne s'agit pas de moi, Pietro,' le coupa net sa femme.
'C'est le règlement de l'école. Les élèves ont le droit d'emporter un chat
OU un hibou OU un crapaud ! Point.'
'Ah mais… euh… le règlement dit ça ?… Et bien… euh…'
Charlotte haussa un sourcil dubitatif vers son Petit-Papa-Chéri
qui semblait soudain bien embêté… Il n'allait tout de même pas la laisser
honteusement tomber ?! Ah bien, puisque c'était comme ça, elle allait
devoir employer les grands moyens. Et les culpabiliser. Tous.
Elle prit une profonde inspiration et…
'Mais Blaise, lui, il a put prendre son raaaaaaaaaaaaaaaaaaaaat !!'
Et en coup de grâce, la gamine éclata bruyamment en sanglots.
Cinq minutes plus tard, le Fur-Fur était bien à l'aise
dans son sac à bourdonner de contentement, alors que le Papa-Chéri essuyait
les larmes inondant le visage de sa petite princesse qui dissimulait à grand
peine un sourire satisfait, sous le regard presque admiratif de Rook qui se
retenait d'applaudir. Stéphanie secoua la tête en levant les yeux au ciel.
La naïveté des hommes… semblait-elle dire.
'Je l'savais bien que ça allait finir comme ça,' grimaça
Blaise à son ami. 'Et en plus, elle a réussi à me faire porter le chapeau…'
'Comment ça ?'
'Scabbers, maman m'avait interdit de le prendre, l'année
dernière. Mais je l'ai fait quand même en cachette… Et papa l'a vu, mais il
n'a rien dit.'
'À voir le sourire de ta mère, elle apprécie visiblement
l'ironie de l'histoire…' fit Rook, ses yeux pétillant de malice.
'Merci Rook, continue de m'enfoncer comme ça, j'apprécie
énormément… Si si, je t'assure.'
Enfin, ils furent tous prêt et Mr Zabini pris du dessus
de la cheminée la petite urne contenant la Floo powder. Blaise avait glissé
son rat dans sa poche, sans même un regard à sa mère. Rook, lui, avait envoyé
Jet à Hogwarts dès l'aube, la corneille n'ayant jamais consentit à voyager
dans une cage comme le plus commun des hiboux.
Stéphanie passa la première, suivie par Charlotte. Mr Zabini
les suivit et Rook jeta à son tour sa poignée de poudre dans les flammes.
Celles-ci montèrent à nouveau presque au-dessus de sa tête et il s'avança,
criant à haute voix 'Diagon Alley'. En effet, de là, ils devaient tous
prendre le Knight Bus pour la gare de King's Cross.
Pourtant cette fois, le voyage ne sembla pas se passer
comme prévu. Au moment où il s'était jeté dans l'âtre, les flammes avaient
vacillé un court instant, mais cela avait été si brusque qu'il n'y avait pas
pris garde… Un courant d'air peut être ? Mais le reste ne se déroulait
absolument pas comme d'habitude… Tout allait trop vite, et il avait à peine
le temps de voir les cheminées défiler devant lui. Le bruit était insoutenable,
et le tourbillon l'enveloppant faisait claquer sa cape autour de lui, poussait
ses cheveux dans ses yeux, et manquait à chaque instant de le faire vaciller
sous le poids de ses bagages. Puis soudain tout ralentit et Rook se sentit
projeté en avant. Il atterrit brutalement sur un sol dur et ses bagages s'éparpillèrent
autour de lui. Il se releva et parcourut des yeux une pièce sombre qu'il ne
reconnut pas dès l'abord, mais dont il était sûr ne pas être le petit salon
du Leaky Cauldron. Quelque chose le frappa soudain dans le dos, le propulsant
à nouveau sur le sol de pierre. Un gémissement le renseigna : où qu'il
soit arrivé, Blaise, qui devait passer après lui, s'y était retrouvé aussi.
Que s'était-il passé ? Y avait-il eu un disfonctionnement du Floo Network ?
'Rook…' chuchota craintivement la petite voix de Blaise.
'Où on est… ?'
Les deux garçons se relevèrent et regardèrent tout autour
d'eux. Rook sentit alors son cœur se serrer. Il reconnaissait cette pièce…
Il reconnaissait ces gens sur ces tapisseries, à demi-assoupis… ce sol dur
et froid… cette austère et antique cheminée.
'Oh Blaise…' gémit-il.
'Quoi ?!'
'Je sais où on est, Blaise… On est chez moi. C'est Twilight
Castle… On est en Roumanie, Blaise. On est en Roumanie… !'
'Shhhht !!'
Son index sur les lèvres, Rook lui intima silence, ne le relâchant qu'après que le petit brun eut hoché de la tête signalant qu'il avait compris.
'Pourquoi on doit se taire ?' chuchota Blaise.
'Je ne veux pas qu'ils sachent que je suis là, pardi !!' rétorqua Rook sur le même ton.
'Qui ça, ils ?'s'inquiéta le petit brun.
'Ma famille, pardi !'
'Mais pourq…'
'Parce qu'ils pourraient m'empêcher de retourner en Angleterre… Je t'ai déjà qu'ils voulaient que j'aille à Durmstrang, non ?!'
Rook, pendant qu'ils parlaient, avait saisi un coffret trônant au milieu de la cheminée et l'avait ouvert. Il y prit une poignée de Floo powder et la jeta dans l'âtre. Rien ne se produisit.
'Qu'est-ce que ça veut dire… ?'
'J'en sais rien, Blaise… on dirait que le Floo Network est en dérangement.'
Les yeux du petit brun commencèrent à se mouiller de larmes.
'Rook ! On va rater le Hogwarts Express… Et que vont dire papa et maman, s'ils ne nous voient pas arriver ? Et si on arrive pas à retourner en Angleterre… ?'
'Ne dis pas de bêtises… On va trouver un moyen…'
'Mais on ne peut pas y aller par Floo powder… On sera jamais là à temps…'
Blaise commença à pleurnicher doucement et Rook retint un soupir d'exaspération. Mais il devait bien reconnaître que la situation était assez perturbante. Que s'était-il passé avec ces cheminées ?? Pourquoi n'avaient-ils pas abouti au Leaky Cauldron ? Et pourquoi ici justement ? Tout ça sentait le piège à plein nez… Il devait trouver une solution. Il n'avait aucune chance de réussir à attirer Ariella seule ici, sans que la Grand-Mère ou une des tantes ne remarque quoi que ce soit… Il ne voyait qu'une autre personne à qui il pourrait demander de l'aide : son cousin Karol. Mais Karol devait être à la réserve des Romanian Longhorns…
'Blaise, ramasse tes affaires. On s'en va…'
'On va où ?' hoqueta le petit brun.
'On va se promener… C'est une surprise, tu vas adorer…'
Les deux garçons entassèrent leurs valises et Rook lança un sort de lévitation pour les transporter. Blaise s'effara mais Rook lui expliqua qu'ici personne ne vérifiait si le Decree for the Reasonable Restriction of Underage Sorcery était respecté ou non. Rook entrouvrit alors la porte et, après avoir vérifié que le couloir était vide, s'enfonça dans les profondeurs du château, son compagnon sur les talons.
'Il n'y a personne ?' s'étonna Blaise.
'Il y a deux heures de décalage entre ici et Londres. Ils doivent tous déjà être en train de déjeuner…'
Après avoir cheminé un instant dans des couloirs en plus en plus obscurs, Rook s'arrêta devant un tableau représentant un dragon endormi. Il murmura alors un mot que Blaise ne comprit pas, ce qui était normal puisque c'était du roumain. Le pan de mur où était accroché le tableau pivota et révéla un passage secret. Rook fit passer les bagages qui continuaient de flotter en l'air puis fit signe à Blaise d'entrer à son tour.
'Lumos,' fit le petit brun, quand le passage se referma derrière Rook. L'extrémité de sa baguette éclaira des murs de pierres nus qui s'enfonçaient dans l'ombre.
Les deux garçons suivirent le passage qui descendait régulièrement dans les entrailles du château. Bientôt l'air se fit de plus en plus frais et humide, et le sol se couvrit de mousse glissante.
'On passe sous les douves,' murmura Rook, qui semblait très bien connaître le chemin.
En effet, au-dessus et autour d'eux, les pierres étaient suintantes et luisaient à la faible lueur de la baguette de Blaise. Il parcoururent ainsi quelques 200 mètres, puis ils atteignirent des marches qui remontaient vers la surface. Ça montait, ça montait, ça montait encore… Enfin, ils atteignirent l'extrémité de l'escalier. Juste un large palier mais sans aucune issue. Rook murmura un nouveau mot de passe, et le pan de mur devant eux glissa pour leur laisser le passage.
Blaise s'avança le premier dans ce qu'il lui sembla être une vieille chapelle. Il cligna des yeux sous les rayons de soleil entrant à flot à travers les baies colorées et annula le sort de sa baguette.
'On va laisser les bagages ici, on ira plus vite…' fit Rook, entraînant son camarade dehors.
En sortant, Blaise se retourna pour regarder la chapelle. Elle était assez petite et probablement très ancienne. Une inscription en latin figurait au-dessus de la porte, mais tellement encombrée par la végétation grimpante qu'il parvint difficilement à en déchiffrer quelques mots. Mais tout lui sortit rapidement de la tête quand il vit le paysage autour de lui. La chapelle était située à l'orée d'une immense forêt, derrière le château dont il apercevait d'ici les hautes et majestueuses tours pointues. Celui-ci surmontait une vallée profondément escarpée et encaissée, au milieu de laquelle serpentait une rivière jusqu'à un petit village beaucoup plus bas… La forêt couvrait le pan entier de la montagne derrière eux, qui se prolongeait à l'horizon en une chaîne sans fin de pics et de gorges profondes. Les Alpes de Transylvanie…
'La réserve est par-là…' fit Rook qui s'enfonça le long d'un sentier dessous les frondaisons.
'La réserve ? Celle des dragons ??! On va voir des dragons ?!! Mais… Rook attends-moi !!!'
Rook obliqua à un moment : ils n'avaient pas besoin d'aller aussi loin que le camp de base. Karol était stationné en un autre endroit, son équipe s'occupant d'un projet un peu spécial. Mais Rook ne voulut rien dire de plus à Blaise… Celui-ci ne posa d'ailleurs pas de question : il ne semblait guère à l'aise, et jetait des coups d'œil inquiet de tous côtés. Progressivement, Rook se fit plus prudent : ils ne devaient pas se faire remarquer. Personne en dehors du personnel n'avait le droit de se trouver ici, signala-t-il à son compagnon. Bientôt, il émergèrent dans une vaste clairière à flanc de rocher. Plusieurs tentes étaient dressées là, du matériel était dispersé à gauche à droite, mais il n'y avait âme qui vive.
'Karol a peut-être été appelé ailleurs avec son équipe…' murmura Rook alors qu'ils parcouraient les lieux à la recherche de quelqu'un.
'Une réunion au camp de base ?' suggéra Blaise.
'C'est encore possible… On va devoir l'attendre.'
Blaise grimaça. Combien de temps avaient-ils perdus déjà ? Le train devait être en route depuis belle lurette… Comment allaient-ils réussir à rentrer chez eux ?
'Viens voir ça, Blaise… J'ai une surprise pour toi,' fit alors Rook, qui l'entraîna à l'écart vers ce qui lui sembla être un effondrement de rocher.
Mais ce n'était pas un effondrement de rocher. C'était bien un amoncellement de gros blocs de pierre, mais ceux-ci n'avaient pas été amassés au hasard… il formait un enclos. Un immense enclos dont le dernier mur était constitué de la montagne même. Rook l'amena vers une anfractuosité suffisamment large pour permettre le passage à un être humain… mais visiblement pas assez pour laisser s'enfuir ce qui était gardé là. Blaise s'avança doucement et poussa un cri de surprise.
Au milieu de l'enclos, sommeillant paisiblement, était un dragon. Un jeune dragon plutôt, n'ayant pas encore atteint sa taille définitive, mais quand même déjà plus grand qu'un éléphant adulte. Des volutes de fumées s'échappaient de ses naseaux à chaque respiration, sa tête posée sur des deux membres antérieurs croisés. Et ce dragon avait quelque chose de familier… ces ailes membraneuses immenses et hérissées de pointes, qui même repliées faisait penser à un très vieux parapluie… ces crêtes noires descendant tout le long de son dos… jusqu'à cette façon qu'il avait de sortir le bout de sa langue fourchue pendant son sommeil…
'Norbert…' siffla Blaise, médusé.
À ce moment, le dragon se réveilla en sursaut, plongeant ses grands yeux oranges et globuleux dans ceux des deux visiteurs. Avec un cri aigu, il se releva et se précipita vers les deux garçons. Blaise poussa un cri en retour et recula si précipitamment qu'il trébucha et tomba, au bord de la panique. Mais à sa grande surprise, Rook entra carrément dans l'enclos tout en continuant d'appeler l'animal. Celui-ci vint s'arrêter à ses pieds, présentant avec un plaisir manifeste son museau que le brun entreprit de caresser.
'N'aie pas peur, Blaise. As-tu oublié qu'il est apprivoisé ? Karol a perfectionné son dressage et il a fait un travail formidable… Je suis venu plusieurs fois voir les progrès. Karol lui a même appris à …'
Mais Rook s'interrompit soudain, les yeux écarquillés. Une idée semblait l'avoir soudain frappée. Une idée folle. Insensée… Mais ça pouvait marcher.
'Oh Blaise… Je sais comment on va faire… Je sais comment on va rentrer en Angleterre. Et aussi comment on va retourner à Hogwarts !!'
'Ce n'est pas ÇA, Blaise, c'est Norbert !! Et Karol m'a déjà emmené faire un tour une fois et je suis toujours vivant…'
'Vivant, oui, mais fou !! Avoue que tu es tombé… et sur la tête sûrement !!'
'Blaiiiiiiiiiise ! On va pas y mettre des heures !!!'
Norbert était gentiment couché à attendre que les garçons aient fini de se disputer. On venait de lui mettre son harnais, avec les deux sièges correctement arrimés sur le dos, et on avait annulé la barrière magique qui surplombait l'enclos. Ça voulait donc dire qu'on allait se promener… Et il adorait se promener. Il était très impatient, mais il voulait bien attendre encore un peu que ces petits humains arrêtent de faire du bruit. Mais si ça durait trop longtemps, et bien, il partirait se promener tout seul… Rook, qui sentait venir l'embrouille, escalada l'animal comme Karol lui avait montré et s'installa sur le siège de gauche. Il y a avait un siège de chaque côté de la crête, au niveau des ailes, qui était aussi l'endroit le plus confortable pour voyager à dos de dragon, parce qu'on y sentait le moins les mouvements de l'animal. Imprimant une légère traction sur les guides, Rook fit pivoter Norbert qui s'approcha de Blaise. Celui-ci ne put retenir un cri de terreur quand le dragonneau baissa son nez vers lui. Blaise n'aimait vraiment pas les dragons.
'Il ne te fera rien. Il est déjà de l'espèce la plus facile à apprivoiser et à dresser, mais en plus il a éclos chez des humains !! Et chez Hagrid ! Je suis persuadé qu'il saura retrouver le chemin. Comment crois-tu que l'on pourrait se rendre à Hogwarts sans le train ?'
'On devrait attendre ton cousin… ou envoyer un hibou… ou…'
'Je ne sais pas quand Karol doit revenir, il peut être parti pour des jours. Et il faudra au moins 24 heures à un hibou pour attendre l'Angleterre. Et autant pour le retour… Un dragon est plus rapide, et peut nous emmener, nous, ce qui est plus efficace qu'une lettre ! Alors tu viens ?'
'Tu… tu vas pas partir sans moi… ?' fit la petite voix de Blaise. Ses grands yeux bruns se mouillèrent de larmes mais Rook ne céda pas. Il commençait à connaître les trucs de son petit ami manipulateur… Blaise dut bien se résoudre à s'approcher du dragon et Rook l'aida à s'installer sur le siège. Quelques instants plus tard, ils avaient décollé.
Ils passèrent d'abord à la chapelle reprendre leur bagage qu'ils arrimèrent solidement au harnais de Norbert. Le dragonneau devait sentir que quelque chose d'exceptionnel se passait parce qu'il était de plus en plus nerveux… Les deux garçons mirent tous deux leur lourde cape d'hiver, et leurs gants. Les pouvoirs magiques d'une créature telle qu'un dragon était trop fort pour qu'on puisse lui jeter un Disillusionment Charm qui fonctionne, aussi auraient-ils à voler à très haute altitude. Ajouté à cela la vitesse de vol du dragon, qui était assez élevée pour les Norwegian Ridgebacks comme Norbert, ils devaient s'attendre à avoir froid…
Enfin, ils redécollèrent, et Rook fit obliquer sa monture direction plein Ouest. Ses ailes immenses déployées, le dragon pris de plus en plus d'altitude, jusqu'à atteindre le dessus des nuages. Solidement arrimés à leurs sièges, Blaise et Rook se remplirent les yeux de l'image de cette mer mouvante et cotonneuse, baignée par les rayons du soleil.
'Tu crois qu'on arrivera en combien de temps ?'
'Les Ridgebacks sont les plus rapides après les Peruvian Vipertooth. Le voyage devrait lui prendre 6 ou 7 heures à mon avis… On sera là avant le Hogwarts Express !'
'J'espère…' soupira Blaise, qui regrettait le confort et surtout les friandises vendues dans le train.
Il n'y avait en effet pas grand chose à faire à bord d'un dragon… Ils mangèrent en silence les sandwiches que leur avait préparés Stéphanie, mais ils n'avaient rien pris à boire. De temps en temps, au travers d'une trouée dans les nuages, ils pouvaient discerner la terre tout en bas, et Rook en profitait pour vérifier leur route.
'Voilà le Danube. On a plus qu'à en suivre le cours jusqu'à sa source. Puis on suivra le Rhin jusqu'à son embouchure.'
Il commençait à faire vraiment chaud malgréle vent qui leur battait la figure. Rien ne les protégeait des rayons mordant et ils commencèrent à avoir soif… Et ils pensèrent au délicieux jus de citrouille glacé que l'on vendait dans le Hogwarts Express. Pourquoi n'avait-il pas pu suivre les autres ? Pourquoi s'était-il retrouvé à la place en Roumanie ?!
'C'est peut être encore Dobby…' finit par lâcher Blaise.
'Dobby ? Tu crois vraiment qu'un House-Elf aurait pu faire ça ?'
'Ils ont de grands pouvoirs magiques. Personne ne sait exactement de quoi ils seraient capables livrés à eux-mêmes…'
'Et Malfoy l'aurait obligé à faire ça ? C'est un peu gros, non ? Je sais qu'il ne m'aime guère, mais de là à pirater le Floo Network…'
'Ce n'est peut être qu'un disfonctionnement temporaire… une coïncidence.'
Mais ni Rook ni Blaise n'y croyait vraiment…
'Hagrid… Va chez Hagrid,' répétait-il sans que le dragonneau semble comprendre quoi que ce soit. 'Hagrid !! Enfin, tu te souviens bien de Hagrid, non ? Môman, comme il disait…'
Et à cet instant, Norbert eut comme un sursaut de compréhension et lâcha un coassement aigu…
'Mais bien sûr,' fit Blaise. 'Môman !! Il ne connaît pas le nom de Hagrid. C'est sa Môman, c'est tout !! Môman ! Chez Môman, Norbert !! Allez, on va voir Môman !!'
Et Norbert de virer Ouest-Nord-Ouest sans une once d'hésitation. Ses battements d'ailes redevinrent enthousiastes, et il s'éleva à nouveau bien haut, sa fatigue oubliée… Il allait revoir Môman !!
Mais la fatigue était toujours là et revint bientôt à la charge, insidieuse. Norbert n'était après tout qu'un jeune dragonneau d'à peine 4 mois et c'était une bien longue route que lui avait imposée là les garçons. Le soir était tombé et le dragon continuait à perdre régulièrement de l'altitude. Il commençait aussi à souffler d'épuisement et Rook se demanda s'ils arriveraient à destination, ou si le dragon n'allait pas s'écraser soudain sur une maison, avec eux sur son dos.
'Allez, bébé… on va y arriver,' le flatta le brun en lui tapotant les flancs en guise d'encouragement. 'On y est presque …' Et il priait pour que cela fut vrai.
Et en effet bientôt, le paysage se fit de plus en plus familier. Soudain…
'Rook ! Là devant !! Regarde !!!'
Les hautes tours effilées de Hogwarts leur apparurent enfin dans la lueur du soleil couchant, ainsi que l'étendue pourpre du lac, et la forme sombre de la Forbidden Forest. Il était temps. Norbert peinait de plus en plus. Mais il semblait lui-même se réjouir d'avoir finalement atteint son but. Le dragon amorça sa descente.
'Doucement, Norbert,' s'exclama Rook, saisissant les guides. 'Tu vas trop vite.'
Mais Norbert avait hâte d'arriver… Il piqua vers le lac, frôla la surface aux reflets métalliques au grand effroi de ses passagers qu'il éclaboussa au passage, et en profitant pour avaler une large goulée d'eau froide avant de reprendre légèrement de l'altitude. Rook voyait s'approcher les parois du château à toute allure…
'On va foncer dedans…' gémit-il en tirant sur les guides.
Le dragon incurva ses ailes, vira souplement, frôlant les murs du château… Il les longeait maintenant, déterminé à se rendre immédiatement chez Hagrid sans plus tarder mais Rook tenta de le faire virer à nouveau vers les pelouses.
'Tu as le temps, Norbert… Laisse-nous descendre d'abord !!'
Mais Norbert n'était pas d'accord !! Il était fatigué et voulait aller retrouver Môman ! Il se débattit dans ses traits, et commença à faire des soubresauts…
'Woooh !!! Arrête !' cria Rook inutilement.
Mais le dragon en avait assez… Il cherchait maintenant à se débarrasser de ces humains encombrants qui l'empêchait de rejoindre Môman tout de suite. Alors qu'il se débattait avec les rênes, Rook entendit soudain le cri de Blaise.
'Atention ! Là !! L'aaaaarbre !!!'
Mais il était trop tard. Dans un craquement de branche effroyable et un glapissement de terreur de Norbert, le dragon prit l'arbre de plein fouet. Sous son poids, l'arbre ploya légèrement et le dragonneau glissa au sol, son harnais se rompant à l'instant, propulsant ses deux jeunes passagers et leurs bagages au sol. Le dragon roula sur lui-même avant de s'immobiliser avec un grognement.
Quand Rook se redressa, ce fut pour entendre un deuxième grognement. Un grognement furieux.
'Uh oh… Norbert est pas content…'
'Aie… Tu m'étonnes,' gémit Blaise en se remettant péniblement sur son séant. 'Quel chute !! Tu n'as rien ?'
'Non, mais…' Le garçon s'interrompit pour regarder l'ombre massive du dragon. Norbert s'était relevé, et secouait rageusement la tête. Lui non plus n'avait pas apprécié la chute. Il ronfla de colère vers l'arbre, comme pour lui reprocher de s'être trouvé bêtement sur sa route. Et à la surprise de Rook, l'arbre attaqua le dragon ! Oui, il n'avait pas la berlue !! L'arbre bougeait et avait commencé à envoyer furieusement ses branches dans la figure du pauvre Norbert. Celui-ci vit sa rage décuplée et claqua des mâchoires, cherchant à attraper ses branches mouvantes qui l'assaillaient. Il piétina nerveusement le sol, secoua sa crête de colère… Une fumée blanche s'échappa de ses naseaux alors que ses yeux étincelaient.
'Il… il va cracher Rook !! Il va tout incendier !!!'
Mais le brun s'était déjà précipité vers le dragon…
'Arrête, Norbert !! Non !' Mais il y eut un profond sifflement alors que la bête prenait une longue inspiration…
C'est trop tard… il n'écoutera pas… Il va tout brûler… pensa Blaise avec horreur. Mais alors Rook cria quelque chose qui lui glaça les sens. Avait-il seulement crié quelque chose ? Cela avait semblé n'être qu'un long sifflement… Mais Norbert s'était figé. Le dragonneau tourna la tête et poussa comme une plainte, à laquelle Rook répondit à nouveau de ce son horrible… inhumain… Alors Norbert secoua sa tête reptilienne et fit demi-tour en s'éloignant pesamment dans la direction de la cabane de Hagrid.
Blaise se releva et rejoignit son ami, tremblant légèrement.
'Qu'est-ce que… tu … tu parles aux dragons, maintenant ?'
Rook se retourna, et Blaise crut voir un instant un éclair de panique dans ses yeux sombres.
'Je… oui. Je peux parler leur langue…' fit-il, comme sur la défensive.
'Woow… c'est cool…' fit Blaise, les yeux écarquillés.
'Ben… tu sais, la plupart du temps, ils font quand même que ce qu'ils veul… aouch !!'
'Rook ! Qu'est-ce que… Aie !'
'Attention… baisse-toi, c'est l'arbre !! Il nous a vu…'
'Tu ne parlerais pas la langue des arbres non plus, par hasard ?' fit Blaise qui s'éloignait précipitamment en se tenant le bras, là ou la branche l'avait frappé.
'Désolé, non…' répondit Rook qui le suivait en essuyant le sang qui gouttait d'une légère ouverture à la tempe. 'Mais je ne crois pas que celui-là daigne écouter quoique ce soit…'
Il faisait nuit noire et ils se dépêchèrent de ramasser leurs bagages. Quelle heure pouvait-il être ? Si le train n'était pas encore arrivé, ils n'auraient qu'à attendre pour se faufiler dans la masse des élèves cheminant jusqu'au château. Peut être que personne n'aurait remarqué leur absence dans le train ? Mais si tous étaient déjà là et installés… Comment allaient-ils faire ?
Après tous les évènements de cette journée, il était épuisant de tirer ainsi leurs valises tout le long de la pelouse, puis de les hisser en haut de l'escalier de pierre jusqu'aux grandes portes de chêne. En passant devant les hautes fenêtres de la Grande Salle, ils virent que celle-ci était déjà remplie d'élèves riant et bavardant. Il reconnurent le professeur McGonagall qui posait le Sorting Hat sur un tabouret.
'Ils vont commencer le Sorting,' gémit Blaise. 'On est vraiment en retard…'
'Et je suis particulièrement impatient et curieux de savoir ce que vous aller me raconter pour justifier cela…' fit alors une voix glacée derrière eux, qui les fit se retourner d'un bloc.
Surgissant de l'ombre, majestueusement inquiétant dans son ample cape noire à peine agitée par la brise, les dominant de toute sa hauteur et de sa suffisance, le professeur Snape les fusilla de ses petits yeux noirs et inquisiteurs. Le léger plis de sa bouche les assurait que tout ce qu'il avait pu avoir connu comme déboires lors de cette journée n'était en rien comparable avec ce qui les attendait.
Dobby, Norbert, l'Arbre-Qui-Cogne et maintenant Snape. Vraiment je hais ma vie, conclut silencieusement Rook.
Le bureau de Snape n'avait pas changé depuis la dernière fois que Rook s'y était retrouvé, après l'incident de l'année dernière lors du premier cours de Vol. Toujours aussi lugubre que son propriétaire, pensa-t-il amèrement. Les étagères étaient couvertes de livres poussiéreux et de bocaux renfermant des choses putrides et répugnantes. Blaise se serra en tremblant contre lui. Qu'est-ce qu'ils allaient pouvoir inventer pour se défendre ? Il était hors de question de raconter la vérité… S'ils savaient jamais qu'ils avaient pris un dragon, ils seraient renvoyés. Mais ce n'était quand même pas de leur faute si la Floo powder n'avait pas fonctionné !!
Snape vint s'asseoir tranquillement à son bureau. Ses coudes reposant sur la table, il appuya son menton au creux de ses doigts joints et les dévisagea un moment, le visage impassible.
'Ainsi donc, ce qui est assez bien pour tout le monde ne l'est plus assez pour Famous Sharp ?' fit-il finalement de sa voix suave. 'Il faut quelque chose d'un peu plus… tape-à-l'œil, c'est cela ? Un besoin irrépressible de se faire remarquer… ?'
Rook sentit ses joues s'empourprer. La honte de la séance de photos avec Lockhart lui revint en mémoire… Bien sûr, Snape avait dû voir l'article. Comme s'il avait pu vouloir rechercher ce genre de publicité ! Il serra les dents.
'M'sieur, c'est pas not'faute…' commença la voix larmoyante de Blaise. 'C'est la Floo…'
'Silence !' claqua le voix de Snape alors qu'il se redressait. 'Où. Est. Le dragon ?'
Les deux garçons pâlirent instantanément. Comment Snape savait-il pour le dragon ? Ce n'était pas possible… Ce n'était pas la première fois cependant qu'ils avaient l'impression que le professeur pouvait lire dans leurs pensées, et deviner leur moindre intention. Mais Snape leur glissa alors sous les yeux le dernier numéro de l'Evening Prophet. UN DRAGON VOLANT TERRORISE DES MUGGLES pouvait-on lire en première page.
'On vous a vu !' siffla-t-il. 'Des dizaine de Muggles ont vu ce dragon survoler leur village… Certains ont prévenus la police, d'autres ont même pris des photos ! Ils en ont parlé au journal du soir !! Vous savez le temps que tous cela va encore faire perdre aux membres de l'Office of Misinformation ? Comme s'ils n'avaient pas de choses plus urgentes à faire que de réparer des blagues de collégiens !!'
Snape s'était levé et parcourait la pièce d'un pas sec et nerveux, sans quitter Rook des yeux. Celui-ci regardait fixement devant lui, et rien ne venait altérer l'expression dure de son visage.
'C'est la deuxième fois que vous êtes mêlé à une histoire de dragon, et je commence à craindre que la première n'ait pas été seulement une mauvaise farce… !'
Blaise gigota, mal à l'aise, et regarda fixement ses chaussures en tiraillant le bas de ses manches. Le professeur se pencha alors soudain devant lui.
'Je crois que votre père travaille pour la Beast Division, Mr Zabini…' lâcha-t-il négligemment. 'Avez-vous pensé une seule minute aux ennuis que tout cela risquait de lui apporter ?!'
Blaise hoqueta, ses yeux se remplissant à l'instant de larmes. Rook semblait de plus en plus furieux d'instant en instant, mais bizarrement seuls ses yeux étincelaient. Tout le reste de sa personne paraissait empreinte d'un calme et d'une assurance que Blaise aurait bien eus du mal à imiter. Mais sous cette façade impénétrable, il n'en menait pas large. Il n'avait en effet pas pensé un seul moment aux ennuis que cette histoire pouvait provoquer à Mr Zabini… Il pensa soudain à Karol. Qu'est-ce que celui-ci allait penser quand il découvrirait que Norbert avait disparu ? Et allait-on le blâmer pour cela ? Pouvait-on le renvoyer pour avoir laissé le jeune dragon sans surveillance ? Et Hagrid ? Il n'avait pas pensé non plus au demi-géant qui avait fait éclore clandestinement un œuf de dragon…
Snape, lui, semblait extrêmement jouir de la situation et du pétrin dans lequel les deux garçons s'étaient jetés, juste sous ses pieds.
'Et comme si cela ne suffisait pas en soi-même, alors qu'à la demande du Directeur j'effectuais des recherches dans le parc – car curieusement, et bien que cela semble vous être complètement égal, il y a ici des personnes qui semblent devoir se faire du souci pour les deux pauvres idiots que vous êtes –, j'ai pu constater de visu que des dommages considérables avaient été causés à un Whomping Willow d'une valeur inestimable… Qu'avez-vous à répondre à cela ?!'
'Ce n'était pas nous,' lâcha alors Rook d'une voix calme et ferme.
Les yeux de Snape s'étrécirent soudainement, ses narines palpitèrent. Il revint doucement se planter juste devant Rook, le fusillant de son regard vide et impénétrable.
'Pas vous ?' articula-t-il lentement. 'Et cela… ?' Et il pointa de sa baguette la coupure que portait Rook à la tempe. 'Qu'est cela si ce n'est un coup porté par une branche de cet arbre ? À moins que vous ne vous fussiez fait cela… tout seul ? Vous pensiez peut-être qu'une deuxième cicatrice vous apporterait plus de gloire et de reconnaissance ?' railla-t-il.
'Non, Monsieur,' répondit sèchement Rook, se refusant à répondre à l'attaque malgré son sang bouillonnant. 'Cela a bien été provoqué par votre… Whomping Willow, dites-vous ? Mais c'est lui qui nous a attaqués, Blaise et moi, alors que nous passions simplement. Vous ne pensez quand même pas sérieusement que nous aurions pu lui causer, à seulement nous deux, tous ces dommages considérables…'
'C'est votre dragon qui en est responsable !' cracha Snape, son poing heurtant violemment son bureau. 'Il y avait des traces de griffes !'
'Seulement, Monsieur, nous n'avons jamais eu de dragon,' rétorqua Rook toujours aussi calmement.
Snape sembla soufflé par tant d'assurance et d'évidente hypocrisie.
'Vous n'avez jamais eu de dragon ?…' répéta-t-il, comme s'il pouvait difficilement croire que Rook avait osé affirmer cela.
'C'est évident. Où aurions-nous pu trouver un dragon à Londres, Monsieur ?'
Peut-être qu'ajouter cette nuance de persiflage n'était pas ce qu'il y avait eu de plus adéquat ? Non, décidément pas. Snape le dévisageait étroitement maintenant, épiant la moindre de ses réactions, le plus petit frémissement, la plus infime goutte de sueur perlant sur son front, qui aurait pu trahir sa culpabilité.
'Alors vous niez qu'il y ait eu un dragon ?' articula calmement le professeur, détachant nettement chacune des syllabes. 'Et ces Muggles étaient donc probablement tous saouls ou sous l'emprise de je ne sais quelle substance illégale et psychotrope ? Victime d'une … hallucination collective ?!'
Rook devait bien reconnaître qu'il avait encore du chemin à faire en regard du professeur en matière de répartie cinglantes et sarcastiques à souhait…
'C'est sans nul doute ce que l'Office of Misinformation leur fera croire, Monsieur,' fit-il finalement, pesant ses mots pour la suite. 'Mais rien ne dit qu'il n'y ait pas eu effectivement un dragon. J'ai juste dit que ce n'était certainement pas le nôtre et que nous ne sommes absolument pas venus par son moyen…'
'Et comment êtes-vous donc venu, alors ?' contre-attaqua de suite Snape. 'Expliquez-moi donc cela, Monsieur Sharp. Pourquoi n'étiez-vous point à bord du Hogwarts Express ?'
C'était là que les choses commençaient à devenir sérieuses. Toujours impassible en apparence, Rook énonça calmement la version qu'il avait rapidement échafaudée. Il s'étonnait presque de voir à quel point les situations de stress intense pouvait développer sa rapidité de réflexion…
'Et bien, Monsieur,' commença-t-il d'une voix nette. 'Il semble qu'il y ait eu un disfonctionnement du Floo Network. Quand Blaise et moi avons emprunté la cheminée de ses parents pour nous rendre à la Diagon Alley ce matin, nous avons été transférés en un autre endroit…'
'Vraiment ?' le coupa le professeur, avec une nuance indescriptible de raillerie. 'Et peut-on savoir où exactement ?'
'Nous l'ignorons, Monsieur,' continua Rook de son même ton presque impersonnel. 'Un village, heureusement pas trop éloigné d'ici…'
'Hogsmeade ?' le coupa à nouveau Snape, un peu plus sèchement.
Rook senti Blaise fléchir à ses côtés. Qu'est-ce qu'était Hogsmeade ? Était-ce un piège ? Que devait-il répondre ? Oui ? Mais Hogsmeade était-il vraiment un village proche ? Snape n'essayait-il pas de le perdre avec une ruse grossière ? Était-ce cela qui avait fait tressaillir Blaise ? Ou était-ce parce que le petit garçon connaissait effectivement le village d'Hogsmeade ? Peut être en parlait-on dans Hogwarts : A History… ? Pourquoi n'avait-il jamais prit la peine d'ouvrir ce livre ? Parce qu'il fait près de 800 pages, qu'il est barbant, ennuyeux et qu'on n'y traite pas de Magie Noire, lui répondit une voix intérieure, qu'il pria de le laisser tranquille, arguant que ce n'était guère le moment de polémiquer… Snape s'impatientait… Que répondre ? Oui ? Non ?
'Je n'en sais rien, Monsieur. Je vous ai dit que j'ignorais où nous avions abouti…' Voilà. Tiens-toi juste à ton histoire… Les mensonges les plus simples sont les plus crédibles. Et ignore son reniflement…'Nous sommes donc venus à pied. Cela nous a quand même pris l'après-midi.'
'Et vous êtes venus à pied… vraiment ? En tirant tous vos bagages… Mais quel pitié !' Snape avait prit maintenant un ton concerné, presque aimable. Et Rook sentait nettement qu'il préférait de loin les remarques acerbes et sarcastiques du professeur. Au moins celles-ci ne lui faisaient pas dresser les cheveux sur la tête, alors qu'une centaine de sonnettes d'alarme carillonnaient soudain dans sa tête "Danger ! Danger !". Mais d'apparence toujours aussi imperméable à ces subtiles variations dans le discours de leur Directeur de Maison, Rook resta d'un calme impassible que lui enviait sûrement son jeune compagnon, plongé dans un mutisme épouvanté.
'Et aucun de vous n'a eu la brillante idée d'envoyer un hibou ?' fit alors Snape, loin de sembler aussi touché par leurs soi-disant mésaventures que son ton eut pu le faire penser à quiconque ne l'aurait pas aussi bien connu que ses élèves et ses collègues. 'Que sais-je… ? Chercher au moins à prévenir quelqu'un de votre déconvenue ? Je pensais que vous aviez une corneille, Monsieur Sharp…'
Oh l'attaque perfide.
'En effet, Monsieur,' répondit Rook, loin de se laisser démonter. 'Mais elle ne voyage pas avec moi, elle ne supporte pas d'être enfermée…'
Et un coup dans l'eau… au moins, ce fait était aisément vérifiable.
'Bien sûr… Comme c'est commode !' s'exclama Snape d'un ton ironique, mimant un discret applaudissement. 'Et tout s'explique… ! Et malheureusement, vous n'avez rencontré personne et il n'y a donc aucun témoin autre que vous deux pour confirmer cette…. invraisemblable histoire ?!'
'Hélas non, Monsieur.'
Et l'évidence frappa Rook : Snape ne le croyait pas… Bien sûr.
'Monsieur Sharp… ?' susurra doucement Snape.
'Oui, Monsieur ?'
'Est-ce que j'ai l'air aussi idiot que vous semblez bien vouloir le croire ?!'
Le ton était mielleux, sucré… mais emplit d'un tel fiel qu'à ses côtés il entendit Blaise déglutir péniblement sa salive. Le petit garçon semblait ne plus oser faire un geste, se demandant même si respirer était quelque chose de vraiment avisé… Difficile de s'en passer cependant, dut se résoudre celui-ci en expirant et inspirant avidement. Rook avait à peine cillé. À voir son expression, Blaise se demandait même si la situation ne l'amusait pas follement.
L'amuser ? Non, Rook ne trouvait pas ça particulièrement amusant… Excitant ? Peut-être… Snape n'avait pas cru un mot de son histoire… Mais il savait aussi que celui-ci n'avait aucun moyen de prouver que tout n'était que ramassis de mensonges et fariboles… Sûrement la raison pour laquelle il ne rigolait visiblement pas. Loin de là. Même si son attitude semblait plus que légère, il lui avait rarement vu un regard aussi menaçant et chargé de méchanceté. Rook s'attendait presque à lui voir de la fumée lui sortir des narines, comme à Norbert tantôt.
'Je dois retourner au banquet,' fit cependant Snape, contre toute attente, après ce qui avait semblé être à Rook un long moment d'intense réflexion et de combat intérieur. 'Quant à vous, vous allez rester ici jusqu'à la fin du souper, puis vous filerez directement à votre dortoir. Je ne veux plus avoir à faire à vous ce soir, c'est clair ? Cette nuit, moi et les autres professeurs nous fouillerons les environs ainsi que la Forbidden Forest. Et je vous assure que nous trouverons ce dragon. Et qu'aussitôt que nous l'aurons trouvé, vous serez renvoyé. Tous les deux. Définitivement. Bien le bonsoir, Messieurs…'
Et il gagna la porte, sa cape noire claquant derrière lui. Mais au moment de sortir, il se retourna vivement.
'Oh, j'oubliais…'
Et négligemment, d'un léger mouvement de sa baguette magique, il fit apparaître sur son bureau un plat rempli de sandwiches ainsi qu'un pichet de jus de citrouille et deux gobelets.
'Je ne voudrais pas prendre le risque de vous laissez mourir d'inanition dans mon bureau avant d'avoir eu l'immense plaisir et privilège de vous signifier votre renvoi…'
Et cette fois il sortit en claquant la porte.
Blaise et Rook s'effondrèrent en même temps sur leur siège. Rook semblait particulièrement épuisé… tenir ainsi tête au maître de Potions lui avait pris toutes ses forces. Il n'y avait effectivement aucune preuve qu'ils soient venus à dos de dragon, personne ne les ayant effectivement vu, eux, et apparemment Snape s'en était très bien rendu compte. Même si celui-ci était persuadé de l'authenticité de l'histoire, sans preuve manifeste, il ne pouvait rien. Il pouvait toujours les punir pour ne pas être venus avec les autres à bord du Hogwarts Express, ou pour ne pas pouvoir mieux expliquer la façon dont ils s'étaient débrouillés pour rejoindre malgré tout le château, bien sûr. Mais sûrement pas les renvoyer pour cela.
Seulement, si Snape mettait sa menace à exécution, si lui et les autres professeurs exploraient la Forbidden Forest et trouvaient Norbert… Ils leur seraient alors facile d'identifier l'animal – tous les dragons nés en captivité étaient recensé par le Ministère, et Norbert, bien qu'ayant éclos clandestinement, avait été de même répertorié dès son arrivée dans la réserve des Longhorns. Il y aurait dès lors un grand risque qu'ils puissent remonter la piste jusqu'à Rook… Ils n'avaient plus qu'à espérer que le dragonneau se soit réfugié en un endroit inaccessible, et n'avait pas eu l'idée saugrenue d'attendre Môman Hagrid tranquillement couché sur le paillasson de sa cabane.
Après avoir englouti autant de sandwiches qu'il le purent – ceux-ci se renouvelant au fur et à mesure – ils gagnèrent silencieusement le couloir de leur Salle Commune. Quelqu'un les y attendait, appuyé négligemment contre le pan de mur dissimulant le passage secret. Marius les rejoignit en trois bonds, ses yeux brillants d'excitation.
'Est-ce que c'est vrai ??! Oh dites-moi que c'est vrai… Vous avez vraiment fait ÇA ? Allez, dites-moi… !!'
'Te dire quoi ?' fit Rook, un peu ennuyé, et ne sachant ce qu'il devait répondre à l'albinos.
'Est-ce que vous êtes vraiment venu sur le dos d'un dragon ?!' s'exclama alors Marius.
'Beeeeeeen…'
Les deux bruns s'entreregardèrent. Blaise haussa les épaules et Rook se décida alors.
'Tu ne le répèteras à personne ?' fit-il en baissant la voix, avant de continuer après que Marius eut juré. 'Oui, on est venu à dos de dragon. Avec Norbert, en fait, tu te rappelles de lui… ?'
'WAAAAAAAAAAAAAAH!!! C'est méga-super-ultra-génialisiiiiiiime !!!'
'Mais pas un mot hein ??!'
'Juré juré !! Rooooh mais c'est diiiiiiiingue !!!'
Rook laissa le temps à Marius de récupérer de sa surprise et quand le garçon en eut fini avec ses exclamations enthousiastes, lui demanda la formule pour entrer. N'ayant encore rencontré aucun Préfet, il ignorait le nouveau mot de passe de l'année.
'Draco Volans…' fit fièrement Marius. 'On vient de le changer,' ajouta-t-il avec un clin d'œil.
Mais à peine le passage se fut-il ouvert qu'ils furent happés à l'intérieur pas de nombreux bras enthousiastes. L'histoire avait bien évidemment fait déjà tout le tour de l'école, et visiblement les Slytherin comptaient bien célébrer cet exploit… Eux n'avaient pas besoin de preuve pour assurer leur certitude, quelque force que mirent les deux bruns dans leurs dénégations. La petite fête dura bien au-delà de l'heure du couvre-feu, les professeurs ayant mystérieusement abandonné leur poste au bon soin des Préfets et Préfets en Chef respectifs de chaque Maison pour une promenade dans la Forbidden Forest, comme l'avait annoncé Snape. Les deux amis, épuisés par cette éprouvante journée, et lassés de devoir répéter constamment et inutilement "qu'ils n'étaient pas venus à dos de dragon" furent les premiers à gagner le silence de leur dortoir habituel. Celui-ci portait maintenant l'indication Deuxième Année, et Crabbe, Goyle et Malfoy y étaient déjà couchés, ayant refusé de prendre part aux réjouissances. À leur entrée, Malfoy grogna et se retourna dans son lit, avant de se dresser soudainement en leur jetant un regard mauvais.
'Alors, Famous Sharp est vraiment prêt à tout pour qu'on parle de lui, hein ? Même à venir à l'école sur un dragon…'
'Nous ne sommes pas venus avec un dragon. Tu ne devrais pas prêter ainsi attention à d'aussi stupides rumeurs, Malfoy !' rétorqua Rook, ulcéré.
'Stupides rumeurs, hein ? Certains profs seront peut-être assez idiots pour le penser, mais moi, je sais que ce n'est pas la première fois que vous êtes mêlés à une histoire de dragon. J'ai vu l'année dernière celui que vous avez fait éclore chez ce balourd de Hagrid. N'oublie jamais ça, Sharp !'
Blaise ouvrit la bouche pour rétorquer, mais la referma de suite. Rook lui-même était soudain moins assuré.
'Je me tue à le répéter : nous ne sommes pas venus avec un dragon !' fit-il finalement.
'Raconte ça à qui tu veux, mais pas à moi !'
Le blond renifla de dédain, avant de fermer les rideaux de son lit d'un geste sec. Un peu inquiet, les deux autres s'apprêtèrent pour se glisser au lit, tentant de trouver le sommeil malgré le joyeux bourdonnement qui montait de la Salle Commune.
Quelques temps après, le silence se fit soudainement et ils entendirent les pas précipités des élèves dans les couloirs ainsi que des chuchotements étouffés. Marius rentra alors vivement dans la pièce, le visage plus pâle encore que d'habitude. Il leur raconta vivement que Snape venait de surgir dans la Salle, et qu'il n'avait pas l'air content du tout du tout du tout. Il n'avait rien dit, mais son regard avait été suffisant pour geler instantanément le moindre de ses Slytherin jusqu'aux septième année qui avaient soudain semblés aussi effrayés que lors de leur propre Sorting. Les Préfets étaient à coup sûr en train d'essuyer un fameux savon…
Blaise et Rook se félicitèrent d'être montés si tôt. Une deuxième entrevue avec Snape aujourd'hui était vraiment la dernière chose qu'ils auraient pu supporter. Ignorant cependant si la mauvaise humeur de leur Directeur venait du fait seulement de la fête improvisée ou de l'incapacité des professeurs à retrouver le dragon, ils sombrèrent dans un sommeil agité.
